Le sacrifice de l'animal dans les sociétés africaines précoloniales: le cas des Mbo à la lumière ds égyptiens anciens( Télécharger le fichier original )par Cédric Stéphane Mbah Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Histoire 2017 |
3- Les groupes de danses chez les Mbo précoloniauxLes groupes de danses sont les formes les plus répandues des associations chez les Mbo. Ils ont essentiellement pour rôle d'animer le village lors des cérémonies. Ces groupes sont nombreux et pratiquent des styles variés de danse à savoir, malongue, ekalé, ewang, Ahon, Nzo-mem, Nkamba, Ngonè... A toutes ces danses, correspondent des musiques spécifiques. Pendant l'exécution des danses, toute personne intéressée est libre de se joindre au groupe car elles sont les danses ouvertes aussi bien aux femmes qu'aux hommes de tout âge à l'exception de la danse d'Ahon qui est une danse réservée aux hommes de par le caractère ésotérique qu'il revêt87(*). Les droits d'adhésion sont des contributions en nature, dont la qualité et la quantité dépendent des groupes. C'est ainsi que pour adhérer au groupe de danse Ngonè, l'on devrait présenter neuf noix de kola, neuf boules de Koki et vingt litres de vin de raphia contrairement au groupe Nkamba où l'on devrait ajouter à cela un coq88(*). Parmi ces danses, nous avons des danses de réjouissance populaires comme Ngonè qui reste la danse la plus rependue et connue. Nous avons également les danses pour accueillir les hôtes à savoir Nkamba dont l'exécution des pas de danse reste spectaculaire avec le jeu des épaules et les herbes ou mieux les fleurs que les adhérents brandissent pour accueillir un hôte. Outre les préoccupations d'ordres culturels, les groupes de danse fonctionnent comme des structures d'entraide. De ce fait, les membres sont astreints à l'assistance mutuelle pendant les deuils, les funérailles, ou tout autre événement de malheur ou de bonheur. B- ORGANISATION DU POUVOIR POLITIQUE CHEZ LES MBO PRECOLONIAUX On retrouve dans plusieurs ouvrages d'ethnologie une classification des systèmes politiques africains. Les Etats, les chefferies et les sociétés anarchiques. Ce dernier pour Olivier Bainest une spécificité de sociétés bantoues dites acéphales mieux sans véritable chef. La société anarchique, suivant l'étymologie grecque, traduit l'absence de commandement. Ce système politique se rencontre en Afrique noire chez des peuples où il n'existe pas d'organisation étendue, mais seulement des groupements sociaux ayant pour base les lignages, la religion, les associations.Le révérend Père Engelbert Mveng89(*) rétorquait après les auteurs qui auraient qualifié les sociétés bantous lignagères d'acéphale, qu'il n'a jamais existé au Cameroun, des sociétés dites « acéphales ». De ce fait, les Mbo qui sont une société lignagère auraient donc eu un système politique bien défini à savoir le système politique segmentaire de type clanique à la légitimité du pouvoir familiale et sous la bannière des sociétés secrètes véritables pouvoirs politiques. 1- Un système politique segmentaire de type clanique Le système politique dit segmentaire s'oppose par définition au système politique centralisé, étatique. Sa particularité est de compter au même moment plusieurs chefs pour un même peuple. Chez les Mbo, comme nous le mentionnions plus haut, La famille se disperse constamment quand la parenté se relâche et quand plusieurs lignages habitent un même village, il y a prééminence du chef de famille qui a fondé le village. Aussi, Au-dessus de la famille étendue, les Mbo admettent une certaine unité des familles descendantes d'un même ancêtre mythique. Le symbole de ce clan est le San Mbo'o, vieillard désigné soit par les autres chefs, soit par un signe « mystique ». La famille étendue habite un village. Le clan est généralement l'ensemble de plusieurs cours ou familles et le chef est appelé «San Mbo'o». C'est celui-ci qui coordonne les faits et gestes des différentes familles et les administre par ailleurs. Il est le président du conseil de famille, il dirige les cérémonies rituelles et religieuses. Olivier Bain, quant à lui, reconnaît que ce système politique se rencontre en Afrique noire chez des peuples ou n'existe pas d'organisation étendue, mais seulement des groupements sociaux ayant pour base le lignage. De ce fait, on retrouve au sein de la société Mbo précoloniale, plusieurs souverains de degré égal, indépendants, et chacun placé en tête de son Mbo'o ou clan d'origine. Ces souverains sont des chefs de clans dont la légitimité est soumise à des conditions d'accession au titre. 