Directeur Building Information Management chez Egis
Bâtiment Innovation Design & Informatique.
Vendredi 5 Janvier 2018 (10h30 - 11h15)
«- Monsieur TREHEN, merci de m'accueillir dans votre
entreprise. Je suis ingénieur en bâtiment. Je suis des cours de
droit au CNAM-ICH de Paris et je prépare en même temps dans le
cadre de mon Master 2 d'architecture à l'ENSAPVS un mémoire sur
les questions juridiques et contractuelles du BIM. Vous êtes le directeur
BIM chez Egis, en quoi consiste votre travail?
Monsieur TREHEN : Bonjour Stanislas ! Je participe à
l'élaboration de la stratégie de déploiement et d'adoption
du BIM au sein du groupe EGIS pour la discipline dans lequel j'ai le plus
d'expertise à savoir le bâtiment.
- Vous vous occupez de toute la France?
Monsieur TREHEN : Oui! Territorialement il n'y a pas
véritablement de territoire, c'est même à l'international.
C'est à dire qu'Egis est structuré de la façon suivante,
c'est un groupe qui est représenté dans le monde où la
maison mère est à Boulogne-Billancourt. Dans le cadre de la SA
(Société Anonyme), il y a un sous groupe qui s'occupe du projet
d'entreprises appelé «BIM By EGIS» qui de façon
formelle, identifie et pilote, extrait, recherche tous aspects du BIM qui peut
être déployé dans EGIS.
- J'ai vu que le groupe EGIS était extrêmement
large, est ce que vous vous occupez que du BIM dans le bâtiment?
Monsieur TREHEN : Je m'occupe que du bâtiment. Il y a
en effet d'autres disciplines qui sont couvertes par d'autres personnes. On est
à la fois des experts et des référents. On est un peu des
passages obligés c'est à dire que l'on ne connait pas tout mais
l'idée d'avoir des référents
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Corporate, cela permet de concentrer de l'information pour
permettre de ne pas refaire deux fois la même chose. Cela recouvre
à la fois la technique, les process, les méthodes, les outils et
la formation que j'assure directement moi-même.
- Votre entreprise est-elle très développée
dans le BIM et dans quel secteur?
Monsieur TREHEN : Alors chez nous c'est principalement le
bâtiment. L'histoire du BIM chez Egis, c'est 2010 et cela a
commencé parle bâtiment. Moi je suis arrivé en 2012 donc on
peut dire que le BIM a réellement débuté en 2012. Avant
ils y avaient seulement quelques outils. Je suis en quelque sorte le pionnier
du BIM chez Egis car il y avait que moi pour mettre réellement en place
le BIM dans tous les domaines. Il s'est avéré rapidement, qu'au
delà des grands principes, dès que l'on commence à
descendre vers la pratique, on a besoin des expertises métiers. On ne
peut pas prétendre tout savoir. Encore une fois, le BIM ce n'est pas
faire le métier des autres, c'est d'articuler les métiers entres
eux. Il faut donc des expertises métiers pour faire du BIM, il n'y a pas
de secret.
- En parlant d'expertise métier, j'ai vu que vous avez
été anciennement un BIM Manager?
Monsieur TREHEN : Oui, j'ai été moi-même
BIM Manager. J'ai été architecte etj'ai fait des vrais projets
avant de commencer à les faire de façon virtuelle. J'ai
travaillé également huit ans chez AutoDESK avant d'arriver en
2012 chez Egis, où je faisais du déploiement afin de trouver des
solutions BIM chez AutoDESK. J'avais mis en place une méthodologie pour
adopter les outils BIM au sein d'AutoDESK. Je le fais maintenant chez EGIS et
à l'international en plus, au Moyen Orient sur des «petits»
projets d'un million de mètre carré plus
précisément.
- Etes vous en contact avec les responsables BIM Egis d'autres
pays ? En effet, j'ai remarqué que l'on été pas
très évolué en France. Pourquoi eux avancent et pas
nous?
