UNIVERSITE AIX-MARSEILLE
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES
MEMOIRE
pour l'obtention du Diplôme
DROIT DE L'URBANISME ET INNOVATION ARCHITECTURALE EN
FRANCE : DES RAPPORTS AMBIVALENTS
Par Mlle. Laura Lemaire
Mémoire réalisé sous la direction du
Professeur Elise Carpentier
2
L'IEP n'entend donner aucune approbation ou improbation
aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent
être considérées comme propres à leur
auteur.
3
Mots-clés :
urbanisme, droit de l'urbanisme, architecture, bâtiment,
innovation, esthétique, patrimoine, environnement, développement
durable
Résumé :
Ce mémoire présente le rapport qu'a le droit de
l'urbanisme français à l'innovation dans deux domaines,
l'esthétique et la protection de l'environnement, et montre les enjeux
d'une telle approche dans les deux domaines. La première partie est
consacrée à l'innovation esthétique et il s'agit de
montrer que le droit de l'urbanisme a un rapport d'hostilité à
l'égard de l'innovation architecturale en matière
esthétique. La seconde partie quant à elle, est consacrée
au rapport entre droit de l'urbanisme et innovation architecturale dans le
domaine environnemental. Ce mémoire a été
réalisé grâce à des sources de toutes sortes, dont
des entretiens avec des architectes.
4
SOMMAIRE
Remerciements
Introduction
Partie 1) Droit de l'urbanisme et innovation
architecturale en matière esthétique
Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la protection de
l'esthétique qui est un obstacle à l'innovation architecturale
Titre 2) Les architectes et la contrainte réglementaire en
matière esthétique : une relation ambivalente
Partie 2) Droit de l'urbanisme et innovation
architecturale en matière de protection de l'environnement
Titre 1) Le droit de l'urbanisme et la prise en compte des enjeux
environnementaux en architecture
Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations
technologiques : critiques et propositions pour l'avenir
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Table des matières
5
REMERCIEMENTS
Je remercie tout d'abord Elise Carpentier, ma directrice de
mémoire, pour ses conseils et ses encouragements.
Je remercie ensuite les architectes qui ont accepté de
répondre à mes questions et dont les témoignages ont
été pour moi une source d'information précieuse :
Christian Périnel, Heloïse de Broissia et en particulier
Noëlle Vix-Charpentier qui m'a fourni de la documentation et dont les
explications m'ont permis de comprendre comment fonctionnent les documents
d'urbanisme.
Et pour finir, je remercie mes grand-parents, Germaine et Jean
Bémer, qui ont été des relecteurs hors pair et m'ont ainsi
fait gagner beaucoup de temps.
Laura Lemaire
6
INTRODUCTION
En 2013, le projet de la gare routière
d'Aix-en-Provence, conçu par l'architecte Jean-Marie Duthilleul, a
reçu, au Congrès national des établissements publics
locaux, le prix Innovation EDF/EPL pour ses performances
énergétiques ainsi que pour sa qualité architecturale,
environnementale et technique.1 Le projet a donc été
récompensé pour son aspect esthétique mais aussi pour son
aspect environnemental. La nouvelle gare routière d'Aix-en-Provence est
donc un ouvrage représentatif des enjeux actuels de l'urbanisme et de
l'architecture : concilier qualité architecturale, harmonie de
l'édifice avec son environnement et développement durable.
Dans ce mémoire, il sera question d'architecture,
d'urbanisme et plus particulièrement de droit de l'urbanisme,
d'esthétique et d'environnement. Et avant d'aller plus loin et de
présenter les rapports entre droit de l'urbanisme et innovation
architecturale, il semble nécessaire de définir un certain nombre
de termes.
Urbanisme :
« Ensemble des mesures techniques, administratives
économiques et sociales qui doivent permettre un développement
harmonieux, rationnel et humain des agglomérations »2
« Ensemble des arts et techniques concourant à
l'aménagement des espaces urbains en fonction de données
démographiques, économiques, esthétiques en vue du
bien-être humain et de la protection de l'environnement »3
L'urbanisme suppose l'idée d'une organisation
rationnelle et donc l'idée de planification. C'est donc avec les
débuts de la planification urbaine après la Première
guerre mondiale que naît le droit de l'urbanisme.
Mais si le droit de l'urbanisme apparaît tardivement,
à la fin du XIXe siècle, les penseurs réfléchissent
depuis l'Antiquité à l'organisation que devrait avoir la ville
idéale.4 C'est le cas par exemple de Platon dans Les Lois
et La République. Et dans la lignée de
1 Dossier « Nouvelles infrasctructures de transport»,
Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, p.18 et 19
2 Dictionnaire Larousse, 2012
3 Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert,
sous la direction d'Alain Rey, Tome 4 (R-Z), 1995 « urbanisme » p.
1686
4 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme, 8ème
édition,2008, Memento Dalloz. p.1
7
l'Antiquité, la Renaissance donne lieu a plusieurs
utopies célèbres qui sont des réflexions sur la ville
idéale. On peut citer Utopia de Thomas More, paru en 1516 en
encore La cité du soleil de Tomaso Campanella (1613).
Cependant, c'est au XIXe siècle que les théories
sur la ville idéale se font les plus nombreuses. Et cela donne lieu
à deux grands courants principaux : le courant progressiste et le
courant culturaliste. Le courant progressiste se caractérise par une
croyance absolue dans le progrès et l'universalisme. Le courant
culturaliste au contraire se caractérise par l'admiration du
passé et la nostalgie de la société
pré-industrielle. Cependant, comme leurs prédécesseurs
dans l'histoire des idées, il s'agissait peu pour les intellectuels du
XIXe siècle de passer à la réalisation concrète.
Françoise Choay parle de « pré-urbanisme
».5
Le XIXe siècle voit donc apparaître des
intellectuels qui consacrent des ouvrages entiers à l'organisation de la
ville. Cela va contribuer à la naissance de la notion d'urbanisme
à la fin du siècle.
Le terme d'urbanisme, urbanizacion en Espagnol,
apparaît pour la première fois sous la plume de l'ingénieur
catalan Illdefons Cerdà dans son ouvrage Théorie
générale de l'urbanisation en 1887. En France, il a fallu
attendre 1910 et le néologisme forgé par Pierre Clerget dans un
article de la Revue neuchâteloise de Géographie pour que
le terme d'urbanisme entre dans le vocabulaire. En 1911 ensuite, fut
fondée la Société Française des urbanistes (SFU),
« société savante » selon le vocabulaire de
l'époque et enfin, en 1953 l'école des Beaux arts de Paris
commence à enseigner l'urbanisme à ses étudiants en
architecture.6
L'urbanisme est donc à la fois un champ disciplinaire
lié aux sciences humaines et un champ professionnel qui regroupe
l'ensemble des pratiques et des techniques qui découlent de la mise en
oeuvre des politiques urbaines telles que le logement et les transports par
exemple. Dans le champ professionnel, on distingue l'urbanisme
réglementaire qui consiste en la législation de l'urbanisme et
l'urbanisme opérationnel qui consiste en la mise en oeuvre d'actions sur
le terrain.
5 CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et
réalité. Seuil, 1979
6 Idem.
8
Droit de l'urbanisme
En France, comme on l'a dit, on ne parle de droit de
l'urbanisme que depuis la fin de la Première guerre guerre mondiale. En
effet, à cet époque, l'état de dévastation du pays
et la nécessité de reconstruction rendit nécessaire une
réflexion globale sur la ville et surtout la planification de la
reconstruction du pays. Cela s'accentua encore avec la Seconde guerre
mondiale.
Cependant, avant même le XXe siècle, on observe
des mesures de l'État pour encadrer la construction de la ville. On ne
parle pas encore d'urbanisme puisque le terme n'a pas encore été
inventé mais on parle de mesures de police administrative. En France ce
type de mesures relatives à la ville date du début du XVIIe
siècle.
Les premières mesures de police relative
à la ville : aménagement des voies publiques, salubrité,
sécurité et esthétique7
La première norme qu'on peut assimiler à de
l'urbanisme date de 1607 avec l'Édit d'Henry IV qui impose aux
constructeurs de respecter le principe d'alignement des rues et donne à
l'administration le pouvoir de les y contraindre. Des plans d'alignements
seront établis ensuite par différents monarques, par la
Révolution (loi de 1791), le Premier Empire (loi de 1807) et par la loi
municipale du 5 avril 1884. La première norme assimilable a de
l'urbanisme concerne donc l'aménagement des voies publiques.
Avant cela, les villes étaient construites de manières
anarchiques, les architectes n'étant soumis qu'à des exigences
matérielles et de bon sens :
« Le dessin des voies, ainsi que la dimension des
logements résultaient surtout du bon sens, et aussi du savoir faire
technique de l'époque, ainsi la largeur des habitations populaires du
Moyen-âge dépassait rarement les cinq mètres car cela
correspond à la portée maximale d'une poutre. »8
La police de la sécurité est un
élément important du droit de l'urbanisme qui apparaît plus
de deux siècles plus tard : il s'agit de contrôler par voie
d'autorisation ou de déclaration préalable les
établissements dangereux, incommodes ou insalubres. En 1810, un
décret impérial classe 3 degrés de dangerosité. Ce
décret est complété un peu moins d'un siècle plus
tard par la Loi du 21 juin 1898 relative aux immeubles
menaçant ruine :
7 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3 et 4
8 OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de
l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la
construction, 1995
9
le maire a l'obligation de faire détruire un immeuble
qui présente des dangers pour les passants ou les voisins.
Le troisième type de ces mesures de polices
administratives relatives à la ville est la police de la
salubrité : en 1852 apparaît en effet un
décret-loi qui oblige les constructeurs à aménager des
réseaux d'évacuation des eaux, d'abord à Paris, puis cela
est étendu à d'autres villes. L'idée vient du Baron
Hausmann. Puis, cinquante ans plus tard, la Loi du 15 février 1902
oblige chaque commune de plus de 20 000 habitants à adopter un
règlement sanitaire. Aucune construction ne pouvait être
entreprise sans un permis qui attestait de la conformité au
règlement sanitaire.
La protection de l'esthétique, enfin,
est le type de mesures de police administratives relatives à la ville
qui apparaît en dernier et ne se conçoit que rattachée
à la conservation du patrimoine. La conservation du patrimoine recouvre
deux choses : la protection des monuments historiques et la protection des
sites.
Un monument historique est, en France, un monument ou un objet
recevant par arrêté un statut juridique destiné à le
protéger du fait de son intérêt historique, artistique ou
architectural. La loi du 30 mars 1887 pour la conservation des
monuments historiques fixe pour la première fois les critères et
la procédure de classement.
La notion de site, quant à elle, correspond au paysage
considéré sous le plan de l'esthétique. Les lois des
21 avril 1906 et 2 mai 1930 viennent, de même, encadrer
les critères et la procédure de classement des sites.
Enfin la la loi du 13 juillet 1911 introduit
la notion de « perspective monumentale ».
Alignement des voies publiques, sécurité,
salubrité, esthétique : tels ont donc été les
premières mesures de police administratives relatives à
l'organisation des villes. Celles ci ne ce se détachaient cependant pas
encore du droit de la construction et des objectifs de la police administrative
traditionnelle. On était dans le cadre de règles strictes de
construction imposées au particulier et pas encore dans le domaine de la
planification. Or, c'est avec les débuts de la planification que
naît réellement le droit de l'urbanisme.
10
La France dans une dynamique de planification
La première loi de planification urbaine apparaît
en France en 1919, à l'imitation de pays voisins comme la Suède
(1874), Pays-Bas (1901) et Grande Bretagne (1909) et fait suite à la
nécessité de reconstruction des villes du nord et de l'est
après la Première guerre mondiale. Il s'agit de la La loi
Cornudet du 14 Mars 1919.
Cette loi prescrivait l'établissement dans un
délai de trois ans de « projets d'aménagement
d'embellissement et d'extension des villes » dans les communes de
plus de 100 000 habitants et dans les villes « sinistrées,
pittoresque ou en extension rapide ».
Cette loi prévoyait une certaine forme de
décentralisation : en effet les plans étaient du ressort des
communes. Cependant, si le maire ne prenait pas de décision le
préfet pouvait se substituer à lui.
En pratique, la portée de la Loi Cornudet fut
limitée puisque la procédure était trop lourde pour des
communes dépourvues de moyens d'y faire face. Cependant, la « loi
Cornudet » est un apport considérable. En effet elle pose le
principe de planification à l'échelle communale : c'est donc
l'ancêtre direct des POS (Plans d'occupation des sols).
Ensuite, la loi du 1e Juillet 1924
complète la Loi Cornudet. En effet, celle-ci soumet les
lotissements à autorisation préalable.
Puis, par la jurisprudence Lainé, le Conseil
d'État admet la légalité des zonages et des affectations
du sol à des usages différents.9 C'est un principe qui
dominera l'urbanisme jusqu'au années 80 : logements, lieux de travail,
commerces et lieu de loisirs sont séparés dans des zones
différentes.
Enfin, par la loi du 15 Juin 1943,
l'urbanisme est déclaré « affaire d'État »
et doté de services propres. Avant cela le ministère de
l'intérieur avait la responsabilité de l'urbanisme mais par cette
loi, fut créé une Délégation à
l'Équipement national avec une direction de l'urbanisme. Les services
extérieurs sont placés sous l'autorité d'un inspecteur
général et aménagés au niveau régional.
Dès les débuts de la planification, l'urbanisme
avait donc vocation a promouvoir un certain équilibre entre les
territoires et à imposer des normes aux constructeurs dont font partie
les architectes.
9 Arrêt du Conseil d'État, 23 février 1934,
Lainé
11
Les enjeux de l'urbanisme et le droit de l'urbanisme
depuis 1945
En 30 ans entre 1945 et 1975, la population urbaine en France
augmente de 14 millions d'habitants sous les effets simultanés du
Baby-boom et de l'exode rural. Le grand enjeu de l'urbanisme devient donc le
logement. Il s'agit de construire vite et beaucoup : on assiste à un
doublement du nombre de mise en chantier. Pour la seule année 1970
près de 500 000 chantiers sont lancés. Cette situation est celle
des Trente Glorieuses et nécessite une politique d'envergure. Et en
même temps il s'agit de ne pas construire de manière anarchique :
les Trente Glorieuses sont donc une période de l'essor de la
planification et de l'urbanisme prospectif.10
De 1950 à 1960 il s'agit donc avant tout de
faciliter les opérations d'urbanisme. La loi du 21 Juillet 1950
crée un régime d'aide financière à la
construction et la loi du 21 Juillet 1950 élargie les
possibilités d'expropriation pour en faire bénéficier les
constructeurs privés. De plus, par les décrets du 31
Décembre 1958 sont créés les statuts de deux
opérations spécifiques d'aménagement : les ZUP (Zones
à aménager en priorité) et la rénovation urbaine.
Enfin, avec les programmes de restauration immobilière (Loi Malraux, 4
août 1962) et les Zones d'aménagement différées
(ZAD), 26 Juillet 1962), on passe à une politique de sauvegarde et de
rénovation qui rompt avec les démolitions brutales et les
« grands-ensembles » tant décriés.
Les Trente Glorieuses sont aussi l'époque de l'essor de
la planification et de l'urbanisme prospectif. En effet se
développe l'idée d'étendre à l'ensemble du
territoire l'application de documents d'urbanisme de portée
différente. Au niveau supra-communal, les Schéma directeurs
d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) jouent un rôle de
prévision et d'orientation générale. Au niveau communal,
il s'agit des Plans d'occupation des sols (POS) qui ont une fonction de
réglementation de et zonage. C'est la loi d'orientation foncière
du 30 décembre 1967 qui détermine leur
régime. Les POS était au départ uniquement fait dans les
aires métropolitaines mais bientôt, les communes rurales eurent
obligation de se plier aux POS.
Se développe aussi la concertation :
c'est à dire la rencontre et le débat organisé entre les
différents acteurs intéressés par une opération
d'urbanisme avant une prise de décision. Le but est d'atténuer le
caractère technocratique et centralisé des décisions.
Sont
10 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.3
ainsi créées les Zones d'aménagement
concerté (ZAC) par la loi d'orientation foncière du
30 décembre 1967.
Vers un droit de lurbanisme plus protecteur et
qualitatif.
Par protection, on entend tout d'abord la protection
de l'environnement : comme on le verra en détail dans la
seconde partie de ce travail, les enjeux environnementaux prennent de plus en
plus d'ampleur à partir de la fin des années 1960 et occupent
dans le droit de l'urbanisme les premiers rangs dans la hiérarchie des
valeurs.
Il s'agit aussi de la protection contre une trop forte
urbanisation à travers des mesures coercitives contre la
propriété privée. Est créé le plafond
légal de densité (PLD) au dessus duquel il appartient à la
collectivité de construire et le permis de construire se
généralise.
Enfin, il s'agit de protéger les futurs
occupants contre des constructeurs malhonnêtes ou
défaillants à travers des lois sur la responsabilité des
constructeurs et des maîtres d'ouvrage, des contrats incluant de
nombreuses garanties.
Après 1983 avec la décentralisation et les
nouveaux pouvoirs donnés aux communes, la concertation sert aussi
à tempérer les nouveaux pouvoirs donnés aux communes. La
Loi du 18 juillet 1985 rend à ce titre obligatoire
l'organisation d'une concertation avec les habitants de la commune pendant la
réalisation d'un projet d'aménagement. Se développe aussi
la place faite aux associations avec les lois du 10 et
31 décembre 1995 notamment pour les
associations agréées de protection de l'environnement et les
associations foncières urbaines (AFU) inspirées des associations
de propriétaires.
Enfin, il apparaît que l'État, d'avantage que de
prendre en charge directement l'aménagement, poursuit des programme
d'incitation à l'égard des organismes publics,
parapublics et privés de l'aménagement. Cela prend la forme
d'aide financières et du développement de la
contractualisation.
Décentralisation et inflation
normative
Avec les lois de décentralisation, sont transmises
beaucoup de compétences au communes en matières
d'élaboration des documents d'urbanisme et de délivrance
12
13
d'autorisation. Cela se caractérise par une inflation
normative. Un rapport du Conseil d'État de 1992 dit Rapport
Labetoulle, pointe la nécessité de rendre le droit de
l'urbanisme plus synthétique et « plus efficace ». Le
constat est le même aujourd'hui.
La Loi SRU et les débuts de l'urbanisme de
projet
La Loi SRU de 2000, relative à la solidarité et
au renouvellement urbain, opère une « une ambitieuses
réforme de l'ensemble du système »11 La loi
SRU tente en effet d'inciter les communes, souvent regroupées au
communautés de communes, à mettre au point des Schéma de
cohérence territoriale (SCOT) « afin d'aller vers une gestion
intégrée des de l'urbanisme vers le développement durable
»12 : les documents d'urbanisme doivent ainsi devenir non
plus seulement des plans d'affectation des sols mais des véritables
projets de développement urbain prenant en compte les enjeux de
restructuration de l'existant, le développement économique, le
développement des moyens de transport, les problèmes sociaux et
les préoccupations environnementales.
La Loi SRU est donc au fondement de l'urbanisme de
projet. En effet, la Loi SRU change
profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la
procédure qui mènent à leur élaboration.
Cela a été encore accentué avec Les
lois de Grenelle (2010) et par la Loi ALUR du 20
février 2014 qui a pour but pour les nouvelles construction
outre de densifier en zone urbaine pour construire là où sont les
besoins et de lutter contre l'étalement urbain. Pour cela il s'agit de
favoriser les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) 13
Le droit de l'urbanisme est donc né après la
Première guerre mondiale de la nécessité de planifier la
reconstruction des villes endommagées par la guerre. Après la
Seconde guerre mondiale, l'enjeu principal de l'urbanisme est le logement : le
droit de l'urbanisme a donc eu pour objectif de faciliter la construction.
Cependant, dès cette époque, il s'est agit d'encadrer la
construction. Avec les crises des années 1970, les projets de sont faits
de moindres envergures et il s'est agit alors d'enjeux plus qualitatifs :
11 MORRAND-DEVILLER, jacqueline : op. Cit. :
p.8
12 Idem.
13 Site internet dédié à la loi ALUR
14
la protection de l'environnement, la lutte contre
l'étalement urbain et des enjeux plus sociaux comme la mixité
sociale. Cette évolution du droit de l'urbanisme s'est
caractérisée par un empilement de normes de plus en plus
nombreuses.
Sources du droit de l'urbanisme
Le droit de l'urbanisme est peu encadré par le droit
international. Cependant, depuis les années 1970, les liens entre droit
de l'urbanisme et droit de l'environnement n'ayant cessé de se
renforcer, la dimension internationale du second ne manque pas de se
répercuter sur le premier, créant ainsi de nouvelles contraintes
pour le secteur du bâtiment.
Outre l'environnement, on peut citer le droit de l'Union
Européenne pour ce qui est des règles de la
concurrence.
Depuis la loi de décentralisation de 1983, c'est par
ailleurs aux élus locaux qu'incombe l'essentiel des fonctions de
maîtrise d'ouvrage publique, urbaine et architecturale. C'est aussi aux
élus locaux que revient le pouvoir de police de l'urbanisme car ce sont
eux qui ont la responsabilité des documents d'urbanisme. Le droit de
l'urbanisme relève donc de règles nationales et locales.
Dans ce mémoire il sera fait mention du droit de
l'urbanisme dans une acception élargie puisque notre étude ne
sera pas limitée aux règles issues du Code de l'urbanisme mais
également des règles issues du Code du patrimoine, du Code de la
construction ou encore du Code de l'environnement, qui sont intimement
liés à l'urbanisme.
Une définition du droit de l'urbanisme
« Le droit de l'urbanisme peut être
défini comme l'ensemble des règles concernant l'affectation de
l'espace et son aménagement. »14
Il s'agit de mesures de police administrative et de servitudes
d'intérêt public . Le droit l'urbanisme est donc rattaché
de manière importante au droit administratif et également
à d'autres branches du droit public tels que le droit fiscal, le droit
de l'environnement, du patrimoine, de l'expropriation, de la
propriété des personnes publiques et mais aussi du droit
privé : droit de la construction et droit pénal notamment.