2- Source de légitimité du pouvoir chez les Mbo précoloniaux Chez les Mbo, chaque village ou clan compte plusieurs familles ou « pou-ndéeh »dont les doyens forment le conseil du clan90(*). L'on peut devenir doyen par la suite d'une succession à choix délibéré au sein de la famille restreinte pou-ndéeh. Il faut ici, rappeler que le doyen ne désigne pas seulement l'homme le plus âgé mais aussi l'homme qui peut diriger compte tenu se son expérience de la vie. C'est ainsi que, chez les Mbo à la différence des chefs de la société grassfield, le doyen est libre de choisir parmi ses paires ou ses grands enfants, celui qui lui semble capable de maintenir l'ordre dans le groupe. Toutefois, l'office attribue au chef choisi est un mandat social. Il lui revient alors d'encadrer les populations placées sous son autorité, de préserver la paix au-dedans de son clan et d'organiser les cérémonies rituelles, expiatoires et propitiatoires ou bien d'initiationsqui servent de ciment de l'unité du clan. Ainsi, le pouvoir chez les Mbo précoloniaux était l'apanage des chefs ou des doyens de clans qui agissaient non pas en leur nom propre mais au nom du clan tout entier. Cependant, le chef de clan n'a pas le monopole du pouvoir. Ce pouvoir absolu revient aux sociétés secrètes que certaines personnes comme Mayer Etongué qualifient de pouvoir politique chez les Mbo91(*). Cette complexité du pouvoir politique chez les Mbo peut mieux être cernée avec Maurice Delafosse quireconnaissait à propos de l'autorité royale en Afrique, qu' En générale, le pouvoir se transmet, pour chaque Etat, dans une famille donnée, mais il n'est pas héréditaire à proprement parler, en ce sens que ce n'est pas nécessairement l'héritier naturel et direct du chef défunt qui succède à celui-ci. A côté de la famille qui a le privilège de fournir le roi, il en existe le plus souvent deux autres, dont l'une fournit le ou les électeurs du roi et l'autre le ou les intronisateurs. Le choix des électeurs ne peut s'exercer que dans la limite des membres de la famille royale, mais, sous cette réserve, et compte tenu de l'opinion publique exprimée par les anciens, ce choix s'opère librement; il faut d'autre part, que le successeur du roi défunt ait été désigné par le ou les électeurs pour être investi de l'autorité. Non seulement les intronisateurs et les électeurs détiennent la faculté de faire ou de ne pas faire les rois, mais ils possèdent aussi celle de les défaire, en sorte que leur influence est considérable et qu'elle suffirait, à elle seule, à constituer un important contrepoids aux velléités de tyrannie et à l'omnipotence du souverain. L'autorité de ce dernier est encore contrebalancée par l'obligation, que lui impose l'usage, d'en déléguer une partie à des ministres , dont chacun a des attributions définies, et qu'il n'est pas toujours maître de nommer ou révoquer à son gré, la coutume conférant le plus souvent chaque charge ministérielle à une famille déterminée, aussi bien que la dignité royale et que la fonction d'électeur ou d'intronisateur. Nous sommes donc bien loin du système de monarchie absolue dont on est parfois enclin à supposer l'existence en pays noir92(*). Ainsi, il existe le plus souvent, dans les sociétés africaines, un dispositif légal pour empêcher les éventuels abus d'un monarque trop puissant. Dans la société Mbo, ces contrepoids au pouvoir absolu du chef sont les sociétés secrètes. 