UNIVERSITE DE YAOUNDE I
************
FACULTE DES ARTS, LETTRES ET
SCIENCES HUMAINES
************
DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
************
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND
SOCIAL SCIENCES
************
DEPARTMENT OF ANTHROPOLOGY
La pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué
(Ouest Cameroun): contribution à l'anthropologie du développement
Mémoire présenté et soutenu en vue
de l'obtention du Master en Anthropologie
Spécialisation : Anthropologie du
développement
Par :
Fabrice NEMPE MANGOUA
Licencié en Anthropologie
Sous la direction de :
Godefroy NGIMA MAWOUNG
Maître de conférences
Novembre 2010
A la famille MANGOUA
1. REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail n'aurait été
possible sans l'encadrement et le soutien de personnes que nous ne remercierons
jamais assez. Il s'agit de :
Ø Notre Directeur de mémoire, le Dr. Godefroy
NGIMA MAWOUNG qui, en dépit de ses nombreuses responsabilités,
n'a ménagé aucun effort dans le suivi de ce travail.
Ø Le Chef de Département d'Anthropologie, le
Professeur MBONJI EDJENGUÈLÈ
Ø Le Directeur de l'ESSTIC, le Professeur Laurent
Charles BOYOMO
Ø Les enseignants pionniers du Département
d'Anthropologie : Pr. Paul NKWI NCHOJI, Dr. David NKWETI, Dr. Luc MEBENGA
TAMBA, Dr. Célestin NGOURA, Dr. Antoine SOCPA, Dr. Flavien NDONKO, dont
les enseignements, depuis les années antérieures, nous ont fourni
les bases de l'anthropologie.
Ø Leur postérité académique, Dr.
AWAH KUM, Dr. Ignace Bertrand NDZANA, Dr. Paul ABOUNA, Dr. Innocentia AWOH,
Mme Antoinette EWOLO NGAH, M. Paul OTYE ELOM, M. Charles AOUDOU
Ø Dr. Olivier MIKOLASEK, Dr. Victor POUOMOGNE et Dr.
Minette TOMEDI-EYANGO de l'université de Dschang, pour leurs critiques
constructives.
Ø Monsieur Jean Marie ESSOMBA, qui a guidé nos
premiers pas dans l'enquête de terrain, et dont les précieux
conseils ont permis de peaufiner ce travail.
Ø Tous nos informateurs, en particulier M. Antoine MO'O
TETSOPGANG TILAA, pour son hospitalité et sa disponibilité.
Ø Mes chers parents, Sébastien Léopold
MANGOUA et Dorette Chantal PONE, mes frères Hermann TCHUINTE, Igor WANKO
et Cyrille CHAKAM, qui m'ont toujours soutenu et encouragé dans toutes
mes entreprises.
2. ACRONYMES
AFNOR: Association Française de
Normalisation
CELY: Comité d'Etude de la Langue
Yemba
CEREHT : Centre de Recherche sur les Hautes
Terres
CIRAD: Centre International de Recherche
Agricole en Développement
COPIFOPEM: Collectif des Pisciculteurs de
Fokoué et Penka-Michel
EVAD : Evaluation de la
Durabilité
GIC: Groupe d'initiative Commune
IRAD: Institut de Recherche Agricole pour le
Développement
MINADER: Ministère de l'Agriculture et du
Développement Rural
OCHA : Observatoire Cidil de l'Harmonie
Alimentaire
PIC : Pisciculture Intensive
Camerounaise
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PROPELCA : Projet Opérationnel Pour
l'Enseignement des Langues du Cameroun
REPARAC : Renforcement des Partenariats
dans la Recherche Agronomique au Cameroun
SIL : Société Internationale
de Linguistique
3. SIGLES
AVZ : Agents de Vulgarisation de Zone
DSCN : Direction de la Statistique et de la
Comptabilité Nationale
FAO: Food and Agriculture Organization
IITA: Institut International d'Agriculture
Tropicale
ONG : Organisation Non Gouvernementale
PCP : Pôle de Compétence en
Partenariat
PIB : Produit Intérieur Brut
PNVRA : Programme National de Vulgarisation
et de Recherche Agricole
PSSA : Programme Spécial pour la
Sécurité Alimentaire
PVCOC : Projet pour une Pisciculture
Villageoise rentable dans les régions Centre et Ouest Cameroun
SPSS: Statistical Package for Social Sciences
WFC: World Fish Center
4. LISTE DES CARTES
Titres Pages
Carte 1 : localisation de l'arrondissement
de Fokoué
|
Carte 2 : localisation du
département de la Menoua dans la Province de l'Ouest
|
5. LISTE DES PHOTOS
Photo 1 : un silure (Nempe F.
2008)
|
Photo 2 : un tilapia
(Nempe F. 2008)
|
Photo 3 : une carpe
(Nempe F. 2008)
|
Photo 4: un
« kanga » (Nempe F. 2008)
|
Photo 5 : un
étang à moitié plein (Nempe F. 2008)
|
Photo 6 : une
séance de pêche à la senne (Nempe F. 2008)
|
Photo 7 : une
séance de pêche par la capture à mains nues (Nempe F.
2008)
|
Photo 8 : une
récolte de silure (Nempe F. 2008)
|
Photo 9 : une
récolte de carpe (Nempe F. 2008)
|
Photo 10 : une
récolte de tilapia (Nempe F. 2008)
|
Photo 11 : une
récolte de « kanga » (Nempe F. 2008)
|
Photo 12 : Deux
pisciculteurs dans une livraison de « kanga »
à domicile (Nempe F. 2008)
|
6. LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Paradoxe de l'homnivore selon
Paul Rozin 1976)
|
Figure 2 : Déterminants du prix du
poisson d'eau douce élevé
|
Figure 3 : Déterminants de l'offre
de poisson d'eau douce élevé
|
Figure 4: influence des
croyances des consommateurs sur le développement de la
Pisciculture
7. LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : Caractéristiques des
personnes interrogées par sexe et par âge
|
|
Graphique 2 : Distribution de la population
d'étude selon les raisons de la consommation du poisson
|
|
Graphique 3 : Distribution de la population
d'étude selon les préférences dans les types de poisson
d'eau douce élevé
|
|
Graphique 4 : Distribution de la population
d'étude selon les préférences liées à la
texture de la chair du poisson
|
|
Graphique 5 : Distribution de la population
d'étude selon les préférences liées à
état souhaité du poisson au moment de l'achat
|
|
Graphique 6 : Distribution de la population
d'étude selon la nature de la relation consommateur/producteur
|
|
Graphique 7: Distribution de la population
d'étude selon la préférence du lieu d'achat
souhaité du poisson
|
|
Graphique 8 : Distribution de la population
d'étude selon les critères de choix du poisson d'eau douce
élevé
|
|
Graphique 9 : Distribution de la population
d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce
élevé en milieu urbain
|
|
Graphique 10 : Distribution de la
population d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau
douce élevé en milieu rural
|
|
8. LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Inventaire des pisciculteurs et
des étangs - sources : Rapports d'activités annuels des
Délégations régionales du MINEPIA, et IRAD / WorldFish
Center
Tableau 2 : Résultats de l'analyse
financière de quelques systèmes de pisciculture commerciale
(source : FAO/TCP/CMR/3103)
Tableau 3 : fréquences sur les
raisons de consommation du poisson
|
|
Tableau 4 : fréquence sur les
préférences des consommateurs selon le type de poisson
|
|
Tableau 5 : fréquences sur les
préférences liées à la texture de la chair du
poisson
|
|
Tableau 6 : fréquences sur
l'état souhaité du poisson au moment de l'achat
|
|
Tableau 7 : fréquences sur les
relations entre consommateurs et producteurs
|
|
Tableau 8 : fréquences sur le
lieu d'achat souhaité du poisson
|
|
Tableau 9 : fréquences sur les
critères de choix des consommateurs
|
|
Tableau 10 : des fréquences sur les
critères de différenciation entre le poisson d'eau douce et le
poisson de mer établi par les consommateurs
|
|
Tableau 11 : fréquences sur les
raisons du premier achat en milieu urbain
|
|
Tableau 12 : fréquences sur les
raisons du premier achat en milieu rural
|
|
Tableau 13 : liste des informateurs
(agro-pisciculteurs)
|
|
9. TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS
ii
ACRONYMES
iii
SIGLES
iii
LISTE DES CARTES
iv
LISTE DES PHOTOS
iv
LISTE DES FIGURES
iv
LISTE DES GRAPHIQUES
v
LISTE DES TABLEAUX
v
RESUME
xiii
ABSTRACT
xiv
INTRODUCTION
1
1. LE CONTEXTE
1
2. LA JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
3
3. LE PROBLEME
4
4. LA PROBLEMATIQUE
4
5. LES QUESTIONS DE RECHERCHE
6
5.1. La question principale
6
5.2. Les questions secondaires
6
6. LES HYPOTHESES DE RECHERCHE
6
6.1. L'hypothèse principale
6
6.2. Les hypothèses secondaires
6
7. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE
7
7.1. L'objectif principal
7
7.2. Les objectifs secondaires
7
8. LA METHODOLOGIE
7
8.1. Méthodes et techniques de
collecte des données
7
8.1.1. La méthode qualitative
7
8.1.2. La méthode quantitative
9
8.2. Définition des concepts
10
8.2.1. Pisciculture
10
8.2.2. Développement rural
10
8.3. La revue de littérature
10
8.3.1. Les travaux menés sur la
pisciculture et le poisson au Cameroun
10
8.3.2. Des auteurs ayant travaillé
sur la pisciculture et le développement rural
11
8.3.3. Le concept d'innovation
12
8.3.4. Anthropologie et innovation
13
8.3.5. Le point sur le changement des
habitudes alimentaires
14
8.3.6. Le point sur la notion de rejet
alimentaire
15
8.3.7. Le point sur le mangeur humain
16
8.4. Les théories explicatives
16
8.4.1. Le holisme
17
8.4.2. L'individualisme
méthodologique.
18
8.4.3. Le paradoxe de l'Homnivore
19
8.5. Plan de rédaction
22
CHAPITRE I : CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DE
L'ETUDE
24
9. Présentation de l'arrondissement
de Fokoué
24
9.1. Le milieu physique
26
9.1.1. Le relief
26
9.1.2. Le climat
26
9.1.3. La faune
26
9.1.4. La flore
27
9.1.5. L'hydrographie
27
9.1.6. La pédologie
27
9.2. Le milieu humain
28
9.2.1. Un rappel historique
28
9.2.2. L'organisation sociale
29
9.2.3. La vie politique
30
9.2.4. Le contexte économique
31
9.2.5. Les habitudes alimentaires
31
9.2.6. L'artisanat
33
9.3. Contexte historique de la pisciculture
dans l'arrondissement de Fokoué et au Cameroun
34
9.4. Situation actuelle du secteur de la
pisciculture
37
9.4.1. Pisciculture en eau douce
37
9.5. Rentabilité économique de
la pisciculture
41
9.6. La pratique de la pisciculture à
Fokoué
43
9.6.1. Les types de poissons d'eau douce
élevés
43
9.6.2. L'espace piscicole :
l'étang
46
9.6.3. La nutrition des poissons
47
9.6.4. La pêche
48
9.6.5. Les croyances locales liées
à la pisciculture
50
9.6.6. Les mesures préventives
51
9.6.7. Les modes de préparation
culinaires
52
CHAPITRE II : MODES DE DISTRIBUTION, DE
TRANSFORMATION ET DE CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE
53
10. Identification des produits
consommés
53
11. Identification des pratiques
alimentaires liées au poisson d'eau douce élevé
54
11.1. Les pratiques de distribution
54
11.1.1. La logique marchande
54
11.1.2. La distribution selon la logique
non-marchande
55
11.2. Les pratiques d'approvisionnement
55
11.2.1. L'approvisionnement au bord de
l'étang
55
11.2.2. L'approvisionnement sur le
marché local
56
11.2.3. L'approvisionnement au domicile du
pisciculteur
56
11.2.4. L'approvisionnement sur commande
56
11.3. Les pratiques de transformation et de
préparation du poisson d'eau douce élevé
56
11.3.1. La transformation
57
11.3.2. La préparation culinaire
57
11.3.3. La prise alimentaire du poisson
d'eau douce élevé
58
12. Les prix pratiqués
59
12.1. Les différences liées
aux caractéristiques de qualité du poisson
59
12.2. Le moment de la vente
60
12.3. La capacité de
négociation de client
60
12.4. Le type de client
60
13. Les déterminants du prix du
poisson d'eau douce élevé
62
13.1. Le coût de la production
62
13.2. La politique des prix
63
13.3. La confrontation entre offre et
demande
63
14. L'offre de poisson d'eau douce
élevé
64
14.1. La disponibilité et la
variété
65
14.2. Les caractéristiques du poisson
d'eau douce élevé
66
CHAPITRE III : PRESENTATION ET ANALYSE DES
STATISTIQUES DESCRIPTIVES SUR LES PREFERENCES ET LES PRATIQUES DANS LA
CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE
69
15. Analyses descriptives
69
15.1. Définition de quelques
variables explorées
69
15.2. Précisions sur quelques
modalités de réponses
69
15.3. Caractéristiques des individus
enquêtés
70
15.4. Les raisons de la consommation du
poisson à Dschang
71
15.5. Les préférences dans la
consommation du poisson d'eau douce élevé
72
15.6. Les difficultés liées
à la préparation du poisson d'eau douce élevé
73
15.7. Les préférences
liées aux aspects organoleptiques du poisson
74
15.7.1. Le goût du poisson
74
15.7.2. La texture de la chaire
74
15.7.3.
L' « état » du poisson
75
15.8. La relation entre producteur et
consommateur
77
15.9. Les critères de choix du
poisson d'eau douce élevé par les consommateurs
79
15.10. Les raisons du premier achat du
poisson d'eau douce élevé
81
CHAPITRE IV : ESSAI D'INTERPRETATION
SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE
84
16. Des facteurs explicatifs de
l'intégration problématique de la pisciculture dans les
Exploitations Familiales Agricoles
84
16.1. Les facteurs socioculturels ou
« holistes »
84
16.1.1. Les habitudes alimentaires
84
16.1.2. L'espace culinaire
85
16.1.3. Les croyances locales
86
16.1.4. La conception endogène et
exogène de l'innovation piscicole : des logiques parfois
opposées
88
16.2. Les facteurs
socio-économiques
89
16.2.1. Le niveau de vie des paysans
89
16.2.2. Le pouvoir d'achat des
populations
89
16.3. Les facteurs individualistes
89
16.3.1. Les perceptions liées aux
caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce
élevé
89
16.4. « Faire la
pisciculture » : Une pratique non objectivable
91
16.5. Le poisson d'eau douce
élevé et ses représentations
92
16.6. Un aliment
« suspect »
92
16.7. Un aliment identitaire
92
16.8. Un aliment de prestige
93
16.9. Un aliment « bon pour la
santé »
93
16.10. Les comportements des consommateurs
à l'égard du poisson d'eau douce élevé
93
16.10.1. La composante cognitive
94
16.10.2. La composante affective
94
16.10.3. La composante conative
94
16.11. Des consommateurs
néophobes
95
16.12. Des consommateurs
néophiles
96
16.13. La construction des
représentations liées à la qualité du poisson d'eau
douce élevé
96
16.13.1. La composante salubrité
97
16.13.2. La composante nutritionnelle
97
16.13.3. La composante hédoniste
97
16.13.4. La composante relationnelle
98
16.14. Le processus perceptuel des
consommateurs
98
16.15. La subjectivité des
perceptions
99
16.16. La distorsion de la perception
99
16.17. Le processus d'adoption du poisson
d'eau douce élevé par les consommateurs
100
16.18. La construction des
préférences alimentaires autour du poisson d'eau douce
élevé
100
16.19. L'influence des
caractéristiques individuelles
101
16.20. L'influence de la socio-culture
101
16.21. Le poisson d'eau douce
élevé : une innovation alimentaire pluridimensionnelle
102
16.21.1. Au niveau de l'aliment
102
16.21.2. Au niveau des techniques de
préparation culinaire
102
16.21.3. Au niveau social
102
16.21.4. Au niveau économique
103
16.22. Le poisson d'eau douce
élevé : un produit de substitution, une réponse
à un besoin
104
16.23. Les moyens d'internalisation du
poisson d'eau douce élevé par les consommateurs
105
16.23.1. Le principe de flaveur
105
16.23.2. La familiarisation comme moyen
d'internalisation
105
16.23.3. Le rôle des
expériences de préparation et de consommation
106
16.23.4. Les relations sociales
106
16.24. La contribution de la pisciculture au
développement rural
106
16.25. Accroitre le rôle de la
pisciculture dans le développement rural
108
16.26. L'intégration de la
pisciculture dans le développement : du niveau rural au niveau
national
109
CONCLUSION
110
BIBLIOGRAPHIE
114
ANNEXES
124
10. RESUME
Le présent travail de recherche s'intitule Pisciculture
et développement rural dans l'arrondissement de Fokoué :
contribution à une anthropologie des moyens de subsistance. Il a pour
projet initial de saisir les causes profondes qui inhibent le
développement de la pisciculture dans cet arrondissement. Pour ce faire,
la question centrale qui sous-tend notre argumentaire se formule de la
manière suivante : qu'est-ce qui explique la difficulté des
paysans de Fokoué à intégrer la pisciculture dans les
Exploitations Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est
pourvoyeuse ? Les réponses à cette question ont fait appel
à une démarche aussi bien qualitative que quantitative.
Après collecte et analyse des données de terrain, force est de
constater que les freins au développement et à la vulgarisation
de la pisciculture sont d'abord d'ordre socioculturel. Des habitudes
alimentaires à la conception endogène de l'innovation piscicole,
en passant par l'espace culinaire et les croyances locales sont autant de
facteurs qui font en sorte que la pisciculture tarde à prendre son
envol.
Ces freins sont aussi socioéconomiques. Le niveau de
vie des pisciculteurs ne permet pas à ces derniers de pratiquer la
pisciculture de manière durable, et le faible pouvoir d'achat des
populations rend difficile l'accès au poisson d'eau douce
élevé. Les déterminants individuels ne sont pas en reste.
A travers la vue, le gout et le toucher, les perceptions liées aux
caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce
élevé sont à l'origine du désintéressent de
nombreuses personnes par rapport à la consommation de ce type de
poisson. Par ailleurs, les discours des paysans quant à leur implication
dans la pisciculture ne reflètent pas toujours leur comportement,
traduisant ainsi l'existence d'autres enjeux, notamment la recherche de
financements auprès des institutions de recherche. Un regard
parallèle sur ces résultats témoigne de
l'élaboration d'un système de représentation dans lequel
des individus associent l'élevage de poisson d'eau douce dans leur
milieu, à une activité dite « suspecte »,
invraisemblable. Pour les consommateurs de ce type de poisson, on y associe
l'équilibre nutritionnel du corps, l'identité culturelle et du
prestige.
D'un autre côté, les données empiriques
ont mis en exergue un schéma comportemental où l'on retrouve
d'une part, des consommateurs néophobes, pour qui le poisson d'eau douce
élevé constitue un danger potentiel par son ingestion et suscite
de ce fait méfiance et réticence. D'autre part, on a des
consommateurs néophiles, qui trouvent dans le fruit de la pisciculture,
un objet de curiosité et un moyen de varier ou d'enrichir leur
alimentation. En dernière instance, nous avons pu relever auprès
d'autres consommateurs, de façon mesurable, des tendances
préférentielles qui accordent de grandes chances au poisson d'eau
douce élevé, d'être intégré de manière
permanente dans les habitudes alimentaires des consommateurs. Cette
possibilité serait alors l'atout majeur pour l'intégration de la
pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles des paysans de
Fokoué.
11. ABSTRACT
The title of the present research work is Fish farming and
rural development in Fokoué: contribution to an anthropology of the mean
subsistence. It has for initial project to understand the deep reasons that
inhibit the development of fish farming in this area. In this way, the central
question that underlies our argumentation is formulated in the following
manner: what explains the difficulty of the peasants of Fokoué, to
integrate fish farming in the Agricultural Domestic Exploitations, in spite of
the advantages it supplies? The answers to this question called on qualitative
and quantitative methods. After collection and analysis of data, strength is to
note that obstacles to the development and vulgarization of fish farming are
first sociocultural. From food habits to the endogenous conception of the fish
farming innovation, passing by culinary space and the local beliefs are as many
factors that make so that the fish farming is long in taking its takeoff.
These obstacles are also socio-economic. The poverty of fish
farmers doesn't allow them to practice their activity in a lasting manner, and
the weak spending power of the populations makes difficult the access to the
elevated freshwater fish. The individual determinants are not in rest. Through
view, taste and touch, the perceptions linked to the «organoleptic»
characteristics of the elevated freshwater fish are to the origin of dismissal
of some people in relation to the consumption of that kind of fish. A parallel
look on these results reveals the development of a representation system in
which individuals associate the raising of freshwater fish in their middle, to
the idea of suspicion, of improbability. For the consumers of this type of
fish, one associates the nutritional balance of the body, the cultural identity
and the prestige.
On another side, empiric data have put in inscription a
behavioral diagram where one recovers on the one hand, some neophobic
consumers, for who the elevated freshwater fish constitutes a potential danger
by its ingestion and causes distrust and reticence. On the other hand, one has
neophilic consumers, who find in the elevated freshwater fish an object of
curiosity and a means to vary or to enrich their food. In last process, we
could raise from the consumers, in a measurable way, some preferential
tendencies that grant big odds to the elevated freshwater fish, to be
integrated in a permanent manner in the food habits of the consumers. That
possibility would be the major asset for the integration of fish farming in the
Agricultural Domestic Exploitations of the peasants of Fokoué.
INTRODUCTION
1. LE CONTEXTE
Les moyens de subsistance et d'acquisition des revenus en
milieu rural regroupent principalement l'agriculture et l'élevage. Ces
activités contribuent de manière significative au
développement rural et à la sécurité alimentaire
des populations. Seulement, un regard porté sur les conditions de vie de
ces populations semble démontrer que le travail agro-pastoral ne suffit
pas à améliorer le quotidien. Ce qui amène les paysans
à s'intéresser à des activités différentes,
voire novatrices et susceptibles de leur apporter des solutions. De ce fait, la
pratique d'une nouvelle activité de production dans une
société donnée, implique l'introduction d'un produit
alimentaire nouveau dans cette société. Ceci nous conduit au
concept d'innovation alimentaire. Avant de poursuivre notre propos introductif,
il n'est pas inutile de clarifier le concept d'innovation alimentaire, pour
mieux circonscrire notre objet d'étude.
Dans son acception la plus simple, l'innovation est une chose,
une idée ou un procédé nouveau. C'est l'action d'apporter
ou de créer quelque chose de nouveau ou d'agir d'une manière
nouvelle. Dans l'ordre de l'alimentaire, il s'agirait pour une
communauté de personnes, d'intégrer dans leur système
alimentaire un aliment qui n'y figure pas. Une dynamique qui donne lieu
également à des mutations plus ou moins visibles dans les modes
de préparation culinaires y afférents et l'élaboration
d'un système de représentation et des perceptions relatifs
à cet aliment.
Vu sous cet angle, l'innovation alimentaire est un
phénomène observable dans toutes les sociétés
humaines. Au Cameroun, on peut évoquer l'exemple du
« kossam » introduit dans les habitudes
alimentaires des populations urbaines, dans la ville de Yaoundé
(Essomba, 2004). Le cas qui a retenu notre attention et donc celle de
l'anthropologie du développement, fait référence au
poisson d'eau douce dans l'arrondissement de Fokoué (Dschang).
Parlant du poisson, puisqu'il est au centre de notre
étude, il représente une source importante de protéines
animales (Delgado et al, 2003, Huang et Bouis 1996). Son importance pour la
sécurité alimentaire au Cameroun est essentielle avec plus de 44%
des apports en protéines animales, soit 7,6 % des apports en
protéines totales et 11% de la consommation alimentaire des
ménages (DSCN 1998). C'est un aliment consommé partout dans le
monde, car il constitue une source de protéines (17 à 20%)
sensiblement identique à la viande. Il apporte aussi une grande
quantité de sels minéraux et de vitamines nécessaires
à la santé humaine. Une petite quantité de poisson
intégrée à une préparation culinaire à base
de céréales ou de tubercules, améliore la valeur
nutritionnelle du plat. Le manque de protéines animales peut
entraîner chez l'enfant par exemple, un déséquilibre
physique et intellectuel. Pour toutes ces raisons, il devient
bénéfique de consommer du poisson, car il contribue à
l'équilibre du corps et jouit d'un intérêt social, culturel
et économique. De toutes les catégories de poisson consommable et
consommé, celle qui nous intéresse est issue de la
pisciculture.
La pisciculture désigne l'élevage des poissons
en eaux douces, saumâtres ou salées. Elle est une branche de
l'aquaculture qui, elle, est un terme générique renvoyant
à toutes les activités de production animale ou
végétale en milieu aquatique. Au Cameroun en
général et dans l'Ouest du pays en particulier, la pisciculture
date de 1948 (Kouam, 2003). Cette activité a pris, au cours de
l'année 1952, un départ remarquable en région Bamoun. Le
Sultan de Foumban, chef spirituel des Bamoun, donna l'exemple en faisant
creuser le premier, un étang au début de cette même
année. En avril, il en existait une dizaine, 300 en août, 800 au
début du mois d'octobre. Leur nombre continue de s'accroître et
dépasse actuellement le millier. Ces résultats n'ont pas
manqué d'impressionner les populations voisines (notamment les Dschang)
qui, peu portées aux innovations, avaient accueilli avec méfiance
en 1951 cette nouvelle activité. Jusqu'à nos jours, la
pisciculture demeure une solution pour pallier les importations de poisson
congelé et constitue, pour les producteurs, une source consistante de
revenus et de protéines de qualité. Elle est donc d'un apport
certain pour le développement des populations concernées.
D'après Soua et al (2004), la production moyenne tourne autour de 2t/ha
par an. Quant à Pouomogne, (1998), le potentiel de production dans les
milieux respectant l'environnement est estimé à 20.000 tonnes.
La grande partie des produits issus de cette activité est
orientée vers l'autoconsommation et le marché rural (Oswald et
Pouomogne, 2000). Mais, le Cameroun importe encore le poisson congelé
pour un montant moyen de 20 milliards de FCFA par an (WFC, 2003).
Contrairement à l'agriculture, la pisciculture est une
activité récemment introduite dans l'arrondissement de
Fokoué. Elle n'est pas marquée du sceau de la tradition, mais
peut plutôt être considérée comme une innovation. De
ce point de vue, le produit qui en ressort, à savoir le poisson d'eau
douce élevé, ne fait pas partie des habitudes alimentaires des
populations locales. Face à un système de production alimentaire
d'un genre nouveau qu'est la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué, ce travail porte son attention sur les paramètres
socioculturels qui ne facilitent guère son intégration dans
Exploitations Familiales Agricoles des paysans. Cette étude s'inscrit
dans le champ de l'anthropologie du développement. En effet, la
pisciculture est une activité potentiellement lucrative dans
l'arrondissement de Fokoué. Les efforts consentis à travers
l'appui de certains organismes et institutions (Coopération
Française ; IRAD ; CIRAD ; REPARAC ;
Université de Dschang) ont pour objectif de la développer de
façon durable dans cette localité. En plus de ses apports sur le
plan nutritionnel, elle peut générer des revenus et contribuer
ainsi au développement rural. C'est pourquoi ce thème suscite
l'intérêt de l'anthropologie du développement. Mais,
présentées de cette manière, toutes ces raisons ne
suffisent pas à justifier le choix de ce sujet.
2. LA JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET
· Raison personnelle
Dans la province du Centre où nous résidons, le
poisson d'eau douce a toujours fait partie des denrées quotidiennement
vendues dans les marchés de la ville. Ils sont très
appréciés par les consommateurs et attirent beaucoup de clients,
d'autant plus qu'ils se vendent généralement vivants, gage de
leur bonne qualité. Pourtant, lors d'un voyage dans la région de
Dschang, un fait inhabituel a attiré notre attention. La présence
du poisson d'eau douce à l'état vivant sur le marché local
a produit un effet contraire à ce que nous avons souvent observé
chez les consommateurs du Centre. En effet, à la vue de ces poissons,
beaucoup de personnes sont effrayées. Pendant que certains prennent la
fuite, d'autres se tiennent à distance pour les observer. Cette attitude
a suscité en nous le désir de comprendre comment les individus
peuvent réagir et surtout la place qu'ils peuvent accorder à un
élément nouveau qui s'introduit dans leur culture.
· Raison scientifique
Notre recherche documentaire relève qu'il existe de
nombreux travaux menés sur le thème du développement
rural. Cependant, nous nous sommes rendu compte que, ceux-ci s'appesantissent
généralement sur l'agriculture, l'artisanat, l'élevage
bovin, ovin et l'aviculture. Quant à l'élevage de poisson, qui
gagne de plus en plus du terrain, il semble moins susciter
l'intérêt des spécialistes du social. Pour cette raison,
nous avons souhaité y apporter une modeste contribution, à
travers une réflexion sur la pisciculture et le développement
rural dans l'arrondissement de Fokoué.
3. LE PROBLEME
Tout individu aspire au mieux-être. Les paysans de
l'arrondissement de Fokoué dans le département de la Menoua, ne
dérogent pas à ce principe. L'agriculture qu'ils pratiquent
traditionnellement et la vente des produits qui en dérivent, leur
permettent de résoudre une partie de leurs problèmes quotidiens.
Seulement, le niveau de vie de ces populations permet de constater que,
l'exploitation vivrière du sol s'avère insuffisante pour
améliorer leurs conditions de vie, d'où la recherche de solutions
dans d'autres activités génératrices de revenus. A cet
effet, le milieu naturel ambiant, notamment la qualité du sol, le climat
et la configuration du relief, présentent des caractéristiques
propices à la construction des étangs et favorables à
l'élevage de poisson. Dans le même sens, l'intervention de
l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD) et de la
Faculté des Sciences Agronomiques (FASA) de l'Université de
Dschang sur le site, a permis de démontrer un réel potentiel
exploitable pour la pisciculture, compte tenu de ses avantages sur le plan
économique et nutritionnel. Au vu de tous ces atouts, on se serait
attendu à ce que la pisciculture soit considérée comme une
manne et soit pratiquée à grande échelle. En outre, le
projet de Renforcement des Partenariats dans la Recherche Agricole au Cameroun
mis en oeuvre à partir de l'année 2006 visait à encourager
et à subventionner la pratique de la pisciculture dans cet
arrondissement, à travers la Construction des Innovations en
Partenariat (CIP) : le cas de la pisciculture dans les Exploitations
Familiales Agricoles des Hautes Terres de l'Ouest et de la Plaine des
Mbos.
Pourtant, malgré le potentiel environnemental, les
subventions accordées et les avantages économiques et
nutritionnels liés à l'élevage du poisson d'eau douce dans
l'arrondissement de Fokoué, l'intégration de la pisciculture dans
les Exploitations Familiales Agricoles reste problématique.
4. LA PROBLEMATIQUE
Le développement rural se présente sous divers
aspects, mais il est plus particulièrement assimilé au
développement du secteur agricole, qu'on considère
généralement qu'il est le mieux à même de
réduire la pauvreté et garantir la sécurité
alimentaire. La pisciculture constitue une composante importante parmi les
systèmes de production et d'exploitation agricole. Elle revêt une
importance à caractère économique, car la
commercialisation du poisson d'eau douce élevé, en tant que
produit issu de cette activité, peut permettre à ses praticiens
d'accroitre leurs revenus et améliorer leurs conditions de vie.
Outre le revenu, les avantages de la pisciculture dans le
développement rural concernent la santé, la nutrition, la
réduction de la vulnérabilité et la durabilité de
l'exploitation agricole. Selon M. Halwart du département des
pêches à la FAO (2005), la pisciculture pratiquée dans le
cadre de petits systèmes de production fournit des protéines
animales de haute qualité et des acides gras essentiels, des vitamines
et des minéraux, surtout pour les groupes vulnérables tels que
les femmes enceintes et les mères allaitantes, les nourrissons et les
enfants d'âge préscolaire, à des prix qui sont
généralement abordables, même pour les segments les plus
pauvres de la communauté.
Par ailleurs, à titre d'avantages indirects, il
convient de citer la disponibilité accrue du poisson sur les
marchés locaux, ruraux et urbains, ainsi que la réduction
concomitante des dépenses des ménages grâce à une
consommation moindre d'autres produits de l'exploitation constituant des
sources de revenu. Eu égard à tous ces atouts, il n'est
guère surprenant que la production piscicole ait rapidement
progressé depuis les années 1970, et ait été le
secteur de production alimentaire ayant connu la croissance la plus rapide dans
de nombreux pays depuis près de deux décennies (taux de
croissance de plus de 11% par an depuis 1984), Halwart, 2005.
La pisciculture jouit donc d'un intérêt
économique et nutritionnel certain, au regard de son rôle dans
l'acquisition des moyens de subsistance en milieu rural et de ses apports dans
l'alimentation des populations. C'est ainsi que dans d'autres univers culturels
lointains, la pisciculture a été introduite et vulgarisée
avec succès, notamment en République Centrafricaine (Deceuninck,
1982) et au Sénégal (Diouf, 1990).
Au Cameroun, la pisciculture pratiquée est uniquement
celle en étangs et en eau douce (Satia, N.B.P., 1991). Dans l'ouest du
pays, plus précisément dans l'arrondissement de Fokoué
(Dschang), l'élevage de poisson a été introduit dans le
but d'aider les paysans à accroitre leurs revenus. A ces débuts,
le produit de la pisciculture était destiné à
l'autoconsommation. Il se limitait simplement à une consommation par les
familles de quelques producteurs. Mais, en raison des moyens financiers
très limités, des techniques d'élevage rudimentaires et
des difficultés liées au creusage des étangs, la
pisciculture à Fokoué a connu une période
d'inactivité. Quelques années plus tard, avec l'arrivée
des Peace Corps (ONG américaine), puis la Coopération
Française, et d'autres institutions de recherche telles que l'IRAD, le
CIRAD et la FASA de l'université de Dschang, les pisciculteurs ont
acquis de nouvelles connaissances et techniques leur permettant
d'améliorer leur rendement. Aussi, face à des récoltes
plus conséquentes, les producteurs (organisés en un GIC) ont
décidé de passer d'une pisciculture d'autoconsommation à
une pisciculture marchande. Quelque temps après les premières
expériences de vente, on a pu observer que les pisciculteurs
abandonnaient peu à peu leurs étangs. C'est ainsi qu'on est
passé de près de 40 pisciculteurs à moins d'une dizaine.
En plus, de nouvelles interventions des ONG et des institutions de recherche
n'ont pas suffi à susciter de façon durable,
l'intérêt des paysans pour la pisciculture. C'est la situation qui
nous a amené à nous poser les questions suivantes :
5. LES QUESTIONS DE RECHERCHE
5.1. La question principale
Qu'est-ce qui explique la difficulté des paysans de
Fokoué à intégrer la pisciculture dans les Exploitations
Familiales Agricoles, malgré les avantages dont elle est
pourvoyeuse ?
5.2 Les questions
secondaires
· Comment les populations se représentent-elles le
poisson d'eau douce élevé ?
· Quels comportements ces populations adoptent-elles
à l'égard du poisson d'eau douce élevé ?
· Quels sont les déterminants de la consommation
et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé ?
6. LES HYPOTHESES DE RECHERCHE
6.1. L'hypothèse principale
La difficulté des paysans à intégrer la
pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles est due aux habitudes
alimentaires des populations, aux représentations qu'elles ont du
poisson d'eau douce élevé et aux contraintes financières
liées à la pratique de la pisciculture.
6.2 Les
hypothèses secondaires
· Les populations se représentent le poisson d'eau
douce élevé comme un aliment « suspect », car
inhabituel.
· Les populations Dschang adoptent deux types de
comportement face au poisson d'eau douce élevé. Certains s'en
méfient et refusent même de s'en approcher, tandis que d'autres
font preuve de curiosité, ils sont attirés, ils veulent
découvrir ce nouvel aliment.