14 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1.
15
« Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit
de l'harmonie et de la conciliation entre ces diverses exigences »
: sociale : droit au logement, diversité de l'habitat,
qualité de vie, esthétisme , économique, protection de
l'environnement, de l'esthétisme, de la qualité de vie imposant
des limites à l'aménagement »
Il s'agit d'un droit parfois rigide et parfois souple et
« qui laisse une large place aux décisions
discrétionnaires en opportunité. »
Par ailleurs c'est un droit qui met en présence des
acteurs diverses souvent en situation conflictuelle. Il faut donc des
mécanismes de concertation préalable c'est à dire
convaincre et persuader plutôt qu'ordonner.
Un aussi cependant un droit« discriminatoire »
qui porte atteinte aux grands principes de liberté et de
propriété. Cependant légitimité des règles
de l'urbanisme découle du fait que la liberté consiste à
ne faire que ce qui ne nuit pas à autrui, et la propriété
n'est pas absolue : elle existe dans les limites que fixent les lois et
règlements.
De plus, on assiste à un mouvement de
développement des droits et libertés individuels notamment sous
l'influence du droit de l'Union Européenne et du libéralisme. La
jurisprudence actuelle du droit administratif défend de plus en plus les
intérêts des administrés face à l'administration. Et
il en va de même pour le droit de l'urbanisme.
Mais il est temps à présent de passer à
la définition des autres termes du sujet : architecture, innovation et
innovation architecturale.
Architecture
« Art de construire les édifices, d'en organiser
l'espace et l'apparence, extérieure et intérieure ; ensemble des
techniques qui y concourent en étant soumises au projet artistique
»15
L'architecture est donc un art. Et dans la classification
classique, l'architecture est même le premier des arts. C'est pour cela
que l'architecture dépend en France du Ministère de la culture.
L'architecture relève donc de la recherche artistique de nouvelles
techniques, de nouvelles formes. Et comme tous les arts, l'architecture est
marquée par des mouvements artistiques évoluant avec les
époques.
Le mot architecture apparaît pour la première
fois en langue française à la Renaissance dans une traduction du
De architectura de l'architecte Romain Vitruve par
15 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert,
2005, Tome 1 (A-D), sous la direction Alain Rey, « architecture » p.
468-470
16
Jean Martin. L'ouvrage fut nommé Architecture ou
l'art de bien bastir et fut écrit en 1547.
Un art de l'espace et de la construction
Le De architectura de Vitruve écrit vers -25
est le seul traité d'architecture qui nous reste de l'Antiquité.
Il s'agit d'une sorte d'encyclopédie des techniques de construction et
de conception des ouvrages architecturaux, ainsi que des machines et
instruments de mesure. Cette oeuvre a une influence importante
durant le Moyen-âge et jusqu'à l'avènement de
l'architecture classique et baroque au VIIe siècle. Pour Vitruve,
l'architecture est une imitation de la nature. L'édifice doit donc
s'insérer harmonieusement dans l'environnement naturel. L'architecte
doit par ailleurs posséder une culture vaste et notamment philosophique.
Il doit également avoir la connaissance de l'acoustique pour la
construction des théâtres, de l'optique pour l'éclairage
naturel des édifices et de la médecine pour l'hygiène des
aires constructibles. Le livre 1 en particulier donne des indications sur
l'organisation urbaine.16
D'après Vitruve, l'architecte de la Rome antique
s'occupait donc ce qu'on appellera des siècles plus tard
l'aménagement urbain. Cela reste vrai car aujourd'hui en France, de
nombreux architectes ont également une formation d'urbaniste.
L'architecte est « celui qui conçoit
l'édifice et en dirige la construction. »17 Le
métier d'architecte s'apparente donc à la maîtrise
d'oeuvre, il est celui qui maîtrise techniquement la construction des
bâtiments et surveille la mise en oeuvre des projets architecturaux. On
oppose en effet « maîtrise d'oeuvre » et «
maîtrise d'ouvrage ». Le maître d'oeuvre est celui qui
réalise le projet architectural et le maître d'ouvrage celui qui
passe la commande. L'architecture est donc un art qui est
intégrée à un secteur économique qui comporte des
enjeux financiers importants : le bâtiment.
L'innovation correspond au fait d'innover, c'est
à dire :
« Introduire dans une chose établie quelque chose de
nouveau, d'encore inconnu »18
16 Table des matières de De Architectura. Maufras, 1847
17 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert :
op. Cit. : « architecture » p. 468-470
18 Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert :
op. Cit. : « innover » p. 1998
17
Innovation architecturale et droit de l'urbanisme sont donc a
priori des notions antagonistes. Le droit de l'urbanisme, en effet, est un
droit contraignant qui a pour fonction l'harmonie esthétique des villes,
quand l'architecture en tant qu'art porte en elle la recherche technique et
esthétique qui implique l'innovation, c'est à dire la recherche
de « quelque chose de nouveau » qui vient bouleverser ce qui
existe déjà.
Par ailleurs, une innovation est considérée
comme telle par rapport à l'époque à laquelle elle
apparaît. La tour Eiffel par exemple, ce prodige architectural de
l'exposition universelle de 1889 qui consiste en une tour de 300m de haut
entièrement réalisée en métal choqua les Parisiens
lorsque fut érigée. Victor Hugo lui même rédigea des
pétitions pour que la mairie débarrasse la ville de ce «
monstre de métal » qui défigurait Paris. Plus de 100
ans plus tard, la Tour Eiffel est le symbole de Paris dans le monde entier.
L'innovation d'hier peut donc devenir le patrimoine de demain.
Et un droit qui se bornerait à protéger ce qui existe ne serait
donc qu'une contrainte, quelque chose qui empêcherait toute innovation.
Il s'agit donc de se poser la question des rapports souvent conflictuels entre
innovation esthétique et droit de l'urbanisme. Mais une partie de ce
travail sera également consacrée aux règles de nature
environnementale du droit de l'urbanisme.
Environnement
« 1. Ce qui entoure, constitue le voisinage de.
2. Ensemble des éléments physiques, chimiques
ou biologiques, naturels ou artificiels, qui entourent un être humain, un
animal ou un végétal ou une espèce.
3. Ensemble des éléments objectifs et
subjectifs qui constituent le cadre de vie d'un individu
»19
La notion d'environnement rassemble tout ce qui constitue le
cadre d'existence d'un être vivant. Par ailleurs l'environnement peut
être naturel ou artificiel. Et il peut aussi s'agir
d'éléments subjectifs, c'est à dire, qui dépendent
de la perception de l'être vivant.
Depuis la fin des années 1960, la protection de
l'environnement s'est imposée comme une nécessité. Ainsi,
les enjeux environnementaux prennent une importance de
19 Le petit Larousse illustré, 2008
18
plus en plus considérable dans le droit de l'urbanisme.
Et d'autre part s'est développé depuis cette époque ce
qu'on appelle l'architecture environnementale.
Si le droit de l'urbanisme relatif à l'environnement
est une contrainte supplémentaire pour les architectes, il est aussi un
moteur de l'innovation dans le domaine technique s'agissant notamment des
matériaux et de l'efficacité énergétique.
Il s'agira donc dans ce mémoire de réfléchir
à la problématique suivante :
En quoi le droit de l'urbanisme français a-t-il
un rapport différent à l'innovation quand on se place en
matière esthétique et en matière environnementale et quels
sont les enjeux de ce rapport dans les deux domaines ?
Dans la première partie, on
s'intéressera aux rapports entre innovation esthétique et droit
de l'urbanisme. On montrera que le droit de l'urbanisme est un droit
hostile à l'innovation architecturale en matière
esthétique. On présentera les principales règles
d'urbanisme qui empêchent l'innovation esthétique puis on nuancera
cette position en montrant le caractère nécessaire et même
propice à l'innovation de la contrainte, notamment réglementaire.
Dans la seconde partie, on réfléchira aux rapports entre
innovation architecturale, protection de l'environnement et droit de
l'urbanisme : on montrera qu'en matière environnementale, le
droit de l'urbanisme à un rapport favorable à l'innovation
architecturale mais que cela ne va pas sans poser de problèmes. On verra
en effet que le droit de l'urbanisme français actuel prône une
architecture environnementale technologique. On présentera donc les
critiques que l'on peut adresser au droit de l'urbanisme actuel en
matière environnementale et enfin on présentera des solutions
pour une urbanisation plus durable.
19
Partie 1) Le droit de l'urbanisme et l'innovation
architecturale en matière esthétique
Outre la sécurité et la salubrité,
l'esthétique des villes est l'objet principal du droit de l'urbanisme.
Comme on l'a montré en introduction, la période des Trente
Glorieuses a fait passer cet objectif au second plan car la
nécessité première était surtout de construire des
logements en masse pour loger une population en forte augmentation. Le retour a
un urbanisme plus qualitatif après les années 1970 a cependant
remis l'esthétique au premier
plan.20
En France la notion de protection de l'esthétique
s'entend dans un sens passéiste : il s'agit de protéger, de
conserver ce qui existe. On suppose une harmonie à ce qui existe
déjà et en découle que les constructions nouvelles ne
doivent pas détruire cette harmonie.
Dans cette partie, il s'agira donc de s'intéresser aux
rapports entre innovation esthétique (c'est à dire la production
de nouvelles formes esthétiques) et droit de l'urbanisme.
Dans un premier titre, on montrera qu'en matière
esthétique, le droit de l'urbanisme est globalement hostile à
l'innovation. Après une phase de définition, nous
présenterons les règles les plus contraignantes du droit de
l'urbanisme en montrant en quoi elles font obstacle à l'innovation
architecturale. Ensuite, dans un seconde titre, on s'intéressera aux
rapports entre les professionnels du bâtiment (et en particulier les
architectes) et les contraintes réglementaires en matière
esthétique. Il s'agira d'abord de montrer que celles-ci apparaissent
comme des contraintes excessives qui représentent un obstacle à
l'innovation architecturale, puis on nuancera ce point de vue, en montrant que
la contrainte réglementaire est un cadre de travail pour les architectes
et qu'elle peut aussi devenir un moteur pour l'innovation.
20 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme.8e
édition. Dalloz, Paris, 2008
20
Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la
protection de l'esthétique qui est un obstacle à l'innovation
architecturale
Il s'agira donc dans ce premier titre de montrer que le droit
de l'urbanisme est hostile à l'innovation architecturale en
matière esthétique, en ce qu'il a justement pour objectif la
protection de l'esthétique.
Mais l'esthétique de quoi exactement ?
Le droit de l'urbanisme a pour vocation de protéger
d'une part le patrimoine architecturale et d'autre part les paysages et les
espaces naturels, auxquels comme on l'a
dit, le droit suppose une harmonie.21 Dans un
premier chapitre, on présentera donc les dispositions relatives à
la protection du patrimoine architectural et dans un seconde chapitre, celles
relatives à la protection des paysages et des espaces naturels. Enfin
dans un troisième chapitre, on présentera le contrôle du
juge administratif en matière d'esthétique.
21 OGIER Magali : Innovations architecturales et droit de
l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la
construction, 1995
21
Chapitre 1) Les règles de protection du
patrimoine architectural
Dans ce premier chapitre, il s'agira donc de montrer que le
droit de l'urbanisme, au sens large, a pour objectif de la protection du
patrimoine architectural et de montrer en quoi cela est un obstacle à
l'innovation architecturale.
§1) Origine et évolution de la notion de
patrimoine
1) Définition et origine de la notion de
patrimoine
L'ensemble des lois et de la jurisprudence relative à
la protection du patrimoine architectural figure dans le Code du patrimoine.
Le mot patrimoine est issu du latin patrimonium qui
signifie « ce que l'on a hérité du père ».
En droit privé, le patrimoine désigne un « ensemble
de biens, droits et charges d'une personne juridique. », « l'ensemble
des biens et des charges d'une personne appréciable en argent
».22
Il y a dans la notion de patrimoine une idée
d'héritage des générations passées. Cependant, ce
qui est tangible et « appréciable en argent » pour le
patrimoine privé devient abstrait pour un patrimoine qui serait
national. Cependant il y a l'idée qu'il faudrait « un bon
père » pour s'en occuper. Cela justifie que la tâche de
gestion doit revenir à l'État car cette lourde tâche ne
peut être laissée au seul citoyen. »23
« La protection du patrimoine historique trouve sa
raison d'être dans la nécessité d'empêcher ou de
limiter strictement la construction dans les endroits ou elle est
indésirable afin de préserver les
espaces urbains »24
Il s'agit donc d'inventorier, de protéger de la
destruction, conserver et restaurer et mettre en valeur les traces et
témoignages du passé.
C'est à l'État que revient l'essentiel des
compétences en matière de patrimoine, cependant, les
collectivités territoriales y sont associées dans le soutien
à la conservation du patrimoine et notamment le département et la
région.
22 Dictionnaire en langue française, Le Robert, 1995, sous
la Direction d'Alain Rey
23 OGIER, Magali: op. Cit. : p.14
24 MONNIER, Mireille : L'urbanisme de protection, un droit au
service du patrimoine, Lextenso éditions, 2013, p. 13
22
En outre, l'idée qui définit la politique
patrimoniale est celle que l'urgence justifie l'existence d'un droit
très contraignant. On peut parler d'urgence en effet, car une fois un
monument historique détruit, aucun retour en arrière n'est
possible :
« La protection du patrimoine apparaît de plus
en plus fondamentale dans la mesure où elle constitue l'une des facette
de la politique patrimoniale qui vise la sauvegarde de l'identité
culturelle et la défense
de l'esthétique ». 25
Par ailleurs le patrimoine est un enjeu important pour le
développement local parce qu'il permet le développement du
tourisme. En effet, si la ville d'Aix-en-Provence, par exemple attire autant de
touristes, c'est pour son patrimoine architectural particulièrement ben
conservée.
En outre, le patrimoine architectural constitue aussi un
aspect de la qualité du cadre de vie des habitants. Si les touristes
apprécient le charme des bâtiments anciens, il en va de même
pour les habitants, qui peuvent en profiter toute
l'année.26
Le droit de l'urbanisme a donc en matière
d'esthétique une conception passéiste puisque le patrimoine
architectural est conservé pour une question d'esthétique. Est en
effet considéré comme esthétique, ce qui existe
déjà.
2) Évolution de la notion de patrimoine
En 1913, la loi prévoyait la protection d'objets qui
avaient une qualité esthétique particulière. Aujourd'hui,
le patrimoine correspond à des bâtiments considérés
comme « témoins irremplaçables d'un passé
même récent ».27 A ce titre, le
théâtre de l'Olympia par exemple, fut classé au patrimoine
culturel en 1993.
Suivant la même logique, les architectes et urbanistes
se posent aujourd'hui la question de la patrimonialisation de l'habitat social
des années 1960-1970. L'idée est en effet que l'habitat social
des années 1960-1970 est le témoignage de l'époque
particulière qu'ont été les 30 Glorieuses en
matière d'architecture : une époque à laquelle il a fallu
construire des logements vite et en masse. Et étant donné que la
notion de patrimoine a été élargie à la protection
des édifices possédant un caractère historique
particulier, ne
25 MONNIER, Mireille : ibid. : p. 13
26 MONNIER, Mireille : ibid. p. 14
27 « Un nouveau regard sur les grands ensembles »,
Urbanisme n°388 Printemps 2013, p.30
23
devraient-ils pas faire partie du patrimoine ? C'est la
question qui est posée après 10 ans de rénovation urbaine
:
« les barres et les tours des années 1960
à 1970 sont au coeur du procès fait à des normes urbaines
pathologiques voire criminogènes. Mais le vent tourne peut-être
grâce aux démolitions massives entreprises par la
rénovation urbaine version ANRU. Et, phénomène très
français, la nostalgie nous tient. Et si nous passions à
côté d'un patrimoine fascinant, bâti pendant les fameuses 30
glorieuses et tout particulièrement dans leurs dernières
années, avant que le crise du pétrole puis la crise tout court ne
viennent mettre le holà aux rêves des architectes et urbanistes
nourris des théories du mouvement moderniste ? »28
Une telle évolution de la notion de patrimoine est
positive puisqu'elle permet de protéger des constructions issues d'un
passé plus récent. Cependant il s'agit toujours d'une conception
passéiste du patrimoine : conserver le passé au détriment
parfois d'une architecture actuelle.
§2) Les outils juridiques de la protection du
patrimoine architectural
Dans cette partie, il s'agira donc de présenter les
principaux outils juridiques qui permettent de protéger le patrimoine
architectural et qui donc, dans une certaine mesure, sont des obstacles
à l'innovation esthétique en architecture.
1) Protection générale par le droit de
l'urbanisme
Pour commencer, la protection du patrimoine architectural, et
par là-même de l'esthétique des villes, est une composante
de tous les documents d'urbanisme à partir desquels sont
délivrées les autorisations individuelles de construire.
Le Code de l'urbanisme indique en effet que les documents
d'urbanisme visent notamment à « la sauvegarde des ensembles
urbains et du patrimoine bâti remarquable ».29
Cet objectif de protection existe aussi bien dans les
règlements nationaux d'urbanisme que dans les documents locaux
d'urbanisme tels que le Plan local d'urbanisme (PLU), le
28 VAYSSIERE, Bruno : Entretien « Pour une
patrimonialisation délibérée », dossier « Les
grand ensemble, histoire et devenir » Urbanisme n°322,
janv.-févr. 2002
29 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme
24
Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), le Schéma
territorial de cohérence territoriale (SCOT) ou en encore le Plan
communal.
La principale autorisation individuelle de construire est le
permis de construire. Sa délivrance est liée au respect de
règles définies nationalement ou localement. La loi du 3 Juillet
1977 sur l'architecture et intégré au Code de l'Urbanisme expose
les objectif de protection sur lequel est fondée le permis de
construire. Parmi ces objectifs, figurent ainsi le patrimoine en tant
qu'intérêt public.30
2) Protection au titre des monuments historiques
Les lois pionnières en matière de protection du
patrimoine architectural sont les lois des 30 mars 1887 et
31 décembre 1913 qui concernent les monuments
historiques. Une telle législation apparaît car on constate une
menace pour les objets et monuments issus du passé.
Un monument historique est, en France, un monument ou un objet
recevant par arrêté un statut juridique destiné à le
protéger, du fait de son intérêt historique, artistique ou
architectural. Deux niveaux de protection existent : un monument peut
être classé ou inscrit, le classement étant le plus haut
niveau de protection.
La loi du 30 mars 1887 pour la conservation
des monuments historiques fixe pour la première fois les critères
et la procédure de classement. Elle contient également des
dispositions instituant le corps des architectes en chef des monuments
historiques.
La loi du 31 décembre 1913 constitue
quand à elle la base essentielle du droit régissant la protection
des monuments historiques et n'a été que partiellement
modifiée jusqu'à présent.
Enfin, la loi du 13 juillet 1911 introduit la
notion de « perspective monumentale » : l'article 118 de la
loi avait fait de la « conservation des perspectives monumentales
» un motif permettant de justifier le refus du permis de
bâtir.31
Ces lois anciennes n'ont été partiellement
modifiées et constituent toujours en 2014 la base essentielle du droit
régissant la protection du patrimoine architectural.32
30 Article L.431 du Code de l'urbanisme
31 Cette disposition, restée inchangée, se retrouve
aujourd'hui à l'article R 111-21 du code de l'urbanisme.
32 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 31
25
Le Code du patrimoine a été mis en place par
l'Ordonnance du 20 Février 200433 et le la section 4 du Code
de l'urbanisme est consacré notamment aux monuments historiques :
« Les immeubles dont la conservation présente
au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont
classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par
les soins de l'autorité
administrative. »34
Enfin la loi du 25 février 1943 impose
la protection des abords des monuments historiques classés ou inscrits
:
« tout immeuble situé dans le champ de
visibilité d'un tel édifice est soumis à une autorisation
spéciale pour toutes les démolitions ou transformations de nature
à affecter l'aspect. »
Dans la pratique, ce champ de visibilité se manifestait
par un rayon de 500 mètres autour de l'édifice en question. Cette
loi crée également le corps des architectes des bâtiments
de France : ce sont eux qui sont chargés de délivrer les
autorisations.
La loi du 15 Juin 1943 institue quant
à elle le permis de construire, autorisation préalable qui doit
être demandée à la mairie.
Le Code du patrimoine protège également
les abords des monuments historiques D'après sa section
4, consacrée aux monuments historiques celui-ci distingue deux types
d'immeubles potentiellement compris dans les abords des monuments historiques :
les immeubles adossés et les immeubles dans le champ de
visibilité.
Un immeuble adossé à un
monument historique est un immeuble en contact avec un immeuble classé
au titre des monuments historiques ou toute partie non protégée
au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement
classé.35
Un immeuble situé dans le champ de
visibilité d'un monument historique est quant à lui un
immeuble situé dans un périmètre de 500 mètres
autour d'un monument classé ou inscrit et visible de cet immeuble ou
visible en même temps que lui. 36 La loi du 22 Mars 2012
précise cependant qu'en fonction de la nature de l'immeuble
classé ou inscrit et de son environnement, peut être
créé un périmètre de protection adapté. La
distance de 500 mètres peut ainsi être dépassée avec
l'accord de la commune ou des
33 Ordonnance n° 2004-178 du 20 Février 2004 relative
à la partie législative du Code du patrimoine
34 Article L.621-1 du Code du patrimoine
35 Article L.621-30 du Code du patrimoine
36 Loi du 22 Mars 2012
26
communes intéressées. Ce périmètre
est créé par l'autorité administrative après
enquête publique.
3) Les aires de mise en valeur de l'architecture et du
patrimoine
Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine
(AMVAP) sont apparues avec la loi du 12 Juillet 2010 issue de l'Engagement
national pour l'environnement (Grenelle II). Elles correspondent aux anciennes
Zones de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU) auxquelles
ont été ajoutées les problématiques du
développement durable.37
Les ZPPAU ont été crées par la loi du 7
Janvier 1983 relative à la répartition des compétences
entres les communes, les départements, les régions et
l'État dans le but de simplifier et rationaliser le système de
protection existant.
