WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le contrôle de l’état sur les actes budgétaires des collectivités locales au Gabon.


par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI
Université Omar Bongo de Libreville (Gabon) - Master 2 Professionnel en gestion financière des collectivités locales 2014
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

UNIVERSITE OMAR BONGO

FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC

MÉMOIRE DE FIN DE CYCLE

EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLÔME DE MASTER PROFESSIONNEL

EN ADMINISTRATION ET GESTION FINANCIERE DES
COLLECTIVITES LOCALES

THEME :

« Le contrôle de l'État sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Rédigé et présenté par :

Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI

Sous la direction de :

Telesphore ONDO,

Maitre-assistant, Enseignant-chercheur à U.O.B

2014-2015

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 1

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 2

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

SOMMAIRE

DEDICACES

REMERCIEMENTS AVANT-PROPOS SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE .1-5

PARTIE I : LE REGIME DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES

BUDGÉTAIRES LOCAUX .6-50

CHAPITRE I : LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS TUTÉLAIRES .8-30

Section 1 : Le contrôle du Représentant de l'Etat, autorité de tutelle locale .8-20

Paragraphe 1 : L'identification des actes budgétaires contrôlés .9-13

Paragraphe 2 : Le contrôle a priori du représentant de l'Etat sur les actes budgétaires

locaux 13-20

Section 2 : Les contrôles du Contrôleur budgétaire et du Comptable public 20-30

Paragraphe 1 : le contrôle a posteriori du contrôleur budgétaire local .20-26

Paragraphe 2 : Le contrôle concomitant du receveur de la collectivité locale .26-30

CHAPITRE II : LES CONTRÔLES JURIDICTIONNELS 31-50

Section 1 : Le contrôle des actes budgétaires locaux : une compétence de principe des

juridictions financières locales 31-41

Paragraphe 1 : Le contrôle juridictionnel des comptes et du bon emploi des deniers publics

locaux 31-38

Paragraphe 2 : Les effets du contrôle de la juridiction des comptes 38-41

Section 2 : La compétence exceptionnelle des juridictions non financières en matière de

finances locales 41-50

Paragraphe 1 : Le juge administratif, juge de la légalité des actes financiers locaux non

réglementaires 42-46

Paragraphe 2 : Le juge constitutionnel, juge de la régularité des délibérations à caractère

règlementaire 46-50

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 3

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

PARTIE II : LA PORTÉE DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES

BUDGÉTAIRES LOCAUX ..50-76

CHAPITRE I : LES LIMITES DES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS ET

JURIDICTIONNELS 52-64

Section 1 : Les limites liées au contrôle administratif tutélaire .52-59

Paragraphe 1 : Les insuffisances du contrôle de légalité 52-57

Paragraphe 2 : Les insuffisances du contrôle budgétaire 57-59

Section 2 : Les limites liées aux contrôles juridictionnels 59-64

Paragraphe 1 : Les insuffisances liées à la procédure et aux moyens des juridictions

locales 59-62

Paragraphe 2 : Le problème des décharges de responsabilité et des remises gracieuses de

débet 63-64

CHAPITRE II : LES PERSPECTIVES D'AMÉLIORATION

ENVISAGEABLES 65-76

Section 1 : La nécessité d'une réorganisation fonctionnelle des organes de

contrôle 65-70

Paragraphe 1 : L'opérationnalité des cadres territoriaux de l'Etat existant 65-68

Paragraphe 2 : L'amélioration du contrôle des juridictions financières

locales 68-70

Section 2 : La formation des agents de contrôle et la dématérialisation des procédures

de contrôles 71-76

Paragraphe 1 : La formation des personnels de contrôle et le recentrage du contrôle de la

commande public local 71-73

Paragraphe 2 : La dématérialisation des procédures de contrôle de légalité et

budgétaire 73-75

CONCLUSION GENERALE .76-77

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 4

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

AVANT PROPOS

Partout dans le monde aujourd'hui, on assiste à une mutation importante de l'organisation des systèmes publics. Tous les Etats sont confrontés à ce phénomène qui engage la responsabilité des décideurs politiques et administratifs. La maitrise de ces changements représente par conséquent un défi et un enjeu majeur pour les Etats comme pour les Collectivités locales. D'où la nécessité de disposer de personnels, de cadres dont la formation est adaptée à la forme nouvelle de gouvernance qui se dessine pour les prochaines années, et basée essentiellement sur les connaissances des bonnes pratiques de gouvernance financière et de gestion managériale des organisations publiques.

C'est dans cette perspective qu'a été arrêté, lors des états généraux de l'éducation et de la recherche de mai 2010, l'impérative résolution de refonder le système d'enseignement supérieur gabonais, plus en phase avec la nouvelle vision politique du pays, en consolidant la mise en place du système Licence Master Doctorat (LMD) dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur. Toute chose qui a conduit l'Université Omar Bongo (UOB)1 à diversifier ses offres de formation dans le sens d'une professionnalisation de celles-ci.

Aussi, la Faculté de Droit et des Sciences Économiques (FDSE) a ouvert dès l'année académique 2013-2014, en plus d'autres, le Master 2 Droit public spécialité Administration et Gestion Financière des Collectivités locales en abrégé MAGFCL. Nanti d'une Maitrise en droit public fondamental, nous nous y sommes inscrits.

L'objectif de ce master professionnel, à vocation financière, étant de fournir aux différentes administrations publiques2 des spécialistes en matière de gestion des finances locales, donc capables d'impulser les bonnes pratiques de gouvernance financière locale.

Pour ce faire, la formation des étudiants y inscrit3 passe par une adéquation ou confrontation entre la théorie et la pratique des enseignements dispensés. D'où il nous a été recommandé par l'administration décanale via le responsable du Master, d'entreprendre un stage pratique d'une durée minimale de trois (03) mois au sein d'une des administrations publiques (Etat, Collectivités locales et Établissements publics) dont les attributions touchent au domaine des finances locales. Ce stage devra poursuivre un double objectif :

1 L'Université Omar Bongo a été créée par ordonnance n°30/PR du 19 avril 1971 portant création et organisation de l'Université Nationale du Gabon et restructurée par ordonnance n°02/02/PR du 26 février 2002 portant restructuration de l'Université Omar Bongo de Libreville.

2 Particulièrement celles intervenant dans la gestion des Collectivités locales.

3 Il est à préciser que nous sommes la première promotion de ce master professionnel de droit public à spécialité droit des collectivités locales et finances locales.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 5

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

- D'une part, permettre aux étudiants de mettre en exergue les connaissances acquises au niveau des amphithéâtres et d'être en contact avec le milieu professionnel qui sera le leur une fois sortis de la faculté.

- D'autre part, la fin du stage pratique est sanctionnée par la rédaction d'un mémoire dont le thème devra être évidemment en relation avec l'activité de l'Administration d'accueil.

C'est dans le cadre d'un tel stage professionnel que nous avons d'abord été admis et affecté par note de service N°0182/MISPID/SGA1 du 18 juin 2014 à la Direction de la Tutelle des Collectivités locales du Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité Publique, de l'Immigration et de la Décentralisation (MISPID).

Puis, par lettre recommandée N°00291/MISPID/SGA1 du 12 novembre 2014 du Secrétaire général adjoint 1 dudit ministère, nous avons ensuite été autorisée à entamer un second stage, au regard de la spécificité du thème de notre étude, au Ministère du Budget et des Comptes Publics (MBCP) comme l'atteste la note de service N°00420/MBCP/SG/DGCPT/DRH/SRGC du 29 janvier 2005, précisément au service de la Recette Municipale de Libreville (RML).

Lors de ces deux stages pratiques, il s'agissait essentiellement pour nous de mieux circonscrire l'objet de l'étude devant constituer la substance du thème de notre mémoire de fin de cycle intitulé : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon ».

Ce thème peut paraitre a priori simpliste, mais les personnes avisées peuvent parfaitement se rendre compte que celui-ci constitue au fond non seulement un problème d'actualité au regard de la grande réforme des finances publiques engagée dans notre pays, et des exigences internationales en matière de bonne gouvernance financière des Etats. Mais il expose aussi les relations politico-financières qu'entretiennent l'Etat central et les Collectivités locales gabonaises dans le cadre du processus de décentralisation, fortement impulsé depuis 1996 et réaffirmé en 2015 par l'adoption d'une nouvelle loi organique sur la décentralisation.

Aussi, les développements qui suivent analyseront uniquement le régime de contrôle des autorités administratives de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon. D'autant plus que le présent mémoire a été précédé par la rédaction de deux rapports de stages4 présentant distinctement le cadre de notre étude : Ministère de l'intérieur chargé de la décentralisation (tutelle administrative) et Ministère du budget et des comptes publics (tutelle financière).

4 Disponibles dans les Administrations concernées.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 6

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Je dédie principalement ce mémoire à ma fille adorée Cindy MENGUE M'AKOUMA, ma source de réussite incommensurable ; et à ma mère Séverine EKOUMBENG MINTSA, pour m'avoir inculqué le sens de l'effort et de la persévérance dans cette vie.

Sans oublier mes petits frères : Miguel, Warren (Levieu), et mes petites soeurs : Minouche, Joëlle, Chancelle, Coucounette, Grace et Isabelle, votre affection à mon égard à contribué à la réalisation de ce modeste travail.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 7

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Remerciements...

Avant de commencer, je tiens tout d'abord à remercier toutes les personnes sans qui ce mémoire n'aurait pu aboutir et qui ont su me conseiller, m'orienter et m'épauler tout au long de mes recherches. Je pense aux différents responsables administratifs, dont les noms suivent :

Au niveau du Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité Publique, de l'Immigration et de la Décentralisation (MISPID) :

V' Monsieur Michel ONDO NDONG, Conseiller technique chargé de la

décentralisation et des Collectivités locales ; encadreur professionnel du présent mémoire.

V' Madame Nicole MOUSSAVOU et Monsieur Hans Emérie Fabrice

DICKARADO, Directeurs de la tutelle des Collectivités locales.

Au niveau du Ministère du Budget et des Comptes Publics (MBCP) :

V' Monsieur KOUMBA KOUMBA, Contrôleur Budgétaire de la Province de

l'Estuaire ;

V' Monsieur Axel OGNAGNA OKANGA, Receveur Municipal de Libreville.

Par ailleurs, toute ma gratitude revient naturellement à Monsieur Paul NGOME AYONG (Secrétaire Général Adjoint 1 au Ministère de l'Intérieur), pour son soutien et ces précieux conseils. Il a été une grande source d'inspiration dans le choix de la formation entreprise.

Enfin, j'adresse mes très sincères remerciements à Monsieur Télesphore ONDO, pour avoir accepté de diriger ce travail malgré ses multiples occupations et pour son sens de l'écoute et sa disponibilité constante.

Je ne saurais oublier l'ensemble des enseignants et étudiants de la première promotion du Master AGFCL.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 8

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

« Nous ne pouvons résoudre les problèmes difficiles que nous rencontrons en demeurant au niveau de réflexions où nous nous trouvions lorsque nous les avons créées ».

Albert EINSTEIN

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 9

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Si les collectivités locales jouissent de l'autonomie financière5 leur permettant de poursuivre, au côté de l'Etat, les objectifs de développement économique, social et culturel, cette autonomie ne peut s'exercer que dans le strict respect des règles budgétaires et comptables. C'est en application du principe de l'indivisibilité de l'Etat unitaire que l'Etat surveille la gestion financière des Collectivités locales gabonaises. D'où il a institué des organes extérieurs aux collectivités locales chargés d'assurer, de manière périodique ou ponctuelle, la régularité et l'optimisation des fonds publics locaux. Ce contrôle exogène est confié à une pluralité d'acteurs. C'est ainsi qu'on a des acteurs administratifs marqués par leur diversité et des acteurs juridictionnels.

Il convient préalablement à l'objet de notre étude de définir brièvement quelques généralités de notre thématique.

D'abord, le concept de « contrôle ». Étymologiquement, le contrôle serait le « contre-rôle », la liste nominative qui permettrait de vérifier une première série de noms portés sur un état et de procéder éventuellement à un contre-appel. Cette idée de vérification est essentielle à la notion de contrôle, que le Pr. EISENMANN définit comme «l'opération qui consiste à vérifier si des objets concrets sont conformes ou ne sont pas conformes au schéma idéal, d'un objet correct, tel que le dessine une norme de contrôle - autrement dit à confronter les objets aux schémas auxquels ils doivent être conforme pour établir si, effectivement, ils le sont ou non. Un contrôle c'est essentiellement une vérification de conformité de la conformité ». Par conséquent, contrôler c'est non seulement vérifier la régularité juridique, la légitimité ou l'opportunité des actes, mais aussi assurer le fonctionnement économique et cohérent de la machine administrative et de ses diverses parties, surveiller la réalisation effective des programmes, évaluer les résultats, voire les coûts et rendements6.

À partir de ce qui précède, « le contrôle de l'Etat » vise à assurer à titre essentiel la légalité et la régularité dans la conception et la mise en oeuvre des budgets des collectivités locales. La légalité vise à garantir la conformité des documents et des opérations budgétaires aux lois nationales. Quant à la régularité, elle repose aussi sur l'idée de conformité mais, de manière spécifique, par rapport aux règles applicables en la matière.

5 Les collectivités locales jouissent d'une autonomie d'action en vertu du principe de la libre administration énoncé par la Constitution (art. 112 al. 2) et repris sous la forme de libre gestion par la loi organique n°001/2014. Cependant, la libre administration est limitée par la nécessité de préserver le respect du principe de légalité républicaine par les autorités locales.

6 Employé dans une acception large en fonction de l'orientation choisie, le concept de contrôle permet souvent d'opposer le contrôle hiérarchique au contrôle de tutelle. Le premier désigne l'exercice du pouvoir hiérarchique du supérieur sur le subordonné. Le second renvoie au contrôle de l'Etat sur les collectivités décentralisées.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 10

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Ensuite, l'expression générique « acte budgétaire local ». Elle désigne les différents actes juridiques des Collectivité locale qui prévoient les ressources et les charges de la Collectivité locale pour un exercice annuel donnée ; qui en modifient ou exécutent l'affectation des ressources ou charges, et qui en constatent ou en font le bilan. L'expression est généralement synonyme de « budgets locaux », de « comptes publics locaux » ou de « documents budgétaires locaux ».

Enfin, la notion de « Collectivité locale ». Elle nécessite que soit au préalable levée toute ambiguïté entre les notions de collectivité territoriale et de collectivité locale. L'Etat, collectivité territoriale n'est évidemment pas qualifiable de collectivité locale, ni de collectivités territoriales décentralisées. Mais, abstraction faite de l'Etat, les collectivités territoriales sont très exactement les Collectivités locales. Aussi, ferons-nous usage dans le cadre de ce travail de l'une et l'autre expression.

Au sens de l'article 3 de la nouvelle loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, les collectivités locales7 sont « toute collectivité territoriale qui pourrait être dotée par la loi de la personnalité juridique et de l'autonomie administrative et financière ». Autrement dit, il s'agit des entités de droit public correspondant à des groupements humains géographiquement localisées sur une portion déterminée du territoire national, auquel l'Etat a conféré une existence juridique distincte de la sienne et le pouvoir de s'administrer librement par des autorités élues localement. Sont des collectivités locales au Gabon, la commune et le département.

Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux, objet de notre étude, n'est pas récent au Gabon.

En effet, sous l'époque coloniale, le contrôle des opérations financières des colonies était assuré par la métropole, soit par l'administrateur de la colonie ou ses représentants, conformément au décret du 30 décembre 1912 fixant le régime financier des colonies françaises. Dès leur accession à l'indépendance, les pays africains mettront en place leurs propres législations financières adaptées à leurs besoins, desiderata, aspirations politiques et à leur réalité sociale. Le Gabon, qui au lendemain de l'indépendance comptait à peine six communes dont deux de plein exercice et quatre de moyen exercice8, n'échappe pas à ce mouvement. Ainsi, l'article 47 de l'ordonnance n°24/PR/MI-TC du 6 avril 1963 portant organisation des municipalités gabonaises et déterminant leurs règles de fonctionnement énumère limitativement les actes du conseil municipal soumis à approbation préalable de la tutelle. Il s'agit particulièrement des actes de nature financière.

Sous le parti unique, le caractère centraliste de la gestion des affaires publiques conférait aux organes du parti le contrôle de l'ensemble des opérations financières du pays. Le régime juridique du contrôle des finances locales reposait alors sur les dispositions du

7 Les collectivités locales de la République gabonaise sont les Communes et les Départements. Les premières citées sont « une agglomération urbanisée dont les habitants sont unis par des intérêts socio-économiques communs ». Les secondes « comprennent tous les espaces situés en dehors de la commune ».

8 En 1960, les commune de plein exercice sont Libreville et Port-Gentil ; et de moyen exercice : Bitam, Lambaréné, Mouila et Oyem.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 11

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

décret n°993/PR du 12 septembre 1972 portant régime financier et comptable des collectivités secondaires et sur celles de la loi n°5/85 du 27 juin 1985 portant règlement général sur la comptabilité publique de l'Etat, applicables aux collectivités locales.

On peut aussi citer le décret n°2041/PR/MINECOFIN-PART du 6 décembre 1985 précisant le régime général du contrôle financier de l'Etat fixé par le décret n°1377/PR/MINECOFIN-PART du 24 décembre 1977 portant attributions et organisation du ministère de l'économie et des finances. De même que le décret n°540/PR/MJ du 25 mai 1979 fixant l'organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de la Chambre des comptes. Tous ces différents textes ressortent, en ces temps déjà, le souci des gouvernants de protéger le patrimoine financier de l'Etat et ses démembrements. Toutefois, le cadre monolithique de l'époque étant défavorable au développement de la décentralisation, l'existence d'un véritable contrôle des finances publiques locales était illusoire.

C'est en fait dans une dynamique d'évolution9, et comme plusieurs Etats africains longtemps gérés selon un système fortement centralisé, que le Gabon amorce dès les années 1990 une nouvelle forme de gestion des affaires publiques. En partenariat avec les institutions de Brettons Wood, il va s'engager à accentuer le processus de décentralisation, commencé bien avant l'indépendance en 196010. Au regard des défis posés par le nouvel environnement socio-politique et économique, la décentralisation est ainsi devenue nécessaire en matière de restructuration et de modernisation de l'administration publique gabonaise11.

9 «l'Etat en tant que forme politique institutionnalisée, est un produit historique de l'évolution des sociétés ; et comme toute institution, il est caractérisé par une dynamique permanente d'évolution résultant de l'action des forces de changement » (Pr. Jacques CHEVALLIER)

10 Cf. KOMBILA - IBOANGA Fidèle, »l'influence de la constitution française de 1958 en matière de territoire en Afrique : l'exemple de la politique de la décentralisation au Gabon», Association française de droit constitutionnel, 7ème Congres français de droit constitutionnel, Paris, pp.25-27, Septembre 2008.

Ce dernier affirme qu'«historiquement, la constitutionnalisation du statut des collectivités locales date de l'époque coloniale... Le Gabon, colonie faisant partie de l'ensemble colonial de l'AEF, connaît alors sa première expérience de décentralisation sous la colonisation française avec la loi française de 1955 relative à la réorganisation municipale en Afrique équatoriale française, au Togo, au Cameroun et à Madagascar. Colonie française, le Gabon fait alors partie de l'ensemble colonial AEF. Cette loi érige les localités de Libreville et Port Gentil en commune de plein exercice ».

Il ajoute par ailleurs, qu' « à la veille de l'indépendance du pays, une loi n°26/59 du 22 juin 1959 est adoptée. Elle porte création des collectivités rurales et détermine les règles de leur fonctionnement. La période post-indépendance est marquée par un courant centralisateur dans la politique comme dans l'administration du pays. Les lois de décentralisation ne sont pas appliquées. Ainsi, l'ordonnance n° 24/PR-MI-TC du 6 avril 1963 crée des communes de plein exercice (conseil et municipalité élus) et des communes de moyen exercice (conseil élu, maire nommé sur proposition du conseil. Le décret n° 00993/PR du 12 septembre 1972 vient fixer le régime financier et comptable des collectivités locales ».

11 Précisons qu'en 1996, suite aux différentes vagues de contestations du pouvoir centrale et de la monté florissante des élites intellectuels, et l'avènement du multipartisme qui secoue le pays et l'Afrique en général, le gouvernement Gabonais opte pour une politique de décentralisation. Il en a résulté l'adoption des politiques d'ajustement structurel (P.A.S), lesquelles mettaient en exergue les politiques de décentralisation comme piliers importants des réformes institutionnelles plus larges.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 12

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Cette ouverture démocratique qui aboutit à l'instauration du multipartisme en 1990, suite à des évènements socio-politiques tumultueux, conduira à la constitutionnalisation en 1991 du principe de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus dotés de compétences et ressources propres. Mais se trouve également consacré le principe de l'unité et de l'indivisibilité de la République qui implique le contrôle de l'Etat sur les Collectivités locales.

Ces contrôles sur les actes budgétaires locaux sont actuellement prévu par les dispositions de la nouvelle loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, ainsi que par plusieurs textes règlementaires. C'est par le truchement de ses contrôles que l'Etat s'assure que l'exercice de l'autonomie financière des entités décentralisées ne serve pas de prétexte à la gabegie financière et aux détournements des deniers publics locaux.

L'étude de la présente thématique est d'un enjeu important, pour un pays tel que le Gabon qui a opté depuis peu pour la bonne gouvernance de ses finances publiques, au regard des multiples détournements des crédits budgétaires et autres gabegies financières au sein de l'administration publique en générale, d'une part et du manque de réalisation de projets d'investissements publics locaux décrié par les populations, nonobstant l'importance des fonds alloués par le gouvernement, d'autre part12.

L'exploration du contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des collectivités locales gabonaises va donc au-delà d'un effet de mode. L'actualité du sujet étant marquée, dans le cadre de la réforme de notre administration publique, par l'adoption récente de la loi organique n°20/2014 du 21 mai 2015 relative aux lois de finances et à l'exécution du budget (LOLFEB) qui transpose trois (3) directives communautaires13.

Le sujet nous a intéressés, à ce titre, pour qu'à travers son traitement, nous puissions mieux appréhender non seulement les mécanismes et organes de contrôle externe

12 En effet, plus de vingt ans après l'enclenchement du processus de décentralisation dans notre pays, le développement des entités territoriales décentralisées sur le plan administratif, économique et social n'a toujours pas été engendré. Au contraire, l'enclavement de nos localités s'est aggravé au point qu'aujourd'hui, l'exode rural et l'éradication de la pauvreté sont devenus une situation d'urgence dans la politique nationale.

13 Il s'agit des directives de la CEMAC et notamment les directives 11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 n° 01 relative aux lois de finances ; n° 02 relative au règlement général de la comptabilité publique et n°06 relative au code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques des Etat membres.

Cette loi détermine les nouvelles règles relatives à la nature, au contenu, à la procédure d'élaboration, de présentation et d'adoption des lois de finances, ainsi qu'à l'exécution et au contrôle du budget de l'Etat. Cette réforme des finances publiques gabonaises, amorcée dès 2002 et institue la budgétisation par objectifs de programme (BOP), a été imposée par deux facteurs :

- Le respect des engagements pris dans le cadre de la CEMAC, visant à harmoniser les normes de

gestion des finances publiques en son sein ;

- La nécessité de mettre en place une administration moderne et performante dotée d'une culture
centrée sur les résultats et non plus sur les moyens.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 13

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

des budgets locaux au Gabon mais aussi mettre en pratique « le savoir-faire et le faire-savoir » appris tout au long de notre cursus universitaire14.

Quels sont les procédures et les organes des différentes modalités de contrôles ? Peut-on conclure à une efficacité de ces contrôles de l'Etat central sur les actes budgétaires locaux, au regard de la gestion financière actuelle de nos collectivités locales ?

Afin de répondre à cette double problématique, l'architecture retenue de notre travail reposera d'abord sur l'étude du régime des différentes modalités de contrôle des services de l'administration d'Etat central sur les actes budgétaires des Collectivités locales (Partie 1) ; avant d'envisager, ensuite, la portée desdites modalités de contrôles (Partie 2).

14 Pour réaliser ce travail, nous avons eu des entretiens avec des responsables administratifs, tant a u ni vea u des administrations centrales que des unités déconcentrées. Nous avons consulté plusieurs textes juridiques en rapport avec notre objet d'étude et nous les avons analysés et interprétés dans la mesure du possible. Puis, nous avons collecté le support documentaire doctrinal relatif à notre thème de mémoire que nous avons analysés au regard de la pratique gabonaise du contrôle externes des actes budgétaires, par le biais de deux stages pratiques effectués dans les principaux services de l'administration d'Etat intervenant en la matière.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 14

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

PARTIE I :

LE REGIME DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES BUDGÉTAIRES LOCAUX

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 15

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Les finances locales conservent un caractère subordonné et secondaire par rapport aux finances de l'Etat. Ce caractère primordial fait de la notion de contrôle budgétaire, une notion qui domine le droit budgétaire local.

Le régime de tutelle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux est marqué par la diversité des acteurs ayant des compétences et des pouvoirs différents, et intervenant au moyen de procédés divers. Il est donc fondamental d'identifier les organes chargés d'exercer ces contrôles. Il est tout aussi essentiel de voir quelles sont leurs compétences, les pouvoirs, les moyens ont-ils disposent pour exercer de manière efficace ou non les missions qui leur sont dévolues.

On entend par tutelle, le contrôle exercé par l'État sur les collectivités locales. C'est « l'ensemble des pouvoirs limités et accordés par la loi ou en vertu de celle-ci à une autorité supérieure, afin d'assurer le respect du droit et la sauvegarde de l'intérêt général contre l'inertie, les excès et les empiètements des agents décentralisés »15.

Par conséquent, il s'agira de voir la diversification du contrôle administratif exogène (chapitre 1) avant de passer au contrôle des organes juridictionnels (chapitre 2) des actes budgétaires locaux.

15 J. Dembour, les actes de la tutelle administrative, Lardier, 1995, in M. Gohin, « Institutions administratives », p. 310.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 16

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

CHAPITRE I :

LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS TUTÉLAIRES

Les contrôles exercés sur les actes budgétaires des Collectivités locales sont dit « administratifs » parce qu'ils sont l'oeuvre des autorités relevant de l'administration d'Etat, c'est-à-dire des autorités administratives de tutelle16, situées aussi bien au niveau de l'Administration centrale qu'au niveau de l'Administration déconcentrée. Ces autorités administratives sont chargées de veiller au respect des lois et règlement dans l'élaboration et la mise en oeuvre des budgets locaux.

Sur ce, l'article 353 de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation dispose clairement que « la tutelle est le contrôle exercé par une autorité administrative sur une collectivité locale dans les conditions fixées par la loi. Ce contrôle porte sur la légalité des actes... ». Ce qui proscrit ipso facto, une tutelle sans texte ou au-delà des textes, car le principe de base, en la matière, est que « la tutelle ne se présume pas».

L'exercice de ce contrôle peut être analysé sous plusieurs angles. Selon le moment où il est exercé on parlera de contrôle a priori, de contrôle concomitant et de contrôle a posteriori. Le premier intervient avant l'exécution, le deuxième en cours d'exécution et le dernier après l'exécution du budget.

Aussi, nous verrons d'abord le contrôle exercé par le représentant de l'Etat (section 1) sur les actes budgétaires locaux ; puis, celui du contrôleur financier local, devenu « contrôleur budgétaire » et du comptable public local, encore appelé « receveur de la collectivité locale » (section 2).

Section 1 : Le contrôle du Représentant de l'Etat, autorité de tutelle locale

Le régime juridique du contrôle de légalité des actes des conseils locaux, y compris ceux à caractère financier, a été fixé par le constituant17. Le représentant de l'Etat veille à la sauvegarde des intérêts nationaux. Il veille en outre à l'exercice régulier par les collectivités locales de leurs compétences et à l'utilisation régulière de leurs ressources.

En vertu de des dispositions de la loi organique 001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, il exerce, à la fois sur l'élaboration et l'exécution des actes budgétaires locaux, un contrôle de légalité et un contrôle budgétaire a priori (Paragraphe 2). Mais avant de voir comment il s'exerce, il importe d'identifier la nature des différents actes budgétaires contrôlés (Paragraphe 1).

16 Ces autorités relèvent essentiellement de deux départements ministériels : Ministère de l'Intérieur et Ministère du budget et des comptes public. Auxquels on pourrait ajouter le Ministère des affaires étrangères, pour le contrôle de toute convention de coopération décentralisée et internationale des collectivités locales.

17 Article 112 b de la constitution gabonaise (Loi n°3/91 du 26 mars 1991).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 17

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Paragraphe 1 : L'identification des actes budgétaires contrôlés

Les actes budgétaires des Collectivités locales sont des actes administratifs spéciaux, à la différence des actes administratifs ordinaires. L'article 356 de la loi organique n°001/2014 du 30 juin 2015 relative à la décentralisation énumère lesdits actes soumis à l'approbation de la tutelle, préalablement à leur entrée en vigueur18.

Afin de déterminer les actes rentrant obligatoirement dans le champ du contrôle du représentant de l'Etat19, le législateur met en évidence un lien de rattachement organique entre les actes concernés par le contrôle et les Collectivités locales, personnes publiques. Ces actes émanent soit de leurs organes délibérants (conseils départemental ou municipal), soit de leurs organes exécutifs (président du conseil départemental ou municipal).

