Synthèse bibliographique
Différents ouvrages, thèses et documents
officiels ont permis une meilleure maitrise du sujet. Ainsi pour mieux
maitriser la notion de variabilité climatique, les ouvrages
généraux tels que celui de Pédelabore (P) en 1991 ; et
celui Viers (G) et Vigeau (J.P) en 2001 ont servi de base pour la
géographie du climat, permettant ainsi de mieux comprendre les
phénomènes météorologiques tels que les pressions,
les vents mais aussi les condensations et les précipitations, à
l'échelle du globe. Plus loin la documentation s'est orientée
vers la notion de Variabilité Pluviométrique. Et dans ce cadre,
les différents travaux du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur
L'Evolution du Climat (G.I.E.C), et particulièrement le Bilan 2007
des changements climatiques ; Rapport d'évaluation, ont
permis une large vision sur le changement et la variabilité climatique.
Ces deux notions se recoupent parfois à travers l'analyse des
différents spécialistes. Ainsi, pour Norrant (C) en 2007, la
variabilité naturelle du climat se distingue du changement climatique
à des échelles plus longues car pour l'auteur les
événements extrêmes sont plutôt liés à
la variabilité interannuelle naturelle du climat, qu'aux changements
climatiques. Ensuite, l'auteur décrit les manifestations de cette
variabilité. Et parmi elles une modification de la configuration des
précipitations dans les différentes latitudes. Cela reste bien
valable en milieu tropical, car, l'une des manifestations principale de la
variabilité climatique est liée aux fluctuations
pluviométriques qui sont parfois marquées par des
sécheresses au Sahel.
C'est dans ce cadre que le climat tropical a été
exploré grâce aux travaux Leroux (M) en 2000 et de Sagna
(P) qui ont permis une large vision de la circulation tropicale avec une
description détaillée à travers les alizés et les
moussons. Ces auteurs ont traité de manière
détaillée de la mousson, de son épaisseur, de sa vitesse
mais aussi de son apport pluviométrique qui demeure important à
travers les différentes perturbations pendant sa présence. En
outre, pour déterminer les caractéristiques essentielles du
climat du Sénégal dans ce vaste domaine tropical, Atlas du
Sénégal, 5e édition, a
été d'un grand apport. Dans leur intervention, Leroux (M) et
Sagna (P) rappellent que c'est l'arrivée de la mousson qui envahit
progressivement le pays en provenance du sud, qui marque le début de la
saison des pluies au sud-est du Sénégal en Avril. Les auteurs
affirment une élévation permanente de la température tout
en soulignant le rôle régulateur de l'océan dans les
régions côtières avant de définir les
différents domaines climatiques du pays. Cependant l'idée de
l'existence d'un climat bien déterminé en domaine tropical, cache
la réalité de la variabilité de son régime.
4
Appartenant au domaine tropical et plus
précisément au Sahel, le Nord du Sénégal subit les
effets de la variabilité climatique qui s'y manifeste par des
sécheresses récurrentes, dont les causes ont été
à l'origine d'un grand débat et de nombreuses analyses, dont la
synthèse de Brook (N) en 2006, qui après avoir défendu que
la sécheresse des années 1970 au Sahel fut la plus catastrophique
du 20e siècle, affirme que celle-ci n'est pas la
conséquence de l'activité humaine mais plutôt d'une
«variabilité climatique de longue durée
impulsée par des changements dans la configuration de la
température de surface au niveau mondial».
Cette sécheresse est l'une des causes de
l'insécurité alimentaire au Sahel, et selon Caldwell (J) en 1975
, elle a été très meurtrière et a
occasionné, du coup, des vagues de migrations importantes internes et
externes à l'intérieur des pays du Sahel. Diop (A M), en 2011
dans sa thèse doctorale Dynamiques paysannes, souveraineté
alimentaire et marché mondial des produits agricoles : Exemple du
Sénégal., rappelle les problèmes d'autosuffisance
alimentaire et de souveraineté alimentaire engendrés par la
sécheresse depuis le début des années 1970. En outre, dans
leurs conclusions, dans Analyse Agro-climatique de la Région de
Thiès, pour Konté (O) et Ndiaye (M), l'agriculture occupe
une place importante dans la région de Thiès, mais reste
caractérisée par une fluctuation des emblavures. Selon ces
auteurs, pendant ces quarante dernières années, il y a eu une
forte variabilité interannuelle de la pluviométrie
accompagnée d'une diminution de 26 % des quantités de pluies. Une
diminution des quantités des pluies qui fini par modifier les relations
entre climat et agriculture et particulièrement dans le nord du
Sénégal dominé par un climat de type sahélien et
une économie d'agriculture pluviale, de subsistance.
