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Le sacrifice de l'animal dans les sociétés africaines précoloniales: le cas des Mbo à  la lumière ds égyptiens anciens

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par Cédric Stéphane Mbah
Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Histoire 2017
  

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C- LA PAROLE COMME ELEMENT ESSENTIEL DU SACRIFICE DE L'ANIMAL CHEZ LES EGYPTIENS ANCIENS ET LES MBO PRECOLONIAUX

Tout sacrifice commence par un discours ou la parole et, c'est lui-même qui le clôt. Dans une société orale comme chez les Mbo, l'oralité est soumise à un grand nombre de règles et remplit des fonctions sociales très importantes321(*). Dans le cadre de cette oralité, nous portons un regard sur la parole  et sur les différentes formes qu'elle prend en tant que véhicule dans une communauté donnée, comme celle des égypto-Mbo.Le sacrifiant en premier, puis le sacrificateur (ou, si le sacrifiant est également sacrificateur, une personne désignée pour l'office liturgique d'orant). La parole, clef de voûte du sacrifice nécessite des interrogations quitte à sa symbolique et son efficacité dans le sacrifice de l'animal chez les égypto-Mbo.

1- La parole dans la société égyptienne ancienne et Mbo précoloniale

Chez les peuples d'Afrique noire et particulièrement chez les Mbo, la parole est d'une importance capitale dans les sacrifices. Cela nous fait penser à la notion de «la parole» ou du verbe de la théologie Memphite, fondement de toutes les civilisations.Ptah est le dieu créateur par excellence : il est considéré comme le démiurge qui a existé avant toute chose, et qui par sa volonté a pensé le monde. « Ptah conçoit le monde par la pensée de son coeur et lui donne la vie par la magie de son Verbe. Ce que Ptah a ordonné a été créé ; en lui les constituants de la nature, faune et flore, sont contenus322(*). ». Chez les Mbo, l'échange de la parole est un mode de communication très sérieux et important dans la vie quotidienne. On note essentiellement deux types de parole: la première est la parole ordinaire et la deuxième est la parole sacrée.

Par parole ordinaire, il ne faut pas entendre parole « simple ». Au contraire, elle est très élaborée puisqu'on y retrouve les images verbales, les métaphores,  les citations de proverbes, les aphorismes, etc. Dans la vie quotidienne, l'art de la conversation existe et les « bons parleurs » sont reconnus et leur réputation franchit les frontières de leur communauté. Dans la société Mbo précoloniale, les « bons parleurs » étaient très sollicités au cours des cérémonies où ils jouent le rôle de maître de cérémonie et d'animateur

Quant à la parole sacrée, elle est rituelle. Elle représente un mode formalisé de la parole ordinaire. Sa prosodie est particulière, elle peut être «archaïque» et devenir une langue secrète si elle est proférée au cours des initiations. Dans les sociétés secrètes Mbo, elle n'est comprise que par ses membres. C'est la parole de prédilection dans la sphère politique, religieuse et mystique. La parole est la «trame du monde» et son usage inconsidéré peut entraîner des troubles graves.

Chez les Mbo, un pan ésotérique est attribué à la parole surtout dans le cadre des rites. Rappelons que le même terme « n'zom »  désigne à la fois mot et parole. Les Mbo apprécient la parole et l'art oratoire (tout autant que le silence) et plusieurs expressions y sont associées : « à dia n'zom » :  il mâche les mots, « n'zom à bisèé meu n'seul » : la parole ne sort pas de sa bouche, « à sheu-beuh n'nzon nè òdu » : il verse la parole comme de l'eau, « édji n'nzom éwèe tieuh n'leuh éwèe tieuh o'kheu,» : sa parole n'a ni  tête ni queue, « édji n'nzom ébon-éyièh » : sa parole est répugnante, « édji n'nzon ébon » :sa parole est bonne. La parole peut être cachée, ouverte, obscure, claire, silencieuse, sonore, sincère, fausse, sotte, intelligente, oblique, droite, venant du ventre, du coeur etc. Toutes ces expressions relatives à la parole montrent son importance dans la pratique communicationnelle et rituelle chez les Mbo. Dans cette société orale, la parole, outre les rôles que nous venons de lui mentionner, elle a une valeur éducative. L'éducation des enfants passe en partie par les textes oraux qui représentent des leçons à des fins moralisatrices ces paroles sont désigné sous le terme de « littérature orale »323(*).