· Les déterminants de la consommation et de la
non-consommation du poisson d'eau douce élevé sont socioculturels
et économiques, mais également liés aux
propriétés organoleptiques du poisson.
7. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE
7.1. L'objectif principal
Expliquer la difficulté des paysans de Fokoué
à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales
Agricoles, malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse
7.2. Les objectifs secondaires
· Voir comment les populations se représentent le
poisson d'eau douce élevé
· Voir quels comportements les populations adoptent
à l'égard du poisson d'eau douce élevé
· Identifier les déterminants de la consommation
et de la non-consommation du poisson d'eau douce élevé
8. LA METHODOLOGIE
Cette partie fait état des techniques
et de l'outillage mobilisés pour la collecte et l'analyse des
données de l'étude. Selon Mbonji Edjenguèlè (2005),
« La méthode est la manière
d'aborder l'objet d'étude, le chemin parcouru, la voie à suivre
par l'esprit humain pour décrire ou élaborer un discours
cohérent, atteindre la vérité de l'objet à
analyser. »
Ainsi, pour collecter les données dont nous avions
besoin, notre recherche sur terrain a été scindée en deux
phases à savoir une enquête qualitative et une enquête
quantitative.
8.1. Méthodes et techniques de collecte des
données
8.1.1. La
méthode qualitative
La phase qualitative de notre recherche avait pour objectif de
recueillir les informations relatives au système de production du
poisson d'eau douce, les dits et les non dits traduisant les perceptions, les
représentations, les croyances et les comportements y afférents.
L'ensemble de nos informateurs était constitué
d'une part de 9 pisciculteurs (les plus actifs) résidant dans
l'arrondissement de Fokoué, car c'est la principale zone où
s'exerce la pisciculture. D'autre part, nous avons ciblé une dizaine de
ménages où le poisson d'eau douce élevé est
consommé, afin d'en déterminer les modalités,
représentations, les perceptions.
· Les entretiens approfondis
Ils ont été menés d'abord auprès
des pisciculteurs, pour comprendre le procédé de production du
poisson d'eau douce élevé, les pratiques qui sont prises en
compte dans la gestion des étangs, les différentes destinations
du produit et les difficultés liées à l'activité
piscicoles. Puis auprès des ménages sélectionnés. A
ce niveau, il a été question d'aborder les modes de
transformation et de consommation du poisson d'eau douce élevé.
Cela nous a également permis de saisir les représentations, les
perceptions et surtout la place que ces populations accordent à ce type
de poisson.
· L'observation directe
Nous avons assisté aux vidanges des étangs,
afin d' identifier les types d'acteurs qui participent à cette
activité ainsi que les types de poissons qui sont
péchés , fumés, séchés , consommés et
vendus. Ensuite, nous avons eu l'occasion de relever tous les gestes
posés par les différents acteurs. Cette étape de
l'enquête s'est déroulée lors de la pêche sur le
terrain. Par ailleurs, au moment de la commercialisation, l'observation nous a
également permit de relever les attitudes, les comportements des
consommateurs face à ce type de poisson.
· La méthode des
« itinéraires »
Les méthodes des
« itinéraires » à été mise au
point par Dominique Desjeux (1998), pour étudier les
phénomènes de consommation alimentaire. Elle consiste à
suivre l'itinéraire d'un acteur dans son rapport avec un produit
alimentaire, de sa production jusqu'à ses différents usages, en
passant par les pratiques de distribution et de transformation. En plus, cette
méthode prend en compte les divers autres acteurs qui interviennent
dans ce processus. Selon Desjeux, en partant plus des pratiques des acteurs,
que de leurs motivations ou de leurs intentions, elle permet de reconstruire ce
qui «conditionne» les choix des acteurs, c'est-à-dire les
structures du quotidien. Elle recherche au sein de ces structures, les marges
de manoeuvre des acteurs, la part de routine et de changement qui organise les
usages domestiques.
Appliquée à notre étude, la
méthode des « itinéraires » nous à
permis de suivre les trajectoires du poisson d'eau douce élevé et
de son consommateur, à partir de la pêche, de la distribution, de
la transformation jusqu'à la consommation.
· Les causeries spontanées
Les causeries spontanées sont celles que nous avons
menées inopinément, dans un cadre informel. C'est le cas des
causeries qui ont eu lieu pendant un repas avec un informateur, durant la
marche pour se rendre à l'étang ou encore pendant la vente des
poissons. Nous avons intégré cette technique à notre
démarche parce qu'elle permet d'obtenir des informations assez
pertinentes lorsque le chercheur et son informateur se trouvent dans une
situation « hors enquête » et donc, dans une
atmosphère de relative confiance et de détente.
8.1.2. La
méthode quantitative
A l'issue de notre enquête qualitative, la
récurrence de certains points de vue a donné lieu à
l'élaboration d'un questionnaire dont l'objectif était de
quantifier les données obtenues sur les préférences des
consommateurs par rapport aux différents types de poisson, les
critères de choix, les fréquences de consommation, les modes et
difficultés liées à la préparation de ces
poissons...
· Le questionnaire
Le questionnaire, qui s'étend sur quatre pages,
comporte une section sur les variables sociodémographiques des
enquêtés et une section sur relatives au thème proprement
dit. Plus concrètement, il est fait de questions fermées et de
quelques questions ouvertes qui mesurent les variables identifiées au
cours de l'enquête qualitative. Celles-ci portent sur les
préférences, perceptions et les pratiques liées à
la consommation du poisson d'eau douce élevé.
L'enquête a été réalisée
uniquement auprès des personnes ayant déjà consommé
le poisson d'eau douce élevé au moins une fois. Etant
donné que ces personnes sont peu nombreuses, nous avons recouru à
l'aide des pisciculteurs qui nous ont orientés vers ces clients. C'est
ainsi que nous avons décidé d'enquêter 100 personnes, sur
les 106 identifiées. Nos enquêtés ont alors
été réparties de manière égale entre la zone
rurale (Fokoué) et la zone urbaine (ville de Dschang).
· L'analyse statistique
Les données recueillies par questionnaire pour les
besoins de cette recherche ont donné lieu à un traitement
d'enquête. Celui-ci a consisté au dépouillement
assisté par ordinateur, qui comprend lui-même trois phases
à savoir la catégorisation, le codage et la synthèse des
données sur des fiches. Ce traitement a aboutit à des tableaux de
fréquences et des graphiques réalisés à partir du
logiciel Statistical Package for Social Sciences (SPSS) et Microsoft
Office Excel 2003. Cette méthode a l'avantage de manipuler très
rapidement un grand nombre de variables et de conférer une certaine
clarté aux résultats lorsque les ressources de la
présentation graphique des informations sont mises à profit.
8.2. Définition des concepts
8.2.1.
Pisciculture
La pisciculture est une branche de l'aquaculture qui
désigne l'élevage des poissons en eaux douces, saumâtre ou
salée (Wikipédia.htm, 2010). Elle renvoie également
à l'élevage intensif de poisson et de crustacés d'eau
douce et de mer dans des bassins ou des cages d'élevage. Cet
élevage est parfois appelé aquaculture qui, au sens strict du
terme, comprend également la culture des plantes aquatiques. On peut
situer l'origine de la pisciculture au début de l'élevage de la
carpe, il y a plus de deux mille ans (Encarta, 2009).
8.2.2.
Développement rural
Le développement rural est
un ensemble coordonné d'actions de développement,
d'aménagement et de réaménagement entreprises ou conduites
en milieu rural par une commune, dans le but de sa revitalisation et de sa
restauration, dans le respect de ses caractéristiques propres et de
manière à améliorer les conditions de vie de ses habitants
au point de vue économique, social et culturel (Wallonne, 1991). Le
développement rural consiste donc à mettre en valeur le potentiel
des communautés rurales en favorisant l'implication des citoyens, la
concertation et le partenariat entre les différents acteurs d'un
territoire rural. Les ruraux deviennent alors en partie responsables de
l'évolution et du développement de leur communauté et
acteurs importants de la scène rurale en jouant un rôle de premier
plan.
8.3. La revue de littérature
8.3.1. Les travaux
menés sur la pisciculture et le poisson au Cameroun
Ø D'entrée de jeux, précisons que la
seule étude menée sur le poisson d'eau douce au Cameroun est
celle des stratégies de commercialisation du poisson d'eau douce
frais sur le marché de Yaoundé, réalisée par
Soua Mboo Nelly Nicaise et James Gockowski
(2004) de l'International Institute of Tropical Agriculture (IITA). Elle
s'insère dans le cadre des activités de recherche PCP Grand sud
2004. Dans cette étude, les auteurs avaient pour objectif de
déterminer la structure du marché, identifier les principaux
acteurs impliqués et établir les relations entre acteurs tout en
dégageant les principaux atouts et contraintes de l'activité. Il
en ressortait alors que, le poisson, denrée hautement périssable
est donc disponible sur le marché mort et/ou vivant en fonction des
espèces (tilapia, 'kanga'' et silure). Toutefois la saisonnalité
du produit induit des hausses et des baisses de prix sur le marché.
Cette étude montre également la prépondérance des
femmes dans la vente du poisson (contrairement à fokoué) et leur
habilité à s'adapter à un circuit de commercialisation
avec des moyens relativement modestes alors que les hommes se retrouvent
essentiel en amont du processus. La délimitation de ce travail dans un
champ strictement économique confère à notre étude
une certaine originalité, car nous nous intéressons plutôt
aux aspects socio-anthropologiques de la consommation du poisson d'eau douce
élevé.
Ø Grosse (2009), Economiste,
enseignant-chercheur, de l'Ecole supérieure d'agro développement
international, a conduit une étude intitulée La place du
poisson dans la consommation alimentaire des villageois des régions
Centre et Ouest du Cameroun. En montrant que le poisson est
très présent dans les habitudes alimentaires des villageois des
zones d'intervention du PVCOC (Projet pour une Pisciculture Villageoise
rentable dans les Régions Centre et Ouest du Cameroun) et qu'il
apparaît clairement comme la principale source protéique animale,
cette étude a mesuré la consommation de poissons et la
participation de celle-ci à l'apport protéique animale des
villageois des zones concernées. L'analyse des enquêtes
réalisées auprès des villageois des zones d'intervention
du PVCOC en régions Centre et Ouest du Cameroun a fait clairement
apparaître le rôle clé du poisson dans leur alimentation. En
effet, il participe à 52% des repas au Centre et 80% à l'Ouest.
Les dépenses hebdomadaires en poisson atteignent 2491 FCFA au Centre et
2089 FCFA à l'Ouest. Ces dépenses représentent une
consommation annuelle de poisson frais par personne comprise entre 34 et 37
kg.
Le développement et la vulgarisation de la pisciculture
offre des possibilités de lutter contre la pauvreté et
conjointement d'améliorer la nutrition des populations rurales. Ainsi,
les efforts fournis dans ce sens, tel que nous l'avons observé dans
l'arrondissement de Fokoué, ont été
expérimentés sous d'autres cieux. Il s'agit donc maintenant
d'avoir un bref aperçu de quelques expériences piscicoles
similaires et particulièrement intéressantes, qui ont eu lieu
dans d'autres univers culturels.
8.3.2. Des auteurs
ayant travaillé sur la pisciculture et le développement
rural
Ø Deceuninck (1982), dans son ouvrage
Etudes nationales pour le développement de l'aquaculture en Afrique a
démontré le lien entre la pisciculture et le développement
rural en République Centrafricaine. La pisciculture y a
été introduite dans les années 1952 et a connu son
apogée vers les années 1958 avec 12000 à 20000
étangs appartenant à des pisciculteurs ruraux. Selon cet auteur,
le Projet régional PNUD/FAO (1968-1978) mis en oeuvre, avec pour
objectif la formation et la recherche piscicole, a permis d'améliorer
les conditions de vie des populations en poussant la production de 1-2 T/ha/an
à 4-10 T/ha/an. La pisciculture fait désormais partie de la vie
socio-économique des communautés rurales Centrafricaines. Cet
impact est le résultat d'une action de la vulgarisation dans le milieu
rural pendant de nombreuses années et sa pénétration
connaît encore un progrès constant. Par ailleurs, Deceuninck
ajoute que des pisciculteurs de plus en plus jeunes se lancent dans la
pisciculture, assurant ainsi la pérennité de cette
activité. Etant surtout une « affaire d'homme », une
étude sociologique est actuellement en cours dans les alentours de
Bangui pour voir comment le phénomène est perçu par les
femmes.
Ø Au Sénégal, Papa Samba
Diouf (1990) relève que la pisciculture artisanale de petite
production marchande, intégrée aux systèmes de production
agricole existants (comme celle pratiquée à Fokoué), est
celle qui correspond le mieux aux communautés rurales. Elle a l'avantage
de fournir aux paysans des revenus supplémentaires et de ne pas demander
des investissements très lourds.
Ø Les travaux de Haling, Ben
Yami et Lisac (1977) sur la pisciculture gabonaise
mentionnent que celle-ci est utile pour tenter de remédier aux carences
en protéines animales dans l'alimentation des populations rurales. Pour
ces auteurs, la contribution de la pisciculture au développement rural
passerait par une relance de cette activité, comme d'améliorer la
production alimentaire de la population, particulièrement en milieu
rural où le déficit en protéines animales est
inquiétant.
Ainsi, des trois cas d'expérimentations piscicoles
évoqués ci-dessus, il apparait que, malgré quelques
obstacles, la pisciculture constitue un atout pour développement de
communauté rurale, à travers la production et la
commercialisation du poisson.
Il existe d'autres cas, qu'il n'est pas nécessaire
d'évoquer ici car, notre objectif était simplement de montrer que
les expériences d'implantation de la pisciculture ont été
tentées ailleurs et qu'elles ont attiré l'attention des sciences
de l'Homme. Rappelons le encore, notre souci dans cette partie du travail
était d'abord de démontrer que l'introduction de la pisciculture
au Cameroun en général et dans l'arrondissement de Fokoué
en particulier n'est pas une exclusivité en Afrique subsaharienne.
Ensuite, il était question de mettre en évidence le point de vue
de certains auteurs, sur le lien entre la pisciculture et le
développement rural car, cela pourrait aider à éclairer
davantage notre problématique. Sous un autre angle, la pisciculture dans
l'arrondissement de Fokoué est une innovation, ce qui nous amène
également à faire le point sur ce concept.
8.3.3. Le concept
d'innovation
Une innovation est définie comme une idée, une
pratique ou un objet qui est perçu comme nouveau par un individu ou une
autre unité d'adoption (Rogers, 2003). De nombreuses
idées nouvelles sont des innovations technologiques et la plupart de ces
technologies ont deux composantes : une composante matérielle qui
consiste en l'ensemble des dispositions matérielles (objets physiques)
qui font partie de cette technologie (ex : un étang), puis une
composante immatérielle que constitue le savoir faire inhérent
à cette technologie (ex : les connaissances relatives aux
techniques de pêche et à l'entretien des étangs). Les
caractéristiques d'une innovation telles que perçues par les
membres d'un système social, déterminent son niveau d'adoption.
Rogers (2003) distingue cinq variables qui sont considérées comme
les attributs d'une innovation : avantage relatif, compatibilité,
complexité, triabilité et observabilité.
8.3.4.
Anthropologie et innovation
Pour Pierre Yves Guiheneuf (1993),
l'anthropologie a peu étudié l'innovation, qui n'est
généralement pas considérée par la discipline comme
un objet scientifique. Son étude s'est souvent fondue dans celle du
changement social. Cependant, plusieurs travaux en socio-anthropologie y font
référence. Selon la façon dont ils abordent l'innovation,
on peut distinguer les points de vue suivants:
a- L'innovation en tant que processus de
diffusion
Dans cette rubrique, le point de vue dominant est le paradigme
épidémiologique. Son porte-drapeau est l'américain
Everett Rogers, dont l'étude pionnière portait
sur la diffusion du maïs hybride dans l'Iowa. C'est cette école,
qui a suscité depuis lors des milliers d'études de cas, qui a mis
en évidence la courbe en S qui décrit le rythme d'adoption d'une
innovation dans un milieu donné, et qui classe la population en 5
groupes à savoir les innovateurs précoces, les adopteurs
précoces, la majorité précoce, la majorité tardive
et les retardataires.
b- L'innovation en tant qu'enjeu social
Cette école, assez ancienne, étudie l'innovation
dans les enjeux locaux, et notamment les rapports de pouvoir. Son étude
pionnière a porté sur la diffusion du maïs hybride dans le
Sud-Ouest de la France. A partir d'une analyse de la place occupée dans
la société par les porteurs de l'innovation, ces travaux ont
montré que l'innovation a des impacts sociaux qui ne s'arrêtent
pas à son adoption : elle peut s'intégrer dans des
stratégies visant à pérenniser ou au contraire à
bouleverser la structure sociale.
c- L'innovation en tant que production du savoir
populaire
Paul Richards, socio-anthropologue anglais,
s'est intéressé aux petites innovations techniques, permanentes
mais peu reconnues. Il les interprète comme une forme de RD paysanne, de
recherche populaire.
d- L'innovation en tant que
réinterprétation
Norman Long ou Jean-Pierre
Darré illustrent bien cette école, qui étudie la
réinterprétation des messages reçus par les paysans, et la
capacité de ces derniers à produire du sens sur l'innovation. Ils
mettent l'accent sur le calcul stratégique des innovateurs.
Ces points de vue ne sont pas nécessairement exclusifs.
Ce qui peut être dangereux en revanche, c'est de s'enfermer dans des
courants de pensée à caractère dogmatique comme l'utopisme
paysan ou l'exaltation des systèmes de signification locaux. D'ailleurs,
certains principes concernant l'innovation et connus depuis le début du
siècle, sont largement admis. Par exemple:
- le principe de désarticulation (adoption par parties
de paquets techniques proposés aux paysans)
- le principe de détournement (une innovation est
adoptée pour satisfaire d'autres objectifs que ceux envisagés
à l'origine).
L'innovation est toujours un jeu interactif, dans lequel les
médiateurs (innovateurs, agents de développement...) ont une
grande importance.
8.3.5. Le point sur
le changement des habitudes alimentaires
Toutes les sociétés humaines sont soumises
à un environnement en constante mutation, ayant une influence
considérable sur le mode de vie de celles-ci. Les habitudes alimentaires
constituent ainsi l'une des composantes de la vie socioculturelle les plus
enclines au changement. Ce phénomène a retenu l'attention des
spécialistes des sciences humaines et sociales, notamment les socio
anthropologues, car relevant du socioculturel.
Ø Jean-Pierre Poulain (1997)
évoque des bouleversements de type sociologique survenus en France dans
les années 1990, et qui ont modifié les modes de vie et surtout,
de manière fondamentale, les liens qui unissent les mangeurs aux
aliments. Pour cet auteur, le changement ou l'évolution dans la le
domaine de l'alimentaire se situe dans la nature de la relation que l'Homme
entretient avec ses aliments. Ce ne sont plus des objets banals réduits
à une simple consommation, mais de nouveaux aliments sur lesquels il
projette du sens, de la symbolique. Il fait attention, il s'interroge sur ce
qu'il mange. Cependant, l'auteur ne s'arrête pas sur la relation de
l'Homme à l'aliment, il mentionne également la nature des
aliments qui sont consommé suite au changement :
« On mange de moins en moins de pain, de pommes
de terre, de légumes secs, et on consomme de plus en plus de viande, de
biscuiterie, de jus de fruits, de vin d'appellation contrôlée...
Les valeurs de la qualité se substituent à celles de la
quantité. Dans un premier temps, la viande, aliment riche par
excellence, se charge d'une symbolique sociale forte : en manger tous les
jours, c'est accéder au bien-être, c'est prendre une
revanche »
Ø Au Cameroun, selon les écrits de
Dongmo (1987), le changement des habitudes alimentaires
observé chez une couche de la population relativement aisée, est
lié à l'entrée dans le pays des produits alimentaires
importés. Il note en 1987 sur les importations alimentaires :
« Les aliments importés entrent très
peu dans l'alimentation des villes. Leur prix élevé les destinent
à une minorité de consommateurs, expatriés ou camerounais
occidentalisés ».
Des changements qui suivent une trajectoire descendante, car
selon lui, les habitudes alimentaires se modifient du haut en bas de
l'échelle sociales. Par la suite, l'auteur soutient que ces changements
sont le résultat d'une ouverture des cultures camerounaises, mais aussi
une conséquence de l'invasion coloniale car,
« Le contact avec le colonisateur, en
dépit de la ségrégation spatiale qui a pu s'opérer,
a été renforcé par la volonté de ces derniers de
« civiliser » et par là même d'apporter la « bonne
nourriture de l'Europe. »
8.3.6. Le point sur
la notion de rejet alimentaire
La question du rejet alimentaire a été
abordée par plusieurs anthropologues et sociologues de l'alimentation.
Parmi eux, Claude FISCHLER (1989) insiste sur le fait que les
êtres humains sont anxieux face à la nourriture. Cette
anxiété vient du fait qu'incorporer une substance est
perçu comme nous menant inévitablement à ingérer
ses qualités et ses défauts. Le sentiment de peur et d'angoisse
face à un aliment inconnu est à l'origine de cette attitude de
rejet, car pour Fischler, les cultures humaines passées et
présentes ont toutes crée leurs catégories du comestibles
et du non comestible.
Dans le même ordre d'idées, Paul
ROZIN (1980) estiment que le rejet alimentaire vaut pour toutes les
cultures, et que les motivations pour lesquelles on accepte ou on rejette un
aliment sont de trois ordres : la première est d'ordre
sensoriel-affectif, la deuxième est liée aux conséquences
anticipées de ce que nous croyons être le résultat de
l'ingestion, et s'articule essentiellement sur les effets physiques. Puis, la
troisième porte sur ce que l'Homme sait des origines de l'aliment.
Par ailleurs, ROZIN pensent que la plupart
des aliments qui entrent dans la catégorie de l'aversion sont des
aliments acceptables dans une culture donnée, mais que certains
individus appartenant à cette culture n'aiment pas. C'est dire que le
phénomène de rejet alimentaire n'est pas seulement
déterminé par des facteurs culturels, mais aussi individuels,
d'où notre recours à l'individualisme méthodologique comme
modèle d'analyse.
8.3.7. Le point sur
le mangeur humain
L'étude de l'alimentation humaine relève de
plusieurs obédiences scientifiques. Dans la sociologie et
l'anthropologie de l'alimentation, l'Homme que Jean-Pierre
Poulain (2005) appelle le « mangeur » se
caractérise en six points essentiels :
Le mangeur est un être biologique : manger est le
résultat d'un état physiologique de manque.
Le mangeur est un être social : son modèle
alimentaire est influencé par l'âge, le sexe, la position dans la
hiérarchie sociale.
Le mangeur est un être culturel : l'appartenance
à un groupe social détermine les choix d'un individu au niveau
des choix des aliments, de leurs préparations culinaires et de leurs
modes de consommation.
Le mangeur est un être de raison : les
décisions alimentaires résultent d'un raisonnement en termes de
coûts/avantages.
Le mangeur est un être de passion : l'alimentation
s'inscrit dans un ordre de désir
Le mangeur est un gastronome : l'alimentation peut
être esthétisée et constituer le support à des
expériences sociales.
Le point de vue de l'auteur sur les caractéristiques du
mangeur semble ne pas prendre en considération l'aspect psychologique,
une dimension pourtant inéluctable dans l'étude du rapport entre
l'Homme et son alimentation.
8.4. Les théories explicatives
Avant de présenter les différents paradigmes qui
nous permettront d'interpréter les données de terrain, nous
sommes bien d'accord avec Raymond Quivy et Luc Van Campenhould (1988)
qu' « il n'est jamais inutile de repréciser une
dernière fois la question de recherche ». Notre étude
essaye de répondre à la question suivante : Qu'est-ce qui
explique la difficulté des paysans de Fokoué à
intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles,
malgré les avantages dont elle est pourvoyeuse ? En d'autres
termes, il s'agira d'appréhender les différents
paramètres, les représentations et les comportements qui peuvent
aider à la compréhension des problèmes liés
à l'adoption de l'innovation piscicole dans l'arrondissement de
Fokoué. Pour ce faire, les paradigmes sollicités seront
tirés du holisme, de l'individualisme méthodologique et du
paradoxe de l'Homnivore.
8.4.1. Le holisme
Holisme vient du grec holos qui veut dire
tout, totalité, entier. C'est l'idée
selon laquelle les propriétés d'un système ne peuvent
être déterminées ou expliquées à partir des
seuls composants du système. Ce mot fut inventé par l'homme
politique et intellectuel sud-africain Jan Christiaan Smuts (1926) qui le
définissait comme la tendance dans la nature à former des touts
plus grands que la somme de leurs parties grâce à
l'évolution créatrice. Il a été
également étudié par des auteurs tels qu'Emile Durkheim et
Talkot Parsons.
Dans les sciences humaines et sociales, le holisme pose comme
postulat que:
· le tout social est supérieur à la somme
des parties ; il influence et conditionne significativement le
comportement ou le fonctionnement des parties (holisme ontologique). Le tout
social étant la socio-culture, les parties renvoyant aux individus qui
la composent, il faut retenir dans ce postulat que, ce sont les habitudes,
acquises de manière collective au sein d'une société, qui
façonne les comportements de ses membres et sous-tendent leurs actions
et leurs réactions.
· le comportement des individus doit être
déduit de lois sociales, de forces ou d'objectifs qui s'appliquent au
système social comme un tout, et ceci à partir de la position ou
de la fonction des individus dans ce tout (holisme méthodologique). Non
loin différent du premier, ce postulat laisse comprendre que, pour
saisir le sens des agissements des individus qui partagent le même mode
de vie, il faut interroger la culture.
L'approche holiste en sciences humaines s'intéresse aux
motivations et pratiques sociales des individus pris d'une manière
collective au sein de la société. Elle se propose d'expliquer les
comportements des individus en se référant au corps culturel dans
lequel ils vivent. Selon ce courant de pensée, la société
recèle des contraintes qui assujettissent les individus, les amenant
parfois de façon inconsciente à intérioriser les
principales normes et valeurs de leur milieu. Cet aspect des choses s'illustre
parfaitement à travers le phénomène de l'enculturation au
cours duquel l'individu intériorise des comportements, des
manières de penser et de sentir, en somme toute une culture qui
permettra d'expliquer ses agissements ou ses croyances. Ainsi les
manières d'agir et de penser de ceux-ci ne peuvent être
expliquées qu'en se référant à l'univers culturel
et les normes, valeurs, coutumes et traditions qu'il impose à ses
membres.
Selon Emile Durkheim, le holisme, appliqué aux
systèmes humains par essence complexes, consiste à expliquer des
faits sociaux par d'autres faits sociaux. La société exerce une
contrainte (pouvoir de coercition) sur l'
individu
qui doit intérioriser (ou « naturaliser ») les
principales règles et les respecter. Les comportements individuels sont
donc socialement déterminés.
En somme, ce qui nous intéresse dans la théorie
holiste est son postulat de base, à savoir que les comportements, les
actions, les réactions des individus peuvent être expliqués
en se référant au contexte socioculturel dans lequel ils sont
produits.
Mais, dû au fait que tout individu, bien qu'étant
influencé par sa culture dans ses actes, ses choix qu'il opère,
les représentations et les perceptions qu'il développe face
à un objet ou une situation qui se présente à lui, il
dispose indéniablement d'un libre arbitre qui lui permet de tenir compte
de ses propres motivations. Cette nuance justifie notre recours
également à l'individualisme méthodologique.
8.4.2.
L'individualisme méthodologique.
L'individualisme méthodologique est une théorie
qui doit son nom à Joseph Schumpeter. Contrairement au holisme qui situe
la saisie du comportement humain dans son appartenance à un corps
social, l'individualisme propose une compréhension de l'homme selon ses
propres motivations. En effet, pour un individualiste tel que Raymond Boudon
(1979) et François Bourricaud (1982), l'individu est
l' « atome logique de l'analyse », car il constitue
l'élément premier de tout phénomène social. Comme
postulat de base de ce courant de pensée, Boudon, cité par Mbonji
Edjenguèlè (2005), soutient que pour analyser les
phénomènes sociaux, il faut
« Identifier les acteurs (...), comprendre les
comportements de ces acteurs (...), et expliquer comment ces comportements
individuels produisent le phénomène macroscopique que l'on
cherche à étudier ».
L'individualisme méthodologique pose comme principe que
la société n'est que la production collective d'individus plus ou
moins autonomes et rationnels, ce qui ne dispense pas de regrouper les acteurs
sociaux en catégories, mais s'oppose à l'idée selon
laquelle existe dans les sciences sociales des lois générales
gouvernant les comportements humains, qu'il existe un déterminisme
social.
Au sens large, nous pouvons caractériser
l'individualisme méthodologique par trois postulats :
· seuls les
individus ont des buts et
des intérêts;
· le système social, et ses changements,
résultent de l'action des individus ;
· tous les phénomènes
socio-économiques sont explicables ultimement dans les termes de
théories qui se réfèrent seulement aux individus, à
leurs dispositions, croyances, ressources et relations.
Ainsi, pour l'individualisme méthodologique,
c'est «l'individu» qui est à l'origine de l'action et du
comportement. Il repose sur l'idée que chacun dispose d'une
capacité d'action indépendante du «groupe», dont il
fait usage de façon rationnelle en mobilisant les informations à
sa disposition et en tentant d'obtenir les meilleurs résultats
possibles.
Certains épistémologues des sciences sociales,
à l'instar de Friedrich Von Hayek et Karl Popper en premier lieu, ont
insisté sur l'importance du principe de l'individualisme
méthodologique dans les sciences sociales. Pour ces auteurs, expliquer
un phénomène social, c'est toujours en faire la
conséquence d'actions individuelles.
Ainsi, convoquer l'individualisme méthodologique en
tant que seconde composante de notre modèle d'analyse pour comprendre la
difficulté des paysans de Fokoué à intégrer la
pisciculture dans leurs Exploitations Familiales Agricole, nous semble
utile.
Si le social est le résultat d'une agrégation
d'actions, d'attentes et d'aspirations individuelles et qu'en mettant ensembles
les comportements des individus on aboutit à un effet collectif, alors
convoquer l'individualisme méthodologique dans notre étude
revient à accorder une attention particulière aux comportements
des paysans dans leur rapport à l'innovation piscicole. Il s'agira plus
concrètement de voir comment les paysans de Fokoué, pris
individuellement, réagissent face à l'innovation piscicole et
l'usage qu'ils en font.
8.4.3. Le paradoxe
de l'Homnivore
Développée par le sociologue français
Claude Fishler dans son ouvrage L'Homnivore en 1990, la théorie
du paradoxe de « l'Hominivore » postule que l'homme
évolue dans un espace de double contrainte où il est d'une part
« poussé à la diversification, à l'innovation,
à l'exploration, au changement... Mais d'autre part, et
simultanément, il est contraint à la prudence, à la
méfiance, au « conservatisme » alimentaire : tout aliment
nouveau, inconnu, est en effet un danger potentiel. Le paradoxe de l'Homnivore
se situe dans le tiraillement, l'oscillation entre ces deux pôles, celui
de la néophobie (prudence, crainte de l'inconnu, résistance
à l'innovation) et celui de la néophilie (tendance à
l'exploration, besoin de changement, de la nouveauté, de la
variété) ».
Par ailleurs, pour comprendre le mangeur qualifié par
Claude Fischler d' Homnivore, il présente ses
principales caractéristiques :
Ø Premièrement, tous les mangeurs
élaborent un système classificatoire entre le consommable et le
non-consommable, qui n'est pas purement fonctionnel, mais qui renvoie à
des représentations, à de l'imaginaire. Autrement dit, la
rationalité des mangeurs n'est pas purement nutritionnelle ou
économique, elle inclut des valeurs.
Ø Deuxièmement, manger signifie
incorporer, c'est-à-dire s'attribuer les
qualités nutritionnelles de l'aliment, mais aussi ses qualités
symboliques, voire magiques, selon le principe « je deviens ce
que je mange » (Manger magique,
1994).
Ø Troisièmement, l'Homnivore est face à
un paradoxe, car il est en même temps néophile
(il aime tester de nouvelles nourritures) et néophobe (il a peur de ce
qui est nouveau).
Pour cet auteur, le paradoxe du mangeur est
régulé par le système culinaire (ordre du mangeable), les
modes de préparation et de consommation, qui permettent l'acceptation
d'un nouvel aliment (gustativement, associé selon l'espace culturel)
(Poulain, 2002b).
Conjointement avec le paradoxe de l'Homnivore, le principe de
l'incorporation (Fischler, 1990), démontre que l'attitude du
consommateur face à un aliment inconnu est régie par ce qu'il
pense être la conséquence possible de son ingestion. L'application
du principe de l'incorporation dans le fait alimentaire dépend cependant
du caractère rationnel ou irrationnel de la pensée du
consommateur. D'une part, ce dernier peut éprouver de l'angoisse dans la
mesure où il redoute une conséquence négative, telle
qu'une intoxication, ou alors chercher à absorber les
propriétés nutritionnelles suite à l'ingestion de cet
aliment. A ce niveau, le principe de l'incorporation est fondé sur une
pensée rationnelle, car vérifiable par objectivation. D'autre
part, si le consommateur chercher à s'approprier les qualités
symboliques de l'aliment, ou encore à se reconstruire une
identité, dès lors le principe de l'incorporation est basé
sur une pensée irrationnelle. En nous inspirant de Paul Rozin, qui a
repris la théorie de Claude Fischler, nous avons
schématisé le paradoxe de l'Homnivore de manière
synoptique
Je suis ce que je mange
Irrationnelle
(Identité)
Rationnelle
(Intoxication)
PRINCIPE D'INCORPORATION
Méfiance
Attirance
Nouveauté
NEOPHOBIE
NEOPHILIE
HOMNIVORE
PARADOXE DE L'HOMNIVORE
Figure 1 : Paradoxe de l'Homnivore selon Paul ROZIN
(1976)
Irrationnelle
(Identité)
Rationnelle
(Intoxication)
PRINCIPE D'INCORPORATION
Méfiance
Attirance
NEOPHOBIE
NEOPHILIE
8.5. Plan de rédaction
Notre étude qui s'intitule Pisciculture et
développement rural dans l'arrondissement de Fokoué :
contribution à une anthropologie des moyens de subsistance, s'ouvre sur
un texte introductif qui pose les fondements théoriques et
méthodologiques du travail. Puis, le corps de l'étude s'articule
en deux parties comportant chacune deux chapitres.
Dans la PREMIERE PARTIE (cadre
ethnographique), le chapitre I fait d'abord une monographie du
site de l'étude. Il présente la configuration spatio-temporelle
de la zone de l'étude, tout en faisant le lien avec la pratique de la
pisciculture. Il donne également une description sommaire du mode de vie
global de la population. Ensuite, ce chapitre décrit l'activité
piscicole dans l'arrondissement de Fokoué, telle qu'elle existe au
moment de nos investigations. Le chapitre II s'attèle
à nous restituer les données de terrain, à travers les
modes de distribution, de transformation et de consommation du poisson d'eau
douce élevé.
La DEUXIEME PARTIE (cadre analytique et
interprétatif) commence par une présentation et une analyse des
statistiques descriptives sur les préférences et les pratiques
dans la consommation du poisson d'eau douce élevé. C'est le
chapitre III. Ensuite, nous proposons dans le chapitre
IV, un essai d'interprétation socio-anthropologique des freins
à l'intégration de la pisciculture dans les Exploitations
Familiales Agricoles.
La conclusion se charge de reprendre de manière
synthétique les différents points qui auront constitué
l'ossature ce travail, pour aboutir à des perspectives qui permettront
probablement d'enrichir le débat sur le sujet d'étude.
PREMIERE PARTIE :
CADRE ETHNOGRAPHIQUE
CHAPITRE I : CADRE
PHYSIQUE ET HUMAIN DE L'ETUDE
1. Présentation de
l'arrondissement de Fokoué
Ce chapitre fait d'abord une description
détaillée du milieu physique de l'étude. A travers le
relief, le climat, la faune, la flore, l'hydrographie et la pédologie,
il s'agit également de voir comment les atouts du milieu naturel
favorisent l'activité piscicole. Ensuite, il est question d'avoir une
vision globale du mode de vie de notre population d'étude en insistant
sur les aspects qui peuvent contribuer à la compréhension du fait
étudié.
