4.3.3. Le réseau militant
Parmi les libraires indépendants, les militants, les
critiques, etc. les éditeurs qui font preuve d'un engagement ont la part
belle lors du salon annuel « Plumes rebelles » organisé par
Amnesty International à Rennes depuis neuf ans. « Plumes Rebelles
» qui entend contribuer « activement à la vie des
idées, en faisant le pari de la vigilance et de la réflexion
»73 offre une visibilité pour ces petits éditeurs
engagés à l'instar de la maison d'édition Oskar Jeunesse,
fondée à Paris en 1995 et dont l `éditeur, Bertil Hessel,
revendique une démarche « citoyenne et humaniste » à
travers « des histoires pour réfléchir et lutter contre les
préjugés ».74 Même si commercialement,
comme le reconnaît Bertil Hessel, ce type de salons n'a pas grand
intérêt pour les éditeurs jeunesse, dans la mesure
où le public est essentiellement composé d'adultes, il leur
permet néanmoins de se faire connaître des bibliothécaires,
enseignants, éducateurs ou critiques présents et quelquefois
même d'obtenir un article dans la presse.
Toujours dans le milieu militant, nous pouvons
également citer le cas des librairies indépendantes et
engagées. Nous prendrons pour exemple une librairie parisienne,
Quilombo, qui se définit comme un « lieu de rencontres et
d'informations sur les luttes, l'actualité militante et
contre-culturelle. » 75
À côté des rayons pour adultes proposant
des ouvrages traitant du militarisme, du fascisme, du féminisme, de
l'éducation, de l'écologie, etc. chez des éditeurs
engagés tels : Agone, La Fabrique, Les éditions Libertaires,
etc., cette librairie dispose également d'un rayon jeunesse. La
soixantaine d'ouvrages sélectionnés par Caroline
Séchan,
73L'édito du site « Plumes Rebelles »
[en ligne] <http://www.plumesrebelles.org/>
74MORVAN Agnès, « Plumes rebelles
intéresse les éditeurs jeunesse », in Ouest France, 2
fév. 2009. 75Librairie Quilombo [en ligne]
<http://www.librairie-quilombo.org/>
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professeur des écoles et bénévole pour
Quilombo, l'ont été au regard de leur originalité
entendons par là, de leur aptitude à proposer quelque chose
d'innovant capable de surprendre et d'interroger le jeune lecteur par le biais
d'une réécriture des personnages archétypaux dont les
rôles s'inversent (le loup est craintif, la princesse poursuit le dragon
pour sauver son prince, le jeune garçon décide d'élever
son papa, les trois petits cochons rêvent de voitures et de fiestas,
etc.) ou par le biais d'ouvrages dont les contenus traitent de
problématiques sociales subtilement abordées (les
préjugés, l'information dans les médias, l'immigration, la
différence, etc.). La sélection de ces ouvrages amène le
jeune lecteur à reconsidérer ce qu'il pensait connaître ou
savoir. Une telle librairie qui fait le choix d'une rotation lente des livres
pour laisser le temps au public de les découvrir, qui propose des
débats autour des livres et qui se définit comme militante et
engagée, est un bon exemple du type de médiateur dont peut
bénéficier cette littérature de jeunesse dans la mesure
où elle lui est de plus exclusive.
L'édition jeunesse engagée, composée
d'une quantité de petites maisons animées par les convictions de
leur fondateur, même si elle peine à se faire connaître
bénéficie d'un double « réseau-médiateur
», celui du militantisme et celui du livre qui représentent tous
deux des relais indispensables aux catalogues d'éditeurs plus ou moins
connus. De plus, comme nous l'avons vu, les éditeurs développent
eux même des stratégies en ayant recours à des
prescripteurs par le biais de partenariats, de coédition et c'est sans
compter sur le soutien dont ils bénéficient dans le monde
culturel ou éducatif puisqu'ils suscitent l'intérêt des
salons mais aussi du Ministère. L'engagement dans des thèmes
graves, sérieux, difficiles ou dans des productions originales loin
d'être censuré, est salué, à une époque
où il n'est plus synonyme de subversion mais plutôt gage d'une
certaine qualité littéraire et esthétique.
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