Monsieur TREHEN : Je vais être clair, je ne sais pas
pourquoi on évolue pas plus vite juridiquement. En effet, je suis
arrivé en 2012 et avantj'étais à l'étranger chez
AutoDESK qui est une société américaine et qui ne s'occupe
pas que d'un seul pays. Quand je suis arrivé chez EGIS, c'est la
première chose que j'ai remarquée en effet. J'étais
vraiment étonné qu'il ne fasse pas plus de loi pour que cela
avance parce que si au bon vouloir des uns et des autres on sera prêt en
2035. Et non, c'est très français ! Je ne sais pas ce que l'Etat
attend. C'est dans la culture
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française à mon avis. Cela ne se fait pas de
faire la version 2 de quelque chose qui a été fait en version 1
par quelqu'un d'autre. En fait, si un tel fait quelque chose, cela ne viendrait
pas à l'idée de faire la version 2 de celui qui a fait la version
1. C'est ça le fond du problème en France, c'est totalement
sidérant, alors que dans tousles autres pays du monde lorsque quelque
chose est bienfait les gens le prenne et l'enrichisse. En France, lorsque une
chose est bien faite, tout le monde va commencer à dire que ce qui a
été fait est mauvais et on va recommencer nous< même.
C'estfou mais c'est comme ça ! C'est comme le PTNB. J'adore le PTNB, il
y a que des gens compétent mais la mission initiale du PTNB est quand
même surréaliste c'est à dire que l'on va inciter les gens
à faire connaître. Il n'avait pas vocation à imprimer
quelque chose, à dire c'est comme ça qu'il faitfaire. Donc
inspirer, faire connaître, solliciter, conseiller mais au bout du compte,
on a rien. Le manifeste qu'ils viennent de créer et signer en
début d'année avec le gouvernement. C'est une charte
numérique dans le cadre de la transition numérique qui inscrit en
dur que d'ici 2022 : on ne fera rien ! C'est vraiment une catastrophe
numérique pour la France. Ce rapport s'intitule «Objectif BIM
2022». Il faut que vous le lisiez absolument! Ce qui est étonnant
c'est que tout le monde est content de cela et tout le monde se réjouit
de cela. Cela montre encore une fois que cela impose que chacun fasse ce qu'il
veut en matière de BIM.
- On n'est donc pas prêt d'évoluer?
Monsieur TREHEN : Si on va évoluer mais chacun dans
son coin. On est encore chez les Gaulois. Cela augmente le fait qu'il y a
encore rien de normalisé. Voilà le fond du problème. Au
jour d'aujourd'hui des gens se plaignent parce que tel BIM Manager fait ceci,
tel BIM manager fait cela, telle assurance veutfaire ceci, telle assurance
veutfaire cela, tel syndicat veutfaire ceci, tel syndicat veut faire cela, etc.
Il y a donc rien de cohérent, tout le monde fait ce qu'il veut. Un
maître d'ouvrage peut dire ce BIM manager il est bien mais celui
là l'est moins. Il ne peut pas puisque de toute façon chacun fait
ce qu'il veut. C'est donc du copinage, cela induit des erreurs et on perd du
temps.
- En attendez-vous donc plus de
l'évolution de la loi relative au BIM en France?
Monsieur TREHEN : Alors oui on devrait aller plus vite au
niveau législation mais surtout faire évoluer les données
contractuelles du BIM en France. Pour être clair, entre la convention
BIM, charte BIM, protocole BIM, contrat BIM, plan d'exécution BIM...on
est perdu. Il n'y aura jamais la solution puisque tout le monde aura un bon
argumentaire pour défendre son point de vue
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donc moi la dessus j'ai pas mon avis puisqu'il aura peu
d'intérêt. Puisque de toute façon c'est un argumentaire.
C'est donc la responsabilité du gouvernement de donner l'ordonnancement
des documents officiels du BIM.
- Pourquoi cet ordonnancement aurait-il une réelle
importance?
