Section II :
Problématique
L'économie informelle, de par la grande population
qu'elle emploie et par sa grande contribution au Produit Intérieur Brut
(PIB) se présente comme un véritable casse-tête pour les
dirigeants du Burkina Faso. Comment intervenir sur l'économie informelle
sans que cela ne joue sur le nombre et le revenu des travailleurs informels ?
Comment intervenir sur l'économie informelle sans que cela ne joue
négativement sur sa contribution au PIB ? Telles sont les questions que
nos dirigeants politiques ne cessent de se poser au sujet de ce secteur de
l'économie.
Néanmoins, il faut reconnaitre que l'économie
informelle présente un certain nombre d'avantages pour nos pays. Elle
fonctionne comme un réservoir de main d'oeuvre permettant d'accueillir
la main d'oeuvre non-qualifiée, les déflatés, les
déscolarisés et les diplômés sans-emplois formels.
Elle est aussi le lieu de déploiement d'initiatives et de
stratégies de survie face à l'exclusion de ces membres de
l'économie classique.
Les inconvénients de l'économie informelle se
traduisent pour la plupart du temps par le déficit de travail
décent, la mauvaise qualité des emplois, la pauvreté au
travail, une faible productivité, la discrimination et l'exclusion,
l'insécurité et la vulnérabilité du marché
du travail (BIT 2013, Guide de ressources, travail décent et
économie informelle, P3). En outre, les praticiens des
activités de l'économie informelle ne sont pas pour la
plupart des cas, reconnus, enregistrés ou comptabilisés dans les
statistiques nationales. Et même s'ils sont enregistrés, ils ne
bénéficient pas, non plus, de la protection sociale, de la
législation du travail, et des mesures de protection sur les lieux de
travail (Daza 2005, p.1). La Recommandation (n°204) sur la
transition de l'économie informelle vers l'économie
formelle, 2015, quant à elle, soutient que « ... de
par son ampleur, l'économie informelle, sous toutes ses formes,
constitue une entrave de taille aux droits des travailleurs, y compris les
principes et droits fondamentaux au travail, à la protection sociale,
à des conditions de travail décentes, au développement
inclusif et à la primauté du droit, et qu'elle a un impact
négatif sur l'essor des entreprises durables, les recettes publiques, le
champ d'action de l'Etat, notamment pour ce qui est des politiques
économiques, sociales et environnementales, ainsi que sur la
solidité des institutions
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et la concurrence loyale sur les
marchés nationaux et internationaux »21. Ces effets
déstabilisants de l'informalité dépassent ainsi les
individus pour toucher les entreprises et le revenu de l'Etat.
L'économie informelle n'est pas l'apanage du Burkina
Faso, elle est une problématique mondiale et elle varie d'un pays
à un autre. Ainsi, le Burkina Faso a-t-il souscrit à des
engagements au niveau mondial dans le cadre du nouveau programme pour le
développement durable (ODD) pour 2030 adopté par l'ONU au cours
de l'assemblée générale de septembre 2015 dont l'objectif
8 vise à promouvoir une croissance économique soutenue, durable
et partagée, le plein emploi productif et le travail décent. Ce
nouveau programme a fait du travail décent et les quatre piliers de
l'agenda pour le travail décent (création d'emploi, protection
sociale, droits au travail et dialogue social) des éléments
centraux pour un développement mondial durable. Le travail décent
est devenu une référence acceptée à
l'échelle internationale et est vu non seulement comme une fin en soi
mais aussi comme un moyen clé pour atteindre les objectifs du
développement, notamment l'éradication de la
pauvreté22.
Par ailleurs, le Burkina Faso, assume toutes les obligations
de membre de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), notamment celles
relatives aux droits et principes fondamentaux au travail, aux conventions
prioritaire ou de gouvernance. Le Burkina Faso est membre de l'Organisation
International du Travail depuis 1960 et a ratifié 44 conventions
internationales du travail. En outre, il faut reconnaître que
« le Burkina Faso a entrepris au cours des années
2000, d'importantes réformes
institutionnelles et politiques en vue de renforcer la
promotion de l'emploi décent »23. Aussi, le Burkina Faso
est concerné par le Programme par Pays pour la Promotion du Travail
Décent (PPTD) pour la période de 2012 à 2015. L'OIT
valorise, à travers ce programme, le travail décent en tant
qu'objectif national en aidant les mandants tripartites à progresser
vers sa réalisation, conformément aux cadres nationaux de
21 Recommandation (n°204) sur la transition de
l'économie informelle vers l'économie formelle, 2015.