Parmi la masse des actes budgétaires pris par les collectivités locales20, il y a lieu de regrouper ceux actes concernés par le contrôle de légalité21 et budgétaire en deux catégories. Nous avons d'une part, les actes budgétaires prévisionnels (A) qui engagent

18 Il s'agit des projets de budgets ; des autorisations spéciales de dépenses ; des virements de crédits de chapitre à chapitre des Collectivités locales ; des délibérations relatives à la participation financière des Collectivités locales dans les organismes publics ou privés ; des concessions de services publics locaux ; des contrats d'une durée supérieur à cinq (05) ans ; des actes d'aliénations et échanges des propriétés des Collectivités locales ; des emprunts souscrits par les Collectivités locales auprès des organismes internationaux, ainsi que ceux souscrits auprès des organismes nationaux dépassant les 30% des ressources propre de la collectivité ; des conventions ou accords signés par les Collectivités locales gabonaises ou groupements dans le cadre de la coopération décentralisée ; des conventions de marchés publics ; des comptes administratif et de gestion de la collectivité.

19 Seuls les actes budgétaires ayant un caractère règlementaire sont obligatoirement déférés à la tutelle pour contrôle de légalité, notamment les actes budgétaires prévisionnels et ceux rétrospectifs, accompagnés de leurs délibérations. Y compris les actes budgétaires et financiers locaux de caractère individuel portant atteinte aux droits individuels et libertés publiques.

20 Au sens de la loi, les actes financiers locaux soumis à l'obligation de transmission sont essentiellement : les délibérations des assemblées locales, relatives aux actes financiers locaux ; les décisions prises par délégation de l'assemblée délibérante : il s'agit de décisions prises par le maire, par délégation du conseil municipal, dans les domaines des finances locales ; les décisions réglementaires ou individuelles prises par le maire en sa qualité d'ordonnateur de crédits de la collectivité ; les conventions relatives aux marchés, aux emprunts et les conventions de concession ou d'affermage des services publics locaux.

En revanche, tous les autres actes des collectivités locales n'ont pas à être transmis (actes de gestion courante, actes d'administration interne, conventions autres que celles mentionnées ci-dessus).

21 La ligne de démarcation juridique entre les actes rentrant dans le champ du déféré et ceux qui n'y rentrent pas a été posée par le Conseil d'Etat français qui indique récemment, dans l'arrêt Commune du Port , que le législateur de 1982 n'a pas entendu limiter la faculté qu'a le préfet de former un recours pour excès de pouvoir « à l'encontre de tous les actes des collectivités territoriales ». Cette jurisprudence étend ainsi le déféré aux actes non soumis à l'obligation de transmission, et montre du coup que la frontière est évanescente entre les actes soumis au contrôle et ceux qui ne le sont pas, mais au-delà entre le déféré et le recours pour excès de pouvoir.

En définitive, en droit français, sont des actes susceptibles d'être déférés : les actes soumis à obligation de transmission et les actes non soumis à obligation de transmission, c'est-à-dire presque tous les actes. Seuls sont exclus les actes émanant des autorités locales mais accomplis au nom de l'Etat et les actes relevant du droit privé. La pratique en droit gabonais, concernant le champ d'application du déféré, embrasse la presque totalité des actes locaux qui sont susceptibles d'être déférés par le représentant de l'Etat au juge.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 18

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

l'avenir de la collectivité locale, et d'autre part, les actes budgétaires de bilan ou rétrospectifs (B) qui soldent le passé de la Collectivité locale, et qui sont précédés par les actes dits d'exécution budgétaire.

A- Les actes budgétaires prévisionnels et d'exécution budgétaire

Nous présenterons d'abord les actes budgétaires des collectivités locales dit « prévisionnels », puis les actes budgétaires locaux dit « d'exécution budgétaires ».

Sont appelés « actes budgétaires locaux prévisionnels », les actes qui prévoient et autorisent les ressources et les charges de la collectivité, pour l'année à venir. Il en existe de deux sortes compte tenu de leur objet, de leur date d'adoption et de leur application dans le temps, notamment :

V' Le budget primitif : décision politique la plus importante de la collectivité locale, puisqu'elle traduit, en termes de charges et de ressources, les choix de la collectivité pour l'année à venir, c'est-à-dire qu'il rend compte des prévisions de recettes et de dépenses en fonctionnement et en investissement votées par le conseil municipal ou départemental.

Ce document budgétaire est préparé par le bureau du conseil de la collectivité locale en tant qu'autorité exécutive, et est adopté par l'autorité délibérante soit le conseil municipal ou départemental dans le respect des objectifs et des priorités de la politique municipale ou départementale souhaitée. Une fois voté, cet acte budgétaire prévisionnel permet au président du bureau du conseil d'engager les dépenses dans la limite des crédits prévus, ainsi qu'à poursuivre le recouvrement des recettes attendues. Un budget primitif doit en principe tout prévoir et devrait se suffire à lui-même.

Aussi, des règles particulières régissent le délai de vote de cet acte juridique, car une collectivité locale ne peut perdurer sans budget. Une telle situation pouvant déboucher sur le règlement du budget par l'autorité de tutelle. C'est pourquoi, cet acte de prévision et d'autorisation annuelle des ressources et des dépenses de la collectivité doit être adopté à une période précise de l'année. D'où l'intérêt du contrôle de la tutelle, qui veille à ce que le budget primitif soit arrêté, délibéré et adopté par l'assemblée délibérante au plus tard le 30 novembre de l'année qui précède l'année d'exécution du budget concerné, conformément à l'article 274 de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation.

V' Les budgets additionnels (ou décisions modificatives) : Elles peuvent être votées après l'adoption du budget primitif, en cas de nécessité ou d'urgence. Appelées lois de finances rectificatives dans les finances de l'État, les décisions modificatives sont établies, délibérées et adoptées au plus tard le 30 juin de l'année en cours d'exécution du budget primitif.

Selon l'article 275, « le budget additionnel a pour objet de rapporter au budget de l'année en cours les résultats de l'année précédente, les crédits supplémentaires reconnus nécessaires depuis l'ouverture de la gestion en cours, les recettes non prévues dans le budget primitif et, d'une manière générale, les opérations non apurées provenant des gestions antérieures... ». Autrement dit cet acte budgétaire prévisionnel, aussi appelé

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 19

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

« budget supplémentaire » ou « budget de report de crédits de l'exercice antérieur », permet d'ajuster, de compléter les inscriptions du budget primitif. Il remplit donc une double fonction :

- c'est un budget d'ajustement, qui prévoit par exemple des dépenses nouvelles, à condition de respecter l'équilibre réel. Autrement dit, il est important et nécessaire lors du vote de ces dépenses additionnelles de prévoir les recettes correspondantes de manière à ne pas compromettre l'équilibre du budget (primitif).

- le budget supplémentaire est non seulement un budget de report (du solde du dernier compte administratif sur le budget en cours d'exécution), qui assure la liaison entre les budgets locaux successifs. En matière de finances locales, le budget supplémentaire n'est pas obligatoire. Mais il peut en avoir un ou plusieurs dans un exercice budgétaire donné.

Pour ce qui concerne les actes dits « d'exécution budgétaire », l'expression désigne l'ensemble des actes pris par les autorités décentralisées (organes exécutif et délibérant) dans le but de faire exécuter leurs budgets (primitif ou additionnel) après son approbation par la tutelle. Ce type d'acte budgétaire intervient donc au cours de l'exercice budgétaire pour l'exécution tant en dépenses qu'en recettes des prévisions du budget primitif ou additionnel.

Par conséquent, ils prennent généralement la forme des conventions de marchés publics et autres contrats de délégation de service public ; des virements de crédits de chapitre à chapitre ; des autorisations spéciales de dépenses ; des demandes d'admission en non-valeur. Il s'agit là d'un ensemble d'actes juridiques et financiers liés au budget de la collectivité et donc susceptibles de contrôle de la part des services de l'Etat central.

On peut y ranger également les délibérations portant reformation des biens de la Collectivité locale ; les délibérations relatives aux emprunts des Collectivités locales ; celles relatives aux prises de participation dans les organismes privés ou publics et autres délibérations à incidence financière locale (Ex : les décisions visant l'accroissement des ressources fiscales de la collectivité).

Mais outre les actes budgétaires prévisionnels et ceux dit d'exécution budgétaire, les collectivités locales prennent aussi des actes dits rétrospectifs susceptibles d'être contrôlés.

B- Les actes budgétaires rétrospectifs ou de bilan

Les actes budgétaires rétrospectifs sont établis au terme d'un exercice budgétaire donné. C'est l'ensemble des actes de constat, de résultat, de bilan nécessaires dans la vie financière d'une collectivité locale.

Dans la mesure où les budgets locaux sont des actes de prévision et d'autorisation de dépenses et, qui permettent de percevoir les recettes, il est nécessaire de constater comment et dans quelle mesure les prévisions du budget primitif ont été

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 20

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

concrétisées. Cette constatation se fait au travers des actes budgétaires de bilan. Il en existe de deux sortes qui sont d'ailleurs complémentaires en application du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, à savoir le compte administratif et le compte de gestion.

V' Le compte administratif, qui retrace l'exécution du budget en dépenses et en
recettes, sous l'angle de l'exécutif local. Ce document budgétaire se présente sous la même forme que le budget général (primitif et additionnel, le cas échéant) : deux sections (fonctionnement et investissement) divisées chacune en recettes et dépenses, et reparti en articles et rubriques. Il est en effet, le relevé exhaustif des opérations financières, des recettes et des dépenses qui ont été réalisées au cours d'un exercice comptable donné.

Cet acte budgétaire met, plus ou moins, en évidence la bonne qualité des prévisions du budget primitif, notamment si les dépenses ont été sous-estimées et les recettes artificiellement gonflées. Selon l'article 62 de la loi organique n°001/2014, il est adopté au cours de la première session budgétaire du conseil de la collectivité locale, c'est-à-dire avant la deuxième session consacrée essentiellement au vote du budget primitif de l'exercice à venir.

Notons que le vote du compte administratif22 a lieu en même temps que le compte de gestion du receveur de la collectivité locale mais hors de la présence de l'ordonnateur. À cette occasion, l'assemblée délibérante peut adresser un blâme à l'ordonnateur de la collectivité23.

V' Le compte de gestion, qui retrace quant à lui, l'exécution du budget local par
le receveur de la collectivité locale. Cet acte budgétaire de bilan est tenu par le comptable public assignataire de la collectivité locale, qui seul procède à l'encaissement des recettes et au paiement des dépenses, en application du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables. Il tient donc une comptabilité de caisse.

Comme vu précédemment, ce compte est transmis à l'ordonnateur avant la session budgétaire concernée pour être soumis et adopté par l'assemblée délibérante en même temps que le compte administratif, car les résultats de ces deux comptes doivent coïncider en fin d'exercice, puisqu'en principe ce sont les mêmes opérations qui y sont retracées.

Signalons qu'en France, on débat depuis plusieurs années de l'intégration du compte administratif et du compte de gestion dans un seul compte qualifié de « compte financier unique », dans le but de donner une meilleure information et dans une logique de meilleur management de la collectivité publique.

À présent, voyons comment s'exerce le contrôle du représentant de l'Etat, préalable à l'entrée en vigueur de tout acte juridique à caractère financier des collectivités locales gabonaises ?

22 En France, le compte administratif ne peut être adopté avec un déficit excédant un certain seuil (10% des recettes de la section de fonctionnement pour les communes de moins de 20 000 habitants ; 5% pour toutes les autres collectivités). Au Gabon, le législateur a été silencieux sur la question.

23 Cette hypothèse est plus envisageable lors d'un changement de majorité à l'Assemblée délibérante locale.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 21

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Paragraphe 2 : Le contrôle a priori du représentant de l'Etat sur les actes
budgétaires locaux

Le représentant de l'Etat, en principe24 le Préfet, exerce un double contrôle sur les documents budgétaires locaux : il examine leur légalité (A) et procède à un contrôle budgétaire spécifique (B). Il s'agit d'un contrôle, a priori, varient intervenant lors de l'élaboration et lors de l'exécution des différents actes budgétaires locaux, vus précédemment.

A- L'examen de légalité des actes budgétaires

Le contrôle exercé par le représentant de l'Etat consiste à détecter, ce que René CHAPUS appelle « les vices susceptibles d'affecter la légalité des actes administratifs »25. L'objet étant d'encadrer juridiquement l'action publique locale, en veillant à ce que les décisions financières prises par les collectivités locales soient conformes à la règle de droit et compatibles avec les intérêts généraux de l'Etat26.

Conformément aux articles 357, 358 et 362 de la loi organique 001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, tous les actes budgétaires des collectivités locales sont transmis au représentant de l'Etat, au niveau local, dans les huit jours francs suivant leur adoption, lequel en délivre aussitôt accusé de réception. La preuve de la réception de l'acte peut être rapportée par tout moyen.

Cette transmission de l'acte budgétaire local est obligatoire. En effet, selon l'article 280 alinéa 2, le projet de budget de la Collectivité locale « est transmis pour approbation au représentant de l'Etat qui dispose d'un délai de quinze (15) jours, à compter de la date de dépôt du projet de budget, pour faire ses observations ». Ce n'est qu'après les observations de la tutelle que l'acte budgétaire local est rendu exécutoire par arrêté du président du conseil de la collectivité locale concernée (article 281).

Aussi longtemps qu'ils n'accomplissent pas la formalité de la transmission leurs actes ne sont ni exécutoires, ni opposables. C'est en réalité l'exécution de cette obligation de transmission et l'approbation qui s'ensuit qui impriment aux actes budgétaires locaux leur caractère exécutoire. Selon Jacques Moreau, cette transmission constitue « une mesure de publicité originale imposée aux exécutifs locaux pour certains des actes juridiques les plus importants au nom de la collectivité locale qu'ils administrent »27.

24 Toutefois la pratique montre que ce sont plutôt les services centraux qui jouent ce rôle de contrôle. Les élus locaux étant amenés à se déplacer personnellement, avec tous les risques que cela comporte, au ni vea u de la tutelle central pour le dépôt de leurs actes et leurs suivis.

25 Cf. R. CHAPUS, Droit administratif, op.cit. p.26.

26 Comme le dit Ismaila Madior FALL, « la finalité du contrôle est par conséquent d'assurer le respect de la loi par les collectivités locales. Cette soumission à la règle de droit étant, dans un Etat unitaire, la condition de l'Etat de droit au plan local ».

27 J.MOREAU, « Bilan jurisprudentiel du contrôle administratif de légalité », in AJDA, 1993, spécial, p.50.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 22

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Le représentant de l'Etat procède uniquement aux vérifications des éléments de légalité de l'acte budgétaire et des délibérations qui l'accompagnent, en s'interdisant toute appréciation de son opportunité. Ainsi, les moyens tirés de la légalité externe pouvant affecter les actes financiers locaux sont : l'incompétence de l'auteur de l'acte28 et, les vices de forme29 et de procédures30. Par contre, ceux tirés de la légalité interne sont : le détournement de pouvoir31, la violation directe de la loi32, l'erreur de droit33, l'erreur sur l'exactitude matérielle des faits34, et le contrôle de la qualification juridique des faits35. Il examine en particulier :

- la tenue au sein du conseil de la collectivité locale, dans le mois précédant l'examen du budget primitif, d'un débat sur les orientations budgétaires ;

- la préparation du projet de budget ainsi que sa présentation devant l'assemblée locale par l'organe exécutif de la collectivité locale (Président du Conseil départemental, Président du Conseil municipal) ;

- la transmission du projet de budget, avec les rapports correspondants, aux conseillers de la collectivité locale quinze (15) jours avant l'ouverture de la première réunion consacrée au budget ;

- le vote du projet de budget par l'assemblée locale conformément à la nomenclature budgétaire et au plus tard le 31 mars de l'exercice en cours, sauf exception36;

- la transmission conjointe du budget et de tous les documents permettant au Représentant de l'Etat de s'assurer de l'adoption dudit budget et d'avoir une appréciation exhaustive de la situation administrative et comptable de la collectivité locale.

28 Lorsque l'auteur de l'acte budgétaire local n'avait pas l'aptitude juridique pour l'adopter. On parle soit d'incompétence matérielle, soit d'incompétence territoriale, soit d'incompétence temporelle.

29 Le vice de forme concerne la présentation externe de l'acte budgétaire local et peut s'agir de l'absence d'une signature.

30 Lorsqu'il y a violation d'une règle organisant la procédure d'élaboration des décisions budgétaires et financières locales, exemple lorsque l'autorité de l'exécutif local n'a pas solliciter une délibération du conseil pour procéder à un virement de crédit de chapitre à chapitre comme prévu par les textes.

31 L'illégalité tient ici au mobile de l'acte budgétaire pris : l'Administration locale a usé de ses pouvoirs en vue d'un objectif autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont été confiés. En outre, toute décision financière locale doit poursuivre un intérêt général local certain.

32 Ici, le contenu lui-même de l'acte budgétaire est contraire aux prescriptions des textes composant le bloc de légalité auquel doit être soumis toute décision locale.

33 L'illégalité tient aux motifs de droit qui fondent l'acte budgétaire de la collectivité locale : exemple l'application d'un texte erroné par l'autorité locale.

34 C'est l'hypothèse dans laquelle les faits avancés par l'Administration locale, pour motiver sa décision financière, sont erroné.

35 Lorsque les faits invoqués par l'Administration locale ne sont pas de nature à justifier juridiquement sa décision financière.

36 Lorsque le conseil n'a pas reçu les informations indispensables au vote du budget.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 23

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Le représentant de l'Etat dispose d'un délai de quinze jours pour se prononcer, à compter de la date de l'accuse de réception. Ce délai peut être ramené à huit jours en cas d'urgence et à la demande de l'autorité locale. Au terme de ces délais, les actes sont réputés approuvés tacitement par l'autorité de tutelle.

En cas d'irrégularité, le représentant de l'Etat ne peut annuler l'acte depuis la réforme de 1996 et confirmée par celle de 2015. Par contre il peut refuser de l'approuver. Dans ce cas, le président de la collectivité locale concernée peut, dans le délai de huit jours francs à compter de la notification du refus d'approbation, saisir la juridiction compétente aux fins d'annulation de la décision de la tutelle. L'annulation de celle-ci est synonyme d'approbation dès la notification de la décision juridictionnelle à la collectivité locale.

En somme, l'examen de légalité consiste à vérifier le respect d'une exigence de conformité et de légalité des budgétaires. Si le contrôle de conformité porte sur la présentation c'est-à-dire l'effectivité de certaines mentions obligatoires37, la légalité au contraire, porte sur le contrôle de subsidiarité. Autrement dit, la question est de savoir si l'acte budgétaire local est juridiquement correcte, au regard de la légalité administrative. Il s'agit de vérifier si la collectivité locale à statuer sur un objet relevant de son domaine de compétences, la qualité de l'auteur de l'acte, le respect de sa procédure de mise en oeuvre, le but poursuivi qui, doit être un but d'intérêt public local.

Les contrôles effectués par le représentant de l'Etat se poursuivent tout au long de l'exécution du budget par la transmission obligatoire de tous les actes d'exécution du budget au représentant de l'Etat.

En outre, lorsque « l'autorité de tutelle estime l'acte budgétaire illégal, elle invite l'autorité locale à la mettre en conformité, en lui notifiant les motifs de l'illégalité. En cas de non-exécution des orientations de la tutelle dans un délai de quinze (15) jours, cette dernière défère l'acte querellé devant la juridiction compétente et en informe aussitôt le président du conseil »38. Autrement dit le représentant de l'Etat disposent du pouvoir de saisir le juge compétent afin de faire annuler les actes budgétaires des autorités locales décentralisées non conformes aux lois. Leur mission ne se résume qu'à la seule saisine de la juridiction territorialement compétente, car « l'autorité de tutelle ne peut, par elle-même, ni suspendre, ni annuler les actes d'une collectivité locale... », depuis la réforme de 1996.

Ce recours de l'autorité de tutelle, dénommé « déféré tutélaire »39, quoique de même nature que le recours pour excès de pouvoir, présente quant à lui des traits

37 Il s'agit de vérifier que d'un point de vue formel l'acte budgétaire comporte bien le pays, la devise, les armoirie de la collectivité locale, le timbre, le titre et le numéro d'enregistrement, l'auteur de l'acte, le préambule, les visas, la réalisation du quorum, le dispositif, le lieu et la date d'établissement, la signature et le cachet.

38 Cf. selon l'article 359 alinéa 2 de la nouvelle loi organique sur la décentralisation suscitée.

39 L'expression « déféré », utilisée pour désigner le recours de l'autorité de tutelle afin de contester la légalité d'un acte local notamment budgétaire, est surtout usité en doctrine et en jurisprudence, justement, pour le distinguer du recours pour excès de pouvoir dont il est très proche. Sur ce, la doctrine française, dans une lancée d'assimilation des deux recours, est allée jusqu'à le qualifier d' « une simple modalité du recours pour excès de pouvoir » (Cf. M. GOHIN, Institutions administratives, op.cit., p.596).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 24

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

spécifiques40. Il peut être assorti d'une demande de sursis à exécution de l'acte attaqué41. L'autorité de tutelle dispose également de la possibilité d'introduire un référé précontractuel afin de demander la suspension ou différer la signature d'un contrat, par exemple en matière de commande publique locale.

Mais le représentant n'exerce pas sur les actes budgétaires locaux qu'un contrôle de légalité. Celui-ci est complété par un contrôle dit budgétaire.

B- Le contrôle budgétaire spécifique des actes budgétaires

Sur le fondement des articles 338 et 339 de la loi organique 001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation, le représentant de l'Etat intervient tout au long de la procédure d'élaboration pour assurer le respect des règles budgétaires applicables aux collectivités locales.

Il ressort de l'article 339 que « l'autorité de tutelle rejette l'acte budgétaire d'une collectivité locale dans les cas suivants : lorsque l'acte n'a pas été établi conformément aux lois et règlements ; lorsqu'il a été omis l'inscription des dépenses obligatoires ; lorsque les crédits ouverts pour faire face aux dépenses obligatoires sont insuffisants ; lorsqu'il apparait une sur-estimation ou une sous-estimation substantielle des recettes ou des dépenses réelles ». Autrement dit, il existe plusieurs cas d'ouverture prévues par la loi : la date de vote et de transmission du budget primitif, l'équilibre réel du budget, la date de vote du compte administratif et son équilibre, le défaut d'inscription ou de mandatement des dépenses obligatoires et enfin, la conformité des marchés passés par la collectivité locale.

Lorsque la date du vote n'est pas respectée. Les actes budgétaires des collectivités locales doivent être élaborés dans un cadre temporel précis, que ce soit pour les actes budgétaires prévisionnels comme ceux rétrospectifs. L'autorité de tutelle doit s'assurer alors que l'adoption de ces actes budgétaires soit respectueuse des délais impartis par les textes.

Selon l'article 274 de la loi organique 001/2014, le budget primitif est arrêté, délibéré et adopté au plus tard le 30 novembre de l'année qui précède l'année d'exécution du budget concerné. Alors que le budget additionnel est établi, délibéré et adopté au plus tard le 30 juin de l'année en cours.

Si le Conseil local concerné n'a pas voté son budget avant la date limite alors qu'il a reçu les informations indispensables à l'établissement du budget, le président du

40 Non seulement l'autorité de tutelle n'a pas à justifier d'un intérêt à agir, comme c'est de rigueur dans le recours de droit commun ; mais encore le décompte du délai ne cours qu'à compter de la transmission des actes locaux, notamment budgétaires et financiers ; enfin, le champ d'application de ce recours pourrait même être plus large que celui du traditionnel recours pour excès de pouvoir.

41 Lire l'article 360 de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 25

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

conseil reconduit le budget de fonctionnement, uniquement, de l'exercice en cours après avis consultatif de l'autorité de tutelle42.

Précisons cependant que dans la pratique, les collectivités locales sont tenues d'attendre les plafonds budgétaires avant de préparer leurs budgets43. Or, ces plafonds arrivent souvent avec des retards. Toute chose qui est de nature à rendre illusoire le respect des délais légaux de dépôts desdits actes.

Hormis ces retards, il convient de souligner le manque d'évaluation préalable à la fixation des plafonds budgétaires, car les besoins exprimés par les collectivités locales devraient être pris en compte par la tutelle.

- Lorsque le budget n'est pas vote en équilibre44. En effet, à l'opposé du principe

fondamental de l'équilibre du budget général de l'Etat, dans lequel il est admis l'existence de déficit, l'équilibre financier des collectivités locales n'accepte aucune dérogation. Ce principe veut que les montants retenus dans leurs budgets respectifs, et correspondants aussi bien aux recettes qu'aux dépenses, soient strictement égaux. Les collectivités locales doivent par conséquent réaliser un même équilibre réel dans chaque section budgétaire. Cette règle de l'équilibre récuse non seulement tout déficit mais aussi tout excèdent. Cela dit, l'ensemble des recettes et des dépenses doivent être exactes. Les élus locaux doivent alors évaluer les recettes et les dépenses avec justesse mais encore avec sincérité45.

Si le projet de budget n'a pas été voté en équilibre réel, le représentant de l'Etat doit d'abord constater le déséquilibre dans les 15 jours qui suivent sa transmission. Il propose, par la suite, dans les 15 jours qui suivent ce constat, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, en saisissant le président du conseil local. Ce dernier le soumet alors dans les dix (10) jours à une nouvelle délibération du conseil municipal. Celui-ci doit statuer sous huit (8) jours, et le projet de budget est immédiatement renvoyé à l'autorité de tutelle locale. Si le projet de budget n'a pas de nouveau été voté en équilibre, le Ministre de l'intérieur est alors sollicité avant la saisine de la cour des comptes par le président du conseil.

42 Cf. article 266 de la loi organique 001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation.

43 C'est le Ministre de l'intérieur et celui en charge des finances qui fixent, avant le début de l'exercice budgétaire, « les plafonds budgétaires annuels ». Ce sont des montants de budgets ou des taux au-delà desquels les budgets locaux ne peuvent être approuvés par les services centraux de l'Etat. Ils sont fixés lors des réunions des techniciens des Ministères de l'Intérieur et des Finances. Ces derniers se réfèrent aux réalisations des trois dernières années.

44 L'équilibre présente un caractère impératif pour les collectivités locales. En effet contrairement à la loi de finances de l'Etat qui peut connaitre un déséquilibre prévisionnel qualifié d'impasse par la doctrine, le budget local doit être impérativement équilibré. Pour ce faire 3 conditions sont à respecter : les deux sections du budget doivent chacune présenter un équilibre entre recettes et dépenses ; les techniques d'évaluations réglementaires doivent être respectées lors de l'élaboration du budget et enfin l'intégralité de la dette arrivée à échéance doit être couverte par un prélèvement opéré sur la section fonctionnement.

En outre le principe de l'équilibre budgétaire subordonne la validité des modifications proposées par les conseillers locaux lors de l'adoption du budget à l'acception de l'ordonnateur. En cours d'exécution la collectivité locale doit présenter un solde constamment positif.

45 Ils ne doivent pas surévaluer les dépenses ou sous-évaluer les recettes.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 26

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

- En cas de déficit révélé par l'arrêté des comptes. Pour ce qui est spécifiquement du contrôle des actes budgétaires de bilan, il ressort que lorsque l'exécution du budget du dernier exercice clos fait apparaitre un déficit, le représentant de la tutelle devra veiller, à ce que soient adoptées par le conseil municipal intéressé toutes les mesures utiles à la résorption de ce déficit. En cas d'insuffisances de ces mesures, il inviterait le conseil à délibérer dans les quinze (15) jours, sur de nouvelles propositions qu'il adresserait par lettre recommandée au Maire de la commune intéressée46. Si, à l'expiration de ce délai, le conseil municipal n'a pas voté les mesures proposées par l'autorité de tutelle, celles-ci seront fixées par décision de la juridiction des comptes compétente, et l'acte sera établi par arrêté du Ministre de l'intérieur47.

- Défaut d'inscription de dépenses obligatoires. Lorsque le représentant de l'Etat, de sa propre initiative ou saisi par le comptable public ou toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire48 n'est pas inscrite au budget ou l'est pour une somme insuffisante, il adresse une mise en demeure à la collectivité locale concernée. Si dans le délai de quinze (15) jours, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, le représentant de l' Etat inscrit cette dépense au budget de la collectivité locale et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat, après avis de la juridiction des comptes, règle le budget rectifié en conséquence et le rend exécutoire.

Pour ce qui est des marchés passés par la collectivité locale, le représentant de l'Etat s'assure que les conventions de marchés publics soient conformes à la réglementation en la matière. Il vérifie la régularité de la procédure de passation, l'existence de l'imputation budgétaire, le montant du marché, le dossier juridique du soumissionnaire retenu, ...

Depuis la réforme administrative de 2014, l'exigence désormais est celle de l'obtention préalable du visa de l'autorité de tutelle des collectivités locales uniquement, avant l'examen technique par les services de la DMP et l'approbation du projet de convention de marché par le DGBFIP. Autrement dit, les conventions de marché ne sont plus approuvées par le Ministère de l'Intérieur en charge de la décentralisation mais par le Ministère du budget et des comptes publics.

Notons, par ailleurs, que le représentant de l'Etat veille à la régularité de l'exécution du budget local. Il peut, à tout moment, procéder à une vérification sur place de la comptabilité de l'exécutif local et exiger la production de documents ou pièces justifiant la

46 OBIANG Jules, Mémoire de Maitrise en droit public, op.cit.p23.

47 Rappelons que la loi organique n°15/96 prévoyait que c'est le juge des comptes qui, sur saisine du Préfet ou Gouverneur, fait des recommandations utiles à la résorption de ce déficit à l'occasion de l'établissement du budget suivant. La nouvelle loi organique donne, elle, cette compétence au président du conseil et non à l'autorité de tutelle.