Carte 1 : localisation de
l'arrondissement de Fokoué
Source et réalisation : CEREHT (Centre de
Recherche sur les Haute Terre) Univ-Dschang-FLSH
cerehtuds@yahoo.fr
Dec 2004
Carte 2 : localisation du
département de la Menoua dans la Province de l'Ouest
Source et réalisation : CEREHT (Centre de
Recherche sur les Haute Terre) Univ-Dschang-FLSH
cerehtuds@yahoo.fr
Dec 2004
2. Le milieu physique
La localité de Dschang est comprise entre la savane
d'altitude et la forêt montagnarde; Les bas-fonds sont recouverts d'une
végétation très dense. Le relief est très
accidenté; la ville repose sur un socle ancien recouvert de formations
volcaniques. La zone urbaine occupe essentiellement un ensemble de collines.
Les fonds des vallées sont occupés par des marigots et des
terrains marécageux. La ville est soumise au régime
climatique d'altitude. C'est le climat équatorial de type
camerounien.
L'arrondissement de Fokoué est situé dans le
département de la Menoua province de l'Ouest du Cameroun. Il se localise
entre le 5°20' et le 5°22' de latitude nord et entre le 5°10' et
5°15' de longitude Est. Cet arrondissement couvre 25 km². (Voir
carte)
3. Le relief
Fokoué se trouve à une altitude d'environ 1400m.
Son relief est vallonné et est constitué de collines aux pentes
parfois très abruptes (45%). Le plus haut sommet de Fokoué est le
mont « Ewet ». On note aussi la présence d'un
plateau, celui de « Ndoungfem ». Des montagnes jonchent la
région.
4. Le climat
Il est de type « camerounien » d'altitude
avec une saison des pluies qui va de mi-mars à mi-novembre et une saison
sèche qui va de mi-novembre à mi-mars. Il faut noter à cet
effet que la période des vidanges coïncide avec les premiers mois
de la saison sèche. Ceci constitue une difficulté dans la mesure
où le remplissage des étangs après la vidange n'est pas
aisé à cause de l'assèchement des points d'eau. Les
éléments caractéristiques de ce climat sont :
· La température moyenne est de 20,2°C. Les
mois les plus frais sont ceux de juillet et d'août, alors que le mois de
février demeure celui le plus sec
· L'indice pluviométrique moyen est de
1853,8mm ;
· L'insolation est d'environ 1432,8 heures par
an ;
· La vitesse moyenne des vents est de 1070,55m/s
5. La faune
La faune existante est encore relativement diversifiée.
Parmi les familles d'animaux rencontrées dans cette zone nous pouvons
citer celles des cercopithecidea, des cephalophinae, des, thryonomyidae et des
cricetidae. La faune aquatique est quant à elle
représentée par les clarias camerounesis, clarias jaensis,
oreochromis niloticus.
6. La flore
Le paysage domestique est essentiellement agricole. Ici, le
tapis herbacé a tendance à disparaître au profit des
cultures, des pâturages et des habitations. Le paysage bocager est
constitué des clôtures fermées d'un treillis horizontal de
rachis de raphia appuyés sur des tiges d'arbre ou d'arbustes
provenant bien souvent de boutures plantées en lignes, ainsi que des
arbres d'ombrage et surtout des fruitiers installés autour des maisons.
Notons ici que les troncs de lophira lanceolata servent à l'implantation
des porcheries sur les étangs en raison de leur propriété
particulière (imputrescible). De même que les troncs de pinus sp
et d'eucalyotus rencontrés à Fokoué sont sciés et
servent pour la porcherie et la construction des charpentes des maisons. Les
pâturages et les jachères sont souvent remarquablement envahis par
hypa rrhenia cymbaria, imperata cylindrica, pennisssetum purperum, pteridum
aquilinim... (Letousey, 1985). Ces pâturages et champs en friche sont les
lieux par excellence de collecte des intrants d'origine végétale
de la compostière intra-étang. En somme, la
végétation de Fokoué apporte un plus en ce qui concerne la
nutrition du poisson. Notamment, à travers l'agriculture et les
végétaux qui entrent dans la composition des
compostières.
7. L'hydrographie
Fokoué possède un ruisseau appelé
« mbouh » qui traverse le village dans sa partie
Nord-Ouest. On note la présence des sources qui coulent le long des
raphias des bas fonds. Non seulement elles alimentent les étangs en eau
de bonne qualité, mais elles approvisionnent également les
populations en eau potable
8. La pédologie
Les sols de notre zone d'étude sont de deux
types :
· Des sols hydromorphes dans les bas-fonds qui sont
constitués par l'accumulation des débris organiques et
minéraux arrachés des parois des collines grâce à
l'action érosive des pluies. Ces sols sont de couleur noire, riches en
humus. Ils constituent le lien par excellence du maraîchage et de
construction des étangs piscicoles du fait de la proximité d'un
point d'eau relativement permanent. Ces sols essentiellement constitués
d'argiles et de limon sont relativement imperméables et retiennent bien
l'eau dans les étangs. Ils constituent le substrat idéal pour la
construction des étangs.
· Des sols ferralitiques, pauvres en matières
organiques et de couleur rouge. Ces sols ne sont pas souvent favorables
à l'agriculture, sauf en cas d'apport important d'engrais ou de
minéraux. La composition granulométrique de ces sols est
dominée par une grande proportion d'éléments grossiers
(gravillon et sable). Les étangs construits sur ce type de sol sont
très poreux et on y enregistre des taux d'infiltration incompatibles
avec la fertilisation des étangs (délégation
d'arrondissement du MINADER de Fokoué, 2004).
Dans l'ensemble, le milieu physique de la région de
Fokoué réunit un certain nombre de conditions favorables au
développement de la pisciculture. Le relief, le climat, la faune, la
flore, l'hydrographie et la pédologie, toutes les composantes de
l'environnement présentent un éventail d'atouts qui peuvent
être exploités par les pisciculteurs.
9. Le milieu humain
Fokoué a une population d'environ 6000 habitants pour
une superficie de près de 25 km². Sa densité est de 240
habitants au km². Sa population est majoritairement constituée de
Bamiléké. 90% de la population s'intéresse aux
activités agricoles. Et 10% au petit commerce. Dans le village, on
dénombre 66% de chrétiens et 44% d'animistes. Une petite
communauté musulmane est représentée par les Bororo qui
font paître leurs bovins dans les pâturages environnants.
(Délégation d'arrondissement du MINADER de Fokoué,
2004).
10. Un rappel
historique
Le grand chef de ce village s'appelait Leke'Ane. Leké'
- abréviation de Leke'ane . Le nom du village s'appelle : Atsan
prononciation originale - Foleke'Atsan c'est - à - dire chef leke' de
Atsan ; On avait prononcé Foleke' Atsan et l'Européen allemand a
entendu Foréke' - Dschang.
Le premier chef de groupement est venu de Foto. A cause de la
dispute du trône il s'est détaché de Foto pour s'installer
de l'autre côté de Asentsa (rivière qui traverse la ville
de Dschang, appelée actuellement Dschang Wata).Il a trouvé sur
place plusieurs petits chefs qu'il a conquis pour former le village.
Les noms des differents chefs :
1. Tanju'njhù
2. Atsa'ngune
3. Leke' ane surnom Kwhulikon - victime de lance - il a
été assassiné avec une lance par un homme de Foto - ce qui
a provoqué une guerre de 9 ans entre les Foréké - Dschang
et les Foto
4. Asonzia
5. Nken - mbu surnom Ngu'a Ntschhu. Comme ornement il
affichait sur sa barbe une plume << ngou >> - oiseau aux plumes
rouges. Ngu'a Ntschhu veut dire <<ngou>>à la bouche. Il a
fait des enfants de très grande taille.
6. Ndon - mbu Paul, surnoms a) Saamelogo - Casse - rocs :
Très puissant en guerre, il écrasait toute résistance
ennemie sur son passage. b) Nken- nek, surnom ironique -qui presse les yeux
Comme il avait le larmoiement, il essuyait sauvent ses yeux. Il a vu
l'arrivée des premiers européens allemands et les a
installés dans l'actuelle ville de Dschang. Il était
estimé par le capitaine allemand << Hauptmann >> commandant
la ville de Dschang. Celui - ci a fait du chef Ndon - mbu le Burgermester (le
Maire) le jour de l'intronisation de ce Burgermester , Hauptmann invita tous
les chefs à danser le << ngou >> à la chefferie de
Foréké - Dschang devant les deux grands : Le Burgermester et le
commandant. Au lit de mort Ndon - Mbu a recommandé à son
héritier de mettre fin à l'inimitié qui existait entre
Foréké - Dschang et les Foto. Il est mort le 9 avril 1925,
après avoir été baptisé quelques jours auparavant
par le RP GONTIER sous le nom de Paul.
7. Ju'messi Mathias, né en 1900 il a
hérité le trône en 1925 et est mort le 1re mai .1966
8. Ju'messi Edmond chef depuis mai 1966.
FOKOUE : Koué - force, courage. Le premier chef
fuyant devant les Bali s'installa d'abord au mont Vet et puis à
l'emplacement actuel et le village porta son nom. Il s'appelait Kouemo
(l'enfant courageux) les autres chefs qui lui succédaient sont :
Ngùenang, Fokemkeng Fondonga', Fondjiambong, Focthimba,
Tessa Gilbert, Tessa Tchimba Henri
11. L'organisation
sociale
L'organisation sociale et politique des Dschang impose le
respect de l'autorité comme valeur cardinale la société
Bamiléké est composée de multiple villages
indépendants les uns des autres, avec à leur tête un chef,
autorité politique et religieuse de la communauté. Le chef,
appelé fo'o, est un descendant de la dynastie fondatrice du village. Son
autorité est globale et s'étend sur tous les domaines :
personnes, biens, terres. Afin de limiter son pouvoir qui frôle celui de
la divinité, le chef est entouré d'un conseil de notables ;
les 9 comme on les appelle en ce fondant sur leur nombre. Le conseil, qui
reçoit la désignation du successeur au trône après
avoir prêté serment d'en garder le secret jusqu'à la mort
du chef est doté des pouvoirs importants. Bien qu'il puisse s'en passer,
le chef n'agit jamais sans prendre son avis, et ses décisions sont
généralement le résultat d'un consensus. Il est à
noter que les membres du conseil des 9 sont inamovibles, puisqu'on y
accède par voie de succession. Cette forme d'éligibilité
confère à ces membres une certaine indépendance vis
à vis du chef, celui- ci n'ayant pas le pouvoir de les démettre.
En dehors du conseil des notables, le pouvoir politique repose aussi sur
l'existence d'une multitude de sociétés plus ou moins
secrètes, donc l'autorité dans leur domaine de compétence
peut frôler la souveraineté.
La pratique de la pisciculture dans cette zone est le fruit
de multiples programmes et projets de vulgarisation de cette activité
par les corps de la paix américains à partir de 1996 et
des services en charge de l'élevage et de la pêche. Cela se
traduit sur le terrain par la présence d'une cinquantaine
d'étangs piscicoles dont certains sont abandonnés. On note aussi
le regroupement des pisciculteurs, en particulier le GIC du collectif des
pisciculteurs intensifs de Fokoué et de Penka Michel (COPIFOPEM).
12. La vie
politique
Elle est organisée et gérée par le Chef
et ses collaborateurs. La vie politique tourne autour de la chefferie, qui est
un grand domaine comprenant de nombreuses cases, suivant l'importance du
village et du harem du chef. De grandes cases abritant les sessions de
différents grands conseils de notables ou les conseils privés du
chef s'intercalent entre les habitations des épouses du chef, qui vivent
chacune dans son foyer en compagnie de ses enfants. Ces immeubles de taille
relativement importante porte le nom du conseil qui y siège. Ainsi il
existe donc autant de cases de conseils qu'il y a de conseils dans la
chefferie. Les cases de conseil ont un caractère sacré : en
dehors de la mère du chef, aucun membre de la gent féminine ne
peut y pénétrer, pendant ou en dehors des sessions. Le service et
l'entretien des lieux sont assurés par des serviteurs du chef.
L'entrée dans ces lieux de débat est formellement interdite
à toute personne non-membre du dit conseil. Avant la
pénétration européenne, la chefferie, chef-lieu du village
ou capitale de la cité dans le cas des villages indépendants (
Lah-Lepeù ) , était le lieu où se réglait toutes
les questions politiques , sociales et économiques du village . Pour
chaque type, le chef s'entourait des cadres coutumiers appropriés. Les
principales affaires débattues dans ce lieu concernaient les questions
de frontières, la levée des impôts, le règlement des
litiges, les négociations commerciales, etc. Toutes les chefferies
Bamiléké n'ont pas le même rang. On distingue deux grandes
catégories :
1) Les chefferies de Lah-Lepeù : villages jamais
dominés ni vaincus et indépendants. Ces chefferies sont
généralement considérées comme des chefferies
supérieures.
2) Les chefferies de Lah-To' : petit village
dépendant d'une grande chefferie qui, soit les a soumises, soit les a
offert sa protection. Dans ce cas, la chefferie supérieure assure les
relations extérieures, les rapports politiques avec les autres villages,
la défense et la sécurité du village sous protectorat. La
chefferie supérieure peut comprendre plusieurs chefferies sous
protectorat. Ces derniers ont un chef qui est considéré par le
pouvoir central comme une sous chefferie construite selon les mêmes
principes que la chefferie supérieure, mais avec une ampleur et une
architecture moins étendue que celle-ci.
L'administration coutumière du village est
assurée par les organes coutumiers locaux, mais les grands conseils de
notables disparaissent au profit des conseils de la chefferie supérieure
dont la juridiction s'étend uniformément aux chefferies sous
protectorat. Toutefois, l'avis des chefs ou des notables des chefferies sous
protectorat est requis pour toutes les questions concernant leurs
localités. Par ailleurs, les notables des villages placés sous
protectorat intègrent, avec leur rang et leurs titres, les grands
conseils analogues de la chefferie supérieure.
13. Le contexte
économique
Aujourd'hui, Dschang est une ville agricole, universitaire et
touristique, riche d'histoire influencée par le passé colonial et
les chefferies Bamiléké. Avec ses 15000 étudiants, et 230
écoles, la ville de Dschang est une petite ville de province très
dynamique, très différentes des autres villes du Cameroun. Avec
l'ouverture récente de la route Mélong-Dschang qui
désenclave totalement la région, et met Douala à 3h de
route, ce sont de nombreuses opportunités qui s'ouvrent à la
ville. Le café, le cacao et le thé font partie des cultures de
rente exploitées historiquement et qui ont assuré la richesse de
la région.
14. Les habitudes
alimentaires
Grâce aux terres fertiles de la Menoua, la
région de Dschang regorge de produits vivriers qui viennent enrichir le
répertoire alimentaire des populations. On y trouve une multitude de
plantes potagères telles que la banane plantain, la patate douce, le
macabo, le manioc, l'igname, les carottes, le haricot, le mais, le poireau, les
pommes de terres, le choux etc. cet environnement offre aussi une riche palette
de fruits : ananas, mangue, goyave, banane douce, papaye, avocat,
pastèque, noisette, corossol, mandarine, cerise, fruit noir etc.
Par ailleurs, on note également dans le milieu Dschang
la présence de certains produits végétaux dont la fonction
va au-delà de la simple consommation alimentaire. Ainsi, le Lipi'h
en langue yemba, désigné sous le nom de
« Kola » en français, est un fruit amer qui peut
être rouge ou blanc et gluant selon l'espèce. L'utilisation de la
kola est très symbolique dans la tradition Bamiléké en
général et chez les Dschang en particulier. Il symbolise
l'amitié et la paix. Ainsi, lorsqu'on tend une noix de kola à une
personne, cela équivaut au souhait de bienvenu et à une
invitation à l'entente mutuelle. C'est celui qui reçoit qui est
chargé de diviser la noix qui peut comporter entre 3 et 6 quartiers.
Lorsque la noix comporte un nombre pair de quartiers, cela symbolise une
relation d'égalité. Par contre, lorsque ce nombre est impair,
cela signifie que dans la relation en cours, il doit y avoir un rapport de
respect de l'un envers l'autre.
On a également le ndeundeu, un fruit local en
forme de cigare qui grandit à l'ombre des zones humides. Grâce
à son goût de sucré anisé, le ndeundeu est
très convoité par les jeunes, qui le considèrent comme un
bonbon local. Traditionnellement, c'est un fruit qui a beaucoup de vertus,
notamment la protection contre les esprits maléfiques. Il est
également utilisé en pays Bamiléké dans la
préparation de la plupart des produits de la médecine
traditionnelle. Le ndeundeu est par ailleurs souvent utilisé
lors du règlement de conflits. Lorsqu'après une discussion, le
ndeundeu est partagé par les protagonistes, cela marque le
signe de la fin des conflits.
· Les plats traditionnels
Une observation de la gastronomie Dschang fait état de
plusieurs plats sans lesquels l'Homme dschang ne peut affirmer qu'il a «
bien mangé ». Il s'agit de :
Le Kwa'Ndzap C'est le plat typique
de l'alimentation Dschang. Il est fait à base de macabo pilé,
servi avec des feuilles de légumes verts (ressemblant aux
épinards). Il se mange avec les mains.
Le pilé de pommes C'est un mélange
de pommes de terre et de haricots rouges ou noirs pilés, cuit avec de
l'huile de palme rouge. Dans la région, le pilé peut aussi
être fait à base de macabo ou de bananes vertes.
Le Guessang goh,
« gâteau de maïs » est un gâteau fait de
maïs écrasé, moulé dans des feuilles de bananes et
cuit à la vapeur. Il se consonne mélangé aux feuilles de
"légumes" sautées.
Le Koki , plat originaire de Bazou
dans le département du Koung-khi, le Koki est une préparation
épicée à base de haricots et d'huile de palme, cuite
à la vapeur dans une feuille de bananier fumée.
Le Messang, « couscous de
maïs aux légumes » est sans doute le plat le plus
consommé de la région. C'est une pâte de farine de
maïs bouillie pour obtenir une pate mole. Cette pâte s'accompagne de
légumes verts (sorte d'épinard) ou de plusieurs sauces parmi
lesquelles le "Phieu" ou "Nkwui", sauce gluante de couleur
verte foncée, ou le ndolè fait à base de légumes
amers et d'arachides bouillies.
Le Taro à la sauce
jaune, est un plat typique du Nord-Ouest qui se consomme
fréquemment à Dschang. Le taro est un tubercule que l'on pile
jusqu'à obtenir une pâte grisâtre. On le déguste
alors avec un ou deux doigt ce met avec la fameuse sauce jaune, à base
d'huile de palme et d'un mélange d'une dizaine d'épices, de
champignons et de viande.
Le Ndolé, légume vert
de type épinard, légèrement amer, se prépare avec
des arachides bouillies. Selon la région, on rajoute de la viande, du
poisson fumé ou des crevettes, qui rajoutent un arôme
supplémentaire à la préparation. Le Ndolé
se consomme surtout avec du couscous de maïs ou des plantains bouillis.
Toute cette gastronomie locale peut s'accompagner de vin de
raphia, extraite de bambou de raphia ou du palmier à huiler. Ce vin se
boit sucré, moyennement alcoolisés ou plus fermenté.
15. L'artisanat
La région de Dschang est réputée pour son
artisanat de choix et de qualité. En effet, les savoir-faire locaux
ancestraux se perpétuent à travers les générations
dans plusieurs activités :
La sculpture sur bois : pratiquée
depuis très longtemps à Dschang, la sculpture sur bois occupe une
bonne frange de la population qui l'exerce comme activité principale. La
production est constituée de divers objets tels que les masques, les
sièges, les gadgets multiformes ou des tableaux présentant des
scènes de la vie quotidienne.
La poterie : En tant qu'activité
artisanale qui a occupé beaucoup de paysan dans la Menoua, la poterie
reste aujourd'hui un art pratiqué encore dans les localités comme
Fokamezo dans le groupement Bafou, où les femmes s'évertuent
à mouler de l'argile pour former des objets tels que marmites, pots,
pipes, gobelets, cendriers, ...selon une technique artisanale très
singulière.
Le raphia : L'artisanat sur raphia est
l'une des vieilles techniques de fabrication artisanale en zones tropicales.
Dans cette catégorie, on trouve à la fois des objets
utilitaires : meubles, plafonds, gadgets, ainsi que des objets
ornementaux.
Parmi les autres types d'artisanat de la région, citons
aussi les forges traditionnelles, le perlage, la fabrication et la teinte du
tissu traditionnel.
16. Contexte
historique de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué et au
Cameroun
La pisciculture a été introduite au Cameroun en
1948 par l'administration coloniale dans le cadre d'un plan de
développement relativement ambitieux. Ce plan était
articulé autour de la mise en place d'un réseau de stations
aquacoles (pour la production d'alevins, notamment de Tilapia zilii),
d'un service chargé de l'animation et de la vulgarisation, et de la
construction de près de 10 000 étangs et barrages. Ce plan a
été poursuivi après les premières années de
l'indépendance jusqu'à la fin des années 60.
L'inadaptation des choix technologiques, combinée à une approche
trop interventionniste, s'est traduite par un abandon progressif de la plupart
des infrastructures publiques et privées. Dès lors, trois grandes
périodes peuvent être distinguées dans l'historique de la
pisciculture au Cameroun.
· Dans les années 70
Entre 1969 et 1972, une génération de projets a
permis de relancer le secteur en renforçant le niveau de formation des
cadres et techniciens en pisciculture et en proposant de nouvelles formes de
pisciculture (polyculture clarias / tilapia, production contrôlée
de Clarias gariepinus, intégration élevage-pisciculture,
aménagement des étangs). On mentionnera notamment les
activités conduites dans le cadre d'un projet régional
basé à Bangui, financé par le PNUD et
exécuté par la FAO. Dans l'ex-Cameroun oriental, les Volontaires
du Corps de la Paix américain et certaines ONG comme OXFAM ont permis de
renforcer les capacités des services de vulgarisation. C'est
également à cette époque que la carpe commune
(Cyprinus carpio), de souche israélienne, a été
introduite au Cameroun.
En 1972, un Fonds national forestier et piscicole a
été mis en place, dont l'un des objectifs était de
financer, suivre et exécuter un programme piscicole à
l'échelle de l'ensemble du territoire. Ce fonds a notamment permis le
développement du nombre de stations aquacoles gouvernementales. En 1973,
un projet national financé par le PNUD et exécuté par la
FAO a également vu le jour afin d'appuyer le développement de la
pisciculture au Cameroun. Les activités de ce projet, dont le
siège était basé à Foumban, prévoyaient de
la formation, de la promotion de techniques plus intensives de pisciculture et
des activités de démonstration de systèmes de pisciculture
commerciale. Mais ce projet, pour raisons budgétaires, a cessé en
1976. Dans le même temps, à partir de 1974, le champ
d'intervention des Volontaires du Corps de la Paix a été
élargi à toutes les Régions ayant une vocation et un
potentiel piscicoles. Dans ce cadre, les systèmes de pisciculture
intensive de carpe, dans un premier temps, puis de pisciculture extensive de
tilapia dans les étangs de barrage dans les Régions du Centre, du
Sud et de l'Est, dans un deuxième temps, ont été promus.
En 1978, la Banque Mondiale a appuyé un nouveau projet de
développement dans la Région de l'Est. Ce projet portait sur le
renouvellement ou la construction de 6 000 étangs privés de
300 m² en moyenne, la réhabilitation de la station aquacole de
Bertoua, la construction d'un centre de démonstration piscicole et le
renforcement des services de vulgarisation.
· Des années 80 jusqu'à la
première moitié des années 90
En 1980, la responsabilité administrative du secteur de
la pisciculture a été transférée du
Département des forêts à la Direction des pêches du
nouveau ministère en charge de l'élevage et des industries
animales, le MINEPIA. Ce changement de tutelle a renforcé
l'intérêt apporté par les bailleurs de fonds au
sous-secteur. Ainsi, l'USAID a soutenu entre 1980 et 1984 un programme de
relance de la pisciculture villageoise dans les Régions du Nord-Ouest et
de l'Ouest (formation des encadreurs, réhabilitation de stations
piscicoles, accompagnement des initiatives locales). La coopération
canadienne, à travers le CRDI, a appuyé entre 1987 et 1991 un
projet de recherche sur la pisciculture intégrée à
l'élevage de porc et de poulet dans ces mêmes Régions. Les
systèmes ont démontré leur rentabilité, mais des
problèmes sanitaires associés aux élevages ont mis un
frein au développement de ces systèmes.
En 1988, l'administration, avec l'appui des Volontaires du
Corps de la Paix, a lancé un projet d'appui à la pisciculture
intensive camerounaise (PIC), en promouvant les systèmes de monoculture
du tilapia en étangs de dérivation. Six Régions ont
été concernées par ce projet: Adamaoua, Centre, Est,
Ouest, Littoral et Sud. Ce système de production a rencontré
certains problèmes techniques comme les problèmes de surcharge
des étangs en alevins. Mais ce projet, dont la durée s'est
étalée jusqu'en 2000, a permis de favoriser l'émergence
d'un noyau de pisciculteurs aujourd'hui plus ou moins autonomes sur le plan de
la conduite des élevages, même si les systèmes sont
nettement perfectibles y compris sur le plan de la gestion économique.
Au début des années 90, un projet de rizipisciculture dans la
Région du Nord (Lagdo), appuyé par la coopération
hollandaise, en relation avec la lutte biologique contre les mollusques
vecteurs de la bilharziose, a été mis en oeuvre, avec des
résultats très mitigés. Entre 1991 et 1995, un projet
financé par la coopération belge a permis d'appuyer la station de
Foumban dans la production d'alevins de Clarias.
· De la deuxième moitié des
années 90 jusqu'à nos jours
Depuis une quinzaine d'années, une approche moins
interventionniste, moins tournée vers l'atteinte de résultats
quantifiés (ex. construction de x étangs), prenant davantage en
considération les aspects de rentabilité et d'autonomie des
systèmes de production, et consacrant le principe de la participation
des promoteurs à toutes les étapes du projet semble se
démarquer. Ainsi, entre 1994 et 1997, la coopération
française a appuyé un projet de développement de la
pisciculture à Yemossoa en s'appuyant sur des outils de recherche-action
Des projets de recherche participative mis en oeuvre récemment ont
confirmé la pertinence de cette approche et permis de laisser entrevoir,
après plusieurs décennies de balbutiements, le décollage
de la pisciculture au Cameroun. Il s'agit du projet de recherche participative
paysans-chercheurs mis en oeuvre entre 2000 et 2005 par le WorldFish Center,
sur financement de la coopération du Royaume Uni (environ 1,5 millions
$EU), qui a beaucoup travaillé sur le renforcement des liens entre les
marchés et les petits producteurs, et permis de raviver les
activités de production d'alevins de Clarias. Il s'agit aussi du projet
REPARAC (Renforcement du Partenariat en Recherche Agronomique au Cameroun),
financé par la coopération française entre 2006 et 2008
(environ 1 million $EU), et impliquant notamment le CIRAD (organisme de
recherche français), et du Projet pour une Pisciculture Villageoise
rentable dans les régions Centre et Ouest Cameroun (PVCOC),
financé par la Commission européenne (environ 785 000
€) et couvrant la période 2005-2010.
En parallèle, des actions de promotion, de
manière participative, de la pisciculture non commerciale au titre de la
diversification agricole, ont été conduites dans le cadre du
Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire (PSSA)
initié par la FAO1(*). Une trentaine d'étangs piscicoles ont ainsi
été construits entre 2002 et 2005.
En fin d'année 2003, le Gouvernement a par ailleurs
validé un document de politique générale intitulé
`Cadre stratégique pour le développement durable du secteur' qui
précise un certain nombre de principes et d'orientations à suivre
pour une pisciculture durable, notamment sur le plan de la rentabilité
économique, et responsable. Ce document marque un certain tournant dans
l'histoire du secteur au Cameroun. C'est dans ce contexte porteur d'espoirs et
riche d'enseignements divers, que se situe l'exercice de planification du
développement du secteur.
17. Situation actuelle du secteur de la pisciculture
1. Pisciculture en
eau douce
1. Systèmes de production
Les critères permettant de caractériser les
différents systèmes de production piscicole au Cameroun font
encore parfois débat2(*). Un large consensus est en revanche établi
aujourd'hui en ce qui concerne la nécessité de distinguer deux
grands types de pisciculture ; à savoir : une pisciculture
commerciale dont l'élément principal est la recherche du profit
quel que soit le système de production (intensif, semi-intensif,
extensif), le niveau d'investissement et le degré d'intégration
horizontale ou verticale des filières ; et une pisciculture non
commerciale dont l'élément principal est l'insertion des
systèmes de production piscicole (le plus souvent extensifs) au titre de
la diversification agricole et de la sécurité alimentaire au
niveau local.
Le Cadre stratégique de la pisciculture de 2003, tout
en considérant qu'un système d' pisciculture est « une
combinaison de type d'unité de culture, de niveau d'intensité,
d'espèces élevées et d'échelle ou dimension de
l'exploitation », distingue ainsi deux grandes catégories de
producteurs :
· Les producteurs commerciaux (de petite, moyenne ou
grande échelle), qui achètent des intrants (y compris le
capital et la main-d'oeuvre) et assurent la vente des produits sur les
marchés, dans une optique de maximisation des profits. Les producteurs
concernés sont par ailleurs peu ou pas dépendants de l'aide
publique pour pérenniser leurs entreprises.
· Les producteurs non commerciaux, qui peuvent
également acheter des intrants (principalement alevins et aliments),
mais qui dépendent principalement de la main-d'oeuvre familiale et de la
vente sur place du produit. Pour ces producteurs, la pisciculture ne constitue
par ailleurs qu'une activité parmi d'autres au sein de l'exploitation
agricole, encouragée au titre de la diversification des sources de
revenus, de l'optimisation des ressources en eau et d'une stratégie de
minimisation des risques de faillite suite à une mauvaise récolte
ou une chute du marché des produits agricoles.
La frontière entre ces deux types de pisciculture est
parfois difficile à établir. Ce qui peut expliquer le manque de
lisibilité des données et des statistiques disponibles sur la
pisciculture au Cameroun. Cela est aussi de nature à poser des
problèmes sur le plan juridique lorsqu'il s'agira de définir, le
cas échéant, les différents systèmes de production
au sein des deux grands types de pisciculture.
Dans tous les cas, les systèmes de production au
Cameroun sont par ailleurs des systèmes de polyculture de
Oreochromis niloticus (tilapia) et Clarias
gariepinus (silure) en association parfois avec Heterotis
niloticus (kanga), Parachanna obscura (poisson à
tête de serpent) et/ou Cyprinus carpio (carpe), cette
dernière espèce ayant surtout été vulgarisée
dans les régions des hauts plateaux. Des systèmes
d'intégration de l'élevage de porcs ou de poulets sont
également pratiqués.
Les rendements de production varient pour leur part entre 100
et 500 kg/ha/an pour les systèmes les plus extensifs (cycles de
production jusqu'à 2 années), entre 1,5 à 2,5 t/ha/an pour
les systèmes semi-intensifs (cycles de production de 6 à 12 mois)
et jusqu'à 10 t/an pour les systèmes les plus intensifs.
Le tableau 1 récapitule la situation concernant le
nombre actuel de pisciculteurs et d'étangs dans 7 des 10 Régions
du Cameroun. Parmi les 3 Régions manquantes (Nord, Extrême Nord,
et Adamaoua), seule la Région de l'Adamaoua recense, en raison de
conditions biophysiques favorables, des exploitations de pisciculture en
étang.
Tableau 2 :
Inventaire des pisciculteurs et des étangs - sources :
Rapports d'activités annuels des Délégations
régionales du MINEPIA, et IRAD / WorldFish Center
Régions
|
Nombre de
pisciculteurs
|
Nombre d'étangs
|
Superficie (ha)
|
Adamaoua
|
-
|
-
|
-
|
Centre
|
550 (534)
|
856
|
116,0 (23,4)
|
Littoral
|
28
|
66
|
2,8
|
Est
|
987
|
1 274
|
257,0
|
Ouest
|
287 (197)
|
434
|
24,9 (17,0)
|
Nord-Ouest
|
1 054
|
1 510
|
15,0
|
Sud
|
409
|
826
|
99,9
|
Sud-Ouest
|
187
|
230
|
2,9
|
Total
|
3 502
|
5 196
|
518,5
|
( ) : Travaux spécifiques
conduits par le WorldFish Center et l'IRAD entre 2005 et 2007
Dans les Régions où l'on dispose d'informations
plus détaillées, on peut souligner que les fermes à petite
échelle (i.e. taille inférieure à 0,5 ha) sont les plus
représentée en termes d'effectifs. Dans le cas de la
Région du Sud, elles représentent par exemple 87% de l'effectif.
En termes de superficie totale, et donc de contribution à la production
piscicole totale, les chiffres sont en revanche inversés : les
fermes de taille supérieure à 0,5 ha, et devant être
rangées dans la catégorie de la pisciculture commerciale,
représentent, toujours dans la Région du Sud, environ 73% du
total en superficie cumulée. Ce qui atteste de l'importance de la
pisciculture commerciale dans le cadre de l'objectif de sécurité
alimentaire du pays, malgré sa faible représentativité en
termes de nombre d'exploitations.
Les tendances évolutives montrent qu'après une
longue période de démarrage qui a duré près de 40
ans, et au cours de laquelle la production et le nombre de producteurs ont
suivi une évolution en dents de scie, notamment sous l'influence des
différents projets qui se sont succédés, la pisciculture
semble connaître une progression continue depuis la deuxième
moitié des années 90.
18. Autres formes
de pisciculture
La pisciculture - au sens de l'élevage d'organismes
aquatiques - fait principalement référence, dans le contexte
camerounais, à l'élevage du poisson d'eau douce, i.e. la
pisciculture. D'autres formes de pisciculture existent, qui compte tenu de la
portée du présent document, doivent être mentionnées
même s'il est peu probable que celles-ci feront partie des
priorités dans le cadre du plan de développement. Celles-ci
comprennent : la pisciculture marine, la pisciculture de poissons
d'ornements et les opérations d'aménagements de petits plans
d'eau à des fins d'augmentation de la productivité biologique
`naturelle'.
Pour ce qui est de la pisciculture marine, quelques essais de
production de crevettes d'eau douce ou d'eau saumâtre seraient en cours
dans les environs de la ville de Kribi, avec l'appui de l'ONG `Bleu Cameroun'
et de la société de concept `Azul'. La production de post larves
se ferait dans les eaux maritimes et les bassins d'élevage sur la
côte. Le projet, qui associerait un privé, est encore dans sa
phase d'initiation. A noter qu'une écloserie existe déjà
à Kribi.
Le Cadre stratégique précise par ailleurs que,
du point de vue stratégique, la pisciculture marine et les autres
systèmes de production côtière ne sont pas
différents des systèmes continentaux et que les principes
énoncés pour la pisciculture devraient s'appliquer de la
même façon. Il est toutefois rappelé que les régions
côtières sont constituées d'écosystèmes
délicats qui, tout en étant fragiles, sont très productifs
et demandent des études de l'environnement approfondies. La
nécessité de promouvoir une gestion intégrée des
zones côtières, en concertation avec les autres usagers, est
également soulignée.
Des expériences sur la pisciculture des poissons
ornementaux destinés à l'exportation sont conduites depuis le
début des années 2000, avec l'appui du WorldFish Center, et en
collaboration avec un groupe de femmes des villages environnants de la ville de
Kribi/Sud.
Quant à la pêche basée sur des
opérations de forçage de la productivité biologique
(qualifiées parfois de `pêches amplifiées' ou
`aménagements aquacoles'), de nombreuses expériences concernant
la mise en valeur des Yaérés (plaines d'inondation) sont souvent
mentionnées. Les travaux de recherche action menés dans le cadre
du projet `Evaluation de la Durabilité de la pisciculture' (EVAD) au
Cameroun décrivent cette forme de pisciculture traditionnelle ancestrale
caractéristique de la plaine des Mbos dans le département de la
Ménoua3(*). V.