« La politique de l'urbanisme local est ainsi
décentralisée au profit des communes et le rôle de
l'État réaffirmé quant aux politique ayant valeur d'enjeux
nationaux, tel le patrimoine. »38
Les AMVAP et (anciennes ZZPAU) correspondent a une zone de
protection qui peut avoir des formes et des superficies différentes. Une
procédure de conciliation est prévue en cas de conflit entre le
maire et l'architecte des bâtiments de France avec l'intervention de
l'autorité de l'État par la personnes d'un Préfet de
région ou du Ministre de la culture et de la communication.
4) les secteurs sauvegardés
La législation sur les secteurs sauvegardés est
issue de la Loi Malraux du 4 Août 1962. Cela permet la
protection, non plus d'immeubles isolés comme dans les lois
précédentes relatives à la protection du patrimoine
architectural, mais d'ensemble immobiliers. Il s'agit principalement
d'étendre la protection à des quartiers anciens dans une optique
de revitalisation économique et sociale de centres urbains souvent
laissés à
37 Article L.642-1 du Code du patrimoine
38 MONNIER, Mireille : op. Cit. p. 33 et 34 « Les
AMVAP »
l'abandon. La loi Malraux permet donc, au delà de la
conservation, la réaménagement d'îlots
dégradés. Il s'agit de mettre en oeuvre de véritables
opérations d'urbanisme.39
Les lois Solidarité et renouvellement urbain
(SRU) du 13 décembre 2000 et Urbanisme et habitat
du 2 Juillet 2003 n'ont que très peu modifié le
régime des secteurs sauvegardés.
27
39 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 35 « Les
secteurs sauvegardés et la restauration immobilière »
28
Chapitre 2) Les règles de protection des
paysages et des espaces naturels
§1) Fondements et définition
1) Fondements de la protection des paysages et des
espaces naturels
On a vu dans un premier chapitre que le droit de l'urbanisme
protégeait le patrimoine architectural. Le Code de l'urbanisme utilise
cependant une acception abstraite du terme de patrimoine :
« Le territoire français est le patrimoine
commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire
et le garant dans le cadre de ses compétences. »40
Cette expression fait donc de l'ensemble du territoire
national un patrimoine. De la même manière, on parle aussi du
« patrimoine mondial de l'humanité ».
Il s'agit de notions vagues, abstraites, qui, cependant
laissent penser qu'il n'y a pas que le patrimoine architectural qui
mérite d'être protégé.
A cela s'ajoute une volonté de protéger ce qu'on
appelle la « nature » des atteintes humaines. Ces deux
éléments justifient l'idée de protéger non pas
seulement un patrimoine architectural mais aussi les paysages et les espaces
« naturels ».
Il s'agit de la même manière de protéger
quelque chose qui existe de constructions nouvelles qui risqueraient de menacer
l'harmonie du lieu. On pourrait ainsi parler d'un patrimoine paysager
ou d'un patrimoine naturel qu'il faudrait également
protéger.
2) Définitions des termes
Il convient, avant de présenter les outils juridiques
de protection des paysages et des espaces naturels de définir ces
termes.
Un espace « naturel » tout
d'abord, est un espace dont la forme n'a pas été
façonnée par l'homme mais par la nature. Si l'on met des
guillemets à naturel, c'est parce qu'il est difficile en France
de trouver un espace qui n'ait vraiment pas été
façonné par l'homme. En effet, on pourrait dire que
délimiter et protéger un espace naturel, c'est
déjà
40 Article L.110 du Code de l'urbanisme
29
le façonner. On se tiendra cependant au terme
d'espace naturel pour faire la différence avec le terme de
paysage.
En effet, un paysage au contraire peut avoir
été façonné par l'homme. On parle aussi bien de
paysage de montagne que de paysage urbain. Il y a par ailleurs dans le terme de
paysages, deux niveaux. En effet, le paysage désigne d'une part de
manière objective une étendue spatiale qui présente une
certaine unité visuelle, mais désigne aussi de manière
subjective la vue d'ensemble que l'on a d'un point
donné.41
Enfin le site, désigne le paysage du
point de vue de l'esthétique dans le Code du patrimoine. On parlera donc
aussi bien de site que paysage dans le reste du développement mais cela
renverra à la même idée.
§2) Les outils de la protection des sites et des
espaces naturels
Il s'agit à présent de présenter les
outils juridiques de protection des sites et des espaces naturels. Concernant
la protection des sites, on verra que certains outils recoupent les outils que
l'on a présenté dans le chapitre consacré à la
protection du patrimoine architectural.
1) Les outils protection des sites
a) Une protection générale des sites par le droit
de l'urbanisme.
On a montré dans le chapitre précédent
que l'un des objectifs des documents d'urbanisme était la protection du
patrimoine architectural. Et bien, ces documents ont également comme
objectif la protection de l'esthétique des paysages comme on le voit
dans cet article du Code de l'urbanisme que l'on a déjà
cité partiellement :
« Les documents d'urbanisme visent notamment :
1° L'équilibre entre : b) l'utilisation économe des espaces
naturels, la préservations des espaces affectés aux
activités agricoles et forestières, et la protection des
sites, des milieux et paysages naturels c) la sauvegarde des ensembles
urbains et du
patrimoine bâti remarquables »42
41 Dictionnaire Larousse, 2012
42 Article L.121-1 du Code de l'urbanisme
30
De la même manière, la Loi sur
l'architecture de 1977 évoque aussi cette question dans son
Article 1er:
« L'architecture est une expression de la culture. La
création architecturale, la qualité des constructions, leur
insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des
paysages naturels ou urbains,
ainsi que le patrimoine sont d'intérêts publics.
»43
On voit donc que le droit de l'urbanisme compte parmi ses
objectifs la protection
de l'esthétique des paysages, autrement dit des sites.
L'idée d'une « insertion harmonieuse dans le milieu
environnant » suppose donc une limite posée à
l'innovation architecturale. Il faut que la construction nouvelle
s'intègre dans ce qui existe déjà, ce qui semble interdire
toute extravagance. On est donc bien là dans la même conception
patrimoniale et dans une certaine mesure passéiste que celle
décrite précédemment par rapport au patrimoine
architectural.
b) Les sites classés et inscrits :
Concernant la protection des sites, il existe deux outils
principaux que sont le classement et l'inscription. L'inscription implique pour
toute construction l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, quand
au classement, qui est la protection la plus forte, elle implique une
protection au sens de la préservation en l'état et implique une
protection de niveau national.
Comme on l'a dit plus haut, les lois des 21 avril 1906
et 2 mai 1930 viennent encadrer respectivement les
critères et la procédure de classement des sites. Le site
correspond au paysage du point de vue de l'esthétisme mais pas seulement
:
« Il est établi dans chaque département
une liste des monuments naturels ou sites dont préservation ou la
conservation présente, du point de vue artistique, historique,
scientifique, légendaire, ou pittoresque un
intérêt général. »44
Il existe dans chaque département une liste des sites
classés 45 ainsi qu'une commission départementale des
sites depuis la loi de 1906. D'autre part il existe une
43 Article L.431-2 du Code de l'urbanisme
44 Article L.630-1 du Code du patrimoine
45 Article L.341-1 du Code du patrimoine
31
commission supérieure des sites qui siège au
niveau national reliée au Ministre chargé de l'environnement
depuis la loi de 1930.46
Enfin, le classement au titre des sites ou des «
monuments naturels » a pour conséquence que :
«Les monuments naturels ou les sites classés
ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans
leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale.»
47
Depuis 1906 que la législation sur les sites existe,
des espaces de plus en plus vastes ont été
protégés. Dans un premier temps, la législation s'est
attachée à des éléments remarquables mais ponctuels
comme des rochers, des cascades, des fontaines, ou encore des arbres
isolés. Elle s'est ensuite élargie à des «
écrins » ou des points de vues , à des châteaux et
leurs parcs, puis à des espaces beaucoup plus vastes constituant des
ensembles géologiques, géographiques ou paysagers tels que des
les massifs, forêts, gorges, vallées, marais, caps, îles. On
peut citer en exemples le massif du Mont blanc, la forêt de
Fontainebleau, les gorges du Tarn, le marais poitevin, les caps Blanc Nez et
Gris Nez ou encore l'île de Ré . Au 1er janvier 2014, 107 ans
après la première loi, le territoire national compte près
de 2700 sites classés pour une superficie de 1 030 000 hectares et plus
de 4 000 sites inscrits pour une superficie d'environ 1 500 000 hectares. Au
total ces protections couvrent environ 4 % du territoire.48
Cette protection des sites, qui interdit toute
altération du paysage est donc un obstacle à toute construction,
c'est donc un réel obstacle à l'innovation architectural. Il
s'agit d'une patrimonialisation de certains paysages.
c) La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des
sites
Alors que la législation sur les sites inscrits ou
classés prenait en compte des paysages particuliers pour leur
caractère «historique, scientifique, légendaire, ou
pittoresque »49, la loi du 8 Janvier 1993
prend en compte le paysage quotidien et banal. Cette loi fait en effet
l'obligation de présenter le volet paysager du permis de construire.
Selon le Code de l'urbanisme en effet, le projet architectural
doit être présenté par
46 Article L.341-17 du Code du patrimoine
47 Article L.341-10 du Code du patrimoine
48 Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie : « politique des
sites ».
49 Article L.630-1 du Code du patrimoine
32
des documents graphiques ou des photographies montrant
l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des
bâtiments.50 En découle don l'obligation que la
construction se fonde dans le paysage. L'innovation esthétique est donc
fortement limitée par cette loi.
d) Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du
patrimoine
Contrairement à leur nom, les Aires de mises en valeur
de l'architecture et du patrimoine (AMVAP) ne se limitent pas à la
protection du patrimoine architectural. En effet, la loi du 8 Janvier
1993 étend ces zones aux paysages. Cette loi traite en effet
des « zones de protection du patrimoine architectural urbain ou
paysager. »51
Cette dénomination est reprise dans la loi du
12 Juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement
(Grenelle II), qui fait entrer les problématiques du
développement durable dans les objectifs des AMVAP.
e) Le « patrimoine mondial de l'humanité
»
Le classement en tant que « patrimoine mondial de
l'humanité » est international. C'est un classement
effectué par l'UNESCO depuis la Convention concernant le patrimoine
culturel et naturel de 1972. L'inscription d'un bien sur la liste du patrimoine
mondial n'entraîne pas d'effets directs, ni en terme de contraintes
juridiques autres que celles prévues par la législation
nationale.52
f) Les espaces boisés classés
La législation concernant la protection des espaces
boisés tire son fondement du Code de l'urbanisme et du Code
forestier.
50 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme
51 MONNIER, Mireille : op. Cit. : p. 33 et 34 « Les
AMVAP »
52 Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie « le label patrimoine
mondial ».
33
D'après le Code forestier, un statut particulier de
protection existe pour les forêts domaniales et les forêts
gérées par l'office national des forêts qui limite les
coupes et les défrichements.53
Quant au Code de l'urbanisme, celui-ci peut protéger
des espaces boisés de l'étalement urbain en les classant :
« Le classement interdit tout changement
d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre
la conservation, la protection ou la création des boisements.
»54
Les espaces forestiers peuvent donc être
considérés à ce titre comme un forme de patrimoine
paysager qu'il faut également conserver des atteintes de toute
construction nouvelle.
2) La protection des espaces naturels
Dans le développement qui suit, il s'agit de
présenter un certain nombre d'outil de protection des espaces naturels.
Ces outils limitent voire interdisent les activités humaines dans les
espaces protégés et notamment la construction de bâtiments.
Ces espaces sont donc ceux où l'innovation architecturale est la plus
proscrite.
a) Les espaces naturels sensibles
Les espaces naturels sensibles relèvent de la
compétence du département depuis la loi du 30 Juillet 1985. Avant
cette date, il s'agissait d'une protection déconcentrée sous
l'autorité des préfets. Selon le Code de l'urbanisme, il s'agit
de :
« préserver la qualité des sites, des
paysages, de milieux naturels (...) le département est compétent
pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de
gestion et d'ouverture au public des espaces
naturels sensibles, boisés ou non » .55
53 Article L.133-1 du Code forestier
54 Article L.130-1 du Code de l'urbanisme
55 Article L.142-1 du Code de l'urbanisme
b) 34
Les lois montagne et littoral
Des dispositions particulières sont prévues
pour la protection des espaces sensibles des littoraux et des montagnes dans la
loi montagne du 9 Janvier 1985 et la loi littoral du 3
Janvier 1986. Ces deux lois ont pour but de limiter l'urbanisation
dans ces zones et leurs contraintes viennent s'ajouter à celles des
documents d'urbanisme : PLU, PADD, SCOT et Règlements nationaux
d'urbanisme. Il s'agit de limiter l'urbanisation, cela est donc un obstacle
à l'innovation architecturale.
c) Les zones Natura 2000
Les zones Natura 2000 sont prévues par le Code de
l'environnement56. Il s'agit d'un réseau de sites naturels
européens identifiés par les États et proposés
à la Commission de l'Union Européenne qui les enregistre en tant
que sites d'intérêts communautaires. Il s'agit de sites terrestres
ou marins à protéger : habitats naturels menacés de
disparition ou réduits à de faible dimension ou habitant des
espèces animales et végétales elles-mêmes
vulnérables ou menacés de disparition.
d) Les parcs nationaux et les parcs régionaux
Dans les deux cas il s'agit de territoires remarquables dont
il est souhaitable de protéger la qualité paysagère et le
patrimoine naturel, historique ou culturel. Les deux types de parcs
diffèrent cependant quant à leur objectif et quant à leur
régime de protection.
Les parcs nationaux ont été
officiellement créés par la loi du 22 juillet 1960
sont des espaces qui ont vocation à être
protégés de l'activité humaine et sont crées par
décret. La France en compte actuellement dix : Parc nationaux des
Cévennes, des Calanques, des Écrins, de Mercantour, de Guyane, de
Réunion, de Guadeloupe, de Port-Cros, de Mercantour et de Vanoise. Ce
sont des outils de protection des espaces naturels mais aussi de
développement puisqu'ils ont un fort potentiel touristique. Ils
dépendent d'une
56 Article L.414-1 du Code de l'environnement
Charte nationale et imposent des règles
particulières de protection de la faune et de la Flore. Ce sont des
sortes de réserves naturelles.
La dénomination de Parc naturel régional
(PNR), quant à elle, a été créée
par un décret du 1er mars 1967. Les PNR sont créés par des
communes contiguës et la plupart sont administrés par un
établissement public dédié. Cependant, la création
d'un parc demande une labellisation de l'État. Un PNR n'est pas
lié à des règles particulières de protection de la
faune et de la flore. Il ne s'agit par ailleurs pas d'une réserve
naturelle, mais d'un espace où l'on recherche à concilier
protection des espaces naturels et développement des activités
humaines, voire une solution de maintien d'activités traditionnelles en
déclin57
35
57 Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie
36
Chapitre 3) Le contrôle de l'esthétique
par le juge administratif
§1) Les moyens de contrôle du juge
administratif
1)Présentation et fondement
Nous avons montré dans les deux chapitres
précédents que le droit de l'urbanisme est très
contraignant pour les architectes puisque la délivrance du
permis de construire dépend du respect de
critères esthétiques. Ces critères esthétiques
rejoignent la notion de patrimoine : patrimoine architectural mais on pourrait
également parler d'un patrimoine paysager et naturel puisque dans chacun
des cas, il s'agit de protéger quelque chose qui existe
déjà et qu'on refuse de voir disparaître. Le permis de
construire est donc une manière de contrôler préalablement
l'esthétique des construction. C'est le mode le plus simple de
contrôle de l'administration sur l'esthétique des
constructions.
Cependant, le juge administratif intervient
lorsqu'il est saisi par un administré qui estime qu'un permis de
construire a été refusé ou accordé à tord.
Le permis de construire est en effet un acte administratif unilatéral et
tant que tel, il est toujours contestable devant un juge administratif. On est
alors dans la dimension contentieuse du droit de l'urbanisme. Le juge
administratif est en effet considéré en droit français
comme le garant des libertés individuelles face aux éventuels
excès de l'administration. Le juge administratif va alors effectuer un
contrôle de l'esthétique.
Il est à noter qu'on ne s'intéressera ici qu'au
contrôle esthétique, c'est à dire un cas particulier de
contentieux de l'urbanisme lié à l'irrégularité
d'actes émanant de l'autorité administrative. Le juge
administratif dispose en effet de nombreux autres objets de de
contrôle : contentieux fiscal et contentieux des
ordonnances d'expropriation notamment.58
58 GUILLOT, DARNANVILLE : Droit de l'urbanisme, 3e édition
. Edition Ellypse, 2012 Cinquième partie : Le contentieux de l'urbanisme
» p. 157 à 184
37
2) Deux niveaux de contrôle
Le juge administratif exerce deux niveaux de contrôle
sur les permis de construire selon qu'il s'agit d'une acceptation ou d'un refus
: un contrôle minimum en cas de permis de construire accepté et un
contrôle normal en cas de permis de construire refusé.
Le contrôle minimum : Dans le cas
où le permis de construire est accordé, le juge refuse de se
substituer à l'autorité administrative : il effectue donc un
contrôle minimum et pourra invoquer une erreur manifeste
d'appréciation.59 L'expression « erreur manifeste
» signifie que l'erreur de l'administration doit être
importante : une erreur de légalité n'est pas suffisante pour que
le permis de construire soit annulé. Dans l'arrêt de principe, il
s'agissait de la réalisation d'un ensemble de 300 logements sur les
rives du lac artificiel de Sainte-Croix. L'administration compétente
avait accordé le permis de construire, mais suite à une
contestation, le juge administratif a considéré que l'acte devait
être annulé car, en dépit de la dimension
modérée de chacune des constructions et du style provençal
retenu, la construction altérait le paysage.
Le contrôle normal : dans le cas d'un
permis de construire refusé, le juge va procéder à un
contrôle normal. le juge administratif va contrôler la
légalité de la décision et s'il y a atteinte aux lieux
avoisinants.60 Le juge n'effectue donc pas un simple contrôle
de légalité puisqu'il interprète la règle. Effet
dans l'arrêt de principe il s'agissait d'un permis de construire
refusé car la construction aurait été comprise dans une
perspective monumentale sur une place. Le juge administratif se reconnaît
le droit de contrôler d'une part la reconnaissance de perceptive
monumentale et d'autre part l'atteinte portée à cette perspective
par la construction. En l'espèce, le juge a statué que «
la place ne saurait être regardée dans son ensemble comme une
perspective monumentale », il n'était donc pas
nécessaire d'examiner si le projet de construction y portait
atteinte.
On voit ici le rôle de garant des libertés
individuelles du juge administratif. En effet, le contrôle du juge
administratif en matière esthétique est plutôt favorable au
bénéficiaire du permis de construire. En effet, le contrôle
le plus approfondi (c'est à dire le contrôle normal) se fait en
cas de refus de permis de construire et d'autre part, le juge se réserve
un réel pouvoir d'appréciation.
59Arrêt du Conseil d'État 9 mai 1971 SCI
résidence de Castellon 60 Arrêt du Conseil d'État du 4
Avril 1914 Gomel
38
§2) L'examen des faits et la décision du
juge
Le juge contrôle si la configuration des constructions
projetées, leur importance, et leur qualité architecturale sont
conformes aux règles prescrites au niveau national et local du droit de
l'urbanisme, dont on a présenté les éléments
principaux dans chapitres 1 et 2.
Cependant ne seront sanctionnés que « les
excès, les déséquilibres, ce qui contrarie la règle
par un écart manifeste avec les seuils de tolérances admis, ce
qui rompt l'harmonie. »61
Dans l'arrêt Commune de la Tremblade et de la
Forêt par exemple62, le Plan d'occupation des sols (POS,
ancien PLU) indiquait notamment que les constructions devaient présenter
une simplicité de volume et que les toitures devaient être en
harmonie avec le style régional. Le juge administratif a ici jugé
que les constructions n'étaient pas en harmonie avec l'ensemble selon
les critères du POS.
Le juge prend donc sa décision après un examen
des faits par rapport aux règles nationales et locales d'urbanisme. Il
tient également compte de deux autres éléments importants
: tout d'abord, l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou de la
commission d'urbanisme, c'est à dire la personne compétente en
matières esthétique et ensuite, l'intention des pouvoir publics,
c'est à dire les circonstances particulières à chaque
dossier.
Le juge administratif, bien que chargé d'un
contrôle de l'esthétique évite cependant le débat
esthétique. Son contrôle esthétique se limite à
appliquer les règles d'urbanisme liées à
l'esthétique, il ne s'agit pas de dire que telle construction est
belle ou non. Une affaire est caractéristique en ce sens : en
1986 le Préfet de Paris avait refusé le permis de construire
nécessaire aux travaux de réalisation d'une oeuvre de Daniel
Buren dans la Cour du Palais Royal de Paris au motif que cela
représentait une atteinte à un monument historique dans la mesure
où l'oeuvre en question était une oeuvre moderne qui rompait
l'harmonie avec le Palais Royal, d'une architecture classique du XVIIe
siècle.63 Le juge administratif, saisi de cette affaire, a
annulé le refus de permis de construire, considérant
61 OGIER, Magali : op. Cit. : p.35
62 Arrêt du Conseil d'État, 22 Mai 1992 Commune de
la Tremblade et de la forêt
63 Annexe 5, figure n°1
39
que « L'atteinte aux préférences
artistiques de certains n'est pas à nos yeux un moyen de droit.
»
On voit donc bien que si le juge administratif a un rôle
de contrôle en matière esthétique, ce contrôle ne
consiste aucunement en une prescription de ce qui est beau ou non.