48 Pour ce qui est des dépenses obligatoires, il en existe deux principales : les dépenses d'intérêt public local et les dépenses de transfert. Pour les premières, il s'agit des dépenses relatives à la rémunération du personnel local, les dépenses de matériel et aussi les dépenses d'entretien et d'élargissement du patrimoine ou d'investissement. Pour les secondes, on y trouve les participations, allocations, subventions et frais financiers.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 27

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

légalité des initiatives financières. Au demeurant ces vérifications sont rarement opérées. Elles interviennent généralement lorsqu'elles sont susceptibles de déceler des irrégularités ou des négligences dans la gestion financière de l'ordonnateur. Gestion au terme de laquelle, un compte administratif produit par l'ordonnateur lui est transmis. Le représentant de l'Etat y examine les opérations réalisées ainsi que les restes à réaliser pour s'assurer de leur sincérité. Il vérifie la conformité de cet acte rétrospectif avec la comptabilité des engagements49 tenue au fur et à mesure de l'exécution budgétaire par l'ordonnateur.

Le représentant de l'Etat exerce son contrôle a priori50 par deux mécanismes : le pouvoir d'autorisation51 et d'approbation52 préalable. De même, subsiste le pouvoir de substitution d'action de la tutelle en matière d'actes financiers locaux53.

En conclusion, on peut dire que le représentant de l'Etat doit veiller à la légalité de l'élaboration et de la mise en oeuvre du budget. Cette obligation découle qui fait de lui le

49 La comptabilité des engagements de dépense est une comptabilité de prévisions qui a pour but de fournir, à tout moment, l'évaluation approchée des dépenses imputables à l'année budgétaire en cours.

50 Selon Charles EISENMANN, ce contrôle a priori est la condition de « l'entrée dans l'ordre juridique, comme un de ses éléments, c'est l'acquisition de la force ou valeur juridique, c'est-à-dire, de la force ou valeur de norme ». (Cf. Ch. EISENMANN, Cours de droit administratif, Tome 1, Paris, LGDJ, 1982, p.260).

Dans le droit gabonais des collectivités locales, le régime de l'entrée en vigueur des actes budgétaires des collectivités locales est conditionnés par des mécanismes relevant d'un contrôle dit « contrôle a priori », parce que s'exerçant justement avant cette entrée en vigueur, pour la permettre ou pour l'en empêcher.

51 Le pouvoir d'autorisation concerne les « mesures envisagées par les autorités décentralisées et qu'elles ne peuvent décider que si elles ont, au préalable, obtenu l'autorisation nécessaires », c'est-à-dire, le quitus des autorités de tutelle. Dès lors, il s'agit d'un pouvoir, ou « d'une faculté d'autorisation », lorsque l'autorité sous tutelle qui envisage prendre une décision ou effectuer une opération, doit d'abord s'en remettre à l'autorité tutélaire pour que celle-ci se prononce sur l'adoption ou la non-adoption de l'acte ou de l'opération. On peut ainsi citer les autorisations requises auprès de la direction des marchés publics (DMP) du ministère du budget, pour toute passation de marché public local par la procédure de l'entente directe notamment.

52 Le pouvoir d'approbation quant à lui, « intéresse les décisions prises, mais dont le caractère exécutoire est subordonné à leur approbation, qui rétroagit à la date de leur édiction ». Ici, contrairement au premier pouvoir étudié, la décision ou l'opération est déjà adoptée ou conclue, c'est seulement celle de son entrée dans l'ordonnancement juridique qui dépend de l'autorité de tutelle, qui peut l'accepter ou la refuser. Son caractère exécutoire dépend alors de la tutelle. C'est essentiellement le cas des actes budgétaires prévisionnels (budgets primitif ou additionnels) et ceux rétrospectifs (compte administratif ou de gestion) dont le législateur exige l'approbation préalablement à leur entrée en vigueur ou à leur exécution.

53 Pour ce qui concerne spécifiquement la substitution d'action en matière de contrôle des finances locales, elle se matérialise par l'agissement de l'autorité de tutelle « en lieu et place » et « pour le compte » de l'autorité décentralisée. Il s'agit d'une mesure exceptionnellement grave au regard du principe libre administration. La tutelle n'hésite pas à se substituer le plus souvent aux élus locaux en vue de réaliser une tâche ou de corriger une irrégularité. C'est généralement le cas lors de l'examen des projets d'actes budgétaires prévisionnels locaux, sous réserve des hypothèses où l'autorité de tutelle agit en liaison avec la juridiction des comptes.

En l'état actuel de notre droit de la décentralisation, le pouvoir de substitution reconnu à l'Etat central en matière de contrôle budgétaire est limité à certains cas : règlement du budget lorsque celui n'est pas voté à temps par l'assemblée délibérante, ou qu'il est exécuté en déficit ; ou inscription d'office au budget local d'une dépense obligatoire.

Par ces mécanismes du contrôle a priori, l'Etat central dispose d'un « véritable droit de veto », avons-nous observé.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 28

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

garant du respect des lois dans sa circonscription. Au demeurant, il ne peut exercer qu'un contrôle de légalité strict de l'élaboration et de l'exécution du budget. Il ne peut se faire juge de l'opportunité des initiatives financières des autorités locales. Son pouvoir de contrôle reste subordonné au strict maintien de la légalité dans sa circonscription administrative. Au-delà de celle-ci, il devient arbitraire et s'expose aux sanctions du juge administratif sur initiative de l'administration locale.

Le contrôle administratif n'est pas exercé par le seul représentant de l'Etat en sa qualité d'autorité de tutelle. En effet, il fait intervenir d'autres autorités administratives.

Section 2 : Les contrôles du Contrôleur budgétaire et du Comptable public local

Les opérations budgétaires d'une collectivité locale s'exercent après la phase d'approbation de l'acte budgétaire. La phase de l'exécution budgétaire qui s'en suit fait intervenir divers contrôles budgétaires dit « concomitants » et « a posteriori » exercés essentiellement par les organes administratifs du Ministère du budget et des comptes publics. Ces contrôles concernant essentiellement les actes dits d'exécution budgétaire.

Analysons d'abord le contrôle du contrôleur budgétaire local (paragraphe 1), avant de voir celui du receveur de la collectivité locale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : le contrôle a posteriori du contrôleur budgétaire local

C'est l'article 350 de la loi organique n°001/2014 qui dispose que « le contrôleur financier local54 exerce, a posteriori, un contrôle d'exécution budgétaire55 dont les modalités sont fixées par voie réglementaire ». Autrement dit, le contrôleur financier local, dorénavant appelé « contrôleur budgétaire local » est juge de la régularité d'exécution budgétaire. Il joue le rôle d'auditeur interne dans les administrations locales (décentralisées comme déconcentrées). À ce titre, il vise les délibérations portant sur le vote du budget, et l'ensemble des actes financiers locaux.

54 La reforme instituée en 2015 en matière de contrôle des finances publiques au Gabon, a permis de passer de la notion de « contrôle financier » à celle de « contrôle budgétaire ». Avant le contrôle financier consistait uniquement à vérifier la régularité et la conformité des dépenses par rapport aux lois et règlements. Il s'est avéré trop formel dans ses procédures. D'où le passage au contrôle dit « budgétaire » pour cadrer avec la mise en oeuvre de la BOP.

L'esprit de cette réforme a consisté d'une part, à supprimer le visa sur les ordonnances de paiement et à le limiter sur les engagements qui présentent un enjeu budgétaire fort. D'autre part, à repositionner le contrôle financier vers le conseil aux gestionnaires de crédit dans la préparation et le suivi budgétaire de l'exécution, notamment en analysant les déterminants de la dépense et les risques budgétaires.

55 Ce contrôle budgétaire est focalisé sur la gestion des ordonnateurs locaux (Maire et Président du conseil départemental).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 29

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Placés sous l'autorité de la nouvelle DGBFIP56, ces fonctionnaires des unités de contrôle budgétaire du ministère du budget57 ont pour vocation d'assurer la surveillance et la maitrise des finances publiques locales. Ils s'assurent de l'exhaustivité des ressources de la collectivité, vérifient l'efficacité et l'efficience des dépenses tout en renforçant le contrôle de la réalité du service fait avant tout acte de paiement. Ils exercent, en principe, un contrôle a posteriori, intervenant tant au niveau des opérations d'engagement et de mandatement (A) qu'avant l'apposition de son visa de régularité et non de conformité juridique de l'acte budgétaire d'exécution (B).

A- Le contrôle des opérations d'engagement et de mandatement

D'abord au niveau des engagements. À cet effet, il apprécie la régularité des opérations d'engagement qui sont effectuées par le maire ou le président du conseil départemental58. Cependant lorsque l'engagement est discutable, le contrôleur budgétaire local doit vérifier minutieusement tous les actes qui se traduisent par une dépense immédiate ou future. Son attention se porte sur l'imputation budgétaire de la dépense, l'existence des crédits disponibles sur le chapitre budgétaire intéressé, l'exactitude de l'évaluation, le respect des lois et règlements.

Le contrôle effectué se focalise uniquement sur la régularité de la dépense, et non sur l'opportunité, même si en réalité la frontière est assez floue entre ces deux notions, notamment lorsque le contrôleur budgétaire s'assure que les conditions de passation d'un marché public sont bien conformes aux autorisations des assemblées délibérantes et à l'intérêt financier des collectivités locales. De toute évidence, à côté de l'appréciation de la régularité, le contrôleur budgétaire a tendance à apprécier aussi l'opportunité des dépenses, pensent les élus locaux.

En sa qualité de conseiller de l'ordonnateur local59, il peut le cas échéant se faire « l'avocat » du maire ou du président du conseil départemental qu'il contrôle, auprès du ministre des finances notamment pour soutenir les demande de crédits qu'il estime logique.

56 Cf. le décret n°0058/PR/MBCP du 16 janvier 2015 portant création et organisation de la Direction Généra le du Budget et des Finances Publiques.

57 Selon l'article 6 du décret n°1207/PR-MINEECOFIN du 10 octobre 1978 portant création du corps d'inspection des finances, il fait partie des inspecteurs des finances.

58 Mais parfois ce contrôle ne s'impose pas, car il y a des engagements automatiques, par exemples en matière de dépenses de personnel des effectifs existant. À moins qu'il y ait un nouveau recrutement de personnel.

59 Gardien du respect des normes en matière de gestion des finances locales, le contrôleur financier local, de par son intervention, constitue pour le maire ou le président du conseil départemental une référence pour ses prévisions budgétaires. La sincérité dans les prévisions des recettes et des dépenses ne peut être respectée que si les prévisions budgétaires sont faites par des agents dotés de compétences requises.

Or, au niveau de nos communes ou départements, le maire ou le président du conseil départemental apparaît comme l'élément capital pour ces opérations. Hommes politiques, ils ne disposent pas nécessairement de rudiments solides en matière de prévisions budgétaires. Alors, l'acteur de référence au niveau local capable de leur apporter son concours reste entre autres le contrôleur budgétaire de la collectivité locale concernée.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 30

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Dans la pratique même, lorsqu'il refuse de donner son visa, le service financier de la collectivité chargé de la dépense locale doit se conformer aux avis du contrôleur.

Ensuite le contrôleur budgétaire vise également les ordonnancements ou mandatements avant signature du maire ou du président du conseil départemental. Il s'assure que la dépense a fait l'objet d'un engagement autorisé et que l'ordonnancement est conforme à l'engagement60. En cas d'irrégularité, le contrôleur vise « avec observation » ou « sous réserve », le comptable ne pourra donc procéder au paiement qu'avec l'autorisation expresse de sa hiérarchie.

Dans tous les cas, la sanction du contrôleur budgétaire est la nullité de l'engagement ou de l'ordonnancement effectué sans son visa ou son avis. Car, les mandatements de paiement non estampillés du visa du contrôleur budgétaire sont nuls et sans valeur pour les comptables du trésor61. Toute chose qui justifierait l'obligation du receveur de la collectivité locale de refuser de payer lorsque le visa du contrôleur fait défaut.

En somme, les différentes modalités d'intervention du contrôleur budgétaire sur les actes financiers locaux reposent sur un contrôle de la soutenabilité de la programmation

60 Le traitement du dossier d'une dépense publique locale diffère selon qu'il s'agit d'une dépense de fonctionnement ou d'investissement. Dans le premier cas, en provenance de l'ordonnateur de crédit local, le dossier de paiement est réceptionné par les services de l'unité de contrôle (UC) concerné et suit la procédure suivante :

V' Un agent vérificateur contrôle l'exhaustivité du dossier, la régularité et l'efficience de la dépense, puis la réalité du service fait.

V' Un contrôleur budgétaire adjoint (CBA) analyse et vérifie en profondeur le dossier. Il fait ressortir les éventuelles irrégularités et étudie l'opportunité de recourir à l'expertise de la direction du service fait.

V' Puis le contrôleur budgétaire (CB), qui supervise l'ensemble des travaux réalisés en amont, appose son visa d'approbation ou demande des compléments d'information ou émet une notification de rejet.

Concernant le dossier d'une dépense d'investissement, le traitement se fait depuis la phase d'engagement jusqu'à celle de l'ordonnancement ou mandatement. Ainsi, en provenance de l'ordonnateur de crédit local compétent, le mandat de paiement, ayant reçu préalablement l'avis favorable de la direction du service fait, est traité comme suite par :

V' Un contrôleur budgétaire adjoint qui examine l'exhaustivité du dossier, la régularité et efficience de la dépense. Il signale aussi les éventuelles irrégularités décelées.

V' Puis le contrôleur budgétaire (CB), après avoir supervisé l'ensemble des travaux réalisés en amont, soit appose son visa d'approbation, soit demande des compléments d'information ou soit émet une notification de rejet.

Pour la phase de l'ordonnancement ou mandatement, la décision finale appartient soit au Contrôleur Budgétaire, soit au Directeur Général selon leur champ de compétence respectif.

61 Il faut remarquer que dans la pratique, plusieurs dépenses, dites « menues dépenses », des collectivités locales sont payées sans le visa du contrôleur dont l'intervention pourrait être considérée comme une lourdeur par les élus locaux.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 31

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

budgétaire initiale de la Collectivité locale62 ainsi que sur le contrôle de la régularité et de l'efficacité de sa dépense63.

B- Les procédés de contrôle du contrôleur budgétaire local

Il est question de parler des différents visas et avis qui sont les deux procédés utilisés par le contrôleur budgétaire pour l'exercice de son contrôle financier local sur l'ensemble des actes budgétaires locaux.

Concernant les visas, notons que viser un acte dans le milieu financier est une technique par laquelle le contrôleur financier apprécie la régularité d'une dépense ou d'un acte ayant une incidence financière sur le budget de l'Etat ou des autres organismes publics que sont les collectivités territoriales et les établissements publics. Le visa est matérialisé par la signature et le cachet du contrôleur financier sur une proposition de dépense ou de texte ayant un effet sur les finances publiques.

Ainsi, dans le cas de la collectivité locale, tout acte qui l'engage financièrement n'est valide que s'il est revêtu du visa du contrôleur budgétaire local compétent. C'est le cas notamment des mandats de paiement. Ils ne peuvent être présentés à la signature du maire par exemple qu'après avoir été soumis au visa du contrôleur financier local. A cet effet, il est interdit au receveur municipal d'effectuer des paiements de mandats non revêtus de ce visa. Le contrôleur budgétaire, avant d'apposer son visa, doit vérifier la légalité, la régularité et la moralité de l'acte de dépense. Ce visa peut revêtir trois (03) formes :

- Le visa accordé : Le contrôleur budgétaire local utilise cette technique lorsque l'acte d'engagement ne soulève aucune faille ou limite du point de vue de sa légalité, de sa régularité et de sa moralité. Dès lors, c'est « un feu vert » accordé à l'ordonnateur local pour que l'engagement s'effectue sans problème.

- Le visa assorti de réserves : Cette technique permet au contrôleur financier d'inventorier tous les points faisant l'objet de réserve et de les soumettre pour régularisation à l'autorité locale ayant initié la dépense. Le visa ne sera définitif qu'après régularisation des points jugés irréguliers. C'est donc un feu orange adressé au maire sur son acte de dépense.

62 Il s'agit de vérifier le caractère sincère des prévisions de dépenses et leur compatibilité par rapport à l'approbation de la tutelle et aux objectifs de maitrise de la dépense de la collectivité ; la consommation mensuelle des crédits ; de s'assurer de la soutenabilité de l'engagement dans le temps et de la couverture des dépenses obligatoires et inéluctables de la collectivité locale; les principaux déterminants de la mas salariale...

63 Par le biais du contrôle et visa des autorisations d'engagement comme de liquidation de la dépense, notamment en vérifiant la bonne évaluation de la dépense, les mouvements de crédits et la fongibilité asymétrique, l'exactitude et la sincérité des calculs, le montant net des reste à engager, les montants net des charges et reste à payer, l'imputation budgétaire, l'effectivité du service fait, l'habilitation du gestionnaires de crédit ; et les dépenses de personnel et leur provision de consommation mensuelle des crédits...

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 32

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

- Le refus du visa : Selon la gravité de l'irrégularité constatée, le contrôleur budgétaire local peut refuser son visa. La dépense ne pouvant être entreprise dans ces conditions. C'est donc « un feu rouge » adressé au maire et il ne peut passer outre le refus de visa du contrôleur financier que sur décision du Ministre du budget et des comptes publics.

Pour ce qui est des avis, en droit ce terme s'applique au résultat des consultations, facultatives ou obligatoires selon le cas, demandées aux divers organes (personnes physiques ou organismes spécialisés). Ces consultations ayant que rarement un caractère obligatoire ou contraignant dans leur contenu.

L'avis dans le domaine financier est une technique qui s'identifie matériellement au visa, dès lors qu'il requiert du contrôleur financier une apposition de signature. Il s'en suit que le contrôleur budgétaire peut adopter deux (02) attitudes lorsqu'il contrôle les actes budgétaires locaux : soit donner un avis favorable, soit donner un avis défavorable. Les avis du contrôleur budgétaire sont exprimés à l'occasion du visa. S'il accepte de viser l'acte, c'est qu'il émet un avis favorable. A l'inverse, l'avis défavorable doit être donné et motivé dans un délai de huit (08) jours à compter de la date de transmission du projet d'acte budgétaire pour avis. Il ne saurait passer outre l'avis défavorable du contrôleur budgétaire local que sur décision du Ministre du budget et des comptes publics.

En outre, en sa qualité de conseiller financier de l'ordonnateur local, le contrôleur budgétaire local exerce en quelque sorte un contrôle a priori64 des dépenses de la collectivité locale. Cela ne signifie pas un manque de confiance à l'exécutif local ou son incapacité à gérer convenablement les ressources de la commune ou du département, mais une marque d'intérêt que le législateur manifeste à l'égard de l'ordonnateur local. En effet, l'apposition du visa du contrôleur financier constitue en quelque sorte cette marque de confiance. Les observations formulées par le contrôleur budgétaire rappellent au maire cette volonté du législateur de faire que le budget dont il assure la gestion soit exécuté conformément aux prévisions et aux normes budgétaires. Cela permet au maire d'éviter les dérapages à même de compromettre la bonne gestion financière durant son mandat.

Par son office, le contrôleur budgétaire local permet de réguler les dépenses par rapport aux recettes, évitant ainsi les dépassements de crédits. Il veille à une utilisation rationnelle des recettes locales qui demeurent insuffisantes par rapport aux multiples besoins des populations. Sa contribution à l'amélioration des finances locales est certaine65 car dans la pratique, il est régulièrement sollicité par l'exécutif local pour ses conseils, son contrôle de la régularité et de la soutenabilité des dépenses, que pour ses avis, dans la mesure où le

64 Notons que dans la nouvelle loi organique sur la décentralisation suscitée, le législateur gabonais a décidé de faire de ce contrôle budgétaire du contrôleur financier local un contrôle dorénavant a posteriori et non plus a priori comme dans la loi organique 15/96.

Toutefois l'absence de réelle mise en oeuvre de cette réforme nous amène à parler du contrôle a priori toujours en vigueur lors de notre passage dans les services de l'unité de contrôle budgétaire de la DGBFIP.

65 Le contrôleur budgétaire, au terme de discussions approfondies avec le maire, aboutit généralement à un accord avec lui. Il devient alors le défenseur et l'avocat du maire devant le Ministre des Finances, et non pas son censeur. Cette évolution aboutit ainsi à une véritable cogestion de l'activité financière locale.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 33

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

budget de la collectivité locale, comme le budget de l'Etat, doit respecter certains principes budgétaires66. Le contrôleur budgétaire est amené à accompagner le maire dans l'élaboration et l'exécution de son budget. C'est, en principe, un agent incontournable pour le Maire dans ses prises de décisions à caractère financier67.

66 En effet, le budget communal est établi dans un cadre temporel annuel. Le budget de la commune est voté chaque année pour une durée d'une année civile (1er janvier au 31 décembre). Cette durée s'appelle un exercice. Ce principe est consacré par le régime financier et comptable des collectivités territoriales.

Tout comme, le budget de la commune doit être voté avant le début de l'exercice auquel il s'applique c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre. Ce principe s'explique par le fait que pour que des dépenses soient réalisées et des recettes encaissées, il faut que des crédits aient été préalablement ouverts et des ressources prévues. Ce principe découle du principe du consentement à l'impôt.

Par ailleurs, la totalité des dépenses et des recettes doit apparaître dans un document unique ; donc à un budget correspond un document c'est-à-dire qu'un seul état des dépenses et des recettes doit être adopté. Les assemblées délibérantes visualisent donc globalement l'activité financière, économique et sociale de la commune. Mais les organes pléniers sont appelés à se prononcer sur plusieurs documents à savoir le budget primitif, le budget supplémentaire et les autres décisions modificatives.

La non affectation signifie qu'une recette particulière ne peut être attribuée à une dépense précise. Le bloc des dépenses et celui des recettes sont distincts. Quant à la non compensation (ou règle de non contraction ou du produit brut), elle défend d'opérer une compensation entre les dépenses et les recettes c'est-à-dire pour une opération donnée de ne faire apparaître qu'un solde. Ce principe et ses deux (02) règles corollaires se traduisent au niveau comptable par l'unicité de caisse et l'unicité de trésorerie.

Les crédits budgétaires doivent être utilisés selon l'objet, la nature ou la destination des dépenses. Les crédits doivent être subdivisés en unités relativement précises et affectées à des dépenses données. Par exemple, le budget de la commune est subdivisé en sections. Chaque section est présentée par chapitre, par article et par paragraphe selon la nomenclature et les modalités déterminées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre en charge des Finances.

L'équilibre budgétaire exige que dans l'élaboration du budget, le montant global des dépenses soit exactement égal au montant des recettes. L'équilibre doit être réel c'est-à-dire que les dépenses ne doivent pas être sous-évaluées et les recettes sur-évaluées. Les prévisions doivent être sincères.

67 Le contrôleur budgétaire local, en plus de participer à l'élaboration et à l'exécution des actes budgétaires locaux, a aussi un rôle d'accompagnement des exécutifs locaux dans la prise des décisions à caractère financier.

En effet, les élections municipales étant fonction du programme de société que présentent les différents candidats, une fois élu et, pour s'assurer d'une réélection, le candidat doit exécuter son programme67. Cependant, ce programme de société ne peut s'exécuter sans ressources financières. Là encore, le contrôleur budgétaire local apparaît comme une référence dans les prises de décisions desdites autorités décentralisées car il leur permet par ses conseils d'orienter leur vision de développement vers des projets de développement viables pour leur collectivité locale.

Le contrôleur budgétaire est donc un conseiller pour le maire. Il est un technicien averti des problèmes financiers et est à même de donner des solutions adéquates. Ce rôle de conseiller devrait se développer de plus en plus dans notre pays et en particulier au niveau local où les ressources humaines sont insuffisantes et moins qualifiées. Par conséquent, le contrôleur financier devrait être de plus en plus sollicité par les ordonnateurs des budgets communaux et départementaux sur toutes les questions à caractère financier. Sa

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 34

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Paragraphe 2 : Le contrôle concomitant du receveur de la collectivité locale

Sur le fondement des articles 340 de la loi organique n°001/2014 sur la décentralisation, « le receveur de la collectivité locale68 exerce sur les actes budgétaires locaux un contrôle concomitant de régularité des pièces justificatives à l'exécution du budget ». Autrement dit, le receveur municipal ou départemental recouvrent les recettes et règlent les dépenses ordonnancées, selon le cas, par le maire ou le président du conseil départemental.

Quoiqu' agent de l'Etat, le comptable public local exerce ses fonctions au nom de la collectivité locale. À ce titre, il veille à la régularité des opérations d'exécution du budget local. Ce contrôle repose sur un fondement précis : principe de séparation des ordonnateurs et des comptables. La séparation entraine une division du travail au sein de l'administration financière. L'ordonnateur dispose du pouvoir d'appréciation en opportunité alors que le comptable n'a qu'un pouvoir de contrôle de la régularité en la forme des opérations d'exécution du budget.

Le comptable local veille à la régularité des opérations d'exécution du budget dans la limite de sa responsabilité personnelle et pécuniaire. À ce titre, il exerce un contrôle sur les opérations de dépenses (A) et sur les opérations de recettes (B).

A- Le contrôle des opérations de dépenses

Le comptable n'exerce qu'un contrôle de légalité sur pièces. Autrement dit, il ne vérifie que la réalité formelle de l'opération. On dit qu'il n'est pas juge de la moralité de la dette33. Le comptable local exerce son contrôle aussi bien sur le dossier de la dépense que sur l'identité de la personne bénéficiaire de la créance. Dans le premier cas, il assure une fonction de payeur dans le second cas une fonction de caissier

D'abord les opérations juridiques ou la fonction de payeur. Elle est l'occasion, pour le comptable local, de s'assurer de la réalité formelle de l'opération de dépense initiée par l'ordonnateur. À cet effet, il vérifie un certain nombre de points fixés par la législation comptable69. Les contrôles de mandatement reposent en outre, sur les articles 341 et 342 de la nouvelle loi organique sur la décentralisation, et sur la liste des pièces justificatives exigibles pour chaque catégorie de dépenses établie par arrêté du Ministre du budget. En sa qualité de payeur, le comptable public local :

? Premièrement, s'assure du respect des règles de compétence. Il n'accepte que les mandats émis par un ordonnateur accrédité auprès de lui dans les formes réglementaires et

formation et son expérience leur permettraient de prévenir les irrégularités et d'accroître l'efficacité des procédures de dépenses.

68 Ils sont nommés parmi les comptables du trésor conjointement par le ministre des finances et celui cha rgé de la tutelle sur les collectivités locales.

69 On peut citer le règlement général sur la comptabilité publique, le régime financier des collectivités locales et l'instruction sur la comptabilité des collectivités locales.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 35

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

vérifie que les dépenses sont bien assignées sur sa caisse en fonction des règles de compétence du réseau comptable. Ce type de contrôle exige que le comptable public local vérifie notamment l'existence et la régularité des délégations de signature au sein des services ordonnateurs, suive les nominations et affectations des fonctionnaires habilités ;

V' Deuxièmement, s'assure de l'existence des crédits disponibles. Ce contrôle s'appuie en fait souvent sur le visa préalable du contrôleur budgétaire, anciennement appelé contrôleur financier, mais dans certains cas d'engagements globalisés, il le complète.

V' Troisièmement, vérifie l'imputation de la dépense par rapport aux règles budgétaires de spécialisation des crédits. Ce contrôle est lié au précédent et en pratique se confond avec lui ;

V' Quatrièmement, vérifie la validité de la créance. Cela implique la justification du service fait, à partir des pièces justificatives exigées par les textes. Les pièces attestant la réalisation et signées de l'ordonnateur font foi jusqu'à preuve du contraire. Mais le comptable public local peut détecter des incohérences avec d'autres aspects du dossier qui l'amèneront à suspendre le paiement. Le comptable doit en outre s'assurer de l'exactitude des calculs de liquidation. Enfin, il s'agit de vérifier que le mandat est accompagné de toutes les pièces justificatives prescrites par la réglementation en fonction de la nature de la dépense.

Il convient de noter que le contrôle du service fait, au-delà des pièces justificatives, est une opération qui exige des visites sur place et des compétences techniques, chose que n'ont pas toujours les receveurs locaux.

V' Cinquièmement, procède à l'examen formel de toutes les pièces qui constituent le dossier de la dépense : cohérence des mentions, validité des signatures, des dates, absence de modifications suspectes... ;

V' Sixièmement, vérifie qu'il n'il n'y a pas d'opposition au paiement et à l'examen des règles de prescription. En fait, à ce niveau, il s'agit d'options qui se rapprochent du contrôle qu'effectue tout caissier, quel que soit le type d'organisation retenue. Par ailleurs, les receveurs municipaux veillent au respect des règles qui conditionnent la spécialité des exercices.

À l'issue du contrôle, le comptable prend sa décision en fonction de la régularité du dossier de dépense. Si le dossier présenté est régulier, compte tenu des différents critères déjà évoqués, le comptable vise le dossier et le prend en charge. Il procède alors au plan comptable en prenant en charge dans ses écritures la dépense.

Si par contre le dossier comporte des irrégularités ou des omissions, il en poursuit la régularisation auprès de l'ordonnateur en suspendant le paiement. Il retourne à l'ordonnateur le dossier de la dépense accompagné d'une note motivée. L'ordonnateur est tenu de le régulariser en complétant les pièces manquantes et retourne le dossier auprès du comptable. Si ce dernier est satisfait des correctifs apportés, il prend en charge le dossier et en assure le paiement en cas de disponibilité de fonds. En dehors de ces cas le comptable peut procéder au paiement.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 36

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Au Gabon, le maire ne peut en aucun cas contraindre le receveur municipal à assurer le visa ou le payement des dépenses en violation des prescriptions de la loi70. Cependant, il est interdit au comptable "de subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l'opportunité des décisions prises par l'ordonnateur". D'où le fait que le législateur fixe "la liste des pièces justificatives que le comptable peut exiger avant de procéder au paiement"71. C'est donc dire que le comptable public vérifie que les dépenses sont décomptées sur le bon chapitre budgétaire et que l'origine des recettes est légale. Il ne peut effectuer un contrôle d'opportunité, ni juger de la pertinence des choix politiques effectués par les collectivités puisqu'elles s'administrent librement.

