I.3. ANALYSE DE LA STABILITÉ DU MULTIPLICATEUR
MONÉTAIRE
L'analyse du multiplicateur monétaire explique quel est le
montant de la masse monétaire pouvant être distribué par
les banques à partir de la base monétaire. Dans le cadre de cette
étude, elle sera dérivée à partir de la formule
ci-dessous :
(7)
Ou
M : représente la masse monétaire au sens large et
MBC désigne la monnaie banque centrale.
Les agrégats pris en compte pour l'estimation du
multiplicateur monétaire sont la masse monétaire sans provisions
et dépôts en devises ainsi que la base monétaire au sens
strict.
L'évolution au cours du temps du multiplicateur
monétaire illustré comme suit :
Figure n°28 :
1.25
1.20
1.15
1.10
1.05
1.00
0.95
0.90
03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13
MULTIPLICATEUR
Il ressort du tableau ci-dessous que le processus n'est pas
explosif (coefficient inférieur à 1) pour la période sous
analyse, en raison de l'ampleur du coefficient de la variable
décalée en annexe tableau n°3.
139
Figure n°29 :
03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13
-.04
-.08
-.12
.12
.08
.04
.00
R_MULTIPLICATEUR
L'analyse de la volatilité de résidu du
multiplicateur reflète le caractère instable de la variable sous
analyse. L'analyse du résidu révèle un caractère
stationnaire et par conséquent, une stabilité de la variable
résiduelle. Toutefois, quoique le résidu révèle un
caractère stationnaire, il est clairement révélé
que les fluctuations du multiplicateur sont assez importantes au cours des 3
dernières années.
Figure n° : 30
1.25
1.20
1.15
1.10
1.05
1.00
0.95
0.90
MULTIPLICATEUR
Means by Season
by Season
Jan Feb Mar Apr May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec
Toutefois, les variations saisonnières ont eu un
comportement assez stable.
Deuxièmement, le
caractère surliquide des banques commerciales fait que ces
dernières ne recourent pas aux refinancements auprès de la Banque
Centrale. Cette situation fait que les
140
I.4. ANALYSE EMPIRIQUE DU PROCESSUS DE TRANSMISSION DE LA
POLITIQUE MONÉTAIRE CONGOLAISE
Le processus de transmission de la politique monétaire
est entendu comme le mécanisme par lequel les effets des variations du
taux directeur de la Banque Centrale se font sentir dans toute
l'économie et jusque sur le taux d'inflation. Il s'agit d'un processus
complexe et il existe un élément d'incertitude quant au moment
où cette influence s'exerce et quant à l'importance relative de
certaines relations d'influence (l'ampleur de l'impact).
Prenant en compte la particularité de la
République Démocratique du Congo, cette étude s'est
focalisée sur l'analyse de l'influence du taux d'intérêt
directeur de la Banque Centrale du Congo sur l'inflation (saisie par l'Indice
des Prix à la Consommation), le taux débiteur des banques et le
taux de change indicatif.
Pour parvenir à une réponse appropriée
à nos hypothèses, l'approche économétrique
basée sur un modèle VAR était utilisée. L'analyse
des causalités ainsi que des réponses impulsionnelles ont permis
une meilleure compréhension de certains phénomènes (voir
la tableau n°... en annexe).
I.4.1. Analyses des résultats
Les résultats obtenus sont intéressants et
traduisent la réalité de l'économie congolaise. En effet,
la variation du taux directeur agit significativement sur l'inflation (au seuil
de 5 %) et sur le taux débiteur des banques commerciales (au seuil de 10
%). En dépit de cette influence, son ampleur reste très faible
(les coefficients s'établissent à 0.014948 et à 0.056934,
respectivement pour l'inflation et pour le taux débiteur).
Cependant, les variations du taux de change indicatif ne sont
nullement influencées par le taux directeur de la Banque Centrale
(t-statistique égale à 1.31729). Les comportements de ces
variables face à l'action de la politique monétaire se justifient
pour des raisons suivantes :
Premièrement, cette situation
s'explique par la dollarisation de l'économie congolaise laquelle
réduit l'efficacité des instruments de la politique
monétaire. Ainsi, les besoins de financement des banques sont
exprimés en devises.
141
variations du taux directeur ne se traduisent pas directement
et de façon significative sur le taux d'intérêt
débiteur des banques.
Troisièmement, la
stabilité du taux de change observé en République
Démocratique du Congo est beaucoup plus attribuée aux actions de
politique de change qu'à la politique monétaire. En effet, le
taux de change étant un canal important de transmission des actions de
l'Institut d'Emission sur l'inflation (coefficient = 0.288254 et t-statistique
= 4.23513), la Banque Centrale intervient directement sur le marché de
change en tant qu'acquéreur ou offreur des devises en cas des chocs
importants sur le cours de change afin de prévenir toute perturbation de
la stabilité des prix (objectif final de la politique
monétaire).