Le droit de l'urbanisme est donc un droit contraignant dont
l'un des objectifs est de contrôler l'esthétique. Ce
contrôle esthétique passe tout d'abord par le refus du permis de
construire justifié par les règles d'urbanisme nationales et
locales. En cette matière, on a identifié deux catégories
de règles : celles qui tiennent à la protection du patrimoine
architectural et celles qui tiennent à ce qu'on pourrait appeler un
patrimoine paysager ou naturel. Dans ce dernier chapitre on a
présenté le rôle du juge administratif en matière
esthétique : celui-ci à pour vocation le contrôle du bien
fondé de l'administration quant aux délivrances ou refus de
permis de construire. Le contrôle de l'esthétique par le droit de
l'urbanisme relève donc d'une logique de conservation de ce qui existe
au détriment des constructions actuelles, c'est pourquoi on peut dire
que le droit de l'urbanisme est un obstacle à l'innovation
architecturale.
40
Titre 2) Les architectes et la contrainte
réglementaire en matière esthétique : une relation
ambivalente
« Parler de contrainte en architecture, c'est faire
un pléonasme tant l'architecte - comme l'urbaniste ou le paysagiste -
n'exerce son travail que sous la pression d'innombrables contraintes :
contraintes économiques, contraintes constructives, contraintes
programmatiques, contraintes sitologiques... mais aussi exigences du client,
représentations sociales, habitudes culturelles... Est-ce pour cette
raison que le sujet, en tant que tel, ne semble être traité ni
dans les écoles, ni dans les revues, ni répertorié dans
les bases de données ? La contrainte serait trop générale
ou implicite pour faire l'objet de recherche ou d'analyse critique, trop
universelle pour être identifiée autrement que comme condition de
l'architecture, trop mal vécue enfin par les concepteurs eux-mêmes
pour faire l'objet de commentaires autres que ceux
de l'excuse ou de la lamentation : " Le projet est mauvais,
il y avait trop de contraintes ". »64
Nicolas Tixier, Pascal Amphoux : « L'architecture sous
contrainte »
Dans la partie précédente, on a donc
montré que le droit de l'urbanisme était très contraignant
et qu'il pouvait être considéré comme un obstacle à
l'innovation architecturale. Dans cette partie, il s'agira d'apporter une
nuance à cette l'idée d'un droit de l'urbanisme totalement
opposé à l'innovation esthétique et ennemi des
architectes. Il s'agit en effet de présenter la relation
qu'entretiennent les architectes avec le droit de l'urbanisme. Il sera donc
fait une grande place à des témoignages d'architectes. Une partie
des témoignages est issue d'une bibliographie existante, cependant il
sera également fait mention de témoignages récoltés
pour les besoins ce travail auprès d'architectes en fonction, en
retraite et jeunes diplômés. Dans un premier chapitre, on
présentera les différentes critiques que peuvent adresser les
architectes aux règles d'ordre esthétique du droit de
l'urbanisme. Dans un deuxième chapitre, on montrera en quoi il s'agit
néanmoins d'un cadre de travail nécessaire pour les architectes.
Enfin, dans un troisième chapitre, on montrera que ce droit contraignant
peut aussi devenir un moteur pour l'innovation esthétique.
64 AMHOUX Pascal, TIXIER Nicolas : « L'architecture sous
contraintes », in Colloque international : L'écriture à
contrainte, Université Grenoble III - Stendhal, CEDITEL, Grenoble,
25 au 27 mai 2000
41
Chapitre 1) Le droit de l'urbanisme : une contrainte
excessive pour les architectes.
§1) Les excès de la protection du patrimoine
architectural
1) Un certain rejet de la modernité
esthétique
Comme on l'a vu dans titre précédent, le droit
de l'urbanisme français est très protecteur à
l'égard du patrimoine architectural. Et bien que la notion de patrimoine
ait connu une évolution, elle n'en reste pas moins une notion
ancrée dans la protection des bâtiments qui nous viennent du
passé, des menaces que représentent potentiellement les
construction nouvelles.
Le droit de l'urbanisme a donc un rôle de garde-fou par
rapport aux excès potentiels d'une architecture moderne. Cela est
nécessaire pour éviter la destruction des quartiers anciens et
des bâtiments anciens et il est bon de garder un témoignage du
passé, surtout quand cette architecture ancienne comporte un
intérêt esthétique particulier. Et d'autre part, il ne faut
pas tomber dans l'excès qui consisterait à penser que tout ce qui
est moderne est forcément d'une plus grande valeur. Cependant il est
problématique de tomber dans l'excès inverse qui consiste
à rejeter en bloc toute architecture moderne. En effet l'innovation
architecturale a été au cours de l'histoire le vecteur d'une
amélioration du cadre de vie des hommes.
2) Les risque des « villes-musée »
Par ailleurs le risque inhérent à une protection
trop stricte du patrimoine architectural est de créer des
villes-musées où la vie sociale se limiterait au
tourisme et où la vie de quartier n'existerait plus. On peut citer en
exemple la vieille-ville de Carcassonne ou encore celle de Sarlat.65
Dans les deux cas, la vieille-ville a été délaissée
par les habitants qui se sont installés dans des logements en
périphérie au profit de l'activité touristique. Si comme
on l'a dit plus haut la mise en valeur du patrimoine peut devenir un atout pour
le tourisme et participer au développement des territoires, il n'est
65 OGIER, Magali : op. Cit.: p.12
42
cependant pas souhaitable que le tourisme prenne le pas sur la
vie sociale. Selon l'architecte italien Andrew Todd, cependant, cette tendance
ne serait pas seulement française mais européenne :
« Le contexte urbain en Europe est en train de
devenir un simple prétexte, un piège à touristes, auxquels
on propose une ville factice, irréelle. »66
Cependant, n'est pas souhaitable non plus que l'architecture
moderne ne s'intègre pas à la ville. Andrew Todd dénonce
le travail de ceux qu'il appelle les « archi-stars », ou
« architectes d'aéroports », ces architectes qui
pratiqueraient une architecture moderne et qui se soucieraient peu de la
façon dont le projet qu'ils ont réalisés sera vécu
et adopté ou non par la population. Andrew Todd, dénonce dans le
même ordre d'idée l'attitude des maires des grandes villes qui
veulent surtout attirer les touristes grâce à des bâtiments
conçus par des architectes de renom international davantage
qu'améliorer le cadre de vie des habitants. 67
Un droit de l'urbanisme qui protège le patrimoine
architectural a donc des vertus importantes. Cependant, cette protection
devient excessive dès lors qu'elle empêche la modernité
d'avoir droit de cité dans les villes. Ce qui semble souhaitable serait
une cohabitation de toutes les époques architecturales.
§2) Les excès de la protection des sites et des
espaces naturels
1) La sacralisation des paysages et des espaces
naturels
On a, dans le titre précédent,
présenté les principaux outils qui ont pour but de
protéger des paysages et les espaces naturels, auxquels on
reconnaît une valeur particulière. On fait ainsi de certains
paysages et de certains espaces naturels un patrimoine. Et ainsi, on limite
fortement voire on prohibe toute construction nouvelle.
Cela semble légitime quand on parle d'espaces qui ont
réellement un attrait particulier, ce qui est le cas des espaces
naturels protégés ou de certains paysages.
66 « L'architecture, un acte politique » :Interview de
Andrew Todd pour
cafébabel.com, Le magazine
européen, 2008
67 « L'architecture, un acte politique » Interview de
Andrew Todd : op. Cit.
43
La sacralisation du paysage en tant que tel est cependant plus
contestable. Je parle ici du paysage commun, sans attrait particulier, que le
droit de l'urbanisme protège pourtant. La loi la plus contestable est
donc la loi du 8 Janvier 199368 qui oblige le
constructeur à fournir un aperçu visuel du bâtiment en vue
de l'obtention du permis de construire, la condition de l'obtention
étant que le bâtiment se fonde dans le paysage.
Cette loi est un frein majeur à la création
architecturale car l'architecture se doit alors d'être discrète.
Cette loi fige le site dans l'état où il se trouve.
La question se pose du bien fondé de cette obligation
dès lors qu'on se place dans un paysage sans intérêt
particulier. En effet, le bâtiment ne peut-il pas donner un
intérêt à un paysage qui n'en a pas ?
2) Différentes façon d'introduire une
construction dans le paysage
Il n'y a en effet pas qu'une seule façon d'introduire
une construction dans un paysage69 et il semble ici
nécessaire d'en apporter la preuve par l'exemple en présentant
trois façons différentes.
La première façon d'intégrer un
édifice dans un paysage est l'intégration :
l'architecture s'efface devant le paysage ou se fond dans celui-ci. On
peut penser par exemple à la gare TGV d'Aix-en-Provence conçue
par Jean-Marie Duthilleul. En effet, la forme du bâtiment rappelle celle
de la montagne Sainte-Victoire, que l'on aperçoit lorsqu'on est sur le
quai. De plus, la hauteur du bâtiment n'excède volontairement pas
une certaine hauteur pour ne pas rompre avec le paysage de
montagne.70 Il en va de même pour le Palais Omnisports de
Bercy71 : la volonté des architectes Michel Andrault et
pierre Parat fut de fondre l'édifice dans le site : il s'agit d'un site
urbain qui forme un plan horizontal avec la Seine. L'idée fut donc de
faire des « blocs obliques qui diminuent l'aspect visuel d'un bloc
important »72 . Cela se traduit par un bâtiment
d'une hauteur limitée et avec du gazon qui recouvre les blocs obliques.
Ainsi, le bâtiment n'occulte pas l'horizon et s'intègre dans le
paysage de Paris.
68 Article L.421-2 du Code de l'urbanisme
69 OGIER, Magali : op. Cit. : p.22 à 25
70 Annexe 5, figure n°2
71 Annexe 5, figure n°3
72 Faits d'architecture (2) / 7 émissions TV
conçues par Catherine Terzieff ; divers réalisateurs
Ministère de la culture : images de la culture, architecture et design,
2000 : émission consacrée au Palais Omnisports de Bercy
44
Une autre façon d'intégrer un édifice
dans un paysage est l'encadrement : dans ce cas là,
l'architecture, découpée, met en scène le paysage. On peut
citer comme exemple le centre d'entraînement d'aviron sur les rives du
Douro au Portugal.73 Le bâtiment semble en effet
séparé en trois ensembles et met ainsi en scène un paysage
de vallée qui n'avait pas un grand intérêt
esthétique.
Enfin, la provocation correspond à une
situation où c'est le paysage qui s'efface devant l'édifice. On
peut prendre comme exemple celui de la salle de rock « Stadium » de
Vitrolles conçue par l'architecte Rudy Ricciotti74 en 1990.
Le bâtiment a été construit sur l'emplacement d'une
ancienne friche industrielle, un paysage qui n'avait donc aucun
intérêt esthétique. Dans ce cas là, c'est
l'édifice qui va donner au paysage son esthétisme.
Dans la technique de l'encadrement et de la provocation, c'est
donc la construction, du fait de l'innovation architecturale, qui donne son
intérêt esthétique au paysage dans lequel il est
intégré. Il ne s'agit aucunement de dire que l'architecture
devrait toujours s'imposer par rapport au paysage mais de critiquer une
certaine sacralisation du paysage, même banal.
§3) Une critique générale des
règles d'urbanisme
A ces critiques propres aux règles d'urbanisme en
matière esthétique, s'ajoutent des critiques
générales relatives au règles d'urbanisme.
1) Les règles d'urbanisme brideraient la
créativité des architectes
La première des critiques adressées par les
architectes aux règles d'urbanisme en général et aux
règles d'esthétique en particulier est celle que la règle
briderait la créativité. C'est par exemple l'idée qui
transparaît dans l'essai L'architecture est un sport de combat
de l'architecte Rudy Ricciotti. Celui-ci dénonce en effet une
certaine uniformisation des formes architecturales et une perte
d'identité des villes dont l'une des causes principales seraient les
règles du droit de l'urbanisme.75 Dans une interview parue
73 Annexe 5, figure n°4
74 Annexe 5, figure n°5
75 RICCIOTTI, Rudy, L'architecture est un sport de
combat, entretien avec David D'Equainville. Éditions Textuel,
2013
45
en 1994, Rudy Ricciotti dénonçait dans la
même logique la perte de caractère de la ville de Marseille
à cause notamment de l'accumulation des règles esthétiques
du droit de l'urbanisme :
« Le journaliste : « Tout est permis
?
Rudy Ricciotti : Dans le registre des codes, de
l'écriture, de la matière, de la couleur, et à condition
qu'il
y ait du sens, oui !
Une telle position pose la question de éclectisme des
bâtiments.
Je vous retourne l'argument. La question n'est-elle-pas :
souffrons-nous davantage d'une prolifération
éclectique d'images ou, au contraire, d'une perte,
chaque jour plus confirmée, d'identité. ? »76
On peut supposer que cette idée répandue parmi
les architectes est due notamment à leur formation. En effet, les
Écoles d'architecture sont considérées comme des
écoles d'art et la place réservée aux enseignements
juridiques est extrêmement réduite. L'accent est mis sur la
créativité. A l'École d'architecture de Versailles par
exemple, qui permet d'obtenir le Diplôme national d'architecte
après cinq ans d'études, l'enseignement du droit n'existe
qu'à partir du master et il n'est pas obligatoire puisque les cours de
droit ne correspondent qu'à une partie d'une liste de cours dans
laquelle les étudiants doivent en choisir deux.77 Par
ailleurs, dans les travaux pratiques qui consistent à concevoir des
projets architecturaux, les étudiants n'ont pas pour consigne de se
conformer aux règles d'urbanisme :
« Pendant les études, on ne nous demande
généralement pas de nous conformer aux règles
d'urbanisme.»78
On peut supposer qu'un tel enseignement ne dispose pas
favorablement les architectes à l'égard des règles
d'urbanisme.
2) L'empilement des normes complique excessivement
l'exercice du métier d'architecte.
Mais plus que la limitation de la créativité, ce
que les architectes dénoncent de façon quasi-unanime est
l'empilement des normes. En effet, le Code de l'urbanisme est depuis sa
création en 1954 en perpétuelle évolution et de nouvelles
normes se rajoutent chaque année. Et comme on l'a vu, le Code de
l'urbanisme n'est pas le seul code auquel
76 Interview de Rudy Ricciotti « CRICR /La République
», PACA n°13, 1994, p. 30 à 37
77 Site internet de l'École d'urbanisme de Versailles,
page « master »
78 Entretien avec Héloïse de Broissia, architecte :
annexe 3
46
doit se soumettre l'architecte, à cela s'ajoutent les
règles issues des documents d'urbanisme et de nombreux autres codes :
Code du patrimoine, le Code forestier mais aussi le code du travail, le Code
pénal, Code de la construction pour ne citer qu'eux. Cela complique de
manière parfois excessive le métier d'architecte et la
réalisation de projets architecturaux. C'est ce que dénonce par
exemple Rudy Ricciotti dans une interview datant de 2013 :
«Tout semble interdire aux architectes de rêver
de beaux projets, de rêver de liberté et d'initiative. Par voie de
conséquence, le métier paraît difficile à exercer.
Être architecte paraît impossible aux architectes. L'énergie
à déployer pour faire face à l'adversité est
colossale. Adversité économique et
juridique, réglementaire et administrative.
»79
Plus encore, les règles d'urbanisme en
général sont perçues comme évoluant trop vite et
trop souvent et il peut arriver que ces normes deviennent même parfois
contradictoire les unes avec les autres. Noëlle
Vix-Charpentier80, architecte-urbaniste à Metz,
dénonce des contradictions entre normes relatives à
l'esthétique des villes et normes environnementales. Elle prend
l'exemple de La RT 2012 (réglementation thermique).Cette dernière
impose en effet que la surface des façades sud des nouveaux
bâtiments soient constituée pour un cinquième de
fenêtres afin que les bâtiments bénéficient des
apports passifs du soleil en terme d'éclairage et de chaleur. Cependant,
toute une partie de la ville de Metz fait partie du champ de visibilité
de la Cathédrale St Étienne et est, à ce titre, dans le
périmètre dont aménagement dépend de l'autorisation
de l'architecte des bâtiments de France.81 Or, l'architecte de
bâtiments de France n'autorise que deux velux par toiture. Cela aboutie
à des conflits permanents nécessitant l'intervention du
préfet et alourdissant des procédures administratives
déjà très lourdes.
Ainsi d'après M. Périnel, architecte
retraité la conséquences de cette accumulation de normes est
« est un manque de cohésion dans le temps » :
« Il est vrai qu'il est difficile de prendre au
sérieux un texte législatif qui change cinq fois le temps de
réaliser l'ouvrage... »82
79 « Architecte, je lutte contre la pornographie
réglementaire », interview de Rudy Ricciotti,
Contrepoints.org, 2013
80 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste : Annexe 1
81 Selon la loi du 7 Janvier 1983 qui crées les de ZPPAU,
zone de protection du patrimoine architectural et urbain
82 Entretien avec Christian Périnel, architecte : Annexe
2
47
On a donc présenté les principales critiques que
l'on peut adresser au droit de l'urbanisme en montrant qu'il représente
un obstacle à l'innovation esthétique en architecture. On peut
dire que le droit de l'urbanisme accorde une importance démesurée
à la protection de ce qui existe : patrimoine architectural, paysages et
espaces naturels, limitant de manière peut-être excessive
l'expression de nouvelles formes esthétiques. Par ailleurs, et ces
critiques peuvent concerner d'autres domaines que l'esthétique, on peut
dénoncer des normes qui brideraient la créativité des
architectes et dont l'empilement compliquerait considérablement la
conception des projets architecturaux.
48
Chapitre 2) Le droit de l'urbanisme : une contrainte
nécessaire, un outil de travail, voire un moteur de l'innovation
architecturale
§1) La nécessité des règles
d'urbanisme
1) Pour un développement harmonieux des
villes
En nombre excessif, en perpétuelle évolution,
dans un rapport de rejet par rapport à l'innovation architecturale, les
règles d'urbanisme et en particulier en celles touchant à
l'esthétique sont copieusement critiquées.
Cependant, on doit tout de même reconnaître la
nécessité de ces règles et pour cela il semble utile de
définir à nouveau les notions d'urbanisme et de droit de
l'urbanisme.
Urbanisme : « Ensemble des
mesures techniques, administratives économiques et sociales qui
doivent
permettre un développement harmonieux, rationnel et
humain des agglomérations »83
Droit de l'urbanisme : «
Idéalement le droit de l'urbanisme est un droit de l'harmonie et de la
conciliation entre ces diverses exigences : sociale : droit au
logement, diversité de l'habitat, qualité de vie,
esthétisme , économique, protection de l'environnement, de
l'esthétisme , de la qualité de vie imposant des limites à
l'aménagement »84
Le droit de l'urbanisme joue donc un rôle important dans
le devenir des villes. Par sa rigueur, il permet de veiller au
développement ordonné des villes dans une certaine harmonie.
Comme le déclare un jeune architecte, diplômé de
l'École d'architecture de Versailles, dans les pays dans lesquels il
n'existe pas de droit de l'urbanisme, cela pose un certain nombre de
problèmes :
« pour conserver une harmonie urbaine, il est
important d'avoir des règles qui cadrent l'acte de construire. Lorsque
ce n'est pas le cas comme à Dubaï, on se retrouve avec un tissu
urbain assez disparate et mal équilibré. »85
Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si le droit de
l'urbanisme se développe en France à la fin du XIXe
siècle, ce qui correspond à une phase d'urbanisation très
importante lors de laquelle la population des villes française a
considérablement
83 Dictionnaire Larousse, 2012
84 MORAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.1
85 Entretien : Annexe 3
49
augmenté sous les effets de ce qu'on appelle «
l'exode rural ». C'est une époque où les bidonvilles par
exemple prennent des proportions considérables. Il s'agit justement, par
la création d'un droit contraignant, d'éviter que les villes
françaises se développent de manière trop
désordonnée.
2) La nécessité de protéger les
sites et le patrimoine architectural
Le droit de l'urbanisme tire donc son origine d'une
volonté de contrôler le développement des villes. D'autre
part, le droit de l'urbanisme peut être critiqué comme un droit
qui aboutit à une sacralisation des sites et du patrimoine architectural
au détriment de l'innovation architecturale. Cependant, pour excessive
que cette protection puisse parfois sembler, on ne peut pas nier son
caractère nécessaire.
Concernant le patrimoine architectural pour
commencer, il faut rappeler que les premières lois relatives à sa
protection furent votées dans un contexte de destruction du patrimoine
architectural et de dispersion des oeuvres d'art. On peut songer à cette
tribune de Victor Hugo paru dans La revue deux mondes en 1932 dans
lequel l'écrivain s'émeut de la destruction qui est à
oeuvre à son époque et prie les décideurs politiques de
faire quelque chose, une loi, propose-t-il, pour arrêter cela :
« Il faut arrêter le marteau qui mutile la face
du pays. Une loi suffirait. Qu'on la fasse. Quels que soient les droits de la
propriété, la destruction d'un édifice historique et
monumental ne doit pas être permise à d'ignobles
spéculateurs que leur intérêt imbécile aveugle sur
leur honneur ; misérables hommes, et si imbéciles qu'ils ne
comprennent pas qu'ils sont des barbares ! Il y a deux choses dans un
édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au
propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous,
à moi, à
nous tous. Donc, le détruire, c'est dépasser
son droit. » Victor Hugo86
Concernant, les sites à
présent, leur protection arrive plus tardivement et consiste à
faire de certains paysages particuliers un patrimoine à protéger.
Pour les paysages naturels, il s'agit principalement de lutter contre
l'étalement urbain qui pourrait gâcher la beauté des lieux.
Et pour les paysages urbains, il s'agit d'éviter que les nouvelles
constructions viennent rompre de manière brutale avec les autres
constructions. Par exemple, les documents locaux d'urbanisme comme le PLU
peuvent obliger les constructeurs à utiliser une certaine sorte de
tuiles, à ne pas dépasser une certaine hauteur
86 « Guerre aux démolisseurs", Revue des deux mondes,
1er mars 1832
50
ou encore à ne pas utiliser de couleurs extravagantes
pour les façades. Le but est de préserver
l'homogénéité des sites.