Une fois les contrôles de mandatement ou de payeur effectués et si à ce niveau il ne se détecte pas d'anomalies, le dossier peut passer au stade du paiement.

Ensuite, l'opération matérielle ou la fonction de caissier. Tout comme les opérations juridiques, elle est subordonnée à l'exercice d'un contrôle. En qualité de caissier, le receveur d'une collectivité locale exerce des contrôles qui s'apparentent à ceux de tout service de paiement. Il s'agit en fait de vérifier que le paiement est adressé au bon créancier ou à la personne qu'il a autorisée. Cela recouvre donc la vérification de l'état civil et des signatures. C'est à ce stade que certaines procédures juridiques mises en oeuvre par les créanciers de la collectivité débitrice doivent être appliquées. Par exemple, c'est à ce stade au plus tard que le comptable doit être informé de l'éventuelle « opposition à paiement ».

Le comptable doit donc exercer un contrôle sur la qualité du bénéficiaire, et s'assurer du caractère libératoire du versement des fonds au véritable créancier (il peut être fait valablement à son représentant, à ses héritiers ou au cessionnaire de la créance). Si c'est le bénéficiaire qui se présente au comptable, celui-ci vérifie sous sa responsabilité les droits et les qualités du bénéficiaire, de même que la régularité des acquis à fournir. L'acquis est apposé sur le titre de paiement. Il doit être daté et signé devant le comptable au moment de l'encaissement et ne comporter aucune restriction. Si le bénéficiaire ne sait pas signer, alors il peut déléguer sa signature à deux personnes qui signent à sa place. Il doit présenter une pièce légale afin d'être identifié (carte nationale d'identité, passeport entre autres).

Si le bénéficiaire est représenté par un ayant droit, le comptable vérifie ses droits et qualités et procède au paiement. Dans ce cas, le comptable doit exiger de l'ayant droit comme de toute personne représentant le bénéficiaire une procuration (quittance notariée).Le paiement peut se faire en espèce par virement bancaire ou postal.

70 En outre, se trouve posée en substance la question du droit de réquisition du comptable qui devrait être institué au profit de l'ordonnateur-élu local au Gabon.

Car si la "tutelle" financière est globalement tolérée et admise par les élus locaux, il n'en va pas de même du contrôle exercé par les comptables publics locaux qui constitue un motif d'irritation très répandu. Autrement dit, il arrive que dans leur action quotidienne, soit les comptables retardent la mise en oeuvre d'une décision locale en demandant, avant de procéder au paiement, des pièces justificatives sans cesse plus variées et nombreuses, soit opposent à l'élu local un refus de paiement équivalent à une remise en cause d'une décision politique.

71 Cf. article 5 et 7 du Décret n°0405/PR/MBCPFPRE du 26 septembre 2012 fixant la nomenclature des pièces justificatives des recettes et des dépenses publiques.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 37

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Le paiement lui-même s'effectue selon des moyens qui sont prévus par la réglementation. Si les virements sont privilégiés, avec les chèques (lettres-chèques) et plus exceptionnellement le numéraire, selon le montant de la dépense à payer. Il convient aussi d'envisager le mode de paiement par carte bancaire voire même par voie électronique afin de s'adapter à l'évolution de la société en la matière.

Mais le paiement des dépenses suppose que les fonds soient disponibles, or ceci n'est pas toujours évident compte tenu des discordances des rythmes des opérations de dépenses et de recettes dans certaines de nos collectivités locales. C'est dire que cette fonction de la gestion de la trésorerie s'avère plutôt difficile pour les comptables locaux. Il convient de faire en sorte qu'il y ait une grande fongibilité des fonds entre les différents postes comptables du réseau comptable en fonction de leurs besoins et, de tenir au jour le jour un solde du compte de chaque collectivité locale au trésor public72.

Au-delà des opérations de dépense, le comptable exerce un contrôle sur les opérations de recettes.

B- Le contrôle des opérations de recettes

Le receveur est tenu d'exercer un contrôle sur le dossier de recettes comportant un titre de recettes et les pièces justificatives. Ce contrôle porte sur :

V' L'autorisation de percevoir les recettes : au cas où elle ferait défaut, le comptable est fondé à rejeter le titre de recettes.

V' Le titre de recettes établi par l'ordonnateur : le comptable s'assure de l'absence d'erreurs ou d'omissions.

V' Sur l'imputation de la recette : il s'agit pour le comptable de s'assurer que la recette est imputée à la ligne normale. le caractère exécutoire de la recette lui permet de s'assurer de la recevabilité de la recette afin d'éviter les délits de concussion, dans la limite des éléments dont-il dispose, sur la mise en recouvrement et la liquidation des créances ainsi que la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes. Il procède également à l'identification du débiteur.

Après avoir effectué ses contrôles, le comptable peut soit refuser ou accepter de prendre en charge la recette. Dans le premier cas, il est tenu d'adresser à l'ordonnateur une note motivée. Dans le second cas, il procède à l'enregistrement comptable de la recette. Il

72 Tel est le rôle des services centraux de la DGCPT qui assurent au quotidien cette gestion de la trésorerie des collectivités locales gabonaises. En effet, ils détiennent et mettent à jour le plan de décaissement des fonds, le confrontent au plan d'encaissement des fonds et réalisent les opérations de trésorerie qui permettent d'assurer en permanence les ajustements, grâce à des instruments financiers adéquats de gestion à court, à moyen et à long terme et de la dette publique.

Cet exercice est réalisé non seulement pour les besoins de l'Etat central mais aussi et surtout pour ceux des Collectivités locales puisque, en vertu du principe de dépôt de leurs fonds au Trésor et de leur gestion comptable par le réseau du trésor public, l'Etat unitaire gère leur trésorerie.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 38

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

envoie alors au débiteur l'avis des sommes à payer et encaisse le règlement du débiteur par remise d'espèce, par virement bancaire ou postal.

Afin de conclure avec ce chapitre consacré aux contrôles administratifs des actes budgétaires locaux, il convient d'aborder la question du contrôle spécifique des marchés publics locaux73. Ils ne constituent pas à proprement parler des actes budgétaires. Néanmoins, ils ont incontestablement un enjeu financier et peuvent être rangés dans la catégorie des actes d'exécution budgétaire.

La règlementation subordonne leur conclusion à l'existence de crédits budgétaires suffisants ainsi qu'au respect des règles d'engagement des dépenses. L'autorité contractante doit, en outre, déterminer aussi exactement que possible les besoins à satisfaire ; ce qui permet d'assurer la rationalité de la dépense.

Eu égard à ses conditions, la conclusion d'un marché public local est subordonné au respect des règles budgétaires et comptables sans préjudices des règles qui lui sont spécifiques. De la régularité des marchés des collectivités locales, dépendent, en partie, la transparence et l'efficience de l'utilisation de leurs deniers publics. La réalisation de cet objectif double serait illusoire s'il n'existait pas des institutions chargées d'assurer le respect du dispositif normatif relatif aux marchés publics. C'est tout l'intérêt de la création de l'Autorité de régulation des marchés publics et de la Direction des marchés publics. Elles sont destinées à instaurer, dans le domaine spécifique des marchés publics, des pratiques de bonne gouvernance économique permettant collectivité publique d'atteindre l'efficience de la dépense publique.

La DMP est chargée du contrôle a priori des procédures de passation des marchés publics et par conséquent des marchés des collectivités locales. À cet effet, elle émet un avis sur les dossiers d'appel à la concurrence concernant les marchés fractionnées quel que soit leur montant ; les marchés que l'autorité contractante souhaite passer par appel d'offres restreint ou par entente directe.

Cependant, notons que la surveillance de la gestion financière locale n'est pas du seul ressort des organes administratifs. En effet elle est aussi exercée par des organes juridictionnels.

73 On entend par marché public local un contrat écrit, conclu à titre onéreux par une autorité contractante locale pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services publics locaux.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 39

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

CHAPITRE II :

LES CONTRÔLES JURIDICTIONNELS

Dans un Etat de droit, il est normal que des litiges, de droit comme de fait, soient le cas échéant, dénoués ou tranchés par les juridictions74. Afin d'équilibrer l'exorbitance des pouvoirs des autorités de l'Etat central, la participation du juge se révèle plus que salvatrice. Elle vise à rappeler aux autorités administratives un temps soit peu, la subordination de leurs actions à la règle de droit, au principe sacro-saint de légalité.

Le contrôle juridictionnel offre la meilleure garantie de l'utilisation régulière et efficiente des finances locales. Cela s'explique par l'indépendance des organes juridictionnels vis-à-vis des autorités de décision. Ce contrôle a posteriori est essentiellement exercé par les juridictions des comptes (section 1). Néanmoins, d'autres juridictions, n'exerçant pas de manière spécifique des attributions financières, interviennent lorsque les faits ou actes des agents gestionnaires des finances locales sont susceptibles de recours devant elles et parfois passibles de sanctions. On retiendra, parmi elles, la juridiction administrative celle constitutionnelle (section 2) compétente pour le contentieux de la légalité des actes des collectivités locales et par conséquent pour celui des actes budgétaires et ceux ayant une incidence financière.

Section 1 : Le contrôle des actes budgétaires locaux : une compétence de
principe des juridictions financières locales

L'article 351 de la nouvelle loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation dispose de manière lapidaire que « le contrôle juridictionnel est assuré par le juge des comptes conformément aux textes en vigueur ». Cette disposition semble faire de la juridiction financière, en l'occurrence la chambre provinciale des comptes, l'unique juridiction chargée de connaitre les litiges portant sur les actes budgétaires locaux.

Nous analyserons d'une part, la mise en oeuvre du contrôle juridictionnel des comptes du receveur de la collectivité locale, et du contrôle de l'utilisation des deniers publics locaux de l'ordonnateur (paragraphe 1). D'autre part, nous verrons les effets résultants de ces contrôles du juge des comptes (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le contrôle juridictionnel des comptes et du bon emploi des
deniers publics locaux

Selon l'article 38 de la loi organique 11/94 sur la cour des comptes : « la cour des comptes est chargée du contrôle des finances publiques. À cet effet, elle juge les comptes des comptables publics ,
· elle déclare et apure les gestions de fait ,
· elle vérifie la régularité

74 Le terme juridiction, du latin « jurisdictio », désigne les organes de l'Etat dotés du pouvoir de dire le droit et d'appliquer la loi.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 40

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques et s'assure à partir de ces dernières du bon emploi des crédits des fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat ou par les autres personnes morales de droit public ». Autrement dit la juridiction financière est compétente pour contrôler l'ensemble des actes financiers de toute personne morale de droit public soumises aux règles de la comptabilité publique, notamment les collectivités locales et leurs établissements publics. Les ordonnateurs75 et comptables publics locaux sont, à ce titre, justiciables devant la juridiction des comptes du ressort, en l'occurrence les chambres provinciales des comptes76. Celle-ci est donc chargée du jugement des comptes des comptables locaux et de l'appréciation de la gestion des ordonnateurs locaux. C'est la fonction originelle du juge des comptes.

Analysons d'abord le contrôle de la régularité des comptes qui pèse sur le receveur de la collectivité locale (A), avant de s'intéresser au contrôle de l'utilisation des deniers publics qui pèse sur l'ordonnateur local (B).

A- Le contrôle de la régularité des comptes du receveur de la collectivité

locale

Il s'agit ici d'un contrôle a posteriori, intervenant au terme d'un exercice budgétaire donné. Dans leur fonction juridictionnelle, les chambres provinciales des comptes sont chargées du jugement des comptes des comptables publics locaux ainsi que de toutes personnes qu'elles déclarent comptables de fait.

Les comptes soumis directement au régime de l'apurement juridictionnel sont mis en état d'examen par les services de la DGCPT avant d'être transmis au juge des comptes77. Ceux-ci, par leur mission de centralisation de de l'ensemble des comptes de gestion des collectivités locales, n'exercent pas en principe un contrôle de fond, ils devraient se borner à vérifier la régularité formelle des comptes locaux. Ces derniers n'étant examinés au fond que par les juges de la chambre provinciale des comptes du ressort territorial.

L'examen du compte se fait selon une procédure écrite78, inquisitoriale et contradictoire conformément à la loi organique sur la Cour des comptes. Les enquêtes sont

75 Cette extension de la compétence juridictionnelle de la cour des comptes sur les ordonnateurs, nationaux comme locaux, est une innovation importante apportée par le législateur gabonais. Car en France, c'est le principe de l'immunité juridictionnelle qui prône les concernant.

En effet, les juridictions françaises ont seulement le droit de relever les distorsions de gestion des ordonnateurs en signalant leurs observations à qui de droit et en leur abandonnant la responsabilité des sanctions ou des reformes appropriées.

Au contraire la cour des comptes au Gabon, a juridiction sur tous les ordonnateurs de crédits et est compétente pour sanctionner leurs fautes de gestion, conformément à l'article 92 de la loi organique 11/94.

76 Elles ont été créées par la loi organique de 1994 sur l'organisation de la justice et constitutionnalisées depuis la révision constitutionnelle de janvier 2011.

77 Le comptable supérieur ou DGCPT vérifie si le compte est présenté conformément à la réglementation et accompagné des pièces générales requises, notamment le compte administratif.

78 Le compte est écrit, de même que les pièces justificatives, le rapport de l'auditeur et les arrêts eux-mêmes. Les séances ne sont pas publiques. Toutes ces raisons justifient le caractère écrit de la procédure

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 41

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

menées sur place et sur pièces par les magistrats et rapporteurs avec de larges pouvoirs d'investigation : droit d'accès permanent dans tous les bureaux, locaux ou dépendances de la collectivité locale contrôlée, droit de se faire communiquer tous les documents, de quelque nature que soit, relatifs à la gestion de la collectivité locale concernée. À cet effet, tout refus injustifié soit de communiquer les renseignements ou documents demandés ou de laisser visiter les locaux soit de répondre à une convocation est passible d'une amende79. Quant à la destruction de preuve ou pièces justificatives, elle est passible de poursuites pénales.

Les chambre des comptes disposent de la faculté de recourir à l'assistance d'experts, pour des enquêtes à caractère technique, et peuvent exercer, vis à vis des tiers, le droit de communication que les agents des services financiers d'Etat tiennent de la loi : Réservé à des vérifications, telles que la réalité du service fait, qui peuvent nécessiter une expertise technique. Toute la phase d'investigation doit se dérouler dans le secret dont l'assurance s'impose à la juridiction des comptes et à ses membres.

Lors des contrôles effectués, les chambres des comptes examinent les registres des opérations effectuées en deniers ainsi que les documents justificatifs des recettes et dépenses portant sur les budgets des collectivités locales et des budgets annexes des organismes locaux. Elles accomplissent la vérification de ces documents, pour assurer le contrôle de gestion et préparer le jugement des comptes des comptables. Autrement dit, le juge financier s'assure de la bonne exécution des recettes et des dépenses des collectivités locales, telles qu'elles ont été votées par les assemblées délibérantes. Les vérifications doivent éclairer la manière dont les actes budgétaires prévisionnels des collectivités locales ont été exécutés.

Sur le plan de l'exécution des recettes, le juge des comptes doit examiner la régularité des règles et procédures comptables concernant le recouvrement des créances des collectivités locales ou des organismes relevant des compétences de la cour.

Sur le plan de l'exécution des dépenses, le juge des comptes doit contrôler si l'engagement de la dépense a été fait selon les règles applicables en matière de contrôle financier, lesquelles règles imposent une soumission à l'examen préalable du contrôleur budgétaire de toutes les dépenses susceptibles d'être engagées par l'ordonnateur local. Le juge doit examiner si l'agent n'a pas imputé ou fait imputer irrégulièrement une dépense, car l'engagement, l'ordonnancement et le paiement d'une dépense ne doivent pas se faire au-delà des crédits budgétaires inscrits par les autorités compétentes. Le juge doit contrôler si une dépense a été engagée alors que l'agent n'avait ni le pouvoir ni reçu délégation de signature. S'il constate des manquements, le juge financier dispose d'énormes pouvoirs pour le sanctionner car « tout compte retrace la gestion d'un comptable et tout comptable est tenu

79 Le recouvrement de cette amende est du ressort du receveur général du trésor qui est destinataire des extraits d'arrêts provisoires. Il peut recourir à tous les moyens de droit, notamment le précompte sur le traitement, le salaire ou les indemnités perçues par le comptable local.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 42

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

de produire un compte de gestion »80. Le receveur de la collectivité est donc responsable de ce qu'il a produit dans son compte81.

En outre, le comptable doit donner son avis durant l'instruction et avant le jugement définitif compte tenu du caractère contradictoire de la procédure. À la suite des investigations, la chambre statue sur les comptes des comptables locaux. Le Président de chambre répartit les dossiers des comptes entres les magistrats. Ils sont chargés de vérifier sur place et sur pièce le bon emploi des crédits, fonds et valeurs. Les rapporteurs désignés procèdent à la vérification des comptes se rapportant aux pièces de recettes et dépenses et aux justifications qui y sont annexées. Ils présentent leur rapport à la chambre qui rend un arrêt provisoire notifié au comptable avec les observations et injonctions éventuelles de la juridiction. Celui-ci dispose d'un délai d'un mois pour fournir ses justifications. En cas de retard injustifié, il est passible d'une amende par injonction et par mois de retard fixée par l'arrêt définitif rendu à la fin de l'instruction.

Cet arrêt peut se présenter sous des formes diverses selon que le compte est régulier ou non. Dans le premier cas, si le comptable demeure en fonction, le juge rend un arrêt de décharge et un arrêt de quitus si le comptable sort de fonction donnant main levée de toutes les suretés et garanties grevant les biens personnels du comptable local au profit du Trésor public. Dans le second cas, à savoir lorsque les écritures du comptable ne font pas état de tous les deniers qu'il a revus ou aurait dû recevoir, ou s'il a payé a tort certaines dépenses, le juge rend un arrêt de débet. Suite à cet arrêt, le Ministre du budget et des comptes publics met en jeu la responsabilité du comptable et le cas échéant, les garanties correspondantes. Notons, cependant, qu'à ce niveau des faits extérieurs au compte ou à la situation personnelle du comptable peuvent justifier une décharge de responsabilité ou un remise gracieuse de débet

L'arrêt définitif de la chambre des comptes, statuant sur le compte d'un receveur local, peut être révisé par la juridiction en cas de demande du comptable ou de ses héritiers, lorsque ceux-ci produisent des pièces justificatives retrouvées depuis le prononcé dudit arrêt. Elle peut également procéder à une révision d'un arrêt pour cause d'erreur, d'omission, faux ou double emploi reconnu par la vérification d'autres comptes de sa propre initiative ou sur demande du Ministre des Finances ainsi que des représentants des collectivités locales. L'arrêt peut également, sur initiative du Ministre du budget et des comptes publics ou du représentant de la collectivité locale concernée, être soumis à cassation devant la Cour des comptes pour cause d'incompétence, de vice de forme ou de violation de la loi. Un tel pourvoi doit être formé dans le mois de notification de l'arrêt.

Et que dire du contrôle juridictionnel de l'utilisation des deniers publics locaux qui pèse particulièrement sur l'ordonnateur de la collectivité locale ?

80 F. J. FABRE, les grands arrêts de la jurisprudence financière, Sirey 1996, p 47.

81 Et ce, en dépit de l'adage répandu en milieu comptable : « le juge des comptes juge les comptes et non les comptables ».

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 43

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

B- Le contrôle du bon emploi des deniers publics locaux

Ici le contrôle juge financier est un contrôle de vérification l'utilisation des fonds publics locaux par les ordonnateurs municipaux et départementaux. La juridiction juge la qualité de la gestion financière de ceux-ci, en analysant l'opportunité des dépenses locales et autres. Ce contrôle s'exerce généralement a priori ou en cours d'exercice budgétaire.

En effet, les chambres des comptes disposent du pouvoir d'apprécier la qualité de la gestion organismes publics. C'est là l'originalité de leurs missions82. Selon la loi sur la cour des comptes, « le juge des comptes examine la gestion des collectivités locales ». Il s'assure « du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat et les autres organismes publics».

Pour les besoins du contrôle, un magistrat rapporteur est désigné. Celui-ci dispose de larges pouvoirs d'investigations sur pièces et sur place. Il est chargé d'examiner les états financiers, notamment bilans, documents annexes et en tire toutes les conclusions sur les résultats et la qualité de la gestion. Comme dans le contrôle juridictionnel des comptes du receveur, le rapporteur dispose d'un droit d'accès permanent dans tous les bureaux de la collectivité contrôlée de même que les agents de ladite collectivité sont tenus de répondre à ses demandes de renseignements sous peine de sanctions.

Néanmoins, l'exercice de ses prérogatives ne peut se faire que dans le respect du principe général du droit de la défense. Ainsi, le magistrat rapporteur ne peut formuler ses observations sans un entretien préalable entre lui et l'ordonnateur. Par la suite, le rapporteur établit un pré-rapport qui est communiqué par le Président de la chambre à l'ordonnateur de la collectivité locale concernée. Celui-ci doit apporter sa réponse aux observations formulées dans un délai d'un mois par mémoire écrit lequel est transmis au rapporteur et au magistrat contre-rapporteur. En outre le juge des comptes doit garantir le secret des investigations comme lors du contrôle des comptes.

À l'issue de la procédure, la chambre arrête définitivement le rapport. Elle peut au préalable procéder à l'audition des parties s'elle l'estime nécessaire pour éclaircir certains points. Le rapport permet ainsi à la chambre de donner son avis sur la régularité et la sincérité des comptes, sur la qualité de la gestion, de l'utilisation des fonds publics locaux. Mais aussi de formuler les observations ainsi que les modifications qui s'imposent le cas échéant relativement à l'organisation et au fonctionnement de la collectivité locale contrôlée.

La chambre provinciale des comptes a aussi une compétence administrative. Celle-ci s'exerce notamment en lors de l'élaboration ou de l'exécution des actes budgétaires des collectivités locales sur saisine soit de l'autorité de tutelle, soit du président du conseil de la collectivité, soit d'office.

Selon l'article 40 de la loi 11/94 : « la Cour des comptes se saisit d'office de toutes les affaires relevant de sa compétence. Elle peut en outre être saisie en vue du contrôle, ou pour avis, par les organes institutionnels de l'État, les organismes de contrôle

82 M BOUVIER, M-C ESCLASSAN, J-P LASSALE, finances publiques, L.G.D.J, 5ème éd, 2000, p409

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 44

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

les représentants légaux des administrations publiques et privées ainsi que par toute personne morale de droit public ». Autrement dit, le juge des comptes intervenant en qualité d'autorité administrative, joue un rôle de conseiller pour la tutelle comme la collectivité locale en matière financière. En effet, chaque année les collectivités locales adoptent leur budget qui prévoit et autorise les recettes et les dépenses. Le pouvoir du juge lors de l'élaboration de cet acte financier et de ceux qui en découle, se manifeste par des avis adressés soit directement au président du conseil de la collectivité locale, soit au ministère en charge de la tutelle de ces dernières83.

Par exemple dans l'hypothèse de refus d'approbation d'un acte budgétaire pour cause d'illégalité84, l'autorité de tutelle invite le conseil de la collectivité locale concernée à corriger le projet de budget dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de sa notification. Si par la suite un désaccord survient, le président du conseil saisit la juridiction des comptes compétente85 qui statue dans un délai maximum de quinze (15) jours, à compter de la date de sa saisine. Et « lorsque l'avis de la juridiction des comptes compétente est défavorable, le projet de budget est repris conformément à ses indications et devient exécutoire »86.

Une autre situation se présente lorsque les crédits permettant d'acquitter une dépense obligatoire n'ont pas été prévus dans le budget, le juge des comptes peut être saisi par l'autorité de tutelle. Le juge adresse alors une mise en demeure à la collectivité ou à l'organisme concerné et, le cas échéant, demande au représentant de l'Etat l'inscription d'office des crédits en question.

Notons que selon l'article 92 de la loi n°11/94 du 17 septembre 1994 sur la Cour des comptes : « les ordonnateurs sont soumis (...) à la juridiction de la Cour, qui a tout pouvoir de sanctionner les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat, des Collectivités territoriales,... », les juridictions des comptes ont compétente pour sanctionner tous les agents chargés de la gestion financière, en l'absence de l'existence d'une juridiction

83 Notons qu'il s'agit d'une compétence que la juridiction des comptes partage avec la juridiction administrative.

84 L'article 339 de la nouvelle loi organique 001/2014 dispose que « l'autorité de tutelle rejette le budget

d'une collectivité locale dans les cas suivants :

V' Lorsque le budget n'a pas été établi conformément aux lois et règlements ;

V' Lorsqu'il a été omis l'inscription des dépenses obligatoires ;

V' Lorsque les crédits ouverts pour faire face aux dépenses obligatoires sont insuffisants ;

V' Lorsqu'il apparait une surestimation ou une sous-estimation substantielle des recettes ou des

dépenses réelles ».

85 Observons que dans l'ancienne loi organique n°15/96 c'était l'autorité de tutelle qui devait, dans certains cas prévus par la loi, les déférer à la cour des comptes. Mais dorénavant cette compétence de saisine, dictée par l'urgence, est dévolue directement au maire ou président du conseil départemental de la collectivité locale concernée.

86 Cf. article 339 alinéas 2 et 3 de la loi sus citée.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 45

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

spéciale87 permettant de sanctionner et de responsabiliser les administrateurs et ordonnateurs de crédits, comme en France et Sénégal.

À ce titre, est justiciable devant le juge financier gabonais, tout fonctionnaire civil, tout militaire, tout magistrat, tout agent de l'Etat ou tout agent d'une collectivité publique ou d'un établissement public, d'une société nationale, d'une société anonyme à participation publique et généralement, de tout organisme bénéficiant du concours financier de la puissance publique, toute personne investie d'un mandat public et toute personne ayant exercé de fait lesdites fonctions, à qui il est reproché un ou plusieurs faits punissables ci-après :

En matière de dépenses :

V' le fait de n'avoir pas soumis à l'examen préalable des autorités habilitées à cet effet, dans les conditions prévues par les textes en vigueur, un acte ayant pour effet d'engager une dépense ;

V' le fait d'avoir imputé ou fait imputer irrégulièrement une dépense ou d'avoir enfreint la réglementation en vigueur concernant la comptabilité de matières ;

V' le fait d'avoir passé outre au refus de visa d'une proposition d'engagement de dépenses, excepté dans le cas où l'avis conforme du ministre chargé des finances a été obtenu préalablement par écrit ;

V' le fait d'avoir engagé des dépenses sans avoir reçu à cet effet délégation de signature ;

V' le fait d'avoir produit, à l'appui ou à l'occasion de ses liquidations, de fausses certifications ;

V' le fait d'avoir enfreint la réglementation en vigueur concernant la commande publique. Sont notamment considérées comme infraction à la réglementation des marchés ou conventions : le fait d'avoir procuré ou tenté de procurer à un cocontractant de l'administration publique un bénéfice anormal ; le fait de n'avoir pas assuré une publicité suffisante aux opérations dans les conditions prévues par les textes en vigueur ; le fait de n'avoir pas fait appel à la concurrence dans les conditions prévues par les textes en vigueur ;

V' le fait de s'être livré, dans l'exercice de ses fonctions, à des faits caractérisés créant un état de gaspillage des deniers publics. Sont notamment considérés comme réalisant un état de gaspillage : les transactions trop onéreuses pour la collectivité intéressée, en matière de commande directe, de marché ou d'acquisition immobilière ; les stipulations de qualité ou de fabrication qui, sans être requises par les conditions d'utilisation des travaux ou de fournitures, seraient de nature à accroître le montant de la dépense ; les dépenses en épuisement de crédits ;

V' le fait d'avoir enfreint les règles régissant l'exécution des dépenses ;

87 Dans ces pays, il existe une cour de discipline budgétaire ou financière. Cette juridiction est suscepti ble de prononcer de décisions sous forme de sanctions contre les administrateurs et ordonnateurs de crédits.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 46

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

V' le fait d'avoir négligé, en sa qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution, de contrôler les actes de dépenses de ses subordonnés ;

V' le fait d'avoir omis sciemment de souscrire les déclarations qu'ils sont tenus de fournir aux administrations fiscales et sociales conformément aux codes en vigueur ou d'avoir fourni sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes.

En matière de recettes :

V' le fait d'avoir manqué de diligences pour faire prévaloir les intérêts de l'Etat ou de toute autre collectivité publique, notamment le défaut de poursuite d'un débiteur ou de constitution de sûreté réelle ;

V' le fait d'avoir enfreint les règles régissant l'exécution des recettes ;

V' le fait d'avoir négligé en sa qualité de chef de service responsable de leur bonne exécution, de contrôler les actes de recettes effectués par ses subordonnés.

Paragraphe 2 : Les effets du contrôle de la juridiction des comptes

Les contrôles des actes budgétaires locaux par le juge des comptes aboutissent à la prise de décisions diverses. À l'exclusion du pour ordre et du pour mémoire88, les décisions de la Cour des comptes et des chambres provinciales des comptes sont matérialisées soit sous la forme administrative, soit par des actes juridictionnels. Toutes ces décisions apparaissent dans les rapports de la cour sous forme d'apostilles89.