Il convient de relever également le fait que les
variations de la masse monétaire sans provision et dépôts
en devises n'impactent pas sur le niveau général des prix
(t-statistique = 1.16377).
Ces résultats confirment le fait que la Banque Centrale
du Congo dispose d'un dispositif de prévision ponctuelle de la
liquidité. En effet, de manière ponctuelle (hebdomadaire), la
Banque Centrale procède par la prévision du niveau de
liquidité compatible au niveau de l'inflation attendu. En cas de
dépassement ou d'insuffisance de la base monétaire, elle actionne
son instrument Bons BCC afin de réguler la liquidité.
? Analyse des réponses impulsionnelles de
l'inflation suite aux chocs sur le taux directeur
Comme l'indique le Graphique 1 ci-dessous, les effets de la
variation du taux directeur sur l'inflation sont ressentis immédiatement
sur les prix, et son influence est permanente. Mais, au regard des
résultats d'estimation obtenus ci-haut, ce caractère permanent
n'inquiète pas la stabilité conjoncturelle des prix du fait de la
faiblesse de l'ampleur de l'influence de la variation du taux directeur sur
l'inflation (coefficient = 0.014948).
Ce caractère permanent est également traduit par
le fait que pour un choc positif perçu sur le taux directeur, on observe
une réaction instantanée de l'inflation dès le premier
mois, et les effets persistent jusqu'à plus de 36 mois qui suivent.
142
DISCUSSION DES RESULTATS
Les résultats apparaissent intéressants et
montrent l'existence d'une relation stable autour de deux phases. A savoir le
court terme et le long terme.
- S'agissant du court terme : La dépréciation du
taux d'échange influe négativement sur les encaisses
réelles en RD. Congo. Cette influence significative se justifie dans un
environnement économique marqué par la dollarisation et dans un
contexte de régime de change flottant.
- En ce qui concerne le long terme : la relation entre la
demande des encaisses réelles, les revenus réels et les autres
variables du coût d'opportunité de la demande de monnaie est
équivoque. Les différents tests de diagnostic à la
lumière de la valeur statistique conjointe du khi-carré indiquent
une probabilité limite de 47,5% qui est supérieur au seuil de
significativité de 5,0%.
Par ailleurs un accroissement de 1% du revenu réel
impact positivement les encaisses réelles de 4,6%.
L'élasticité de M2 par rapport au revenu réel est
supérieure à l'unité (4,6). Ce constat dans le
modèle de long terme, traduit à la fois une croissance plus
importante de la masse monétaire par rapport au revenu est une
prévalence du sous-développement du secteur financier dans
l'économie congolaise.
Ceci va à l'encontre des résultats de ROMER
(2009) qui souligne d'une politique monétaire restrictive déprime
l'activité économique ; de SARR et DINGUI (2010) qui montrent que
les impulsions monétaires sont transmissent à la sphère
réelle par le taux débiteur des banques. Mais ces
résultats vont dans le même sens que ceux de King (2010), qui
aboutit à l'existence d'une corrélation entre la croissance de la
quantité de monnaie et l'inflation et l'inexistence d'un lien entre la
croissance monétaire et la croissance du produit réel.
- En outre la variation du taux directeur agit
significativement sur l'inflation (au seuil de 5%) et sur le taux
débiteur des banques commerciales (au seuil de 10%). En dépit de
cette influence sont ampleur reste très faible (les coefficients
s'établissent à 0,014948 et à 0,056934, respectivement
pour l'inflation et pour le taux débiteur).
Ce résultat rejoint ceux de DEBOISSIEU (2012) et
NUBUKPO (2012), selon eux, le canal du crédit n'est en
général pas indépendant du canal du taux
d'intérêt et tous les deux jouent dans le même sens pour
renforcer l'impact de la politique monétaire, une modification du taux
d'intérêt directeur engendre une variation des taux bancaires qui
influe sur la demande des biens.
143
- A l'inverse les variations du taux de change indicatif ne sont
nullement influencées par
le taux directeur de la banque centrale du Congo (t - statistique
égale à 1,31729).
Cette indication rejoint les études de BYNOE (2004)
DORNOBUSH (1995) et MUNDEL (1962), pour eux la politique monétaire
devient mécaniquement expansionniste provoque une démarcation
entre le taux d'intérêt et le taux de change. Cette situation
conditionne la relance de la production et la variation du taux de change.
Ce qui précède nous conduit à dire que la
relation théorique entre la politique monétaire et le secteur
réel (inflation) soutenue par la théorie quantitative de la
monnaie et la relation empirique confirmée par nos
prédécesseurs aux niveaux de la revue de la littérature et
nos résultats existe.
