2.2. La zone du Programme de Réhabilitation des
Adivasi (PRA)
Cette étude se concentrera donc sur l'ouest d'Aralam,
où cette étude a été conduite, correspond à
une surface de 30 km2 de forêt entourée de
rivières, qui a été entièrement coupée au
début des années 1970 pour mettre en place une ferme
gouvernementale nationale. En 2004, cette ferme a été
donnée au Programme de Réhabilitation des Adivasi (PRA)
qui l'a séparée en deux portions : la moitié a
été gardée comme ferme, l'Aralam Farm, et l'autre
moitié, adjacente à l'AWS, pour réhabiliter les
Adivasi (et qui sera appelée dans la suite de ce mémoire
zone du PRA). Le PRA a été instauré dans le cadre
d'initiatives visant à compenser les Adivasi, qui sont les
peuples autochtones de l'Asie du Sud pour la perte de leurs territoires
ancestraux.
Ces populations suivaient pour beaucoup un mode de vie «
traditionnel », en partie nomade, centré sur la forêt et ses
ressources. L'expansion spatiale humaine au Kerala, et les restrictions
imposées par la mise en place des AP, ont fortement remis en cause leur
mode de vie car ils n'étaient pas propriétaires des espaces
forestiers où ils habitaient. Le déplacement de ces populations
hors de leurs territoires traditionnels et les difficultés à
maintenir leur mode de vie ont ainsi généré une forte
instabilité dans ces communautés et les ont rendu
particulièrement vulnérables. Ils s'intègrent, en outre,
difficilement au modèle économique actuellement en vigueur,
à la fois à cause de leur situation socioéconomique, mais
également de par leur système culturel.
Le PRA est ainsi un programme visant à distribuer des
terres (4000 m2 par famille dans le cas d'Aralam) aux Adivasi
sans-terre du district afin de leur offrir les possibilités de
pourvoir à leurs besoins de manière autonome à travers
l'agriculture. L'objectif est donc d'offrir à ces personnes une forme de
compensation pour la perte de leur mode de vie. Quatre groupes ethniques s'y
côtoient, les Kurichians, les Mavilans, les Karimpalans et les
Paniyans.
La zone de la PRA était avant principalement une
plantation d'anacardiers (dont le fruit est la noix de cajou), de cocotier et
d'hévéas, qui a été divisé en 3375 parcelles
de 4000 m2, dont seulement 1653 sont occupées à ce
jour (ce qui représente environ 4500 habitants). En effet, de nombreuses
personnes refusent d'y vivre à cause de la venue des animaux sauvages
provenant de l'AWS bien que beaucoup utilisent cependant leur parcelle à
des fins productives sans l'habiter. La plupart des familles ont gardé
les arbres déjà plantés comme sources de revenus et ont
planté d'autres arbres fruitiers, ainsi que des tubercules à des
fins d'autoconsommation. Une agriculture plus intensive et capable de pourvoir
aux besoins familiaux reste cependant une gageure à cause des incursions
animales. Les habitants de la zone
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du PRA ont donc besoin de compléter leurs moyens de
subsistance, essentiellement à travers des emplois journaliers
d'agriculture ou de construction. Bien qu'une partie soit employée
à l'Aralam Farm adjacente, le reste dépend d'emplois
extérieurs à la zone du PRA. Étant donné
l'éloignement relatif de la zone du PRA et surtout son étalement
sur 15 km2, le manque d'infrastructures de transport en commun
complique néanmoins les possibilités d'emplois à
l'extérieur de la zone du PRA.
De plus, plusieurs programmes de développement des
infrastructures, de construction de maisons en dur... ont été
initiés ou promis depuis le début du PRA, mais leurs
réalisations demeurent au mieux partielles.
La zone du PRA est donc exclusivement formée de
parcelles de 4000 m2. La propriété de ces parcelles
est de plus indivisible et ne peut pas être cédé à
des personnes extérieures à la famille proche. Ceci a
été instauré pour éviter que ces familles ne les
revendent pour une somme modique et se retrouvent de nouveau sans terres et
sans argent. Bien qu'il puisse exister deux habitations sur une parcelle, ceci
est rare. Il ne peut donc pas y avoir de centre urbain. La population est ainsi
répartie extensivement, principalement autour de deux pôles, au
nord et au sud de la zone du PRA. La partie centrale adjacente à l'AWS
demeure essentiellement sauvage.
L'Aralam Farm, toujours sous contrôle gouvernemental,
est composée de plantations d'anarcadiers, de cocotiers, de cacaoyers,
d'hévéas et d'ananas. Elle emploie environ 60% de ses
travailleurs journaliers parmi les habitants de la zone de PRA (ce qui
représente 583 personnes). Elle s'est engagée dans plusieurs
programmes de soutien, notamment par la distribution d'arbres fruitiers.
Les gestionnaires de l'AWS ont implanté trois
comités d'écodéveloppement. À travers ces
comités, ils ont mis en place un certain nombre d'activités
visant à supporter les habitants de la zone PRA : proposition d'emploi
à la journée selon les besoins, distribution de
cuisinières au gaz, construction de mini-barrages... D'après Mr
Madhusoodhanan, ces activités ont permis d'améliorer la relation
entre les autorités de l'AWS et les habitants. Cependant, il n'existe
pas de projets visant à intégrer les habitants, même
partiellement, dans la gestion du parc ou des conflits avec les animaux. Pour
réduire les conflits sur les 10 kilomètres de bordure, il a
été mis en place, avec un succès limité, 3 kms de
mur en béton, 2 kms de tranchées et 5 kms de bordure
électrique. Les garde-forestiers, aidé d'habitants locaux
embauchés, patrouillent les nuits aux alentours de la bordure pour
effrayer les animaux sauvages et intervenir rapidement en cas de
problème grave, notamment avec les éléphants.
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Trois groupes d'acteurs principaux sont ainsi présents
sur ce terrain : l'institution de conservation de l'AWS, l'institution
gouvernementale de l'Aralam Farm (qui emploie un grand nombre d'habitants de la
zone du PRA) et les habitants de la zone du PRA. Le PRA n'est plus un acteur
très actif sur le terrain, il est seulement en charge de veiller
à la bonne distribution des parcelles.
La zone du PRA est donc une immense zone agroforestière
ouverte habitée, dont une partie est retournée à
l'état sauvage. Alors que le PRA était un programme de justice
(partielle) environnementale visant à fournir aux populations
vulnérables un moyen d'autonomisation, les habitants de la zone du PRA
restent dans un état de précarité certain à cause
du manque d'infrastructures, de la difficulté à changer de mode
de vie et des problèmes avec les animaux sauvages, qui limite les
possibilités d'agriculture,
L'Aralam Wildlife Sanctuary

Figure 2 : L'Aralam Wildlife Sanctuary Source :
Map Data @2018 Google (27/05/18)
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3. MÉTHODOLOGIE
Ce mémoire se fonde sur une approche
pluridisciplinaire, intégrant à la fois des notions de
sociologie, d'écologie et de géographie animale, et utilisant des
méthodes qualitatives et quantitatives.
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