3- Les sociétés secrètes : véritables pouvoirs politique chez les Mbo Les véritables pouvoirs politiques chez les Mbo, sont des assemblées hermétiquement fermées que Laburthe Tolra a appelé « société secrètes93(*) ». Ces dernières sont exclusivement réservées aux hommes qui y accèdent par initiation94(*). Leur rôle est de maintenir la paix, la cohésion entre les populations, de protéger les individus des attaques maléfiques, etc. Bref, ils contribuent à l'épanouissement social, économique, culturel mais beaucoup plus politique. Ce sont des véritables contrepoids comme dirait Montesquieu95(*). Ils interviennent dès le stade de l'élection et dans l'exercice du pouvoir du chef, qui n'est maître absolu que dans le cadre des moeurs et traditions chez les Mbo ce sont Mouankoum, Ahon et Nkoum. · Nkoum Nkoum fait partie de ces termes intraduisibles en français96(*) car il est lié à la spécificité même de la culture Mbo. Nkoum est en principe un groupement d'hommes de jeune âge ou d'âge mûr, choisis au sein d'une famille pour la représenter au conseil des Nkoum appelé Nkoum. Au vue de sa responsabilité qui est désormais de représenter toute une famille, Nkoum se doit d'être habile suite aux enseignements initiatiques ayant neuf modules ou neuf niveaux97(*). Ayant atteint ces neufs niveaux, Nkoum est alors en mesure de se rallier à ses paires accomplir les missions qui lui seront confiées au sein du conseil Nkoum. Se faisant, dans la société Mbo précoloniale, c'est le conseil de Nkoum qui prenait des décisions importantes relatives à la vie sociale du village. Notons que le « président » du conseil des Nkoum est le doyen parmi les membres de Nkoum. C'est généralement celui qui a atteint le grade le plus élevé et par conséquent le plus ancien au grade. Ces derniers siégeaient dans un lieu sacré appelé « Ebeum » qui était généralement un bosquet, en ce sens que l'arbre dans la société Mbo est entouré de mystère. De ce fait, Jacques Epoh Mbesse reconnaît le caractère sacré de l'arbre, Raison pour laquelle dans nos villages, les notables ou mieux les hommes de tradition tiennent souvent leurs assises dans les lieux sacrés, aménagés sous des arbres(Ebeum). La présence d'un arbre dans ces lieux est très significative. C'est un arbre qui a une espérance de vie très longue. On[les Mbo] augure que cet arbre ou ces arbres verront plusieurs générations humaines des villages se réunir à son pied, ce qui favorise la communication des puissances et le transfert de celles-ci de la vielle génération à la nouvelle. 98(*) C'est le conseil de Nkoum qui appelle souvent aux réunions des populations au sein d'Ebeum afin de résoudre des problèmes pouvant toucher le village par des voies de sacrifices des animaux. C'était alors le bien fondé d'une cérémonie occasionnelle qui consistait à lécher une potion appelé « Adjan » préalablement préparée par ces Nkoum, afin de mettre le village à l'abri des épidémies ou des attaques pernicieuses. Dans ce sillage Essoh Ngomé reconnait que, Ces Nkoum constituent l'ossature de l'une des chambres traditionnelles les plus fermées de Ngoe [...] Ils surveillent le village le jour comme de nuit et garantissent sa protection à tout instant. De même, ils sont aussi les garants de l'harmonie et de l'ordre et à ce titre président à tous les mécanismes susceptibles de ramener la paix et l'harmonie lorsqu'il y a crise.99(*) De ce fait, c'est parmi les Nkoum qu'on retrouvait les prêtres spécialisés dans la réalisation des sacrifices rituels susceptible de maintenir et promouvoir la paix sociale via les alliances sacrificiels dans la société Mbo. · Le Mouankoum C'est une assemblée assez discrète ; elle siège pendant la nuit profonde et jamais en journée100(*). Les membres sont des personnes qui font le culte des ancêtres et sont appelés mouankoum ou Ba-mouankoum. Après quelques rituels de commande, un membre désigné par ses paires agit commemédium au sein du village durant la nuit : c'est cette personne que les Mbo appellent par respect Sor Mbeuh, littéralement le grand père. Il