Dans la société Mbo précoloniale, l'initiation qui fait de l'enfant un homme ne peut avoir lieu en l'absence de la parole. La parole est le véhicule des rites, des coutumes, des interdits, des règles ou mieux des valeurs  traditionnelles de la société égypto-Mbo.  Aussi, c'est par elle que sont communiquées les connaissances techniques, éthiques et religieuses. Elle permet l'acceptation des nouveaux initiés dans une société religieuse et leur permet d'acquérir la culture de cette religion. Elle assure l'intégration des sacrifices auprès des divinités. Ainsi la parole assure les rôles religieux, politiques, idéologiques, initiatiques et ludiques. En parlant des problèmes quotidiens, elle permet la cohésion et la survie du groupe. Elle incite à la prise de conscience de par les enseignements acquis par elle. C'est le cas desenseignements pour Mérikarê, guide des instructions morales et politiques. Aussi elle représente une thérapie préventive qui pallie les excès dans la société.

Nonobstant son importance sociale et sociétale, La manipulation de la parole est très délicate. Dans le cadre du sacré.Pour qu'elle conserve son « pouvoir magique », il faut respecter certaines règles et interdits. Les interdits sont nombreux et peuvent concerner le lieu et le moment de la parole.  Ils peuvent également être relatifs au lexique, au sexe de la personne qui parle, à son âge etc. D'où l'importance et le poids de la parole qui est à manier avec beaucoup de précautions, quitte à reconnaitre la force illocutoire de la parole chez les Egyptiens anciens et Mbo précoloniaux. Ainsi la parole n'est plus seulement un simple mode passif de communication, mais aussi et surtout, un mode d'action par excellence dans les sacrifices animaliers, de par sa force magique.

2- L'usage et la force de la parole dans les sacrifices de l'animal chez les Egyptiens anciens et les Mbo précoloniaux.

Pour Austin324(*) la parole n'est pas seulement mot, elle est aussi et avant tout, action. L'auteur expose sa théorie sur les énoncés performatifs. Il souligne que certaines expressions, à elles seules, font office d'actes. Des expressions comme « je te baptise » ou « je vous marie » prononcées par le prêtre sont des actes performatifs. Le seul fait de les prononcer, réalise l'action. Dire « je vous marie » rend deux fiancés mari et épouse devant Dieu. Les  énoncés performatifs sont assez rares. Mais Austin insiste sur la force illocutoire de la parole. D'après lui, en prononçant un énoncé, on lui attribue une force ou une valeur. Ces idées épousent inéluctablement celles de Louis-Vincent Thomas et René Luneau. S'agissant de la parole, ces derniers pensent que :

La civilisation africaine procède avant tout du verbe, qu'il soit parole, rythme ou symbole. Le langage en Afrique noire n'est pas seulement instrument se communication, il est expression par excellence ; de l'être force, déclencheur des puissances vitales et principes de leur cohésion (...) la parole en Afrique est créatrice et fondatrice. Elle est une manipulation des forces. C'est la raison pour laquelle on ne donne pas la parole à tout le monde325(*).

Le rôle du verbe ou de la parole est fondamental dans l'efficacité du rite sacrificiel de l'animal chez les Egyptiens anciens et Mbo précoloniaux. Chaque opération est accompagnée d'une récitation, d'une prière, d'une invocation ceci nous amène à illustrer la fête du jour 17 après le nouvel an dans tout l'Egypte antique (La fête Ouag). La fête était célébrée en l'honneur d'Osiris, le dieu des morts. Lors de cette fête, les familles se rendent sur les tombes de leurs défunts. Ces derniers étaient invoqués par la parole avant que les vivants ne leur fassent des offrandes sacrificielles. Cette fête est parfois associée à la fête de Thot qui se déroule le 19ème jour de l'année326(*). Sans paroles le sacrifice n'a point d'effet ; à la limite, c'est la parole qui compte. Chez les Egyptiens anciens et Mbo précoloniaux. D'ailleurs les prêtres égyptiens accompagnaient à cet effet les rituels sacrificiels par les paroles qui allaient en destination du neter. En revanche, tout le monde se tait lorsque le doyen ou le prêtre fait des énoncé, si courte soient-elles. Il se passe là quelque chose d'important dont tous les assistants ont pleinement conscience.

La parole orale est considérée comme l'extériorisation de cette source de vie qui se trouvait aux origines, dans le secret du sein du sacrifiant et qui, à cette étape, était silencieuse et créatrice. Lorsqu'elle est  sortie, de façon complète et organisée sous forme de discours, elle s'en va vers une finalité qui est le but du sacrifice.