Analysons la nature juridictionnelle (A) et administrative (B) des décisions rendues par les juges des comptes dans leur office.

A- La nature des décisions juridictionnelles

En se prononçant en forme juridictionnelle sur les comptes rendus par les comptables, la juridiction des comptes accorde au comptable local dont les comptes sont en ordre, une décharge. C'est-à-dire qu'elle ne retient aucune charge à l'occasion du jugement du compte d'un receveur d'une collectivité locale. Cette décharge est soit un arrêt provisoire, soit un arrêt définitif.

88 Les définitions de ces deux formes de décisions sont :

- Le pour ordre : la Cour prend acte de l'information sans y donner une suite particulière.

L'information objet de la décision est immédiatement classée ;

- Le pour mémoire : la cour renvoie l'examen de l'information au prochain contrôle. La décision donne

lieu à l'inscription obligatoire de l'organisme dont les faits sont rapportés au prochain programme de contrôle de la Cour des comptes.

89 L'apostille est la mention portée ou l'annotation faite en marge du rapport et correspondant aux décisions prises par la Cour.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 47

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Provisoire et restreinte, parce que couvrant la période comptable, financière, vérifiée par la chambre. Ce type de décharge permet au comptable de rester en fonction et même de recevoir les encouragements de ses supérieurs. La décharge définitive, par contre, est accordée lorsque le comptable cesse définitivement es fonctions. Définitive, ce type de décharge entraine la restitution de toutes les garanties prises par le trésor sur le patrimoine privé du comptable ainsi que la levée des autres charges. Autrement dit, l'arrêt provisoire informe le comptable public des charges retenues contre lui et lui ordonne de régulariser sa situation. L'arrêt définitif, quant à lui, a pour but d'infirmer ou de confirmer les charges retenues dans l'arrêt provisoire.

Par un arrêt de quitus, le juge des comptes estime que la gestion du comptable dont les comptes sont examinés a été reconnue irréprochable. Ce jugement peut aussi signifier que les omissions, irrégularités ou déficits ont été réparés ; les débets apurés et le cas échéant, les amendes ont été payées. Cette décision constate que le comptable est définitivement quitte et libéré de ses obligations. Elle ordonne donc que « radiation soit faite des inscriptions hypothécaires qui auraient été prises sur les biens du comptable et que son cautionnement lui soit restitué ».

Pour ce qui est des arrêts de débet prononcé dans le cas où le comptable est considéré débiteur de la collectivité locale en raison de sa gestion, soit à cause d'un déficit90, soit en cas d'omission ou irrégularité de certaines opérations91 ou une dépense a été payée dans des conditions non conformes. Dans ces différents cas la cour des comptes décide alors d'engager la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable contrôlé. « La décision met à la charge dudit comptable le montant du déficit objet du débet. Le comptable est tenu de se libérer de sa dette avec les intérêts de droit au taux légal du trésor ou à la caisse de la collectivité locale ou de l'organisme intéressé, faute de quoi il ne pourra obtenir décharge de responsabilité, ni quitus de sa gestion ».

De mémé, dans leur fonction juridictionnelle, les juges des comptes peuvent également prendre des arrêts condamnant au paiement d'amendes pécuniaires, ci-après :

- amende pour retard dans la production des comptes 50.000 à 500.000 francs par mois

de retard ;

- amende pour non-réponse dans les délais aux injonctions de la Cour : 20.000 francs
par injonction et par mois de retard, s'il n'est produit aucune excuse admissible au sujet de ce retard ;

- amende pour gestion de fait, prononcée conformément à l'article 91 de la loi organique
n°11/94 ;

- amende pour faute de gestion, prononcée conformément aux dispositions de l'article
103 de la même loi organique ;

- amende pour outrage à l'audience : 24.000 à 500.000 francs, sans préjudice de
poursuites pénales éventuelles ;

90 C'est-à-dire que le montant de l'encaisse est inférieur à celui que présentent les écritures comptables.

91 C'est le cas d'une recette légalement établie mais qui n'aurait pas été recouvrée.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 48

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

- amende pour entrave à l'action de la Cour des comptes : de 500.000 à 2.500.000

francs, sans préjudice de poursuites pénales éventuelles.

Notons que toutes ces amendes fixées par la chambre des comptes sont attribuées à la collectivité locale intéressée. Elles sont assimilées aux débets des comptables publics pour ce qui concerne leur mode recouvrement, de poursuite et de remise.

B- La nature des décisions administratives

Mais à côté des jugements, la juridiction des comptes prend également des décisions administratives. Au sens de l'article 141, les principales décisions administratives sont notamment :

- Le non-lieu : lorsqu'il n'y a pas lieu à poursuivre le justiciable. Le non-lieu entraîne la

levée définitive des charges provisoirement retenues à l'encontre du justiciable ;

- Le déféré : la Cour décide de déférer aux juridictions compétentes les faits de nature à

entraîner des poursuites judiciaires. Le procureur général près la Cour des comptes saisit le ministère public près la juridiction compétente en vue de la mise en oeuvre de l'action publique ;

- la note du président : la Cour décide de porter à la connaissance des autorités de

tutelle, des directeurs ou chefs de services les irrégularités administratives de moindre importance. Les destinataires des notes du président sont tenus de faire connaître à la Cour, dans le délai fixé par celle-ci, les dispositions prises en vue de faire cesser les irrégularités relevées. S'il n'y est répondu ou si la réponse n'est pas satisfaisante, la question soulevée est portée à la connaissance du ministre intéressé, par un référé ;

- le référé : la Cour décide de porter à la connaissance du premier ministre ou des

ministres intéressés (tutelle administrative ou tutelle financières), les irrégularités dues aux ordonnateurs locaux et l'absence ou l'insuffisance des réponses aux notes du président. Le référé demande aux autorités de tutelle de prendre les mesures destinées à faire cesser les errements constatés. Elles sont tenues de répondre dans les trois mois suivant la notification du référé.

- l'insertion au rapport annuel : la Cour décide de porter à la connaissance du président

de la République des irrégularités ou agissements particulièrement graves relevés à l'occasion de ses contrôles ;

- la déclaration de gestion de fait : la Cour décide que les faits portés à sa connaissance

constituent des infractions prévues par la loi. La décision entraîne l'ouverture de la procédure de la gestion de fait conformément aux dispositions des articles 86 à 91 de la loi organique n°11/94 ;

- la déclaration de faute de gestion : la Cour décide que les faits portés à sa

connaissance constituent une infraction légale. La décision entraîne l'ouverture de la procédure de faute de gestion conformément aux dispositions des articles 95 à 105 de la même loi.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 49

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Dans ce dernier cas, les ordonnateurs sont tenus de répondre de leurs fautes de gestion devant le juge financier. Car le rôle de la juridiction des comptes est « de contrôler le respect de l'application des normes budgétaires ; d'instituer le respect de la discipline budgétaire »92 au niveau des collectivités locales gabonaises.

Pour ce qui est des voies de recours possibles, notons qu'alors que les décisions juridictionnelles de la chambre provinciale des comptes font l'objet d'appel devant la cour des comptes, celles de la cour des comptes, juridictions suprême en matière financière au Gabon, ne sont susceptibles que de rétractation ou révision dans certaines conditions et suivant une certaine procédure93.

Mais quid à présent du contrôle des actes budgétaires locaux par les autres juridictions, administratives et constitutionnelle ?

Section 2 : La compétence exceptionnelle des juridictions non financières en
matière de finances locales

En dehors des juridictions financières, les violations des règles budgétaires et comptables peuvent interpeller, à titre exceptionnel, d'autres juridictions. Il en est ainsi

92 Article du professeur T.K.G, « le contrôle des finances publiques », journal hebdo info, N°185, 13 mai 1989, page 76.

93 En ce qui concerne la rétractation des décisions de la cour des comptes. En principe, selon l'article 152 de la loi organique n°11/94, l'arrêt définitif dessaisit la formation de jugement qui l'a rendu, à moins qu'il ne s'agisse d'une décision d'avant-dire-droit93 ou provisoire. Toutefois, il appartient à toute formation de rétracter sa décision si des erreurs et omissions matérielles affectent celle-ci. La Cour est saisie par simple requête de l'une des parties ou par requête commune. Elle peut aussi se saisir d'office. La demande de rétractation doit, à peine d'irrecevabilité, faire mention des erreurs ou omissions ayant motivé la saisine de la Cour (article 153). Si la Cour déclare la demande recevable, elle doit la dire fondée ou non. La décision rendue est alors notifiée aux parties dans les formes prévues par la loi (article 154).

Les décisions du juge des comptes peuvent également faire l'objet de révision en cas de nécessité. En effet, selon l'article 155 : « la Cour nonobstant l'arrêt de jugement définitif d'un compte, peut pour erreur, omission, faux ou double emploi découvert postérieurement à l'arrêt procéder à sa révision, soit sur la demande du comptable appuyée de pièces justificatives recouvrées depuis l'arrêt, soit d'office ». Cette demande en révision est adressée au premier président de la Cour. Elle doit comporter l'exposé des faits et moyens invoqués par le requérant, être accompagnée d'une copie de l'arrêt attaqué, des justifications servant de base à la requête ainsi que des pièces établissant la notification de cette requête aux autres parties intéressées.

Après instruction et selon qu'elle estime que les pièces produites permettent ou non d'ouvrir une instance en révision, la Cour, statuant à titre définitif, admet ou rejette la demande en révision. Quand elle admet la demande, la Cour prend, par le même arrêt, une décision préparatoire de mise en état de révision des comptes et impartit au comptable un délai de deux mois pour produire des justifications supplémentaires éventuellement nécessaires à la révision lorsque celle-ci est demandée par lui, ou faire valoir ses moyens lorsque la révision est engagée contre lui. Après examen des réponses, ou après l'expiration du délai susvisé, la Cour procède s'il y a lieu à la révision de l'arrêt et des comptes concernés. Lorsque la Cour agissant d'offi ce estime, après instruction, que les faits dont la preuve est apportée permettent d'ouvrir une instance en révision, elle rend un arrêt préparatoire de mise en état de révision des comptes et procède conformément aux règles prévues par l'article 156.

Par ailleurs, l'exercice des recours en rétractation et en révision n'est soumis à aucun délai (article 158).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 50

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

lorsque l'irrégularité financière est constitutive d'une infraction à la loi pénale. Dans ce cas, la responsabilité de son auteur peut être engagée devant le juge pénale. Parfois c'est une question de légalité qui se pose, alors le juge administratif ou constitutionnel peut être saisi, selon la nature de l'acte local litigieux.

L'attribution de tels conflits à des organes juridictionnels, indépendants du pouvoir exécutif d'Etat comme local, traduit selon Aimé Felix AVENOT « le souci du législateur gabonais de garantir non seulement les collectivités secondaires contre les empiètements et les usurpations de compétences d'une collectivité vis-à-vis d'une autre, mais également contre les ingérences intempestives et le risque de l'arbitraire de la part des autorités de l'Etat »94.

Autrement dit la question de la légalité des actes locaux, incluant les actes financiers, peut être posée aussi bien devant le juge administratif, pour les actes budgétaires non règlementaires (Paragraphe 1), que devant le juge constitutionnel, pour les actes ayant un caractère règlementaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le juge administratif, juge de la légalité des actes financiers
locaux non réglementaires

C'est parce que le juge administratif gabonais est le gardien de la légalité républicaine et le censeur de l'activité administrative, qu'il contrôle, a posteriori, la légalité des actes des autorités administratives en générale.

Par conséquent, le contentieux de la légalité des actes budgétaires locaux non règlementaire relève des tribunaux administratifs du ressort territorial, saisit par l'autorité de tutelle locale, le représentant légal de la collectivité locale ou par tout administré de la collectivité locale concernée, au moyen d'un recours pour excès de pouvoir qui court à partir du jour de la publication l'acte attaqué95.

Selon le législateur, le juge administratif peut être saisi pour examiner non seulement la légalité des délibérations à caractère financier (A), mais aussi celle les décisions de l'autorité de tutelle, objet de litiges (B).

A- Le contrôle des délibérations à caractère financier

Ce sont les dispositions de l'article 77 de la loi organique 001/2014 qui disposent que « la juridiction administrative locale est compétente pour connaitre en premier ressort des recours pour excès de pouvoir introduits contre les délibérations des conseils n'ayant pas un caractère règlementaire ». Il s'agit d'une affirmation de la pleine compétence des tribunaux administratifs sur le contrôle de légalité de l'ensemble des délibérations des

94 Cf. République du Gabon, FDSE, UOB, mémoire de droit public, « Remarques à propos de la loi organique n°15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation », Aimé Felix AVENOT, 1997, p.57.

95 Cf. les articles 75 à 77 de la loi organique 001/2014 sus citée.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 51

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

conseils locaux, peu importe leur nature. Autrement dit, c'est le même régime est applicable à tous les actes des autorités décentralisées.

Mais le texte ne déterminant pas un régime particulier en ce qui concerne le contentieux de la légalité des actes budgétaires et financiers, il convient d'avoir une interprétation large de l'expression « délibération à caractère non réglementaire » utilisée, en y incluant les délibérations ayant un caractère financier. Elles relèvent de la catégorie des actes administratifs dit « spéciaux »96.

C'est en effet par délibération97 que les conseils des collectivités locales, « décide sur leurs attributions et ressources spécifiques ; de leur participation financière dans les entreprises nationales d'économie mixte ; votent leurs budgets, leurs autorisations spéciales de dépenses et leurs virements de crédits ; approuvent leurs comptes administratifs ; la création des impôts locaux, des taxes et amendes locales ; entendent, débattent et arrêtent leurs comptes de gestion ; autorisent leurs emprunts ; leurs signatures des marchés et conventions après dépouillement, examen et sélection des dossiers d'appel d'offre »98. Il en ressort que chaque acte budgétaire local soumis à l'approbation obligatoire de la tutelle doit être accompagné d'une délibération du conseil laquelle sert de support juridique audit acte.

Notons que les requérants peuvent assortir leurs requêtes d'une demande de sursis à exécution de l'acte. Sur cette question, l'apport de la jurisprudence administrative gabonaise est considérable99. Ce sursis est accordé dans certaines conditions : caractère sérieux de l'un des moyens invoqués dans la requête en l'état de l'instruction pouvant justifier l'annulation de l'acte, possibilité d'une compromission de l'exercice d'une liberté publique, ou c'est le juge administratif qui décide de sa propre initiative de surseoir à l'exécution d'un marché public local que lui transmet par exemple le représentant de l'Etat aux fins d'annulation.

96 Du fait de la nature exclusivement administrative de la décentralisation au Gabon, les autorités décentralisées sont détentrice du pouvoir de décision règlementaire local.

En qualité donc d'autorité administrative les actes qu'elles édictent sont des actes administratifs (actes de gestion administrative et actes de gestion financière). Leur caractère spécial tient au fait que ces actes visent un intérêt général spécial : celui des populations locales de la collectivité concernée.

97 Il s'agit d'un acte qui émane d'un organe collectif ou délibérant. Ici, le terme est spécialement employé pour désigner les décisions prises par les assemblées des collectivités locales. La délibération du conseil a un caractère financier si l'acte principal est un acte budgétaire par exemple, c'est-à-dire lorsqu'elle est prise dans une matière financière de la collectivité.

98 Selon l'article 36 de la loi organique n°001/2014.

99 Cf. la Jurisprudence administrative : Décision NZET BITHEGHE, de la chambre administrative de la cour suprême, du 24 novembre 1989 sur les conditions de forme de la recevabilité d'une demande de sursis («il faut que l'exécution de la décision dont il s'agit risque d'entrainer pour la victime des conséquences difficilement réparables ») ; et Décision TCHICKAYA PORTENCE, du tribunal administratif, du 25 février 2003 sur les conditions de fond de la recevabilité d'une telle requête (« la mesure de sursis à exécution ne peut être ordonnée à la demande du requérant que si l'urgence le justifie et si les moyens énoncés dans la requête apparaissent, en l'état de l'instruction, sérieux (...) pour justifier la demande de sursis, l'exécution de la décision attaquée doit être de nature à entrainer pour le requérant des conséquences difficilement réparables actives d'un préjudice certain »).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 52

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Lorsqu'un particulier ou administré a intérêt à agir contre un acte à caractère budgétaire ou financier, soumis à l'approbation préalable qui est devenu exécutoire, il peut intenter un recours direct devant le juge administratif. Ce dernier, après avoir examiné les conditions de recevabilité du recours, se prononce sur tous les éléments de la légalité interne comme externe, en procédant à un examen formel et matériel de l'acte budgétaire incriminé.

Dans le premier cas (contrôle formel), le juge administratif peut alléguer deux moyens pour annuler une délibération attaquée : l'incompétence et le vice de forme.

L'incompétence peut être définie comme l'inaptitude légale d'une autorité à prendre une décision. Elle se présente lorsqu'une autorité administrative agit au-delà de ses compétences. La doctrine fait de plus en plus le distinguo entre incompétence ratione materiae, ratione loci et ratione temporis100. Le vice de forme consiste à l'omission ou l'accomplissement incomplet ou irrégulier des formalités auxquelles un acte administratif est assujetti par les lois et règlement. C'est une irrégularité liée à la rédaction d'un acte administratif.

Dans son office, le juge différencie les formes obligatoires (cas des contreseings) des formes facultatives (cas des visas) de l'acte examiné. La nullité de la délibération peut être acquise si elle est substantielle. Exemple : une absence de mention obligatoire, dénaturant ainsi l'acte. Par contre, si la présentation est uniquement altérée par une imperfection accessoire, il y a irrégularité vénielle101 et la délibération dans ce cas d'espèce ne pourrait être déclarée nulle.

Dans le second cas (contrôle matériel), il existe deux cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir : la violation de la loi et le détournement de pouvoir.

La violation de la loi ne constitue un moyen d'annulation que si elle constitue en même temps une atteinte à une règle de droit. C'est une illégalité qui touche le contenu même de l'acte, c'est-à-dire à toute contradiction avec les normes qui lui sont supérieures. Quant au détournement de pouvoir, il consiste à détourner un pouvoir légal du but pour lequel il a été institué. Le juge va s'en tenir ici aux irrégularités consécutives aux mobiles qui ont inspiré l'auteur de l'acte incriminé. Il va alors voir si le conseil de la collectivité locale a exercé ses compétences à des fins autres que celles liées à la satisfaction de l'intérêt

100 L'incompétence ratione materiae, c'est par exemple lorsque le conseil d'une collectivité locale n'est pas compètent quant à la matière traitée, car relevant soit du législateur, soit du juge ou d'une autre autorité administrative.

L'incompétence ratione loci, c'est lorsqu'une autorité locale a ignoré les limites territoriales de sa compétence. Le cas d'un conseil municipal qui statue en réalité à l'égard de personnes qui ne dépendent pas de lui.

L'incompétence ratione temporis, c'est quand un élu local a agi en dehors de la durée de son mandat, soit avant le début, soit après le terme de celui-ci.

101 C'est-à-dire une légère irrégularité ; une entorse à la loi peu sévère, excusable ou insignifiante, qui ne saurait en l'espèce aboutir à l'annulation de l'acte incriminé.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 53

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

général ou si le conseil a bien exercé ses compétences à des fins d'intérêt général, mais la délibération a été adoptée en visant un but différent102.

C'est à la suite de son contrôle de légalité qu'il procède à l'annulation de la délibération à caractère financier, s'il l'estime illégale. Dans le cas contraire, le recours est rejeté et l'acte rendu exécutoire dès notification du président du conseil local.

L'annulation, qui peut être partielle ou totale, consiste à anéantir rétroactivement l'acte. C'est-à-dire faire disparaitre de l'ordonnancement juridique national, la délibération attaquée. Elles sont alors considérées comme n'ayant jamais existées. Ce qui entraine l'anéantissement de toutes les conséquences de droit qui résultent de l'application de ladite délibération103.

Mais s'il n'y a pas que les délibérations à caractère financier des collectivités locales qui peuvent être contrôlés et sanctionnées par la juridiction administrative locale. Les décisions de l'autorité de tutelle en font aussi l'objet.

B- Le contrôle des décisions non réglementaires de l'autorité de tutelle

L'exercice du pouvoir de tutelle du représentant de l'Etat sur les actes budgétaires locaux se solde par la prise d'une décision, laquelle n'est pas exempte d'une vérification de légalité a posteriori du juge administratif, pour ce qui est des décisions non règlementaires prises par l'autorité de tutelle.

Par exemple la loi prévoit que le refus d'approbation du représentant de l'Etat d'un acte budgétaire des collectivités locales peut être contesté par l'exécutif local devant le juge administratif. Le recours est introduit dans un délai de 3 mois suivant le refus d'approbation et l'annulation du refus d'approbation est synonyme d'approbation, dès la notification du jugement à la collectivité locale.

Le juge administratif intervient donc pour censurer les décisions des autorités de tutelle, sur saisine du président du bureau du conseil de la collectivité. Il peut même prononcer à leur encontre, le paiement d'indemnités lorsque leurs décisions, expresses ou implicites, ont causé des dommages à la collectivité locale intéressée.

Le juge va vérifier si la décision prise par l'autorité de tutelle est contraire aux dispositions légales ; s'il n'y a pas d'abus de pouvoir. Selon l'adage « pas de tutelle sans texte ». Ce qui veut dire que toute substitution d'action ou tout pouvoir de tutelle exercé hors des situations légales représente un excès de pouvoir, sans autre mesure. Les actes de l'autorité de tutelle doivent respecter le but assigné par la loi. Par corrélation, tout acte devrait être annulé à partir du moment où il résulte des pièces du dossier qu'il a été réalisé dans un but différent, et cela même si le but est légal. C'est dire que le représentant de l'Etat

102 Le conseil municipal a par exemple la prérogative de supprimer un emploi pour faire d'économies, mais en y regardant de plus près on s'aperçoit qu'il s'agit des révocations voilées.

103 En effet, les effets de la décision d'annulation sont semblables à ceux de la condition résolutoire : l'acte est valable tant qu'il n'est pas annulé mais il est considéré comme inexistant dès l'origine s'il est annulé.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 54

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

ne peut utiliser ses pouvoirs de contrôle à d'autres fins, sans qu'il y ait détournement de pouvoir. Par exemple, il ne peut annuler une dépense d'intérêt général local juste pour immobiliser ou neutraliser, dans un but politique, l'action de l'autorité décentralisée.

Il convient de noter que la juridiction administrative détient une compétence restreinte en matière de contentieux des actes budgétaires locaux, en raison de l'impérialisme de la cour constitutionnelle relativement à la compétence de l'ensemble des actes réglementaires des autorités administratives, nationale comme locale.

Dans la pratique, ce contrôle apparait encore dérisoire à l'heure actuelle : seules quelques juridictions administratives locales sont fonctionnelles104.

Outre le juge administratif et le juge des comptes, il y a le juge constitutionnel qui est compétent pour connaitre de la régularité juridique des actes financiers locaux à caractère réglementaire.

Paragraphe 2 : Le juge constitutionnel, juge de la régularité des délibérations à caractère règlementaire

Le contentieux de la légalité des actes administratif présente une spécificité au Gabon. En effet, contrairement à la France et même le Sénégal qui ont opté pour un système de dualisme juridictionnel, et attribué le contentieux de l'ensemble des actes administratifs à un seul ordre juridictionnel, notamment l'ordre administratif, le Gabon a préféré reconnaitre

cette compétence à trois juridictions différentes (administrative, judiciaire et
constitutionnelle).

La compétence de la cour constitutionnelle en matière de contrôle des actes budgétaires locaux est implicitement déduite de l'interprétation des dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur (A), mais consacrée indirectement par la jurisprudence constitutionnelle et administrative (B).

A- Une compétence constitutionnelle et législative implicite

Dans le droit positif gabonais, un pan entier du contentieux administratif est dorénavant reconnu au juge constitutionnel. Certains auteurs comme sylvestre MILTON KWAHOU parlent même de « la dépossession d'une catégorie de recours contentieux au détriment de la juridiction administrative »105.

104 À Libreville, ils existent un Tribunal Administratif (TA) et une Cour Administrative d'Appel (CAA). Conformément aux dispositions transitoires de la loi n°7/94 du 16 septembre 1994 portant organisation de la justice, en attendant la création des tribunaux administratifs, ce sont les sections administratives des tribunaux d'instance de l'ordre judiciaire qui connaissent du contentieux administratif local à l'intérieur du territoire national. Le Conseil d'État, installé à Libreville, jouant le rôle de juge de cassation (rôle juridictionnel) et de conseiller du Gouvernement (rôle consultatif) en la matière.

105 Cf. Son cours de contentieux administratif gabonais dispensé en 4e année de droit public, FDSE, UOB, année 2011-2012.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 55

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Cet état du droit aurait pour fondement l'article 84 alinéa 1 de la constitution du 26 mars 1991, modifié par la loi constitutionnelle n°13/2003 du 19 aout 2003. En effet, selon le premier tiret de cet article : « la cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité (...) des actes règlementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques »106. Or à la lecture de cette disposition, il ressort que le contrôle de constitutionnalité, et non de légalité107, préconisé ici n'intéresse que les « actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ». Il ne s'agit pas de l'ensemble des actes administratifs réglementaires, puisqu'il n'est nullement fait mention d'un contrôle général sur la totalité des actes administratifs réglementaires, nationaux comme locaux.

Mais il semble que le législateur gabonais n'est pas de cet avis. En effet, l'article 38 de la loi organique n°5/2002 du 27 novembre 2002 sur le Conseil d'Etat, déterminant les compétences d'attribution du Conseil d'Etat, dispose en substance que ce dernier connait en premier et dernier ressort, les « recours pour excès de pouvoir formés contre les actes individuels des autorités administratives à compétence nationale ». Par la même, le législateur de 2002 exclu délibérément de la compétence du Conseil d'Etat, les recours pour excès de pouvoir à l'encontre des actes réglementaires, peu importe leur objet.

Il en va de même pour les juridictions administratives locales, qui sont habilitées à ne connaitre que des recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions individuelles ou collectives des autorités déconcentrées et décentralisées c'est-à-dire celles qui ont une compétence locale.

On peut aussi citer le législateur de 2014 qui en adoptant la nouvelle loi organique sur la décentralisation a limité expressément la compétence des juridictions administratives locales à la seule légalité des délibérations non règlementaires. Ce qui implique par déduction, a contrario, que pour le contrôle des délibérations ayant un caractère réglementaire, la compétence serait constitutionnelle108. La juridiction constitutionnelle serait donc compétente pour connaitre de la régularité à la loi de tout acte budgétaire des collectivités locales.

106 Remarquons qu'expressément le législateur mentionne dans cet article 84 l'exercice par la cour constitutionnelle d'un « contrôle de constitutionnalité » et non d'un contrôle de légalité. Autrement dit, d'un point de vue matériel, une distinction doit être faite entre les champs d'intervention des juridictions constitutionnelle et administrative : la cour constitutionnelle exercera un contrôle de constitutionalité et le juge administratif comme financier, un contrôle de légalité.

Tout comme la cour constitutionnelle est sensée prolonger et approfondir le contrôle de légalité du juge administratif en exerçant en plus du contrôle de constitutionnalité des lois, « un contrôle de constitutionnalité des actes administratifs ».

107 En effet, il est tout à fait possible de distinguer d'un point de vue matériel, les champs d'intervention d'un contrôle de constitutionnalité (juge constitutionnel) et d'un contrôle de légalité (juge administratif).

108 Cf. article 77 de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 56

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

En réalité, cette position du législateur a été inspirée d'une décision constante de la cour constitutionnelle depuis 1994. L'origine de tout cet état de de choses est une interprétation extensive et dénaturée des dispositions constitutionnelles.

B- Une compétence jurisprudentielle contestée

La cour constitutionnelle gabonaise s'est attribuée le contentieux de la totalité des actes administratifs réglementaires en république gabonaise. Ce qui inclut de facto les actes des collectivités locales, peu importe leur nature administrative ou financière.

Cette confiscation s'est faite à travers deux décisions fondamentales : la décision n°16/CC du 15 septembre 1994 sur la cour administrative109 et la décision n°144/CC du 28 octobre 2002 sur le Conseil d'Etat110. Ces deux décisions, qui ne sont pas les seules en la matière111, consacrent explicitement la compétence exclusive de la cour constitutionnelle en matière de « contrôle de la régularité juridique des actes réglementaires ».

Par ailleurs, la haute juridiction exerce un contrôle indirect des finances locales chaque fois qu'elle contrôle une loi organique relative à la décentralisation (Cf. décision n°009/96/CC du 3 mai 1996 sur la loi organique relative à la décentralisation).

Il en est de même, lors du contrôle de la loi de finances de l'année prévoyant les ressources et les charges de l'Etat, dans la mesure où c'est dans cette loi que sont prévues les différentes subventions que l'Etat alloue aux Collectivités locales sur le fondement du principe constitutionnel de leur libre administration, voire même les différents impôts locaux (Cf. loi de finances rectificative de 2009, en son article 15).

En outre, le juge constitutionnel gabonais a eu à intervenir à plusieurs reprises, de manière indirecte mais certaine et sur saisine des citoyens, pour réaffirmer et renforcer les grands principes budgétaires et comptables de l'Etat, qui fondent également le contrôle des finances locales (Cf. décision n°114/CC du 28 octobre 2002).

109 Il en ressort ceci : « Considérant qu'aux termes de l'article 84-1 de la constitution, la cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité (...) des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ; qu'il en résulte que le contrôle de la régularité juridique des actes budgétaires relève de la compétence de la haute instance ».