Il convient ici de rappeler la définition d'un site
classé telles qu'elle figure dans le Code du patrimoine :
« monuments naturels ou sites dont la
préservation ou la conservation présente, au point de vue
artistique, historique, scientifique, légendaire, ou pittoresque un
intérêt général. »87
La protection consiste donc à préserver le
caractère particulier des sites, leur singularité. Il peut donc
sembler contradictoire qu'un architecte comme Rudy Ricciotti par exemple,
apparemment attaché à la singularité des villes
françaises, rejette le droit de l'urbanisme qui vise justement à
préserver cette singularité.
Les règles esthétiques du droit de l'urbanisme,
qui peuvent s'avérer excessives et trop nombreuses dans certains cas,
ont cependant un caractère nécessaire pour le
développement harmonieux des villes mais aussi pour la
préservation du patrimoine architectural et la protection de la
singularité des paysages français, urbain ou rural.
§2) Le droit de l'urbanisme : un cadre de travail
pour les architectes
1) Un composante du cadre de travail des
architectes
Quoique puissent dire les architectes quant au
caractère excessivement contraignant du droit de l'urbanisme, ennemi de
la créativité, un architecte ne conçoit jamais un projet
à partir de rien. Il s'agit toujours, en effet, de concevoir un projet
qui a vocation à s'intégrer dans un contexte spatial, ainsi que
le déclare Noëlle Vix-Charpentier :
« J'ai beaucoup de confrères qui n'aiment pas
les règlements parce que cela bride la liberté d'expression ; moi
je considère que quand on est architecte on travaille toujours dans un
contexte : il n'y
a jamais de terrain vierge et même si le terrain est
vierge il y a toujours un environnement. »88
Dans cette optique, les contraintes réglementaires
seraient donc une contrainte parmi d'autres, auxquelles les architectes doivent
se plier pour concevoir un projet.
87 Article L.630-1 du Code du patrimoine
88Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste : Annexe 1
51
Plus encore, Noëlle Vix-Charpentier perçoit une
certaine évolution dans la considération qu'ont les architectes
du droit de l'urbanisme.
« je crois que l'évolution avec les nouvelles
générations est qu'on est en train d'évacuer cette
idée de l'architecte artiste qui fait ce qu'il veut.».
Les nouvelles générations d'architectes,
formées de manière encore très faible au droit de
l'urbanisme, semblent cependant être davantage formées que leur
aînés au projet urbain dans une idée de
complémentarité entre les architectes (maîtrise d'oeuvre)
et les maîtres d'ouvrage. Cela se vérifie lorsqu'on observe le
déroulement des études à l'École d'architecture de
Versailles.89 On pourrait donc dire que le droit de l'urbanisme
apparaît comme une composante du cadre dans lequel les architectes
conçoivent leurs projets.
2) L'urbanisme de projet : quand le projet crée
la contrainte
Cette idée du projet urbain qui mettrait l'architecte
et le maître d'ouvrage dans une relation de coopération autour
d'un projet se retrouve par ailleurs dans le droit de l'urbanisme
lui-même. On parle du développement d'un urbanisme de projet dans
lequel l'architecte est d'avantage consulté dans l'élaboration
même du projet.
Comme on l'a évoqué en introduction, cette
évolution est amorcée avec la Loi SRU de 2000,
relative à la solidarité et au renouvellement urbain qui
opère une « une
ambitieuse réforme de l'ensemble du système
»90 La loi SRU tente en effet d'inciter les communes
à mettre au point des Schéma de cohérence territoriale
(SCOT) « afin d'aller
vers une gestion intégrée de l'urbanisme
vers le développement durable »91 : les documents
d'urbanisme doivent devenir non plus seulement des plans d'affectation des sols
mais des véritables projets de développement urbain prenant en
compte les enjeux de restructuration de l'existant, le développement
économique, le développement des moyens de transport, les
problèmes sociaux et les préoccupations environnementales.
La Loi SRU est à l'origine de l'urbanisme de projet car
elle change profondément les documents d'urbanisme et plus exactement la
procédure qui mènent à leur
89 Site internet de l'École d'architecture de
Versailles
90 MORRAND-DEVILLER, Jacqueline : op. Cit. : p.8
91 Idem.
52
élaboration. En effet, les architectes et urbanistes
qui vont concevoir les projets urbains sont consultés
préalablement à l'élaboration des documents d'urbanisme
:
« la Loi SRU a modifié profondément les
documents d'urbanisme et en particulier le POS. (Plan d'occupation des sols)
Avant le POS était un outil de gestion : c'était non pas le
projet des architectes-
92
urbanistes mais le projet des élus. »
On peut donc dire que dans le cadre du SCOT, c'est le projet
urbain qui crée la règle d'urbanisme, auquel les architectes sont
associés. Cela renforce donc cette idée du droit de l'urbanisme
comme un cadre de travail de l'architecte plutôt qu'un obstacle à
sa créativité.
§3) La contrainte esthétique comme moteur de
l'innovation architecturale
Le droit de l'urbanisme et ses règles
d'esthétique peuvent donc être considérés comme un
cadre de travail pour les architectes. Il s'agit à présent
d'aller plus loin en montrant en quoi les règles esthétiques
peuvent également être un moteur pour l'innovation architecturale
au sens où, en architecture comme en littérature, la
créativité naît souvent de la contrainte.
1) Les contraintes liées à a protection
du patrimoine architectural et paysager comme moteur de la
créativité
Dans bien des cas, en architecture comme dans toute
activité dans laquelle il s'agit de créer quelque chose de
nouveau, la créativité naît de la contrainte. En effet,
c'est parce que la contrainte est là que l'on va tenter de la
dépasser. Et c'est en cherchant à la dépasser, c'est
à dire à concevoir quelque chose de nouveau tout en tenant aux
contraintes imposées, que l'on va concevoir quelque chose de vraiment
nouveau. Il en va ainsi du droit de l'urbanisme et de l'architecture. Afin de
justifier cette idée, on prendra des exemples qui recoupent les deux
grands types de contraintes issues du droit de l'urbanisme : les règles
relatives à la protection du patrimoine architecturales et celles
relatives à la protection des sites et espaces naturels.
92 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste : Annexe 1
53
Concernant les règles de protection du patrimoine
architectural, le cas le plus significatif dans lequel il apparaît que la
créativité naît de la contrainte est celui de la
rénovation de l'ancien.
Par exemple lors la réhabilitation de l'opéra de
Lyon93en 1993 par l'architecte Jean Nouvel, la contrainte venait du
fait que les façades anciennes étaient classées au titre
des monuments historiques. Ainsi, en application régulière du
Code du patrimoine, le reste du bâtiment était
considéré comme abord d'un monument historique en tant
qu'immeuble adossé à un monument historique dans la mesure
où il s'agissait d'une partie non protégée au titre des
monuments historiques d'un immeuble partiellement classé.94
Il en découle que la réhabilitation du nouveau bâtiment
était soumise à l'avis de l'architecte des bâtiments de
France. Et celui-ci déclara que l'ensemble du nouvel édifice ne
devait pas briser l'harmonie des façades existantes. Cependant, Jean
Nouvel a voulu que l'architecture du nouveau bâtiment détonne.
Ainsi « le volume créé par Jean Nouvel à
l'intérieur des façades existantes apparaît comme une
seconde peau. »95 L'architecte a donc su composer avec la
contrainte et proposé une architecture innovante d'un point de vue
esthétique. A cela s'ajoute une innovation technique puisque la salle de
spectacle est entièrement suspendue afin de neutraliser les vibrations
possibles avec le sol.
Prenons à présent un autre exemple plus
récent pour montrer l'actualité de cette idée d'une
l'innovation esthétique qui naît de la contrainte lié aux
règles de protection du patrimoine architectural. En 2013, l'agence TOA
architectes associés a été chargée de concevoir la
restauration de la Caserne Lefebvre à Mulhouse (Alsace)96. Le
projet s'est inscrit dans une volonté de la mairie de Mulhouse de
diversifier l'habitat collectif dans le centre ville. La caserne militaire,
construite en 1877 par les Prussiens a ainsi été reconvertie en
habitat collectif moyenne et haute gamme. Dans ce cas, le bâtiment en
lui-même n'était pas classé mais était compris dans
le champ de visibilité d'un monument historique et était à
ce titre considéré comme abord de monument historique. La
réhabilitation du bâtiment était donc soumise
là-aussi à l'avis de l'architecte des bâtiments
93 Annexe 5, figure n°6
94 Article L.621-30 du Code du patrimoine, voir Partie 1, Titre
1, §1)
95 OGIER, Magali : op. Cit. p.26
96 Annexe 5, figure n°7
54
de France97 et celui-ci a imposé que les
façades soient conservées sans ouvertures
supplémentaires.
« Compte tenu du caractère militaire du
bâti, non prédestiné à recevoir du logement, le
véritable enjeu à
été de tourner cette contrainte en atout
afin de réinventer un cadre à la mesure des attentes et des modes
de vie moderne. », souligne le maître
d'ouvrage.98
Ont été par exemple ajouté des balcons de
12 mètres carrés de surface en prolongement de l'ouverture,
offrant ainsi un espace important donnant sur l'extérieur à ces
logements conçus au sein de façades avec peu d'ouvertures. Dans
ce cas aussi l'innovation est donc venue de la contrainte issue des
règles de protection du patrimoine.
C'est la même idée en ce qui concerne les
règles de protection des sites dans le cas d'une
construction nouvelle. On peut prendre comme exemple la construction du
Musée gallo-romain de Lyon en 1974 sur le site de Fourvière. Le
site de Fourvière avec la basilique, l'odéon et
l'amphithéâtre romain est en effet un site classé
patrimoine au patrimoine mondial de l'UNESCO.99 Il s'est donc agit
pour l'architecte, Bernard Zehrfuss de concevoir un bâtiment qui soit le
moins visible possible. L'architecte a ainsi opté pour une architecture
enterrée. La structure de béton disparaît ainsi sous la
végétation et seules deux grandes baies, des « canons
à lumière », sont visibles de l'extérieur et
introduisent les théâtres antiques à l'intérieur de
l'exposition. C'est donc là aussi de la contrainte que naît
l'innovation esthétique, en l'occurrence la conception d'un musée
enterré.100
2) Dans le processus de création, les
architectes se donnent d'autres contraintes de nature esthétique
Enfin, il semble que le travail de l'architecte est intimement
lié à la contrainte et que celle-ci est le moteur de l'innovation
dans la mesure ou l'architecte lui-même dans la conception du
bâtiment se prescrit à lui-même des contraintes
esthétiques.101 On pourrait donc dire que dans le processus
de création, les contraintes du droit de l'urbanisme en matière
esthétique sont des contraintes esthétiques parmi d'autres.
97 Article L.621-30 du Code du patrimoine, voir Partie 1, Titre
1, §1)
98 Dossier « Traces recyclées : transformation d'une
ancienne caserne en logements à Mulhouse » : Magazine EK Villes en
transition, architectures durables. A vivre éditions, N°36
Décembre 2013-Janvier 2014. Pages 63 à 69
99 Site internet du musée Gallo-Romain de
Lyon-Fourvière
100 Annexe 5, figure n°8
101AMPHOUX, Pascal, TIXIER,Nicolas : op. Cit.
55
Pascal Amphoux et Nicolas Tixier proposent une typologie des
contraintes auxquelles se soumettent les architectes, différenciant
notamment les « contraintes ludiques », c'est à dire
celles auxquelles se soumettent volontairement les architectes dans leur
recherche de formes nouvelles et les « contraintes
réglementaires ». Au sujet de l'architecte, les auteurs disent
que :
« Non content de devoir respecter et combiner toutes
sortes de normes contraignantes, il se donne des règles du jeu
supplémentaires, qui, si arbitraires puissent-elles paraître
à l'observateur extérieur ou au non-initié, n'en
constituent pas moins en certains cas le fondement. »
Un des exemples cités dans cette étude est celle
du Centre Georges-Pompidou à Paris.102 Il s'agit selon les
auteurs d'une contrainte « ludique » appelée la
« structuralité ». Il s'agit d'une contrainte
relevant de l'ordre du choix constructif. La « structuralité
» désigne l'expression, volontaire et
délibérée, de la structure d'un bâtiment. Une telle
tendance est issue des courants fonctionnalistes dont l'évolution peut
être interprétée comme une évacuation de plus en
plus radicale du décor ou de l'ornement. Il s'agissait donc pour les
architectes d'exhiber la contrainte structurelle. Les couleurs sont mêmes
choisies pour signifier et différencier les flux : le bleu pour la
climatisation, le rouge pour les personnes (escalators, escaliers,
passerelles), le vert pour les circuits d'eau et enfin le jaune pour les
circuits électriques.
Dans cette perspective, les contraintes d'urbanisme ne
seraient donc qu'une sorte de contraintes parmi les autres, dans un ensemble de
contraintes sur lesquelles l'architecte s'appuie pour alimenter sa
créativité.
Conclusion de la Partie 1 :
Dans un premier titre, on donc présenté les
principales règles du droit de l'urbanisme en matière
esthétique : celles-ci sont liées à la protection du
patrimoine, à la protection des sites mais aussi aux règles
générales d'urbanisme, dont l'un des objectifs est
l'esthétique des villes, c'est à dire leur développement
ordonné dans une certaine harmonie. On a ensuite présenté
le rôle du juge administratif en matière esthétique.
Dans le second titre, on s'est ensuite interrogé sur le
rapport que les architectes ont avec le droit de l'urbanisme. On a vu que les
règles esthétiques et surtout leur
102Annexe 5, figure n°9
56
accumulation et leur mutation constante sont perçues
comme un obstacle à la créativité et donc à
l'innovation architecturale. Puis, on a nuancé cette idée en
montrant en quoi les règles d'urbanisme en matière
esthétique sont un cadre de travail pour les architectes. On a d'abord
montré le caractère nécessaire des règles
esthétiques puis on a montré que celles-ci peuvent même
s'avérer être un moteur pour la créativité et
l'innovation architecturale.
Le droit de l'urbanisme a donc en matière
d'esthétique un rapport d'hostilité à l'égard de
l'innovation architecturale. Cela peut être perçu par les
architectes comme un obstacle à la créativité mais c'est
en même temps un cadre de travail nécessaire et paradoxalement
propice à l'innovation architecturale. On verra dans la seconde partie
de ce mémoire qu'en matière environnementale, le droit de
l'urbanisme a un rapport très différent à l'innovation et
qu'en découle des conséquences elles-aussi différentes.
57
Partie 2) Le droit de l'urbanisme et l'innovation
architecturale en matière de protection de l'environnement
« elle dégrade des zones écologiques
fragiles, elle inflige des dégâts aux ressources naturelles, elle
pollue, elle utilise des matériaux de construction nuisibles à la
santé de l'être humain ».
à propos de l'industrie du bâtiment,
citation issue de l'Agenda 21 de 1992103,
Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur
d'énergie en France : il représente 43% de l'énergie
totale et 23% des émissions de gaz à effet de
serre.104 D'autre part, les terres agricoles et naturelles
constituent depuis des dizaines d'années la variable d'ajustement du
mitage périurbain et de la politique de construction de logements qui
défigurent les paysages français. L'architecture est donc un
domaine dans lequel la protection de l'environnement constitue un enjeu
considérable.
On a vu dans la première partie que le droit de
l'urbanisme avait un rapport d'hostilité à l'égard de
l'innovation architecturale en matière esthétique. En
matière de protection de l'environnement, le droit de l'urbanisme a un
rapport très différent à l'innovation. En effet, ce
dernier est favorable aux innovations en matière de protection de
l'environnement, en étant très centré sur la promotion des
innovations technologiques qui permettent de limiter la dépense
énergétique.
Dans un premier titre, il s'agira donc de présenter la
prise en compte des enjeux environnementaux en matière d'architecture
dans le droit de l'urbanisme. Dans un second titre, il s'agira de montrer en
quoi le droit de l'urbanisme français est trop centré sur les
innovations technologiques. On présentera les problèmes qui
découlent de cet état de fait et les propositions que l'on peut
faire pour l'avenir.
103 Rapport issu du Sommet de la terre de Rio en 1992
104Entretien avec Cécile Duflot, Ministre de
l'Égalité des territoires et du Logement. Urbanisme n°45
Juin 2013. Hors Série. « L'urbanisme, la ville, l'écologie
».
58
Titre 1) Le droit de l'urbanisme et la prise en compte
des enjeux environnementaux en l'architecture
Les enjeux environnementaux ont été
progressivement pris en compte à partir des années des
années 1960. Dans ce premier titre, il s'agira donc de présenter
le droit de l'urbanisme dans ses aspects liés aux enjeux
environnementaux en architecture. Il convient d'insister sur le
caractère international de la protection de l'environnement et
également sur le fait que le cadre théorique dans lequel on pense
les enjeux environnementaux, c'est à dire le développement
durable est issu d'une construction institutionnelle.
Dans un premier chapitre, il s'agira donc de présenter
l'évolution du cadre théorique de la prise en compte enjeux
environnementaux jusqu'au développement durable ainsi que les
innovations architecturales qui en découlent. Puis dans un second
chapitre on présentera le cadre juridique français de la prise en
compte des enjeux environnementaux dans l'architecture et le bâtiment,
autrement dit l'intégration de ces enjeux dans le droit de
l'urbanisme.
Chapitre 1) La prise en compte des enjeux
environnementaux dans l'architecture à l'échelle internationale
Il convient dans un premier chapitre de montrer que
l'évolution que connaît le droit de l'urbanisme français
caractérisée par une intégration des enjeux
environnementaux dans ses principes généraux105 et
dans ses dispositions est loin d'être un fait isolé. La prise en
compte des enjeux environnementaux se fait en effet à la même
époque dans tous les pays industrialisés et le
développement de l'architecture environnementale est une
conséquence de cette prise de conscience. C'est pourquoi il convient,
avant de présenter les règles d'urbanisme relatives aux enjeux
environnementaux qui existent dans le droit de l'urbanisme français, de
retracer l'émergence de la prise en compte des enjeux environnementaux
en général et en architecture en particulier.
105 Article L110 du Code de l'urbanisme : Annexe 4
59
§1) Prise de conscience institutionnelle des enjeux
environnementaux et genèse du développement durable
Aujourd'hui, les enjeux environnementaux sont perçus
dans la perspective d'un développement durable. Cependant, cela
n'a pas été le cas dès la prise de conscience des enjeux
environnementaux. Dans ce paragraphe, on présentera d'abord le contexte
historique et institutionnel dans lequel émergent les courants
théoriques de la protection de l'environnement. Puis on
présentera le concept de développement durable en
montrant en quoi il s'agit d'un compromis entre des courants théoriques
en conflit.
1) Contexte de prise de conscience des enjeux
environnementaux et courants théoriques avant le développement
durable
a) les premières organisations de défense des
enjeux environnementaux
A la fin des années 1960, dans un contexte mondial de
contestation sociale, apparaissent les premiers mouvements écologistes
qui visent à faire prendre conscience à l'opinion publique des
enjeux environnementaux : dégradation de nos ressources, croissance
démographique excessive, limitations de l'agriculture, menant à
la famine généralisée dans les pays en voie de
développement, pollution de l'air et de l'eau, conséquences
climatiques de la concentration de gaz effet de serre dans l'atmosphère.
Il s'agit de la prise de conscience que notre environnement subit chaque jour
des dommages irréversibles et que nos ressources sont limitées.
Ce fut une sorte de prémonition car en 1973, la première crise
pétrolière eut lieu, faisant quadrupler les prix du
pétrole et entraînant une grave crise économique.
Cependant, dans de nombreux pays, comme les États-Unis,
les mouvements de protection de l'environnement se sont rapidement
séparés de la contestation sociale, lorsque les contestataires
furent rejoints par des membres parfois fort aisés de la bourgeoisie et
politiquement conservateurs : c'est la naissance des mouvements
environnementalistes. Aux États-Unis par exemple le Président
Nixon, sensible à cet infléchissement de son électorat,
mit l'environnementalisme au coeur de sa politique.
60
Enfin, l'écologie politique fit son apparition pour la
première fois en Allemagne avec les listes électorales
Grüne Aktion Zukunft et Grüne Listen dès les
années 1970. Dans les autres pays développés, les partis
verts ou écologistes émergent dans les
années 1980 : l'Ecology Party puis le Green Party au Royaume-Uni et le
Parti Les Verts en France par exemple.106
b) L'internationalisation du débat et la genèse du
développement durable
En 1970, a lieu le premier Sommet de la Terre, qui est la
première manifestation institutionnelle internationale relative aux
enjeux environnementaux, lesquels comme on l'a vu ont commencé à
se faire entendre sous divers modes d'organisation depuis la fin des
années 1960. On prend ainsi conscience que les politiques
environnementales n'ont de sens qu'au niveau international.
En même temps que le débat s'internationalise,
apparaît un conflit majeur entre les partisans de la rentabilité
économique et ceux de la protection de l'environnement. Pour les
partisans de la rentabilité économique, la protection de
l'environnement est un obstacle à la croissance, tandis que pour les
partisans de la protection de l'environnement, le modèle de croissance
économique occidental est incompatible avec la protection de
l'environnement. Le Club de Rome107, par exemple, publie en 1972 un
rapport intitulé Les limites de la croissance. Ce dernier met
en avant la dépendance des économies occidentales aux
énergies fossiles ainsi que le caractère limité de ces
ressources à travers ce constat alarmant : si le mode de croissance
occidental n'est pas modifié, on s'oriente vers une disparition totale
des énergies non renouvelables. Le Club de Rome défend donc
l'idée de la « croissance zéro ». Dans la
même logique, apparaît également le mouvement des
défenseurs de la « décroissance ».
Dans le rapport de la Commission Brandt en intitulé
North-South : A program for survival (1980), est fait le constat d'une
croissance non-durable des pays en voie de développement à cause
notamment du commerce international. Ce dernier ne permettrait pas une
croissance durable dans les pays émergents en terme économique
mais aussi
106STEELE, James : Architecture écologie, une histoire
critique. Édition Actes Sud, 2005 : Préface p. 6 à 9. 107
groupe de réflexion crée en 1968, qui réunie des
scientifiques, des économistes, des fonctionnaires et des
industriels de 53 pays autour des problèmes auxquels
doivent faire face les sociétés industrialisées mais aussi
en
développement
61
environnemental. La croissance des pays émergents ne
permettrait donc pas d'une part, l'émergence d'une classe moyenne et
d'autre part, serait trop dépendante des ressources non renouvelables et
notamment des hydrocarbures. Cela signifie qu'émerge l'idée d'une
inégalité entre les pays industrialisés et les pays en
développement en ce qui concerne la protection de l'environnement.
