III-1.2. Discussion
Le « Garba » est fortement consommé par les
hommes. La grande proportion d'homme et la dominance d'individus
célibataires consommateurs de « Garba », corrobore les
résultats des travaux de Hiamey & Hiamey (2018),
qui ont indiqué que 74 % des consommateurs d'aliments de rue au Ghana
sont des hommes et 66 % de célibataires. D'autres auteurs ont
trouvé des résultats similaires (Bendech, 2013; Koffi
et al., 2014; Privitera & Nesci, 2015). Cette grande
proportion d'hommes consommateurs de « Garba », pourrait
s'expliquer par le fait que, hommes et femmes ne se nourrissent pas de la
même manière (Joo et al., 2015). En
effet, les hommes privilégient les aliments simples et rapides à
manger. Cependant, l'étude effectuée par Buscemi et
al. (2011), sur 687 consommateurs d'aliment de rue à
Palerme (Italie), indiquait une prédominance des femmes consommatrices
(53,27 %). Cette différence pourrait être due aux
différences culturelles et culinaires entre Abidjan et Palerme. Les
moyennes d'âge des consommateurs du « Garba », en tant
qu'aliment de rue, restent relativement proches à celles
déterminées par Hiamey & Hiamey (2018), qui
ont indiqué, dans leur travaux plus 68 % des consommateurs de mets de
rue ont un âge compris entre 20 ans et 39 ans.
Le « Garba » est un aliment de rue cuit et
prêt à consommer. Cette situation expliquerait sa forte
consommation par les hommes de plus de 21 ans. La tendance à la
consommation accrue du « Garba » par les individus de plus de 21 ans,
est en accord avec les résultats obtenus par Buscemi et al.
(2011) et celle de Hiamey & Hiamey (2018).
Les consommateurs d'aliments de rue qui ont participé à cette
étude avaient un âge moyen de 37#177;13 ans. Toutefois,
Bendech (2013), ont indiqué qu'au Mali, quel que soit
le statut social, (pauvre, riche, intermédiaire), 80 % des enfants
consomment quotidiennement au moins un aliment de rue. Ainsi, les mets de rue
permettent-ils à plusieurs individus de s'alimenter aisément hors
du domicile (Alimi, 2016). Les rapports de la FAO
(2010) sur l'état de l'insécurité alimentaire
dans le monde ont montré également qu'un nombre important
d'enfants consomment les aliments de rue. Le « Garba » est
consommé par toutes les couches socioprofessionnelles avec une
prédominance des élèves ou étudiants (42,0 %). Des
résultats similaires sont indiqués par la FAO (FAO, 2010
; 2015). En effet, ces rapports ont montré que les
consommateurs d'aliment de rue sont constitués d'une part des individus
de profession intermédiaire, d'ouvriers, de débrouillards et
d'autre part d'enfants, d'étudiants, de cadres et des femmes au
foyers.
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Dans le contexte de la présente étude, la
fréquence de consommation hebdomadaire pris comme variable
sociodémographique est bien justifié par d'autres études
(Kouakou et al., 2011 ; Koné et al.,
2018). En effet, ces auteurs ont utilisé respectivement
les variables "But de l'élevage" et "Nombre d'animaux", comme variables
sociodémographique pour la réalisation de l'arbre de
classification.
Le noeud terminal 1 montre que la plupart des enfants (73,91
%) ont une forte fréquence de consommation du « Garba » en
tant qu'aliment de rue. Ces résultats sont en accord avec ceux de
Bendech (2013), qui ont indiqué qu'au Mali, 80 % des
enfants consomment quotidiennement les aliments de rue. De même, la forte
fréquence de consommation du « Garba » observée chez
les travailleurs (50,77 %) et les célibataires (53,71 %) (noeuds
terminaux 3 et 4), se justifierait par le fait que les aliments de rue
permettent aux populations des villes de s'alimenter aisément en dehors
du foyer, et à faible coût (Proietti et al.,
2014; Privitera & Nesci, 2015; Alimi, 2016). Cependant, la
faible et moyenne fréquence de consommation observée
respectivement au niveau des noeuds terminaux 2 ; 5 et 6, pourrait être
lié aux préjugés sur la qualité de cet aliment de
rue. En effet, Hiamey & Hiamey (2018), ont montré
que, la connaissance de la qualité des aliments vendus dans la rue,
influencerait le choix et la fréquence de consommation des
consommateurs.