Les paroles énoncées lors des sacrifices deviennent par la circonstance des creusets de réconfort pour la personne ou la communauté qui exécute le sacrifice. Dans ce sillage, La parole accède par l'oreille de l'auditeur, y pénètre et commence son cheminement à intérieur de celui-ci, jusqu'à son "assimilation". Elle cesse d'appartenir au locuteur et s'intègre en la personne auditrice. Elle descend à l'intérieur du corps et irrigue les divers organes, produisant sur eux des effets différents suivant la nature de la "bonne parole327(*)". D'ailleurs le croyant chrétien sait qu'il ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu328(*). Il en est de même pour le sacrifiant qui trouvera satisfaction suites aux paroles prononcées par le prête ou le sacrificateur lors du sacrifice de l'animal dans la société traditionnelle égyptienne ancienne et Mbo précoloniale.

La parole est associée aux rites sacrificiels pour plus d'efficacité dans ce sens qu'elle possède de la puissance. Ainsi, la science contemporaine a également prouvé que le son est une onde et donc une force329(*). La parole ne véhicule pas seulement qu'une idée, mais elle transporte en même temps les ondes, mieux la force dont l'objectif ultime est d'accomplir le but de la parole. La parole est ainsi pouvoir de création et de transformation. Et c'est ici qu'il faut situer le pouvoir des incantations ou des chants sacrés dans la sphère égypto-africain mieux égypto-Mbo.

La parole est d'autant plus forte dans la société égyptienne ancienne et Mbo qu'elle est entouré de protocole, elle peut à elle seule resserrer ou desserrer les liens. Il ne suffit parfois qu'un mot mal placé pour qu'un drame s'en suive. C'est pourquoi chez les Mbo, il faut fait montre de prudence dans les propos : « retourner la langue sept fois avant de parler ». Les cultures négro-africaines l'ont bien compris depuis, puisqu'on ne donne la parole à quiconque. Ainsi, Pharaon était entouré des paroliers chacun spécialisé dans son domaine. Ce fut le cas des psalmistes, des harpistes ou encore des pleureuses qui incarnaient l'art oratoire en Egypte antique.

La parole telle que présenté plus haut nous fait voir son importance comme moyen par excellence de transmission de la pensée. Sous le trait des formules sacrées, elle est présentée dans tous les actes de la vie religieuse. Elle ouvre, accompagne et clôt les sacrifices. Dans le cas des sacrifices de l'animal chez les Egyptiens anciens et Mbo précoloniaux, la parole joue un rôle déterminant. Ainsi, avant et durant la cérémonie, les paroles prononcées participent du pouvoir exceptionnel du verbe dans son expression cultuelle, rituelle et sacrificielle. Toutefois la parole est le moyen de communication entre les vivants, mais elle établit également le lien transactionnel, de dialogue entre l'au-delà et le monde des vivants, dans le but de rendre efficace le sacrifice par le biais de sa force magique.

* 321J. Rouch,« Sacrifice et transfert des âmes chez les Songhay du Niger », Systèmes de pensée en Afrique noire, no 2, 1976, p.p.55-66.

* 322 R. J. Leprohon, « Ptah, Dieu créateur et patron des artisans », Vie des Arts 24, n°98, Montréal, 1980, pp. 68-69.

* 323 Sous la rubrique de littérature orale, on inclut à la fois les devinettes ou énigmes, les maximes et dictons, les formules divinatoires, les louanges, et  aussi les proverbes, les fables et les contes.  Leur importance sur le plan social n'est plus à prouver. Ces genres universellement connus s'interpénètrent si bien que leur caractérisation dans une perspective typologique peut parfois poser des problèmes au chercheur. Chez les Mbo, les proverbes accompagnent souvent les contes et les contes sont souvent l'illustration d'un proverbe. Les soirées d'oralisation commencent par des échanges de devinettes  pour enfin aboutir à  l'écoute du conte. Ceci montre qu'il n'existe pas de frontière nette entre les différentes composantes de cette littérature dont l'énonciation se déroule dans des circonstances particulières. Nous parlerons à propos de cette littérature, un enseignement qui engage la société, tout comme la parole qui est l'essence même de son existence.

* 324 J. L. Austin, Quand dire c'est faire, Seuil, Paris, 1970.p. 45

* 325L.V. Thomas, et R. Luneau,Les religions d'Afrique noire, Desclée, Paris, 1981

* 326 M.Dessoudeix, Lettres égyptiennes, vol 2, Acte Sud, Paris, 2012 p. 45

* 327 Entretien, Serge Matou, 65 ans, Tradipraticien, Mouamenan le 7,8, 9, 10 Mars 2015.

* 328 « Matthieu IV v 4 », La Sainte Bible, version Louis Segond, Corée, 2005 p. 951.

* 329 M. Delorain,Des ondes et des hommes, jeunesse des télécommunications et de l'ITT, Flammarion, Paris, 1974.

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