faut préciser que chaque village ou clans Mbo dispose d'un Sor Mbeuh qui semble connoter l'ancêtre fondateur du lignage et différent de l'ancêtre éponyme Ngoe. Sor Mbeuh n'a pas le droit d'officier hors de son territoire lignager. Mouankoum a pour rôle de dénoncer et de sanctionner les exactions et beaucoup plus la sorcellerie au sein du village. Sor-Mbeuh agit sur quiconque outrepasse les lois coutumières. Cependant, en raison de violentes sanctions que Sor Mbeuh inflige en cas de désobéissance aux lois coutumières, les hommes trouvent nécessaire d'observer ses prescriptions. Notons que les sanctions vont d'une amande de neuf chèvres ou tout autre chose imposé, mais au chiffre neuf jusqu'à l'expulsion du village qui pourrait être sanctionné par la mort de quiconque s'anti conforme à ses lois. Ainsi, la présence de cette instance supra sociale est par le fait considérée comme une source de vitalité pour la société Mbo d'autant plus qu'elle adjoint l'ancêtre fondateur du lignage à son autorité. Le recours à l'ancêtre dans l'exercice des fonctions de Mouankoum visent à asseoir un pouvoir politique ou une idéologie de subordination. Cette représentation est à notre sens, liée à deux idées maîtresses: les ancêtres incarnent un pouvoir équitable, mais ils sont aussi des détenteurs de pouvoirs absolus .Le pouvoir des ancêtres est considéré comme équitable parce qu'il est extérieur au monde des vivants et parce qu'il est de nature bienveillante101(*). Le caractère incontestable de l'action ancestrale provient certainement en premier lieu de l'omniscience et omniprésence des ancêtres dans la prise des décisions au sein de la société secrète Mouankoum. Il sera donc impossible aux vivants de contourner ce pouvoir car aucuncomportement déviant n'échappe au Mouankoum qui réagit toujours et de manière décisive. Ainsi, Sor Mbeuh qui incarne l'ancêtre du clan connaitra par coeur les noms de tous les membres de son clan. Bref Mouankoum est le dépositaire du pouvoir politique chez les Mbo précoloniaux car il contrecarre les velléités d'un pouvoir humain, d'autant plus qu'il est un pouvoir supra humain régit par les ancêtres via les sociétés secrètes. · Ahon Ahon est une caste de nobles en tant que dépositaire de la tradition.Ses membres sont appelés « N'nhon » qui veut dire riche. Ceux-ci sont connus par le grand public en tant que plénipotentiaire et de par leur caractère de puissance qui leur sert à imposer la paix dans la communauté. D'ailleurs comme le reconnait Thierno Bah102(*), toute communauté a besoin de mettre en place des mécanismes de gestion de ses relations avec ses voisins, en temps de paix comme en temps de guerre. Cela relève de la diplomatie, que les sociétés africaines traditionnelles ont largement pratiqué. Pour résoudre les conflits, des procédures variées ont été utilisées. Il y a tout d'abord l'envoi d'émissaires, de plénipotentiaires. C'est ainsi qu'en pays Béti, ces plénipotentiaires ou «faiseurs de paix» (benya bod, sang nyamod103(*)) jouissaient d'une grande place dans la société Béti autant que les N'nhon dans la société Mbo car, ils représentent le clan dans les communautés voisines. Toutefois, étant plénipotentiaires, Ahon était la chambre la plus importante de la société Mbo ; d'autant plus qu'elle recrutait ceux qui plafonnaient dans le Mouankoum, c'est-à-dire, ceux qui avaient atteint le neuvième grade et sur dérogation de ses paires104(*). Se faisant, les membres de cette chambre étaient redoutés car, ils passaient pour des êtres très puissants.Aussi la beauté de leurs danses folkloriques très élégante, mais entouré de mystère faisait également leurs notoriété dans la société Mbo précoloniale. Cette danse était appelé Esakheu-Ahon, littéralement, la dance du noble. Cependant, contrairement aux danses populaires où tout le monde a accès, celle-ci reste réservée aux seuls initiés ou adhérents d'Ahon. Ces danses ne s'exécutent qu'en cas de décès d'un membre ou pendant les cérémonies des sacrifices rituels du clan car, elle