L'identification du profil des consommateurs de « Garba
» par la typologie à l'aide de l'analyse factorielle (ACM suivi de
CAH), a permis de connaître différents groupes selon leur
fréquence de consommation hebdomadaire (faible, moyenne et forte
consommation). Cette approche méthodologique a été
utilisée par plusieurs auteurs pour catégoriser ou classifier des
groupes d'individu (Kouakou et al., 2011; Sabrina, 2016 ;
Koné et al., 2018). En effet, les travaux de
Kouakou (2011) et ceux de Koné et al.
(2018), ont utilisé cette approche pour classifier
respectivement des éleveurs de cobayes (Cavia porcellus) et de
pintades (Numida meleagris). Tandis que Sabrina
(2016), a utilisé en France, cette méthode pour
déterminer sept profils de consommation alimentaire de 2624 adultes
âgés de 18 à 79 ans. Les résultats montrent que sur
les quatre classes déterminées par l'analyse, les classes ( et
C3) englobent le plus grand nombre de consommateurs. Les individus de ces
classes présentent une forte fréquence de consommation
hebdomadaire du « Garba » (plus de 5 fois dans la semaine). Au vu des
caractéristiques sociodémographiques des individus de ces
classes, leur fréquence de consommation de « Garba », en tant
qu'aliment de rue, demeure inquiétante. Plusieurs études ont, en
effet, mis en évidence les risques sanitaires liés à la
consommation des aliments de rue (Rane, 2011; Adjrah et al.,
2013; Mamun et al., 2013; Manguiat & Fang, 2013; Apanga
et al., 2014; Emmanuel-Ikpeme, 2014).
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De plus, les travaux de Buscemi et al. (2011)
effectuées sur 687 consommateurs à Palerme (Italie),
indiquaient que la consommation d'aliment de rue était liée au
risque de survenue de maladies métaboliques (hypertension,
obésité). Par ailleurs, sachant que ces maladies
métaboliques sont les premières causes de mortalité dans
les pays à revenu intermédiaire comme la Côte d'Ivoire,
importe-t-il de s'assurer que le « Garba », mets de rue
à forte consommation ne constitue pas véritablement un facteur de
risque supplémentaire pour la population. La commercialisation du «
Garba », est majoritairement exercée par les hommes.
Diabaté et al. (2019), ont trouvé des
résultats similaires. En effet, leurs travaux ont montré que 94,6
% des vendeurs de « Garba », étaient des hommes. Des
résultats similaires sont rapportés par Choudhury et
al. (2011) en Inde, Benny-Ollivierra & Badrie (2007)
à Trinidad ainsi que par Muinde & Kuria
(2005), au Kenya. Ces auteurs ont montré que la proportion
d'hommes exerçant la vente d'aliment de rue, était respectivement
de 88 %, 61,7 % et 60 %. Par ailleurs, Privitera & Nesci (2015)
en Italie ont montré que la proportion d'hommes exerçant
la vente d'aliment de rue, était 67 %.