(Préambule)
22 BIT 2013 : Travail décent et économie
informelle : Guide de ressources sur les politiques, soutenir les
transitions vers la formalité, article : « Travail
décent et économie informelle », Page 4,
Génève, 2013
23 PNUD Burkina Faso, Rapport National sur le
Développement Humain, Burkina Faso 2012, Développement
humain et travail décent,
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référence, notamment le
PNDES et la politique sectorielle « Travail, Emploi et Protection Sociale
» 2018-2027.
L'économie informelle au Burkina Faso est enfin
reconnue comme un moteur essentiel de l'économie et l'intervention de
l'Etat en son sein afin d'assurer sa meilleure contribution au
développement national, se manifeste à travers une double
stratégie à savoir : l'appui financier, la formalisation des
structures de production informelles (PNDES 2016-2020 P.34)
Au titre des financements, il faut noter que
parallèlement à l'autofinancement du secteur (tontines,
mutuelle,..) ou à son financement extérieure (partenaires
internationaux, syndicats, ONG, ...etc.), l'Etat a créé plusieurs
structures de financement accessibles aux différents publics cibles de
l'économie informelle :
- le Fonds d'Appui aux Activités
Rémunératrices des femmes (FAARF) créé en 1990, est
sous la tutelle du MINEFID ;
- le Fonds d'Appui au Secteur Informel (FASI) est rattaché
au ministère en charge de la jeunesse.
Au titre de la formalisation, il faut signaler que l'appui
(financier) de l'Etat aux acteurs de l'informel fait également partie
d'une stratégie plus globale pour formaliser ces acteurs. En effet,
« en accédant aux crédits, les travailleurs fournissent leur
identité et doivent se stabiliser, tout bénéfice pour les
autorités lors de la perception des impôts »24. En
somme, il convient de préciser que l'appui financier favorise la
formalisation et la fiscalisation de l'économie informelle.
Cependant, le rôle de l'inspection du travail du Burkina
Faso en matière de formalisation des entreprises et des emplois
informels semble être ignoré du grand public. En effet, la Loi
n°028-2008 / An du 13 mai 2008 portant code du travail au Burkina
Faso, stipule en son article 391 que « L'inspection du travail,
placée sous l'autorité du ministre chargé du
travail, est chargée de toutes les questions relatives aux conditions
des travailleurs et aux rapports professionnels»25. C'est dire
que l'inspection du travail est chargée de veiller au respect des
dispositions légales ayant trait aux conditions de travail et à
la protection des travailleurs dans l'exercice de
24 CSI Confédération Syndicale Internationale,
Burkina Faso : L'informel au coeur d'une nouvelle solidarité, Vision
Syndicale 03, Mars 2007, P.2
25 Loi n°028-2008 / An du 13 mai 2008 portant code du
travail au Burkina Faso
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leurs fonctions. Aussi, la
Recommandation (n°204) sur la transition de l'économie
informelle précise dans son point VI sur les mesures incitatives,
conformité et mise en application que « les
membres devraient disposer d'un système d'inspection
adéquat et approprié, étendre la couverture de
l'inspection du travail à tous les lieux de travail dans
l'économie informelle afin de protéger les travailleurs et
fournir des orientations aux organes chargés d'assurer l'application des
lois, y compris sur la façon de traiter les conditions de travail dans
l'économie informelle»26. De ce fait, l'inspection du
travail est investie pour intervenir sur l'économie informelle au
même titre que les entreprises du secteur formel.
Des études portant sur la relation entre l'inspection
du travail et l'économie informelle dans le cadre de la promotion du
travail décent sont quasi-inexistantes au Burkina Faso. La
minorité qui existe semble mettre l'accent sur l'aspect protection
sociale et le travail des enfants. Les autres aspects du travail décent
n'y sont abordés de façon explicite.
Notre recherche visera à comprendre le rôle de
l'inspection du travail dans le processus de transition de l'économie
informelle vers l'économie formelle. Pour ce faire, la formulation d'une
question spécifique s'avère très nécessaire : Dans
quelle mesure, l'inspection du travail au Burkina Faso contribue-t-elle
à étendre le travail décent à l'économie
informelle ?
Cette question spécifique mène aux questions de
recherches suivantes :
a) Comment fonctionne l'inspection du travail au Burkina Faso
?
b) Comment l'inspection promeut le travail décent dans
l'économie informelle ?
c) Quels sont les défis rencontrés par l'inspection
du travail dans la promotion du travail décent ?
26 Recommandation (n°204) sur la transition de
l'économie informelle vers l'économie, 2015
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