ne s'emprunte point pour quelque occasion que ce soit dans la communauté Mbo. Ainsi, chez les Mbo les chefs de lignages n'incarnent point le pourvoir politique. Celui-ci est et reste l'apanage des sociétés secrètes qui, se présentent dans la société Mbo comme des véritables creusets du pouvoir politique. C- ORGANISATION ECONOMIQUE DES MBO PRECOLONIAUX Chez les Mbo précoloniaux, l'économie est essentiellement basée sur l'agriculture de subsistance, avec un mode de production qui repose sur une organisation du travail collectif. La production bien que liée à la consommation familiale fait également l'objet des échanges à travers les lieux érigés en marchés locaux. 1- Une économie essentiellement agricole L'agriculture reste la principale activité du Mbo précolonial. Se faisant, l'agriculture chez les Mbo précoloniaux est essentiellement axée sur la production des cultures de subsistances qui sont généralement cultivées dans des champs près des maisons d'habitations105(*). Parmi les cultures pratiquées, le taro et le haricot dont le mets est appelé Koki. La pratique de cette culture reste intrinsèque à l'existence des Mbo. C'est pour cette raison quecertains peuples voisins ont souvent péjorativement qualifié les Mbode Mbo-Koki. Cette appellation est due au faite que le koki était le repas par excellence des Mbo. L'élevage n'a pas été une activité d'envergure chez les Mbo106(*). Le petit élevage qui se faisait était surtout celui des animaux domestiques lié à la consommation et aux rituels sacrificiels. Cet élevage très souvent à petite échelleest celui des chèvres, moutons, porc et des poules etc. A coté de cette agriculture et l'élevage de subsistance, se greffe les activités comme l'artisanat et la chasse. Toutefois nous précision plus haut que Mbo est un peuple originellement chasseur de par Ngoe l'ancêtre éponyme qui aurait selon la tradition orale rencontré Sumediang lors d'une partie de chasse aux gibiers. L'artisanat quant à elle profite beaucoup à l'économie Mbo. Ainsi, nous avons la sculpture de bois qui consiste en la production des mortiers pilons, spatules, louches bref les ustensiles de cuisines puis les outils de percussion comme les tam-tams, les tambours. La vannerie produisait les corbeilles, paniers, balais, tôles de pailles etc. Tous ces outils faisaient partie du quotidien des Mbo précoloniaux. Cependant, toute économie dispose de ses moyens de production et reste liée à un mode bien déterminé. Chez les Mbo précoloniaux, les moyens de production de l'économie traditionnelle étaient beaucoup plus communautaires et basées sur un mode d'organisation collective du travail. 2- Un mode de production basé sur le travail collectif Les Mbo précoloniaux ont opté pour éviter de la peine pour une tache quotidienne. Ces derniers ont mis sur pied un mécanisme de travail collectif dont les biens de la production contrairement au mode communiste,reviennent plutôt à un individu chez les Mbo. De ce mode de travail collectif certaines structures, pour employer les terminologies d'Udy107(*)sont de type occasionnel et d'autres de types rotationnel selon le voulu des adhérents. Ce sont les groupes de travail collectifs qui sont :Ndée et edjakeuh. · Ndée Ndée est une forme originale de coopération chez les Mbo précoloniaux. Cette forme d'organisation de travail collective est de type discontinu, c'est-à-dire que son organisateur sollicite la force de travail des autres membres de la communauté pour un temps donné. Cependant, l'initiateur participe aux travaux collectifs des autres lorsque le besoin se fait annoncé. L'adhésion se fait de manière volontaire mais beaucoup plus par affinités. Cette dernière repose sur la parenté, le voisinage et les relations d'amitiés108(*). La filiation, l'alliance et voisinage sont les réseaux essentiels de formation du groupe de Ndée. La taille du groupe n'est pas socialement déterminée, l'effectif varie en fonction du sujet organisateur et du travail à effectuer. Dans la société Mbo, certaines tâches