Cependant, d'autres études ont
révélé des résultats contraires. A cet effet,
Muyanja et al. (2011) en Uganda, Chukuezi
(2010) au Nigeria, Donkor et al. (2009) et
Mensah et al. (2002) au Ghana, ont rapporté
que les femmes prédominaient dans la vente des aliments de rue avec des
pourcentages respectifs de 87,6 %, 66,67 %, et 100 %. La grande proportion
d'hommes commercialisant cet aliment de rue pourrait se justifier par le fait
que la vente de « Garba » procure un revenu économique
important qui se situe entre 14677 FCFA et 35714 FCFA par jour (N'Cho,
2016). Aussi, le commerce des aliments de rue occupe-t-il une place
très importante en terme de potentiel d'emploi (Namugumya &
Muyanja, 2011; Proietti et al., 2014; Alimi, 2016). Il
fournit en outre un revenu spécial, en particulier pour les femmes, et
favorise l'accès à une nourriture peu coûteuse accessible
principalement aux groupes de revenu faible dans les villes (Chukuezi,
2010). Ainsi, les hommes en tant que chef de famille pourraient faire
face aux charges de la famille par la vente du « Garba ». L'âge
et le niveau d'étude vendeurs de « Garba » concordent avec les
résultats des travaux de Muyanja et al. (2011)
réalisés sur 225 vendeurs d'aliment de rue en Ouganda
qui indiquaient que 74,6 % des vendeurs avaient un âge compris entre 30
et 40 ans. Ils ont montré, en outre que, 82,7 % des vendeurs ont
reçu une instruction scolaire. De ce fait, avoir un niveau minimum
d'étude scolaire semble très important dans le commerce.
Puisqu'une bonne gestion de vente, requerrait le savoir-faire du vendeur. Le
nombre élevé de vendeurs de « Garba », de
nationalité étrangère, aurait un lien avec le genre
(hommes) exerçant ce commerce.
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Ces résultats sont corroborés par ceux de
Yéo et al., (2017), qui ont indiqués la
plupart des vendeurs du mets « Garba » sont des ressortissants du
Niger. Par ailleurs, les hommes représenteraient le plus grand nombre de
personnes qui se déplacent d'un pays ou d'un état à
l'autre pour des affaires (Choudhury et al., 2011).
Ainsi, une fois à l'étranger, le type d'affaire n'a plus de
limite quel que soit le secteur d'activité (formel ou informel) pourvu
que cette activité puisse procurer un revenu satisfaisant.
L'analyse de la typologie montre le caractère
particulier du commerce de « Garba » en tant qu'aliment de rue. En
effet, les vendeurs de la classe (C1) la plus importante sont pour la plupart
des hommes vivant en couple et ayant des enfants donc des chefs de
famille (Alves da Silva et al., 2014). Cette
situation montre que le commerce du mets « Garba » est une
activité qui permet de prendre en charge toute une famille en raison des
gains financiers qu'il procure (N'Cho, 2016). Le commerce du
mets « Garba » est assuré majoritairement par les
étrangers. Les motifs d'accession à ce type de commerce de rue
montrent une continuité communautaire de la vente. Toutefois,
l'étude typologique révèle que, si le « Garba »
est vendu principalement par les étrangers, ces dernières
années, les ivoiriens (22 %) s'intéressent à cette
activité. De plus, les femmes pratiquent progressivement la vente du
« Garba ».
Le nombre d'heures consacré à la vente du «
Garba » quotidiennement est comparable aux résultats des travaux
de Alves da Silva et al. (2014) et de
Choudhury et al. (2011) qui ont indiqué
respectivement dans des travaux réalisés au Brésil et en
Ouganda, que les vendeurs d'aliment de rue travaillaient tous les jours de la
semaine et vendent 8 à 12 heures par jour. L'activité de vente
étant libérale, le vendeur détermine volontairement ses
jours et heures de travail. La satisfaction des vendeurs par rapport au revenu
que leur rapporte le commerce du « Garba », corrobore les
données de Proietti et al. (2014) et de
Hill et al. (2019) qui indiquent que le commerce des
aliments de rue procure un revenu satisfaisant pour une fraction de la
population des pays en développement. Ces revenus participeraient
à prendre en charge les dépenses de certaines familles. De plus,
la vente du « Garba » contribuerait au produit intérieur brut
(PIB) du pays, puisque selon Charmes (1998), le commerce des
aliments de rue participe à environ 38 % du PIB des pays africains.
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