III- LES ACTIONS DE LUTTE CONTRE LE PALUDISME
Les études de BAUDON et SPIEGEL (2001), NGANTCHOU
(2005) ont démontré que la transmission du paludisme est plus
élevée en zone rurale qu'en zone urbaine. L'étude faite
dans notre site nous a permis de comprendre que le paludisme y est la
première cause de consultation et le premier motif d'hospitalisation
dans les structures sanitaires en place et se trouve au premier rang des
maladies hydriques. Ainsi nous nous sommes intéressés aux actions
des acteurs en place dans la lutte contre cette maladie endémique. Nous
allons d'abord relever l'action globale de l'Etat camerounais dans cette lutte,
ensuite la prise en charge de la maladie par le personnel sanitaire de Babadjou
et la communauté.
1- Une situation épidémiologique
difficilement maîtrisable : le cas de la lutte contre le paludisme au
Cameroun
Le paludisme fait de nombreux décès en Afrique.
Aussi, il engendre des impacts sociaux et économiques sur le
développement en accentuant la pauvreté et en réduisant
significativement la productivité et la stabilité sociale. Face
à cela, les pays d'Afrique et les institutions internationales ont
entrepris des programmes de lutte contre le paludisme. Les outils de
prévention et de traitement étant les moustiquaires
imprégnées d'insecticides de longue durées et les
combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (ACT),
renforcées par
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des pulvérisations à l'intérieur des
habitations, par un traitement préventif intermittent en cas de
grossesse et la prise en charge des cas fébriles. Cependant, la
connaissance du problème est loin d'être complète et les
programmes de lutte loin d'être adaptés et efficaces (NADJITOLNAN,
2005) à cause de la résistance des moustiques aux insecticides et
aux coûts élevés des traitements.
Le Cameroun n'est pas resté indifférent face
à ce problème qui touche toute l'Afrique. De nombreuses campagnes
d'éradication ont été entreprises par l'Etat. En effet,
avant les campagnes d'éradication des années 1950, les
activités de lutte contre le paludisme au Cameroun étaient
centrées sur des enquêtes entomologiques et
paludométriques. Ces enquêtes visaient à recenser les
différentes espèces anophéliennes présentes au
Cameroun, à déterminer l'importance vectrice de chacune d'elles
et à mesurer le niveau d'endémicité de la maladie. Parmi
les vingt deux espèces anophéliennes recensées, quatre
étaient les principaux vecteurs de la maladie. Il s'agissait de An.
Gambiae et An funestus, An moucheti et An nili. Le paludisme était alors
hyperendémique14 dans la plupart des zones du Cameroun
à l'exception de certaines régions de la zone forestière
et des hauts plateaux de l'Ouest. A l'issue de la conférence sur le
paludisme tenue à Kampala en 1950, le Cameroun avait été
choisi de 1953 à1964 comme une zone d'expérimentation de la
campagne d'éradication du paludisme en Afrique à cause de sa
diversité bioclimatique. Ainsi, il y eut deux campagnes
d'éradication organisées par le Service d'Hygiène Mobile
et de Prophylaxie, l'une dans la région du Nord et l'autre dans le
Sud.
La campagne du Nord réalisée de 1953
à1957, reposait sur des aspersions intra domiciliaires d'insecticides.
Ce qui avait fait baisser les densités anophéliennes et les
indices parasitaires pendant trois mois. Malheureusement, suite à une
dégradation des insecticides, une recrudescence des vecteurs et des
indices parasitaires fut observée. Basée également sur les
pulvérisations intradomiciliaires, la campagne du Sud s'était
faite à la même période que celle du Nord. Cette
dernière avait conduit à l'arrêt de la transmission du
paludisme dans la zone forestière. Cependant, les infrastructures
sanitaires et économiques n'étaient pas suffisantes pour assurer
une surveillance adéquate. C'est ainsi que de nombreux cas de paludisme
avaient été à nouveau observés.
Devant cette impossibilité d'éradiquer le
paludisme, les autorités sanitaires avaient pensé que
l'administration d'antipaludiques à toutes les couches de la population
pouvait conduire à long terme à l'éradication de la
maladie. Pour cela, des campagnes de chimioprophylaxie avaient
été entreprises dans les écoles. Ces dernières
étaient basées sur la
14 Sévissait de manière
sévère.
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distribution hebdomadaire de la chloroquine dans les
écoles. Elles avaient contribué à baisser de
manière significative les indices parasitaires chez les jeunes et
à la réduction de la morbidité et de la mortalité
palustre. Mais elles ont été abandonnées à la suite
de la modification des groupes cibles pour la chimioprophylaxie antipaludique
d'une part, le coût élevé de l'intervention et l'apparition
des résistances à la chloroquine d'autre part.
Face à l'échec de toutes ces stratégies
d'éradication et de contrôle du paludisme, de la persistance et
même de l'aggravation de la situation économique du pays, le
gouvernement a donc déclaré la lutte contre le paludisme comme
une priorité nationale et a adopté en 1997 la «
Déclaration de la Politique Nationale de Lutte contre le Paludisme
». Ainsi, des politiques relatives à la lutte contre le paludisme
ont été élaborées.
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