sollicitent régulièrement l'organisation du Ndée, on peut remarquer que ce dernier intervient dans les travaux à caractère pénible. C'est le cas du défrichementd'un champ, l'abattage des arbres, les activités où l'action d'un individu serait inefficace voire impossible comme la construction d'une case etc. Certaines situations sont circonstancielles au Ndée : c'est le cas d'un retard dans la moisson d'un champ, dans les semailles ou dans les récoltes, ainsi il en est de l'abondance d'une production qui, sans une action collective urgente, serait détruite, suites auxintempéries. Notons se faisant que dans ce type de coopération, les membres adhèrent par une simple volonté inconditionnelle. Cependant, nous avons un autre type de collaboration très sélective et rigoureuse : c'est Edjakeuh. · Edjakeuh Contrairement à Ndée, Edjakeuh est de type rotatif. Il repose sur un arrangement délibéré des adhérents. Ceux-ci travaillent à tour de rôle au profit de chaque membre du groupe109(*). La structure d'edjakeuh exploite une fois de plus les relations de parenté, les groupes rencontrés révèlent que les membres sont généralement issus de plusieurs familles du même clan. Edjakeuh dispose d'un calendrier de travail à l'avance déterminé. Edjaheuh réunit en son sein des membres soit de sexe féminin ou de sexe masculin. Nos informateurs précisent qu'ils n'ont jamais observé un groupe mixte parce que dans la société traditionnelle Mbo, les tâches champêtres sont bien reparties. C'est ainsi que le défrichage des champs revient aux hommes et la récolte aux femmes. S'ils se livrent à quelque chose près aux mêmes travaux que le Ndée, l'edjakeuh met plutôt l'accent sur les travaux champêtres.Aussi le rythme hebdomadaire des prestations est-il plus important que le Ndée. La taille moyenne du groupe varie entre quatre et six membres110(*). Un groupe plus grand serait inefficace aux dires de nos informateurs111(*). L'edjakeuh est un groupe de travail à caractere capitaliste avec pour but, la production à echelle un peu plus élévé que la production individuelle. Tandis que le Ndée se règle sur la réciprocité sans calcul, edjakeuh comporte un rapport d'équivalence de prestation du travail. Ce dernier de manière caractéristique élimine les aspects cérémoniels à l'issue comme observé dans le Ndée. Au demeurant, ces deux formes traditionnelles de travaux collectifs ont pour leitmotiv de renforcer les liens de cohésion entre les différentes familles Mbo avec pour but, de booster l'économie traditionnelle ; car la hantised'une récolte abondante, pouvait en partie faire l'objet d'une vente au marché local et l'autre partie, conserver au grenier pour une nouvelle saison des semences. 3- Le marché, une part d'économie chez les Mbo Il faut préciser que l'activité commerciale chez les Mbo précoloniaux était essentiellement basée sur un système de troc en un lieu érigé en marché112(*). Ces échanges respectaient des exigences qui étaient codifiées par des alliances sacrificielles que l'on avait au préalable élaborées en ces lieux. C'est ainsi qu'à chaque lieu du marché se trouvait un arbre appelé Nko'om qui en fait était le symbole de la fidélité et d'équité dans les échanges113(*). Ces alliances préservaient également la sécurité dans les marché d'autant plus qu'elles se faisaient avec les peuples voisins susceptibles d'être des partenaires économiques. Ainsi, chaque partie apportait au lieu devant être ériger en marché, un animal qu'on devrait sacrifier pour en faire un pacte de fidélité et respect mutuel dans les échanges. De ce fait, chaque marché disposait d'un totem qui avait pour but de veiller sur les échanges dans le souci que personne ne soit léser dans la réciprocité. Selon nos informateurs, le marché du clan Ekanang, frontalier au clan Mouanguel avait pour totem un serpent114(*). Ces échanges se faisaient de telle enseigne que le vannier puisse apporter des paniers auprès de son alter ayant cultivé des taros pour échange. De ce qui précède, l'on peut se rendre compte