110 Il en ressort ce qui suit : « ...à la différence de l'article 61 de la constitution française qui limite l'intervention de la juridiction constitutionnelle, en matière de contrôle de constitutionnalité, aux seules lois organiques et ordinaires ainsi qu'aux règlements des assemblées, le constituant gabonais a confié la compétence de la régularité juridique des actes réglementaires à la seule cour constitutionnelle ».

111 En effet, en de nombreuse occasions, la cour constitutionnelle a relevé son incompétence en matière de contrôle des actes administratifs individuels, incluant donc les actes financiers locaux individuels (Cf. Décision n°10/CC du 10 juin 1992, NDOUTOUME MISSO : recours d'un chef de canton contre une décision de révocation), ou, au contraire, affirmé implicitement ou explicitement sa compétence en matière des actes administratifs à caractère réglementaires (Cf. Décision n°008/CC du 17 avril 2001, Comptoir gabonais du pneumatique : recours pour excès de pouvoir aux fin d'annulation d'un arrêté du Ministre des transports relatif à la production des plaques d'immatriculation des véhicules automobiles).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 57

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Elle a non seulement reconnu l'existence des budgets autonomes et fait la distinction entre autonomie financières et autonomie de gestion financières (Cf. décision n°2/CC du 17 mars 1999), mais aussi précisé que l'autonomie financières112 constitue une exception au principe d'unité que seul le constituant peut déroger et non le législateur113 (Cf. décision n°1/CC du 28 février 2002).

Le juge administratif, influencé sans doute, n'a fait qu'entériner par la suite cette position jurisprudentielle, notamment dans l'affaire Comptoir Gabonais du Pneumatique (COGAPNEU).

Dans cette affaire, la cour administrative a estimé que « cons..., s'agissant de la compétence de la cour administrative à connaitre du recours pour excès de pouvoir formé contre cette décision dont le caractère réglementaire est acquis, qu'il résulte des motifs essentiels au dispositif de la décision n°16/CC du 15 septembre 1994 de la cour constitutionnelle que le contrôle de la régularité juridique des actes réglementaires relève de la compétence de cette haute instance ; qu'il s'ensuit que la cour administrative est désormais incompétente à connaître des recours pour excès de pouvoir formés contre tous les actes réglementaires, comme le confirme du reste l'écriture subséquent de l'article 35 de la loi organique n°10/94 du 17 septembre 1994... »114.

De ce qui précède, l'analyse suivante peut être faite : du législateur au juge constitutionnel, en passant par le juge administratif lui-même, tous, ont trahi ou dénaturé la pensée réelle du constituant gabonais de 1991. Lequel n'a nullement envisagé de dépouiller les juridictions de l'ordre administratif d'un pan, le plus important de surcroit, du contentieux administratif 115. Le Gabon est le seul pays au monde qui remplit cette curiosité intellectuelle. Qui plus est, le juge constitutionnel ne saurait annuler les actes de l'administration, ni indemniser les victimes. Elle se contente de les déclarer inconstitutionnels.

112 Notons que cette expression qui découle de la libre administration revêt une double mission :

- En premier lieu, c'est la capacité juridique à produire des normes financières : En matière de recette,

elle implique la reconnaissance au profit des collectivités locales d'un véritable pouvoir fiscal local, le pouvoir de créer et de lever l'impôt. En matière de dépense, c'est la liberté de décider d'affecter les ressources à telle ou telle dépense précise.

- En second lieu, c'est la possibilité pour les collectivités locales d'assurer le financement de leurs

dépenses par des ressources propres en volume suffisant.

113 Pour la haute juridiction gabonaise, seul le constituant peut donc prévoir le principe d'autonomie financière. Il s'agit là d'une technique de constitutionnalisation de ce principe, notamment lorsqu'elle affirme que : « considérant que la possibilité pour une institution d'avoir des ressources autres que les crédits inscrits pour elle au budget de l'Etat implique nécessairement que cette institution bénéficie de l'autonomie financière ».

114 Cf. C.A du 23 juin 2000, Comptoir gabonais du pneumatique c. /Etat gabonais, Rép. N°36.

115 Observons avec l'auteur S.M. KWAHOU que cet « auto-attribution du contentieux des actes réglementaires115 par le juge constitutionnel gabonais rend encore plus complexe la lecture du droit positif gabonais en matière de répartition d'attributions juridictionnelles ».

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 58

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

PARTIE II :

LA PORTÉE DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES BUDGÉTAIRES LOCAUX

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 59

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

L'efficacité de tout contrôle se mesure à l'aune des résultats atteints ; ces derniers restant également tributaires des moyens et méthodes utilisés pour leur réalisation.

Ainsi, relativement aux différentes modalités de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales gabonaises qu'exercent les services de l'Etat central, l'on se rend compte qu'elles sont confrontées à de nombreux obstacles remettant en cause leur effectivité. Elles se heurtent donc à un certain nombre de difficultés qu'il faudra déceler afin de voir comment y remédier.

La portée de ces différentes modalités de contrôle permettra, d'une part, d'analyser les insuffisances qui limitent l'efficacité des contrôles administratifs et juridictionnels (Chapitre 1), gage d'une bonne gestion de nos finances locales. Et d'autre part, de proposer des perspective d'amélioration à cette situation (Chapitre 2).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 60

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

CHAPITRE I :

LES LIMITES DES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS ET
JURIDICTIONNELS

Notre passage dans les services de la tutelle administrative (Ministère de l'intérieur) et de la tutelle financière (Ministère du budget), nous a permis de déceler plusieurs irrégularités juridiques, notamment lors de l'examen des divers actes budgétaires locaux qui leur sont soumis pour approbation.

Les limites pratiques peuvent ainsi être regroupées en deux ordres : selon qu'elles sont liées aux contrôles administratifs (section 1) ou aux contrôles juridictionnels (section 2) de l'Etat central.

Section 1 : Les limites liées au contrôle administratif tutélaire

La portée des différentes modalités de contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux ressort des limites d'ordre administratif. L'exercice du contrôle administratif connait des insuffisances qui portent atteinte à la protection des deniers publics locaux.

Dans tous les cas, les insuffisances sont relatives au contrôle de légalité (paragraphe 1) et au contrôle budgétaire (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les insuffisances du contrôle de légalité

Certaines limites du contrôle administratif des actes budgétaires locaux sont relatives aux insuffisances du contrôle de légalité. Lors de l'exerce de ce contrôle, des difficultés diverses ont été observées. Elles tiennent tant au fonctionnement actuel de la tutelle administrative (A) qu'à la qualité des documents budgétaires qui leurs sont transmis pour approbation, ainsi qu'aux moyens de contrôle (B) dont ils disposent.

A- Les difficultés liées au fonctionnement actuel de la tutelle administrative

Pour ce qui est du contrôle du représentant de l'Etat, il est à observer que l'exercice actuel de la tutelle est fortement centralisé : peu de décisions, ou aucune du tout, peuvent se prendre au niveau des administrations déconcentrées de l'État pourtant compétentes formellement.

En effet, l'article 357 de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation prévoit que « la tutelle est exercée, au niveau local, par le représentant de l'Etat dans la localité concernée ». Or dans la pratique, en dépit des cadres territoriaux existant116, le contrôle de tutelle est exclusivement exercé par les services centraux de l'Etat

116 Cf. loi organique 14/96 portant réorganisation territoriale de la république gabonaise.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 61

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

implantées dans la capitale, Libreville. Il en résulte une situation caractérisée par d'importants dysfonctionnements qui concernent principalement : la lourdeur dans le traitement des dossiers, des délais relativement longs qui peuvent constituer une source d'inefficacité de l'action administrative locale et des contrôles tutélaires ; l'inadaptation des décisions prises puisqu'elles sont déconnectées de la réalité locale ; la délimitation imprécise et incohérente des attributions entre organes administratifs centraux de contrôle, voire entre autorités déconcentrées et autorités centrales.

L'absence d'une réelle déconcentration du pouvoir de tutelle, sous forme de « préfecturalisation »117, fait en sorte qu'actuellement les actes des collectivités locales soumis à approbation de la tutelle sont transportés, avec tous les risques que cela comporte, par les élus locaux eux-mêmes de l'intérieur du pays vers la capitale. Les élus locaux se déplacent, eux- même, à la direction de la tutelle des collectivités locales (Ministère de l'intérieur), et au niveau des différents services du pole des marchés publics de la DGBFIP (Ministère du budget) pour faire approuver leurs actes budgétaires. Ce qui entraine d'importantes dépenses financière pour les collectivités locales et une énorme perte de temps, car il s'ensuit parfois des navettes, aller et retour vers les deux tutelles, administratives et financières, en plus d'autres tracasseries liés au traitement de leurs actes, qui finalement irritent beaucoup les autorités décentralisées.

Parmi les difficultés constatées, il y a celle du non-respect des délais sans aucun doute. Les services administratifs de tutelle actuel doivent en effet réaliser leur contrôle dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception des actes budgétaires pour pouvoir saisir par la suite la juridiction compétente, en cas d'illégalité constatée. L'impression de brièveté du délai est perçue comme pesante au regard du flux de documents budgétaires à contrôler dans un même laps de temps. Or cet écueil aurait pu être évité si on faisait participer les organes de tutelle locale existant (les préfets). Ils exerceraient une sorte de filtre au niveau local et faciliterait le travail de contrôle de la central.

À l'heure actuelle, ce sont malheureusement les agents de la Direction de la tutelle des Collectivités locales118 du Ministère de l'intérieur, et non les services de la préfecture (tutelle locale), qui exercent les différents contrôles des actes budgétaires locaux.

117 Forme de déconcentration qui mettant le préfet au centre du contrôle de tutelle des actes des collectivités locales. Ce dernier serait la clef de voûte du processus de décentralisation.

118 Placée au coeur d'un Ministère clé que constitue le Ministère de l'Intérieur, la DTCL trouve son rôle de relais des pouvoirs locaux dans ses origines les plus profondes. C'est en effet la nécessité pour l'Etat de maitriser sa structure administrative générale, qui inclus l'administration locale, qui va conduire le gouvernement gabonais à créer, au sortir de l'indépendance du pays, un service chargé de la tutelle des collectivités locales au sein du ministère de l'intérieur, notamment par la prise du décret N°00858/PR/MI/CAB du 29 juin 1971.

Un peu plus tard, sous l'effet des transformations socio-économiques et politiques, le gouvernement va décider par le décret N°0269/PR/MI du 9 mars 1976 portant réorganisation et attribution du Ministère de l'intérieur, d'ériger ce service de tutelle en une Direction de la Tutelle des collectivités locales (DTCL) rattachée à la Direction Générale de l'Administration du Territoire (DGAT). Ceci pour parer à l'augmentation significative du nombre des collectivités locales à gérer118 afin de mieux faire face aux problèmes inhérents à leur développement.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 62

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

C'est d'ailleurs, la même direction centrale, en corrélation avec les services du réseau comptables de la DGCPT, qui fixe, chaque année, un plafonnement119 aux budgets des collectivités locales. La réception tardive des documents nécessaires à l'élaboration de leur budget primitif (plafonds budgétaires ou dotations de l'État) entraîne également des retards dans la transmission des actes budgétaires au Représentant de l'Etat, et partant du contrôle a priori. Le calendrier budgétaire local n'est très souvent pas respecté.

S'y ajoute comme insuffisances, la faible instruction de certains élus locaux et l'insuffisance des agents administratifs en zone rurale. Le potentiel humain y est peu satisfaisant. Le niveau des agents est en général assez faible. Le personnel manque de formation technique. Les services centraux ne disposent même pas de données agrées et fiables sur le personnel des collectivités locales120. Toutes ces carences influent sur la qualité des actes budgétaires élaborées et les contrôles qui s'en suivent121.

Quid alors des difficultés liées à la qualité des actes budgétaires soumis à l'approbation de la tutelle ou des moyens dont disposent les organes de contrôle de la tutelle administrative ?

B- Les difficultés liées à la qualité des documents budgétaires transmis et aux moyens de contrôle

S'agissant des difficultés liées à la qualité des documents budgétaires transmis pour approbation au représentant de l'Etat, on remarque généralement des irrégularités relatives aux procédures de passation de certains marchés publics locaux (recours injustifié à l'entente direct, défaut d'appel d'offre,...). Les services chargés du contrôle de légalité constatent très souvent que les dossiers de marchés transmis sont incomplets : certaines pièces relatives à la procédure de mise en concurrence sont omises telles que les rapports de

119 En principe, les organes délibérants locaux doivent pouvoir établir librement des prévisions budgétaires (article 112 de la constitution). Mais un plafonnement des budgets, à ne pas dépasser, est fixé aux collectivités locales. Pour chaque exercice, le montant plafond est déterminé pour chaque collectivité en calculant la moyenne des recouvrements réalisés au titre des trois années précédentes. Les collectivités locales sont contraintes de tenir compte des montants plafonds ainsi déterminés par l'Administration centrale et dont le respect s'impose lors de l'exercice du pouvoir d'approbation des budgets locaux.

120 Il n'existe pas de statistiques nationales fiables sur le personnel des collectivités locales.

Dans ces conditions, il est difficile de définir une politique de Gestion des Ressources humaines ou de formation. La mise en place récente d'une Direction centrale des ressources humaines devrait permettre de corriger à moyen terme cette situation. Chaque collectivité locale (département ou commune) dispose d'un Secrétaire général qui coordonne les services sous l'autorité du président du bureau du conseil de la collectivités concernée. Le Secrétaire général assure par ailleurs la continuité de l'Administration locale pa r - delà le renouvellement des organes politiques. Il n'existe pas pour l'instant de texte fixant précisément le statut du Secrétaire général (règles applicables, avantages, garanties, etc.). Le recrutement au poste de Secrétaire général de mairie est politisé. Ce qui n'est pas sans incidence sur la qualité des actes élaborés et transmis à la tutelle.

121 Les ressources financières locales étant insuffisantes pour recruter des cadres ou du personnel spécialisé. Alors que la masse salariale absorbe, à l'échelle des communes du pays, 80 à 85% des budgets, le personnel est peu performant. Généralement recrutés par les élus sur le mode du clientélisme et par affinités, l'effectif des agents des communes gabonaises s'accroît au gré des changements d'exécutifs communaux. Le souci n'est ni l'optimisation ni la productivité du travail.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 63

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

présentation ou encore les rapports de la commission d'appel d'offres. En outre, les collectivités locales ne respectent pas toujours l'ordre chronologique de transmission des actes d'exécution budgétaire. Ce qui retarde le travail de contrôle de la tutelle :

V' la délibération et la convention de marché sont transmises simultanément. Dès lors, la délibération n'ayant pas acquis son caractère exécutoire, le marché ne peut pas être signé et est par conséquent frappé d'illégalité ;

V' la transmission de marchés ou d'avenants intervient alors que les prestations sont déjà en cours d'exécution. Lesdits avenants doivent s'accompagner là aussi de leurs délibérations.

De même, les autorités de tutelle relèvent très souvent le défaut de signature du procès-verbal de la commission par ses membres ou les irrégularités dans la composition de la commission d'appel d'offres : les participants ne sont pas toujours convoqués (par exemple les représentants des services de la tutelle compétentes), le président n'est pas présent, ou les conditions de quorum ne sont pas réunies (présence systématique des suppléants pour remplacer des titulaires). Parfois même, l'acte d'engagement n'a pas été signé par le représentant légal de la collectivité ou l'acte d'engagement est signé avant que la délibération de l'assemblée délibérante autorisant la personne responsable du marché à signer ne soit exécutoire.

Il est souvent aussi mis en exergue l'absence de production ou de transmission de l'intégralité des documents budgétaires annexes. Ces annexes budgétaires obligatoires122 sont porteuses d'informations utiles relatives à certains éléments patrimoniaux et aux engagements de la collectivité locale contrôlée. De nombreuses irrégularités en ce domaine ont été la conséquence directe de rejet ou d'annulation d'actes budgétaires et d'alourdissement des procédures de la dépense locale. Elles ne sont pas de nature à faciliter

122 Ces annexes sont regroupées en cinq catégories :

1. Les annexes détaillant certains éléments du vote du budget. Ce sont les annexes retraçant le détail des opérations d'ordre de section à section, l'état de la reprise du résultat de l'exercice précédent et l'état des méthodes utilisées.

2. Les annexes relatives à certains postes du bilan comme l'état de la dette, l'état des immobilisations, l'état des provisions constituées et l'état des transferts des charges.

3. Les annexes relatives aux engagements donnés et reçus. Elles regroupent les états développant des informations relatives à des dépenses ou recettes n'ayant pas donné lieu à comptabilisation, mais aya nt une incidence potentielle sur les finances locales.

4. Les annexes diverses au nombre de six : l'état du personnel, la présentation agrégée du budget principal et des budgets annexés ou rattachés, les décisions en matière de taux de contributions directes, la constatation du vote ainsi que les signatures requises, l'état des biens acquis, détruits ou réformés.

5. Les annexes spécifiques : la liste des concours attribués par la commune aux associations sous forme de prestations en nature et de subventions, la présentation consolidée des résultats afférents au dernier exercice connu du budget principal et des budgets annexes, le cas échéant les tableaux de synthèse des comptes administratifs afférents au dernier exercice connu, le bilan certifié conforme du dernier exercice connu des organismes dans lesquels la commune détient une part de capital ou au bénéfice desquels la commune a garanti un emprunt ou versé une subvention ; un tableau retraçant l'encours des emprunts garantis par la commune ainsi que l'échéancier de leur amortissement, les comptes et annexes produits par les délégataires de service public.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 64

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

le travail de contrôle des agents de tutelle. La qualité de l'acte budgétaire transmis détermine donc l'efficacité du contrôle.

S'agissant du caractère lacunaire des moyens de contrôle dont disposent les services de l'Etat, il ne concourt pas à l'efficacité des contrôles exercés.

Il y a d'abord le manque de formation des agents de l'Etat. En effet, les agents ne disposent pas toujours d'une formation adaptée pouvant leur permettre d'assurer la régularité et l'efficience de la gestion financière locale, compte tenu de la technicité des documents budgétaires et financiers. Il constitue d'ailleurs un problème fondamental qui, au-delà du contrôle des actes budgétaires, affecte tout le fonctionnement des collectivités locales. Certes il existe beaucoup d'initiatives de renfoncement de capacités, en partenariat avec des partenaires étrangers, mais celles-ci se révèlent, généralement, peu efficaces en raison des courts délais de formation pour des agents qui, en générale ne sont pas prédisposés à accueillir les connaissances relatives au droit budgétaire et comptable qui, il faut le signaler, pose des problèmes même aux initiés. Notons que ce manque de formation n'est pas spécifique aux agents de l'Etat.

Ensuite, il y a l'insuffisance de personnel qui empêche à ces administrations d'Etat d'exercer convenablement leurs missions. En effet, les organes compétents en matière de contrôle des finances des collectivités locales sont confrontés à de sérieux problèmes de ressources humaines, en qualité et en quantité. Le personnel nécessaire pour asseoir un véritable contrôle fait parfois défaut dans ces organes. Ce qui va expliquer, sans doute, la lenteur dans le travail, dans la mesure où il n'y a pas suffisamment d'hommes pour pouvoir traiter dans les délais requis l'ensemble des dossiers qui leur sont transmis, quand on sait le nombre important de collectivités locales, soit cent (100) au total, ainsi que celui des actes budgétaires locaux manipulés au quotidien.

D'ailleurs, la concentration, dans le temps, de l'examen d'un nombre assez considérable d'actes ne permet pas aux autorités de contrôle de respecter les délais et d'exercer un contrôle efficace, digne de ce nom dans le respect des délais légaux. En fait, le nombre élevé d'actes à contrôler nécessite que tous les organes de contrôle disposent d'un personnel suffisant. Or, la réalité nous montre que le personnel nécessaire n'est pas mis à leur disposition. C'est dire que les moyens en personnel des organes de contrôle sont limités, au regard de l'importance de leurs missions.

Nous pouvons signaler aussi les insuffisances textuelles ou juridiques. Il est à décrier une absence de textes d'application en matière d'exercice de la tutelle au Gabon, comme le prévoit pourtant la loi sur la décentralisation depuis 1996. De même, il n'existe même pas de texte réglementaires ou circulaires pouvant prévoir des procédures internes applicables en matière de contrôle des actes des collectivités locales en général, ou pour fixer, régler les spécificités des mécanismes de contrôle par l'Etat des actes financier locaux. Autrement dit, les normes et manuels de procédures de contrôle font défaut. La conséquence en est que les pratiques administratives sont sans cadres de référence et se situent souvent en marge de la légalité (non-respect des obligations d'impartialité, de neutralité, de responsabilité, etc.).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 65

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Notons que ce manque d'outils de contrôle (lois d'orientation, plans de développement locaux,...) est une source de difficultés considérables qui concourt à l'instauration d'un environnement défavorable à l'efficacité du contrôle des actes budgétaires locaux. Mais à ces difficultés s'ajoute celles relatives au contrôle budgétaire.

Paragraphe 2 : Les insuffisances du contrôle budgétaire

D'autres limites du contrôle administratif des actes budgétaires locaux sont relatives aux insuffisances du contrôle budgétaire. Lors de l'exerce de ce contrôle, des difficultés diverses ont été observées. Elles tiennent tant au caractère lacunaire des moyens mis à la disposition de la tutelle financière (A) qu'à l'existence d'une pluralité d'acteurs en matière de contrôle des finances locales (B).

A- Les difficultés liées au caractère lacunaire des moyens

Les organes de contrôle ont des moyens lacunaires, d'ordre humain et matériel. Ce qui est entrave l'efficacité du contrôle budgétaire effectué.

Le contrôleur budgétaire provincial dispose de moyens limités pour exercer sa mission. En effet, son contrôle sur les collectivités locales se fait sur pièces sur place. Sur pièces, il s'exerce au moyen des documents qui lui sont transmis ou qu'il réclame, lesquels ne rendent compte que de situations déjà accomplies. Le suivi sur pièce de la gestion financière locale peut s'avérer fastidieux au regard de l'augmentation du nombre des collectivités locales. Il convient de faire observer lors de notre passage dans ce service, certaines grandes collectivités locales comme les Communes de Libreville et d'Owendo refusaient catégoriquement le contrôle de cet organe de l'Etat. Les élus locaux y voient une atteinte à leur autonomie financière, garantie par le principe constitutionnel de libre administration locale. Pour des missions sur le terrain, au fin de constater le service fait d'une dépense locale, il faut aux agents vérificateurs des moyens roulant. Notons que le contrôleur budgétaire provincial de l'Estuaire pour couvrir l'ensemble des collectivités locales de sa compétence territoriale dispose d'à peine une dizaine d'agents vérificateurs.

De plus, la qualité du personnel ayant nécessairement une incidence sur la qualité de contrôle exercé, non seulement les organes de contrôle ne sont pas dotés de moyens appropriés pour exécuter leurs missions, mais en plus, ils n'ont pas toujours des locaux fonctionnels, un personnel suffisant. Même quand le personnel existe dans certains services, sa qualification est inappropriée du fait de l'absence d'agents spécialisés en matière de contrôle de finances locales. Il s'agit en réalité d'un problème de choix de profil lors des recrutements desdits personnels. La conséquence en est que la plupart des agents de ces organes de l'Etat central ignore le plus souvent la spécificité des matières législatives et règlementaires liées aux collectivités locales gabonaises.

Pour ce qui est des difficultés au niveau des contrôles du receveur de la collectivité locale, l'exercice de la dépense publique locale fait ressortir une inexistence du contrôle des engagements et une fréquence d'erreurs d'imputation. Tout comme une

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 66

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

nécessaire maitrise de la réglementation sur les marchés publics locaux est requise pour un meilleur contrôle de l'exactitude des liquidations, car l'ignorance des textes applicables ne peut exonérer la responsabilité du comptable public. Sur ce, la cour des comptes française soulignait dans un arrêt du 28 janvier 1997 que « si le comptable n'a pas l'obligation de tenir un fichier des fournisseurs, il doit éviter les doubles paiements et s'organiser en conséquence ». Par ailleurs, les certifications de service fait posent de problèmes matériels et notamment dans le cas de fausses pièces qui sont de ce fait réputées inexistantes. De ce fait le contrôle du receveur ne saurait se limiter à un contrôle sur pièces.

En outre, les moyens financiers sont insuffisants. Les dotations ou crédits budgétaires mis à la disposition des organes de contrôle tutélaires, ainsi que la logistique disponible ne permettent d'assurer un bon fonctionnement des services. Le système de rémunération est incohérent. Le système de motivation et de récompense des agents manque de transparence.

Mais en dehors de ces obstacles que nous venons de décrire, il existe d'autres plus endogènes rendant le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux inefficace : c'est notamment le cas de la multiplicité d'acteurs en matière de contrôle des actes budgétaires locaux.

B- Les difficultés liées à la multiplicité d'acteurs de contrôle

La tutelle de l'État sur les actes budgétaires locaux revêt des formes multiples qui la rendent relativement lourde. Elle est même ambiguë du fait de l'écart existant entre les principes énoncés et l'application concrète qui en est faite.

En effet, dans le cadre du contrôle qu'exerce les organes de l'Etat des risques d'interférence et de confusion de compétence existent entre les différentes institutions chargées du contrôle : de la DTCL au trésor public en passant par le contrôleur budgétaire local et tous les services du pole marchés publics de la DGBFIP, il y a en moyenne quatre (4) signatures et plus de cinq (5) visas a obtenir pour l'approbation d'un seul acte budgétaire local. C'est le cas en matière d'approbation d'une convention de marché public local. (cf. en annexe la fiche d'approbation d'une convention de marché public local).

Cette multiplicité de services dans le circuit de la dépense publique locale aboutie, parfois, à des chevauchements de compétences notés entre ces administrations de l'Etat. L'on se demande alors si leurs rôles sont complémentaires ou concurrentiels. De même, la délimitation imprécise et incohérente des attributions entre les Ministères intervenant en matière de gestion des collectivités locales, et entre services centraux et services déconcentrés est souvent à l'origine de nombreuses confusions qui paralysent l'investissement public local et réduit finalement l'efficacité des contrôles. Par exemple, durant l'exercice budgétaire 2014, la Commune de Ntoum, comme plusieurs autres collectivités locales à l'intérieur du pays, n'avait pu exécuter son budget d'investissement prévu, à cause de la lenteur de la procédure d'approbation.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 67

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Il faut en plus signaler le cas de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor qui, avec un personnel réduit peine à assurer la mise en état d'examen des comptes des collectivités locales qui lui sont soumis ; ce qui déteint négativement sur l'action de la chambre des comptes. En effet, très souvent, après la transmission du fascicule de gestion du comptable de la collectivité locale à la hiérarchie pour vérification sur chiffre, la Trésorerie centrale tarde à retourner le fascicule en question au comptable. La conséquence en est que la production des comptes, si elle a lieu, accuse un retard considérable.

En somme, le contrôle administratif des actes budgétaires des collectivités locales est limité par des raisons d'ordre sociologique et par la limitation du pouvoir des organes qui l'exercent à la régularité formelle.

Dans le premier cas, c'est le subjectivisme qui l'emporte sur l'exercice rigoureux du contrôle. En effet, la culture du dialogue, de la concertation qui caractérise la société gabonaise n'épargne guère le fonctionnement de l'appareil administratif. Ainsi les organes de contrôle privilégient la concertation avec les élus locaux au détriment de la rigueur du contrôle. On peut en outre dénoncer le laxisme des supérieurs hiérarchiques de certains agents de contrôle. Dans le second cas, le comptable local n'exerce qu'un contrôle de régularité formelle sur pièce ; ce qui ne peut garantir la réalité de la dépense et peut entrainer une fréquence des dépenses fictives.

Analysons à présent les limites des contrôles juridictionnels desdits actes

budgétaires.

Section 2 : Les limites liées aux contrôles juridictionnels

La portée des différentes modalités de contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux ressort des limites d'ordre juridictionnel.

Ces limites concernent les insuffisances liées à la procédure et moyens de contrôle des juridictions locales (Paragraphe 1) ; mais concernent l'usage abusif des décharges de responsabilité et des remises gracieuses de débet (Paragraphe 2) faites aux agents publics, gestionnaires de fonds publics.

Paragraphe 1 : Les insuffisances liées à la procédure et aux moyens des
juridictions locales

Le contrôle des juridictions locales connait des insuffisances lorsque l'annulation de l'acte budgétaire attaqué intervient de manière tardive. Le contrôle peut alors s'avérer inefficace : les dépenses pouvant déjà être réalisées. Tout comme lorsque le rapport de la juridiction financière mettant en cause un receveur local n'est pas délibérément suivi de sanctions de la part des autorités compétentes.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 68

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Nous analyserons d'abord les difficultés que rencontrent les juridictions financières locales (A), avant de voir spécifiquement celles des tribunaux administratifs provinciaux (B).

A- Les difficultés des juridictions financières locales

L'instauration récente des chambres provinciales des comptes et le faible nombre des juridictions existantes123 constituent une difficulté non négligeable pour une meilleure gouvernance financière locale. Mais elles rencontrent, par ailleurs, d'autres difficultés.

D'abord, les périodes d'intervention restent aléatoires et décalées des faits. Même si le président de la juridiction décide annuellement du programme des travaux, le calendrier de contrôle est en effet un mystère. Le rythme d'intervention peut être variable suivant l'importance de la collectivité. La pertinence de ces contrôles semble, de plus, être remise en cause dans la mesure où un décalage temporel important existe entre les faits et la révélation de l'irrégularité ou de l'inefficacité. Que représente en effet, aux yeux des citoyens ou d'autres acteurs de la vie communale, une révélation d'actions et de décisions vieilles de trois (3) voire de cinq (5) années ? D'ailleurs, il est assez fréquent que les gestionnaires en cause ne soient plus responsables de la collectivité au moment où sont rendues publiques les observations définitives des magistrats financiers.