Pouomogné décrit par ailleurs la pêcherie d'alevins de
silures (Clarias jaensis et Clarias gariepinus) à des
fins de pisciculture dans la rivière Nkam dans les Régions du
Littoral et de l'Ouest4(*).
Ainsi en 2006, ce sont près de 350 000 alevins (essentiellement
C. jaensis) destinés à la pisciculture qui ont
été prélevés dans le bassin de la Nkam.
19. Rentabilité économique de la
pisciculture
La question de la rentabilité des exploitations se
situe au coeur du processus de développement de la pisciculture en
Afrique sub-saharienne en général. Des études
économiques et des analyses financières récentes de projet
tendent à montrer que des modèles d'exploitation piscicole au
Cameroun (allant de systèmes extensifs bien gérés à
des systèmes semi-intensif à intensif avec apport accru
d'aliments) peuvent s'avérer rentables et suffisamment attractifs pour
des investisseurs potentiels, dès lors que certaines conditions sont
réunies.
Les résultats provisoires d'analyses financières
réalisées dans le cadre du projet TCP/CMR/3103 sur deux
systèmes d'exploitation `classiques' de pisciculture commerciale
existant au Cameroun confirment ces assertions (cf. tableau 5). Il s'agit du
système de polyculture sur une exploitation individuelle de 2 ha
d'étangs de production (= type 1) et du système de
polyculture sur un groupement villageois de plusieurs pisciculteurs à
petite échelle dont la superficie totale cumulée est de 0,5 ha
d'étangs de production (= type 2) 5(*).
Tableau 2 :
Résultats de l'analyse financière de quelques
systèmes de pisciculture commerciale (source : FAO/TCP/CMR/3103)
|
Type 1
|
Type 2
|
Taux d'actualisation
|
14 %
|
14 %
|
Montant total d'investissements
|
56,1 millions FCFA
|
16,6 millions FCFA
|
Répartition dans le temps de l'investissement
|
3 ans
|
2 ans
|
Durée de vie utile de l'investissement (étangs
et retenue)
|
20 ans
|
20 ans
|
Valeur actualisée nette (VAN) du cash-flow
|
83 millions FCFA
|
14,5 millions FCFA
|
Taux de rentabilité financière (TRI)
|
30 %
|
27,7 %
|
Délai de récupération du capital
initial
|
4,9 ans
|
5 ans
|
L'objet de ces analyses économiques est
également de déterminer des normes d'exploitation objectives
permettant de garantir la rentabilité financière de
l'activité piscicole et de l'inscrire dans la durabilité.
L'intérêt de ces modélisations réside
également dans l'analyse des trois principaux facteurs affectant la
rentabilité (analyse de sensibilité), à savoir : le
prix des alevins, le prix de l'aliment, et le prix de vente du poisson
d'élevage.
En ce qui concerne les alevins, on peut noter qu'une
augmentation d'environ du double du prix des alevins, qui pourrait
résulter logiquement d'une amélioration de leur qualité
(souche améliorée), se traduirait par une augmentation du poste
`alevins', mais qui serait largement compensée par une
amélioration des rendements de production, sous réserve bien
sûr d'une alimentation correcte. Si ce n'était pas le cas, alors
on assisterait à une baisse importante des TRI qui s'établiraient
ainsi à 16,4% pour le type 1 et à 13,4% pour le type 2.
Pour l'aliment, si l'on fait l'hypothèse que des
industriels locaux peuvent produire des granulés à un prix de 500
FCFA/kg, alors cela se traduirait par une diminution des TRI qui
s'établiraient respectivement à 21,3% et 18,2% pour les
exploitations de type 1 et de type 2. Toutefois, tout comme dans le cas des
alevins, l'aliment devrait être d'une bonne qualité, à
même d'améliorer significativement la production de poisson
marchand et d'enrayer les effets négatifs de la hausse des prix.
20. La pratique de
la pisciculture à Fokoué
2. Les types de poissons d'eau douce
élevés
· le silure
Le silure est l'une des nombreuses espèces de
poissons-chats appartenant à l'ordre des siluriformes et à la
classe des Ostéichthyens. Ces poissons sont caractérisés
par une large bouche entourée de barbillons, des nageoires
fréquemment munies d'épines et sont souvent dépourvus
d'écailles. Ils vivent dans les eaux douces, les estuaires et les mers
côtières de tous les continents, à l'exception de
l'Antarctique. On compte aujourd'hui 14 espèces identifiées de
silures (genre Silurus). C'est un poisson discret et solitaire,
lucifuge (qui évite la lumière), vivant d'ordinaire dans les
zones les plus profondes de son habitat. Les femelles pondent alors entre 20 et
30 000 oeufs par kg de leur poids, toujours dans une eau d'une
température supérieure à 20°C, à la fin du
printemps. Certains spécimens dépassant les 2,60 m et les 110
kilogrammes, le silure a longtemps été accusé d'être
extrêmement vorace ; on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien, seule
la sous-estimation de sa population expliquant la diminution corrélative
des populations de crustacés, d'amphibiens de et surtout de
brèmes
dont il se nourrit. À noter qu'il mange aussi des silures mais en cas de
manque de nourriture dans son entourage.
Photo1 : un silure (Nempe F. 2008)
· le tilapia
Le tilapia est un
poisson d'eau
douce, de l'ordre des perciformes et de la
famille des
cichlidés,
comprenant environ 40
espèces
originaires de la
zone
éthiopienne.
Les tilapias sont caractérisés par un corps assez
court et trapu, recouvert de petites écailles cycloïdes
(écailles rondes dont les bords sont émoussés) ou
cténoïdes (rondes, avec des bords en dents de scie). Ils mesurent
en moyenne de 10 à 30 cm de long. Leur bouche est garnie de deux
à trois rangées de dents. Le tilapia peut atteindre
jusqu'à 45 cm de longueur avec un poids d'environ 2 kg. L'échelle
de température privilégiée est de 22 à 32 °C.
Le rythme de croissance et le taux d'alimentation ralentissent quand la
température descend sous les 21 °C. Il est intéressant de
noter qu'il existe des preuves selon lesquelles les Égyptiens
élevaient le tilapia dans des étangs il y a plus de
3 000 ans. Le tilapia est souvent appelé
« saint-pierre » parce que, selon la légende, ce
serait ce poisson que saint Pierre aurait capturé quand le Christ lui a
demandé de mouiller ses filets dans la mer de
Galilée. Certaines espèces de Tilapia ont déjà
été introduites dans certains plans d'eau douce d'
Amérique
centrale et d'Asie du Sud Est car elles présentent des
caractéristiques intéressantes pour le type
d'élevage : un régime alimentaire polyvalent
(planctonophage, végétarien ou omnivore) ; un indice de
conversion alimentaire et une croissance généralement
élevés ; une grande résistance au manque
d'oxygène ; une reproduction rapide et facile ; un faible
degré de parasitisme, ce qui diminue les pertes causées par une
baisse dans le taux de croissance et par la mortalité ; une chair
de bonne qualité et de prix abordable et une tolérance aux
eaux à température relativement élevée.
Photo 2 : un tilapia (Nempe F. 2008)
· la carpe
La carpe est un
nom vernaculaire
utilisé pour désigner des
poissons d'
eau douce de la famille
des
Cyprinidae
(ou cyprinidés). Ce terme est ambigu car il peut désigner
génériquement l'ensemble de la famille, voire de l'ordre. Les
adultes ne pèsent généralement pas plus de 2,3 kg,
mais des spécimens pesant plus de 35 kg ont été
répertoriés. Les carpes fraient entre mai et juillet, les
femelles pondent parmi les plantes aquatiques. Elles prospèrent de
façon optimale dans les eaux assez chaudes, en particulier dans les lacs
peu profonds au fond vaseux. En hiver, elles s'engourdissent, cessent de se
nourrir et se tiennent près du fond ; en période de
sécheresse, elles peuvent même s'enfouir dans la vase et survivre
ainsi plusieurs semaines. Les carpes sont prolifiques et se reproduisent
rapidement ; elles font l'objet d'une pisciculture importante en Europe,
en Asie, en Afrique du Sud et, à plus petite échelle, aux
États-Unis. Se nourrissant au fond des cours d'eau, elles agitent la
vase et déracinent la végétation, en chassant souvent
d'autres poissons ; d'un autre côté, elles peuvent survivre
en eau stagnante ou polluée, là où les autres poissons ne
peuvent pas vivre.
Photo 3 : une carpe (Nempe F. 2008)
· le « kanga »
De son nom scientifique hétérotis
niloticus, le « kanga » est une espèce
typiquement soudanienne, mais introduite dans les zones forestières
où elle s'acclimate facilement. Il est connu dans les régions du
Lac Tchad, la rivière du Chari, et celle de la Bénoué.
Depuis 1955, il est introduit dans certaines rivières du Sud Cameroun,
comme le Nyong et la Sanaga. Son régime alimentaire se compose
d'insectes, de graines de graminées et de phytoplancton. C'est le
poisson le plus récemment introduit dans les étangs de
Fokoué, venu de la région d'Akonolinga.
Photo 4: un « kanga » (Nempe F. 2008)
3. L'espace piscicole :
l'étang
Un étang (estang, latin stagnum) est
une étendue d'eau stagnante, peu profonde, de surface relativement
petite (jusqu'à quelques dizaines d'hectares), résultant de
l'imperméabilité du
sol. Il
s'agit d'un plan d'eau, continental, d'origine naturelle ou anthropique.
À l'origine les étangs ont été
aménagés principalement pour la
pisciculture, les
ressources de l'
agriculture ou de l'
élevage
n'étant pas suffisantes dans les régions où le sol
était à la fois pauvre et marécageux. Certains
étangs sont toujours exploités pour la production de
poissons d'
eau douce, d'autres sont
entretenus pour le simple agrément ou pour constituer une réserve
d'eau douce pour la consommation, l'
irrigation ou l'arrosage.
La plupart des étangs sont le résultat d'aménagements
humains, soit par l'établissement d'une digue sur un
cours d'eau, soit par
curage d'un endroit naturellement humide et alimenté par les eaux de
pluie, de
source, de
ruissellement ou en creusant jusqu'en dessous de la
nappe
phréatique. La formation d'un étang nécessite une
alimentation en eau et un sol assez imperméable ou une communication
avec la nappe phréatique. L'alimentation peut consister en un
canal
prélevant l'eau sur un cours d'eau naturel. Il est fréquent que
le cours d'un
ruisseau ait
été utilisé pour créer un chapelet d'étangs
se déversant les uns dans les autres. La digue d'un étang est
constituée par un amas de terre, de cailloux et d'
argile ou très
rarement par un mur-
barrage en béton ou
en maçonnerie. La plantation d'un étang n'est pas neutre pour son
environnement. Son impact peut être positif ou néfaste. S'il
détourne l'eau d'une rivière, ou se déverse dans un
ruisseau, le réchauffement de l'eau de l'étang en
été peut avoir des conséquences importantes sur
l'évolution de la faune et de la flore du cours d'eau.
Lors de sa vidange
brutale, l'étang injecte dans le cours d'eau récepteur des
matières minérales et organiques modifiant la composition de
l'eau courante mais par sa végétation (plantes flottantes et
enracinées,
phytoplancton...), il
contribue à l'épuration de l'eau.
Les
étangs, particulièrement s'ils sont facilement vidangeables ou
aménagés pour cela, permettent depuis longtemps une production
importante de poisson.
Photo 5 : un étang à moitié plein
(Nempe F. 2008)
4. La nutrition des poissons
La nutrition des poissons dépend des moyens financiers
de chaque pisciculteur. En effet, pour nourrir les poissons, certains se
contentent des déchets de cuisine tels que les épluchures de
banane ou de plantain, de pommes de terre, de tubercules ou des restes de
nourriture avariée. Ces éléments fournis par l'agriculture
peuvent servir à nourrir les porcs dont l'enclos est construit sur
pilotis au-dessus de l'étang. Les déjections de ces porcs
constituent une nourriture riche pour les poissons tandis que leurs urines
fertilisent l'eau. Ainsi, pour faire de la pisciculture, il faut
également pratiquer l'agriculture et l'élevage. Par ailleurs, les
pisciculteurs utilisent aussi la bouse de vache ou de cheval, du remoulage
(produit obtenu après une deuxième mouture de la farine d'une
céréale), du son mélangé (résidu de la
mouture des céréales, constitué de l'enveloppe de leurs
grains). L'inconvénient réside dans le fait que ces aliments ne
sont pas produits par les ménages. Ils s'achètent à des
prix parfois au-dessus du pouvoir d'achat des pisciculteurs. La
compostière est un moyen simple de nourrir les poissons. C'est un enclos
construit avec des bambous fins sur la berge de l'étang. On y jette des
déchets de cuisines et des herbes. Leur décomposition
après quelques semaines diffuse dans l'eau des éléments
organiques et des matières minérales qui servent de nourriture
aux poissons.
5. La pêche
La pêche se pratique par une vidange. D'abord, elle
consiste à vider toute l'eau de l'étang à travers un
épais tuyau. Ensuite d'attraper les poissons qui se cachent dans la
boue. Pour un étang moyen, il faut attendre environ deux heures pour que
l'eau soit évacuée. Pendant ce temps, deux ou trois personnes
sont placées à l'autre extrémité du tuyau pour
attraper les poissons qui s'échappent. Une fois que l'étang est
presque à sec, les pécheurs entrent dans la vase et à
l'aide de paniers, ils capturent les poissons. Un procédé plus
conventionnel requiert l'utilisation d'une senne (grand filet) tenue par cinq
personnes. Deux aux extrémités et trois au milieu pour tirer la
senne vers le bord. Une dernière personne se tient hors de l'eau pour
récupérer les poissons. Ensuite, les poissons
récoltés sont mis dans un récipient d'eau propre dans le
but de les nettoyer et de les maintenir en vie, car il est important pour les
clients d'acheter leur poisson encore vivant. Cela leur apporte une certaine
assurance quant à la qualité de ce poisson. Les petits sont
triés et renvoyés dans l'eau.
La vidange permet aux pisciculteurs de se procurer une
quantité de poissons non négligeable. L'argent issu de la
commercialisation de ce poisson permet de subvenir à une partie des
besoins de la famille. Toutefois, il demeure toujours une
difficulté : la vidange s'effectue une fois par an (entre le 24 et
31 décembre), ce qui représente une longue période
d'attente pour profiter des bénéfices de la pisciculture. Un
équipement de pêche tel que la senne ou la canne à
pêche permettrait aux pisciculteurs de prélever par moment la
quantité de poissons nécessaire pour satisfaire la commande d'un
client, sans avoir à attendre la fin de l'année pour vidanger. En
outre, lorsque la quantité de poissons récoltée dans les
vidanges est importante et que la commercialisation est difficile, il se pose
un problème de conservation. C'est ce qui amène les pisciculteurs
à solliciter une formation dans les techniques de fumage. Ils pourraient
à cet effet conserver leur poisson plus longtemps et surtout le revendre
plus cher qu'à l'état frais.
Photo 6 : une séance de pêche
à la senne (Nempe F. 2008)
Photo 7 : une séance de pêche
par la capture à mains nues (Nempe F. 2008)
Photo 9
Photo 8
Photo 11
Photo 10
Photos d'une récolte de silure (photo
8), de carpe (photo 9), de tilapia (photo
10) et de « kanga » (photo 11)
6. Les croyances locales liées
à la pisciculture
L'activité piscicole à Fokoué implique
une cohabitation avec des êtres surnaturels. En effet, il ressort des
entretiens avec des pisciculteurs qu'il existe des totems qui nuisent au
développement de la pisciculture. (Ce sujet semble tabou car bon nombre
de pisciculteurs nient leur existence. Seul deux d'entre eux en font mention
dans nos entretiens). Nous avons ainsi pu répertorier un certain nombre
d'élément qu'ils identifient comme des totems. Il y a le
/mpehntse /qui signifie « le chien de l'eau ». Il
est aussi appelé /mbúlù /qui veut dire
« super ». Ce nom vient du qualificatif
« super » communément donné aux chefs
traditionnels en vertu du respect qui lui est du. C'est donc le totem du chef.
Il s'agit de la loutre, un mammifère carnivore aquatique. Il peut
atteindre 75 cm de longueur. Une longue queue, la tête large et plate,
avec des oreilles courtes et arrondies ; le museau arrondi porte des
narines latérales en forme de fentes. Les oreilles et les narines
peuvent être fermées quand l'animal plonge. La fourrure est
châtain, les pattes sont courtes mais puissantes, et les pieds
palmés sont munis de griffes. Les loutres vivent dans des terriers,
généralement situés au bord de l'eau et comportant une
entrée sous l'eau. Elles mangent des poissons et de petits
mammifères, des oiseaux, des grenouilles et des écrevisses. Cet
animal nuit au développement de l'activité piscicole en
dévorant les poissons dans l'eau.
Un autre totem fait référence à un
serpent ánú qui est selon les pisciculteurs,
envoyé par quelqu'un pour dévorer les poissons. La mise à
mort de ce serpent entraîne la mort de son maître. A moins que ce
dernier ne reconnaisse devant ses détracteurs qu'il est effectivement le
maître du serpent. Ainsi on pourra lui sauver la vie en lui faisant
consommer un mélange d'herbes préparé par une personne
initiée. Il pourra donc regagner un autre serpent de la même
espèce sans lequel il ne peut vivre. Cependant, l'efficacité de
ce traitement est tributaire d'un délai d'exécution. Ce
délai dépend de l'endroit du corps où l'animal a
été frappé. S'il s'agit de la tête, il faudra
rapidement agir en moins de trois jours. Sur les autres parties du corps, on
dispose d'une semaine pour « reconduire » le totem.
L'arc-en-ciel nungem est également
perçu comme un totem. Il agit à travers un petit lézard
aquatique. Lorsque ce dernier veut sortir de l'eau, sa respiration
dégage une grande chaleur qui peut être nocive pour les personnes
présentes dans la zone de l'étang. Puis, une petite pluie
survient et c'est à ce moment-là qu'il sort de l'eau. Sa
respiration dégage une vapeur qui va donc former un arc-en-ciel. Ce
lézard est nuisible dans la mesure où il est capable
d'assécher complètement un petit étang. Les totems
n'agissent pas seulement dans le cas de la pisciculture, ils interviennent
également dans l'agriculture. Leur passage dans les champs rend les
cultures rougeâtres puis sèchent complètement. En dehors de
ces totems, on note aussi la présence de prédateur tel que le
ndòkfáòntse c'est-à-dire le
canard sauvage. D'autre l'appelle ngàmtsè qui
signifie la poule de l'eau.
7. Les mesures préventives
Les pisciculteurs ont mis au point un certain nombre de
méthodes pour contrecarrer l'action des totems dans la gestion des
étangs. Ainsi, une plante appelée
panzemzemoh qui veut dire « rouge d'un seul
côté » est plantée autour de l'étang.
C'est une plante dont les feuilles sont rouges d'un côté et violet
foncée de l'autre. Elle est dotée de pouvoirs magico-religieux
qui empêchent les totems de dévorer les poissons. Des
pièges sont également installés.
Pour le cas des oiseaux pêcheurs séng et
des canards sauvages, les pisciculteurs utilisent de l'urée qu'ils
infusent dans l'eau de l'étang. L'urée est un
composé cristallin incolore, produit d'excrétion de
l'ammoniac issu de la dégradation des protéines chez les
êtres vivants. L'urée est abondamment présente
dans l'urine des mammifères, y compris celle de l'homme. On en trouve
également des traces dans les excréments des poissons et d'autres
animaux, ainsi que dans diverses moisissures, les feuilles et les graines de
nombreux légumes et céréales. Cette substance leur permet
de rendre l'eau verte afin que les poissons soient invisibles aux yeux des
oiseaux.
8. Les modes de préparation
culinaires
Pour la consommation des poissons des étangs, les
pisciculteurs « connaisseurs » pensent que chaque type de
poisson a une technique propre de cuisson. Pour le tilapia, quelques entretiens
ont révélé que la technique adéquate consiste
à le rouler d'abord dans la farine et le faire frire longuement afin que
ses arrêts deviennent croustillants. Il peut donc être mangé
en toute sécurité. C'est ce que nous avons également
constaté dans la pratique.
Quant au silure, il est beaucoup plus consommé sous
forme de bouillon. Pour cela, il faut d'abord le nettoyer avec de l'eau
tiède salée pour le débarrasser de sa peau glissante (qui
a un goût amer). La méconnaissance de cette technique constitue un
frein pour l'achat et la consommation de ce poisson par les populations. En
plus, il est plus apprécié par les ménages sous la forme
fumée, qu'ils ont d'ailleurs eu l'habitude de consommer.
Le kanga pose également quelques problèmes. Sa
chair molle contient trop d'eau selon quelques consommateurs. C'est pour cela
qu'une restauratrice du coin décide d'innover en le faisant cuire
à la braise pour sécher toute l'eau et rendre la chair plus
ferme. Lorsque ces poissons ne sont pas consommés directement ils sont
fumés par une technique locale.
La première phase de cette étude nous permet
d'appréhender le phénomène de l'intérieur. Elle
nous révèle l'existence d'un caractère magico-religieux.
En effet, des animaux totems interviennent dans la gestion des étangs de
manière défavorable. Cet aspect n'est pas sans conséquence
puisqu'il entrave le développement de la pisciculture et peut
décourager les jeunes qui veulent s'y lancer. La seconde phase de notre
étude nous conduira à définir de manière
quantitative tous les facteurs qualitatifs qui influencent le choix des
consommateurs et des non consommateurs.
CHAPITRE II : MODES
DE DISTRIBUTION, DE TRANSFORMATION ET DE CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE
ELEVE
Dans ce chapitre, nous commençons par identifier les
types de poisson d'eau douce qui sont élevé et consommés,
en utilisant les termes locaux qui traduisent partiellement la manière
dont ces poissons sont perçus. Ensuite, nous voyons comment les
données obtenues à l'issue des entretiens et des observations
permettent de relever les différents manières dont consommateurs
s'approvisionnent en poisson d'eau douce élevé, les
procédés de transformation auxquels ils ont recours, tant pour
la préparation que pour la conservation, et la consommation dans toute
ses déclinaisons.
· Identification des produits consommés
S'interroger sur la nature des produits consommés est
la première préoccupation de tout chercheur qui
s'intéresse à l'alimentation d'une société (Bricas,
1996). Dans la socio-culture des consommateurs, il existe des vocables pour
désigner les différents types de poisson d'eau douce
élevés. Mais avant, il importe de relever la distinction que ces
derniers établissent entre le poisson de mer, habituellement
consommé et le nouveau type de poisson qui leur est proposé.
Dans la langue locale (yèmba), le terme utilisé
pour désigner l'étang est : /epwemesé/ cela
veut dire : « le trou du poisson », qui est
différent de /nstémeséh/ qui signifie
« l'eau qui contient les poissons ».
L' /épwemesé/ est le trou qu'une personne creuse
pour y élever les poissons. C'est donc l'étang qui appartient
à quelqu'un. Or le /nstémeséh/ est un cours d'eau
où les poissons vivent naturellement. Ainsi, en partant des termes
locaux qui désignent les espaces d'où viennent les deux types de
poisson, on en arrive à conclure que le poisson d'eau douce
élevé renvoie à l'altérité, à ce qui
vient d'ailleurs.
S'agissant alors des produits consommés, les quatre
types de poissons identifiés n'ont pas d'appellations traditionnelles
dans la langue yemba. Cela pourrait se justifier par le
caractère nouveau de la pisciculture dans cet arrondissement. Toutefois,
la première distinction faites par les consommateurs est liée
à la nature du type de poisson, à savoir le poisson frais,
fumé ou sec. Il y a le /msèfí/ qui veut dire
le poisson frais et le /búnga/ qui désigne
le « poisson sec ». Les vocables alloués à
certains poissons résultent d'un certain nombre d'expériences qui
permettent aux populations de les qualifier, et donc de les nommer.
· Le tilapia est localement
appelé /tchehmoli/ pour signifier qu'il faut
« laisser l'enfant dormir avant de
préparer ». Cette appellation traduit une perception
liée à la sécurité et à la santé car
le tilapia a beaucoup d'arrêts. Pour cela, Il faut donc attendre que
l'enfant soit endormi avant de le préparer, de peur qu'il ne se prenne
des arêtes dans la gorge.
· Le silure est designer par le terme
/selefu/, pour indiquer « le poisson de la
plaine ». Par cette appellation, les populations veulent
signifier qu'il s'agit d'un poisson qui n'appartient pas à leur univers
culturel.
· Pour la carpe et le
kanga, il n'existe pas de terme local pour les
désigner, ils conservent leurs noms d'origine.
· Identification des pratiques alimentaires liées
au poisson d'eau douce élevé
Les pratiques correspondent à des manières de
faire habituelles, soit individuelles soit collectives. Dans la sphère
de l'alimentation, notamment en ce qui concerne le poisson d'eau douce
élevé, trois catégories de pratiques sont identifiables,
à savoir les pratiques de distribution, les pratiques
d'approvisionnement, les pratiques de transformation et de préparation
des aliments, les pratiques du « manger » ou de
consommation.
1. Les pratiques de distribution
Celles-ci correspondent à la manière dont les
pisciculteurs s'organisent pour assurer une offre satisfaisante de poisson
d'eau douce élevé auprès des populations. Les
méthodes dont ils usent pour la distribution de leur poisson
obéissent à deux logiques :
1. La logique marchande
La logique marchande est celle qui consiste à vendre le
poisson pour gagner de l'argent. A ce niveau, l'activité est purement
lucrative et les producteurs mettent en place des stratégies de
commercialisation. Selon eux, « pour pouvoir vendre le poisson,
il faut le faire connaitre, il faut le vanter »,
c'est-à-dire en parler aux gens pour attiser leur curiosité.
D'une part, une campagne publicitaire est menée dans le village. Les
producteurs passent de maison en maison pour faire savoir aux populations que
les pêches auront bientôt lieu et que le poisson sera disponible.
La nouvelle circule « de bouche à oreille ». Notons
également que parfois, des publicités sont faites en zone urbaine
(ville de Dschang), dans une radio de la place (Radio yemba). L'annonceur
informe le grand public du lieu et de la date des pêches. D'autre part,
des affiches sont collées dans les endroits populaires tels que la place
du marché, à la sortie de l'église et à
l'entrée de la chefferie. Dans les deux cas, les personnes qui sont
intéressées peuvent se rendre au lieu indiqué pour acheter
leur poisson. Sur place, chaque personne passe sa commande. La quantité
demandée est emballée dans un plastique et pesée avant
d'être servie. La pesée permet aux pisciculteurs de
contrôler la quantité de poisson pêché et vendues Par
ailleurs, les producteurs se rendent chez les personnalités influentes
du village telles que le chef, le Sous-préfet, les notables et autres
élites pour faire la promotion de leur produit. Quelques fois cependant,
la distribution du poisson par les producteurs ne suit pas toujours la
perspective d'un profit financier.
2. La distribution selon la logique
non-marchand
La logique non-marchand est celle où le producteur
offre gratuitement du poisson aux gens qui l'entourent (parents, amis,
voisins). Etant donné qu'il s'agit là d'un aliment encore
méconnu de beaucoup de personne, cette forme de distribution est une
manière de « faire connaître le
poisson », de le vulgariser, d'amener les gens à s'y
intéresser. De la sorte, les producteurs laissent aux consommateurs le
temps d'apprécier le poisson, de faire passer le message pour essayer de
convaincre les sceptiques. Par ailleurs, ce don de poisson par le producteur
à ses proches lui permet de « soigner son image »,
éléments important dans son rapport avec les consommateurs.
Autrement dit, offrir le poisson à ses proches confère au
producteur une image favorable à son activité car, au moment de
la vente, ceux-là seront plus disposés à acheter ce
poisson.
2. Les pratiques d'approvisionnement
Cette catégorie de pratique est importante à
saisir dans la mesure où elle aide à comprendre comment
s'effectuent les choix des consommateurs vis-à-vis du lieu
d'approvisionnement. Ainsi, trois principaux lieux d'approvisionnement en
poisson d'eau douce ont été identifiés :
1. L'approvisionnement au bord de
l'étang
Les producteurs donnent l'occasion aux populations de venir
jusqu'à l'étang s'approvisionner en poisson. Cette pratique leur
permet aussi de faire connaître leur nouvelle activité, de faire
« voire comment ça se passe », en un mot de
démystifier la pisciculture aux yeux des incrédules. Les
consommateurs achètent donc leur poisson directement sorti de l'eau.
Selon les dires de quelque uns,
« Quand nous voyons comment ça sort de
l'eau et on achète directement, on est sûr que c'est de la bonne
qualité et que le goût sera bon».
Rappelons en outre, que les personnes venues s'approvisionner
au bord de l'étang bénéficient parfois d'une baisse des
prix, voire des petits dons, car leur présence sur les lieux est un
signe d'encouragement adressé aux pisciculteurs. Beaucoup de ces
personnes sont éblouis de voir des poissons vivants sous leurs yeux.
C'est un véritable spectacle car, pour la plupart
« Ce que nous voyons tout le temps c'est le
maquereau congelé. Maintenant, si la pisciculture réussit chez
nous on pourra avoir du poisson vivant et ça doit être plus
bon ».
Pour ceux qui ne parviennent pas à se rendre à
l'étang, le poisson est amené vers un autre point
d'approvisionnement.
2. L'approvisionnement sur le
marché local
Le poisson qui n'a pas été vendu à
l'étang est placé dans des grandes marmites d'environ 50 litres
remplies d'eau pour le garder en vie, puis transporté vers le
marché local. Sur place, beaucoup de gens viennent voire le poisson
vivant pour la première fois. Signalons également que lorsque la
quantité de poisson pêchée est importante, les producteurs
vont le vendre en ville.
3. L'approvisionnement au domicile du
pisciculteur
Il peut arriver que le producteur ramène une partie du
poisson qu'il a péché chez lui, quand une journée
entière ne pas suffit pas pour tout vendre. A cet effet, un grand bac
construit en béton pour assurer l'étanchéité est
placé derrière la maison pour contenir les poissons.
4. L'approvisionnement sur commande
Ce type d'approvisionnement est généralement
réservé à des clients plus exigeants sur la qualité
du poisson. Les annonces passées à la radio par les pisciculteurs
peuvent intéresser certains consommateurs de la ville, ou des structures
telles que les poissonneries ou les restaurants. Les quantités de
poisson commandées sont mises à part avant d'exposer le reste sur
le marché. Dans le cas où le client réside en ville, soit
il fait le déplacement vers le village pour récupérer son
poisson, soit le producteur l'achemine jusqu'en ville. Dans ce dernier cas, le
coût du transport qui oscille entre 700 et 1500 FCFA pour une personne
avec bagage sera pris en compte dans le prix de vente du poisson. Soulignons
que la cherté d'une annonce publicitaire à la radio constitue un
obstacle à la commercialisation du poisson hors de la zone de
production. De ce fait, les pisciculteurs ont des
« délégués » qui sont chargés
de passer l'annonce chez des vendeurs réguliers tels que les
poissonniers et les restaurateurs.
3. Les pratiques de transformation et de
préparation du poisson d'eau douce élevé
Nous entendons par transformation les opérations
techniques qui visent à modifier la qualité d'un produit pour le
rendre consommable. Par préparation, il faut entendre les
opérations de mélange ou de combinaison des produits, souvent
effectué à l'occasion de la cuisson pour obtenir des plats
(Bricas, 1998). Les pratiques de transformation et de préparation du
poisson d'eau douce élevé sont peu connues des populations, ce
qui freine quelque peu sa consommation. Néanmoins, au fil du temps et
à travers avec les personnes venant d'ailleurs, les consommateurs
apprennent à s'accommoder à ce type de poisson. C'est ainsi que
l'on va distinguer les transformations en vue de la conservation et les
préparations culinaires en vue d'une consommation immédiate.
1. La transformation
La transformation du poisson d'eau douce élevé
est pratiquée pour deux raisons, à savoir le conserver plus
longtemps et le vendre à un meilleur prix. Pour cela, les producteurs
ont adopté deux techniques de transformations.
ü Le fumage : La technique
utilisée pour fumer le poisson est qualifiée
d' « archaïque » par ceux qui la
pratiquent. Ils se servent de la moitié d'un fût ouvert au-dessus
et percé vers le bas. Ils y mettent des braises, puis des déchets
tels que les épluchures de banane ou de plantain. Ils classent ensuite
les poissons sur un grillage huilé afin qu'ils ne collent pas et le
recouvre de feuilles de bananier et d'une tôle. Le fumage dure le temps
d'une nuit.
ü Le séchage : la
technique du séchage est moins pratiquée que la première.
Elle consiste à ouvrir le poisson pour le vider de ses entrailles, puis
à le saler et enfin l'exposer au soleil pendant quelques jours
2. La préparation culinaire
Nous l'avons dit plutôt haut, la préparation
culinaire du poisson d'eau douce élevé n'est pas familière
aux populations locales. De ce fait les techniques utilisées leur ont
été apprises par des vulgarisateurs. Trois techniques culinaires
ont donc été identifiées :
ü La préparation sous forme de bouillon :
elle consiste à faire cuire le poisson dans une eau à laquelle
les ingrédients habituels ont été ajoutés
(condiments verts, piment, sel...) la préparation en bouillon est plus
adaptée pour le silure et la « kanga », selon ceux
qui s'y connaissent.
ü La préparation par friture : il s'agit
simplement de faire cuire le poisson en le plongeant dans une matière
grasse bouillante. Cependant, cette technique n'est appropriée que pour
le tilapia car, selon les propos recueillis, c'est un poisson qui contient
beaucoup d'arêtes qui rendent sa consommation très difficile et
quasiment impossible pour les enfants. Ainsi, pour les
« connaisseurs », la technique adéquate consiste
à
« Le rouler d'abord dans la farine et le faire
frire longuement afin que ses arêtes deviennent croustillantes. Il peut
donc être mangé en toute sécurité »
C'est ce que nous avons également constaté dans
la pratique.
ü La préparation sous forme de rôti :
il est question de faire cuire le poisson en le passant au gril, au four ou
à feu vif. Le rôti est la forme de préparation
adaptée à la carpe.
3. La prise alimentaire du poisson d'eau
douce élevé
Il faut entendre par prise alimentaire toute ingestion de
produit solide ou liquide ayant une charge calorique (Poulain, 2002). La prise
alimentaire peut se décomposer en repas et hors repas. Manger du poisson
d'eau douce élevé, chez nos consommateurs, s'insère dans
ces deux cadres de prise des repas, dont les conditions évoquées
sont décrites comme suit :
· La dimension temporelle :
Elle prend en compte le moment de la journée et la
durée de la prise. Manger le poisson d'eau douce ne tient pas compte du
moment de la journée, par rapport aux autres aliments quotidiens. Quand
on en dispose, on l'intègre dans les prises de repas habituelles, avec
les autres aliments.
· La structure de la prise :
Elle comprend pour le repas le nombre de prise et ses
combinatoires, et le hors repas le nombre et la nature de la prise, solide,
liquide ou combinée. Lorsque le poisson d'eau douce est
intégré à un repas, il se limite
généralement à une seule prise, car la petite
quantité achetée par le consommateur, faute de moyen, ne lui
permet pas d'en multiplier les prises. Il est le plus souvent combiné
à la banane plantain, aux pommes de terre, aux tubercules de manioc, au
macabo...lorsque la prise est hors repas, elle peut se faire plusieurs fois
indépendamment du moment de la journée, car constituée de
petits parts et sans combinatoire. A ce niveau, la prise est plus sous forme
solide (friture de tilapia le plus souvent) et s'apparente au grignotage.
· La dimension spatiale :
Une distinction s'opère entre les prises à
domicile et les prises hors domicile. La prise à domicile se fait en
famille, et parfois en compagnie des amis ou des voisins, tant il est vrai
qu'en Afrique noire on est tous frères. Dans ce cas, la
préparation du poisson d'eau douce élevé chez le
pisciculteur par exemple donne parfois lieu à un petit rassemblement des
proches où chacun vient « goûter » le nouveau
type de poisson. La prise hors domicile à lieu principalement au
restaurant de la place ou au domicile d'un parent ou d'un ami.