que les Mbo situés pour la plupart dans les massifs montagneux du Manengouba, Nlonako et Koupé, seraient originaires de l'Egypte antique. Les Mbo auraient empruntéla vague migratoire bantoue pour arriver au Congo. Cependant, les Mbo semblent avoir utilisé le même axe migratoire que les douala pour atteindre à leurs lieux de résidences actuelles. Les Mbo sont une communauté bien organisée autant sur le plan, politique, économique et socio-culturel. De religion monothéiste, les Mbo croient en l'existence d'un Dieu suprême créateur du ciel et la terre. Considérant la distance entre Dieu et les hommes très éloignée, ceux-ci vont élaborer des voies de recours pour pallier à cette distance via le sacrifice de l'animal qui va fairel'objet de notre étude dans le chapitre suivant à la lumière des sacrifices animaliers dans l'univers égyptien ancien. Carte 1: Localisation des descendants de Ngoe Source : N.Kougnona `'Les Mbo entre deux frontières résistances à la division coloniale et franco-britannique 1914-1945''Mémoire de maîtrise en histoire, Université de Yaoundé I, Juin, 1997, p.10.. * 87 Essoh, Origine et civilisation, 1999, p.37. * 88 Entretien avec Ehowé Ntéké 69 ans, membre du groupe de dance Ngamba, Mbouroukou, le 6 janvier 2015. * 89A. Mveng, Histoire du Cameroun, Tome I, CEPER, Yaoundé, 1984. * 90 Mitambo, « De l'origine historique du Mbo-Ngoe..., 2006, p.48. * 91 Entretien avec Mayer Etongué, 78 ans chef du village Denzo, Denzo le 14 et 16 Août 2014. * 92 M. Delafosse, Les civilisations disparues : les civilisations négro-africaines, Stock, Paris, 1925, p.142. * 93 Eba, Les problèmes de leader ..., 2013, p.19. * 94 Entretien avec Major Etamé, 65 ans Notable du village Mbouebi, Dépositaire de la tradition Mbo, Mbouebi le 29 et 30 Décembre 2014 et 20 Décembre 2015. * 95 Montesquieu, l'esprit des lois, préface de Victor Goldschmidt, Flammarion, Paris, 1993, p.3. * 96 Essoh, origines et civilisation, 1999 p.35. * 97 Entretien avec Zacharie Epoh, 53 ans Directeur des ressources humaines de la SBM-Loum, Loum, le 27, 28 Décembre 2014. * 98 J.E. Mbesse, « l'herbe et l'ecorse : des armes traditionnelles en persistance ou en désuétude », revue N'koeng, no2, juin 1991, p.40. * 99 Essoh, Origine et civilisation, tome I, 1999, p.24. * 100 Entretien avec Blaise Ekoué, 62 ans, Ancien Député à l'Assemblée Nationale, Ekanang le 5 et 6 Janvier 2015. * 101 M, Fortes, The Dynamics of Clanship among the Tallensi, Oxford University Press, London, 1969, p. 78. * 102 T. M. Bah, «Guerre, Pouvoir et Société dans l'Afrique précoloniale», Thèse pour le Doctorat d'Etat es Lettres, Université Paris-Sorbonne, 1985. * 103P. Laburthe-Tolra, «Les Seigneurs de la forêt. Essai sur le passé historique, l'organisation et les normes ethniques des anciens Béti du Cameroun», Publications de la Sorbonne, Paris, 1981. * 104 Essoh, Origines et civilisation..., p.37. * 105 J. Kouta Noko, « L'économie dans le Canton Mbo », N'koeng, juin 1991, p.44. * 106 P.Y. Epoh, « cohabitation ethnique et conscience nationale au Cameroun, cas du Moungo, Kekem, Santchou, 1884-2010 », Mémoire de Master II en Histoire, UY I, 2011. * 107 S .H .Udy, organization of work: a comparative analysis of production among non-industrial people, new-haven, HRAF press, 1959, p. 45. * 108 Entretien avec Anne Ngoh, 56ans ancienne membre du groupe de travail collectif RAFAMEL (rassemblement des femmes de Mélong), Ekanang, le 26 Décembre 2014. * 109 Entretien avec, Ehowé Nteke, 62 ans Membre du groupe Nkamba, Mbouroukou, le 4 Avril 2014. * 110 Entretien avec, Marcel Ekwellé, 69 ans, Enseignant retraité, Nkongsamba le 25 et 26 Janvier 2015. * 111 Entretien avec Zachée Ngando, 71 ans, Planteur, Mbouebi le 29 janvier 2015. * 112 Noko, « L'économie dans le Canton Mbo », N'koeng, juin 1991, p.45. * 113 Entretien, Serge Matou, 65 ans, Tradipraticien, Mouamenan le 7,8, 9, 10 Mars 2015. * 114Entretien avec, Charles Njalla, 82 ans, Planteur, Voyant, Ekanang le 6 et 7 Janvier 2015 et le 12, 13 et 21 Février 2016. |
|