Paragraphe 2 : Le contrôle concomitant du receveur de
la collectivité locale
Sur le fondement des articles 340 de la loi organique
n°001/2014 sur la décentralisation, « le receveur de la
collectivité locale68 exerce sur les actes budgétaires
locaux un contrôle concomitant de régularité des
pièces justificatives à l'exécution du budget ».
Autrement dit, le receveur municipal ou départemental recouvrent
les recettes et règlent les dépenses ordonnancées, selon
le cas, par le maire ou le président du conseil départemental.
Quoiqu' agent de l'Etat, le comptable public local exerce ses
fonctions au nom de la collectivité locale. À ce titre, il veille
à la régularité des opérations d'exécution
du budget local. Ce contrôle repose sur un fondement précis :
principe de séparation des ordonnateurs et des comptables. La
séparation entraine une division du travail au sein de l'administration
financière. L'ordonnateur dispose du pouvoir d'appréciation en
opportunité alors que le comptable n'a qu'un pouvoir de contrôle
de la régularité en la forme des opérations
d'exécution du budget.
Le comptable local veille à la régularité
des opérations d'exécution du budget dans la limite de sa
responsabilité personnelle et pécuniaire. À ce titre, il
exerce un contrôle sur les opérations de dépenses
(A) et sur les opérations de recettes
(B).
A- Le contrôle des opérations de
dépenses
Le comptable n'exerce qu'un contrôle de
légalité sur pièces. Autrement dit, il ne vérifie
que la réalité formelle de l'opération. On dit qu'il n'est
pas juge de la moralité de la dette33. Le comptable local exerce son
contrôle aussi bien sur le dossier de la dépense que sur
l'identité de la personne bénéficiaire de la
créance. Dans le premier cas, il assure une fonction de payeur dans le
second cas une fonction de caissier
D'abord les opérations juridiques ou la fonction de
payeur. Elle est l'occasion, pour le comptable local, de s'assurer de la
réalité formelle de l'opération de dépense
initiée par l'ordonnateur. À cet effet, il vérifie un
certain nombre de points fixés par la législation
comptable69. Les contrôles de mandatement reposent en outre,
sur les articles 341 et 342 de la nouvelle loi organique sur la
décentralisation, et sur la liste des pièces justificatives
exigibles pour chaque catégorie de dépenses établie par
arrêté du Ministre du budget. En sa qualité de payeur, le
comptable public local :
? Premièrement, s'assure du
respect des règles de compétence. Il n'accepte
que les mandats émis par un ordonnateur accrédité
auprès de lui dans les formes réglementaires et
formation et son expérience leur permettraient de
prévenir les irrégularités et d'accroître
l'efficacité des procédures de dépenses.
68 Ils sont nommés parmi les comptables du
trésor conjointement par le ministre des finances et celui cha
rgé de la tutelle sur les collectivités locales.
69 On peut citer le règlement général sur
la comptabilité publique, le régime financier des
collectivités locales et l'instruction sur la comptabilité des
collectivités locales.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 35
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
vérifie que les dépenses sont bien
assignées sur sa caisse en fonction des règles de
compétence du réseau comptable. Ce type de contrôle exige
que le comptable public local vérifie notamment l'existence et la
régularité des délégations de signature au sein des
services ordonnateurs, suive les nominations et affectations des fonctionnaires
habilités ;
V' Deuxièmement, s'assure de
l'existence des crédits disponibles. Ce contrôle
s'appuie en fait souvent sur le visa préalable du contrôleur
budgétaire, anciennement appelé contrôleur financier, mais
dans certains cas d'engagements globalisés, il le complète.
V' Troisièmement, vérifie
l'imputation de la dépense par rapport aux règles
budgétaires de spécialisation des crédits. Ce
contrôle est lié au précédent et en pratique se
confond avec lui ;
V' Quatrièmement, vérifie la
validité de la créance. Cela implique la justification
du service fait, à partir des pièces justificatives
exigées par les textes. Les pièces attestant la
réalisation et signées de l'ordonnateur font foi jusqu'à
preuve du contraire. Mais le comptable public local peut détecter des
incohérences avec d'autres aspects du dossier qui l'amèneront
à suspendre le paiement. Le comptable doit en outre s'assurer de
l'exactitude des calculs de liquidation. Enfin, il s'agit de vérifier
que le mandat est accompagné de toutes les pièces justificatives
prescrites par la réglementation en fonction de la nature de la
dépense.
Il convient de noter que le contrôle du service fait,
au-delà des pièces justificatives, est une opération qui
exige des visites sur place et des compétences techniques, chose que
n'ont pas toujours les receveurs locaux.
V' Cinquièmement, procède à
l'examen formel de toutes les pièces qui constituent le dossier de la
dépense : cohérence des mentions, validité des signatures,
des dates, absence de modifications suspectes... ;
V' Sixièmement, vérifie qu'il n'il n'y
a pas d'opposition au paiement et à l'examen des règles de
prescription. En fait, à ce niveau, il s'agit d'options qui se
rapprochent du contrôle qu'effectue tout caissier, quel que soit le type
d'organisation retenue. Par ailleurs, les receveurs municipaux veillent au
respect des règles qui conditionnent la spécialité des
exercices.
À l'issue du contrôle, le comptable prend sa
décision en fonction de la régularité du dossier de
dépense. Si le dossier présenté est régulier,
compte tenu des différents critères déjà
évoqués, le comptable vise le dossier et le prend en charge. Il
procède alors au plan comptable en prenant en charge dans ses
écritures la dépense.