2) Émergence du développement durable et
définition
a) Notre avenir commun, 1987
Le terme de développement durable associé
à l'environnement est utilisé pour la première fois dans
une publication de l'International Union for the Conservation of Nature
intitulé World Conservation Strategy mais eut un impact
très limité dans l'opinion publique.
Il s'agit d'un concept qui vient non pas des
environnementalistes ou écologistes mais d'hommes politiques soucieux de
réconcilier croissance économique et enjeux environnementaux.
Voyons à présent en détail la naissance du concept et ses
enjeux.
C'est en 1987, dans le rapport de la Commission Brundtland
intitulé Notre avenir commun qu'apparaît la notion de
développement durable telle que nous la connaissons aujourd'hui et telle
qu'elle impacte le droit de l'urbanisme et l'architecture. C'est l'idée
que la croissance économique peut être gérée de
façon a ce que les ressources naturelles soient employées tout en
garantissant une bonne qualité de vie aux générations
futures. Il s'agit de :
« suivre ces chemins du progrès social,
économique et politique qui correspondent aux besoins actuels sans
compromettre la satisfaction de ceux des générations futures
»108
Notre avenir commun est le premier texte qui englobe
sous le terme de développement durable la croissance économique,
le progrès social, les enjeux environnementaux et la gouvernance. Le
développement durable serait donc un développement
économique compatible avec l'équité sociale et la
protection de
108Site internet du Ministère des affaires
étrangères, rapport de la Commission Brundtland : Notre
avenir commun, 1987. Chapitre 2 « Vers un développement
durable ».
62
l'environnement et celui-ci ne serait possible qu'avec une
« bonne » gouvernance, autrement dit un pouvoir politique soucieux
des intérêts précédemment
présentés.
La notion de « développement durable » est
donc un concept créé pour réconcilier les partisans de la
croissance et de la décroissance ou croissance zéro.
« En réduisant les conflits entre la
croissance économique et la conscience écologique, cette
convergence ouvrait des perspectives de compromis entre les partisans de la
croissance et ses détracteurs. »109
b) Le Sommet de la Terre de Rio en 1992
Le Sommet de la terre de Rio donne une nouvelle impulsion au
développement durable. Ses conclusions sont rédigées au
sein d'un rapport intitulé Agenda 21, parce que l'idée
était que les conclusions soient mises en oeuvre au XXIe
siècle.
Ce document regroupe environ un millier de propositions
regroupées en six grands axes : la qualité de vie, l'utilisation
des ressources terrestres, la protection des espaces communs, la gestion de
l'habitat, la production chimique et le traitement des déchets et la
croissance économique durable, et ce, autour d'une directive dont on
peut retenir cette phrase significative :
« l'intégration des intérêts de
l'environnement et du développement, ainsi qu'une plus grande attention
à leur égard, conduira à la satisfaction des besoins
fondamentaux, à l'amélioration de niveau de vie pour tous,
à une meilleure protection et une meilleure gestion des
écosystèmes, et à un futur plus sûr et plus
prospère » 110
On est donc dans l'idée d'un développement
durable qui consisterait en un développement économique
compatible avec une certaine équité et la protection de
l'environnement. Il ressort aussi de l'Agenda 21 que les trois
facettes du développement durable : économique, sociale et
environnementale ne peuvent se concevoir l'une sans les autres. 111
109 STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17 « A
l'origine du développement durable », p. 167
110 STEELE, James : op. Cit. : p.169
111 STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17 « A
l'origine du développement durable » p. 165 à 172
63
§2) La prise en compte des enjeux environnementaux en
architecture : un phénomène international
A la fin des années 1960 va démarrer ce qu'on
pourrait qualifier de révolution environnementale dans l'architecture et
qui va se positionner en rupture avec l'architecture industrielle de masse
telle qu'elle a été pratiquée au cours de la la
première moitié du XXe siècle, à une époque
à laquelle il s'agissait surtout de loger une population en
expansion.
Il s'agira dans ce paragraphe de présenter les
différentes facettes de ce qu'on peut appeler l'architecture
environnementale, écologique, verte ou encore
durable et qui désigne, quelque soit le terme utilisé,
une architecture soucieuse des enjeux environnementaux. Par soucis de
clarté, et parce que ces termes sont synonymes, on se tiendra ici
à l'expression architecture environnementale.
La difficulté réside dans le fait que
l'architecture environnementale n'est ni un type de bâtiment ni un style
défini et que les technologies ne cessent d'évoluer et de
s'ajouter les unes aux autres. Il ne s'agit donc pas de donner une liste
exhaustive de tous les types d'architecture environnementale mais de s'efforcer
d'en présenter les enjeux principaux en donnant à chaque fois des
exemples concrets.
1) Une architecture économe en énergie
dans son fonctionnement
Tout d'abord, la prise de conscience de la
nécessité d'économiser les ressources
énergétiques, mise en avant par les conférences
internationales sur l'environnement et accentuée par les crises
pétrolières des années 1973 et 1979, va donner naissance
à de nombreuses recherches architecturales dans le domaine de
l'économie d'énergie. Le bâtiment est en effet un secteur
qui consomme beaucoup d'énergie à toutes les étapes :
production et transport des matériaux, construction, chauffage et
entretien du bâtiment et enfin démolition du bâtiment et
destruction ou recyclage des matériaux. Les architectes qui se pressent
en première ligne dans ce nouveau type d'architecture sont les
architectes high-tech des années 1970, c'est à dire ceux qui
avaient les méthodes de production les
64
plus coûteuses en terme d'énergie. Il s'agit donc
à présent de présenter des exemples de techniques qui
permettent d'économiser de l'énergie dans le fonctionnement du
bâtiment.
a) La technologie au service de l'environnement
Pour commencer, présentons quelques exemples d'une
architecture environnementale qui est basée sur l'utilisation d'une
technologie de plus en plus sophistiquée.
Tout d'abord on peut évoquer le recours aux
énergies renouvelables qui permet de limiter la
consommation des bâtiments en énergie non-renouvelables. Dans les
années 1960-1970, aux États-Unis, se développent de
manière importante les technologies liées aux énergies
renouvelables et en particulier l'énergie solaire. Cela est dû
à des incitations fiscales et s'inscrit dans la politique du
Président Nixon qu'on a évoqué dans le paragraphe
précédent. L'un des architectes emblématiques de cette
époque est Edouard Marzia, avec son livre The passiv solar energy
book.
Lorsqu'on utilise le rayonnement solaire pour chauffer un
fluide qui transporte ensuite la chaleur vers un utilisateur, on parle de
chauffage solaire actif et le chauffage solaire est dit passif lorsque le
rayonnement solaire réchauffe directement les locaux soit par absorption
dans l'enveloppe du bâtiment, soit en pénétrant par les
fenêtres.
Les autres énergies renouvelables utilisées en
architecture sont l'éolien, la géothermie, la biomasse et en
particulier le bois. Le problème est cependant le coût des
équipements, leur durée de vie réduite qui oblige a leur
remplacement au bout d'une dizaine d'année et le fait que par exemple,
les panneaux solaires fabriqués actuellement ne sont pas
recyclables.112
Comme autre exemple de technologie au service de
l'économie d'énergie, on peut évoquer les technologies qui
se développent actuellement et qui permettent d'automatiser les
bâtiments. On parle de « gestion active de
l'efficacité énergétique ». Par exemple les
luminaires peuvent s'adapter automatiquement à la lumière
naturelle des pièces et ainsi baisser ou augmenter en intensité.
Un autre exemple encore : il existe un
112BARRE, Bertrand : Atlas des énergies : quels choix pour
quels développement, éditions Autrement, 2007, Chapitre « Le
énergies renouvelables : quel potentiel ? »
65
système de portique que l'on peut installer à
l'entrée des bureaux et qui permet de reconnaître chaque
salarié afin de ne chauffer le bureau de ce dernier que lorsqu'il est
dans l'enceinte de l'entreprise. Ce genre de technologies peut permettre de
faire des économies significatives, quand on sait que l'éclairage
représente 27% de la consommation d'un bâtiment, derrière
l'éclairage et les équipements spéciaux.
L'inconvénient est cependant le coût énergétique de
la fabrication de ce type de technologie ainsi que le coût
énergétique de fonctionnement. « L'instrumentalisation a
aussi un coût technologique » et il convient donc de l'utiliser
à bon escient et pas de manière
généralisée.113
b) L'adaptation de l'architecture au climat
Il s'agit ici d'une vision tout à fait
différente de l'architecture environnementale. C'est une architecture
qui est économe en énergie car elle sait tirer partie des
conditions climatiques dans lesquelles elle s'insère.
Bien avant qu'on parle d'architecture environnementale,
l'architecte français Le Corbusier avait eu, dès les
années 1920, l'intuition de ce type d'architecture. Le Corbusier a
notamment conçu des bâtiments en Inde et a su adapter son
architecture au climat de ce pays avec de larges fenêtres pour profiter
de la chaleur et de l'éclairage que donne le soleil mais aussi des
parts-soleil pour l'ombre et l'utilisation des courants d'air pour la
ventilation naturelle, comme en témoigne le bâtiment du
secrétariat de la ville de Chandigarh qu'il a conçu en 1953.
L'architecte égyptien Hassan Fatti va également
dans ce sens dans un retour à d'anciennes techniques de ventilation
naturelle. Mais ce cas, la recherche dans le domaine environnementale
était teintée de nationalisme : il s'agissait de
développer une architecture différente de l'architecture
moderniste imposée par le colonisateur Anglais.
114
Il s'agit de s'adapter au climat autrement dit d'isoler dans
les espaces où c'est le froid qui pose le plus de problème et de
privilégier plutôt une ventilation naturelle dans
113« Bâtiment : efficacité active, mode
d'emploi » : Environnement & Énergie Magazine n°17, Mars
2014 114STEELE, James : op. Cit Chapitre 7 « Hassan Fathy : la
renaissance d'anciennes techniques »
66
les endroits où c'est la chaleur d'été
qui est l'enjeu principal.115 Par ventilation naturelle on peut
entendre des systèmes naturels de circulation de l'air dans la
pièce mais aussi le réflexe simple d'ouvrir la fenêtre
plutôt que de faire appel à la climatisation.116
2) Une architecture économe en énergie
par ses matériaux
a) La question de l'énergie grise
La volonté de revenir à des méthodes de
construction pré-industrielles avec des matériaux naturels date
de la fin des années 1960 est est due à l'influence de divers
mouvements sociaux de contestations de la société de
consommation, ainsi qu'à des travaux d'intellectuels comme par exemple
le livre De l'Inhospitalité de nos villes (Die Unwirtlichkeit
unserer Städte,1965) d'Alexander Mitscherlich. La critique de la
société de consommation aboutie en effet à une
contestation de son architecture industrielle.
Apparaît ainsi la question du coût en
énergie grise 117 des constructions. Il s'agit des
coûts énergétiques de fabrication, de transport et de pose
des matériaux. Sont ainsi plébiscités les matériaux
qui ne nécessitent par une forte technologie lors de leur fabrication
est donc pas de dépenses énergétiques importantes. Cela
signifie par exemple préférer pour l'isolation la laine de bois,
la ouate de cellulose ou la paille au polystyrène ou à la laine
de verre, qui ont un contenu plus élevé en énergie grise
lié à leur fabrication. Il y a aussi derrière cela
l'idée de préférer des matériaux de construction
qui nécessitent plus de main d'oeuvre que de technologie.
Et il s'agit aussi de préférer des
matériaux disponibles localement pour éviter des coûts
énergétiques trop importants liés au transport.
C'est notamment en Autriche dans les années 1970 que se
développe ce type d'architecture à travers un mouvement
architectural appelé le régionalisme critique qui
prône l'utilisation de matériaux locaux pour limiter le coût
énergétique du transport.
115STEELE, James : op. Cit.: Chapitre 16 « Une
bouffée d'air frais »
116« Dossier ventilation naturelle » : Magazine EK,
Villes en transition et architectures durables, n° 38, Avril-Mai
117LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : Habitat passif et basse
consommation, Principes fondamentaux et études de cas en neuf et en
rénovation. Éditions Terre vivante, 2011 : Partie 5 : «
L'énergie grise dans les constructions passives » : p.72 à
81
67
«Cette approche est nouvelle, mais elle renoue avec un
certain bon sens qui avait disparu dans la deuxième moitié du XXe
siècle. »118
b) L'habitat passif et basse consommation
L'habitat passif et basse consommation est un type
d'architecture qui s'efforce de conjuguer à la fois des matériaux
à faible à énergie grise et une architecture
adaptée au climat à travers l'utilisation des apports passifs
tels que le soleil et une forte isolation ou au contraire l'utilisation des
courants d'air en fonction des besoins.119 Cette tendance est aussi
d'origine autrichienne, connue sous le nom de Passivhaus. Il s'agit
d'une approche globale de l'économie d'énergie.
« Le calcul de l'énergie grise
incorporée sans tout produit manufacturé est un pas vers un
approche globale qui permettra de connaître et de comparer l'impact sur
l'environnement des matériaux de construction ainsi que leur mise en
oeuvre. »120
3) Un architecture qui porte une atteinte la plus
faible possible aux paysages et aux espaces naturels
Une architecture environnementale peut aussi désigner
une architecture qui ne porte pas atteinte aux espaces naturels et agricoles ou
encore aux paysages. Cette l'idée vient du constat d'une urbanisation
croissante car effet le XXe siècle se caractérise par une part de
plus importante de l'humanité qui vit en ville. En 1950, 29% de la
population vivait en ville, en 2005 le chiffre frise les 50% et selon l'ONU, ce
chiffre pourrait attendre 60% dès 2030. 121
L'une des solutions pour économiser les terres
agricoles et les espaces naturels est la construction de tours
pour lutter contre l'étalement urbain. Il s'agit de construire
de manière verticale en multipliant les étages des immeubles
plutôt que de manière horizontale en accroissant
l'étalement urbain.
118LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. : p.8
119LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. : Introduction p.14
à 19 120LEQUENNE, Philippe, RIGASSI, Vincent : op. Cit. :p.72
121BARRE, Bertrand : op. Cit. : p.59
68
On parle aussi de tours bioclimatiques, qui
viennent de l'idée que lutter contre l'étalement urbain ne doit
pas se faire au prix d'une consommation excessive d'énergie. Il s'agit
donc de tours qui utilisent l'énergie passive et les énergies
renouvelables. Kenneth Yeang est un des instigateurs de cette tendance, qui
s'est développée de façon importante en Allemagne
notamment dans les années 1990.122 Pour l'heure, ce type
d'architecture n'est pas encore satisfaisante d'un point de vue
écologique puisque les tours dépensent six fois plus
d'énergie qu'un bâtiment traditionnel car il faut prendre en
compte avec les réseaux de ventilation et les
ascenseurs.123
L'autre aspect d'une architecture qui porte une atteinte
limitée aux espaces naturel est celui d'une architecture qui
s'intègre dans la nature. Il s'agit du retour de l'idée
de la cité-jardin qui trouve son origine dans l'urbanisme
utopique du XIXe siècle. Ce type d'architecture est très
présent en Finlande, où il serait plus juste de parler de
villes-forêts. On peut citer les villes de Tapiola et Surula qui
sont totalement intégrées à la nature.124
4) La nécessité d'une architecture
environnementale accessible à tous
Pour finir, il semble utile de présenter un texte
important pour l'architecture environnementale, l'Agenda 21, qui
insiste sur un enjeu que l'on a pas encore abordé : le fait qu'une
architecture environnementale ne devrait pas être un privilège de
pays riche. En effet, les questions d'environnement n'ont de sens que si elles
sont traités à l'échelle mondiale. Une architecture
durable serait donc aussi une architecture accessible à
tous.
L'Agenda 21 recommande en effet aux architectes et
aux entreprises du bâtiment d'adopter des procédés à
faible consommation d'énergie et d'explorer les méthodes qui
utilisent les matériaux recyclés. Aux pouvoirs publics par
ailleurs est recommandé de décourager par des
pénalités financières le recours à des
matériaux nuisibles à l'environnement.
Il s'agit aussi en règle général de
recourir aux matériaux locaux et de promouvoir les techniques
traditionnelles exigeant de la main d'oeuvre plutôt que de
l'énergie.
122STEELE, James : op. Cit. : chapitre 20 « le
gratte-ciel bio-climatique »
123Réflexions croisées sur le développement
durable, op. Cit. :Interview d'Olivier Sidler, thermicien 124 STEELE,
James : op. Cit. : chapitre 3 « la Finlande à la recherche
d'un standard humain »
69
Enfin, il s'agit de faciliter le crédit pour
l'accès aux matériaux et développer
considérablement le micro-crédit dans les pays pauvres ainsi que
de favoriser, à l'échelle internationale, l'échange
d'informations entres les architectes et les entrepreneurs sur tous les aspects
de la construction en rapport avec l'environnement.125
L'agenda 21 s'oppose donc à une architecture
environnementale trop technologique qui serait réservée aux pays
riches à cause de son coût et prône plutôt une
architecture réalisée avec des matériaux naturels et
recyclés non nuisibles à l'environnement. En outre, le rapport
prône une coopération entre pays riches et pauvres pour que les
architectes et les professionnels du bâtiment soient formés
à l'architecture environnementale et informés des
différents solutions qui existent dans ce domaine.
La conférence de Rio fut suivie de nombreuses
conférences sur le sujet de la construction et de l'environnement dont
les plus importantes, la Conférence de Pékin en 1995 et la
conférence Habitat II d'Instanbul de 1996 ont insisté
profondément sur la nécessité de donner la priorité
aux techniques traditionnelles, que l'on appelle aussi vernaculaires. Quant au
protocole de Kyoto en 1996, celui-ci reprend en matière d'architecture
peu ou prou les mêmes idées de l'Agenda 21 et insiste sur
l'idée d'une « responsabilité pour aujourd'hui et pour
demain » des architectes.126
Un des pionniers de ce type d'architecture prônée
par l'Agenda 21 est l'américain Samuel Mockbee. Ce dernier
avait en effet ouvert une agence d'architecture, Le Rural Studio (1944-2001),
située en Alabama aux États-Unis, dont l'objet était de
construire des logements pour des clients pauvres en utilisant presque
exclusivement des matériaux de récupération trouvés
sur place.
« Il encourageait l'emploi de matériaux non
conformistes, afin de maintenir de coûts de construction peu
élevés puisque les clients du Rural studio étaient pour la
plupart des familles démunies. »127
125STEELE, James : op. Cit. : Chapitre 17, «
à l'origine du développement durable »
126VAN UFFELEN, Chris : Architecture écologique,
éditions Citadelles et Mazenot, 2010 : p.11 127 STEELE, James : op.
Cit. p.232
Chapitre 2) Les enjeux environnementaux relatifs
à l'architecture dans le droit de l'urbanisme français
On a donc montré précédemment que les
enjeux environnementaux ont été pris en compte au niveau mondial
à partir de la fin des années 1960 et que cela s'est
accompagné d'une évolution des pratiques architecturales. Il
s'agit à présent de montrer comment ces évolutions se
traduisent dans le droit de l'urbanisme français.
Dans un premier paragraphe on présentera les
engagements de la France en matière environnementale en ce qui concerne
l'architecture et le bâtiment. Puis, dans un second paragraphe on
montrera la façon dont ces objectifs sont mis en oeuvre à travers
le droit de l'urbanisme.
§1) Les engagements de la France en matière
environnementales et les objectifs à atteindre
Les enjeux environnementaux sont devenus des
éléments incontournables des réglementations
internationales et nationales et les questions liées à
l'énergie sont au centre des récentes évolutions des
textes de loi. Présentons donc les engagements de la France en
matière environnementale et en particulier énergétique.
C'est en effet à partir de ces engagements que va être
opérée une profonde réforme du droit de l'urbanisme par
l'intégration des enjeux environnementaux et en particulier des
objectifs d'efficacité énergétique des bâtiments. Et
c'est en comprenant les objectifs que s'est fixée la France qu'on
comprendra son rapport à l'innovation architecturale en matière
de protection de l'environnement.
1) Les engagements internationaux de la France en
matière environnementale :
70
a) Les engagement internationaux non juridiques
71
Pour commencer, la France est engagée par un certain
nombre de textes internationaux qui n'ont pas de valeur juridique mais qui sont
cependant des engagements politiques importants.
Pour commencer, comme tous les signataires du Protocole de
Kyoto, la France est engagée dans un objectif de réduction de 50%
des émissions de gaz à effet de serre des pays
développés en 2050 par rapport à leur niveau de 1990.
Parallèlement, la France a rejoint la
Déclaration du Forum des principales économies qui regroupe les
pays du G8128, du G5129, l'Australie, la Corée du
Sud et l'Indonésie et par laquelle ces pays se sont engagés en
2009 à ce que l'augmentation de la température terrestre
n'excède pas 2°C par rapport au niveau pré-industriel,
suivant ainsi les recommandations du GIEC, le Groupe d'experts
intergouvernementaux sur l'évolution du climat. Cela suppose une
réduction de l'émission des gaz à effet de
serre.130
b) Les directives européennes
A ces engagements de nature politique s'ajoutent au niveau
international les directives européennes. Pour les pays membres de
l'Union Européenne comme la France, les directives de la Commission
européenne sont juridiquement contraignantes et les États ont
l'obligation juridique de les intégrer au droit interne.
Ainsi en 2007, les pays de l'Union Européenne se sont
engagés en 2007 dans l'objectif des « trois fois 20 »
: à l'horizon 2020, réduire de 20% les émissions
de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, réduire de
20% la consommation des énergies primaires et que la part des
énergies renouvelables atteigne 20% de la consommation finale.