· La logique de choix :
il est question ici de voir si le mangeur a lui-même
décidé de ce qu'il consommait à l'intérieur d'une
offre plus ou moins ouverte ou si son choix a été
délégué à un proche. D'après les
observations faites, il y a lieu de dire que dans l'offre que constituent les
quatre types de poisson d'eau douce élevé, les mangeurs
enquêtés disposent d'une liberté de choix dans ce qu'ils
veulent consommer, un choix sous-tendu par des motivations propre à
chacun d'eux, et que nous avons analysé dans le dernier chapitre.
· L'environnement social :
Il postule que la prise alimentaire peut avoir lieu dans un
contexte solitaire ou socialisé. Ces deux cas s'appliquent à la
consommation du poisson d'eau douce élevé dans la mesure
où il est consommé seul, entre amis ou en famille.
· Les prix pratiqués
Pour ce qui est des prix pratiqués, ils
s'élèvent à 1200 FCFA/kg pour le silure, 1000fcfa/kg pour
le tilapia et 1200 ou 1500 FCFA pour la carpe. Le « kanga »
est vendu à l'unité selon son poids, le montant à
débourser pouvant aller de 2000 à 2500 FCFA, car c'est le poisson
le plus gros et plus rare à trouver. Dans l'achat de ces poissons, les
consommateurs tiennent comptent du nombre par unité de poids. Le
maquereau qui est vendu à environ 500 ou 700 FCFA/kg est
délaissé au détriment du tilapia qui coûte
1000fcfa/kg. Pour cause, un kilogramme de maquereau représente deux
poissons de taille moyenne or un kilogramme de tilapia représente 6 ou 7
poissons de petite taille. Par ailleurs, nous avons identifiés quelques
facteurs qui entrainent la variation de ces prix à savoir les
différences liées aux caractéristiques de qualité
du poisson, le moment de la vente, la capacité de négociation du
client et le type de client.
1. Les différences liées
aux caractéristiques de qualité du poisson
Les différents types de poisson qui sont vendus
possèdent tous des caractéristiques différentes,
traduisant leur qualité, selon les consommateurs. Des différences
au niveau de ces caractéristiques, perçues par le consommateur
donne lieu à une révision du prix. Ainsi, les gros poissons
(comme le silure et le kanga) sont valorisés par rapport aux poissons de
taille moyenne (comme la carpe) et de petite taille (comme le tilapia).
Certains clients refusent donc de débourser de l'argent pour les
poissons de petite taille. De même, un poisson à moitié
mort sera vendu moins cher qu'un poisson bien vivant.
2. Le moment de la vente
Il influence le prix du poisson dans la mesure où
celui-ci perd de sa valeur au fur et à mesure que l'on s'éloigne
du moment où il a été pêché. Le client payera
donc plus cher un poisson qui vient d'être pêché, par
rapport à un poisson qui se vend en fin de journée.
3. La capacité de
négociation de client
Selon que le client est habile à négocier avec
le vendeur, qu'il dispose de temps ou non pour marchander, le prix
effectivement payé est variable. Nous nous sommes rendu compte que sur
le marché, certains clients usent de leur volubilité pour
bénéficier d'un prix réduit.
4. Le type de client
Selon que l'acheteur connait ou non le vendeur, il y a une
légère variation sur le prix du poisson. La somme demandée
à un parent pour l'achat du poisson ne sera pas la même pour un
étranger.
Photo 12 : Deux pisciculteurs dans une
livraison de « kanga » à domicile
(Nempe F. 2008)
· Les déterminants du prix du poisson d'eau douce
élevé
Indépendamment de la nature et du type de poisson
(frais, fumé ou séché, cuisiné et servi), trois
éléments déterminent leurs prix.
Prix
Confrontation offre /demande
Coût de la production
Politique des prix
Subvention des institutions de recherche
Capacité de négociation des clients
Coût de la construction de l'étang
Prix fixés par les producteurs
Relation entre producteur et consommateur
Coût de l'achat des alvins
Coût de la nutrition des poissons
Coût du transport
Figure 2 : Déterminants du prix
du poisson d'eau douce élevé
1. Le coût de la production
Se lancer dans la pisciculture nécessite que l'on
dispose d'un certain capital pour supporter la construction d'un étang,
l'achat des alevins, la nutrition de poissons et leur transport jusqu'aux
différents lieux de vente.
En effet, la construction de l'étang n'est pas
l'affaire d'une seule personne. C'est un travail colossal, physiquement
éprouvant et qui demande beaucoup de temps (2 à 3 mois selon le
rythme de travail). Pour cela, le propriétaire de l'étang, en
plus des membres sa famille, sollicite l'aide de quelques jeunes du village,
contre de petites rémunérations.
Une fois que la construction de l'étang est
achevée, puis rempli d'eau par déviation d'une source, il faut
acheter les alevins (jeunes poissons que l'on utilise pour repeupler les
étangs, les rivières ou les élevages de poisson). Pour
avoir ces alevins, il faut aller chercher loin, notamment à Foumban et
Akonolinga où se trouvent des stations d'alevinage. Cela implique donc
des frais transports, sans que l'on soit pour autant sûr de trouver
satisfaction.
Lorsque l'étang à été
empoissonné, il faut maintenant leur assurer une bonne nutrition pour
espérer avoir beaucoup de gros poissons au moment de la pêche et
faire des bénéfices. Pour cela, les déchets de cuisine ne
suffisent plus à nourrir correctement les poissons. Les pisciculteurs
vont dans les boulangeries de la ville pour acheter les déchets de
pâtisserie et d'autres nourritures spéciales, qui vont favoriser
une croissance rapide des poissons.
Enfin, après 11 à 12 mois d'élevage, les
poissons sont assez gros pour être consommés. La pêche est
donc organisée (nous l'avons décrite dans le chapitre 2). Les
poissons, stockés dans des grandes marmites d'eau doivent être
immédiatement transportés vers les points de ventes. Pour
l'approvisionnement de la ville, les producteurs doivent trouver un
véhicule qui acheminera le poisson jusqu'à l'endroit voulu.
Au final, les moyens financiers, les efforts physiques et le
temps engagés dans la pratique de la pisciculture viennent
déterminer les prix du poisson.
2. La politique des prix
La pisciculture à Fokoué est une activité
qui a été subventionnée dès le départ par
l'Institut de Recherche Agricole pour le Développement (IRAD), la
Coopération Française et l'université de Dschang. A cet
effet, les producteurs ont bénéficié de certaines aides
financières qui leur permettant de supporter les charges liées
à leur activité, et cela a eu pour effet de jouer sur les
différents prix de poisson.
Par ailleurs, ces prix sont fixés de manière
consensuelle par les pisciculteurs (organisés en GIC) de telle sorte
qu'il n'y ait pas de concurrence entre ces derniers.
3. La confrontation entre offre et
demande
L'offre de poisson d'eau douce qui est
représentée par le pisciculteur face à la demande qui est
représentée par le consommateur et ses attentes donne lieu
à une interaction dont l'issue à un effet déterminant sur
le prix du poisson. En effet, un consommateur qui dispose d'une certaine
agilité dans la négociation peut parvenir à acheter du
poisson à un prix inférieur à la valeur normale. De
même, le fait que le producteur a à faire à client qui est
soit un parent, un ami ou même un voisin jouent également dans le
sens d'une réduction arbitraire.
Le prix auquel les producteurs vendent donc leur poisson n'est
pas fixé de façon aléatoire. Il prend en compte toutes les
formes d'énergie mobilisées dans la réalisation de leur
activité. Cependant, ces prix sont également liés à
l'offre du poisson et les facteurs qui la déterminent.
· L'offre de poisson d'eau douce élevé
Sans faire référence à l'équilibre
économique classique offre-demande, il est évident que la
consommation finale observée du poisson d'eau douce élevé,
résulte de la confrontation entre l'offre à disposition chez les
pisciculteurs et la propension à consommer chez les populations.
Celle-ci est déterminée par les préférences du
consommateur et de sa capacité d'accès à ce produit
alimentaires achetées ou servi. Déclinons tout d'abord les
déterminants de cette offre.
L'offre, qu'elle résulte d'une propre production
paysanne en tant que produit de son activité agro-piscicole, ou produit
des exploitations familiales agricoles ou encore qu'elle soit vendue sur le
marché local, dans les réseaux de grande distribution
(marché urbain), au domicile du producteurs ou fait tout simplement
l'objet d'un don, est caractérisée par une certaine
disponibilité et plus ou moins de variétés. Les
denrées alimentaires, pour parler ici du poisson d'eau douce
élevé, présenteront des caractéristiques
spécifiques et des prix qui influenceront les choix des consommateurs. A
travers un graphique inspiré du modèle de Bricas, Padilla, Khaldi
et Haddad (2002), nous représentons ci-dessous les déterminants
de l'offre de poisson d'eau douce sur le site d'étude.
1. La disponibilité et la
variété
Les facteurs déterminants la disponibilité et la
variété du poisson d'eau douce élevé sont de
différents ordres, selon qu'il est à l'état frais
(fraichement sorti de l'étang), transformé (fumé ou
séché) ou cuisiné et servi hors domicile (restaurant ou
gargote).
Pour le poisson frais, la disponibilité et la
variété dépendent tout d'abord des capacités
locales de production. En milieu rural, l'alimentation de la population est
traditionnellement basée en grande partie sur l'autoconsommation ou sur
les aliments largement disponibles localement. La gamme des produits
consommés est souvent limitée mais les agriculteurs/pisciculteurs
consommateurs ont souvent une connaissance fine des différences de
qualité des produits qu'ils cultivent (ou des poissons qu'ils
élèvent). Dans le cas où les disponibilités locales
c'est-à-dire le poisson d'eau douce élevé sur place
s'avèrent limitées en quantités ou en
variétés en raison de conditions agro-écologiques
défavorables ou des pratiques magico religieuses néfastes, les
possibilités de recours à des approvisionnements plus
éloignés sont alors déterminantes. C'est le cas de
certains approvisionnements qui s'effectuent à Santchou, un village
voisin où la pisciculture est également pratiquée. Pour le
consommateur, l'offre est alors conditionnée par les modalités de
transport, particulièrement pour ceux résidant en zone
urbaine.
Pour permettre un étalement de l'approvisionnement dans
l'espace et dans le temps, la transformation d'une partie du poisson
pêché est nécessaire. Cette transformation de
l'alimentation contribue de plus à accroître la
variété car elle autorise la consommation de produits
jusque-là inconnus dans le répertoire local. La diversification
des produits transformés est alors largement liée aux
capacités d'innovations des pisciculteurs dans un contexte où les
moyens financiers sont dérisoires et la technologie nécessaire
pour ces opérations est rudimentaire.
Disponibilités et variétés sont aussi
déterminées par les capacités de restauration hors
domicile. En effet, parmi les producteurs que nous avons interrogés,
deux d'entre eux (des femmes) possèdent un restaurant où elles
cuisinent et vendent le poisson d'eau douce issu de leurs étangs. Elles
affirment faire des bénéfices substantiels, car certains poissons
sont très prisés, comme en témoigne Madame Tessa, l'une
des tenantes de restaurant :
« Quand j'ai une bonne récolte, c'est
ça que je prépare pour vendre au restaurant. Les gens
apprécient beaucoup ces poissons, surtout le silure et le tilapia. Ils
aiment le tilapia parce que je le sert en entier, sans couper, puisqu'il n'est
pas très gros ».
Cette forme de restauration favorise une connaissance et une
certaine vulgarisation du poisson d'eau douce élevé chez des
populations parfois sceptiques. Mais encore, la restauration n'est pas qu'un
lieu de prise de repas, c'est aussi un lieu de socialisation alimentaire
permettant d'une part des rencontre et d'autre part de découvrir et
accéder à de nouvelles préparations culinaires qui ne font
pas partie du répertoire familiale.
2. Les caractéristiques du
poisson d'eau douce élevé
Le poisson d'eau douce élevé mis sur le
marché, présente des caractéristiques qui influenceront
les choix et les préférences des consommateurs. Nous avons pu en
distinguer cinq, relatives au gout, à la valeur nutritionnelle, aux
aspects sanitaires, à la commodité et à l'image
socioculturelle qui y est associée.
Les caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau
douce élevé (gout, couleur, forme, texture) sont largement
déterminantes dans les choix des consommateurs. Mais ces
caractéristiques sont aussi tributaires de certaines conditions de
production et de distribution. Par exemple, les producteurs doivent s'assurer
que lors du transport du poisson de l'étang jusqu'aux différents
lieux de vente, il reste vivant car, l'état vif est un critère de
qualité important pour un bon nombre de consommateurs.
En ce qui concerne les aspects nutritionnels, les
déterminants sont presque similaires. Les chaînes courtes entre la
production et la vente ou entre la production et la transformation du poisson
d'eau douce élevé favorisent le maintien des nutriments. Si de
nos jours, il y a une prise de conscience sur l'impact de la technologie sur la
destruction ou la préservation des nutriments (Besançon, 2000),
cela semble également être le cas pour certains consommateurs,
comme une enquêtée qui affirme que :
« Avant d'acheter ce poisson-là la
première fois, moi j'ai d'abord cherché à savoir comment
et par qui ça été élevé, parce qu'il y a des
produits chimiques que certains peuvent utiliser et ça tue la
qualité du poisson. Je préfère le naturel, ce qui sort de
l'eau et on prépare directement. »
La priorité est donc accordée aux poissons
vivants, qui renvoient à l'idée de fraicheur, du
« naturel » et par conséquent à ce qui est
bon pour le corps.
Par ailleurs, la distanciation entre consommateur et
producteur, autrement dit le recours à des approvisionnements
éloignés, se traduit par une suspicion accrue des consommateurs
par rapport à la qualité sanitaire du poisson d'eau douce
élevé. Cet état des choses se manifeste dans les
comportements, par le fait que les consommateurs urbains qui veulent se
procurer du poisson hésitent à le faire. Pour cause, ces derniers
en ville alors que les lieux de ravitaillement se trouvent dans le village
(à 20 ou 21 km de la ville). Dès lors ces consommateurs urbains
se retrouvent dans une situation de doute, car le fait d'être très
éloigné des producteurs et de ne pas connaitre qui ils sont
génère une suspicion qui s'applique également à
leur produit.
Les caractéristiques de commodité d'acquisition,
de conservation, de d'usages culinaires sont liées à des
savoir-faire élaborés localement, et dont le niveau de maitrise
des consommateurs influence leurs choix.
Les caractéristiques du poisson d'eau douce
élevé ne se limitent pas aux seules dimensions objectivement
mesurables. Chaque type de poisson, par sa nature, son origine, ses
propriétés organoleptiques, est porteur d'images et de valeurs
socioculturelles aux yeux des consommateurs. Ces images socioculturelles que
nous analyserons dans le prochain chapitre sont assimilables à des
représentations et jouent un rôle déterminant dans les
choix des consommateurs.
DEUXIEME PARTIE :
CADRE ANALYTIQUE ET INTERPRETATIF
CHAPITRE III :
PRESENTATION ET ANALYSE DES STATISTIQUES DESCRIPTIVES SUR LES PREFERENCES ET
LES PRATIQUES DANS LA CONSOMMATION DU POISSON D'EAU DOUCE ELEVE
Avant de présenter, analyser et interpréter nos
résultats, il est important de clarifier les principales variables
utilisées afin d'éviter toute ambiguïté. Selon
Madeleine Grawitz (1993), une variable est tout caractère soumis
à une analyse sociologique dont les valeurs ne sont pas forcément
numériques. Les précisions que nous donnons ici sont donc celles
prises en compte dans notre réflexion.
· Analyses descriptives
1. Définition de quelques
variables explorées
· Critère de choix : il
s'agit des différents paramètres dont les consommateurs tiennent
compte lorsqu'ils décident d'acheter ou non le poisson d'eau douce. Ce
sont : le goût, la taille, la couleur, le prix, la fraîcheur,
l'origine, et la commodité.
· Appréciation : c'est le
jugement exprimé par les consommateurs qui se basent sur des
critères qui leur sont propres. Ce jugement traduit leur satisfaction ou
insatisfaction.
· Difficulté de
préparation : il s'agit ici des problèmes, des
obstacles croisés par les consommateurs au moment des différentes
préparations culinaires des poissons d'eau douce.
· Premier achat : il est question
à travers cette variable de faire ressortir les diverses raisons et
motivations qui ont amené les consommateurs à s'intéresser
aux poissons d'eau douce pour la première fois.
2. Précisions sur quelques
modalités de réponses
Une modalité est un sens
équivalent à valeur d'une variable, d'un caractère
(Madeleine GRAWITZ (1993). Nous allons ici en définir quelques-unes pour
être plus précis dans nos analyses.
· Le goût : c'est la saveur
perçue à la consommation (de ce qui se boit ou ce se mange)
· La fraîcheur : c'est
l'état de ce qui n'est pas altéré par le temps ou par
l'âge.
· Naturel : le qualificatif naturel
renvoie à ce qui n'est pas obtenu synthétiquement et non
traité chimiquement ou par des procédés industriels.
· Le prix : dans le cas de cette
étude, le prix désignera simplement la valeur monétaire
attribuée à chaque type de poisson.
· La commodité : elle
renvoie à la facilité d'utilisation d'une chose. Parlant du
poisson d'eau douce, il s'agit donc de la facilité à les
cuisiner.
· L'origine : il s'agit de l'espace
géographique où les poissons ont été
élevés.
3. Caractéristiques des individus
enquêtés
Les individus interrogés au cours de l'enquête
quantitatives sont de sexe masculin et féminin. Agés de 15 ans et
plus (voir graphique 1), on note parmi eux des travailleurs (52,5%), des
sans-emploi (8,2%), des étudiants (11,5%), des ménagères
(22,4%) et divers autres occupations qui constituent 5,5%. Pour ce qui est du
statut matrimonial, nous avons des marié(e)s (77,9%), des
célibataires (16,7%), des concubins (2,7%), et des veufs (ves) (2,7%).
Nous avons également 99,2% de catholiques et 0,8% de protestants.
15
22
25
27
29
31
33
35
37
39
42
44
46
48
50
52
54
56
61
78
Age
0
5
10
15
20
25
30
Occurrences
Sexe
Masculin
Féminin
Graphique 1 : Caractéristiques
des personnes interrogées par sexe et par âge
4. Les raisons de la consommation du
poisson à Dschang
Dans l'élaboration cette enquête, nous avons
trouvé importants de chercher à savoir pourquoi les gens
consomment du poisson de manière générale, sans
distinction au niveau de leur nature (surgelé importé, d'eau
douce ou d'eau douce élevé). Ceci nous a permis de comprendre la
place qu'occupe le poisson dans l'alimentation de ces populations, avant de
nous intéresser davantage au poisson d'eau douce élevé.
Ainsi, parmi les personnes que nous avons interrogés, les raisons
évoquées sous-tendant la consommation du poisson sont diverses.
D'aucuns affirment le consommer parce qu'ils le considèrent comme un
aliment sain, dénué de toute souillure et « bien
pour la santé des enfants ». Pour d'autres, le poisson
est un aliment complet, c'est-à-dire qui contient tous les
éléments dont l'organisme a besoin. Ils traduisent cette
idée en disant « le poisson à tout, c'est
même mieux que la viande ». Une autre partie des
enquêtés dit consommer le poisson par plaisir, pour son goût
agréable. D'autres enfin disent le consomment par habitude.
Graphique 2 : Distribution de la
population d'étude selon les raisons de la consommation du poisson
Tableau 3 : fréquences sur les
raisons de consommation du poisson
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Aliment complet
|
58
|
15,8
|
15,8
|
15,8
|
|
Aliment sain
|
221
|
60,4
|
60,4
|
76,2
|
Pour le plaisir
|
85
|
23,2
|
23,2
|
99,5
|
Par habitude
|
2
|
,5
|
,5
|
100,0
|
Total
|
366
|
100,0
|
100,0
|
|
5. Les préférences dans la
consommation du poisson d'eau douce élevé
Tel qu'indiqué ci-dessous (Voir Figure 2), le poisson
le plus apprécié par les consommateurs est d'abord le silure
(59%). Une piscicultrice de l'arrondissement de Fokoué, tenant
également un petit restaurant affirment se faire plus de
bénéfice les jours où le silure est sur le menu du jour.
Cette tendance préférentielle pour le silure est due à
une technique de préparation culinaire sous forme de bouillon. Puis, le
tilapia dont le niveau d'appréciation s'élève à 28%
des consommateurs, à pu convaincre ces derniers par le gout de sa chair.
La carpe est également consommée, mais reste moins
appréciée (13%) que le silure et le tilapia. Pour le kanga, le
niveau d'appréciation se révèle difficile à
évaluer. Les producteurs affirment que c'est un poisson dont
l'élevage est très complexe, parfois associé à des
phénomènes mystiques inexplicables :
« Le kanga est plus difficile à produire
que les autres poissons. Quand on met ses alvins dans l'étang pour
qu'ils grandissent, à la fin on récolte peut être un seul.
Nous on pense que c'est un poisson qui disparait dans l'eau et on ne comprend
pas comment »
explique un pisciculteur.
Préférences des consommateurs selon les
types de poisson
Silure
59, 4%
Tilapia
27, 7%
Carpe
12, 9%
Silure
Tilapia
Carpe
Graphique 3 : Distribution de la
population d'étude selon les préférences dans les types de
poisson d'eau douce élevé
Tableau 4 : fréquence sur les
préférences des consommateurs selon le type de poisson
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Silure
|
161
|
44,0
|
59,4
|
59,4
|
|
Tilapia
|
75
|
20,5
|
27,7
|
87,1
|
|
Carpe
|
35
|
9,6
|
12,9
|
100,0
|
|
Total
|
271
|
74,0
|
100,0
|
|
Manquante
|
Système manquant
|
95
|
26,0
|
|
|
Total
|
366
|
100,0
|
|
|
6. Les difficultés liées
à la préparation du poisson d'eau douce élevé
La préparation culinaire du poisson d'eau douce
élevé de manière « appropriée »
n'est pas connue de la plupart des populations rurales. Ce fait, comme nous le
verrons plus loin, a une influence majeure sur le rejet ou l'acceptation du
poisson d'eau douce élevé. Ainsi, un important nombre de
consommateurs ruraux (74%) éprouve des difficultés à
préparer certains poissons, les plus difficiles étant le silure
et le tilapia (voir Figure 3). Ceci peut s'expliquer par le fait que tous les
aliments auxquels les Dschang sont habitués se cuisinent selon des
techniques locales, transmises de génération en
génération, ce qui n'est pas le cas pour le poisson d'eau douce
élevé, perçu ici comme un aliment étranger, qui
sort de la quotidienneté alimentaire de ces derniers. De ce fait, ne pas
savoir cuisiner un aliment implique indubitablement s'y
désintéresser, voire le rejeter. En revanche, dans la zone
urbaine, nous observons qu'une proportion de consommateurs relativement
élevée (60%) n'éprouve aucune difficulté à
accommoder ces poissons. D'après les témoignages recueillis, nous
pouvons en déduire que si cette dernière catégorie de
consommateurs (les 60%) est plus élevée, c'est à cause du
cosmopolitisme de la région. En effet, la ville de Dschang accueille des
individus de cultures divers (centre, littoral, sud...) où le poisson
d'eau douce est un aliment courant. Ces derniers n'ont donc pas de
difficultés à cuisiner ces poissons qui figurent
déjà dans le répertoire alimentaire de leur culture
d'origine.
7. Les préférences
liées aux aspects organoleptiques du poisson
1. Le goût du poisson
Les préférences relatives au goût du
poisson d'eau douce élevé s'exprime chez les consommateurs de
diverses manières. Certains pensent que les poissons de petite taille ne
peuvent pas avoir un goût agréable. Selon eux, ces poissons,
notamment les tilapias, ne sont pas arrivés à maturation. Ils
estiment donc qu'il est inutile de dépenser de l'argent pour en acheter.
Ici, on note que la taille du poisson détermine son goût, et par
ricochet son acceptation ou son rejet. Par ailleurs, le goût occupe la
deuxième place, après la fraîcheur, dans les
critères de choix des consommateurs, constituent ainsi l'un des facteurs
qui expliquent l'intérêt de certains consommateurs pour ces
nouveaux poissons. Il convient de noter ici que, le goût qui intervient
dans cette relation de d'acception et de rejet entre le consommateur et le
poisson d'eau douce élevé, ne relève pas du socioculturel,
mais des facteurs individuels des consommateurs tels que leurs motivations,
leurs intérêts, leurs perception même du poisson d'eau douce
élevé. C'est ce qui explique notre recours à
l'individualisme méthodologique dans l'étude de ce
phénomène.
2. La texture de la chaire
Outre le goût dont la nature est déterminante
dans les préférences des consommateurs par rapport au poisson
d'eau douce élevé, on note aussi l'influence d'une
caractéristique plus tangible à savoir la texture de la chair.
Nous entendons par là une chair tendre ou une chair ferme.
L'enquête révèle que la grande partie de la population
(88,3%) estime qu'un poisson dont la chair molle n'est pas bon à manger.
Elle préfère nettement une chair plus ferme (voir graphique)
11,2%
88,3%
0,5%
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Tendre
Ferme
Indifférent
Préférences liées à la
texture de la chair du poisson
Série1
Graphique 4 : Distribution de la population
d'étude selon les préférences liées à la
texture de la chair du poisson
Tableau 5 : fréquences sur
les préférences liées à la texture de la chair du
poisson
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Tendre
|
41
|
11,2
|
11,2
|
11,2
|
|
Ferme
|
323
|
88,3
|
88,3
|
99,5
|
|
Indifférent
|
2
|
,5
|
,5
|
100,0
|
|
Total
|
366
|
100,0
|
100,0
|
|
3.
L' « état » du poisson
Par « état » du poisson, nous
voulons signifier le fait que le poisson soit mort ou vivant au moment de
l'achat par le consommateur. A cet effet, 94% des personnes voudraient que
leurs poissons soient encore vivants au moment où ils les
achètent (voir graph.) pour ces derniers, avoir du poisson vivant c'est
avoir du poisson de bonne qualité. Nous pouvons expliquer cette
préférence et/ou perception par le fait que, les dits
consommateurs ont toujours été habitués au poisson
surgelé importé qu'ils ont même fini par qualifier de
« bourratif ». De surcroit, il y a selon eux, un
doute qui sur la qualité nutritionnelle de ce type de poisson. Au cours
de notre enquête, un consommateur émet le commentaire
suivant :
« Le poisson que nous on achète a la
poissonnerie, on mange ça parce qu'on ne peut pas faire autrement !
Parfois, même si c'est un poisson qui commence à pourrir, vous ne
pouvez pas savoir parce que c'est congelé, il n'y a pas d'odeur. Donc,
quand on l'occasion de manger un poisson bien frais comme ce que ces
gens-là viennent nous vendre, on a quand même la preuve que c'est
bien, puisque c'est encore vivant (...) donc on se
débrouille ! »
A ce niveau, les consommateurs associent l'idée du
« vivant » à ce qui est bon à manger.
Etat souhaité du poisson au moment de
l'achat
Mort
6%
Vivant
94%
Mort
Vivant
Graphique 5 : Distribution de la
population d'étude selon les préférences liées
à état souhaité du poisson au moment de l'achat
Tableau 6 : fréquences sur
l'état souhaité du poisson au moment de l'achat
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Mort
|
22
|
6,0
|
6,0
|
6,0
|
|
Vivant
|
344
|
94,0
|
94,0
|
100,0
|
|
Total
|
366
|
100,0
|
100,0
|
|
8. La relation entre producteur et
consommateur
La décision des consommateurs d'accepter ou de rejeter
le poisson d'eau douce élevé, est aussi influencée par la
nature des rapports qu'ils entretiennent avec les producteurs de ce type de
poissons. Ainsi, plus le lien social avec le pisciculteur est fort, plus on est
disposé à consommer son poisson. Le graphique ci-dessous fait
état de la typologie des relations qui existent entre ces deux
principaux acteurs. On se rend alors compte qu'en milieux rural, la grande
partie des consommateurs est constituée des parents des producteurs.
8%
36%
22%
20%
14%
0
5
10
15
20
25
30
35
40
"asso"
Parenté
Inconnu
Amitié
Voisinage
Relation consommateur/ producteur
Série1
Graphique 6 : Distribution de la population
d'étude selon la nature de la relation consommateur/producteur
Tableau 7 : fréquences sur les
relations entre consommateurs et producteurs
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
"Asso"
|
4
|
8,0
|
8,0
|
8,0
|
|
parent
|
18
|
36,0
|
36,0
|
44,0
|
Inconnu
|
11
|
22,0
|
22,0
|
66,0
|
Amitié
|
10
|
20,0
|
20,0
|
86,0
|
Voisinage
|
7
|
14,0
|
14,0
|
100,0
|
Total
|
50
|
100,0
|
100,0
|
|
Outre cette proximité relationnelle, les consommateurs
sont également soumis à l'influence d'une proximité
spatiale en ce sens qu'ils éprouvent des réticences à
consommer le poisson d'eau douce élevé lorsqu'ils savent que cela
vient de loin, d'un étang très éloigné de leur lieu
d'habitation. Un lien est établi par les consommateurs, entre le milieu
où ils vivent et le milieu d'où proviennent les aliments qu'ils
doivent incorporer. C'est dire que ces derniers sont plus rassurés
lorsqu'ils savent que l'aliment, notamment le poisson, provient de leur propre
milieu. Par ailleurs, une autre perception des consommateurs liée
à cet aspect est exprimée de la manière suivante par
certaines personnes:
« Quand nous-mêmes nous voyons comment on
pèche ce poisson là ça donne envie de gouter. Parfois on
préfère être là quand ça se
passe ».
Alors, des consommateurs qui recherchent du poisson frais sont
rassurés sur sa qualité lorsqu'ils assistent à la
pêche. C'est pourquoi 72% des personnes interrogées en zone rurale
souhaiteraient s'approvisionner au bord de l'étang. Pour ces personnes,
c'est aussi l'occasion de voir, de découvrir quelque chose de nouveau,
un élément étranger qui se prête à un
spectacle suffisamment inhabituel pour attirer des foules. Cette tendance est
moins importante en zone urbaine à cause de la distance. (Voir
graphique)
Graphique 7: Distribution de la population
d'étude selon la préférence du lieu d'achat
souhaité du poisson
Tableau 8 : fréquences sur le lieu
d'achat souhaité du poisson
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Sur le marché local
|
163
|
81,1
|
81,1
|
81,1
|
|
Au bord de l'étang
|
35
|
17,4
|
17,4
|
98,5
|
livraison à domicile
|
3
|
1,5
|
1,5
|
100,0
|
Total
|
201
|
100,0
|
100,0
|
|
9. Les critères de choix du
poisson d'eau douce élevé par les consommateurs
Pour les consommateurs de poisson d'eau douce, un certain
nombre de critères sont pris en compte au moment de l'achat. A des
degrés différents, il s'agit de la fraîcheur/goût, de
la fraîcheur, du goût, du prix, de la couleur, et de la taille. Au
cours de l'enquête, 38,8% des consommateurs déclarent
privilégier le double critère fraîcheur/goût du
poisson au moment de l'achat, tandis que 32,5% de consommateur qui mettent
uniquement la fraîcheur en première ligne. Une part moins
importante de ces consommateurs (18%) considère que le goût est le
principal facteur dont il faut tenir compte lors de l'achat du poisson d'eau
douce. La taille, la couleur et surtout le prix du poisson sont aussi des
critères présents, mais d'une ampleur très
négligeable. Par ailleurs, compte tenu de la pauvreté
économique, du pouvoir d'achat faible dans les ménages de la
localité, nous avons cherché à savoir pourquoi le
critère prix est moins pris en compte dans l'achat du poisson d'eau
douce élevé. Rappelons également que le nouveau type de
poisson est vendu plus cher que le poisson surgelé importé (entre
1000 et 1500 FCFA/kg) a cet effet, un enquêté nous
répond :
« Le poisson d'eau douce est un peu plus cher
que le maquereau qu'on achète souvent dans les boutiques du quartier,
mais la qualité est là. Donc, quand on a l'occasion d'en manger
on fait des efforts »
18%
8,5%
1,6%
0,5%
32,5%
38,8%
0
10
20
30
40
Goût
Taille
Couleur
Prix
Fraîcheur
Goût et fraîcheur
Les critères de choix des
consommateurs
Série1
Graphique 8 : Distribution de la population
d'étude selon les critères de choix du poisson d'eau douce
élevé
Tableau 9: fréquences sur les
critères de choix des consommateurs
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Goût
|
66
|
18,0
|
18,0
|
18,0
|
|
Taille
|
31
|
8,5
|
8,5
|
26,5
|
Couleur
|
6
|
1,6
|
1,6
|
28,1
|
Prix
|
2
|
,5
|
,5
|
28,7
|
Fraîcheur
|
119
|
32,5
|
32,5
|
61,2
|
Goût et fraîcheur
|
142
|
38,8
|
38,8
|
100,0
|
Total
|
366
|
100,0
|
100,0
|
|
Il faut également noter que la totalité des
consommateurs établissent une différence entre le poisson d'eau
douce qui leur est nouvellement proposé et les poissons de mer
habituellement commercialisés dans la ville, particulièrement le
maquereau et le bar surgelés qui sont perçus comme
des bourratifs. Ils reconnaissent ces poissons de mer comme étant
déjà dépourvus de leur saveur et surtout de leur valeur
nutritionnelle à cause d'une très longue période de
surgélation. Cette différence est liée à la
fraîcheur (68%), au goût (20%) et 12% pour ceux qui estiment que ce
sont ces deux éléments qui marquent la différence. (Voir
Tableau1)
Tableau 10 : des fréquences sur
les critères de différenciation entre le poisson d'eau douce et
le poisson de mer établi par les consommateurs
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Fraîcheur
|
34
|
68,0
|
68,0
|
68,0
|
|
Goût
|
10
|
20,0
|
20,0
|
88,0
|
fraîcheur et goût
|
6
|
12,0
|
12,0
|
100,0
|
Total
|
50
|
100,0
|
100,0
|
|
10. Les raisons du
premier achat du poisson d'eau douce élevé
Les raisons qui ont poussé les populations à
acheter le poisson d'eau douce élevé pour une première
fois sont multiples. Cependant, elles varient selon que l'on est en zone rurale
ou en zone urbaine. Sur le graphique ci-dessous, nous pouvons observer que les
consommateurs urbains sont attirés vers le poisson d'eau douce d'abord
grâce aux promotions et publicités (54%) faites par les
producteurs dans la ville de Dschang. Puis d'autres en on entendu parler et s'y
sont intéressés (36%). Nous pouvons en déduire que ces
résultats reflètent d'une certaine manière la
néophilie alimentaire qui habite l'imaginaire des consommateurs,
c'est-à-dire cette attirance, ce désir de découvrir, de
déguster un aliment nouveau.