En effet, selon Toure O et Seck M, 2005, cette partie du pays
est dominée par une agriculture sensible aux effets du climat se
caractérisant par un mode familiale d'organisation de la production et
de la consommation, confrontée à des problèmes de
sécurité alimentaire , de paupérisation des producteurs et
la concurrence des entreprises agricoles avec des propriétés
foncières dominées par des propriétés coutumiers
par héritage. Ce type d'agriculture domine depuis plusieurs
siècles l'organisation socio-économique des Sérères
Ndut de Mont-Rolland. Et c'est dans ce cadre que Péllissier (P) en 1966
dans Les paysans du Sénégal, Les civilisations agraires du
Cayor à la Casamance affirme que la paysannerie
sénégalaise est fondée sur des cultures sous pluie
marquées par une dépendance des activités paysannes
à l'égard des pluies. De même, Becker (C) en 1970 dans
Les Sereer Ndut : Etudes sur les mutations sociales et religieuses.,
relatant une histoire transversale des Sérère Ndut qui
représentent plus de 80% des populations originaires de la Commune de
Mont-Rolland, nous
5
a permis de comprendre que l'agriculture et
particulièrement celle pluviale, vivrière est, historiquement, de
loin, la principale activité de ces populations. Cependant il relate
«l'essor réel de la culture arachidière à
l'époque du développement de l'escale de Mont-Rolland » en
1954. Ainsi toutes les mutations qu'ils soient sociales ou religieuses
tournaient autour d'une principale activité : l'agriculture.
L'année en pays Ndut, comme le décrit Becker, était
rythmée par des pratiques agricoles, allant du début des travaux
agricoles en mai (préparation des champs, semis ...) en passant par les
fêtes traditionnelles de la récolte (ngamba) en novembre, aux
opérations de commercialisation de certains produits en
janvier-février. Par contre les sécheresses successives à
partir des années 1970 au Sahel, ont bouleversé cette
économie et organisation des peuples du Ndut, à cause des
mauvaises campagnes agricoles, marquées par de faibles productions, qui
se sont succédées dans ce contexte. Une situation qui a abouti
dans la Commune de Mont-Rolland à un abandon massif des terres ; une
réduction progressive des terres agricoles confirmée par Ndour
(T). en 2001.
Face à la variabilité climatique et ses effets
néfastes, l'adaptation est devenu plus que nécessaire pour la
survie des populations dans le contexte du Sahel qui est marqué
aujourd'hui par une vulnérabilité de son climat se manifestant
par des sécheresses récurrentes . Le GIEC, différencie
deux formes d'adaptation permettant de réduire la
vulnérabilité à la variabilité climatique :
l'adaptation anticipative qui est préventive et l'adaptation
réactive qui est conçu et mise en oeuvre en réponse aux
impacts initiaux. C'est ainsi que l'OSS (Observatoire du Sahara et du Sahel) et
GTZ (Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, Coopération
Allemande) en 2007, introduisent l'exemple d'un changement majeur dans la
pratique culturale au Sahel pour l'adaptation à la variabilité
pluviométrique. Aujourd'hui les enjeux de l'adaptation ne semblent pas
être maitrisés par les différents acteurs. Et pour Samba
(C) en 2007, « il y a une absence de politiques d'amélioration des
rendements agricoles », encore moins des projets de développement
capables de relancer l'économie agricole, malgré le fait que
cette, ex Communauté Rurale de Mont-Rolland soit la seule
collectivité locale, sur l'ensemble des collectivités locales de
la région de Thiès, dotée d'une couverture de 100 % en eau
potable en 2008, selon le rapport de l'ANSD (Agence Nationale de la Statistique
et de la Démographie) ; publié en 2009 intitulé :
Situation économique et sociale de la région de THIES en
2008.