Ensuite, pour les méthodes de collecte des éléments probants, la cour des comptes ou les chambres provinciales des comptes effectuent généralement des contrôles sur pièces et sur place afin d'obtenir les éléments sur lesquels seront fondés les jugements, avis ou observations. Le contrôle de la gestion d'une collectivité, ainsi pratiqué, débute habituellement par un examen des pièces à la disposition de la cour et du dossier de la collectivité (contrôles antérieurs, coupures de presse et correspondances). Après une évaluation de l'état général des finances de la collectivité, le magistrat fixe le champ de ses investigations en sachant que les dépenses de personnel, les procédures de marchés publics et les investissements constituent des domaines essentiels. Une fois les champs d'investigation choisis, le magistrat pourra demander pour tout document les renseignements manquant, en vue d'une analyse de régularité et d'efficacité. Cette procédure rigoureuse des magistrats financiers semble trouver toutefois ses limites dans les durées importantes d'exécution des contrôles qui augmentent d'autant plus le décalage de l'observation avec les faits.

De même, dans la pratique, les chambres provinciales des comptes sont confrontées à certaines contraintes préjudiciables à l'exercice de leur contrôle et relatives à l'état de reddition des comptes des collectivités locales contrôlées.

La reddition des comptes se fait dans un environnement peu favorable. En effet, bon nombre de comptables locaux ne rendent pas compte de leur gestion devant la

123 Les chambres provinciales n'existent pour le moment que dans certaines provinces (Haut-Ogoué, Ogoué maritime, Ngounié, Nyanga et l'Estuaire).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 69

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

juridiction des comptes dans les délais légaux. Pour les collectivités locales dont la chambre reçoit tout de même les comptes, généralement ceux-ci ne sont pas en état d'être jugé car n'étant pas accompagnés de toutes les pièces générales tel que le compte administratif du Maire ou du Président du conseil départemental. Ce qui est significatif d'une défaillance des comptables supérieurs de la DGCPT sensés centraliser et veiller à l'état d'examen des comptes de gestion des collectivités locales au terme de chaque exercice budgétaire. Cette difficulté majeure tenant à la mise en état d'examen des comptes des collectivités locales est d'ailleurs déplorée dans les nombreux rapports annuels de la Cour des comptes. Elle constitue une entrave fondamentale à l'efficacité du contrôle juridictionnel.

C'est ce qui ressort du rapport public 2010 de la Cour des comptes dans lequel elle souligne : « en effet, les conditions dans lesquelles sont produits les comptes de gestion des comptables publics limitent les performances de la Cour en matière de contrôle juridictionnel. Les comptes ne sont pas déposés à la Cour à la bonne date et lorsqu'ils sont produits, ils sont très rarement en état d'examen ».

Toujours au plan procédural, les dispositions règlementaires exigent, en l'occurrence dans le cadre du contrôle juridictionnel des comptes des receveurs des collectivités locales, une double transmission des comptes locaux. Une première transmission du fascicule de gestion par le receveur au service de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) pour centralisation et vérification sur chiffre. Une seconde transmission, cette fois du compte de gestion accompagné de pièces essentielles, par le DGCPT à la Cour des comptes. Cette règle de double transmission provoque des lourdeurs dans la procédure du contrôle juridictionnel, et révèle un problème de sincérité des écritures comptables124 produites à la cour des comptes.

En outre, on peut relever l'encombrement de la Cour des comptes, si l'on tient compte de l'importance quantitative des organismes publics soumis à son contrôle. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire, en ce qui concerne les collectivités locales, d'alléger sensiblement le travail de la haute juridiction financière en étendant la création des chambres provinciales des comptes à l'intérieur du pays.

Mais au-delà de son encombrement, l'action de la Cour des comptes, et partant celle des chambres provinciales des comptes, pose surtout le problème des suites données à ses rapports car il y va de l'efficacité de son contrôle. En effet, la relative publicité donnée aux contenues de son rapport annuel (communiqué de presse, diffusion sur son site Internet et celui du gouvernement, et dans le journal officiel de la République...) a pour but d'inciter les pouvoirs publics, sous la pression de l'opinion publique, à prendre les mesures de réformes convenables. Ce procédé de contrôle repose sur l'idée selon laquelle l'exposition publique de mauvaises gestions financières ou de défectuosités dans le fonctionnement des services peut contraindre les autorités responsables à agir. Malheureusement des exemples de personnes sanctionnées dans ce sens, sont très rares. Les observations formulées par la

124 « Les comptes des receveurs des collectivités locales, lors des opérations de centralisation à la Trésorerie Générale ou Trésorerie Centrale, sont en fait préalablement corrigés par la DGCPT », Source : entretien avec un agent du trésor.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 70

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Cour des comptes ne sont pas toujours suivies d'effets. Ce qui fait que les mêmes problèmes reviennent, souvent, dans ses rapports (état de reddition des comptes, retard dans leur dépôt, insuffisances de son personnel, irrégularités récurrentes dans la gestion financière des marchés publics, du personnel des collectivités locales entre autres).

Que dire à présent des difficultés que rencontrent les juridictions administratives

locales ?

B- La quasi-inexistence des tribunaux administratifs

Pour ce qui est des limites relatives au contrôle des juridictions non financières, particulièrement celles administratives, il convient d'observer une quasi-inexistence des juridictions administratives provinciales, à l'heure actuelle.

En effet, il n'existe toujours pas de tribunaux administratifs à l'intérieur du pays alors même que la loi n°7/94 du 16 septembre 1994 portant organisation de la justice en prévoit neuf (9), soit un par chef-lieu de province. Cet état de choses constitue une entorse importante à la mise en oeuvre du contrôle juridictionnel de la légalité des actes des collectivités locales en général, et budgétaires en particulier.

Pour l'instant, il n'en existe que quatre (4) créés : Libreville, Franceville, Port-Gentil et Oyem. Mais à l'exception du Tribunal administratif de Libreville qui reste opérationnel, les nouvelles autres juridictions administratives provinciales ont du mal à fonctionner ou pas du tout. Elles connaissent des problèmes techniques tels que : l'absence ou l'exiguïté des locaux, l'insuffisance du nombre des magistrats affectés, problèmes de textes organiques,... Cette situation ne saurait aller dans le sens de l'efficacité de la mission de contrôle des actes locaux assigné à cette juridiction.

Enfin, notons qu'au Gabon, le contentieux administratif des actes financiers locaux demeure mineur. Les collectivités locales tout, comme les administrés ou contribuables, perçoivent encore l'Administration de tutelle comme une institution toute-puissante ou n'ont pas encore conscience de ce qu'il est possible d'attaquer en justice la puissance publique étatique ou locale pour faire respecter leurs droits. Pourtant les rares affaires portées devant le juge administratif révèlent des insuffisances dans la gouvernance financière locale, notamment en ce qui concerne la gestion du personnel et en matière de commande publique locale.

Mais les limites du contrôle juridictionnel ne concernent pas que les insuffisances liées à la procédure et moyens de contrôle des juridictions locales. Elles concernent aussi l'usage abusif des décharges de responsabilité et des remises gracieuses de débet faites aux agents publics, gestionnaires de fonds publics.

Paragraphe 2 : Le problème des décharges de responsabilité et des remises
gracieuses de débet

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 71

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

[a responsabilité des receveurs est mise en jeu selon les modalités pécuniaires qui font obligation au comptable de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale soit au montant de la perte de recettes subie, de la dépense payée à tort ou de l'indemnité de son fait à la charge de l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matières, la valeur du bien manquant. Ce que devra confirmer, à défaut, un acte administratif ou juridictionnel constituant le comptable local en débet.

Or, si cette responsabilité semble peu lourde dans son énoncé, des tempéraments existent néanmoins dans sa mise en oeuvre : les remises gracieuses de débet et les décharges de responsabilité.

Il importe d'analyser ces notions (A), avant de voir leur portée sur l'efficacité du contrôle des actes budgétaires locaux, en particulier celui exercé par les juridictions des comptes (B).

A- La notion de remise gracieuse de débet et de décharge de responsabilité

[a notion désigne l'acte par lequel un créancier accorde une réduction partielle ou une décharge totale de la dette à son débiteur. L'acte est dénommé remise de débet lorsque le créancier est une personne publique. Autrement dit toute personne en débet, ou déclarée comme tel, peut bénéficier d'une remise gracieuse ou remise de débet.

De façon pratique, la juridiction financière après examen des comptes locaux, ou de la gestion financière de la collectivité, déclare en cas de déficit de fond le receveur de la collectivité, ou tout gestionnaire de fait, en débet. Son rapport est transmis au Ministre en charge des finances pour les poursuites disciplinaires comme pénales. Mais ce dernier obtient, pour des raisons divers, de l'administration une remise de sa dette ou une décharge totale de responsabilité.

Il s'agit donc de deux tempéraments au principe de la reddition des comptes125 qui peuvent être, soit préalables à la reconnaissance de la responsabilité aux moyens des injonctions et observations pour l'avenir, soit postérieurs à celle-ci puisque la possibilité est offerte aux comptables locaux d'obtenir décharge totale ou partielle de responsabilité et même remise gracieuse des sommes laissées à leur charge. Certes, une décharge de responsabilité ne peut être donnée qu'en cas de force majeure ou d'erreur commise de bonne foi. Mais son utilisation est décriée lorsqu'elle résulte d'une appréciation subjective de la responsabilité du comptable. Cet état de choses est très caractéristique de l'impunité dans notre pays. Il s'agit d'un frein au principe de reddition des comptes nécessaires à la bonne gouvernance financière.

Il convient de se demander si une utilisation trop systématique des possibilités de remise gracieuse ne risquerait pas de remettre en cause les règles fondamentales de la

125 Procédure consistant pour celui a géré les intérêts d'autrui, à présenter à celui auquel il est dû, l'état détaillé de ce qu'il a reçu ou dépensé, dans le but d'arriver à la fixation du reliquat (le débet).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 72

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

comptabilité publique et l'exercice des contrôles qui garantissent la bonne gestion des deniers publics.

B- Portée du phénomène de remise gracieuse et de décharge de

responsabilité

Les remises gracieuses de débet ou les décharges de responsabilité constituent de véritables freins à l'effectivité du contrôle juridictionnel des actes budgétaires rétrospectifs des collectivités locales. Elles empêchent la mise en oeuvre effective de la responsabilité des ordonnateurs et comptables locaux. Ces derniers, dans ce cas, sont dispensés des poursuites pouvant être enclenchées à leur égard, nonobstant les observations de la juridiction des comptes. Le fait politique jouant en l'espèce sur l'efficacité des contrôles juridictionnels. Cette responsabilité presque inexistante est un véritable frein à l'efficacité du contrôle des actes budgétaires locaux. Il y aurait une sorte de déresponsabilisation des agents, gestionnaires des deniers publics.

C'est dire que la portée du contrôle juridictionnel des comptes des collectivités locales est limitée par le pouvoir prépondérant du Ministre en charge des finances de l'Etat, en ce sens que ce dernier a la possibilité d'accorder une décharge ou une remise gracieuse des débets prononcés par la Cour des comptes. C'est lui qui décide opportunément des suites à donner au constat de malversations ou détournements de fond fait par les juges des comptes. Ce qui constitue un obstacle à l'efficacité du contrôle dans la mesure où les contrôles, tout en dévoilant les irrégularités financières, doivent pouvoir être en mesure de les sanctionner afin de réduire, dans la mesure du possible, l'ensemble des infractions qui peuvent être commises.

En définitive, les deux tempéraments à la responsabilité que sont la décharge de responsabilité et la remise gracieuse de débet constituent un handicap dans le contrôle juridictionnel des actes budgétaire rétrospectifs des collectivités locales. Son efficacité est ainsi mise en cause à plus d'un titre ; ainsi qu'en témoigne la gestion catastrophique des finances publiques locales, toujours décriée. En tout état de cause, il faut reconnaître avec le professeur Lalumière que « ce double mécanisme de décharge et de remise gracieuse rend en partie inefficace la procédure de mise en jeu de responsabilité des comptables publics devant une juridiction ».

D'où les perspectives d'amélioration ci-après envisagées.

CHAPITRE II :

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 73

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

LES PERSPECTIVES D'AMÉLIORATION ENVISAGEABLES

Face à ces nombreuses faiblesses qui compromettent l'effectivité du contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux, il est nécessaire de proposer des moyens d'amélioration. Ainsi, quelques perspectives restent possibles.

Le but des présentes suggestions est de renforcer l'expertise de l'Etat, et partant, l'efficacité de ses contrôles. Les mesures que nous jugeons nécessaires pourraient être prises pour remédier aux insuffisances constatées lors de l'observation du processus de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales gabonaises.

Il conviendrait d'envisager d'une part, une réorganisation fonctionnelle des organes de contrôle de l'Etat (section 1), et d'autre part, la formation des agents de l'Etat ainsi que la dématérialisation des procédures de contrôles (section 2).

Section 1 : La nécessité d'une réorganisation fonctionnelle des organes de

contrôle

Au regard des obstacles que rencontrent les services centraux de l'Etat dans la réalisation de leurs missions de contrôle des finances locales en général, il semble nécessaire de les désengorger en rendant opérationnel les cadre territoriaux existant. Ce qui passe par une réelle déconcentration du pouvoir de tutelle, sous forme de « préfecturalisation » (paragraphe 1), et la mise à la disposition de l'autorité de tutelle locale des moyens de contrôle nécessaires (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'opérationnalité des cadres territoriaux de l'Etat existant

Le législateur de 1996 ayant déjà prévu les cadres territoriaux où devrait s'exercer le contrôle de tutelle de l'ensemble des actes locaux : les départements. Ceux-ci sont gérés par des autorités administratives déconcentrées, représentants l'Etat : les préfets.

Contrairement à ce qui ce fait et pour une efficacité des contrôles administratifs tutélaires, il conviendrait de revaloriser le rôle de ce dernier comme autorité de tutelle locale des collectivités locales (A) et étendre la création des différentes juridictions locales, administratives comme financières (B).

A- La Préfecturalisation des contrôles des actes budgétaires locaux

Afin de revaloriser le rôle important du préfet dans l'exercice du pouvoir de tutelle local, il conviendrait préalablement de modifier les deux textes qui déterminent pour l'heure les attributions du préfet et en font à la limite une simple autorité déconcentrée, sans emprise réelle sur la gestion locale. Une révision du décret n°91/PR/MI du 16 janvier 1976 fixant les attributions et pouvoirs des gouverneurs, préfet, sous-préfets, chefs des communautés rurales et chefs des villages ; et du décret n°00724 /PR/MI du 29 juin 1998 fixant les attributions, pouvoirs et avantages des personnels et auxiliaires de

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 74

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

commandement, actuellement en vigueur.

La révision de ces deux (2) textes devrait aller dans le sens du renforcement des pouvoirs de tutelle de cette autorité, représentant l'Etat au niveau local, dans les relations avec les collectivités locales. Il faut rompre avec la pratique actuelle où toutes les prérogatives de tutelle sont exercées au niveau central par les services du Ministère de l'intérieur et ceux du Ministère du Budget, comme vu précédemment126.

Le regroupement des différents contrôles de légalité et budgétaire, en matière de finances locales, au sein d'un service unique permettrait, à terme, de dégager des gains de productivité et une efficacité certaine des contrôles de l'Etat sur l'ensemble des actes budgétaires des collectivités locales. Le contrôle de légalité doit être exercé par quelqu'un capable d'éclairer sur les aspects juridiques spécifiques d'une décision locale car connaissant le contexte dans lequel il prend place ; et les enjeux relativement à l'intérêt local, afin d'apprécier correctement sa portée.

Pour ce faire, on pourrait par exemple mettre en place autour du préfet des « cabinets techniques et juridiques » qui se chargeraient de l'aider dans sa mission de contrôle. Le préfet devra en outre assurer la pleine coordination des travaux des unités déconcentrés intervenant dans la gestion des collectivités locales afin de garantir l'homogénéité de leurs actions et de renforcer leur efficacité. Le secrétaire général de province veillerait simplement, sous l'autorité du gouverneur, au bon fonctionnement technique du dispositif127.

À côté de « la préfecturalisation » des contrôles des actes locaux, il serait souhaitable également de généraliser la création de recettes municipales et départementales, à chaque chef-lieu de province au moins, tel que prévu par les textes128. Pour l'heure, il n'existe que deux recettes municipales opérationnelles : celles de Libreville et celle d'Owendo.

B- La mise à disposition de moyens nécessaires

Il faut nécessairement renforcer les moyens des unités de contrôle, administratif et juridictionnel. Des moyens d'action efficaces sont indispensables pour asseoir un contrôle des actes budgétaires locaux satisfaisant. Or, comme nous l'avons souligné, ces moyens font défaut.

126 Pour rappel, il s'agit d'une part, de la Direction de la tutelle des collectivités locales au ministère de l'intérieur ; et d'autre part, des services du contrôleur budgétaire provincial de la nouvelle DGBFIP du ministère du budget.

127 Pour faire fonctionner, au moins pendant les premières années, un tel service en réseau, il est préférable, de disposer des moyens de transmettre facilement entre les préfectures et les gouvernorats les actes soumis au contrôle. Cela suppose que la dématérialisation et la télétransmission des actes soumis au contrôle couvrent sinon l'intégralité, au moins la plus grande partie des actes soumis au contrôle.

128 Cf. Décret n°280/PR/MBCP du 22 Aout 2014 portant création et organisation de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor, en ses articles 157 et 185-187.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 75

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Les services de l'Etat en charge du contrôle devraient bénéficier de moyens suffisant. En effet, vu le nombre accru des dossiers qui leur sont soumis, notamment les budgets primitifs et additionnels, les conventions de marchés publics, les virements de crédit de chapitre à chapitre, les comptes de gestion et administratif..., ces organes de l'Etat ont besoin de moyens proportionnels pour pouvoir traiter dans le plus bref délai les dossiers.

Aussi, il devrait être mis à leur disposition des manuels de procédures pour un meilleur contrôle des actes financiers et pour plus de rapidité dans le contrôle129. Lesquels pourraient constituer des référents de conformité lors du contrôle des actes budgétaires locaux. De même, les services de l'Etat pourraient mettre à la disposition des élus locaux des modèles de convention type par nature de marché public, afin d'améliorer la qualité des actes budgétaires transmis, et ainsi faciliter les contrôles a posteriori des services concernés.

En ce qui concerne les moyens juridiques, il faudra veiller à l'application effective des textes. En effet, nous constatons que durant plusieurs années, rares sont les collectivités locales qui ont effectivement produit leur compte de gestion par exemple, et d'autres avec des retards considérables : les délais légaux de dépôt des comptes locaux ne sont pas respectés et les sanctions prévues en ce sens s'appliquent que très rarement ou pas du tout. L'Etat, le gouvernement gagnerait à mettre plus de rigueur dans l'application des textes. La conséquence en serait que les autorités décentralisées seraient dès lors enclin à respecter les prévisions textuelles : respect des délais, production des comptes en état d'examen...

Il faudrait également penser à réviser certains textes relatifs aux collectivités locales, notamment celui portant sur leur régime financier. Au moment où ce décret a été pris, c'est-à-dire en 1972, le processus de décentralisation n'avait pas encore vraiment été enclenché dans notre pays130. Une réforme de ce texte permettrait de prendre en compte l'évolution de la décentralisation depuis lors. De même, le décret portant règlement général sur la comptabilité publique de l'Etat qui leur est applicable, devrait être remplacé par un texte plus spécifique à la comptabilité publique locale. Un tel texte n'existe pas à l'heure actuelle, et ceci malgré l'importance des ressources financières gérée par nos collectivités locales et la spécificité de celles-ci. L'existence d'une nomenclature des pièces justificatives propres au secteur public local est nécessaire131.

Par ailleurs, l'aménagement de locaux des organes de contrôle, administratif et juridictionnel, par la construction de salles d'audience aux normes requises sont un début de

129 En France par exemple, plusieurs démarches complémentaires existent dans ce sens :

- l'identification et la collecte des informations, outils et méthodes de toute nature-guides de contrôle, manuels de bonnes pratiques, grilles minimales d'enquête, référentiels, jurisprudence, procédures d'alerte-utiles au contrôle ;

- un appui technique aux équipes de contrôle et une aide à la création de méthodologies à l'occasion ou à partir des contrôles.

130 C'était à l'époque du parti unique. Or c'est en 1996 que ce processus va réel être enclenché, suite à des évènements politiques, économiques et sociaux tumultueux qu'a connu le pays à partir de 1990.

131 En la matière, le texte existant détermine le régime général des comptables publics. Il n'est pas propre au receveur municipal ou départemental.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 76

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

solution, mais l'idéal serait d'avoir un local permettant d'accueillir tout le personnel dont a besoin les organes de contrôle, sans que ce personnel ne soit à l'étroit, pour être efficace et efficient. Les agents devraient en outre être véhiculés pour pouvoir effectuer des déplacements que nécessitent leurs missions de contrôle.

Pour ce qui est des pratiques de corruption, notons qu'il convient mettre simplement en application la batterie de sanctions, disciplinaire, civiles et pénales, qui existe en la matière. Il faut nécessairement sanctionner les agents publics véreux qui se servent de leur fonction de contrôle comme moyen d'extorsion des fonds.

Paragraphe 2 : L'amélioration du contrôle des juridictions financières locales

Le contrôle des actes budgétaires de bilan, peut être considéré comme inutile dans la mesure où les mises en débet aboutissent le plus souvent à la décharge du receveur local, à l'absence de sanctions. En effet, les pouvoirs exorbitants du ministre en charge des finances altère en quelque sorte le contrôle juridictionnel, puisque « le juge des comptes se décourage à faire, le jour, ce que le ministre défait, la nuit ».

Dès lors, l'amélioration du contrôle des juridictions financières locales passe par un renforcement des pouvoirs du juge des comptes en matière de sanction notamment (A) et une amélioration des relations financière entre l'Etat et les collectivités locales (B).

A- Du juge des comptes au juge des comptables

Parallèlement au ministre, le juge financier devrait bénéficier de pouvoirs élargi pour assurer un contrôle efficace. On devrait lui permettre d'apprécier une mesure de décharge de responsabilité et de remise gracieuse de débet et, le cas échéant, pouvoir s'opposer à la décision du ministre en cas d'irrégularité. En fait, c'est la mission qui lui est dévolue qui nécessite l'octroi de ces pouvoirs.

Ne serait-ce pas mieux par exemple de confier à la juridiction financière la possibilité de statuer elle-même sur les causes d'exonération de responsabilité du comptable public, dans la mesure où le jugement du compte ne pouvant être séparé d'une appréciation sur les agissements du comptable, ses diligences ou ses négligences, c'est-à-dire sa conduite professionnelle.

De même, rappelons-le, pour l'heure, le juge des comptes ne « juge que le compte du comptable public local » et non le comptable lui-même. Lui permettre de contrôler l'opportunité d'une dépense publique locale empêcherait les ordonnateurs locaux de procéder à la réalisation de dépenses non nécessaires, et parfois non prévues, par crainte d'être punis, sanctionnés par la juridiction. Autrement dit, les pouvoirs conférés au juge devraient être revus dans le sens d'une meilleure adéquation à la réalité qui prévaut dans la gestion financière au sein de nos collectivités locales. Élargir le contrôle qu'il exerce en

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 77

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

cette matière, lui permettrait d'atteindre des résultats plus performants.

Il est dès lors impératif d'envisager d'améliorer les conditions d'exercice des missions de la juridiction des comptes afin d'assurer une meilleure protection des finances publiques en général et des finances locales en particulier. À cet effet, il est nécessaire de renforcer les sanctions vis-à-vis des comptables retardataires et veiller à leur effectivité. Celles-ci doivent être étendues aux comptables supérieurs laxistes quant à la mise en état d'examen du compte de gestion du receveur local qui lui est subordonné.

Par ailleurs, afin de désengorger la cour des comptes, il convient de poursuivre l'instauration des chambres provinciales des comptes dans chaque province. Il s'agit de mettre en place des juridictions des comptes locales, compétentes pour assurer le contrôle juridictionnel, a postériori, des comptes des receveurs des collectivités locales. Mais l'amélioration du contrôle juridictionnel passe aussi par l'amélioration des relations financières Etat-collectivités locales.

B- L'amélioration des relations financières Tutelle-Collectivités locales

L'efficacité des contrôles passe avant tout par la qualité des relations entre les services de la tutelle et les élus locaux. Plus que sur le contrôle stricto sensu, l'accent devrait particulièrement être mis sur les fonctions de conseil qu'exercent les services de l'Etat compétents en matière de contrôle de finances locales. En effet, les activités de conseil permettent aux autorités décentralisées et à leurs agents d'éviter un certain nombre d'erreurs, jouant ainsi un rôle intéressant de « contrôle préventif ».

En outre, les services de l'Etat sont censés assurer une mission d'information à l'égard des collectivités au sujet des normes qui s'appliquent à elles, qui passe par la communication de documents explicatifs. Les conseils aux collectivités locales concernent tout d'abord par la transmission soit de circulaires ou guides émanant des différentes administrations centrales concernées (Direction de la Tutelle des Collectivités Locales, Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor, DGBFIP...), soit de circulaires ou guides élaborés localement par les services du représentant local de l'Etat (Gouvernorat et Préfecture). A minima, il s'agirait de circulaires annuelles132 rappelant les principales règles régissant l'élaboration des actes budgétaires.

Outre cette transmission de l'information, des échanges plus fournis et plus personnalisés pourraient également avoir lieu. Les contacts directs, par les déplacements réguliers dans les communes et départements, sont également un élément non négligeable d'action. Certains élus locaux n'hésitent d'ailleurs pas à se déplacer pour régler un

132 En France, c'est au moyen du réseau Internet que sont envoyées ces circulaires. Ces progrès importants dans l'utilisation des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (N.T.I.C.) sont toutefoi s limités par les taux d'équipement informatique qui restent souvent limités pour les collectivités les plus modestes.

L'utilisation croissante d'Internet est à souligner. Le courriel tend en effet à devenir un moyen privilégié d'échanges entre les préfectures et les collectivités.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 78

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

problème ou soumettre une question afin d'obtenir un maximum de sécurité juridique pour leurs actes. D'une façon très largement généralisée, en France par exemple, des réunions plus formelles sont organisées pour les collectivités en difficulté133.

Ces contacts réguliers permettraient aux élus locaux d'obtenir un éclairage sur un point donné. Grâce à ces échanges s'instaure un climat de confiance entre les services de tutelle et les instances locales qui, à la quasi-unanimité, acceptent parfaitement bien le contrôle des premières.

Tout comme une coopération plus formalisée avec le réseau du Trésor serait très bénéfique pour le personnel administratif chargé du contrôle. Une démarche de collaboration constante avec la direction générale de la comptabilité publique et du trésor, viserait à associer plus étroitement les services du trésor public au contrôle budgétaire. Ces derniers possèdent en effet des compétences particulières dans le domaine comptable et budgétaire qui seraient grandement susceptibles d'accroître l'efficacité du contrôle budgétaire, en l'occurrence.

Section 2 : La formation des agents de contrôle et la dématérialisation des
procédures de contrôles

Face aux difficultés de l'exercice du contrôle de légalité, la définition d'une stratégie dans l'exercice du contrôle s'impose. En effet, l'environnement juridique requiert désormais des capacités développées d'expertise juridique. Le droit applicable aux actes des collectivités locales est un droit spécial en évolution constante. Ceci est particulièrement vérifié en matière des marchés publics.

133 En France par exemple, il s'agit pour la plupart du temps de démarches entreprises dans le cadre du réseau d'alerte des finances locales en collaboration avec la Trésorerie Générale. Principal collaborateur de la préfecture, la trésorerie générale participe activement à la bonne marche du réseau d'alerte des finances locales et qui s'avère être une précieuse aide technique. L'objectif du réseau d'alerte, mis en place par la D.G.C.L. et la D.G.C.P. en 1993, est de pouvoir déceler de façon préventive les difficultés financières des collectivités locales et des établissements publics locaux.

En 2001, ce mécanisme a fait l'objet d'un important réaménagement dans le sens d'une plus grande

simplification pour se baser sur une méthode de scoring. Quatre ratios sont dégagés pour assurer la

détection :

- Le coefficient d'autofinancement courant

- Le ratio de rigidité des charges structurelles

- Le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal

- Le surendettement.

De plus, le dispositif a été largement déconcentré pour donner plus de place à l'échelon local et notamment au trésorier payeur général qui présélectionne les collectivités en calculant les quatre ratios dès la fin de la journée complémentaire à partir des balances des comptes de l'exercice. Cette présélection donne ensuite lieu à une analyse plus poussée pouvant déboucher sur une démarche commune du préfet et du trésorier payeur général auprès de la collectivité concernée.

C'est à partir des données du réseau que sont, la plupart du temps, établies les stratégies de contrôle ciblé par les préfectures. Concrètement, des courriers co-signés par le préfet et le trésorier payeur général sont envoyés aux collectivités en difficultés afin de mieux les sensibiliser à leur situation. Ces courriers donnent souvent lieu à des réunions également communes avec les collectivités ainsi désignées.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 79

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

D'où l'importance de former le personnel qui exerce le contrôle externes des finances locales (Paragraphe 1). Mais, à l'ère du tout numérique, l'informatisation des procédures de contrôle (Paragraphe 2) est aussi un moyen concourant à l'efficacité des contrôles effectués par l'Etat.