Si par contre le dossier comporte des
irrégularités ou des omissions, il en poursuit la
régularisation auprès de l'ordonnateur en suspendant le paiement.
Il retourne à l'ordonnateur le dossier de la dépense
accompagné d'une note motivée. L'ordonnateur est tenu de le
régulariser en complétant les pièces manquantes et
retourne le dossier auprès du comptable. Si ce dernier est satisfait des
correctifs apportés, il prend en charge le dossier et en assure le
paiement en cas de disponibilité de fonds. En dehors de ces cas le
comptable peut procéder au paiement.
Mémoire de Master 2, présenté par
Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 36
Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Au Gabon, le maire ne peut en aucun cas contraindre le
receveur municipal à assurer le visa ou le payement des dépenses
en violation des prescriptions de la loi70. Cependant, il est
interdit au comptable "de subordonner ses actes de paiement à une
appréciation de l'opportunité des décisions prises par
l'ordonnateur". D'où le fait que le législateur fixe "la liste
des pièces justificatives que le comptable peut exiger avant de
procéder au paiement"71. C'est donc dire que le comptable
public vérifie que les dépenses sont décomptées sur
le bon chapitre budgétaire et que l'origine des recettes est
légale. Il ne peut effectuer un contrôle d'opportunité, ni
juger de la pertinence des choix politiques effectués par les
collectivités puisqu'elles s'administrent librement.
Une fois les contrôles de mandatement ou de payeur
effectués et si à ce niveau il ne se détecte pas
d'anomalies, le dossier peut passer au stade du paiement.
Ensuite, l'opération matérielle ou la fonction
de caissier. Tout comme les opérations juridiques, elle est
subordonnée à l'exercice d'un contrôle. En qualité
de caissier, le receveur d'une collectivité locale exerce des
contrôles qui s'apparentent à ceux de tout service de paiement. Il
s'agit en fait de vérifier que le paiement est adressé au bon
créancier ou à la personne qu'il a autorisée. Cela
recouvre donc la vérification de l'état civil et des signatures.
C'est à ce stade que certaines procédures juridiques mises en
oeuvre par les créanciers de la collectivité débitrice
doivent être appliquées. Par exemple, c'est à ce stade au
plus tard que le comptable doit être informé de
l'éventuelle « opposition à paiement ».
Le comptable doit donc exercer un contrôle sur la
qualité du bénéficiaire, et s'assurer du caractère
libératoire du versement des fonds au véritable créancier
(il peut être fait valablement à son représentant, à
ses héritiers ou au cessionnaire de la créance). Si c'est le
bénéficiaire qui se présente au comptable, celui-ci
vérifie sous sa responsabilité les droits et les qualités
du bénéficiaire, de même que la régularité
des acquis à fournir. L'acquis est apposé sur le titre de
paiement. Il doit être daté et signé devant le comptable au
moment de l'encaissement et ne comporter aucune restriction. Si le
bénéficiaire ne sait pas signer, alors il peut
déléguer sa signature à deux personnes qui signent
à sa place. Il doit présenter une pièce légale afin
d'être identifié (carte nationale d'identité, passeport
entre autres).
Si le bénéficiaire est représenté
par un ayant droit, le comptable vérifie ses droits et qualités
et procède au paiement. Dans ce cas, le comptable doit exiger de l'ayant
droit comme de toute personne représentant le bénéficiaire
une procuration (quittance notariée).Le paiement peut se faire en
espèce par virement bancaire ou postal.
70 En outre, se trouve posée en substance la question
du droit de réquisition du comptable qui devrait être
institué au profit de l'ordonnateur-élu local au Gabon.
Car si la "tutelle" financière est globalement
tolérée et admise par les élus locaux, il n'en va pas de
même du contrôle exercé par les comptables publics locaux
qui constitue un motif d'irritation très répandu. Autrement dit,
il arrive que dans leur action quotidienne, soit les comptables retardent la
mise en oeuvre d'une décision locale en demandant, avant de
procéder au paiement, des pièces justificatives sans cesse plus
variées et nombreuses, soit opposent à l'élu local un
refus de paiement équivalent à une remise en cause d'une
décision politique.
71 Cf. article 5 et 7 du Décret n°0405/PR/MBCPFPRE
du 26 septembre 2012 fixant la nomenclature des pièces justificatives
des recettes et des dépenses publiques.
Mémoire de Master 2, présenté par
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Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes
budgétaires des Collectivités locales au Gabon »
Le paiement lui-même s'effectue selon des moyens qui
sont prévus par la réglementation. Si les virements sont
privilégiés, avec les chèques (lettres-chèques) et
plus exceptionnellement le numéraire, selon le montant de la
dépense à payer. Il convient aussi d'envisager le mode de
paiement par carte bancaire voire même par voie électronique afin
de s'adapter à l'évolution de la société en la
matière.
Mais le paiement des dépenses suppose que les fonds
soient disponibles, or ceci n'est pas toujours évident compte tenu des
discordances des rythmes des opérations de dépenses et de
recettes dans certaines de nos collectivités locales. C'est dire que
cette fonction de la gestion de la trésorerie s'avère
plutôt difficile pour les comptables locaux. Il convient de faire en
sorte qu'il y ait une grande fongibilité des fonds entre les
différents postes comptables du réseau comptable en fonction de
leurs besoins et, de tenir au jour le jour un solde du compte de chaque
collectivité locale au trésor public72.
Au-delà des opérations de dépense, le
comptable exerce un contrôle sur les opérations de recettes.
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