9%
8%
2,5%
80,6%
0%
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Entendu parler
Informé sur les qualités nutritionnelles
Connaissance du pisciculteur
Promotion sur le lieu de vente
Goûté
Raison du premier achat en milieu
urbain
Série1
Graphique 9 : Distribution de la population
d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce
élevé en milieu urbain
Tableau 11 : fréquences sur les
raisons du premier achat en milieu urbain
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Entendu parler
|
18
|
9,0
|
9,0
|
9,0
|
|
Informé sur les qualités nutritionnelles
|
16
|
8,0
|
8,0
|
16,9
|
|
Connaissance des pisciculteurs
|
5
|
2,5
|
2,5
|
19,4
|
|
Promotion sur le lieu de vente
|
162
|
80,6
|
80,6
|
100,0
|
|
Total
|
201
|
100,0
|
100,0
|
|
8%
16%
22%
10%
44%
0
10
20
30
40
50
Entendu parler
Informé sur les qualités nutritionnelles
Connaissance du pisciculteur
Promotion sur le lieu de vente
Goûté
Raisons du premier achat en milieu
rural
Série1
Graphique 10: Distribution de la population
d'étude selon les raison du premier achat de poisson d'eau douce
élevé en milieu rural
Tableau 12 : fréquences sur les
raisons du premier achat en milieu rural
|
Fréquence
|
Pour cent
|
Pourcentage valide
|
Pourcentage cumulé
|
Valide
|
Entendu parler
|
4
|
8,0
|
8,0
|
8,0
|
|
Goûté
|
22
|
44,0
|
44,0
|
52,0
|
|
Informé sur les qualités nutritionnelles
|
8
|
16,0
|
16,0
|
68,0
|
|
Connaissance des pisciculteurs
|
11
|
22,0
|
22,0
|
90,0
|
|
Promotion sur le lieu de vente
|
5
|
10,0
|
10,0
|
100,0
|
|
Total
|
50
|
100,0
|
100,0
|
|
CHAPITRE IV : ESSAI
D'INTERPRETATION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE
Notre question de départ était de savoir ce qui
explique la difficulté des paysans de Fokoué, à
intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles,
malgré les avantages qu'elle apporte. A partir des données
collectées et analysées, nous essayons dans ce chapitre,
d'apporter des éléments de réponses en tenant compte de la
posture théorique que nous avons adoptée. Ainsi, seront
abordés successivement les freins à l'intégration de la
pisciculture dans les Exploitations Familiales Agricoles, les
représentations qui tournent autour du poisson d'eau douce
élevé, les comportements adoptés par les consommateurs
à l'égard de ce poisson. Nous verrons également les
différents facteurs qui entrent dans la construction des
préférences alimentaires liées au poisson d'eau douce
élevé, les représentations inhérentes à sa
qualité et le processus d'adoption du nouveau produit par les
consommateurs. Pour finir, nous analyserons les moyens par lesquels le poisson
d'eau douce élevé peut être internalisé par les
consommateurs.
· Des facteurs explicatifs de l'intégration
problématique de la pisciculture dans les Exploitations Familiales
Agricoles
Les données disponibles permettent de mettre en
évidence trois types de facteurs qui nous renseignent sur le difficile
développement de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué.
Ces facteurs sont d'ordre socioculturel, économique et
individualiste.
1. Les facteurs socioculturels ou
« holistes »
1. Les habitudes alimentaires
L'ordinaire alimentaire en vigueur chez les Fokoué
recèle une large palette de produits consommables, dont le poisson d'eau
douce élevé ne fait habituellement pas partie. L'agriculture
étant la principale activité de subsistance, on y retrouve
prioritairement des légumes, des tubercules, des céréales
et des fruits. Le poisson consommé dans la région est de deux
types : le /bunga/ « poisson sec » est
la forme la plus rependue. Il entre dans la composition de nombreux mets et
s'avère économiquement accessible pour la plupart des
ménages. Le second type de poisson est le /msèfi/
« poisson frais ». Pour les personnes interrogées,
il renvoie généralement au poisson surgelé importé,
perçu également comme un bourratif. Dès lors, le poisson
d'eau douce élevé intervient dans ce système alimentaire
comme un élément étranger, élément singulier
qui renvoie pour certains à une intrusion dans la quotidienneté
alimentaire locale. Cette posture des membres de la socio-culture fokoué
à l'égard du poisson d'eau douce élevé qui est le
produit de la pisciculture, ne peut être favorable à son
développement. On s'aperçoit alors que les habitudes alimentaires
des populations déterminent d'une certaine manière leurs
comportements par rapport à un produit ou à un aliment nouveau.
En d'autres termes, si les populations ne s'intéressent pas au poisson
d'eau douce élevé, c'est en partie parce qu'ils n'y sont pas
habitués. C'est ce qu'affirme un de nos
enquêtés :
« Ce poisson-là, nous on ne connait pas
ça ici, ce n'est pas de chez nous ».
Il s'agit de l'influence d'un système alimentaire dont
les règles portent sur le choix des produits mais aussi sur la
manière de les cuisiner, car si nous ne consommons tout ce qui est
biologiquement comestible, c'est que tout ce qui est biologiquement mangeable
n'est pas culturellement comestible (Fischler, 1990). Ainsi, pratiquer une
nouvelle activité de production dans une société
donnée, met à la disposition de celle-ci un produit alimentaire
qui sort de l'ordinaire. Il n'est donc pas étonnant de se retrouver en
présence d'un système de production alimentaire qui ne cadre pas
avec la réalité socioculturel du milieu dans lequel il est
inséré.
2. L'espace culinaire
Entendu comme l'ensemble des opérations techniques,
symboliques et rituelles qui participent à la construction de
l'identité alimentaire d'un produit naturel et le rendent consommable
(Poulain, 2002), l'espace culinaire des populations étudiées ne
dispose pas des techniques appropriées pour la préparation
culinaire du poisson d'eau douce élevé. En effet, ce type de
poisson possède des propriétés physiologiques qui exige la
maitrisent de techniques particulières pour leur préparation. La
méconnaissance ou l'ignorance de ces techniques déterminent chez
les populations leur décision de consommer ou non le poisson d'eau douce
élevé. A titre illustratif, nous avons pu observer le cas du
silure dont la peau nu et gluante lui donne un gout amer et pratiquement
immangeable si cela n'est pas cuisiné de façon appropriée.
C'est l'idée qu'exprime une ménagère dans les termes
suivants :
« Comment voulez-vous qu'on achète un
poisson qu'on ne sait même pas préparer ? J'ai essayé
le poisson qu'on appelle silure sur la braise, ça n'a pas marché,
personne n'a mangé à la maison ».
Ces propos traduisent l'influence d'un espace culinaire locale
sur les comportements alimentaires de ses membres. Selon les
spécialistes du marketing, le succès d'une activité
commerciale dans le domaine alimentaire repose essentiellement sur les
capacités du produit à satisfaire les consommateurs. Dans ce
sens, la commodité, entendue comme la facilité d'utilisation, est
une des composantes qui permettrait aux consommateurs d'adopter un produit. Ce
qui n'est pas toujours le cas avec le poisson d'eau douce élevé.
L'on entendra alors des pisciculteurs dire par exemple :
« Nous ne sommes pas très motivés
dans la pisciculture ici, puisque le poisson que l'on essaye de produire,
beaucoup de gens disent qu'ils ne savent pas comment le préparer, donc
ils ne peuvent pas l'acheter ! ».
L'espace culinaire, vu sous cet angle, explique dans une
mesure le doute des paysans de Fokoué à s'engager de
manière durable dans la pisciculture.
Cependant, il importe de faire un distinguo entre la zone
rurale (Fokoué) et la zone urbaine (ville de Dschang), où une
partie du poisson pêché est vendue. L'enquête par
questionnaire montre que le pourcentage le plus élevé (74%) de
personnes éprouvant des difficultés dans la préparation
culinaire du poisson d'eau douce élevé vit en zone rurale. Nous
pourrions l'expliquer par le fait que cette société est
géographiquement et culturellement éloignée des
régions où le poisson d'eau douce est habituellement
consommé. Par contre, nous avons pu observer qu'une proportion moins
importante (35%) de personnes rencontrant des difficultés dans la
préparation de ces poissons réside en zone urbaine. A cet effet,
nous dirons que ce contraste résulte du fait que la population urbaine
est plus cosmopolite, car on y retrouve des individus de cultures diverses,
dont les Béti du Centre et du Sud, ou encore les côtiers du
Littoral, où le poisson d'eau douce est un aliment ordinaire.
3. Les croyances locales
Par croyances locales, nous entendons des convictions non
fondées ou motivées rationnellement et partagées de
manière collective par les membres d'une société
donnée. Vu sous cet angle, le poisson d'eau douce élevé
fait l'objet de certaines croyances qui ont une influence déterminante
sur les comportements des consommateurs, et par là même sur
l'avenir de la pisciculture. D'après les propos recueillis, ces
croyances peuvent être analysées à trois niveaux à
savoir l'élevage, le produit et le producteur.
a- Au niveau de l'élevage
A Fokoué, village où la pisciculture est
pratiquée, les populations croient que les étangs où l'on
élève le poisson d'eau douce, sont fréquentés par
des « totems » qui se matérialisent de diverses
manières. Selon les dires des uns et des autres, ils apparaissent sous
forme animal (la loutre), ou d'élément de la nature
(arc-en-ciel). La cohabitation entre les êtres surnaturels et le poisson
d'eau douce élevé rend ce dernier non consommable aux yeux des
populations. De la sorte, celles-ci cherchent par le refus de consommation,
à se prémunir contre le danger que représente
l'incorporation d'un aliment ayant un quelconque rapport avec des
phénomènes magico-religieux. La conséquence logique de
cette croyance est que les pisciculteurs sont découragés car,
dans ce contexte, même une opinion individuelle sur l'existence de ces
phénomènes peut finir par être partagée par un grand
nombre de personnes.
b- Au niveau du produit
La plupart des enquêtés dans l'arrondissement de
Fokoué n'ont auparavant jamais vu un silure. C'est un poisson dont le
corps ondule et possède une tête plate. Cela fait que ces
personnes croient que ce sont des serpents, comme l'affirme une femme
âgée lorsque nous lui demandons si elle en a déjà
consommé :
« Ici, il y a des gens qui élèvent
des serpents dans l'eau, ça ce ne sont pas des
poissons ».
Cette croyance n'a pour effet que d'entretenir les craintes
et les suspicions à l'égard du poisson d'eau douce
élevé. Par ailleurs, son effet est d'autant plus prégnant
qu'elle est répandue au sein de la population par le « bouche
à oreille ».
c- Au niveau des producteurs
Les pisciculteurs de Fokoué n'échappent
guère au système de croyance que les populations se construisent
autour du poisson d'eau douce élevé. En effet, pour les
consommateurs, les pisciculteurs sont les seuls à savoir comment et avec
quoi ces poissons sont élevés. C'est pour cela que certains
consommateurs prennent la peine de demander avec quoi ces poissons sont
nourris. En plus, on croit que le rapport, ou mieux, le contact entre le
producteur et le poisson qu'il élève lui-même le
« dénature », dans la mesure où le dit
poisson ne peut plus être considéré comme pur et naturel.
Ainsi, l'on ne veut pas manger le poisson « d'un producteur qui
se comporte mal avec les gens ».
Producteur
(dont on croit que le contact avec le poisson dénature
ce dernier)
Poisson d'eau douce élevé
(assimilé à un serpent pour le cas du silure)
Elevage des poissons (associé à
des pratiques magico-religieuses)
Consommateur
(dont la réticence face à la consommation du
poisson inhibe le développement de la pisciculture)
Figure 4: influence des croyances des
consommateurs sur le développement de la pisciculture
4. La conception endogène et
exogène de l'innovation piscicole : des logiques parfois
opposées
a- La conception endogène de l'innovation
piscicole
La pisciculture vient trouver un système de production
alimentaire déjà en place, à savoir l'agriculture. De ce
fait, elle est considérée par certains comme un
élément perturbateur car, ceux qui consacraient tout leur temps
à l'agriculture et à la vente des produits vivriers, sont
désormais partagés entre plusieurs activités, parfois
difficiles à gérer. En plus, la pisciculture y est
apportée par des personnes extérieures au réseau social et
culturel des populations. A ce niveau, notons que les promoteurs de la
pisciculture sont des chercheurs venus de divers horizons, (province du Centre,
du Sud, Europe). La gestion de cette inter-culturalité, entre chercheurs
et producteurs est parfois une source de tension, ayant des effets sur
l'enthousiasme des pisciculteurs.
Pour d'autres, les promoteurs de la pisciculture et toutes les
institutions qu'ils représentent, sont des occasions de tirer parti de
ces nouvelles relations. Que ce soit au niveau de l'achat des alevins, du
matériel de pêche, ou des moyens de transport du poisson vers la
ville, toutes les occasions sont bonnes pour profiter de la présence des
promoteurs. On peut dire que, le regard que les paysans de Fokoué posent
sur l'innovation piscicole dans leur milieu de vie, ne porte pas en lui les
germes d'un avenir prometteur pour la pisciculture et n'emprunte pas la
même trajectoire que le regard exogène de l'innovation
piscicole.
b- La conception exogène de l'innovation
piscicole
Les spécialistes du développement tel que
Olivier de Sardan (1995), définissent l'innovation comme un ensemble de
techniques, de savoirs ou de formes d'organisations inédites (en
général sous forme d'adaptations locales à partir
d'emprunts ou d'importations) sur les techniques, savoirs (savoir-faire) et
modes d'organisation en place. Appliquée à l'activité
piscicole étudiée ici, cette conception voudrait que les paysans
de Fokoué intègrent de manière permanente, les techniques
et les savoirs relatifs à une pratique « plus
moderne » de la pisciculture. Bourdieu cité par Roland
Treillon (1993), parle d'une « intériorisation de
l'extériorité» c'est -à -dire une acquisition d'un
savoir nouveau.
2. Les facteurs
socio-économiques
1. Le niveau de vie des paysans
L'élevage de poisson est une activité
relativement onéreuse à Fokoué, selon les objectifs de
production que l'on vise. La construction de l'étang nécessite du
matériel, de la main d'oeuvre (les membres de la famille ne suffisent
pas). Une fois que l'étang est construit, il faut l'empoissonner avec
des alevins que l'on va chercher hors du village. Il y a également la
nutrition des poissons. Ceux des pisciculteurs qui souhaitent avoir une bonne
production sont contraints d'acheter des compléments nutritifs pour les
poissons. A la fin, c'est-à-dire après la récolte, il faut
acheminer une partie du poisson en ville (Dschang), car la demande rurale n'est
pas assez importante pour épuiser le stock de poisson disponible. Ainsi,
il y a les moyens financiers liés à la construction des
étangs, à l'achat des alevins, à la nutrition des
poissons, et à leur transport vers les points de vente. Les paysans
savent que l'arrivée des organismes de recherche et des ONG est
limitée dans le temps. Une cohabitation avec eux nous a permis de
déceler d'autres enjeux, en dehors du développement de la
pisciculture. En effet, certains paysans se sont intéressé
à la pisciculture pour bénéficier des subventions des
Organismes en place. Ceci fait qu'après leur départ, ces
« pseudo-pisciculteurs » abandonnent leurs
étangs.
2. Le pouvoir d'achat des
populations
Pour pouvoir produire du poisson à des fins
commerciales, il faut avoir la certitude de pouvoir le vendre. Les populations
de Fokoué vivent dans la pauvreté, c'est un fait. Avec un pouvoir
d'achat faible, très peu de personnes sont en mesure d'acheter le
poisson d'eau douce élevé. Dès lors, il n'est pas
évident pour le producteur de retrouver avec un surplus de poisson non
vendu, et quand les moyens de conservations sont rudimentaires.
3. Les facteurs individualistes
1. Les perceptions liées aux
caractéristiques organoleptiques du poisson d'eau douce
élevé
a- la vue
La vue est le sens qui permet à l'Homme de percevoir
les objets du monde extérieur grâce à ses yeux. C'est
à travers la vue que s'établie le premier rapport du consommateur
au poisson d'eau douce élevé. En ce sens, les informations qu'il
perçoit de ce type de poisson participent à la manière
donc il se représente, ses préférences, ses choix. Une
analyse de ces informations nous permet d'en saisir les influences sur le
comportement de la population.
· La taille : Notre enquête
révèle que la taille du poisson a une influence sur les choix des
consommateurs. En effet, ceux-ci préfèrent plus les poissons de
grandes tailles et considèrent qu'ils sont plus délicieux que les
autres. Pour eux,
« Quand le poisson est bien gros, c'est que
c'est bon ! ».
C'est la raison pour laquelle le silure est plus
apprécié que les autres poissons (59%), à cause de sa
grande taille. De même, le tilapia attire moins de consommateurs (28%)
puisqu'il est de petite taille.
· La forme : Certes le silure est
très apprécié, mais nous avons également
constaté que ce poisson fait l'objet de quelques réticences,
à cause de sa morphologie que certaines personnes assimilent à
celle d'un serpent. Par conséquent, elles deviennent encore plus
méfiantes et sceptiques.
· La couleur : dans l'apparence du
poisson d'eau douce élevé, la couleur également
détermine d'une certaine manière les comportements et les
attitudes des consommateurs. C'est ce qu'exprime une ménagère
lorsqu'elle dit :
« Avec la couleur un peu jaune de la carpe,
ça donne envie de gouter ».
b- le goût
En sciences humaines, il est indéniable que le gout
résulte une construction sociale. Seulement, cette
caractéristique s'applique généralement aux aliments qui
font partie des habitudes alimentaires d'une société
donnée. Alors, en présence d'un aliment non familier, nous
retiendrons la caractéristique selon laquelle le gout résulte
d'une combinaison d'informations qui procèdent de plusieurs sens
(Fishler, 1990). Les perceptions, les appréciations et les
préférences relatives au gout du poisson d'eau douce
élevé s'expriment chez les consommateurs selon des motivations
individuelles mais aussi culturelles, car la différentiation progressive
des gouts entre individus découle d'un processus culturel
résultant de l'apprentissage. De la sorte, chacun perçoit
l'aliment à sa manière, aliment dont le gout résulte d'une
part de la sensation gustative et d'autre part, de l'interprétation de
cette sensation par rapport à un référentiel.
c- Le toucher
Le toucher est le sens qui permet de percevoir les
contacts, les températures et les textures grâce à la peau.
Le contact avec le poisson d'eau douce élevé révèle
des textures qui sont de nature à ôter toute envie à
certaines personnes d'en consommer. C'est le cas du silure dont la peau nue est
recouverte d'une substance visqueuse. Par ailleurs, on note aussi que la grande
partie de population (88,3%) estime qu'un poisson dont la chair est molle n'est
pas bon à manger. Ils préfèrent nettement une chair plus
ferme.
4. « Faire la
pisciculture » : Une pratique non objectivable
Les facteurs du non adoption de la pisciculture dans les
Exploitations Familiales agricoles ne sont pas seulement liés à
un conditionnement socioculturel, un contexte économique précaire
ou des déterminants individuels. Le séjour que nous avons
passé auprès des paysans nous a permis de comprendre que ces
facteurs sont aussi à chercher dans leurs comportements, relevant tant
du collectif que de l'individuel. En effet, parlant de « faire la
pisciculture », il y a ce que les paysans disent et il y a ce qu'ils
font. On observe dans leurs comportements une distance entre le discours et la
pratique.
Dans le discours, les paysans font preuve d'un engagement sans
précédent, d'une volonté de pratiquer la pisciculture de
manière intensive et à grande échelle. C'est ainsi que,
nous avons pu entendre l'un d'eux dire lors d'une de leurs
réunions :
« Nous sommes prêts à faire de la
pisciculture et à vendre le poisson dans tout le village, même
jusqu'à un niveau départemental. Tout ce qui nous manque ce sont
les financements ».
Lorsque des réunions sont organisées avec la
présence des chercheurs, les paysans y assistent de manière
ponctuelle et massive. Bref, si l'on devait s'enquérir de
l'évolution de la pisciculture dans l'arrondissement de Fokoué,
à partir des discours des paysans, alors on affirmerait sans ambages que
la pisciculture à toutes ses chances de réussir.
Pourtant, dans la pratique, « faire la
pisciculture » n'est pas totalement objectivable. Il y a bien un
décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait, car les données
ne permettent pas de relever ce que poulain (2002) appelle un
« comportement réel ». En effet, la plupart
des paysans de Fokoué ne pratiquent pas réellement la
pisciculture. A ce sujet, une illustration prégnante nous vient à
l'esprit. Une tournée avait été organisée par le
collectif des chercheurs, où il était question de visiter les
étangs. Nous avons le souvenir que certains d'entre eux étaient
quasiment inaccessible, car abandonnés par leurs propriétaires.
Les chemins qui y menaient étaient envahis par les mauvaises herbes,
preuve que personne n'y était allé depuis longtemps. Tout ceci
montre que la pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué est approximative. Par ailleurs, un autre fait significatif qu'il
convient ici de relever est que lors des réunions où les
chercheurs étaient absents, on constatait également de nombreuses
absences du côté des paysans. Au vu de ce qui
précède, nous nous posons inéluctablement la question de
savoir pourquoi les paysans veulent faire croire qu'ils s'investissent, ou sont
prêts à s'investir dans la pisciculture, alors que les
observations témoignent du contraire. En d'autres termes, où se
situe leur intérêt dans le projet d'asseoir la pisciculture dans
leur arrondissement ?
5. Le poisson d'eau douce
élevé et ses représentations
Des représentations analysées ci-dessous, la
première est la plus répandue au sein de notre population
d'étude. Par ailleurs, les autres représentations
évoquées nous permettent simplement de comprendre que la
manière dont la consommation du poisson d'eau douce élevé
est vue, peut contribuer à l'adoption de la pisciculture. Car, consommer
le poisson élevé dans l'arrondissement de Fokoué, c'est
permettre aux pisciculteurs d'écouler leurs produits et ainsi
redynamiser la production.
6. Un aliment
« suspect »
Les sociétés humaines en général
et la société Dschang en particulier dispose d'un appareil de
catégorie (Fischler, 1990 et Lahlou 1998), d'une pensée
classificatoire leur permettant de catégoriser le comestible et le non
comestible. A cet effet, un produit qui n'appartient pas à la
catégorie du comestible est potentiellement dangereux. Les Dschang
qualifient le poisson d'eau douce élevé d'aliment
« suspect ». Selon eux, des poissons tels que le
silure, le tilapia, la carpe et le kanga vivent dans les eaux des mers
et des rivières, et ne peuvent donc pas se retrouver dans l'Ouest du
pays. Alors,
« Dire qu'on élève ces
poissons-là ici à Dschang, c'est quand même
suspect »,
affirme un enquêté. Cette suspicion est la
conséquence d'une difficulté à ranger ce type de poisson
dans l'ordre du « culturellement mangeable ». Mettre un
aliment dans sa bouche, c'est incorporer quelque chose d'extérieur,
étranger à soi. Quand cet aliment étranger semble suspect,
il peut provoquer une certaine peur, donner l'impression d'être envahi
par quelque chose de nuisible. L'Homme Dschang a donc besoin de connaitre ce
qu'il mange, afin de réduire l'écart entre l'identité du
mangeur et l'identité du mangé. Claude Fischler l'a bien
rappelé en soulignant que, face à l'angoisse alimentaire et sa
perception du risque, le consommateur éprouve le besoin de connaitre et
de savoir ce qu'il mange, il ne veut plus ingérer d'Objet Comestible Non
Identifié.
7. Un aliment identitaire
Outre la fonction première de l'alimentation qui est de
nourrir, elle s'avère également porteuse d'une dimension
identitaire, c'est-à-dire relative au sentiment d'appartenance à
un groupe ou à une communauté spécifique. La population
concernée par notre étude est constituée d'individus issus
de régions et de provinces voisines, venus s'installer à Dschang
pour diverses raisons dont les affectations, les mutations, les raisons
académiques pour les étudiants... du fait de ces
déplacements, les migrants perdent peu à peu les habitudes
alimentaires inhérentes à leurs milieux d'origine. Alors la
commercialisation du poisson d'eau douce élevé représente
pour certain une occasion de renouer avec les mets de leur culture, comme le
dit si bien une enquêtée originaire du Centre et affectée
à la sous-préfecture de la Menoua :
« Moi je préfère les silures,
ça va me rappeler le bon ndomba de chez nous ».
Ainsi, on recherche à travers l'incorporation
alimentaire, à reconstruire une identité, à renouer avec
un paysage plus ou mythifié, à affirmer une appartenance
géographique et culturelle plus ou moins diluée par
l'urbanisation (Corbeau et poulain, 2002).
8. Un aliment de prestige
A partir de nos entretiens, nous avons pu comprendre que la
consommation du poisson frais à Fokoué revêt un
caractère relativement prestigieux. Ceci peut s'expliquer d'une part,
par le choix des dates de vidange, qui se tiennent généralement
entre le 24 et le 31 décembre. A cette période de fête,
tout le monde s'efforce de trouver des moyens pour s'acheter du
« poisson bien frais », et de préférence le
poisson d'eau douce élevé. D'autre part, le silure fumé
accompagne le taro à la sauce jaune, qui est un met honorifique, servi
à des personnes très respectées. Par ailleurs, le
caractère prestigieux du poisson d'eau douce élevé vient
de son prix. Il est vendu plus cher que tous les autres types de poisson.
À cet effet, consommer le poisson d'eau douce élevé est un
luxe que tout le monde ne peut s'offrir.
9. Un aliment « bon pour la
santé »
D'après nos entretiens, les populations de
Fokoué reconnaissent dans le poisson frais d'excellentes vitamines et
protéines pour le corps, contrairement à la viande qui selon eux
entraîne souvent des maladies.
Pour le tilapia, il est apprécié par certaines
personnes grâce à son apport en sang dans le corps. En effet, lors
d'un entretien, une piscicultrice affirme avoir soulagé son enfant de
deux ans atteint de kwashiorkor en le nourrissant régulièrement
avec la chair du tilapia. D'autres recommandent vivement sa consommation pour
la croissance des nourrissons et le maintien des personnes âgées,
car ils représentent la couche la plus vulnérable de la
société.
10. Les
comportements des consommateurs à l'égard du poisson d'eau douce
élevé
A l'issue des informations provenant du poisson d'eau douce
élevé et les perceptions qu'en a le consommateur, ce dernier va
développer des comportements à l'égard des
différentes situations qui se présentent à lui. Le
comportement est l'ensemble des attitudes et des réactions objectivement
observables d'un être humain. L'attitude, elle, est une variable
prédictive du comportement d'achat du consommateur. Aussi, un produit
aura-t-il d'autant plus de chance d'être accepté et
consommé par une personne que celle-ci possède un sentiment
positif à son égard.
Une observation minutieuse des consommateurs face au poisson
d'eau douce élevé nous permet de relever trois composantes qui
caractérisent leurs comportements et attitudes : une composante
cognitive, affective et conative. Ces composantes traduisent respectivement ce
que les consommateurs savent du poisson d'eau douce élevé, ce en
pensent globalement et ce qu'ils ont l'intention de faire vis-à-vis de
celui-ci. De manière plus précise :
1. La composante cognitive
De l'attitude fait référence aux croyances du
consommateur envers le poisson d'eau douce élevé. Ces croyances
sont les conséquences des informations que ce dernier a perçues
du produit suite à des expériences antérieures d'achat ou
de consommation. Dès lors, on a des consommateurs qui croient par
exemple que les pisciculteurs élèvent aussi des serpents dans les
étangs, ceci à cause de l'information perçue relative
à la forme de ce poisson. De même, d'autres croient que manger du
poisson d'eau douce élevé est bénéfiques pour leur
santé, en raison de son état de fraicheur.
2. La composante affective
Elle traduit l'attachement que le consommateur porte au
poisson d'eau douce élevé. Elle renvoie à un jugement
global, à un sentiment, qu'il soit positif ou négatif. Ainsi,
après l'avoir consommé, certains disent par exemple
« j'aime beaucoup la chair de ce poisson, ça me
plait » tandis que d'autres disent plutôt
« le tilapia que j'ai essayé a trop d'arêtes, ce
n'est pas bon à manger »
3. La composante conative
Cette composante indique l'intention que le consommateur a
d'agir dans un sens ou dans un autre vis-à-vis du poisson d'eau douce
élevé. Par exemple, les consommateurs qui ont un sentiment
positif à l'égard ce poisson, soit après l'avoir
simplement vu ou après l'avoir consommé auparavant,
décident de l'acheter et de la consommer à nouveau.
A présent, il convient de voir comment les
consommateurs réagissent concrètement lorsqu'ils sont en
présence du poisson d'eau douce élevé. Deux comportements
antagoniques ont pu être observés :
11. Des
consommateurs néophobes
Le caractère nouveau et surtout non familier du poisson
d'eau douce élevé suscite méfiance et réticence
chez les consommateurs Dschang. Il s'agit là de l'expression d'une
angoisse face à l'inconnu, face à l'étranger. Par
ailleurs, si tous les mangeurs élaborent un système
classificatoire entre le consommable et le non consommable, nous pensons que le
rejet exprimé dans ce cas est sous-tendu par trois types de
motivations.
Le premier type est d'ordre sensoriel-affectif. A ce niveau,
le rejet est fondé sur les propriétés sensorielles de
l'aliment. Ainsi, tel que nous l'avons évoqué plus haut, le gout,
la taille, la forme la texture au toucher et la couleur du poisson d'eau douce
élevé n'appartiennent à aucune catégorie reconnue
dans le référentiel culturel Dschang. Ces
propriétés sont des signes, des indicateurs de
l'altérité, de ce qui n'est pas connu, de ce dont il faut se
méfier. C'est ainsi que des gens prennent la fuite, tandis que d'autres
s'éloignent et observe d'un air quasi stupéfait. En somme, le
rejet face à un aliment nouveau peut être perçu comme un
dispositif de l'organisme et de l'esprit humain pour se protéger de
l'inconnu.
Le second type de motivation est inhérent aux
conséquences anticipées de ce que les consommateurs Dschang
croient être le résultat de l'ingestion du poisson d'eau douce
élevé. Il s'agit des conséquences physiques telles que
l'intoxication, les malaises...cet aspect du rejet alimentaire traduit chez le
consommateur un souci préserver leur santé physique car consommer
le poisson d'eau douce élevé reviendrait à incorporer,
à faire entrer en soi un élément étranger dont ils
ignorent les conséquences possibles sur leur corps. C'est ainsi que nous
avons pu entendre dire :
« Moi je ne peux pas manger ça, je ne
sais pas ce que ça peut me faire dans mon corps ».
Pour finir, le troisième type de motivation est
lié à ce que les consommateurs Dschang savent de l'origine du
poisson d'eau douce élevé. Les observations et les informations
qui ont été recueillies sur ce plan montrent que si certains
consommateurs manifestent un rejet par rapport à la consommation du
poisson d'eau douce élevé, c'est en raison de leur ignorance sur
les origines de ce poisson. Dans un sens, les connaissances sur le produit ont
une influence déterminante sur les comportements et les attitudes des
consommateurs envers ce dernier. Pour le cas de cette étude, beaucoup de
consommateurs Dschang ignorent tous des origines du poisson d'eau douce
élevé. Cette ignorance se situe à deux niveaux :
D'une part au niveau du produit. D'où vient ce
poisson ? Comment est-il arrivé jusqu'ici ? Ces interrogations
démontrent l'importance pour les consommateurs de savoir ce qu'ils vont
consommer, et les informations y afférentes permettent d'évacuer
l'incertitude, le doute, bref réduire la distance entre le mangé
et le mangeur.
D'autre part au niveau du producteur (le pisciculteur). Pour
certains consommateurs, il est aussi important de connaitre celui qui
élève le poisson, dans la mesure où cette information
permet d'établir la confiance entre le producteur et le consommateur, et
rassure ce dernier sur la qualité du produit. A cote de cette peur,
cette méfiance, ce doute, nous retrouvons aussi une partie de la
population qui adopte une attitude inverse.
12. Des
consommateurs néophiles
L'introduction du poisson d'eau douce élevé dans
l'ordinaire alimentaire des populations Dschang ne suscite pas que rejet et
méfiance. Tel que nous l'avons développé dans la partie
méthodologie, notre enquête par questionnaire était
adressée uniquement aux personnes ayant déjà eu à
consommer le poisson d'eau douce élevé. Il en ressort que 80,6%
des personnes interrogées en zone urbaine affirment avoir
consommé le poisson d'eau douce élevé par
curiosité. Ce résultat reflète une tendance à
l'innovation, à l'exploration, bref une disposition à s'ouvrir
à d'autre culture et à découvrir de nouveau aliments. Un
enquêté nous dit à cet effet :
« Ça m'intéresse aussi de gouter
pour voir, puisqu'on ne voit pas souvent ce genre de poisson
ici ».
La curiosité semble donc être la principale
motivation qui pousse les consommateurs à s'intéresser au poisson
d'eau douce élevé.
13. La construction
des représentations liées à la qualité du poisson
d'eau douce élevé
La notion de qualité, appliquée à
l'étude de la consommation alimentaire dans les sociétés
humaines demeure assez ambiguë pour ce qui est de son acception. Certains
(comme l'AFNOR, 1987) ont définit la qualité comme l'ensemble des
propriétés caractéristiques d'un produits ou service qui
lui confèrent l'aptitude à satisfaire des besoins exprimés
ou implicites. Cette définition comporte des insuffisances en ce sens
que, les besoins peuvent évoluer avec le temps impliquant une
révision périodique des exigences pour la qualité ou
encore qu'il n'y a pas une prise en compte du caractère relatif de cette
notion. C'est dans le but d'éviter ces écueils qu'il nous a
semblé judicieux d'attribuer à la notion de qualité le
sens de « ce qui est demandé par le plus grand
nombre », autrement dit une réponse adaptée à un
besoin.
Les perceptions des consommateurs Dschang en rapport avec la
qualité du poisson d'eau douce élevé sont fondées
sur plusieurs composantes qui interagissent.
1. La composante salubrité
La salubrité se définie comme le
caractère de ce qui contribue ou est favorable à la santé.
Un aliment salubre a donc une action favorable sur l'organisme. Sur ce point,
les consommateurs Dschang sont d'avis que, manger du poisson d'eau douce a un
effet bénéfique pour leur santé. C'est ce qu'exprime un
enquêté lorsqu'il dit :
« En tout cas nos parents disaient que c'est le
poisson qui est la meilleure vitamine pour le corps. Au lieu de consommer
beaucoup de viande on peut consommer le poisson. La viande peut donner
certaines maladies alors que le poisson n'a pas de problème, c'est bon
pour la santé ».
Rappelons, entre autres, que l'importance de la composante
salubrité se trouve d'autant plus confortée par le fait que les
consommateurs disposent d'un moyen objectif de la contrôler. En effet,
ils ont la possibilité de se rendre au lieu de l'étang pour
assister à la pêcher, et ainsi vérifier par eux-mêmes
l'état de fraicheur du poisson qu'ils voudront consommer. Un
enquêté traduit cette idée en déclarant qu'
« Un poisson qui n'a pas été
touché par quelqu'un, que tu vois toi-même pêcher, c'est
bien ! »
2. La composante nutritionnelle
Selon les entretiens qui ont été menés,
l'aspect nutritionnel semble gagner la primauté dans les
différentes composantes qui sous-tendent les perceptions des
consommateurs par rapport à la qualité du poisson. Ainsi, le
poisson d'eau douce élevé possède les
éléments nutritifs à assimiler par l'organisme afin de
jouir d'un meilleur équilibre physique. Les ménagères
enquêtées l'ont certainement comprit, avant d'associer la chair du
tilapia à l'alimentation des tous petits enfants afin de
« les aider à bien grandir ».
3. La composante hédoniste
Outre la vocation première de l'acte alimentaire qui
est de calmer la sensation de faim, la recherche du plaisir fait
également partie des buts recherchés et des
caractéristiques qui permettent aux consommateurs d'apprécier
qualitativement les aliments. Pour conforter cette idée,
Tremolière affirmait que
« Le plaisir est dans tous les cas le sommet de
la pyramide qualité, la pierre angulaire, le déterminant ultime
des comportements alimentaires »
Dans la consommation du poisson d'eau douce
élevé, les populations intègrent le plaisir comme
composante essentielle leur permettant d'affirmer que le poisson est de bonne
qualité. Cette valeur hédoniste, cette recherche du plaisir et de
la satisfaction reste étroitement liée à
l'expérience personnelle du consommateur avec le consommé car les
sensations ne sont pas perçues de façon identique chez les uns et
les autres. Ainsi, manger du poisson d'eau douce met le consommateur en
relation avec l'aliment, où ses sens lui permettent d'en
apprécier la saveur et d'en tirer du plaisir.
Par ailleurs, il est assez significatif de mentionner que la
notion de plaisir, ou la composante hédoniste est une dimension
plurifactorielle dont les éléments sont
hiérarchisés et pondérés de façon
individuelle en laissant une large part à l'irrationnel, à
l'image et la représentation (Bolnot, 1996).
4. La composante relationnelle
Si le fait de manger répond à un triple besoin
qui s'exprime par le maintien de la vie, la recherche de la bonne santé
et la quête du plaisir, nous observerons en outre que la consommation du
poisson d'eau douce élevé met en exergue une autre dimension
liée au partage et à la convivialité. En effet, rappelons
déjà que la distribution de ce poisson selon la logique
non-marchand relève du don. A travers ce geste, la qualité du
poisson, telle que perçue par ceux qui le reçoivent, se trouve en
encore plus valorisée par un sentiment de convivialité. Une
convivialité qui est également ressentie lors des
différentes prises, à domicile (en famille, autour du feu de
bois), ou hors domicile (entre amis dans un restaurant ou sur la place du
marché).