Monsieur TREHEN : Le BIM aura une réelle importance
le jour où l'on pourra faire une recherche en responsabilité sur
le BIM. Or pour faire une recherche en responsabilité sur la maquette
numérique il faut voir comment les contrats s'enchaînent. Si une
personne me dit: «de quoi vous me parler? En effet vous me citez des
documents mais ceux-là ne font pas parti de mon contrat...».
Aujourd'hui, chacun fait ceux qu'il veut. Des BIM Manager vont arriver vers un
maître d'ouvrage de nos jours et lui dire «je vais au moins vous
mettre un protocole BIM. Ah bon parce que on m'avait parlé d'une charte.
Les uns appellent cela une charte et d'autres les protocoles. Ils vont dire que
c'est la même chose alors que c'est faux.
- C'est donc le contrat qui va résoudre en quelque sorte
les choses?
Monsieur TREHEN : C'est quand même a un pays d'imposer
les choses. Hors BIM, les choses sont légiférées. Tout le
monde respecte les CCAG, CCTP... Des décrets les obligent. On ne se pose
pas de question. Si on reste comme ça on pourra pas dire qui est
réellement responsable.
- Et que disent les avocats en ce moment?
Monsieur TREHEN : Ils disent «mais Monsieur c'estjuste
une convention? Ah mais non vous avez utilisé un guide donc cela ne peut
pas marcher !'. On ne sait pas de quoi on parle en ce moment car on ne sait pas
sur quels documents s'appuyer et on ne sait pas non plus ce qu'il y a dedans.
Ce qui donc important c'est donc l'enchainement des pièces
contractuelles du BIM qui ne sont pas définit aujourd'hui.
- La France n'impose donc rien alors que d'autres pays le fait
dans les marchés publics à partir d'un certain coût par
exemple. On ne pourrait pas obliger par exemple les constructions de plus de 10
millions d'euros à utiliser le BIM. C'est ce que je trouve
étonnant au niveau de l'Etat français. Qu'en pensez-vous?
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Monsieur TREHEN : La notion d'imposer le BIM selon certains
critères est toujours délicat. On ne peut pas l'imposer en France
parce qu'on l'a toujours pas définit. Pour imposer quelque chose il faut
le définir. En Angleterre par exemple, ils disent il faut travailler de
telle façon mais vous devez nous fournir un format commun, vous devez
fournir la base de données dans ce format là. Et pour fournir
dans ce format là, je vous incite à travailler en BIM. En France,
c'est ni l'un ni l'autre c'est à dire que l'on ditjuste «on fait du
BIM». C'est vrai que l'on ne peut pas l'imposer parce que on ne sait pas
de quoi on parle.
- De grands rapports sont sorties (PICAN, etc.)
sont ils selon vous importants pour l'avancée du BIM en France?
Monsieur TREHEN : Oui bien sur ! Il faut quand même
reconnaitre ce qui est bon de ce qui a été fait. Pour autant, le
PTNB est passé à côté de certaines choses. Certains
rapports sont initiés par le PTNB qui est en quelques sortes la voie de
la France sur le sujet. Et on a besoin d'avoir la voie de la France. Parce que
tout le monde a son opinion. C'est un bon début, c'est un
référentiel. Il faut lire le rapport de la MIQCP venant de
l'état et soutenu par le PTNB qui prend en compte la loi MOP. C'est un
outil de référence et on attend cela dans tous les domaines. Mais
ils auraient pu le faire pour la charte, la convention... Il aurait pu le faire
comme le CCTP est légiféré ou au même titre
Bimisé un CCTP pourquoi pas. Il y a plein de sujet là
dessus.
- Et en terme de responsabilités qu'est que cela
va changer selon vous?
Monsieur TREHEN : Oui le BIM est
un exercice à lourde responsabilité si il estfait comme un acteur
de Maîtrise d'oeuvre. A partir du moment, où l'on manipule la Data
directement, c'est à dire qu'elle est manipulé pour être
mise ailleurs, on est susceptible d'être reconnu comme étant
être l'auteur de cette data. La fondation du BIM, c'est la gestion de la
data. La data circule par les uns et les autres et nous on estjuste là
pour vérifier que les autoroutes sont dégagées, que les
péages sont encore là, savoir si la signalisation est toujours
bien active... Mais on n'est surtout pas là pour prendre la voiture qui
est en panne sur le côté, prendre le volant et terminer la route.