La directive du 23 Avril 2009131,
relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite
à partir de sources renouvelables, fixe ensuite des objectifs de
développement des énergies renouvelables. Ces objectifs sont les
suivants : 20% de l'énergie produite à partir de sources
renouvelables dans la consommation totale
128Le G8 : États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France,
Royaume-Uni, Italie et Russie
129Le G5 : Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil et
Mexique
130DE GRAMONT, Claire (sous la direction de) : Réussir la
planification et l'aménagement durables, ouvrage réalisé
à l'initiative de l'ADEME, éditions Le Moniteur, 2013 Chapitre
« climat et énergie » p. 88 à 122 131Directive n°
2009/28/CE du 23 avril 2009
72
d'énergie et à une part de 10% de ce type
d'énergie destinée au transport, et ce, d'ici 2020.
Enfin, la directive du 19 mai
2010132 fixe des normes minimales de performance
énergétique des bâtiments neufs et existants lorsque ces
derniers font l'objet de travaux. Par ailleurs, la directive fait peser la
responsabilité sur les constructeurs et les distributeurs. Ceux-ci
doivent notamment informer la clientèle de la performance
énergétique des bâtiments par un système
d'étiquetage.
2)Les engagements nationaux
La France est donc engagée politiquement au niveau
international et engagée juridiquement au niveau européen puisque
les directives européennes font partie intégrante du droit
français. Mais la France a aussi des engagements nationaux en
matière d'environnement.
Tout d'abord, la Loi de programmation fixant les objectifs de
la politique énergétique133 (Loi
POPE, 2005) rappelle le rôle des collectivités dans les
enjeux énergétiques à travers les documents d'urbanisme et
la fiscalité.
Mais ce sont surtout les lois dites de Grenelle
de 2009 et 2010 qui portent les engagements de la France en
matière d'environnement. La loi de Grenelle I134 de 2009
rappelle tout d'abord et renforce les engagements internationaux et
européens : c'est à dire diviser par quatre les émissions
de gaz à effet de serre d'ici 2050 et les réduire de 20 à
30 % d'ici 2020, améliorer de 20% l'efficacité
énergétique à l'horizon 2020 et enfin, porter la part des
énergies renouvelables à 23% de la consommation
énergétique totale d'ici 2020.
Mais surtout, les lois de Grenelle vont opérer une
profonde réforme des pratiques et des outils de planification urbaine,
ainsi qu'une réforme du droit de l'urbanisme pour l'adapter aux enjeux
environnementaux. Les enjeux environnementaux sont dès lors une partie
fondamentales des documents d'urbanisme, comme en atteste l'article L110 du
Code de l'urbanisme, profondément modifié par les lois de
Grenelle.135
132Directive n° 2010/31/UE du 19 mai 2010
133Loi n°2005-781 du 13 Juillet 2005 du programme fixant les
orientations en matière de politique énergétique 134Loi du
23 juillet 2009 portant engagement national pour l'environnement
135Article L110 du Code de l'Urbanisme : Annexe 4
73
§2) La mise en oeuvre des objectifs environnementaux
en matière de construction dans le droit de l'urbanisme
français
Les objectifs environnementaux liés au bâtiment
et donc à l'architecture se traduisent dans le droit de l'urbanisme par
des obligations dont la grande majorité apparaissent avec les lois de
Grenelle. Il ne faut cependant pas penser que les Lois de Grenelle
créent de toutes pièce le fait que les enjeux environnementaux
sont pris en compte dans l'architecture en France. Comme on l'a dit,
l'architecture environnementale date de la fin des années 60 : les
architectes français n'ont donc pas attendu 2010 pour concevoir ce type
d'architecture. En outre, la première réglementation thermique
relative aux bâtiments date de 1974, c'est à dire un an
après le premier choc pétrolier. Néanmoins, les Lois de
Grenelle viennent systématiser et renforcer considérablement les
règles environnementales pour les bâtiments et donc
l'architecture.
On ne présentera pas ici les règles d'urbanisme
liées à la protection des espaces naturels, des paysages et de la
biodiversité qui peuvent empêcher toute construction car il s'agit
des mêmes règles que l'on a présenté comme des
outils de protection de l'esthétique dans la partie 1 du
mémoire.136
Il s'agit dans ce paragraphe de montrer en quoi le droit de
l'urbanisme été modifié par les lois de Grenelle pour
intégrer des objectifs liés à la protection de
l'environnement dans le secteur du bâtiment : on présentera donc
les nouvelles règles d'efficacité énergétique pour
les bâtiments, la modification des documents d'urbanisme et enfin
l'obligation nouvelle pour certaines constructions de réaliser une
étude d'impact environnemental préalable.
1) Les règles d'efficacité
énergétique issues des lois de Grenelle
a) Les règles pour les bâtiments existants
136Voir Partie 1, Titre 1, Chapitre 1) La protection des
paysages et des milieux naturels
74
Dans un premier temps, présentons donc les objectifs
à atteindre fixés par la loi de Grenelle II concernant les
bâtiments existants.
Au total, il s'agit de réduire les consommations
d'énergie du parc de bâtiments existants d'au moins 38%.
Pour cela, il s'agit de rénover complètement 400
000 logements privés à partir de 2013 et d'engager la
rénovation énergétique de tous les bâtiments de
l'État et de ses établissements publics. En outre, les
collectivités territoriales sont engagées à faire de
même pour leurs propres locaux. Il s'agit enfin de rénover
l'ensemble des 800 000 logements sociaux en commençant par les 200 000
les plus énergivores d'ici 2020.137
En outre la Loi Grenelle II pose le principe d'une
dérogation générale aux documents d'urbanisme en faveur
des travaux qui ont pour but l'amélioration des performance
énergétiques des bâtiments.138 Cependant les
limites, fixées par décret et figurant dans le Code de
l'urbanisme sont nombreuses.139 Le but de ces limites posées
au principe général est de lutter contre une opposition entre
esthétique et architecture environnementale qui engendrerait la
multiplication des contentieux. L'idée est en effet que « Le
problème de l'écoconstruction est principalement d'ordre paysager
». 140
b) Les règles pour les bâtiments neufs
Quant aux objectifs pour les bâtiments neufs, ceux-ci
apparaissent dans les réglementations thermiques (RT). La
dernière en date est la RT 2012. Il s'agit de passer au
label BBC (Bâtiment basse consommation) à compter de fin 2012 pour
les bâtiments privés , ce qui était déjà le
cas depuis 2010 pour les bâtiments publics et les logements sociaux des
programme ANRU.141
Le label BBC est un label officiel créé en
France et qui signifie Bâtiment de basse consommation
énergétique. Ce label a été créé
par l'arrêté du 3 mai 2007 relatif au
137Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement (Grenelle II)
138Article L.111-6-2 du Code de l'urbanisme
139Les limites figurent dans l'Article L.111-6-2 du Code de
l'urbanisme
140JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II
commenté, éditions Le moniteur. Paris, 2011 : p.13 141Agence
nationale pour la rénovation urbaine, établissement public
placé sous la tutelle du Ministère chargé de la
politique de la ville, c'est à dire actuellement le
Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des
sports
75
contenu et aux conditions d'attribution du label haute
performance énergétique aux bâtiments neufs.
Il est également prévu par la RT 2012 un passage
au bâtiment à énergie positive pour tous les
bâtiments à partir de 2020. Cette dénomination reste vague
et ne correspond pour l'instant à aucun label officiel :
« Ces bâtiments dont la définition reste
à préciser seront très sobre en énergie et devront
produire plus d'énergie renouvelable qu'ils n'en consomment.
»142
c) Les incitations à la rénovation des
bâtiments pour accroître les performances
énergétiques
Concernant l'efficacité énergétique des
bâtiments, les Lois de Grenelle n'intègrent pas au droit de
l'urbanisme que des règles coercitives mais aussi des règles
incitatives. Ces dernières visent à inciter les professionnels du
bâtiment à se tourner vers l'architecture environnementale. Cela
fait partie du Plan bâtiment durable qui est un engagement
national pour l'efficacité énergétique. Les incitations
sont de plusieurs ordre : des déductions fiscales, des aides publiques,
des facilités d'emprunts et des formations.143
Concernant les incitations fiscales tout d'abord, la
Réglementation thermique 2012, prolonge le crédit
d'impôt développement durable jusqu'en 2015. Il s'agit d'une
déduction d'impôts pour les entreprises de construction qui
utilisent des matériaux dits durables.
Un autre type d'incitation est d'ordre bancaire avec la
création des éco-prêts à taux zéro
qui concernent ces mêmes entreprises.
Enfin, le dispositif FeeBat (Formation aux
économies d'énergie dans le bâtiment), prolongé
jusqu'en 2017, consiste à proposer des formations aux
professionnels de la construction dans le domaine de la construction durable.
Ces formations délivrent des
« certificats d'économie d'énergie
» (CEE) et sont construites sous
l'égide d'établissement publics sous tutelle de l'État
telles que l'ADEME, de services l'État comme la DGEC (Directions
générale de l'énergie et du climat) ou encore des
142DE GRAMONT, Claire : op. Cit. p.92
143«Rénovations thermique. Eco-conditionalité
: un premier pas vers l'efficacité », Environnement Magazine, Mars
2014, n° 1725
76
organisations de la profession du bâtiment comme l'ATEE,
l'association technique, énergie et environnement.144
Le but est d'arriver à terme à une «
éco-conditionalité des aides publiques »145,
c'est à dire à ce que seules les entreprises de travaux
titulaires d'une qualification RGE, Reconnu garant de l'environnement
puissent bénéficier des dispositifs d'incitation.
En outre la Loi ALUR du 26 Mars 2014 prévoit une
déduction d'impôt à hauteur de 18% du prix des travaux pour
les propriétaires pour mettre un logement aux normes thermiques ou pour
l'achat d'un logement répondant à ces normes.146
2) La modification des documents d'urbanisme avec les
lois de Grenelle
Les Lois de Grenelle opèrent une redéfinition
des principes généraux de l'urbanisme en ce qu'elles
intègrent aux documents d'urbanisme des objectifs de
développement durable.147 On présentera donc trois
documents d'urbanisme qui ont été l'objet de profondes
modifications.
a) Les documents qui contiennent des considérations
environnementales d'ordre général auxquelles l'efficacité
énergétique des bâtiments peut se rattacher :
Les Directives territoriales d'aménagement et
de développement durable148 (DTADD) : Les DTADD ont
remplacé les DTA (Directives territoriale d'aménagement) avec la
Loi de Grenelle II, intégrant ainsi des aspects environnementaux. En
effet, les DTADD et les anciens DTA sont des documents qui déclinent
localement les objectifs de l'État en matière
d'aménagement si les territoires en question présentent des
enjeux nationaux pour un ou plusieurs de ces domaines de compétence
comme l'urbanisme, le logement, le transport et la culture. Et depuis les lois
de Grenelle, y figurent aussi des objectifs de développement durable et
notamment d'efficacité énergétique. 149
144Site internet des formations Feebat,
http://batiment.feebat.org/ « parties prenantes »
145«Rénovations thermique. Eco-conditionalité : un premier
pas vers l'efficacité » : op. Cit. 146Site internet
consacrée à la loi ALUR :
http://www.la-loi-alur.org/loi-duflot/
147JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II commenté,
op. Cit. : Introduction 148Articles L.113-1 à L.113-6 du Code
de l'urbanisme
149Article L.113-1 du Code l'urbanisme
77
La Directive doit être approuvée par
décret en conseil d'État après avoir fait l'objet d'une
évaluation environnementale. Elle peut faire l'objet de révision
et est élaborée en concertation avec les Collectivités
territoriales, lesquelles ont un délai de 3 mois pour donner leur avis,
en l'absence de quoi le document est considéré comme
favorable.150 Il s'agit donc d'un document
d'urbanisme qui est produit au niveau national mais qui a des effets au niveau
local et auquel les lois de Grenelle ont ajoutés des objectifs de
développement durable et en particulier d'efficacité
énergétique.
Le Schéma de cohérence territoriale
(SCOT) : C'est la Loi SRU, en 2000 qui crée le SCOT. Il s'agit
d'un document d'urbanisme local : le SCOT est en effet élaboré
à l'initiative d'une commune ou d'un groupement de communes par un EPCI
(Établissement public de coopération intercommunale) ou un
syndicat mixte.151 La loi de Grenelle II incite à la
généralisation du SCOT.
La fonction du SCOT est prospective et depuis la Loi de
Grenelle II, le SCOT comprend obligatoirement un Projet
d'aménagement et de développement durable qui fixe les
objectifs des politiques publiques sur le territoire. Il s'appuie sur un
diagnostic établi au regard des prévisions économiques et
démographiques et des besoins des territoires.152
Par ailleurs, dans le Rapport de présentation,
doit figurer une étude des incidences prévisibles de la mise en
oeuvre du SCOT sur l'environnement ainsi qu'une présentation des mesures
envisagées pour éviter, réduire ou compenser «
les conséquences dommageables sur l'environnement des options retenues
».153
b) Le plan local d'urbanisme : un outil qui permet directement
de promouvoir une architecture environnementale
Le PLU est également un document d'urbanisme local dont
la réalisation est sous l'autorité de la commune et qui doit
être compatible avec le SCOT.
150Article L.121-10 du Code de l'urbanisme
151Articles L.122-3 et L.122-4 du Code de l'urbanisme 152Article
L.122-3 et L.122-4
153Article R.122-2 du Code de l'urbanisme
78
Tout d'abord, Le PLU est soumis à évaluation
environnementale obligatoire :
« la prise en compte des enjeux environnementaux
à une échelle permettant d'identifier les impacts cumulés
ou les éventuelles incohérences du projet de territoire, ainsi la
pertinence des mesures adoptées pour encadrer la réalisation des
futurs projets d'aménagement. »154
D'autre part la loi de Grenelle II155 donne la
possibilité d'imposer dans les PLU pour des secteurs qui s'ouvrent
à l'urbanisation de respecter des performances
énergétiques et environnementales renforcées
définies dans le Code de l'urbanisme.156
La Loi ALUR supprime en outre le COS, le Coefficient
d'occupation des sols, qui permettait de fixer dans certains quartiers une
densité de construction à ne pas dépasser. Le but de cette
réforme est de « lutter contre l'étalement urbain
»157.
Le PLU est donc un document d'urbanisme qui d'une part porte
le développement durable dans ses objectifs généraux et
qui d'autre part, permet aux maires qui en ont la volonté politique
d'aller plus loin dans ce sens.
3) Les études d'impacts environnemental : une
obligation issue des Lois de Grenelle
On a donc vu que les Lois de Grenelle ont imposé des
normes en matière d'efficacité énergétique et
transformé les documents d'urbanisme afin qu'ils prennent en compte les
enjeux environnementaux, ce à quoi se rattache indirectement, DTADD et
SCOT ou directement, par le PLU, la promotion de l'efficacité
énergétique des bâtiments. Pour finir, les Lois de Grenelle
ont imposé la réalisation d'une étude d'impact pour
certaines constructions qui, « par leur nature, leurs dimensions ou leur
localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur
l'environnement ou la santé humaine »158 Et ce, pour des projets de
travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics comme privés.
Ces projets sont soumis à étude d'impact en
fonction de critères et de seuils définis par voie
réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au
cas par cas effectué par l'autorité administrative de
l'État compétente en matière d'environnement
154HOCREITERE, Patrick : Le Plan local d'urbanisme, 2e
édition, sous la direction de, Groupe Berger-Levrault,
2008, p. 32 à 34
155Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement
156Article L123-1-5 du Code de l'urbanisme
157Site internet dédié à la Loi ALUR
http://www.la-loi-alur.org
158Article L.122-1 du Code de l'environnement
En outre, les dépenses réalisées pour
procéder aux contrôles, expertises ou analyses prescrites par
l'autorité administrative pour assurer l'application des prescriptions
fixées en matière d'environnement sont à la charge du
maître d'ouvrage.159
Le droit de l'urbanisme français a donc connu une
réforme très importante avec les Lois de Grenelle. Il s'agit
d'une réforme qui fait entrer dans le droit de l'urbanisme des objectifs
et des règles en matière environnementale et en particulier
énergétique. Il s'agit notamment d'imposer aux bâtiments
une réduction de leur consommation énergétique. Comme on
l'a vu la France a pour cela créé le label BBC (Bâtiment
basse consommation). Le droit de l'urbanisme français est donc un droit
favorable aux innovations architecturales en matière environnementale et
ses dispositions font que le secteur du bâtiment est de plus en plus
obligé de s'adapter à une architecture environnementale.
79
159L. 122-1 du Code de l'urbanisme.
80
Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations
techniques : critiques et propositions pour l'avenir
Après avoir présenté les théories
et techniques de l'architecture environnementale, ainsi que leur traduction
dans le droit de l'urbanisme français, il s'agit dans ce second titre
d'apporter une dimension critique à ce travail.
Une place importante sera donc faite à des
témoignages d'acteurs impliqués dans le secteur de
l'environnement, de l'urbanisme et de la construction : architectes,
urbanistes, scientifiques mais aussi personnalités politiques et
personnels administratives. Étant confrontés au droit de
l'urbanisme dans l'exercice de leur métier, il semble en effet que ces
personnes sont les plus compétentes pour émettre des critiques
sur le droit existant et faire des propositions pour l'avenir. Certains
témoignages sont issus de supports existants et d'autres ont
été collectés pour les besoins de ce travail.
Il s'agit donc de montrer que le droit de l'urbanisme
français actuel a un rapport favorable à l'innovation
architecturale en matière environnementale mais que cela se
caractérise par un droit trop axé sur les innovations
technologiques.
Dans un premier chapitre, on expliquera donc en quoi le droit
de l'urbanisme français peut être considéré comme un
droit trop axé sur les innovations technologiques dans le domaine
environnemental et on présentera les problèmes qui en
découlent. Puis dans un second chapitre, on présentera deux
propositions qui peuvent être faites pour un développement plus
durable des villes qui ne passe pas par des innovations architecturales d'ordre
technologique.
81
Chapitre 1) Les problèmes posés par un
droit de l'urbanisme trop axé sur les innovations technologiques
Dans ce chapitre, il s'agira donc de montrer en quoi le droit
de l'urbanisme peut être considéré comme un droit trop
axé sur des règles d'ordre technique et les innovations
technologique et de montrer les problèmes d'un tel rapport à
l'innovation dans le domaine environnemental.
§1) Les problèmes de l'accumulation des
règles d'ordre technique pour les professionnels du bâtiment
Il s'agira dans ce paragraphe de montrer que ce n'est pas le
fait en tant tel d'être soumis à des normes environnementales qui
pose problème aux professionnels du bâtiment mais la nature de ces
règles ainsi que leur accumulation.
1) Une reconnaissance générale du
bien-fondé de l'existence de règles environnementales dans le
secteur du bâtiment
a) La nécessité des règles en matière
environnementale
Tout d'abord, les architectes sont dans leur très
grande majorité conscient de la nécessité d'une
architecture respectueuse de l'environnement, c'est à dire qui n'aggrave
pas le changement climatique et ne défigure pas les paysages. Le constat
étant fait du réchauffement climatique et du caractère
limité des ressources non-renouvelables, il paraît en effet
difficile de s'opposer à ce qu'existent des règles ayant pour but
de ne pas aggraver les choses.
En outre, dans la perceptive du «territoire
français comme le patrimoine commun de la nation
»160, seuls les pouvoirs publics apparaissent comme
capables d'imposer, par la loi et le règlement, à un changement
dans les pratiques des professionnels du bâtiment. C'est le sens à
donner aux engagements internationaux, européens et nationaux pris par
la
160Article L110 du Code de l'urbanisme : Annexe 4
82
France en matière environnementale. Dans cette optique,
M. Périnel, architecte rappelle en effet qu'avant que les normes
environnementales soient intégrées aux règles d'urbanisme
il était difficile pour un architecte sensible à l'environnement
de faire de l'architecture environnementale parce que les clients n'en voyaient
pas toujours l'intérêt et d'autant plus parce qu'une telle
architecture a un coût plus élevé :
« Dans l'exercice de mon métier, je n'ai pas eu
assez la possibilité de pousser dans cette direction à cause des
coûts engendrés et du manque de motivation de la clientèle
: par exemple, lors de l'arrivée des vitrages isolants, cela a
été perçu comme tout a fait superflu ( il est vrai qu'a
cette époque le fioul et le gaz ne coûtaient quasiment rien) (...)
Les plus nantis se hasardaient vers les doubles cloisons , les cheminées
a feu ouvert et c'était déjà très bien.
»161
Les règles environnementales semblent donc
nécessaires pour changer les comportements des professionnels du
bâtiment dans le sens d'une urbanisation plus durable.
b) Les règles environnementales créent des
opportunités dans le secteur du bâtiment
Par ailleurs, les règles environnementales peuvent
être considérées comme un phénomène positif
pour le secteur du bâtiment et de la construction en qu'elles ont fait
naître de nouvelles opportunité, ainsi qu'en témoigne un
architecte :
« Le développement durable est un
phénomène positif pour l'architecture et qui à permis de
créer de nouveaux métiers et matériaux....
»162
En effet, les règles environnementale ont permis de
créer de nouveaux métiers, par exemple dans le secteur de
l'évaluation de l'efficacité énergétique des
bâtiments. Ainsi les règles relatives à l'efficacité
énergétiques ont permis de créer des emplois en France.
De même, les règles environnementales ont permis
des créer de nouveaux matériaux et surtout de nouveaux
marchés pour ces matériaux. Par exemple la vente d'isolants
naturels comme la laine de bois et la ouate de cellulose s'est beaucoup
développée.
Enfin, les règles environnementales en matière
d'architecture ont fait que certains architectes ont été
obligés de s'intéresser à ces techniques, ce qui a pu
créer une
161Témoignage de Christian Périnel, architecte :
Annexe 2
162Témoignage d'un architecte, diplômé de
l'École nationale d'architecture de Versailles : Annexe 3
83
émulation favorable aux innovations dans le domaine
environnemental, ce qui est positif de manière générale
pour l'architecture.
c) Des règles qui peuvent cependant être
perçues comme trop unilatérales
On peut reconnaître le caractère
nécessaire des règles en matière d'environnement, en ce
qu'il s'agit d'une cause d'intérêt national mais on peut aussi
avoir une approche qui consiste à penser qu'en matière
environnementale, l'État devrait inciter plutôt qu'imposer et
punir.