Le comportement des individus à l'égard du
poisson d'eau douce élevé, prend sa source en partie dans les
informations provenant de ce poisson. L'étude du phénomène
perceptuel est alors capitale pour comprendre le mécanisme du
comportement du consommateur.
14. Le processus
perceptuel des consommateurs
Kotler et Dubois (2002) définissent la perception comme
« Le processus par lequel un individu choisit,
organise et interprète des éléments d'information externes
pour construire une image cohérente du monde qui
l'entoure ».
Nos données empiriques permettent de comprendre que le
processus perceptuel des consommateurs enquêtés s'articule en deux
phases distinctes.
D'une part, on a la sensation qui permet au consommateur
d'enregistrer les stimuli par ses sens. C'est dire que la construction de la
perception du consommateur commence par les informations que ses sens lui
permettent de capter. Ici, il s'agit notamment de la forme, de la couleur, de
la texture et du gout du poisson d'eau douce élevé. Ces
informations sont donc enregistrées par la vue, le toucher, et le gout.
Les informations ainsi captées par le consommateur ne suffisent à
élaborer les perceptions inhérentes au poisson d'eau douce
élevé, ce qui nous conduit à la seconde phase.
D'autre part, on a l'interprétation, qui permet au
consommateur d'organiser l'information reçue et de lui donner une
signification. Autrement dit, associer une information sensorielle
émanant du poisson d'eau douce élevé à une image
mentale qui fait sens pour le consommateur. C'est de cette manière que
la plupart de ceux-là associent l'état de fraicheur du poisson
avec l'image de la santé en disant « quand c'est bien
frais, c'est bon pour la santé ». De même, certains
associent la forme du silure qui ressemble a un serpent à l'image du
danger, de la peur, d'où des réticences.
Par ailleurs, bien qu'étant tous exposés aux
même stimuli, c'est-à-dire recevant les même informations
qui proviennent du poisson d'eau douce élevé, chaque
consommateur interprète les informations reçues d'une
manière qui lui est propre, d'où le caractère subjectif
des perceptions.
15. La
subjectivité des perceptions
La perception à l'égard du poisson d'eau douce
élevé est également subjective en ce sens qu'elle varie
d'un consommateur à un autre. Elle peut dépendre des
caractéristiques et du vécu d'un consommateur. C'est le cas par
exemple de monsieur Nupioleh qui raconte que
« Dans le temps moi j'ai d'abord
travaillé dans un port, donc je connais beaucoup d'espèce de
poisson. Et quand on a commencé à élever le poisson ici
à Fokoué, ce n'était pas quelque chose d'étrange
pour moi. »
Une personne n'ayant jamais vécu dans une zone
où les cours d'eau sont inexistants ne saurait tenir pareil discours.
Ainsi, deux personnes bien que partageant la même aire culturelle
donneront une interprétation différente à un même
stimulus, en fonction de leur vécu.
Mais encore, certains consommateurs manifestent une tendance
à faire correspondre leur perception avec leur vision intrinsèque
de la réalité.
16. La distorsion
de la perception
Toutes les informations issues du poisson d'eau
élevé sont interprétées en fonction des
schémas mentaux des consommateurs. Toute information est perçue
de manière à s'intégrer à la structure cognitive du
consommateur. Cela signifie que ces informations sont
interprétées par le consommateur en fonction de ses croyances
initiales. Pour mieux saisir cet aspect de la perception, nous nous referons
à un non-consommateur qui dit
« Le poisson congelé que nous consommons
est vraiment de mauvaise qualité et maintenant on nous parle du poisson
d'eau douce. Je ne pense pas que ce soit différent, tout ça c'est
le même poisson »
Le consommateur va déformer une information qui
contraire à ses croyances de manière à ce qu'elles soient
cohérentes avec ces dernières. Ainsi, s'il considère un
produit donné comme de piètre qualité, toute information
indiquant le contraire sera distordue pour être conforme à sa
structure cognitive existante.
17. Le processus
d'adoption du poisson d'eau douce élevé par les consommateurs
Le processus d'adoption d'un nouveau produit par le
consommateur comporte un enchainement d'étapes qui n'aboutit pas
nécessairement à l'achat effectif. Certaines
caractéristiques du produit nouveau, que nous avons déjà
évoquées plus haut, favorisent ou desservent sa diffusion. De
même les caractéristiques propres au consommateur
déterminent en partie son comportement face à l'innovation.
Différents modèles ont été proposés pour
décrire le processus d'adoption d'une innovation par le consommateur.
Parmi ces modèles qui s'appuient pour la plupart sur le paradigme
triptyque déjà évoqué, (cognitive, affective et
conative), nous avons retenu celui de Rogers (1983). Le modèle de Rogers
identifie cinq phases dans le processus d'adoption d'un produit nouveau, qui
correspondent au processus observé chez nos consommateurs :
v La prise de conscience : le
consommateur voit le poisson d'eau douce élevé lorsqu'il est
exposé sur le marché, ou alors il en entend parler, soit venant
des pisciculteurs, soit venant d'autres personnes qui ont eu à le
consommer.
v L'intérêt pour le
produit : en situation d'information incomplète, le
consommateur cherche à récolter des informations sur le poisson
d'eau douce élevé. Pour cela, il va par exemple se rendre
à l'étang où a lieu la pêche pour voir de ses
propres yeux, ou encore il se rendre au domicile du producteur, lorsque le
poisson est vendu à domicile.
v L'évaluation : à partir
des informations recueillies, le consommateur apprécie les avantages
éventuels qu'il tirerait de la consommation ou de l'utilisation du
poisson d'eau douce élevé. Ces avantages s'expriment notamment en
termes de gout, de nutriment, de prestige...des avantages qu'il va ensuite
comparer avec le poisson congelé. C'est cette évaluation qui le
motive ou non à essayer de consommer le produit.
v L'essai : le consommateur s'essaye
donc à la consommation du poisson d'eau douce élevé, suite
à un achat ou à un don, afin de s'en faire une idée
réelle.
v L'adoption : le consommateur,
convaincu par une sensation gustative agréable, après
consommation, décide d'adopter le poisson d'eau douce
élevé.
18. La construction
des préférences alimentaires autour du poisson d'eau douce
élevé
Au sortir d'une analyse des discours des consommateurs, il
nous semble important de relever que, la gamme de poisson d'eau douce qui
s'offre à ceux-ci donne lieu à une élaboration des
préférences dont les fondements sont liés aux
caractéristiques individuelles des consommateurs, à leur
socio-culture et aux propriétés organoleptique des poissons.
19. L'influence des
caractéristiques individuelles
D'entrée de jeu, nous avons relevé chez les
consommateurs une tendance à la recherche de la variété.
Dans le domaine alimentaire, il semble particulièrement important
d'explorer le rôle de cette variable individuelle, puisque l'Homme est
contraint par son statut biologique d' « omnivore » et
doit donc varier ses consommations. Cette recherche de variété
dans le domaine alimentaire est définie par Van Trijp et Steenkamp
(1992) comme
« Le facteur de motivation qui a pour but
d'apporter une variation dans la stimulation grâce à une
consommation variée des produits alimentaires, indépendamment de
la valeur fonctionnelle ou instrumentale des différentes
alternatives ».
C'est ainsi que l'on entend des consommateurs affirmer qu'ils
s'intéressent au poisson d'eau douce élevé pour se
dégager de la routine qu'est la consommation du poisson surgelé
importé.
Par ailleurs, une autre variable individuelle a
été observée, non moins importante ou différente de
la première, faisant référence à une tendance
exploratoire chez certains consommateurs. Celle-ci conduit à multiplier
les expériences de consommation et donc à créer un certain
niveau de familiarité avec le produit. Pourtant, la familiarité
est un facteur explicatif important des préférences alimentaires
(Lahlou, 1998) et augmente l'acceptabilité d'un produit (Fischler,
1990). C'est dire que pour certains consommateurs, s'adonner aux pratiques de
transformation et de consommation de ces poissons, même à titre
d'essai ou de simple expérience, participe de manière consciente
ou inconscient à la construction des préférences par
rapport à des types particuliers de poissons.
20. L'influence de
la socio-culture
Le système alimentaire Dschang, dont fait partie le
poisson surgelé importé joue un rôle dans
l'élaboration des préférences des consommateurs, dans le
mesure où ceux-ci cherchent parfois, parmi les nouveaux types de
poisson, ceux qui sont plus assimilables au poisson surgelé
importé. De fait, ces consommateurs procèdent par
« analogie », en faisant ainsi le rapprochement entre les
caractéristiques du nouveau type de poisson et celles du poisson de mer.
C'est pourquoi on verra se manifester un réel intérêt pour
le tilapia par exemple, qui s'apparente le plus à certaines
variétés de poisson surgelé, contrairement au silure, dont
les caractéristiques physiques s'en éloignent.
21. Le poisson
d'eau douce élevé : une innovation alimentaire
pluridimensionnelle
De l'introduction du poisson d'eau douce élevé
à Dschang jusqu'à nos jours, le phénomène reste
perçu indifféremment par les consommateurs et les non-
consommateurs comme une innovation alimentaire. Une innovation qui revêt
un caractère pluridimensionnel car, elle est exprimée et
observable au niveau de l'aliment, au niveau des techniques de
préparation culinaire, au niveau social, et au niveau
économique.
1. Au niveau de l'aliment
L'innovation au niveau de l'aliment réside dans la
nature même dudit aliment. Le poisson d'eau douce élevé
sort de l'ordinaire alimentaire des populations locales. En effet, celles-ci
ont toujours eu l'habitude de consommer du poisson de mer surgelé
importé, du poisson fumé et surtout du poisson sec appelé
« bunga ». Ainsi, même si en fin de compte
il s'agit toujours de poisson, les consommateurs sont passés à
quelque chose de différent, qui leur permet de gouter à de
nouvelles saveurs. Seulement, une innovation au niveau de l'aliment implique
indéniablement une innovation dans les procédés de
transformation.
2. Au niveau des techniques de
préparation culinaire
Les différents procédés matériels
et immatériels qui entourent la transformation d'un objet du statut
d'aliment au statut de met correspondent à une manière de faire
qui est propres à toute socio-culture. En effet, pour les consommateurs,
adopter un nouvel aliment dans leurs habitudes alimentaires signifient
également adopter de nouvelles techniques culinaires. Rappelons encore
que, le poisson d'eau élevé est très complexe pour ce qui
de sa préparation. Cela exige des techniques de transformation bien
précises, pour pouvoir trouver satisfaction dans sa consommation.
3. Au niveau social
La pratique de la pisciculture par des individus vivant dans
le même milieu a donné lieu à un regroupement de ces
personnes selon qu'ils partagent la même culture et surtout la même
activité. Ainsi, à Fokoué, les pisciculteurs se sont
regroupés pour former le GIC COPIFOPEM (Collectif des
Pisciculteurs Intensifs de Fokoué et
Penka Michel). A travers cette organisation,
ils synchronisent leurs efforts pour s'assurer que le poisson soit disponible
le jour du marché. Ils s'entraident également lors des
pêches en assistant leurs confrères.
Par ailleurs, le besoin de commercialiser le poisson d'eau
douce élevé de façon plus rentable les amène
à sortir de leur village pour se rendre en zone urbaine. Les
différents déplacements que cela entraine leur donne l'occasion
de rencontrer de nouvelles personnes venant d'horizons divers, une
manière d'enrichir leur capital social.
4. Au niveau économique
L'innovation au niveau socio-économique s'applique
seulement aux producteurs de poisson d'eau douce élevé. D'une
part, pour ces derniers, les moyens d'acquisition des revenus pour les familles
se limitaient aux activités agricoles, à l'élevage de porc
et l'artisanat, dont les produits étaient vendus sur le marché
local. Avec l'introduction de la pisciculture, ils peuvent désormais
accroître leurs revenus de manière considérable.
Après avoir examiné les différentes
manifestations de l'innovation liée au poisson d'eau douce
élevé et de ceux qui le produisent, il nous semble à
présent important de s'intéresser aux conditions dans lesquelles
cette innovation s'est mise en place. Pour pouvoir parler d'innovation, il faut
que l'on observer une nouvelle manière de faire, un
procédé nouveau, un nouveau produit et plus
précisément, dans le cadre de cette étude, l'introduction
du poisson d'eau douce élevé. Ceci s'est fait et se fait en
tenant compte d'un certain nombre de conditions à savoir : un
avantage réel, un coût supportable, une introduction progressive
et des réactions différenciées.
· Un avantage réel
L'innovation doit apporter un avantage réel à
ceux qui l'adoptent, en comparaison à ce qui existait
précédemment. Concernant le poisson d'eau douce
élevé, l'avantage s'explique dans le fait que les populations
sont en présence d'un aliment de meilleure qualité sur le plan
nutritionnel. En effet, contrairement au poisson surgelé importé,
le poisson élevé dans les étangs contient encore toutes
ses propriétés nutritionnelles, utiles à l'organisme du
consommateur. Du coté des pisciculteurs, on peut parler d'avantage
réel dans la mesure où leur activité vient apporter un
gain supplémentaire à leur revenu initiale. Mais, l'avantage
perçu dans l'innovation ne suffit pas à donner entière
satisfaction aux différents bénéficiaires, il faudrait
encore qu'ils aient les moyens de se l'acheter.
· Un coût supportable
L'innovation ne doit pas induire des dépenses
insupportables. Les moyens mis en jeux et les efforts consentis par les
pisciculteurs pour l'élevage du poisson d'eau douce justifient la
cherté de ce produit par rapport au poisson surgelé
importé. Néanmoins, compte tenu du niveau de vie relativement bas
et du faible pouvoir d'achat des ménages de la région, les tarifs
de vente du poisson d'eau douce élevé ont été
révisés, de manière à convenir à toutes les
bourses. Les populations locales peuvent ainsi se procurer du poisson de
qualité à un prix raisonnable. Mais, malgré ces
dispositions, le poisson d'eau douce élevé ne peut être
adopté du jour au lendemain.
· Une introduction progressive
L'adoption du produit de la pisciculture par les populations
locales, ne saurait se faire machinalement. Du fait de son caractère
nouveau, elle requiert une introduction progressive, sans bouleverser les
habitudes alimentaires en vigueur. C'est pourquoi les producteurs
procèdent parfois à des dons de poisson dans leur entourage, pour
laisser aux consommateurs le temps de déguster, d'apprécier et de
se familiariser avec le nouvel aliment. De la sorte, les pisciculteurs peuvent
espérer conquérir un marché de plus en plus grandissant,
sans toutefois faire l'unanimité au sein des consommateurs.
· Des réactions
différenciées
Il est rare qu'une innovation convienne à tout le
monde, de la même façon. C'est pourquoi l'on observe des
réactions différenciées chez les consommateurs
vis-à-vis du poisson d'eau douce élevé. D'un
côté, on a ceux qui rejettent, du fait de
l'étrangeté, de l' « inhabitude ». De
l'autre côté, on a des curieux, des personnes ouvertes à
l'innovation, au changement, à la nouveauté. Toutes ces
réactions et attitudes prennent leur origine d'une part dans le poids de
la collectivité, dans un ensemble de produit de consommation qui
n'intègre pas le poisson d'eau douce élevé, en un mot,
dans la culture. D'autre part, les comportements observés
résultent de l'individualité de chaque consommateur.
22. Le poisson
d'eau douce élevé : un produit de substitution, une
réponse à un besoin
La pratique de la pisciculture dans l'arrondissement de
Fokoué répond de manière prééminente
à un besoin exprimé par les populations, celui de fournir un
poisson de meilleure qualité que le poisson surgelé
importé. Monsieur Ngameni Asaï, (65 ans, pisciculteur), disait
déjà à cet effet que
« Ça fait partie des protéines
animales, on en a besoin ! Et comme nous n'avons pas de cours d'eau comme
dans le Sud, il faut avoir des étangs pour obtenir le
poisson ».
Sa consommation n'a pas toujours fait l'unanimité au
sein des populations, notamment dans ses débuts. Mais aujourd'hui, avec
une production de plus en plus importante, le poisson d'eau douce
élevé a conquis de nombreux consommateurs et tend à se
substituer progressivement au poisson surgelé importé. Cette
dynamique observée dans l'ordinaire alimentaire de notre population
d'étude s'explique par le fait que celle-ci trouve dans le poisson d'eau
douce élevé, un aliment « bon pour la
santé » et, qui plus est, un produit qui leur offre
la possibilité de varier son alimentation au niveau des apports et des
saveurs.
23. Les moyens
d'internalisation du poisson d'eau douce élevé par les
consommateurs
Le corpus empirique obtenu sur la consommation du poisson
d'eau douce élevé nous permet de dégager ce que nous avons
choisi d'appeler les catalyseurs de l'adoption de cet aliment. En d'autres
termes, il s'agit des moyens qui contribuent au processus d'internalisation du
poisson d'eau douce élevé dans les habitudes alimentaires des
populations.
1. Le principe de flaveur
Du terme « flaveur »
proposé par Le Magnen (1985), ce principe consiste à associer un
aliment nouveau à des ingrédients traditionnellement
utilisés, afin de le rendre consommable. Selon Nathalie Rigal (1996),
« L'assaisonnement d'un plat nouveau par le
principe de flaveur permettrait de le rendre plus familier et ainsi plus
acceptable ».
Ainsi, dans la cuisson du poisson d'eau douce
élevé, les consommateurs y associent des condiments, des
épices et d'autres ingrédients usuels pour donner à
l'aliment un gout facilement assimilable aux différentes
préparations quotidiennes. Ce procédé leur permet
d'adopter le poisson d'eau douce élevé dans les habitudes
alimentaires en lui conférant « des saveurs proches de ce
que l'on connait déjà ».
2. La familiarisation comme moyen
d'internalisation
La théorie de la familiarisation postule que, voir
régulièrement un produit nouveau favorise l'augmentation de
l'appréciation puisque l'individu cherche à rendre ses
représentations conformes à ses gouts et à son
comportement (Rigal, 2000). Elle renvoie à un mécanisme
basé sur l'expérience visant à rendre familier un produit
inconnu ou rejeté, à travers ce que l'on appelle
« les effets positifs de l'exposition », un
procédé qui n'est pas étranger aux spécialistes du
marketing. Ainsi, de nombreux consommateurs finissent par s'intéresser
au poisson d'eau douce élevé parce qu'ils en ont entendu parler
à plusieurs reprises. A ce niveau, la familiarisation vient
effectivement agir comme moteur qui facilite l'internalisation du poisson d'eau
douce élevé dans les habitudes alimentaires.
3. Le rôle des expériences
de préparation et de consommation
La préparation culinaire et la consommation d'un
aliment met en relation le consommateur et le consommé. Cette relation
participe à la banalisation de l'aliment, car
« Quand on prépare quelque chose qu'on ne
connait pas comme ce poisson d'eau par exemple, on apprend à le
connaitre et peut être à aimer aussi ! »
Tout ce passe donc comme si, plus on est impliquer dans la
préparation de l'aliment, plus on est disposé à l'accepter
et à l'adopter. Il en est de même pour les expériences de
consommation, dans la mesure où, le fait pour certains consommateurs de
gouter à ce produit suscite en eux une envie de recommencer. Dès
lors, une consommation à répétition donne lieu à
des préférences en faveur de l'aliment.
4. Les relations sociales
Les choix alimentaires en rapport avec la consommation du
poisson d'eau douce élevé sont à certains niveaux
déterminés par les relations sociales entre producteur et
consommateur. En effet, l'organisation sociale en milieu rurale est
caractérisée par un vaste réseau de relations sociales qui
va au-delà de la simple famille nucléaire. Ainsi, « au
village », tout le monde connait tout le monde. C'est dans ce type de
configuration d'interaction que se situe la relation entre les pisciculteurs de
Fokoué et les consommateurs de poisson d'eau douce. Alors,
« On mange ce poisson là parce qu'on
connait les gens qui élèvent ça, on a confiance
» nous affirme un informateur.
Outre la relation producteur/consommateur qui détermine
une part des comportements de ces derniers, on retrouve également une
relation entre consommateurs qui n'est pas négligeable dans le processus
de choix alimentaires. De ce fait, certaines personnes réticentes au
départ finissent par « essayer de gouter »
au poisson d'eau douce élevé parce qu'il ont vu un proche le
faire. En fin de compte, les consommateurs recherchent un lien direct ou
perçu comme tel, qui les rassurerait sur les qualités du produit
qu'ils vont ingérer, que se soit un lien consommateur/consommateur, qui
permettrait une sensibilisation et un partage d'information grâce au
bouche à oreille, ou un lien direct entre producteur et consommateur
(Gurviez et Kreziak, 2004).
24. La contribution
de la pisciculture au développement rural
La pisciculture recouvre divers systèmes de production
végétale et animale à l'intérieur des terres et
dans les zones côtières et elle vient souvent en complément
d'autres systèmes de production alimentaire. En ce qui concerne les
pauvres qui vivent en milieu rural, notamment dans l'arrondissement de
Fokoué, la pisciculture peut compléter les cultures
vivrières. Souvent, la capture ou la culture d'espèces aquatiques
constitue la base de la sécurité alimentaire et permet d'utiliser
le bétail ou le poisson d'élevage comme source de revenu. Dans ce
sens, la pisciculture deviendrait alors une composante intéressante et
importante des moyens de subsistance en milieu rural, notamment lorsque la
pression démographique et la dégradation de l'environnement
rendent les conditions de vie difficiles.
Les systèmes de pisciculture extensive ou
semi-intensive assurent encore la majeure partie de la production piscicole. Le
système pratiqué étant celui qui consiste à
élever du poisson dans des étangs, il peut être
associé à la culture de la terre et aussi à
l'élevage de porc. Il est assez difficile d'évaluer la
contribution de ces types de production piscicole dans la mesure où les
données de production à petite échelle et de production
dispersée ne figurent pas dans les statistiques officielles et où
les produits sont généralement consommés ou
commercialisés localement. L'alevinage et la création de
réseaux de frayage, l'association de la pisciculture et des cultures
vivrières dans les plaines inondables et dans les régions
montagneuses de l'Ouest, le maintien et le rétablissement de la
biodiversité aquatique grâce à l'utilisation de
méthodes de gestion simples comptent parmi les exemples
d'activités piscicoles ayant un impact positif sur les pauvres, vivant
en milieu rural. Dans les régions côtières,
l'élevage de crabes de boue, d'huîtres, de moules, de coques, de
crevettes, de poissons et la culture d'algues donnent du travail aux pauvres
des régions rurales, essentiellement sous la forme de main-d'oeuvre pour
assurer la récolte des semences et des aliments pour les animaux.
La pisciculture peut créer des « emplois
indépendants », y compris pour les femmes et les enfants, et assure
un revenu par la vente d'un produit dont la valeur peut être relativement
élevée. Chez les femmes, l'avantage peut se situer au niveau des
procédés de transformations (fumage, séchage) du poisson
d'eau élevé et sa commercialisation au niveau local. Chez les
enfants, surtout les non scolarisés, la pisciculture est un moyen de
mettre le temps à profit, en s'impliquant dans les séances de
pêche, parfois contre une petite rémunération. Elle offre
également des opportunités de revenu, surtout dans les
exploitations les plus importantes, dans les réseaux d'approvisionnement
en semences, dans les chaînes de commercialisation et dans les services
de soutien à la fabrication et aux réparations.
Un avantage important, quoique souvent négligé,
plus particulièrement en ce qui concerne les systèmes
intégrés d'agriculture et de pisciculture, tient au fait qu'ils
contribuent à améliorer l'efficacité et la
durabilité de l'exploitation. Les sous-produits agricoles, tels que le
fumier et les résidus de culture, peuvent servir d'engrais et de
fourrage dans les installations piscicoles commerciales et à petite
échelle. La pisciculture pratiquée dans les rizières
contribue à la lutte intégrée contre les ennemis des
cultures ainsi qu'à la gestion intégrée de vecteurs
importants pour la santé de l'homme. Les étangs prennent de
l'importance en tant que réservoirs d'eau in situ pour
l'irrigation et l'abreuvement du bétail dans des régions
exposées à des pénuries d'eau saisonnières.
25. Accroitre le
rôle de la pisciculture dans le développement rural
La tendance actuelle à accroître la production
peut être maintenue soit par l'intensification soit par l'extension des
surfaces réservées à la production piscicole. Dans les
terres intérieures, l'expansion des systèmes de culture du sol
offre le plus de possibilités dans la mesure où, sur les terres
agricoles ordinaires des petites exploitations et des exploitations
commerciales, la pisciculture peut être intégrée à
l'agriculture. L'intégration de la pisciculture et des systèmes
d'irrigation offre des possibilités considérables, d'autant plus
que la pisciculture peut également utiliser des terres qui ne sont pas
aptes à l'agriculture, les marécages et les terres salines, par
exemple. En outre, une grande diversité de ressources aquatiques
intérieures offre la possibilité d'intégrer la
pisciculture dans le développement rural. Cela nécessite une
planification intersectorielle et une coordination institutionnelle qu'il est
souvent difficile d'obtenir et qui peut entraîner des coûts
considérables. Les difficultés et les coûts sont
liés aux structures et aux procédures bureaucratiques souvent
lourdes des organismes gouvernementaux, à la complexité des
questions scientifiques, techniques et économiques entrant en ligne de
compte et au nombre potentiellement élevé de décisions qui
doivent être prises en connaissance de cause.
La pisciculture est loin d'avoir réalisé son
potentiel de production alimentaire mondiale. La décision de
créer, en 2001, un sous-comité sur la pisciculture
dépendant du comité des pêches (COFI) de la FAO traduit
bien l'importance que les gouvernements membres de la FAO attachent à la
pisciculture comme outil de développement national. De nombreuses
rencontres internationales récentes ont reconnu le rôle que la
pisciculture pouvait jouer au niveau du développement économique
national, de l'approvisionnement en vivres à l'échelle mondiale
et de la sécurité alimentaire et ont déclaré que ce
secteur pouvait encore plus contribuer aux moyens de subsistance des
populations.
Dans les terres intérieures, les systèmes de
culture du sol offrent le meilleur potentiel car la pisciculture peut
être intégrée aux systèmes de production agricole
des petites exploitations paysannes. La pisciculture côtière
contribue au développement rural en réduisant la pauvreté
et en permettant la diversification des moyens d'existence de ceux qui
pratiquent la pêche de subsistance. Il a été reconnu que ce
sont des questions d'ordre social, économique et institutionnel qui
freinaient le plus une plus grande contribution de la pisciculture au
développement rural. Pour tirer parti de tout son potentiel, le secteur
piscicole doit adopter de nouvelles approches au cours des décennies
à venir. Ces approches varieront forcément selon les
régions et les pays, et le défi consiste à mettre au point
des approches qui soient à la fois réalistes et
réalisables dans chaque contexte social, économique,
environnemental et politique. En cette période de mondialisation et de
libéralisation du commerce, ces approches doivent non seulement
être axées sur l'accroissement de la production mais
également sur la réalisation d'un produit qui soit abordable,
acceptable et accessible à tous les secteurs de la
société.
26.
L'intégration de la pisciculture dans le développement : du
niveau rural au niveau national
Les potentialités avérées de la
pisciculture peuvent faire de celle-ci une partie intégrante des plans
de développement national élaborés en collaboration avec
les parties concernées et comportant des mécanismes de
rétroaction permettant aux pauvres d'influencer le développement.
La planification de la pisciculture pourrait également être
intégrée aux plans de gestion des ressources en eau dans les
terres intérieures et aux plans de gestion des côtes dans les
régions littorales, ainsi qu'à d'autres interventions
économiques et de sécurité alimentaire dans les zones
rurales.
En outre, la pisciculture doit faire partie intégrante
du développement communautaire, contribuer à la mise en place de
systèmes de subsistance durables, favoriser le développement
humain et améliorer le bien-être social des pauvres. Les
stratégies et règlements applicables à la pisciculture
pourrait encourager l'adoption de méthodes de gestion et de culture
pratiques et viables, qui s'inscrivent dans une optique de protection durable
de l'environnement tout en étant socialement acceptables.
CONCLUSION
Au terme de ce travail qui s'intitule Pisciculture et
développement rural dans l'arrondissement de Fokoué :
contribution à une anthropologie des moyens de subsistance, il importe
à présent de rappeler les grands moments qui l'ont
articulé.
Ce travail s'inscrit dans la problématique du
développement rural, axé notamment sur le développement
d'un nouveau secteur d'activité à savoir la pisciculture. En
effet, les paysans de l'arrondissement de Fokoué sont des agriculteurs
qui vivent du produit de leur activité. Mais, soucieux de leur
bien-être, et compte tenu des conditions environnementales qui plaident
en leur faveur, ces derniers décident d'associer l'élevage de
poisson à l'agriculture, afin d'accroitre leurs revenus. De surcroit,
l'action des organismes de recherche (IRAD, CIRAD, FASA), vise le
développement et la promotion de la pisciculture dans cet
arrondissement, à travers un soutien technique et financier. En
dépit de ces avantages, la pisciculture tarde à prendre son envol
dans l'arrondissement de Fokoué. Telle est le dilemme qui a
suscité en nous la réflexion que constitue ce travail.
A cet égard, notre ambition était d'essayer
d'apporter une réponse à la question de savoir ce qui explique la
difficulté des paysans à intégrer la pisciculture dans les
Exploitations Familiales Agricoles. Pour traiter cette question que nous avons
choisie comme fil conducteur, trois questions subsidiaires ont
été formulées à savoir comment les populations se
représentent le poisson d'eau douce élevé ? Quelles
sont les comportements que les populations adoptent vis-à-vis du poisson
d'eau douce élevé ? Et quels sont les déterminants de
la consommation et de la non- consommation du poisson d'eau douce
élevé ?
La réponse provisoire que nous avions proposée
à notre question centrale est que la difficulté des paysans
à intégrer la pisciculture dans les Exploitations Familiales
Agricoles est due aux habitudes alimentaires des populations, aux
représentations qu'elles ont du poisson d'eau douce élevé
et aux contraintes financières liées à la pratique de la
pisciculture. A la première question secondaire, nous avions
émis l'hypothèse selon laquelle les populations se
représentent le poisson d'eau douce élevé comme un aliment
« suspect », car inhabituel. A la deuxième question
secondaire, correspondait l'hypothèse que les populations Dschang
adoptent deux types de comportement face au poisson d'eau douce
élevé. Certains s'en méfient et refusent même de
s'en approcher, tandis que d'autres font preuve de curiosité, ils sont
attirés, ils veulent découvrir ce nouvel aliment. Enfin, notre
troisième question secondaire avait pour hypothèse Les
déterminants de la consommation et de la non-consommation du poisson
d'eau douce élevé sont socioculturels et économiques, mais
également liés aux propriétés organoleptiques du
poisson.
La vérification de ces hypothèses a fait appel
à une méthodologie axée sur un aspect qualitatif et un
aspect quantitatif. Dans l'aspect qualitatif, il était d'abord question
de s'entretenir avec les agro-pisciculteurs, afin d'appréhender, de leur
point de vue, l'innovation qu'est la pisciculture. Ensuite, il s'agissait de
s'intéresser d'abord aux non-consommateurs de poisson, puis à un
certain nombre de ménage où le poisson d'eau douce
élevé est consommé, dans le but saisir les perceptions et
les représentations liées à cet aliment. En dernier
ressort, il a été utile de participer aux différentes
pêches organisées et surtout d'accompagner les agro-pisciculteurs
vers les points de ventes, pour relever les comportements des consommateurs
à l'égard de ce poisson. Les techniques mobilisées furent
donc l'entretien semi-directif, l'observation directe, les causeries
spontanées et l'itinéraire des pratiques.
Dans l'aspect quantitatif, notre objectif était de
mesurer les tendances préférentielles des consommateurs,
relatives au poisson d'eau douce élevé. Les principales variables
explorées étaient les préférences dans les types de
poisson d'eau douce élevé, les préférences
liées à la texture de la chair, les préférences
liées à état souhaité du poisson au moment de
l'achat, la nature de la relation consommateur/producteur, les
préférences du lieu d'achat souhaité du poisson, les
critères de choix du poisson, les raisons du premier achat de poisson
d'eau douce élevé en milieu urbain et les raisons du premier
achat de poisson d'eau douce élevé en milieu rural. Pour ce
faire, nous avons élaboré un questionnaire que nous
administré à 100 personnes, repartie de façon égale
entre l'arrondissement de Fokoué et la ville de Dschang, et ayant
consommé le poisson d'eau douce élevé. Les données
obtenues à l'issue de cette enquête ont été
traitées et analysées sur SPSS, Excel et Power point.
Les principaux résultats auxquels nous sommes parvenus
sont les suivants :
Premièrement, les raisons qui expliquent la difficile
intégration de la pisciculture dans les exploitations familiales
agricole par les paysans, sont à chercher dans la socio-culture et le
niveau de vie des populations. En effet, le poisson d'eau douce
élevé ne fait pas partie des habitudes alimentaires de ces
populations, ce qui rend difficile sa consommation et par conséquent,
rend la pisciculture sans intérêt pour certains. De même,
l'espace culinaire ne dispose guerre de l'outillage approprié pour la
préparation de ce type de poisson, cela décourage les
consommateurs. Par ailleurs, il existe dans l'imaginaire des populations, des
croyances selon lesquelles la pratique de la pisciculture est liée
à des phénomènes magico-religieux, ou encore que certains
poissons seraient plutôt des serpents. Ces croyances à
l'égard du poisson d'eau douce élevé jouent en
défaveur de sa consommation. Il a été également
noté que le problème étudié trouve sa source dans
la conception endogène de l'innovation. D'un autre côté, le
faible niveau de vie des paysans ne leur permet pas entretenir
l'activité piscicole de manière durable, après le
départ des organismes de recherche. Cela amène certains d'entre
eux à faire de la pisciculture non pas s'assurer un revenu permanant,
mais bénéficier des subventions accordées. Nous avons
également relevé le faible pouvoir d'achat des populations, ne
leur permettant pas toujours d'acheter le poisson d'eau douce
élevé, qui coute déjà plus cher que le poisson
congelé.
Deuxièmement, les discours des enquêtés
ont permis de mettre en exergue un système de représentation
où, d'une part, les non-consommateurs associent le poisson d'eau douce
élevé au mot « suspect », pour signifier
qu'il est improbable que l'on puisse élever des poissons dans une
région où les cours sont presqu'absents. Pour les
consommateurs, ils associent l'ingurgitation du poisson d'eau douce
élevé, l'équilibre nutritionnel du corps,
l'identité culturelle et le prestige.
Troisièmement, les comportements des consommateurs
à l'égard du poisson d'eau douce élevé se forment
à partir de ce qu'ils en savent (composante cognitive), de ce qu'ils en
pensent (composante affective), et de ce qu'ils ont l'intention d'en faire
(composante conative). L'observation de nos consommateurs vis-à-vis du
poisson d'eau a permis de relever deux principales attitudes. D'un
côté, on a des consommateurs néophobes, qui font preuve de
réticence quant à la consommation du poisson d'eau douce
élevé, compte tenu de son caractère nouveau, voire
étrange. C'est la manifestation d'une peur et d'une angoisse face
à l'inconnu. D'un autre côté, on retrouve des consommateurs
néophiles, qui manifestent un certain engouement dans la consommation du
poisson d'eau douce élevé. Cet intérêt se manifeste
chez cette catégorie de consommateur par un approvisionnement
régulier.
Notons par ailleurs que le poisson d'eau douce
élevé est perçu par les populations et les producteurs
eux-mêmes comme une innovation alimentaire. Une innovation qui est
ressentie au niveau de l'aliment de part sa nature même, au niveau des
techniques de préparation culinaire y afférents, au niveau social
par le regroupement des agro-pisciculteurs en un GIC, et au niveau
économique, en tant nouvelle forme d'acquisition des moyens de
subsistance. Le poisson d'eau douce élevé est également
considéré comme un produit de substitution, car sa consommation
vient supplanter de manière progressive celle du poisson surgelé
importé qui était habituellement consommé. Il
répond ainsi à un besoin exprimé par beaucoup, celui de
disposer d'un poisson frais de bonne qualité.
En dernier ressort, les données enregistrées
montrent que les consommateurs accordent d'abord de l'importance à la
consommation du poisson au vu de son apport pour la santé et ils ont
tendance à préférer le poisson d'eau douce
élevé au poisson surgelé importé. Maintenant, parmi
les types de poisson d'eau douce élevé, ceux-là
préfèrent les poissons de grande taille comme le silure et le
« kanga ». Ils préfèrent également
acheter leur poisson vivant qu'ils considèrent comme une preuve de sa
fraicheur et de sa bonne qualité. L'approvisionnement en bordure de
l'étang semble aussi être la préférence de la
majorité des consommateurs ruraux.
L'ensemble des résultats obtenus soulignent ainsi les
facteurs qui freinent le développement de la pisciculture dans
l'arrondissement de Fokoué. Mais, il indique aussi une tendance propice
à la promotion de la pisciculture car, les consommateurs
interrogés sur les chances du poisson d'eau douce élevé de
s'intégrer dans leurs habitudes alimentaires, expriment le souhait de
pouvoir trouver ce type de poisson sur le marché de façon
permanente. Cependant, ce serait manquer d'objectivité que de ne pas
relever les limites de ces résultats.
D'entrée de jeu, nous nous devons de signaler qu'en
dépit du caractère généralisable de la science, les
résultats de ce travail sont à considérer dans un contexte
précis. Ainsi, la première limite que nous pouvons relever est
liée à la nature de notre thème. En effet, nous nous
intéressons au comportement des consommateurs à l'égard
d'un nouveau produit alimentaire, à une période donnée et
dans un espace géographique donné. Or la perception ou l'attitude
que peut avoir un individu à l'égard d'un produit peut changer
avec le temps. Nous sommes donc en présences de variables dynamiques
qu'il convient de saisir avec relativité.
La deuxième limite que nous pouvons relever dans ce
travail est liée à la posture théorique que nous avons
adoptée. L'individualisme méthodologique, l'holisme et le
paradoxe de l'Homnivore sont les approches théoriques que nous avons
librement choisies sur une palette théorique bien fournie, en fonction
de notre compréhension du fait étudié et de l'orientation
que nous voulions donner à ce travail. Dès lors, l'emploi d'une
approche différente dans la même étude donnerait des
résultats tout aussi valables.
Ce travail reste donc à améliorer et, la science
étant dynamique, il serait utile de mener d'autres recherches associant
d'autres angles de lecture qui nous donneraient probablement un cerne plus
approfondi sur le sujet.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
BARNETT, H., G., 1953, Innovation: the
basis of cultural change, USA, Mc Graw-Hill Book Company,
BEATTIE, J., 1964, Other cultures. Aims,
Methods and Achievements in social anthropology, London, Routledge and
Kegan Paul,
BENEDICT, R., 1934, Patterns of
culture, New York, Mentor books
BINDEY, D., 1953, Theoretical
anthropology, New York and London, Colombia University Press,
BRETON, R., 1981, Les ethnies,
Paris, PUF
BROWN, I., C., 1963, Understanding other
cultures, Englewood, Prentice-Hall
EMBER, C., R., & EMBER,
M., 1973, Anthropology, Meredith corporation, New York,
JODELET, D., éd. 1989, Les
représentations sociales. Paris: P.U.F.
POIRIER, J., 1992, Histoire des
moeurs, Paris, Gallimard,
RIVIERE, C., 1995, Introduction à
l'anthropologie, Paris, Hachette
OUVRAGES SPECIFIQUES
ARON, J.-P., 1976, Le Mangeur du XIXe
siècle, Paris, Laffont
BARRAU J., 1983, Les hommes et leurs
aliments. Esquisse d'une histoire écologique et ethnologique de
l'alimentation, Paris, Temps actuels.
BREE, J., 1994. Le comportement du
consommateur. Paris, PUF Collection Que sais-je ?
BRICAS N., 1996, Approvisionnement et
distribution alimentaires des villes de l'Afrique francophone : cadre
conceptuel sur l'analyse de la dynamique de la consommation alimentaire urbaine
en Afrique. Montpellier, CIRAD-SAR
BRILLAT SAVARIN A., 1975, La physiologie
du goût, Réédition Herman
CALVO M., 1983, Des pratiques
alimentaires, Economie rurale
CHIVA, M., 1992,
« Aspects psychologiques des conduites
alimentaires ». In: Alimentation et nutrition humaine.
Dupin, H. et coll. Paris, ESF
CHIVA M., 1996, « Le mangeur et le
mangé : la subtile complexité », in : Giachetti I.,
Identités des mangeurs, images des aliments, Polytechnica,
Paris
CHIVA, M., et FISCHLER, C.,
1983, La formation des habitudes alimentaires. Le guide de l'enfant.
CHIVA, M., 1985, Le doux et l'amer,
Paris, PUF.
CLAUDIAN J. et TREMOLIERES
J., 1978, « Psychologie de l'alimentation », in :
Encyclopédie L'univers de la psychologie, Paris,
Lidis, tome 5
CORBEAU, J.P., 1997, « Pour une
représentation sociologique du mangeur » in :
Économies et Sociétés, Développement
agroalimentaire
CORBEAU, J.-P., POULAIN
J.-P., 2002, Penser l'alimentation, entre imaginaire et
rationalité, Editions Privat, Toulouse.
DECEUNINCK, V., 1990,
Etudes nationales pour le développement de l'aquaculture en
Afrique. 28. Zaïre. FAO Circ. Pêches
DE SARDAN, O., 1995. Anthropologie
du développement, Karthala
DIA, I., 1998, Le consommateur urbain
africain et les systèmes d'approvisionnement et de distribution
alimentaires. FAO : « Aliments dans les villes », Collection
d'ouvrages 1.- Rome : Bulletin des services agricoles de la FAO
DIOUF, P.S., 199O.- Le zooplancton de
l'estuaire du fleuve Sénégal. I&pp. Tech, COMARAF, 4 :
6.l - 75.
DIOUF, P.S., et al., 1991,
Plan d'action forestier - Pêche et aquaculture continentales.
Vol. 1 Diagnostic. CRODT / MDRH / FAO,
DIOUF, P.S., 1991.- La pisciculture dans
le bassin du fleuve Sénégal. Doc. Scient. CRODT
FILSER M. 1994, Le comportement du
consommateur, Paris, Dalloz
FISCHLER, C., 1979, « Gastro-nomie,
gastro-anomie : sagesse du corps et crise bioculturelle de l'alimentation
moderne », in Communication, n° 31, Paris, Le Seuil
GARINE, (de) I., 1991, « Les modes
alimentaires : histoire de l'alimentation et des manières de table
», in Poirier, Jean, Histoire des moeurs, Paris, Gallimard
GARINE, (de) I., dir., 1996, Bien manger
et bien vivre, Paris, ORSTOM et L'Harmattan.
GIACHETTI, I. (éd.) 1992, Plaisir
et préférences alimentaires. CNERNA - CNRS. Paris:
Polytechnica
GUEGAN, M., 1926, « Le sens du
goût est preuve d'esprit », in Croze, Austin de, La Psychologie
de la table, Paris, Au sans pareil
GUICHARD, N., et VANHEEMS
R., 2004, Comportement du consommateur et de l'acheteur,
Bréal.
HALING, A., M. BEN YAMI, and H.
LISAC, 1977, Gabon's fisheries development. Technical report,
TF RAF/80, Rome, FAO
HUBERT A. et ESTAGER M.P.,
1999, « Anthropologie de l'alimentation : quelle utilité pour la
nutrition humaine ? » in : Cahiers de Nutrition et de
Diététique
KOUAM, J. 2003, Aperçu
général du secteur aquacole national du Cameroun.
KOUAM, J. 2004, « Projets de
développement piscicole et la vulgarisation agricole au
Cameroun ». Pp. 21-29 in: Aquaculture extension in Sub-Saharan
Africa. FAO Fisheries Circular (1002). Rome, FAO.
LAHLOU, S., 1998, Penser manger,
Alimentation et représentations sociales. PUF, Collection
Psychologie sociale, Paris.
LAHLOU, S., 1985, Le nouveau produit : un
concept flou. Consommation.
LEVI-STRAUSS C., 1964, le cru le
cuit, Paris, Plon
MBONJI EDJENGUELE, 1988, Les cultures du
Développement en Afrique. Essai sur l'impossible développement
sans révolution culturelle, Ed. OSIRIS- AFRICA, Yaoundé
MUCHNIK, J. (éd.), 1993,
Alimentation, techniques et innovations dans les régions
tropicales, Paris, L'Harmattan
POULAIN, J.-P., 2002, Manger aujourd'hui.
Attitudes, normes et pratiques. Editions Privat, Paris
POULAIN, J.-P. 2002, Sociologies de
l'alimentation. Éditions PUF.
REQUIER-DESJARDINS, D., 1989,
L'alimentation en Afrique. Manger ce qu'on peut produire,
Paris-Abidjan, Karthala-Pusaf
ROZIN, P., J. HAIDT & C. R. Mc CAULEY.
1993, Disgust. In: Handbook of Emotions. Editors M. Lewis & J.
Haviland, New York: Guilford.
ROZIN P., 1998, « Réflexions sur
l'alimentation et ses risques », in Apfelbaum M., dir., Risques et
peurs alimentaires, Paris, O. Jacob.
SATIA, N.B.P., 1991, Historique du
développement de la pisciculture au Cameroun.
SCARDIGLI, V., 1983, La consommation,
culture du quotidien, Paris, PUF
SERGO, J., 1995, « Nostalgies du
terroir » in : Bessis S. (éd.), Mille et une bouches.
Cuisines et identités culturelles. Paris, Autrement, Coll.
Mutations/Mangeurs
SIRIEIX L., 1998, « Mieux
comprendre le choix des produits alimentaires par le consommateur : un enjeu
pour l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire », pp.109-133. In
: Miclet G., Sirieix L., Thoyer S., 1998. Agriculture et alimentation en
quête de nouvelles légitimités.- Paris, ECONOMICA
SYLVANDER B., LASSAUT B., 1985,
L'analyse qualitative des modes de consommation alimentaire :
problématique, méthodes et résultats d'enquête dans
le cas du poulet (Tomes I, II), INRA (AUZEVILLE, RUNGIS).
TREILLON R, ALTERSYAL-ENSIA., MASSY, 1993,
Le goût des innovations. L'Harmattan.
WORLDFISH CENTER, 2005, Le poisson et
la sécurité alimentaire en Afrique. WorldFish Center,Penang
(Malaisie).
OUVRAGES DE METHODOLOGIE
AKTOUF O., 1987, Méthodologie des
sciences sociales et approche qualitative des organisations, Presses de
l'Université du Québec.
ALBALAT, A. 1992, L'art d'écrire
enseigné en 20 leçons, Paris, Armand Colin.
BACHELARD, G., 1992, Le nouvel esprit
scientifique, PUF "Quadrige" n° 47, (Première édition
1934).
BARDIN, L. 1977 L'analyse de contenu.
France: PUF
BEAUD S., WEBER F., 1997, Guide de
l'enquête de terrain. Produire et analyser des données
ethnographiques, Paris, La Découverte (Repères).
BEAUD M., 1988, L'art de la thèse
- Comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, un
mémoire de DEA ou de maîtrise ou tout autre travail
universitaire, La Découverte (première édition
1985).
BECKER H., 2002, Les ficelles du
métier : comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris,
La Découverte (Repères),
BENZECRI, J., -P., 1973. L'analyse des
données. Paris : Dunod
BONTE, IZARD, M., 1991, Dictionnaire de
l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF.
BOUDON, R., 1984.b, « L'individualisme
méthodologique en sociologie », Commentaire,
N°7
BOUDON, R., 1982,
« Holisme et individualisme
méthodologiques. » In : Dictionnaire
critique de la sociologie, Paris, PUF
CEFAÏ D., 2003, L'enquête de
terrain, Paris, La Découverte (Recherches).
COFFEY, A., & ATKINSON,
P. 1996, Making sense of qualitative data. Thousand
Oaks, CA: Sage.
FOURNIER P., ARBORIO A.-M., 1999,
L'enquête et ses méthodes. L'observation directe, Paris,
Nathan
FRAGNIERE J. P. 1986, Comment
réussir un mémoire, Paris, Dunod
GRAWITZ M., 1993, Méthodes des
sciences sociales, Paris, Dalloz.
JUMEL G., GUIBERT J., 1997,
Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et
sociales, Paris, Armand Colin (Cursus).
LEFORT G. 1990, Savoir se
documenter, Paris, Les Editions d'organisation.
LOUBET DEL BAYLE J.-L., 2001, Initiation
aux méthodes des sciences sociales, Paris, L'Harmattan.
MACCIO C., 1992, Savoir écrire un
livre, un rapport, un mémoire, Chronique Sociale
MACE G., PETRY F., 2000, Guide
d'élaboration d'un projet de recherche en sciences sociales, De
Boeck-Wesmael.
MBONJI EDJENGUELE, 2005,
L'Ethno-Perspective ou la Méthode du discours de l'Ethno-
Anthropologie culturelle. Presse universitaires de Yaoundé.
MILES, M.B., & HUBERMAN, A.M., 1994,
Analyse des données qualitatives. Traduction de la 2e
édition américaine (2005). Bruxelles : De Boeck.
PAILLE P., MUCCHIELLI A., 2003, L'analyse
qualitative en sciences humaines et sociale, Paris, Armand Colin (U).
PERETZ H., 2004, Les méthodes en
sociologie. L'observation, Paris, La découverte
(Repères).
PLOT B. 1985, Ecrire une thèse ou
un mémoire en sciences humaines, Champion-Slatkine.
QUIVY R., et VAN CAMPENHOUDT
L., 1988, Manuel de recherche en sciences sociales, Dunod, Paris
ROBERT, A.D., &
BOUILLAGUET, A. 1997, L'analyse de contenu. Que
sais-je ? France : PUF.
ROSENTAL C., MURPHY C., 2001,
Introduction aux méthodes quantitatives en sciences humaines et
sociales, Paris, Dunod.
ROUVEYRAN J. C. 1989, Mémoires et
thèses. L'art et les méthodes, Maisonneuve et Larose.
De SINGLY F., 1992, L'enquête et
ses méthodes. Le questionnaire, Paris, Nathan
ARTICLES
BARTOSHUK, L. M. 1993, The biological basis
of food perception and acceptance. Food Quality and Preference
BESSIS, S., 1995, (sous la direction de).
Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles.
Autrement, Coll. Mutations/Mangeurs, N°154, Paris
BETBEZE, J.-P., LAHLOU, S., MAFFRE, J. 1987a.
« Les produits alimentaires à l'horizon 1995 » : du
surgelé au «nouveau frais». Consommation et modes de
vie. Chroniques du CRÉDOC, n° 18
CAZES-VALETTES G., 1998,
« Anthropologie et comportement du consommateur : le cas de la vache
folle ». Actes de la 2ème journée de Recherche en
Marketing de Bourgogne
CHIVA M., 1997, « Cultural aspects of
meals and meal frequency », British Journal of Nutrition
CHIVA M., 1998, « Les risques
alimentaires : approches culturelles ou dimensions universelles ? » in
Apfelbaum
CHIA, E., DULCIRE, M. & MIKOLASEK O.,
2005, Innovation piscicole dans l'Ouest Cameroun : premiers pas dans la
construction d'un collectif Pisciculteurs-Chercheurs-Praticiens. Rapport de
mission au Cameroun. ATP CIROP
CHIVA M., ROUX, C., 1995,
« Tendances comportementales et attitudes envers l'alimentation d'une
population de consommateurs à bas revenus », Actes du colloque
Bilan Aliment de demain 1993-1997.
CORBEAU, J.-P., 1992, « Rituels
alimentaires et mutations sociales », in Cahiers internationaux de
sociologie, vol. 39, n° 92
CORBEAU J.P., 1992, « Rituels
alimentaires et mutations sociales » in : Cahiers internationaux
de sociologie, vol. XCII, PUF.
CORBEAU J.P., 1994, « Le manger, lieu de
socialité. Quelles formes de partage pour quels types d'aliments ?
», Prévenir, n°26
D'HAUTEVILLE F, 2003, « Processus
sensoriels et préférence gustative : apports de la recherche
expérimentale au marketing agro-alimentaire », in :
Revue Française du Marketing, 194
DONGMO JL. 1987, L'approvisionnement
alimentaire de Yaoundé. Université de Yaoundé.
DSCN. 2002, Conditions de vie des
populations et profil de pauvreté au Cameroun en 2001. Premiers
résultats. Direction de la Statistique et de la Comptabilité
Nationale, Ministère de l'économie et des finances,
République du Cameroun. Juin
ESSOMBA J.M., DURY S., 2000, Consommation
des produits laitiers à Ngaoundéré au Cameroun : croyances
et perceptions des consommateurs et non consommateurs. Agro-PME.
Yaoundé.
FISCHLER C., 1989, « Le
dégoût : un phénomène bio-culturel », in :
Cahiers de Nutrition et de Diététique, 24, 5,
381:384.
FISCHLER, C., 2001, « la peur est
dans l'assiette », in : revue française du
marqueting, le marketing face aux peurs alimentaires, n° 183/184,
2001/3-4
GARINE (de) I., 1979, « Culture et
nutrition », Communications, n° 31
GUILLERMOU Y. et KAMGA A.,
2004, « Les organisations paysannes dans l'Ouest-Cameroun. Palliatif
a la crise ? », Études rurales /1-2, N°
169-170
GURVIEZ, P., 2001, « le rôle
de la confiance dans la perception du risque alimentaire par les
consommateurs » in : revue française du marqueting,
le marketing face aux peurs alimentaires, n° 183/184, 2001/3-4
HUBERT, A., 2000, « Alimentation et
santé : la science et l'imaginaire », Cahiers de Nutrition et
de Diététique, 35
KHALDI R., PADILLA M. et HADDAD
M. 2002, La consommation du lait et des produits laitiers :
attentes et attitudes des consommateurs de la commune de Tunis.
Communication présentée au séminaire CIHEAM/CEE "Les
stratégies des acteurs et la restructuration des marchés
dans la filière lait", Montpellier
LAHLOU, S., 1991, « Comportements
alimentaires et consommation alimentaire ». Cahiers de Nutrition
et de Diététique, XXVI, n° 4
LAHLOU, S., 1987, Innovation et
Consommation : éléments de méthode. Paris :
CRÉDOC, Rapport CRÉDOC
LIBEYRE N., POUOMOGNE V., M.TABI TOMEDI EYANGO, O.
MIKOLASEK, 2004, Analyse-diagnostic de l'insertion de la
pisciculture dans les exploitations familiales agricoles de la Menoua (Ouest-
Cameroun). Irad, Uds, Cirad.
MEBENGA TAMBA, L., 1986,
« Contribution de l'Anthropologie aux études
alimentaires ». in : Science el Technique. 4 (1-2)
PAILLAT, M., (sous la direction de), 1997,
Le mangeur et l'animal. Mutations de l'élevage et de la
consommation. Autrement, Coll. Mutations/Mangeurs, N°172, Paris,
POUOMOGNE V., NANA J.-P., POUOMOGNE J.-B.,
1998, « Principes de Pisciculture appliquée en milieu
tropical africain. Comment produire du poisson à coût
modéré (des exemples du Cameroun) ». CEPID /
Coopération Française Yaoundé. Edition Presses
Universitaires d'Afrique.
SIRIEIX L., 1996, « Qualité
et confiance du consommateur », in Cahier spécial du
GRAAL, N°6 : Qualité et gestion en agro-alimentaire, ENSA
Montpellier.
SOCPA A., 2005, « De
l'insécurité alimentaire au Cameroun », in :
Enjeux n°23 Avril - Juin
SOUA MBOO N.N., GOCKOWSKI, J., 2004,
Urban markets and the development of Aquaculture in sub-saharan africa:
Lessons from southern Cameroon
VANDER, S., et ESSOMBA, J.-M., 2005.
Approche socio-anthropologique de l'exploitation de la ressource poisson
dans la plaine des « Mbôos ». ATP-CIROP, Rapport de
mission.
MEMOIRES ET THESES
BOGNE, SADEU., C., 2007.
Compostière intra étang et production piscicole dans les
hautes terres de l'Ouest Cameroun. Mémoire Ing. Eaux, Forêt
et Chasse FASA Uds.
CHEYNS E., 1998, Identification et
construction sociale de la qualité des produits agroalimentaires : le
cas de l'alimentation urbaine au Burkina Faso. Thèse de Doctorat en
Economie du Développement agricole, agroalimentaire et rural, ENSA-M,
Montpellier
ESSOMBA, J.M., 2004, Dynamique des
habitudes alimentaires en milieu urbain : l'exemple de la consommation du
lait « kossam » chez les jeunes à
Yaoundé, mémoire de DEA en anthropologie du
développement, option anthropologie alimentaire (université de
Yaoundé 1)
LAHLOU, S., Penser Manger Les
représentations sociales de l'alimentation Thèse de
Psychologie Sociale mars 1995
MERDJI, M., 2002, L'imaginaire du
dégoût : une approche anthropologique de l'univers
émotionnel de l'alimentation. Thèse de doctorat en Sciences
de Gestion. Université Paris IX Dauphine.
NGOUANET, C., 2000, «
Émergence des organisations paysannes dans une zone rurale en
mutation : dynamiques et ambiguïtés. Cas des hautes terres de
l'Ouest-Cameroun ». Mémoire de DEA de géographie.
Université de Dschang.
WEBOGRAPHIE
ECAM,
http://www.eleiser.com/locate/foodqual.
Consulté en octobre 2009
GROSSE, O.,
http://www.apdra-f.org
consulté en octobre 2009
GUILLERMOU, Y., et KAMGA, A.,
http://www.cairn.info/article.php?ID
consulté octobre en 2009
HALWART, M.,
http://faostat.fao.org consulté en 2009
KOUAM, J., SATIA,
http://www.fao.org/fishery
consulté en 2009
MARSDEN, D.,
http://www.erudit.org/revue
MIAO WEIMIN,
http://www.agri-aqua.ait.ac.th/naca/china/rlcc.htm
consulté en octobre 2009
POULAIN, J. P., CORBEAU, J. P., ROZIN, P.,
Erreur ! Référence de lien hypertexte
non valide.
http://lassiette.blog.lemonde.fr
POUOMOGNE, V.,
http://www. Irad-cameroon.org consulté en 2009
POUOMOGNE, V., MIKOLASEK, O., TOMEDI, M., DULCIRE, M., et
CHIA, E.,
http://www.innovationafrica.net
consulté en octobre 2009,
http://knowledge.cta.int
consulté en octobre 2009
RIGAL, N.,
http://www.agrobiosciences.org
consulté octobre en 2009
TOMEDI E. T., VANDER STUYF S., MIKOLASEK O.,
http://cbd-unccd-synergy.org
consulté en octobre 2009
UWE, S. et SCHIRM, B.,
http://www.worldfishcenter.org
consulté en 2009
http://fr.wikipedia.org/wiki/Individualisme_méthodologique
». Consulté en 2009
http://ruralia.revues.org/document51.html. Consulté
le 08 juin 2009.
http://www.ethnographiques.org/2006/Lamine.htm
consulté en 2009
Tableau 13 : LISTE DES INFORMATEURS
(agro-pisciculteurs)
Nom et Prénom
|
Age
|
Sexe
|
Statut
|
Lieu de l'entretien
|
date
|
Heure de début
|
Heure de fin
|
TESSA Albertine
|
42 ans
|
F
|
Mariée
|
Fokoué (centre)
|
30/7/08
|
14h 10
|
15h 09
|
BOULA Ernestine
|
36 ans
|
F
|
Veuve
|
Fokoué (centre)
|
01/8/08
|
9h 30
|
10h 25
|
NGAMENI ASAÏ Raphael
|
65 ans
|
M
|
Marié
|
Fokoué (centre)
|
04/8/08
|
13h 43
|
14h 15
|
NUPIOLEH Barthélemy
|
61 ans
|
M
|
Marié
|
Fokoué (centre)
|
05/8/08
|
10h 55
|
11h 39
|
« Nestor »
|
26 ans
|
M
|
Célibataire
|
Fokoué (centre)
|
06/8/08
|
11h 15
|
11h 35
|
TCHETSA Martin
|
38 ans
|
M
|
Marié
|
Fokoué (centre)
|
07/8/08
|
12h 45
|
13h 22
|
FEULEFAK Régine
|
40 ans
|
F
|
Mariée
|
Fotoména
|
10/8/08
|
08h 42
|
09h 36
|
TCHOMBA Pierre
|
67 ans
|
M
|
Marié
|
Fomépia
|
11/8/08
|
10h 16
|
10h 42
|
MO'O TETSOPGANG TILAA Antoine
|
50 ans
|
M
|
Marié
|
Fokoué (centre)
|
15/8/08
|
20h 18
|
21h 35
|
ANNEXES
GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX
AGRO-PISCICULTEURS
Préparation culinaire/consommation /
conservation
· Les noms des poissons dans la langue locale et leurs
significations
· Les poissons les plus demandés et
appréciés dans les ménages
· Les raisons liées à l'appréciation de
ces poissons
· Les poissons les moins appréciés
· Les difficultés liées à la
préparation de certains poissons
· Les modes de préparation adaptés à
chaque type de poisson
· Les modes de conservation adaptés à chaque
type de poisson
· Les poissons privilégiés pour certaines
occasions
· Les vertus liées à la consommation de
certains poissons
· Les croyances locales qui tournent autour des poissons
· Les moyens de conservation
Commercialisation
· Les poissons qui se vendent mieux sur le marché
· Les poissons les plus demandés par les
consommateurs (clients)
· L'attitude des gens face aux poissons encore vivants sur
le marché
· Les différents lieux de ventes
· Les prix des différents types de poisson et selon
leur état (frais, fumé, sec)
Pêche
· Les rituels et/ou cérémonies liés
à la pêche
· Les techniques de pêche
· Les acteurs qui y participent et le rôle de
chacun
· L'existence d'êtres surnaturels dans l'eau
· Les rapports des agro-pisciculteurs avec l'eau
· L'élevage du poisson (mode de nutrition)
MERCI
GRILLE D'OBSERVATION
Le déroulement de pêche
· Les acteurs qui interviennent
· Le rôle de chacun
· Les types de poisson péché
· Le traitement du poisson après la pêche
La commercialisation
· Les attitudes des consommateurs en face du poisson
vivant
· Le marchandage des producteurs
La consommation
· La préparation culinaire
· Les réactions suscitées par la
consommation
GUIDE D'ENTRETIEN DESTINE AUX MENAGES
· Les manières de préparer le poisson d'eau
douce élevé
· Les difficultés rencontrées dans la
préparation des poissons
· Les formes d'approvisionnement en poisson
· La différence entre ressentie entre le poisson
congelé et le poisson d'eau douce
· Les croyances à l'égard du poisson d'eau
douce élevé
· La relation avec les producteurs
· Les critères d'achat du poisson d'eau douce
élevé
· Les fréquences de consommation du poisson d'eau
douce élevé
QUESTIONNAIRE DESTINE AUX CONSOMMATEURS DE POISSON
D'EAU DOUCE ELEVE
Questionnaire N°............
Date :....... /......./ 2008
I. CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES
Age ( )
Sexe ( )
Masculin (1) Féminin (2)
Occupation
1-Travailleur.............( ) 4-
Ménagère.....( )
2- Sans emploi...........( ) 5-Autre..........(
).....................................
3- Etudiant...............( )
Statut :
1-Marié ...............( ) 4
-Fiancé..............( )
2-Célibataire .........( ) 5-Veuf
................( )
3-Divorcé.............( )
Religion :
1-Catholique...............( ) 4-Musulman........( )
2-Protestant.................( ) 5-Animiste..........(
)
3-Pentecôtiste..............( ) 6-
Autre............( ).................................
II. PERCEPTIONS ET PRATIQUES LIEES AU POISSON D'EAU
DOUCE ELEVE
N°
|
Questions
|
Réponses
|
Codes
|
Q01
Q02
|
Etes- vous consommateur du poisson ?
Si oui pourquoi?
|
Oui .....................1
Non......................2
Aliment pur..............1
Aliment complet..........2
Aliment sain..............3
Autre à préciser..........4
........................................
|
/__ /
/__/
/__/
/__/
/__/
/__/
|
Q03
|
Quels types de poissons consommez- vous?
|
Poisson de mer...........1
Poisson des fleuves......2
Poisson des rivières......3
Poisson des étangs.......4
|
/__/
/__/
/__/
/__/
|
Q04
|
Consommez-vous les poissons suivants ?
|
OUI
|
NON
|
|
|
1-Silure
|
|
|
|
2-Tilapia
|
|
|
|
3-Carpe
|
|
|
|
4-Kanga
|
|
|
|
Q05
|
Lesquels appréciez-vous le plus ? citez par ordre de
préférence
|
|
/__/
/__/
/__/
/__/
|
Q06
|
Faites- vous une différence entre le poisson des
étangs et les poissons de mer (congelé) ?
|
Oui..........1
Non.........2
|
/__/
/__/
|
Q07
|
Si oui comment ?
|
|
|
Q08
Q09
|
Y a-t-il un ou des poissons d'eau douce élevé
difficiles à préparer ?
Si oui lesquels
Silure .............................1
Carpe...............................2
Tilapia...............................3
Kanga..............................4
|
Oui...........1
Non ..........2
|
/__/
/__/
|
Q10
|
Avez-vous pu trouver des techniques pour les
préparer ?
|
Oui...............1
Non...............2
|
/__/
/__/
|
Q11
|
Selon vous, comment souhaiteriez-vous que le goût du
poisson d'eau douce élevé soit ? (à citer)
Types de poisson
1-Sucré
2-Salé
3-Amer
4-Acide
5-autreSilureCarpeTilapiaKanga
|
|
|
Q12
|
De quoi tenez-vous compte lorsque vous achetez du
poisson ?
|
Le goût................1
La taille...............2
La couleur.............3
Le prix................4
La fraîcheur..........5
L'origine...............6
La commodité........7
Autre..................8
|
/__/
/__/
/__/
/__/
/__/
/__/
/__/
/__/
|
Q13
|
Sous quelle forme préparez-vous le plus souvent le poisson
d'eau douce élevé ?
|
Bouillon..........1
Braisé.............2
Frit.................3
Autre.............4
|
/__/
/__/
/__/
/__/
|
Q14
|
Préférez-vous acheter votre poisson mort ou
vivant ?
|
Mort..............1
Vivant............2
|
/__/
/__/
|
Q15
|
Pourquoi ?
|
Naturel................1
gout agréable........2
autre.....................
...........................3
|
/__/
/__/
/__ /
|
Q16
|
Etes-vous satisfait par la qualité du poisson d'eau douce
élevé?
|
Oui................1
Non...............2
|
/__/
/__/
|
Q17
|
Pourquoi ?
|
|
|
18. Préférence des consommateurs sur la
nature du type de poisson des étangs
Types de poissons
|
1- frais
|
2- fumé
|
3-sec
|
4-congelé
|
5-indifférent
|
silures
|
|
|
|
|
|
carpes
|
|
|
|
|
|
Tilapia
|
|
|
|
|
|
kanga
|
|
|
|
|
|
19. Préférence des consommateurs par
rapport à la nature de la chair
Types de poissons
|
1- tendre
|
2-ferme
|
3-blanche
|
4-colorée
|
5-indifférent
|
silures
|
|
|
|
|
|
carpes
|
|
|
|
|
|
Tilapia
|
|
|
|
|
|
kanga
|
|
|
|
|
|
20. Fréquence d'achat
Types de poissons
|
1-souvent
|
2-De temps
en temps
|
3-Très rarement
|
silures
|
|
|
|
carpes
|
|
|
|
Tilapia
|
|
|
|
kanga
|
|
|
|
maquereau
|
|
|
|
bar
|
|
|
|
machoiron
|
|
|
|
21. Pratique de consommation
Types de poissons
|
1-Bouillon
|
2-Sauce
tomate
|
3-Sauce
d'arachide
|
4-En légume
|
5-autre
|
silures
|
|
|
|
|
|
carpes
|
|
|
|
|
|
Tilapia
|
|
|
|
|
|
kanga
|
|
|
|
|
|
maquereau
|
|
|
|
|
|
bar
|
|
|
|
|
|
machoiron
|
|
|
|
|
|
Sardine
|
|
|
|
|
|
22. qu'est-ce qui selon vous montre la qualité du
poisson d'eau douce élevé?
1-Saveur .................( )
2-Couleur............... ( )
3-Fraîcheur...............( )
4-Autre à préciser ?.... (
).............................
23. Lieu d'achat : Où souhaiteriez-vous le
plus acheter votre poisson ?
1-Sur le marché local ...................... ( )
2-Au bord de l'étang........................( )
3-Au village domicile du pisciculteur.... ( )
4-Autre à préciser..............................(
)
24. Habitude de consommation : quelle était
la raison du premier achat du poisson de l'étang ?
1-Entendu parler....................................( )
2-Goûté..............................................(
)
3-Informé sur ses qualités nutritionnelles.......(
)
4-Connaissances des pisciculteurs................( )
5-Promotion sur le lieu de vente...................( )
6-Autre à
préciser....................................( )
25. Quelles est votre périodicité de
consommation du poisson
1-tous les jours....................( )
2-une fois par semaine...........( )
3-une fois par mois...............( )
4-occasionnellement.............( )
26. Relation consommateur pisciculteurs
1-« Asso »......... ( )
2-Une parenté...... ( )
3-Amitié.............( )
4-Voisinage.........( )
5-Inconnu...........( )
6-Autres ............( )..............................
Merci
* 1 Le PSSA (1997-2001) a
été suivi d'un Projet d'appui au PSSA (PA-PSSA) au Cameroun a
été exécuté entre 2003 et 2005 grâce à
un financement conjoint de la Banque Africaine de Développement (BAD),
de la FAO et du Gouvernement camerounais pour un montant total d'environ 1,7
millions $EU. Les activités du projet ont été
concentrées dans les Régions du Centre, de l'Adamaoua et du
Nord.
* 2 Différents
critères sont effectivement mis en avant selon l'institution ou le
partenaire concerné : système extensif (i.e. sans apport ou
presque d'intrants) versus système semi-intensif ;
pisciculture commerciale versus pisciculture non commerciale (voire de
subsistance) ; statut juridique de l'exploitant (ex. groupement villageois
versus exploitant individuel) ; taille de l'exploitation (en
nombre d'étangs et/ou de taille des étangs) ; durée
du cycle d'élevage ; niveau de maîtrise des
itinéraires techniques ; niveau de capitalisation ; niveau
d'organisation et de gestion ; part de la production destinée aux
marchés extérieurs ; écloserie intégrée
ou non aux exploitations ; temps consacré à la pisciculture
par rapport au temps total consacré à l'exploitation
agricole ; etc.
* 3 « Les
pisciculteurs creusent des trous le long des cours d'eau poissonneux, ces trous
dont les dimensions ne sont pas très loin de la taille d'un
éléphant (symbole de l'origine de cette pratique) constituent des
pièges pour les poissons et les alevins qui viennent y amarrer lors des
grandes crues, et les pisciculteurs n'ont qu'à attendre la décrue
pour faire la pêche. La production est estimée à 100
à 200 kg par trou et les espèces pêchées sont :
Clarias jaensis, Clarias gariepinus et Oreochromis
niloticus. »
* 4 Pouomogne, V. 2008.
Capture-based pisciculture of Clarias catfish: case study of the Santchou
fishers in western Cameroon. In A. Lovatelli; P.F. Holthus (eds). Capture-based
pisciculture. Global overview. FAO Fisheries Technical Paper. No. 508. Rome,
FAO.
* 5 Les différentes
hypothèses de calcul ayant servi à l'analyse économique
figurent dans le rapport du consultant V. Bamba, CTPD spécialiste en
économie aquacole : données bio-techniques et
économiques, schéma d'allocation des superficies, plan de
production, programme d'investissement et schéma de financement.
|