Paragraphe 1 : La formation des personnels de contrôle et le recentrage du
contrôle de la commande public local

Certes, la complexité du droit n'est que le reflet de la diversité des enjeux au sein desquels s'inscrit l'action des collectivités locales. Mais elle requiert de ces dernières et des services de l'État chargés du contrôle de légalité et budgétaire une capacité d'expertise juridique.

Pour améliorer l'exercice des contrôles des services de l'Etat, il faut former les agents de contrôle (A), et recentrer le contrôle de la commande public local sur la lutte des pratiques anti-concurrentielles (B).

A- L'importance de la formation des agents des contrôles administratifs

L'efficacité du contrôle des actes budgétaires locaux requiert un personnel particulièrement qualifié. [a question de leur compétence est donc une donnée stratégique qui doit faire l'objet d'attention particulière. En effet, certains personnels affectés aux contrôles de légalité ou budgétaire prennent leurs fonctions sans avoir suivi de formation en matière de gestion locale. Ce décalage peut nuire à leur capacité de repérage d'éventuelles illégalités et à leur aptitude à les traiter de manière adéquate134.

Le renforcement de moyen au plan humain par l'appui des administrations centrales et des autres services déconcentrés peut être requis. Cet appui passerait en premier lieu par l'organisation de formations et la réalisation de supports ou guide de contrôle favorisant l'appréhension par les autorités administratives des nouvelles normes et une certaine homogénéité dans l'interprétation du droit et dans la pratique des contrôles.

[a formation représente un enjeu considérable, compte tenu de la mobilité importante des agents des organes de contrôle. Cette dernière peut en effet rendre plus difficile l'acquisition de la technicité nécessaire à un exercice du contrôle de légalité

134 En France, par son action de repérage des situations à risque, la direction départementale des finances publiques (DDFiP) participe à l'exercice des missions de contrôle des actes budgétaires. Ce repérage est facilité :

- par les réseaux d'alerte « SCORE » et « OSIRIS », permettant de détecter de façon préventive les difficultés des communes et de leurs groupements ;

- par le devoir d'alerte des comptables publics, tenus de signaler à leur hiérarchie les dérives de gestion constatées, afin de « permettre une réaction plus rapide du contrôle budgétaire exercé par les préfets ».

Ce devoir d'alerte trouve sa justification dans le constat selon lequel « la proximité du comptable par rapport à l'organisme public local dont il tient les comptes lui permet de détecter, mieux que d'autres organes de contrôle, les situations anormales».

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 80

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

efficace, dans un contexte normatif de plus en plus complexe et méconnu. La méconnaissance du principe de libre administration, par exemple, fait en sortes qu'il considère lors de leurs contrôles les collectivités locales comme de simple démembrement de l'Etat. D'où des formations spécifiques et régulières en droit des collectivités locales sont nécessaires.

À cet effet, la formation des agents participant à l'exercice du contrôle de légalité devrait être assurée par des stages ou séminaires de renforcement de capacité réguliers, dont le contenu s'efforcerait de répondre aux préoccupations rencontrées par les agents eux-mêmes dans leurs missions de contrôle. Dans ce contexte, il s'agirait ainsi d'apporter une expertise juridique quant à l'interprétation appropriée des textes de plus en plus nombreux (en droit interne et en droit communautaire) et complexes (par exemple en matière de marchés publics).

Des journées de formation et d'information peuvent être organisées assez régulièrement. Ces journées représenteraient un complément idéal aux formations plus classiques en permettant un échange intéressant de points de vue différents sur une même activité : contrôler les actes financiers locaux.

Tous les agents préposés au contrôle de légalité et budgétaire doivent disposer d'un nombre important de sources d'informations pour parfaire leur activité de contrôle. Outre les informations contenues dans les documents officiels (Lois, règlements, circulaires...), l'accès au réseau Internet se révèle être d'une aide particulièrement appréciée.

La formation constante du personnel de contrôle des actes budgétaires locaux est d'une importance capitale. Elle améliorait la qualité des contrôles et pourrait sans doute aboutir à un changement des mentalités au sein des différents rouages du pouvoir qu'ils s'agissent des organes de contrôle ou des autorités locales. Ceux-ci doivent comprendre que les ressources publiques sont sacrées. De ce fait, ils doivent veiller à ce qu'elles couvrent effectivement les besoins collectifs, dans le respect des procédures édictées à cet effet.

Par ailleurs, l' Etat doit renforcer les effectifs des organes de contrôle en procédant à des recrutements au moyen des procédés prévus par les textes en vigueur. Tout comme, recentrer les contrôles en matière de commande public local sur la lutte des pratiques anti-concurrentielles pourrait être une solution non négligeable.

B- Recentrer le contrôle de la « commande publique locale » sur la lutte contre les
pratiques anticoncurrentielles

Le contrôle des conventions de marchés publics ne saurait se limiter, pour être bien accepté et bien compris par les collectivités, et avoir un sens « économique », au seul examen formel des procédures et au respect des règles de seuil de passation des marchés. Il faudra certes toujours veiller à déceler les irrégularités, fraudes ou malversations qui ont été rendues possibles par le non-respect des règles légales. C'est le premier rôle du contrôle.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 81

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Mais il faut que ce contrôle s'insère dans une vision plus dynamique et plus large, en déjouant les ententes entre professionnels que l'on remarque difficilement par un simple examen formel des procédures et qui ne sont pas décelables par un contrôle « à l'acte ». C'est le second volet implicite du contrôle des marchés. C'est à ce seul volet que devrait se consacrer désormais les services déconcentrés de la DGBFIP, notamment ses unités de contrôle budgétaire local.

Une troisième approche, plus en amont encore, consisterait à améliorer la technique de gestion des marchés, notamment afin d'apporter aux collectivités une assistance dans l'élaboration et la passation de leurs marchés et de renforcer leur capacité de négociation.

On pourrait de même, tout en confortant ses compétences en matière de marchés publics, confier aux préfets une mission en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles en lien avec les services des unités de contrôle budgétaire local. La mission de détection des indices d'entente et de pratiques anticoncurrentielles, en amont, améliorerait ainsi la qualité des contrôles effectués, en aval, sur les actes d'exécution budgétaires des collectivités locales. Dans ce dispositif, ses services déconcentrés auraient l'initiative des enquêtes visant à mettre à jour des ententes. La détection des irrégularités faciliterait la procédure d'approbation.

En outre, afin de faciliter la tâche des personnels de contrôle du ministère de l'intérieur et du ministère du budget, l'usage de nouvelles technologies de l'information (TIC) est nécessaire. Il est alors préférable de former le personnel afin qu'il puisse se familiariser avec l'outil informatique. Mais quid de la dématérialisation des procédures de contrôle ?

Paragraphe 2 : La dématérialisation des procédures de contrôle de légalité et

budgétaire

Le projet de dématérialisation de l'ensemble de la chaîne budgétaire locale, partant de l'élaboration des budgets locaux, jusqu'à leur contrôle par le représentant de l'Etat, en passant par leur transmission électronique, s'inscrirait ainsi dans une démarche de modernisation, à la fois des relations entre les collectivités locales et les services de l'Etat.

A- Présentation de la dématérialisation des procédures de contrôle

Il s'agit par ce procédé de pouvoir apporter une réponse à l'engorgement qui touche les services centraux de l'Etat pendant la période du contrôle de légalité puis budgétaire des actes budgétaires locaux tout en rendant leur tâche plus efficace. La réduction de la charge de travail s'effectuera ainsi d'abord par des mesures de réorganisation plutôt que par des changements du cadre législatif des contrôles.

Notons que la mise en place de logiciels de contrôle ne peut, par ailleurs, se

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 82

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

faire sans la dématérialisation des données qui sont envoyées aux différents organes de contrôle. Sans une telle dématérialisation, le travail de saisie des données dans une application serait en effet particulièrement fastidieux et annulerait de facto tous les gains que laisserait entrevoir un contrôle informatisé. Cela risquerait même en fait d'allonger davantage encore le temps nécessaire aux services de contrôle pour contrôler l'ensemble des actes qui leur sont soumis135.

De plus, sous réserve de la faisabilité technique d'un tel procédé, différents points de contrôles automatiques peuvent être retenus, envisagés.

Il pourrait s'agir d'un contrôle portant notamment sur le calcul de l'équilibre du budget et sur la cohérence de certaines opérations (amortissements, provisions, virement de la section de fonctionnement vers la section d'investissement,...). Mais le préalable à un tel projet est néanmoins la numérisation des documents budgétaires136, de doter rapidement les services de contrôle budgétaire et de légalité d'un outil de traitement de masse.

Dans le cadre de l'exécution des budgets locaux surtout, les collectivités locales, les comptables publics locaux et les services du contrôleur budgétaire échangent multiple documents papiers. L'Etat et les collectivités locales devraient travailler ensemble à limiter ces transmissions de papier. Une structure partenariale ad hoc associant les différents acteurs de la dématérialisation (ordonnateurs locaux, services administratifs de l'Etat et juge des comptes) pourrait être créée dans ce sens, afin que la solution retenue satisfasse l'ensemble des acteurs de la chaîne comptable et financière locale.

Mais quels avantages de dématérialiser le contrôle des budgets locaux ?

135 C'est à ce titre, que la Direction Générale des Collectivités Locales et la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (en France) ont engagé une coopération qui a permis dès 2005 d'expérimenter l'utilisation de la nouvelle application Hélios du réseau du trésor public à des fins de contrôle budgétaire et de légalité plus efficace. Cette application a en effet permis de répondre aux attentes des préfectures en leur faisant bénéficier de la dématérialisation des données prévue pour les échanges entre les comptables publics et les ordonnateurs. Les trois applications composant la chaîne Actes budgétaires rythment cette démarche :

La DGCL utilise « l'application ODM » - Outil de Dématérialisation des Maquettes pour dématérialiser les nomenclatures budgétaires. La présentation ainsi que le plan de compte applicable sont mis à jour pour chaque exercice budgétaire. Ces maquettes dématérialisées ont donc une valeur réglementaire.

Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux entrés dans la démarche de dématérialisation de leurs budgets appliquent ces maquettes à leurs données budgétaires grâce à « l'application TotEM » - Totalisation et Enrichissement des Maquettes. Cette application gratuite et librement téléchargeable permet de consolider les données budgétaires et extrabudgétaires contenus dans les progiciels de gestion ou sous d'autres formats afin de générer budgets primitifs, budgets supplémentaires, décisions modificatives et comptes administratifs complets sans double saisie. Une fois le budget voté, c'est le fichier XML complet issu de TotEM qui est télétransmis en préfecture en vue du contrôle budgétaire.

Les préfectures visualisent les budgets ainsi télétransmis dans « l'application Actes budgétaires » (bénéficiant de la plateforme ACTES), qui leur permet d'exercer une partie du contrôle budgétaire de façon automatique et de disposer d'un document facilement exploitable pour les contrôles approfondis.

136 En France, cette numérisation a été engagée en matière comptable par la DGCP depuis 2004 sous le nom de « Hélios ».

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 83

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

B- Avantages de la dématérialisation des procédures

Le projet aurait l'avantage de concerner, outre les budgets proprement dits, le compte administratif et de gestion ainsi que toutes les pièces justificatives et les annexes permettant l'analyse d'un type d'acte budgétaire donné. L'automatisation permet en effet de réduire considérablement les délais de contrôle et faciliter les procédures. Elle devrait en outre reposer une élaboration de stratégies plus efficaces de contrôle, stratégies basées sur un ciblage étudié des contrôles et un suivi de fond et continu des collectivités locales gabonaises et leurs établissements publics.

Le principal avantage est que les personnels des organes de contrôles administratifs bénéficieront d'un gain de temps considérable et d'efficacité grâce à l'automatisation des contrôles de cohérence et d'équilibre. Sans compter que le stockage des budgets désormais télétransmis et la recherche des dossiers seront gérés par l'application. Fini donc le problème d'archivage très décrié dans nombre de services de notre administration ! L'ampleur des économies de moyens attendues de la mise en place d'un tel procédé se fera en temps, papier, frais postaux et de déplacements divers, archivage...

Le dispositif de contrôle de légalité dématérialisé permettrait donc des fonctionnalités destinées à faciliter le travail des autorités de tutelle (émission automatique de l'accusé de réception, calcul des délais de recours, renseignement du caractère prioritaire des actes, fiche de suivi des actes, suivi du dénombrement statistique des actes...).

La dématérialisation de la transmission des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de légalité a pour objectif de faciliter la transmission des actes par les collectivités à la tutelle, d'une part, et la délivrance d'accusés de réception et le tri des actes par ces dernières, d'autre part137.

CONCLUSION GENERALE

Dans ce travail, nous avons essayé de montrer comment les diverses modalités de contrôles administratifs et juridictionnels sur les actes budgétaires des collectivités locales sont mis en oeuvre par les services de l'Etat (la DTCL, le Contrôle budgétaire provincial et la DGBFIP, le réseau des comptables publics locaux, les juridictions administratives et des comptes locales).

137 En France, Il existe en effet sur l'application ACTES des fonctionnalités destinées à faciliter leur travail (émission automatique de l'accusé de réception, calcul des délais de recours, renseignement du caractère prioritaire des actes, fiche de suivi des actes, suivi du dénombrement statistique des actes...).

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 84

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Après examen donc des mécanismes de contrôle et des acteurs qui y interviennent, nous avons constaté que l'effectivité de ces contrôles ne concours malheureusement pas à leur efficacité du fait de multiples insuffisances. Les limites desdits contrôles, nous avons amené à suggérer des solutions ou perspectives d'amélioration.

Pour rappel, l'étude de notre thématique relative au contrôle par l'Etat des actes budgétaires des collectivités locales gabonaises a mis en exergue, dans une première partie, la présentation du régime des modalités de contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires locaux. Elle nous a permis de connaitre non seulement la nature des différents actes budgétaires locaux soumis au contrôle de l'autorité de tutelle, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; mais aussi de comprendre la procédure d'approbation et les différents mécanismes utilisés par les services de l'Etat à cet effet.

S'agissant de la seconde partie de notre travail, nous avons montré que les contrôles administratifs et juridictionnels exercés sur les actes budgétaires des collectivités locales ne sont pas vraiment efficaces, au regard de l'objectif recherché : garantir la bonne gestion de nos finances publiques locales. En effet, c'est en étudiant la portée de différentes modalités de contrôle que nous avons pu mesurer les sérieuses entraves à l'action de contrôle sur les actes budgétaires locaux au Gabon. C'est pourquoi, nous avons proposé des perspectives de solutions, en préconisant d'une part, une réorganisation fonctionnelle des organes de contrôle de l'Etat, basée sur une réelle déconcentration, c'est-à-dire sur la préfecturalisation des contrôles de tutelle et l'instauration ou extension des juridictions locale, administratives et financières. D'autre part, il convient de mettre les moyens suffisants à la disposition des organes de contrôle ; d'envisager la formation du personnel de l'Etat, allant dans le sens de la spécialisation en matière de contrôle des finances locales ou de droit des collectivités locales ; et de dématérialiser ou informatiser les procédures de contrôles actuelles.

En tout état de cause, le contrôle des finances publiques, et partant des finances locales dans tout Etat unitaire décentralisé reste un impératif pour le pouvoir central. C'est un moyen d'information du citoyen, des populations locales sur l'emploi qui est fait des ressources publiques. C'est en plus un moyen privilégié pour asseoir la transparence dans la gestion des affaires publiques. Les contrôles sont en effet des garde-fous indispensables.

Les contrôles sur les actes budgétaires locaux doivent en réalité être perçus comme des outils d'aide à la gestion financière locale. Ils constituent un instrument de prévention du risque financier local.

Retenons qu'au Gabon, s'il est dans l'intérêt de l'Etat de maitriser la gestion des fonds publics de ses collectivités locales, afin que celles-ci impulsent véritablement le développement local attendu par tous, force est de constater que « les moyens d'intervention de l'Etat dans la gestion des collectivités locales, en l'état actuel, marquent une emprise qui se situe à la limite de l'embrigadement de l'Etat sur les finances locales »138. Aussi, une

138 Cf. OKILA VINC Denalet, Mémoire de maitrise Droit public, « l'impact de la tutelle administrative sur le pouvoir décisionnel des élus locaux au Gabon », FDSE-UOB.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 85

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

réforme profonde du régime de tutelle sur les actes budgétaires de nos collectivités locales s'avère nécessaire.

I- ANNEXES

- Un modèle de fiche d'approbation d'une convention de marché public local ; - Un modèle de fiche d'approbation d'une délibération à caractère financier

- Extrait articles nouvelle loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 86

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

II- BIBLIOGRAPHIE

1- Textes juridiques

- Loi constitutionnelle n°3/91 du 26 mars 1991 portant Constitution gabonaise ;

-Loi organique n°15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation ;

-loi organique n°20/2014 du 21 mai 2015 relative aux lois de finances et à l'exécution du

budget ;

- Loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation ;

- Directives de la CEMAC et notamment les directives 11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 n° 01 relative aux lois de finances ; n° 02 relative au règlement général de la comptabilité publique et n°06 relative au code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques des Etat membres;

-Loi 11/94 du 17 septembre 1994 fixant l'organisation, la composition, les compétences, le fonctionnement et les règles de procédures devant la cour des comptes ;

- Loi n°17/84 du 29 décembre 1984 portant code des juridictions administratives ;

-Loi n°7/94 du 16 septembre 1994 portant organisation de la justice ;

-Lois n°04/85 et n°5/85 relatives respectivement aux lois de finances et au règlement général sur la comptabilité publique ;

-Décret n°993/PR du 12 septembre 1972 portant régime financier et comptable des collectivités secondaires ;

- Décret n°280/PR/MBCP du 22 Aout 2014 portant création et organisation de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor, en ses articles 157 et 185-187 ;

-Décret n°0058/PR/MBCP du 16 janvier 2015 portant création et organisation de la Direction Générale du Budget et des Finances Publiques (DGBFIP) ;

-Décret n°0405/PR/MBCPFPRE du 26 septembre 2012 fixant la nomenclature des pièces justificatives des recettes et des dépenses publiques ;

- Décret N°0192/PR/MISPID du 22 mai 2012 portant attribution et organisation du Ministère de l'intérieur, de la sécurité publique, de l'immigration et de la décentralisation.

2- Ouvrages

-BOUVIER M., Les finances locales, Paris, LGDJ, 2004 ; -MOUZET, Finances locales, Paris, Gualino, 2006 ; -DOUAT E. et GUENGANT A., Leçons de finances locales, Paris, Economica, 2002 ; -CHEVALLIER (Jacques), L'Etat, Paris, Dalloz, 1999 ;

-GUINCHARD (Serge) et DEBARD (Thierry), Lexique des termes juridiques 2012, 19e édition, Paris, Dalloz, Avril 2011 ;

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 87

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

-J. Dembour, les actes de la tutelle administrative, Larcier, 1995, in M. Gohin, « Institutions administratives », p. 310 ;

-AVENOT A.F., La décentralisation territoriale au Gabon. Entre mimétisme et mystification, Paris, l'Harmattan, 2008 ;

-LOMBARD (Martine), Droit administratif, 4e éd, Paris, Dalloz, Octobre 2001 ;

-MORAND - DEVILLER (Jacqueline), Cours de droit administratif, 7e éd., Paris, Montchrestien, Septembre 2001 ;

-PAMBOU TCHIVOUNDA G., « Les grandes decisions de la jurisprudence administrative du Gabon », Paris, édition A. PEDONE, 1994, 646 pages ;

- F. J. FABRE, les grands arrêts de la jurisprudence financière, Paris, Sirey, 1996 ;

-R. CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, 16ème édition, Collection DOMAT, Montchrestien, Paris 2001, 982 pages ;

-Ch. EISENMANN, Cours de droit administratif, Tome 1, Paris, LGDJ, 1982, p.260 ; -MUZELLEC R., Finances publiques, 15 éd., Paris, Sirey, 2009.

3- Articles, Cours, Mémoires

a) Articles

-KOMBILA-IBOUANGA F., « L'influence de la constitution française de 1958 en matière de territoire en Afrique : l'exemple de la politique de décentralisation au Gabon », Association française de droit constitutionnel, 7è congres français de droit constitutionnel, Paris, 25-27 septembre 2008 ;

-Professeur T.K.G, « le contrôle des finances publiques », journal hebdo info, N°185, 13 mai 1989, page 76 ;

- Ismaila Madior FALL, Le contrôle des actes des collectivités locales au Sénégal, Dakar, Nouvelles Imprimeries du Sénégal, 2001, p.14 ;

- J.MOREAU, « Bilan jurisprudentiel du contrôle administratif de légalité », in AJDA, 1993, spécial, p.50;

-ONDO Telesphore, « Vers un droit constitutionnel des finances publiques », Hebdo informations, n°534, 3 mars 2007 et n°537, 26 mars 2007 ;

-COURSON (Charles De), «Autonomie financière des collectivités territoriales locales : la voie étroite », In commentaire, Coll. « Plon », n° 11/Hiver, 2002 -2003 ;

-MARCOU (Gérard), « Le principe d'indivisibilité de la République», La République, Pouvoirs, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, n° 100, 2000, Pp. 45-65.

b) Cours

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 88

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

-Séminaire sur le Droit budgétaire local, Cours de MAGFCL, Telesphore Ondo, FDSE-UOB, Libreville, Avril 2014 ;

-Séminaire sur le Contrôle des finances locales, Cours de MAGFCL, Pr Alexis ESSONO OVONO, FDSE-UOB, Mai 2014 ;

- Séminaire sur le Contentieux administratif, Cours de Maitrise droit public, Sylvestre MILTON KWAHOU, FDSE-UOB, 2011-2012.

c) Mémoires et rapports

-Aimé Felix AVENOT, Mémoire de Droit public, « Remarques à propos de la loi organique n°15/96 relative à la décentralisation », FDSE-UOB, 1997, 83 pages ;

-BIPELE KEMFOUEDIO (J.), « La tutelle administrative dans le nouveau droit camerounais de la décentralisation », in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et politiques, Université de Dschang, Tome 9, Edition spécial décentralisation, 2005, p.106 ;

- OBIANG Jules, Mémoire de Maitrise en droit public, FDSE-UOB, 2002 ;

-République de la France, Inspection d'Etat, « Rapport sur l'audit du contrôle de légalité, du contrôle budgétaire et du pouvoir de substitution », juillet 2003, 78 pages.

d) Webographie

www.legifrance.fr, septembre 2015 ; www.carrefourlocal.org, aout 2015 ; www.vie-public.fr, septembre 2015. www.google.fr, décembre 2014.

MARCHE N°xxx/2015/PE/CN

Objet : CONSTRUCTION D'UN MARCHE MUNICIPAL AU 2ème
ARRONDISSEMENT DE LA COMMUNE DE NTOUM.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 89

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Lu et Approuvé

Signé le :

L'ENTREPRENEUR

Conclu par :

Le Maire

EGBTP ET SERVICES SARL

Jean Pierre LITONA

Juste Parfait BIYOGO B'OTOGO

Visé le :

Le Ministre Délégué auprès du Ministre de l'Intérieur, de la
Décentralisation, de la Sécurité et de l'Hygiène Publiques.

Guy Maixent MAMIAKA

Approuvé par le Directeur Général du Budget et des Finances Publiques.

Jean Fidèle OTANDAULT

Sous le numéro xxxx en date du xxxx

LIBELLE : DELIBERATION N°xxx/2014/POM/DN/CGBA/CM/SG, AUTORISANT LE MAIRE A
NEGOCIER ET A SIGNER UNE CONVENTION AVEC UNE SOCIETE CONCESSIONNAIRE
AUTOMOBILE EN VUE DE L'ACQUISITION DE QUATRE (4) VEHICULES DE SERVICE DE TYPE
PU DC 4X4 ET A TITRE LOCATIF.

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 90

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Approuvée sous le n° xxxx MISPID/SG/DGAT/DTCL

DU xx /xx/xxxx

VU ET VISE

Le Directeur de la Tutelle Le Directeur Général

Des Collectivités Locales de l'Administration du Territoire

Hans Emérie Fabrice DICKARADO Jean Félix MAGANGAS

.

Le Ministre de l'Intérieur, de la sécurité Publique,
De l'Immigration et de la Décentralisation

Guy Bertrand MAPANGOU

TABLE DES MATIERES

DEDICACES Pages

REMERCIEMENTS

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 91

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

AVANT-PROPOS SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE .1-5

PARTIE I : LE REGIME DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES

BUDGÉTAIRES LOCAUX .6-50

CHAPITRE I : LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS TUTÉLAIRES .8-30

Section 1 : Le contrôle du Représentant de l'Etat, autorité de tutelle locale .8-20

Paragraphe 1 : L'identification des actes budgétaires contrôlés .9-13

C- Les actes budgétaires prévisionnels et d'exécution budgétaire .10-11

D- Les actes budgétaires rétrospectifs ou de bilan 11-13

Paragraphe 2 : Le contrôle a priori du représentant de l'Etat sur les actes budgétaires

locaux 13-20

C- L'examen de légalité des actes budgétaires 13-16

D- Le contrôle budgétaire spécifique des actes budgétaires 16-20

Section 2 : Les contrôles du Contrôleur budgétaire et du Comptable public 20-30

Paragraphe 1 : le contrôle a posteriori du contrôleur budgétaire local 20-26

C- Le contrôle des opérations d'engagement et de mandatement 21-23

D- Les procédés de contrôle du contrôleur budgétaire local 23-26
Paragraphe 2 : Le contrôle concomitant du receveur de la collectivité locale....26-30

C- Le contrôle des opérations de dépenses .26-29

D- Le contrôle des opérations de recettes 29-30

CHAPITRE II : LES CONTRÔLES JURIDICTIONNELS 31-50

Section 1 : Le contrôle des actes budgétaires locaux : une compétence de principe des

juridictions financières locales 31-41

Paragraphe 1 : Le contrôle juridictionnel des comptes et du bon emploi des deniers

publics locaux 31-38

C- Le contrôle de la régularité des comptes du receveur de la collectivité locale..32-34

D- Le contrôle du bon emploi des deniers publics locaux 35-38

Paragraphe 2 : Les effets du contrôle de la juridiction des comptes 38-41

C- La nature des décisions juridictionnelles ..38-39

D- La nature des décisions administratives 40-41

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 92

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Section 2 : La compétence exceptionnelle des juridictions non financières en matière de

finances locales 41-50

Paragraphe 1 : Le juge administratif, juge de la légalité des actes financiers locaux non

réglementaires

42-46

C- Le contrôle des délibérations à caractère financier

42-45

D- Le contrôle des décisions non réglementaires de l'autorité de tutelle

45-46

 

Paragraphe 2 : Le juge constitutionnel, juge de la régularité des délibérations à

caractère règlementaire

46-50

C- Une compétence constitutionnelle et législative implicite

46-48

D- Une compétence jurisprudentielle contestée

..48-50

 

PARTIE II : LA PORTÉE DES MODALITÉS DE CONTRÔLE DES ACTES

BUDGÉTAIRES LOCAUX ..50-76

CHAPITRE I : LES LIMITES DES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS ET

JURIDICTIONNELS 52-64

Section 1 : Les limites liées au contrôle administratif tutélaire .52-59

Paragraphe 1 : Les insuffisances du contrôle de légalité 52-57

C- Les difficultés liées au fonctionnement actuel de la tutelle administrative..52-54

D- Les difficultés liées à la qualité des documents budgétaires transmis et aux moyens

de contrôle

.54-57

Paragraphe 2 : Les insuffisances du contrôle budgétaire

57-59

C- Les difficultés liées au caractère lacunaire des moyens

57-58

D- Les difficultés liées à la multiplicité d'acteurs de contrôle

58-59

 

Section 2 : Les limites liées aux contrôles juridictionnels

59-64

Paragraphe 1 : Les insuffisances liées à la procédure et aux moyens des juridictions

locales 59-62

C- Les difficultés des juridictions financières locales ...60-62

D- La quasi-inexistence des tribunaux administratifs ....62

Paragraphe 2 : Le problème des décharges de responsabilité et des remises gracieuses

de débet 63-64

C- La notion de remise gracieuse de débet et de décharge de responsabilité...63-64

D- Portée du phénomène de remise gracieuse et de décharge de responsabilité...64

CHAPITRE II : LES PERSPECTIVES D'AMÉLIORATION

ENVISAGEABLES 65-76

Mémoire de Master 2, présenté par Djéson Faustin AKOUMA MOIAHIDJI Page 93

Thème : « Le contrôle de l'Etat sur les actes budgétaires des Collectivités locales au Gabon »

Section 1 : La nécessité d'une réorganisation fonctionnelle des organes de

contrôle

Paragraphe 1 : L'opérationnalité des cadres territoriaux de l'Etat existant

65-70

65-68

A- La Préfecturalisation des contrôles des actes budgétaires locaux

65-66

B- La mise à disposition de moyens nécessaires

66-68

Paragraphe 2 : L'amélioration du contrôle des juridictions financières

locales

68-70

C- Du juge des comptes au juge des comptables

68-69

D- L'amélioration des relations financières Tutelle-Collectivités locales

69-70

 

Section 2 : La formation des agents de contrôle et la dématérialisation des procédures

de contrôles 71-76

Paragraphe 1 : La formation des personnels de contrôle et le recentrage du contrôle

de la commande public local 71-73

B- L'importance de la formation des agents des contrôles administratifs 71-72

C- Recentrer le contrôle de la « commande publique locale » sur la lutte contre les

pratiques anticoncurrentielles .73

Paragraphe 2 : La dématérialisation des procédures de contrôle de légalité et

budgétaire 73-75

C- Présentation de la dématérialisation des procédures de contrôle 74-75

D- Avantages de la dématérialisation des procédures .75

CONCLUSION GENERALE .76-77

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery