La culture, est « un ensemble lié à la
manière de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées
qui, étant apprises et partagées par une pluralité de
personnes, servent, d'une manière à la fois objective et
symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité
particulière et distincte » (Ouédraogo, 2018). Elle
influence les niveaux d'accès à la propriété
foncière à travers les normes, valeurs et pratiques
véhiculées par sa chaque communauté. Les facteurs
socioculturels évoqués dans les études antérieures
sont : l'exposition aux médias et le niveau d'instruction,
appartenance à une association.
? L'exposition aux médias
Les médias sont des moyens de communication qui
produisent des messages destinés à un large public, ils doivent
informer, c'est-à-dire diffuser les nouvelles du monde, mais aussi
distraire et être des moyens de culture.
A ce titre, les médias apportent aux individus des
édifications ou enseignements leur permettant de se construire une
identité à travers les messages et les images qui leur sont
véhiculés. Les répercussions se font ressentir sur les
styles de vie qui se modifient en se conformant à ces différentes
visions du monde exprimées dans les informations
médiatisées. Ces moyens de communication offrent ainsi un univers
symbolique qui façonne les comportements par le biais des idéaux
qu'ils diffusent ou propagent. Elle, agit à travers, la propagation
d'information sur les textes inclusifs d'accès au foncier.
24 Tapéo, 2018, Cameroun : les femmes
marginalisées sur la propriété foncière.
27
Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
ONANA Jean Christophe Master Professionnel en
Démographie
Avec leur capacité de diffusion, les médias ont
anéanti certaines barrières qui existent au niveau des coutumes
notamment en ce qui concerne certains sujets liés à la succession
et à l'accès au foncier chez les filles et femmes. De fait, le
suivi régulier des programmes télévisés peut
encourager les femmes à s'organiser en mouvement et revendiquer leurs
droits sur la terre.
Dans la plupart des zones rurales sénégalaises
les femmes ne peuvent pas revendiquer valablement leurs droits fonciers parce
qu'elles ne maitrisent pas les lois foncières encore moins les
procédures administratives pour solliciter une affectation au niveau du
conseil rural25.
Le Rapport National sur l'amélioration et la
sécurisation du foncier des femmes au Sénégal (2016), dans
un contexte de recherche de la relation entre l'exposition de la femme à
chacun des médias (radio, télévision et journaux) et son
accès à la propriété foncière a fait une
analyse bi variée entre lesdits médias avec le sexe de
l'enquêté, ceci en vue de montrer l'impact du niveau
d'accès des femmes aux médias sur leur accès à la
propriété foncière. Cette étude est arrivée
à la conclusion selon laquelle : 4 femmes sur 10 écoutent la
radio ; 2 femmes sur 10 lisent les journaux et 5 femmes sur 10 regardent la
télévision. La conséquence directe est que ce faible
niveau d'accès à l'information ne permet pas aux femmes de
pouvoir avoir l'information qui est véhiculée dans chacun de ses
médias concernant l'amélioration de son accès à la
propriété foncière. De manière simple, le rapport
conclu que, plus une femme est exposée à ces médias, plus
son risque de ne pas accéder à la propriété est
amoindri.
? Niveau d'instruction
Nombre de travaux empiriques ont eu à mettre en
exergue l'influence du niveau d'instruction sur l'accès des femmes
à la terre.
Beninguissé (2003), place le niveau d'instruction dans
une variable nommée degré de modernité
culturelle. Elle comporte en outre, le degré d'exposition aux
médias et la catégorie d'activité économique
(moderne ou non). Ce degré de modernité culturelle constitue une
prédisposition individuelle à s'ouvrir aux innovations
extérieures à son milieu culturel. Il favorise l'acquisition des
connaissances et favorise l'adoption de nouveaux comportements à
l'instar de la non-observance des normes et pratiques traditionnelles, au
profit de celles recommandées par la modernité.
Dans un contexte où les différences en termes
d'infrastructures scolaires, en termes de qualité d'enseignement et en
termes de couverture médiatique sont très prononcées,
notamment
25 Voir le Rapport national sur
l'amélioration et la sécurisation des femmes au foncier en milieu
rural au Sénégal (2016), p69
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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Démographie
entre la capitale et les régions ou entre le milieu
urbain et le milieu rural, nous pensons que le niveau d'instruction (ou plus
largement le degré de modernité culturelle) pourra participer de
façon active à l'explication de l'accès à la
propriété foncière chez les femmes.
L'étude menée au Cameroun, sur la participation
des femmes au développement par l'INS (2014) arrive à la
conclusion sur laquelle les femmes peu ou pas instruite (inférieur ou
égal au primaire) accèdent plus à la
propriété foncière (15%) contre 11,1% pour les femmes de
niveau secondaire et plus.
Il a été montré d'une part que les
femmes moins instruites sont également moins informés sur les
textes en rapport avec leur capacité de disposer des terres. Ainsi, le
fort taux d'illettrisme des femmes représente un frein pour leur
accès à la terre. En effet, bien que les femmes soient
conscientes de l'injustice de leur situation, comme elles ne sont pas
instruites, elles ont peur d'avoir davantage de difficultés, elles
préfèrent se taire et gagner le peu qu'elles peuvent, au lieu de
protester et risquer de se trouver dans la rue toute seule (Omgbassomben,
2016).
Ramirez et Reymondon (2016) dans une étude sur les
droits de propriété de femme en Ouganda, ont montré que la
méconnaissance de leurs droits et l'absence d'informations sur la
manière d'obtenir des titres de propriété, empêchent
les femmes, notamment les moins éduquées d'accéder
à une propriété foncière. Mieux, la faiblesse du
niveau d'instruction des femmes est l'un des principaux éléments
évoqué pour expliquer leur faible accès à la
terre.26
? Appartenance à une association
L'appartenance à une association, est de plus de plus
déterminante pour l'accès des femmes à la terre .Au
Brésil, le Mouvement des Sans Terre (MST) mobilise de plus en plus de
femmes et lutte pour leur droit à la terre (Bibiane et al,
2009)27.
Une autre étude menée au Burkina-Faso,
d'après la source précédente indique que les femmes sont
aussi actives, à travers le Réseau Femmes en Action (RFA), elles
agissent ensemble pour affronter les décideurs. Elles militent notamment
pour la régularisation des mariages et l'établissement de papiers
officiels d'identité, car sans eux, on ne peut rien régler. Elles
luttent également pour la formation et la scolarisation dont les filles
sont souvent exclues, et l'obtention de micro-crédits. Ces combats sont
peu à peu récompensés ; récemment, le
26. Ibidem
27 Voir les travaux de Bibiane et al, 2009 : le
difficile accès des femmes à la terre dans les pays du sud
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Femmes et accessibilité à la
propriété foncière au Cameroun 2018/2019
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Gouvernement a instauré des quotas pour les femmes au
niveau de la sécurisation foncière, et une loi en faveur des
femmes est également en cours d'élaboration.
Ainsi, les femmes appartenant à des associations de
diverses natures (politiques, culturelles etc.) du fait des privilèges
que leurs offrent cette plate- forme ont plus de chance d'accéder
à la terre comparé à leurs homologues n'appartenant
à aucune association. Dans la bataille pour la terre, si la
participation des femmes est élevée lors des phases d'occupation
des terres, on remarque qu'elles ont tendance à se retirer au moment de
la réappropriation légale du foncier. Elles restent dans leur
maison avec leur famille, remplissent des tâches nécessitant peu
de technique, et ne participent pas aux procédures importantes comme les
discussions relatives au crédit et la signature de documents concernant
l'accès à la terre, qui semblent réservées aux
hommes. Beaucoup d'entre elles n'ont même pas de papiers
d'identité28.
Le rapport alternatif sur la mise en oeuvre de la convention
sur l'élimination de toutes formes de discrimination à
l'égard de la femme au Burundi (2016 : p13) dans un contexte de
contribution de la femme à l'acquisition des terres familiales, a
mené une étude dans la province de NGOZI, et arrive à la
conclusion selon laquelle sur 4216 lopins de terres familiales, 884 ont
été acquis par les femmes, soit une moyenne de 21%. Cette
proportion est beaucoup plus élevée dans les ménages
où les femmes sont membres des groupements communautaires. Elles ont
acquis le 1/3 des terres des ménages contre moins de 1/5 pour les
ménages où les femmes ne sont pas membres des groupements
communautaires. Signalons que la plupart de ces terres ont été
acquises par achat. On peut ainsi affirmer sans ambages que la participation au
mouvement associatif communautaire offre aux femmes l'opportunité
d'acquérir et de renforcer leurs droits fonciers de la femme.