Annexe 3
Entretien avec deux jeunes diplômés de
l'École Nationale d'architecture
de Versailles Héloïse de Broissia vient d'avoir son
diplôme. La deuxième personne, déjà en poste dans
une agence, a tenu a garder l'anonymat. Entretien réalisé le
29 Mars 2014
En tant que jeunes architectes, considérez-vous
le droit de l'urbanisme en général comme une contrainte qui
limite de façon excessive la créativité ou comme un cadre
nécessaire ?
Personne n°2 : Cette question est
à double tranchant. D'un certain coté, pour conserver une
harmonie urbaine, il est important d'avoir des règles qui cadrent l'acte
de construire. Lorsque ce n'est pas le cas, comme à Dubaï, on se
retrouve avec un tissus urbain assez disparate et mal équilibré.
Mais il est vrai que certaines communes dans leurs réglementations
urbaines sont trop directives (en imposant des toitures à double pentes,
des matériaux ainsi que leurs coloris...) Néanmoins, on dit
toujours que la créativité naît de la contrainte et on voit
certaines opérations, qui, en jouant avec la réglementation,
produisent les projets les plus intéressants.
Héloïse de Broissia : Pendant les
études, on ne nous demande généralement pas de nous
conformer aux règles d'urbanisme. Mais je partage l'avis selon lequel la
créativité naît souvent de la contrainte.
Quelles normes/lois en particulier vous paraissent
excessivement contraignantes ? Personne n°2 : Il est difficile de
répondre à cette question car les principaux documents
d'urbanisme avec lesquels nous travaillons sont établis par les communes
et ces règles varient d'une commune à l'autre. (Par exemple : la
Trinité sur mer impose des toitures à double pentes avec un angle
variant entre 35 et 45°, des ardoises comme matériaux de
couverture...)
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Il faut savoir également qu'il est possible de
déroger aux règles d'urbanisme de certaines communes (à ma
connaissance principalement en Région parisienne) en justifiant que le
projet crée une meilleure harmonie urbaine. C'est un point que nous
pouvons négocier avec les services d'urbanisme des communes en
question.
Cela dépend également des classifications des
secteurs urbains, par exemple les lois qui régissent une ZPPAUP sont
extrêmement contraignantes alors que quand on travaille dans un secteur
AU, le cadre est beaucoup plus souple.
Héloise de Broissia : Ce n'est pas
tellement une loi ou norme en particulier qui est très contraignante,
c'est plutôt l'accumulation de toutes les normes. A la fois les
règles du Code de l'urbanisme, mais également les normes PMR,
incendie, code du travail, code de la construction ERP... Il y a beaucoup
d'articles et de livres qui parlent de ça en ce moment. En fait,
l'accumulation de toutes ces normes à des répercussions sur le
coût des bâtiments. De grands groupes comme Vinci et Bouygues, par
exemple, commencent à manifester contre ça. D'autre part l'Ordre
des architectes milite également pour un allègement de toutes ces
normes.
Comment vous positionnez-vous par rapport à
l'architecture durable/écologique Personne n°2 : Le
développement durable est un phénomène positif pour
l'architecture et qui a permis de créer de nouveaux métiers et
matériaux.
Mais il faut savoir que les industries ont la main mise sur ce
secteur et que les règles d'urbanisme qui traitent du
développement durable et qui permettent d'avoir des subventions sont
encore trop récentes et pas adaptées. (Tu peux lire: HQE Les
renards du Temple de Rudy Ricciotti)
Afin d'avoir un label ou des subventions, nous devons
justifier de la production d'énergie, et utiliser uniquement des
matériaux labellisés et non de la manière dont le
bâtiment a été pensé... (les dimensions des
ouvertures et les épaisseurs d'isolation.)
Point important à savoir : La majorité pour ne
pas dire la quasi totalité des bâtiments HQE ne sont optimum que
dans le cas de température extrême (chaud ou froids) mais pour le
reste ils ne sont pas adapté.
On peut parler aussi du Plan climat de Paris, qui, en 2010
imposait les mêmes
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consommations énergétiques à des
bâtiments de logement, bureau ou EHPAD, il n'y avait pas encore de
distinction. Cependant il faut savoir que les consommations
énergétiques de bureau ou EHPAD sont nettement supérieures
à celle des logements.
En conclusion : oui à la pensée durable, mais il
faut regarder en détails le cadre juridique sur lequel il repose.
Héloise de Broissia : Je partage cet
avis et te conseille vivement ce livre de Ricciotti qui ouvre les yeux sur le
fait que la course aux Labels HQE est un véritable marché et que
ces règles manquent parfois cruellement de bon sens. Cependant,
l'architecte se doit d'être sensibilisé à la protection de
l'environnement et être conscient de l'impact de ses projets sur la
planète.
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