Et comme FREDMAN (1950), nos résultats nous conduisent
également à dire que les déterminants de la politique
monétaire congolaise sont inefficaces, seul le canal du taux de change
influe sur le secteur réel. Cette situation s'explique par la forte
dollarisation qui caractérise l'économie nationale obligeant
ainsi les opérateurs économiques à exprimer leurs besoins
en devises, et ceux-ci nous amène à déduire la
thèse selon laquelle le canal du taux de change demeure aux jours
d'aujourd'hui le déterminant le plus efficace de la politique
monétaire congolaise au détriment des autres canaux (canal du
taux d'intérêt et canal du taux de crédit des banques
commerciales).
144
RECOMMANDATIONS POUR LA MISE EN OEUVRE D'UN REGIME DE
POLITIQUE MONETAIRE EFFICACE A MOYEN ET LONG TERMES
1. Recommandations des politiques
La politique monétaire congolaise s'avère
impérieuse à réformer ou à adapter en tenant compte
de l'environnement économique tant national qu'international.
Aussi, d'autres mutations sont observées au niveau de
la structure de liquidité bancaire et certaines réformes en cours
ainsi que les élections présidentielles et législatives
à l'horizon 2016 sont nécessaires pour intégrer dans les
cadres analytique et opérationnel de la politique. Car, depuis 2012, le
pays a amorcé le processus de la dé-dollarisation de
l'économie, fixant dans sa matrice de surveillance les paiements des
obligations fiscales et non fiscales en franc congolais quelle que soit la
nature des matières imposables. D'autres perspectives doivent être
pris en compte, telles que la mise en place des marchés financiers et
des guichets de refinancement à moyen et long termes ainsi que la vision
de l'émergence à l'horizon 203085.
i. Des objectifs, instruments et
stratégies
Le cadre analytique de politique monétaire actuel
s'avère nécessaire à adapter dans la mesure où les
effets de la crise financière internationale survenue au début du
deuxième semestre de l'exercice 2008, ainsi que les changements
importants que connaît le pays sur les plans monétaire ont
révélés d'autres informations pertinentes pour se
prémunir aux éventuels déséquilibres. Cela est de
même avec le cadre opérationnel en vigueur qui s'avère la
révision.
Les recommandations principales qui suivent sont
nécessaires à livrer pour améliorer la conduite de la
politique monétaire à moyen et long termes.
S'agissant du cadre analytique de la politique
monétaire, il y a lieu de formuler certaines recommandations
ci-après :
? L'autorité monétaire devait se proposer un
autre objectif prudentiel, en plus de la stabilité du niveau
général des prix moyens des biens et services. Autrement dit, la
politique monétaire menée par la BCC devait se donner les
objectifs finaux tels que la stabilité des prix et la stabilité
financière. Les raisons sont nettement établies sur les
85Au fait, il est indiqué que les
réformes envisagées ou mises en place en RDC requièrent
des nouvelles perspectives des politiques macroéconomiques, plus
particulièrement la politique monétaire et la politique
budgétaire. Par exemple, la dé-dollarisation de l'économie
entrevoit notamment une nouvelle structure de liquidité et un changement
des comportements des détenteurs et utilisateurs de la monnaie
nationale.
145
effets de la crise financière internationale
récente. Malgré l'inflation américaine à un chiffre
enregistrée en 2008, la crise financière n'a pas attendue pour se
déclencher. Depuis cet événement, les économistes
aujourd'hui se sont rendus compte de la pertinence des couples politique
monétaire-politique macro prudentielle ;
? Il conviendrait de maintenir le cadre du ciblage
monétaire en renforçant les mesures de la dé-dollarisation
de l'économie nationale dans le souci notamment de réduire les
coûts de transaction de la monnaie locale par rapport à la devise
étrangère, le dollar, et d'améliorer l'efficacité
des canaux de transmission des impulsions monétaires;
? Pour plus d'efficacité de la politique
monétaire, la Banque Centrale doit élaborer un cadre de pilotage
à moyen terme, lequel permettra de surveiller l'évolution de la
situation monétaire et prendra des mesures d'ajustement monétaire
le cas échéant, ayant mesuré la nature des chocs sur la
liquidité et d'autres chocs conjoncturels et adopter par la suite un
cadre de ciblage de l'inflation ;
? La réalisation d'une inflation compatible à la
croissance économique dans l'optique de rester dans la programmation
monétaire86 . En effet, les récentes
réalisations d'inflation faible ne sont pas de nature à favoriser
un accroissement des investissements ;
? L'émission des titres publics par l'Etat. En effet,
cela lui permettra de recourir de réaliser ses dépenses sans
songer recourir au financement monétaire de son déficit. Par
ailleurs, la Banque Centrale pourra améliorer sa gestion de
liquidité au moyen des opérations d'Open Market.