6
Problématiques et Méthodologie I - Contexte
et justification
I - 1 - Contexte
Le climat du globe est confronté aujourd'hui à
des variations saisonnières et annuelles, de plus en plus perceptibles
mais surtout de plus en plus imprévisibles, de ses paramètres
météorologiques, aussi bien à l'échelle temporelle
qu'à l'échelle spatiale. Le Groupe Intergouvernemental d'Experts
sur l'Evolution du Climat (GIEC, 2007) affirme que, la
variabilité climatique qui est «l'ensemble des
fluctuations normales des valeurs réelles interannuelles des
éléments du climat autour de leurs valeurs moyennes », peut
être liée à des processus internes naturels du
système climatique (variabilité interne) ou à des
variations dues au forçage externe naturel ou anthropique
(variabilité externe). Par contre, certains détracteurs affirment
que cette variabilité climatique est un phénomène cyclique
naturel et que l'activité humaine est insignifiante pour influer sur le
système. Cela justifie la complexité et la multitude d'approche
sur les questions liées aux variations climatiques.
Les conséquences de la variabilité climatique,
telles que l'augmentation de la température moyenne du globe, la fonte
des glaciers, l'élévation du niveau des mers, la modification de
la répartition spatiale des pluies à travers les
différentes latitudes et la fréquence des
phénomènes extrêmes, sont parfois
énumérées de manière simple et classique.
Dés lors, les enjeux et effets de la variabilité climatique sont
parfois plus complexes que décrits et sont souvent capables de
bouleverser l'organisation socio-économique d'une région.
De nos jours, le continent africain, et
particulièrement le Sahel, est l'une des zones les plus
vulnérables à la variabilité climatique. Et cette
variabilité climatique s'y manifeste essentiellement par une
perturbation du cycle pluviométrique. En effet, au Sahel, la pluie est
de loin, le variable le plus déterminant sur l'activité
agricole.
Les causes de la sécheresse au Sahel, depuis le
début des années 1970, sont à l' origine d'un grand
débat. Les premières théories telles que celles de
Charney, ont mis en cause la dégradation et la désertification
provoquées par le surpâturage ainsi que « l'utilisation
inappropriée des terres »2. D'autres théories
renforçant ces derniers, accusent directement la pression
démographique d'avoir accentué la surexploitation des ressources
naturelles. En effet depuis les années 1950, l'Afrique historiquement
sous-peuplée, a connu une explosion
2 CHARNEY et al., 1975,1977, Reprit par BROOK (N),
(2006)
7
démographique exceptionnelle dans l'histoire de
l'humanité marquée par un quadruplement de sa population en 50
ans3.
Néanmoins, il est établi que, plutôt
qu'une conséquence de la pression démographique ou du manque de
gestion dans l'utilisation des terres, la dessiccation du Sahel au cours de la
fin du 20e siècle est le résultat d'une variation
climatique de longue durée impulsée par des changements dans la
configuration de la température de surface au niveau mondial. En effet,
«Les conditions de sécheresse dans le Sahel se
produisent à des périodes où les océans de
l'hémisphère sud et de l'Océan Indien du nord sont plus
chauds que les océans restant de l'hémisphère nord. Le
passage à cette configuration de la température est maintenant
largement accepté comme étant responsable de l'installation de
l'aridité dans le Sahel à la fin des années 1960s
(Giannini et al., 2003)4. Alors la dégradation des terres et
la surexploitation des ressources ne peuvent être
considérées que comme facteurs secondaires, aggravant la
sécheresse dans la région sahélienne. En plus de cela, ces
pays du Sahel sont vulnérables au changement climatique et ne disposent
pas de moyens suffisants pour réduire les effets négatifs de la
sécheresse.
En somme, la variabilité du climat est très
connue en Afrique et en particulier au Sahel où elle se manifeste
souvent par l'apparition de phénomènes extrêmes tels que la
sécheresse. Aujourd'hui, il existe une certaine augmentation de la
fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles, notamment
des sécheresses et inondations rythmant les hivernages au Sahel. Cette
variabilité climatique qui se manifeste par des
irrégularités pluviométriques dans le Sahel a fini par
perturber gravement l'équilibre hydrologique de cette région
sahélienne. Alors toute variabilité pluviométrique aura
t-elle des impacts sur les hommes et les écosystèmes ?
