5.3 ...et une nouvelle manière de le percevoir
Au regard des résultats obtenus, l'hyper-modernisation
de la ville est acceptée par ses pratiquants, cependant, les outils qui
servent se processus ne doivent pas leur donner l'impression d'être
privés de leur liberté. En effet, le panel interrogé est
coutumier de ces outils numériques, mais il doit avoir le sentiment
d'avoir le contrôle sur ces derniers, bien qu'implicitement, ce n'est que
pure utopie. En effet, les touristes veulent être acteurs de leur voyage,
ils veulent eux aussi participer à la vie urbaine, ils veulent vivre une
expérience unique, et qui leur ressemble, et ça la smart city le
permet : en proposant des zones gratuites de wifi, en leur proposant de
personnaliser leur voyage grâce aux diverses application
proposées, en facilitant leurs déplacements et en étant au
plus proche d'eux, notamment grâce aux réseaux sociaux. Cependant,
est-ce que cette multiplicité d'outils leur permet de profiter
pleinement de la ville ? En effet, cette intrusion du numérique par les
outils dans la relation touristes-ville induit une modification de la
perception de cette dernière. Rappelons en premier lieu la
définition qui est donnée au mot `outil'. Selon le Dictionnaire
de la Préhistoire (sous la direction d'André Leroi-Gourhan, PUF),
il s'agit d'un "Terme général donné aux objets par
lesquels l'homme intervient sur la matière en prolongeant sa main afin
de la spécialiser en fonction d'objectifs techniques à
réaliser ». Ce prolongement de la main décrit ci-contre
induit également un prolongement de la vision et du regard. En effet, si
on reste à la période de la préhistoire, on peut affirmer
que le silex n'était plus perçu de la même manière
par les Hommes une fois que ces derniers ont découvert qu'il permettait
de faire du feu. Il en fut de même lorsque l'Homme est passé d'un
mode de déplacement à quatre pattes à un mode de
déplacement sur ces deux jambes. Aujourd'hui avec les outils du
numérique, l'Homme ne perçoit plus son environnement de la
même
17 Être ici et ailleurs. L'inattendu dans
« Les lieux du sensible : ville, hommes, images »p117
50
manière qu'autrefois. L'utilisation de ces outils lui
est d'ores et déjà familière et il est compliqué
pour son corps de se remémorer les réflexes qu'il
possédait avant l'existence de cet outil. On peut comparer ce
phénomène au malade de Merleau-Ponty dans la
Phénoménologie de la perception, auquel on réapprend
à utiliser un membre paralysé. De par sa paralysie, celui-ci ne
conçoit son membre malade que comme un frein à ses actions
quotidiennes et familières mais ne parviens pas à le projeter
dans une spatialité objective, une « spatialité libre et
gratuite » autre que celle de son corps,. Il en est de même pour nos
touristes en proie à l'hyper modernité et donc à l'hyper
connexion. Cette familiarité que possède leur corps par rapport
aux outils numérique implique que leurs sens ne soient stimulés
qu'au travers de la machine. Qu'il s'agisse du mitraillage photographique
auquel il est devenu coutume de s'adonner afin de garnir nos réseaux
sociaux , ou du guidage rigide de nos GPS auquel on se sent obligé de se
soumettre dans une idée de conquête du temps.
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