Cela est strictement interdit. On n'est pas vérificateur. Je ne peux pas
toucher à la maquette. Mon rôle est de dire «faites
attention, parce que si vous êtes sur cette branche là, vous
risquez d'avoir un problème plus loin». Mais ce n'est pas moi qui
vais les conseiller d'aller sur telle ou telle branche. On reste dans la
gestion de la data. Et donc la dangerosité de la
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responsabilité du BIM, c'est de mettre en place le
processus dans lequel l'intervention du BIM Manager est indispensable.
- Les responsabilités légales dans le BIM 2.0 et
3.0 vont-elles être modifiées?
Monsieur TREHEN : Oui elles vont être
profondément modifiées. En BIM 2.0, on est encore en fichiers
séparés donc la source de la responsabilité est
parfaitement identifiable. En 3.0 le problème est que la
responsabilité sera déléguée et cela peut
être très grave. C'est comme la responsabilité qui est
déployée lorsqu'on installe un logiciel. Lorsqu'on l'installe, on
a toujours un texte qui nous demande si on a compris. Je ne suis pas
propriétaire du logiciel mais j'ai simplement le droit d'usage. La data
que vous allez rentrer dans le logiciel, j'en suis le seul responsable et que
la solidité de l'information mise dans le logiciel n'est pas de la
responsabilité de l'éditeur. Donc si je ne suis pas capable de la
relire, ce n'est pas de sa faute.
- Mais il peut y avoir d'autres problèmes autres que la
saisie pour l'éditeur non?
Monsieur TREHEN : Non en cliquant sur la charte
d'utilisation, l'éditeur se dédouane de toutes
responsabilités même en cas de bug du logiciel qui entraine des
retards sur le projet. C'est donc le problème du 3.0. Il va falloir
trouver un moyen de savoir comment on peut prouver ce problème à
cause des problèmes informatiques car la partie noyau d'information il
sera nul part, sur un cloud. On aura je pense des assurances spéciales.
Le 3.0 n'existe toujours pas de toute façon. On peut faire croire que le
3.0 existe lorsque tout le monde travaille sur un même logiciel comme
REVIT. Mais ce n'est qu'une impression. Il existe seulement un environnement
dans lequel on touche au 3.0, c'est PDMS qui est une solution de travail. Il
touche au 3.0 car c'est une seule et unique base de donnée disponible
par tous les acteurs plus les process qui vont avec. C'est à dire qu'il
faut que l'information soit validée pour que une autre personne puisse
toucher par la suite à la maquette numérique. On est dans un
process de validation. Toute la chaine d'information doit être
réalisée. C'est comme ça que l'on construit les centrales
nucléaires, tous les bâtiments qui ne demandent aucune
erreur.
- Pourquoi le BIM fonctionne pour confectionner des avions de
chasse et pas pour un bâtiment alors que c'est plus simple?
Monsieur TREHEN : pour la simple et bonne raison est que
l'avion de chasse va être décliné en plusieurs exemplaires.
Le jour où Airbus va dire je vais sortir l'A380, il y aura pensé
15 ans à l'avance. Si vous dites à un maitre d'ouvrage, je vais
mettre quinze ans à construire votre bâtiment, il va vous rigoler
au nez. Et la masse n'est pas le même non plus.
- Avez vous vu les contrats MAF ? Quel est votre avis?
Monsieur TREHEN : Ils ne posent pas le problèmes dans
le bon sens. Ils ont oubliés que le BIM manager n'était pas un
synthétiseur de données. Ils se sont trompés sur son
réel rôle. Il doit mettre en place toutes les infrastructures de
process de données pour que tous les acteurs puissentfaire la maquette
numérique du projet. La maquette numérique à une
échelle donnée c'est tout simplement n'importe quoi. Cela n'a
aucun sens !»
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- Monsieur Trehen, je vous remercie d'avoir répondu
à mes questions.