En effet, au Sénégal, l'agriculture pluviale
reste t-elle la pratique dominante ? Si oui, la production agricole ne
dépend t-elle pas en grande partie de la pluviométrie ?
D'où la nécessité d'une bonne compréhension du
cycle saisonnier de la pluviométrie.
Selon André Hufty (2006) il y a «des
corrélations entre rendement agricole et variations du
climat». Et cette affirmation reste bien valable pour un pays
comme le Sénégal où l'agriculture est dominée par
les cultures sous-pluie, dépendant de l'hivernage allant de juin
à octobre. C'est la période de mousson, pendant laquelle la
pluviométrie moyenne annuelle suit un gradient croissant du Nord au Sud
du pays. Elle passe de 300 mm au Nord à 1200 mm au Sud, avec des
variations accusées d'une année à l'autre. C'est dans
cette période de mousson,
3 SNEGAROFF (T), (2010)
4 Reprit par BROOK (N). (2006)
8
marquée par des pluies qui s'installent au sud du pays
au mois de mai-juin pour atteindre le nord en juillet-aout, que les
activités agricoles se concentrent sur l'ensemble du territoire
sénégalais.
L'agriculture pluviale occupe environ 70 % de la main-d'oeuvre
agricole et malgré une diversification de la production agricole,
celle-ci reste toujours tournée vers l'agriculture de
subsistance.5 La production des principales variétés
culturales que sont : Arachis hypogaea (arachide), Pennisetum
glaucum (mil), Vigna unguiculata (niébé),
Sorghum bicolor (sorgho), et Zea mays (maïs) est largement
liée aux variations du climat, et particulièrement, à
celles de la pluie, qui varie dans le temps et dans l'espace, d'où la
spécificité de chacune des différentes zones
agro-écologiques du pays. Le climat est soumis, à la fois,
à des facteurs géographiques et des influences
atmosphériques. Ainsi, la présence d'une façade maritime
de 700 Km entraîne des différences climatiques entre les zones
côtières et les régions de l'intérieur.
Situé aux abords du plateau de Thies, au sud-est de la
zone des Niayes, la Commune de Mont-Rolland s'étend dans le nord bassin
arachidier, entre 140 55' et 160 58' de latitude nord et
170 04' et 160 50' de longitude ouest au nord-ouest de la
ville de Thiès. Autrement dit la zone des Niayes traverse la zone
extrême ouest de Mont-Rolland, tandis que la reste de la Commune
appartient théoriquement au nord bassin arachidier où la culture
de l'arachide est devenue, de moins en moins développée. Cette
dernière pratique est, en effet, quasi-inexistante aujourd'hui dans la
Commune de Mont-Rolland.
Dans la commune de Mont-Rolland, les sécheresses
intenses et successives n'ont pas épargné l'environnement
conduisant à la destruction du couvert végétal. Cette
situation a accentué l'érosion tant bien hydrique
qu'éolienne, conduisant à une dégradation de certaines
terres surtout dans le domaine au relief accidenté, aux abords du
plateau de Thiès, ce qui favorise le ruissellement notoire des eaux de
pluies et le renforcement du système de ravinement de certaines terres
qui ont été occupées et exploitées par les paysans
Ndut depuis la prolifération des «daay»
(brûlis) pour y pratiquer une agriculture vivrière, pluviale
à partir du 12e siècle6. Alors,
historiquement dominée par l'agriculture et l'élevage familiale,
pluvial-vivrier, les populations de Mont-Rolland vont voir la
variabilité climatique bouleverser leur économie et influer sur
leur production agricole. Comprendre les répercussions de ces
bouleversements n'est-elle pas fondamentale pour faire face aux
problèmes de sécurité et de souveraineté
5M. NDIAYE , 2007. - Agricultural Situation, Country
Report. Approved by: Robert Hanson, Agricultural Attache.
6 «C'est vers le douzième siècle
que commença l'établissement des groupes qui ont donné
naissance au peuplement actuel » du Ndut. (C.BECKER ,1970)
9
alimentaire ? Quelle a été la réaction des
acteurs au développement des populations face à une telle
situation ? Les meilleurs moyens d'adaptation ont-ils été
trouvés ?
|