86Cette idée voudrait seulement renseigner
la détermination des cibles de la politique monétaire
après la projection des paramètres tels que : (i) la croissance
économique réelle attendue, (ii) le niveau des recettes publiques
et les soldes totaux attendus du Trésor et de la Banque et (iii) les
flux extérieurs attendus.
146
ANALYSE DE LA VOLONTE DE MISE EN OEUVRE DU REGIME
DE POLITIQUE MONETAIRE RECOMMANDEE
La Banque Centrale du Congo a certes la volonté de
mettre en oeuvre le régime de politique monétaire proposé
ci-haut, en dépit de certaines pesanteurs du pouvoir politique,
notamment, en matière de la coordination des politiques.
Cette affirmation de la ferme volonté de
l'autorité monétaire de mettre en application les politiques
proposées, s'appuie sur les raisons suivantes :
? L'intégration d'une Direction de la Recherche et des
Statistiques dans la structure fonctionnelle et organique de la Banque en vue
notamment de vérifier et renforcer les canaux et les délais de
transmission monétaire ;
? L'option de lancer le projet de la création d'un
marché financier afin de parvenir à un meilleur financement de
l'économie, ainsi que l'amorce du processus de la
dédollarisation;
? Les perspectives d'optimisation du cadre opérationnel
de la politique monétaire, à travers la création du
guichet de refinancement à moyen et long termes.
Néanmoins, dans le cadre de cette étude nous
avons proposé l'intégration de l'objectif de la stabilité
financière dans la conduite de la politique monétaire, l'adoption
d'un système de ciblage de taux d'inflation, l'élaboration d'un
cadre de pilotage de la politique monétaire à moyen terme, la
réalisation d'un niveau inflation compatible avec les perspectives de
croissance, le recours aux opérations d'Open Market.
De l'objectif de la stabilité
financière
Le cadre légal régissant la politique
monétaire au pays est en cours de modification de façon à
intégrer la contribution de la banque centrale et du ministère
des finances à l'objectif de la stabilité financière.
Toutefois, le texte n'est pas encore promulgué et la Banque Centrale a
intégré en son sein une unité chargée d'analyser
les questions liées à la stabilité financière. Pour
ce faire, il sera nécessaire à ce que les autorités
s'activent dans la promulgation de ce nouveau texte de loi. C'est dans ce cadre
que le Comité National de Stabilité financière pourra
être établi et la conduite de la politique monétaire
s'insérera dans cette nouvelle perspective.
147
L'élaboration d'un cadre de politique
monétaire à moyen terme
La réalisation de cette recommandation suppose
préalablement un cadrage macroéconomique à moyen terme.
Or, ce travail suppose premièrement un système statistique
très développé avec des données à haute
fréquence notamment du secteur réel. D'autre part, il suppose des
liens établis de différentes statistiques, y compris, ceux du
secteur extérieur, avec celles du secteur monétaire. Ceci
permettra d'anticiper les chocs et d'analyser leur impact sur l'atteinte de
l'objectif final. Ce qui suppose un cadre de politique monétaire
proactif.
A l'heure actuelle, la Banque Centrale détermine des
objectifs intermédiaire et opératoire annuels, sans donner
l'orientation à moyen terme des instruments. Ceci constitue donc un
handicap pour orienter les anticipations des agents économiques.
Une telle mesure serait volontiers mise en application par le
pays, mais il implique des statistiques disponibles et
détaillées.
La réalisation d'un niveau d'inflation compatible
avec l'objectif de croissance
Face à la crainte d'une résurgence de fortes
inflations, la Banque Centrale du Congo a commencé à se montrer
trop prudente. En effet, l'inflation réalisée aux cours de deux
dernières années a été largement en
deçà du niveau programmé et même celui
projeté en 2014. Il faudra, dans ce cas, craindre le spectre de la
déflation, laquelle aura des effets néfastes sur la
croissance.
La réalisation d'une telle mesure suppose des
injections de la liquidité tant que l'écart entre l'objectif et
la réalisation projetée de l'inflation demeure important. Cette
prise de risque est souvent évitée par l'autorité
monétaire.
Le recours aux opérations d'Open
Market
Ces opérations sont nécessaires pour une bonne
régulation de la liquidité. Cela suppose dans une large mesure
l'émission des titres par l'Etat dans un pays où les
marchés financiers ne sont pas développés. Or, il subsiste
à ce jour un niveau d'arriérés sur les titres
passés émis par l'Etat. Ce dernier peut volontiers le mettre en
application, mais cela suppose un apurement de ces arriérés ou
l'actualisation des dettes au moyen du remplacement par les nouveaux titres. A
ce jour, mon avis est que l'Etat ne jugerait pas encore prioritaire une telle
option.
148
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