Christian Périnel déplore le fait que
l'évolution vers une architecture respectueuse de l'environnement soit
imposée aux architectes. Pour celui-ci, en effet, il faudrait que cela
se fasse sur la base du volontariat : volontariat des architectes, des
entreprises de construction et des clients. Autrement dit, il faudrait que les
règles incitent à l'architecture environnementale plutôt
que d'imposer ce tournant par des règles techniques.
Cependant l'architecte reconnaît qu'aujourd'hui encore
seuls les enjeux financiers sont vraiment incitatifs :
« Aujourd'hui on est encore très loin du
compte et les enjeux financiers restent la seule arme pour
convaincre... bien innocent celui qui pense que le civisme
est un moteur important. »163
Mais comme on l'a montré, de nombreuses mesures
incitatives existent déjà sous forme d'aides publiques et de
déductions d'impôts pour les entreprises de construction,
lesquelles représentent autant d'argent en moins dans les caisses de
l'État.
2) Le problème de l'accumulation des mesures
techniques
a) l'accumulation des normes compliquerait à outrance
le travail des professionnels du bâtiment
Ce n'est donc pas l'idée même de normes
environnementales qui est mis en cause mais la façon dont elles sont
traduites dans le droit de l'urbanisme et en particulier la façon dont
les règles techniques d'ordre environnemental viennent s'ajouter
à un corpus déjà extrêmement lourd de règles
liées à l'urbanisme au sens large : Code d'urbanisme,
163Témoignage de Christian Périnel, architecte :
Annexe 2
84
Code la construction et Code du patrimoine pour ne citer
qu'eux. Cela a pour conséquence une exaspération
générale des architectes et des professionnels du bâtiment
en général à l'égard des règles d'urbanisme,
qui compliquent leur travail. Les règles environnementales, qui sont
pourtant nécessaires, sont donc généralement
perçues comme des contraintes supplémentaires, ainsi qu'en
témoignage Héloïse De Broissia, architecte :
« Ce n'est pas tellement une loi ou norme en
particulier qui est très contraignante, c'est plutôt
l'accumulation de toutes les normes. A la fois les règles du code de
l'urbanisme, mais également les normes PMR, incendie, code du travail,
code de la construction ERP, etc... »164
D'après la Société française des
architectes, qui est l'un des principaux syndicat de la profession, cet
empilement de normes nuirait à la qualité des bâtiments car
l'architecte passerait davantage de temps à se battre avec les
règles d'urbanisme qu'à concevoir des bâtiments de
qualité pour les personnes qui vivront dedans :
« lorsqu'on est trop occupé à
déjouer les chausses-trappes réglementaires, on a physiquement de
moins en moins de temps à consacrer à des variables
négligeables comme l'espace, la lumière, l'orientation, la
qualité d'usages. »165
L'accumulation des normes techniques aboutirait aussi à
des situations dans lesquelles certains projets pourtant nécessaires ne
voient pas le jour car ils n'ont pu répondre à toutes les
règles. François Frédéric Müller et Emmanuelle
Colboc ,architectes, dénoncent cette situation dans le cas du logement
social :
« L'abus de certaines réglementations rend
impossible la construction de certains projets au titre qu'ils ne
répondent pas à toutes les attentes normatives »166
b) Par l'accumulation des règles techniques, le droit
de l'urbanisme oublie l'essentiel : l'espace à vivre
La société française des architectes
dénonce également le fait que le droit de l'urbanisme, qui
accumule les règles techniques de construction, fini par en oublier
l'essentiel : le fait que les constructions sont faites pour les gens qui
vivront dedans :
164Témoignage d'Héloïse de Broissia,
architecte : Annexe 3
165MULLER, François Frédéric et COLBOC,
Emmanuelle, architectes : « Le logement social aujourd'hui : dans quel
état est-il ? » Bulletin de la Société
française des architectes, n°51, 4e semestre 2013
166Idem.
85
« L'ensemble du système normatif ignore
l'essentiel c'est à dire l'espace à vivre. Il ne traite que de
performances techniques. »167
Le cas semble particulièrement flagrant pour le
logement social : par l'accumulation de normes techniques, le logement social a
été totalement uniformisé en France et cela s'est
accompagné en moins de trente ans d'une perte considérable de
surface habitable. En 1987 en effet, un logement social de trois pièces
faisait en moyenne 70m2, pour en moyenne entre 60 et 63m2
aujourd'hui. Autrement dit : «c'est l'équivalent d'une
pièce qui a été perdu. »168
Et la Société française des architectes
de conclure avec cette phrase pleine de sens :
« La question du logement n'est pas une question
technique mais la plus magnifique question humaine posée à
l'architecture. »169
Ce n'est donc pas l'idée de règles
environnementales qui est en cause mais le fait que les règles
environnementales viennent s'ajouter à un droit de l'urbanisme
déjà très lourd, accroissant encore l'impression des
architectes et des professionnels du bâtiment en général
d'être écrasés par un appareil normatif excessif, qui ne
leur permettrait plus d'exercer leur métier dans de bonnes
conditions.
§2) L'architecture environnementale telle que
l'envisage le droit de l'urbanisme français s'éloigne des
principes du développement durable
1) Rappel des principes du développement durable
tels qu'ils figurent dans le droit de l'urbanisme
Comme on l'a dit dans les chapitres précédents :
avec les lois de Grenelle, sont entrés les principes du
développement durable dans le Code de l'urbanisme. En effet, l'article
L110 qui consiste en une présentation des objectifs du Code de
l'urbanisme reprend point par point les principes du développement
durable tels qu'ils sont présentés dans le Rapport Brundtland
de 1987 ou encore dans l'Agenda 21 de 1992.
167Idem. 168Idem. 169Idem.
86
Tout d'abord, on y retrouve, formulée autrement,
l'idée de répondre aux besoins des générations
actuelles sans priver les générations futures de la
capacité de répondre aux leurs. Il s'agit en effet «
d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des
conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transport répondant
à la diversité de ses besoins et de ses ressources »
On y retrouve également les trois aspects du
développement durable : environnemental, économique et social.
Concernant l'aspect environnemental, le Code de l'urbanisme
à en effet pour objectif de «gérer le sol de
façon économe, de réduire les émissions de gaz
à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie,
d'économiser les ressources fossiles, d'assurer la protection des
milieux naturels et des paysages, la préservation de la
biodiversité » et en outre, à propos des
autorités publiques, le Code de l'urbanisme précise que leur
« action en matière d'urbanisme contribue à la lutte
contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement
»
Concernant l'aspect social, le Code l'urbanisme insiste sur le
fait que l'équité doit être à la base de toute
politique publique d'urbanisme : il s'agit en effet de « promouvoir
l'équilibre entre les populations résidant dans les zones
urbaines et rurales » et également d'oeuvrer « sans
discrimination ».
Enfin, le Code de l'urbanisme n'oublie pas l'aspect
économique puisqu'il s'agit de répondre aux besoins des
populations en matière « d'habitat, d'emploi, de services et de
transport ».170
Cependant les règles environnementales du droit de
l'urbanisme correspondent pour l'essentiel à des mesures qui visent des
performances techniques dans la réduction de la consommation
d'énergie des bâtiments. Et par là même, comme on va
le voir, le droit de l'urbanisme s'éloigne des objectifs de
développement durable, en plus de consister en des règles
supplémentaires auxquelles le secteur du bâtiment est soumis.
170Article L110 du Code l'urbanisme : Annexe 4
87
2) Des critiques d'ordre environnemental, social et
économique
La première série de critiques que l'on peut
adresser aux règles environnementales du droit de l'urbanisme au sens
large est justement d'ordre environnemental. C'est l'idée que ces normes
ont des effets contre-productifs en matière écologique. On
présentera d'abord le problème causé pas les technologies
d'automatisation des bâtiments, puis on s'intéressera à ces
nouveaux matériaux de construction que les réglementations
thermiques prônent : les matériaux dits Haute qualité
environnementale (HQE®).
a) Le coût énergétique des technologies de
pointe
Les réglementations thermiques visent à
diminuer le plus possible la consommation énergétique des
bâtiments. Et selon un article paru dans Environnement &
Énergie Magazine, avec les objectifs actuels issus de la RT 2012,
les solutions classiques ne suffisent plus, il faut à présent
passer à des technologies de plus en plus sophistiquées :
« Mieux isoler, assurer une bonne
étanchéité à l'air, miser sur des doubles, voire
triples vitrages... Pour limiter la consommation des passoires
énergétiques, les recettes sont connues. Mais l'entrée en
vigueur de la nouvelle réglementation thermique change la donne. Pour
atteindre 50 kWh/m2/an, la laine de roche et un mode de chauffage
performant ne suffisent plus. »171
On peut recourir par exemple aux technologies de la domotique
qui permettent d'automatiser les bâtiments afin de ne chauffer et de
n'éclairer une pièce vraiment que lorsque cela est
nécessaire. Le problème est que la fabrication de ce genre de
technologie nécessite de fortes dépenses
énergétiques et de fortes émissions de gaz à effet
de serre. La fabrication de ces équipements technologiques visant
à limiter la consommation énergétiques va donc dans le
sens inverse de l'objectif initial de ces technologies : économiser de
l'énergie.
b) La question des matériaux labellisés
HQE®
La question du coût énergétique de
fabrication ces technologies ne se limite cependant pas à la domotique
et peut s'appliquer aussi aux nouveaux matériaux de
171« Bâtiment : efficacité active, mode
d'emploi » : Environnement et Énergie Magazine, n°17, Mars
2014
88
construction labellisés Haute qualité
environnementale dont la Réglementation thermique 2012 prône
l'utilisation à travers le plan Bâtiment basse
consommation.
Haute qualité environnementale correspond
à une certification des matériaux qui est donnée par
l'Association HQE, crée en 1996 par les pouvoirs publics et qui vise
à inscrire la construction dans un projet de développement
durable. La certification HQE par l'association permet aux matériaux
d'obtenir le label « NF Ouvrage Démarche HQE® » de
l'AFNOR.
L'AFNOR est l'association française de normalisation
qui est l'organe chargé en France de déterminer que tel ou tel
produit commercialisé répond aux normes françaises. C'est
donc le label qui détermine que tel ou tel matériau de
construction est écologique ou pas selon les normes françaises.
Et justement, la réglementation thermique actuelle incite à voire
contraint, par ses dispositions, à utiliser ce genre de matériaux
pour atteindre les objectifs d'efficacité énergétique des
bâtiments.
Critiques d'ordre écologique
:
Le premier problème est que le caractère
écologique des matériaux labellisés HQE n'est pas
véritablement prouvé. En effet, il est très difficile de
déterminer l'empreinte énergétique d'un matériau
pendant toute sa durée de vie. Certaines données comme les
besoins énergétiques liés à la fabrication de
matériaux sont faciles à calculer mais il est déjà
plus difficile de calculer le coefficient de transmission thermique d'un
matériau (c'est à dire la quantité de chaleur qui traverse
une surface donnée en un temps donné) d'autant plus que celui-ci
varie selon les climats. Enfin, l'estimation de l'énergie
nécessaire à la préservation, à la
démolition ou au recyclage d'un ouvrage est impossible à
évaluer précisément. Pourtant, des labels du type HQE
existent dans de nombreux pays industrialisés, Minergie en
Suisse et BREEAM en Grande-Bretagne par exemple, et il existe
même un label européen.172
Les règles d'urbanisme incitent donc à utiliser
des matériaux labellisés dont on ignore si le caractère
écologique est vraiment supérieur à celui d'un autre
matériau. Les architectes dénoncent donc un « business
» de l'architecture environnementale et une
172VAN UFFELEN, Chris : op. Cit. : Introduction p. 7
à 12
89
collusion d'intérêt entre l'État et les
industriels qui fabriquent les matériaux HQE®. C'est pour cette
raison que que l'Ordre national des architectes s'est retiré en 2004 de
l'Association HQE. Cependant, pour l'instant, l'AFNOR continue de labelliser
les matériaux HQE® et le secteur de la construction continue donc
de les acheter. On peut citer cette phrase issue du bulletin n° 51 de la
Société française des architectes :
« cette volonté farouche de réglementer
chaque parcelle de notre vie, à commencer par les logements,
débouche inexorablement sur de nouveaux besoins matériels
quantifiables est marketables, bientôt transformés en nouveaux
marchés. »173
En outre, comme le montre Rudy Ricciotti dans son ouvrage
consacré à la question, ces matériaux, dont on ne
connaît pas la véritable nature écologique sont produits
dans les pays émergents, ce qui signifie qu'on délocalise la
pollution et la consommation d'énergie nécessaire à leur
fabrication.174
La démarche HQE, encouragée par le droit de
l'urbanisme français va donc à l'encontre des recommandation de
l'Agenda 21 en matière de construction. L'Agenda 21
lequel prône en effet de recourir à des matériaux
locaux et de promouvoir les techniques traditionnelles, de recourir à
des techniques de construction exigeant de la main d'oeuvre plutôt que de
la technologie et aussi de décentraliser l'industrie du bâtiment
en multipliant les petites entreprises175. Et au contraire, les
règles environnementales actuelles du droit de l'urbanisme
entraînent l'utilisation de techniques de construction qui
nécessitent une forte technologie (et donc une forte consommation
d'énergie), qui sont fabriqués à l'autre bout du monde (ce
qui entraîne une consommation d'énergie liée au transport
des matériaux) et qui font la part belle aux grands groupes industriels
de fabrication de matériaux de construction.
Critique d'ordre économique : le coût des
matériaux HQE®
En outre, les matériaux HQE® ont un coût
plus important que la moyenne. C'est là aussi que réside
l'idée d'un business de l'architecture environnementale encouragé
par le droit de l'urbanisme à travers la Réglementation
thermique. Cela va une fois de plus à l'encontre de l'Agenda 21
qui recommande de préférer des matériaux peu
onéreux et
173Bulletin de la Société française des
architectes n°51 op. Cit.
174RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales
sur la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013
175STEELE, James : op. Cit. : p. 171
90
disponible sur place, le but étant que l'architecture
environnementale ne soit pas un privilège de pays riches.
Cette critique à l'égard des matériaux
HQE® correspond à une critique de l'architecture industrielle qu'on
a présenté lorsqu'on parlait des enjeux de l'architecture
environnementale. Face à la multiplication des matériaux
industriels qui augmentait le coût des bâtiments certains
architectes, tels que l'Américain Samuel Mockbee, se sont en effet
donnés pour règle d'utiliser des matériaux à bas
coût.
Ainsi, les règles environnementales françaises
de construction aboutissent à un effet inverse à leur but qui est
l'architecture écologique puisqu'elles prônent l'utilisation de
matériaux industriel et d'une haute technologie
Critique sociale des matériaux HQE
Enfin, on peut adresser une critique d'ordre social à
la promotion des matériaux HQE® que fait le droit de l'urbanisme
à travers la réglementation thermique.
Tout d'abord, ces matériaux sont produits dans les pays
émergents et donc leur production ne crée pas d'emploi en
France.
Ensuite, ce sont des matériaux avec lesquels la
construction du bâtiment ne nécessite pas une main d'oeuvre
importante, ce qui a aussi des conséquences en terme d'emploi.
L'architecte Rudy Ricciotti déplore par ailleurs le fait que ce type de
matériaux fait oublier ce qu'il appelle « la mémoire du
travail » et aboutie à long terme à « la perte
irréversible des savoirs faire » et en particulier des
métiers de la façade.176
On peut donc dire que le droit de l'urbanisme fait
indirectement la promotion de l'utilisation de matériaux qui ne sont pas
durables en terme d'emploi.
176RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur
la chevalière au doigt, édition le Gac Presse, 2013, p.9
91
La critique de l'ordre national des
architectes
L'Ordre national des architectes, qui s'est retiré en
2004 de l'Association HQE, fait une synthèse de toutes ces critiques en
proposant la création d'un nouveau label qui prendrait en compte tous
les aspects du développement durable.
L'ordre national des architectes dit en effet que la
démarche HQE est une démarche trop centrée sur la facette
environnementale du développement durable et qui en oublie les autres
facettes : sociale et économique. Pour ce qui est de la facette
économique en effet, ces matériaux alourdissent
considérablement le coût des bâtiments. Pour la facette
sociale, l'Ordre national des architectes dénonce des matériaux
produits « hors-sol » qui nécessitent une technologie
importante et peu de main d'oeuvre.
« Par rapport aux enjeux de développement
durable auxquels est confronté l'ensemble des acteurs de la chaîne
de construction, la démarche HQE, dans sa conception actuelle,
s'avère ainsi être tout à la fois réductrice,
minimaliste, technicienne et castratrice. »177
L'Ordre national des architectes a donc la volonté que
soit créé un label plus global « développement
durable » qui prendrait en compte l'ensemble des aspects de ce
concept.
On a donc montré dans ce chapitre que le droit de
l'urbanisme est critiqué pour ses règles environnementales. Tout
d'abord parce que ces règles viennent s'ajouter à des
règles qui étaient déjà extrêmement
nombreuses et ensuite parce que le droit de l'urbanisme, à travers la
réglementation thermique et son application dans les documents
d'urbanisme, fait la promotion de la haute technologie et de matériaux
labellisés Haute qualité environnementale, dont la
production et l'utilisation ont non seulement des effets inverses à leur
objectif de réduire la consommation énergétique mais aussi
des conséquences négatives en matière sociale et
économique. Dans le chapitre suivant, il s'agira de présenter des
solutions qui permettent une urbanisation durable sans pour autant passer par
la technologie.
177« L'Ordre des architectes quitte l'association HQE :
Quelques explications», Site internet de l'Ordre national des architectes
, avril 2005
92
Chapitre 2) Propositions pour une une urbanisation plus
durable sans passer par des innovations architecturale d'ordre technologique
On a donc critiqué dans le paragraphe
précédent la façon dont sont pris en compte les enjeux
environnementaux dans le droit de l'urbanisme, c'est à dire en
étant trop axé sur les innovations technologiques. Dans ce
dernier chapitre, il s'agit de présenter des solutions pour une prise en
compte plus globale des enjeux environnementaux dans l'architecture. Il ne
s'agit en aucun cas d'atteindre l'exhaustivité mais de présenter
deux éléments majeurs.
Ainsi, dans un premier paragraphe, on présentera la
solution de la densité urbaine en montrant que cela nécessite des
innovations architecturales d'un autre ordre que technologique. Puis dans un
second paragraphe, on montrera que l'échelle locale est celle à
laquelle il est le plus possible de faire évoluer la ville en
général et l'architecture en particulier vers un
développement plus durable.
§1) La densité : l'enjeu clef d'une
urbanisation durable
1) Qu'est-ce-que la densité ?
La notion de densité apparaît pour la
première fois en France au milieu du XXe siècle à
l'époque où fut créé la DATAR : la
Délégation interministérielle à
l'aménagement du territoire et à l'attractivité
régionale. La création de la DATAR est venue du constat d'une
trop grande centralisation en France des forces vives en région
parisienne. Ce constat est notamment celui du géographe
Jean-François Gravier dans son ouvrage Paris et le désert
français paru en 1947. On parle donc d'une trop forte
densité des activités et des institutions en région
parisienne, ce qui a pour conséquence une trop faible densité
d'activité dans les autres régions : c'est ce constat qui a
été à l'origine de la décentralisation. La
densité c'est donc tout d'abord la concentration des activités
dans un même espace.178
178WACHTER, Serge (sous la direction de) : Dictionnaire de
l'aménagement du territoire : État des lieux et prospectives,
éditons Belin, 2009 : « densité » p.152-156
93
Ensuite, si la France a été marquée comme
tous les pays développés par une forte urbanisation au court du
XXe siècle, un phénomène inverse débute à
partir des années 1980. En effet, de plus en plus de gens
désirent quitter les villes et s'installer à la
campagne ou en périphérie des villes afin de
bénéficier d'une cadre de vie plus agréable. Ce
phénomène est appelé « rurbanisation »
lorsque les personnes s'installent à la campagne et «
périurbanisation » lorsque celles-ci s'installent en
périphérie de villes. La conséquence est dans les deux cas
le grignotage des espaces agricoles et naturels. La densité, autrement
dit la concentration en ville des activités et notamment des logements,
serait donc une manière de lutter contre l'étalement urbain : en
construisant davantage en ville, on économiserait des terres agricoles
et des espaces naturels.179
Enfin, la question de la densité urbaine, c'est aussi
celle de la « pluralité
fonctionnelle » autrement dit le fait de
concentrer dans un même espace des activités de nature
différente : logement, travail, consommation et loisir. La
densité urbaine est donc l'inverse du « zonage monofonctionnel
» qui a dominé pendant la première moitié du XXe
siècle et qui consistait à séparer les activités
dans des espaces différents. Le but du zonage mono-fonctionnel
était notamment relatif à la salubrité des villes. En
effet, dans une France industrielle, il paraissait nécessaire, de
séparer les lieux d'habitation, de loisir et de consommation des
fumées des usines. Cependant, le problème du zonage
mono-fonctionnel est que cela augmente le temps passé dans les
transports pour se rendre d'une lieu à un autre et ainsi la consommation
énergétique liée au transport et les émissions de
gaz à effet de serre. La densité, qui consiste à
concentrer des activités différentes dans un même espace
apparaît donc comme une solution pour limiter le coût
écologique lié au transport. 180
La densité urbaine apparaît donc comme une
solution envisageable pour une urbanisation plus durable.
La Loi ALUR va d'ailleurs dans ce sens puisque concernant les
construction neuves, ils s'agit de « densifier en zone urbaine, pour
construire là où sont les besoins » et aussi de
« lutter contre l'étalement urbain »181.
Cela est mis en oeuvre dans le Code de l'urbanisme par une suppression des COS
dans les Plans locaux d'urbanisme, les
179WACHTER, Serge : op. Cit. : p.152-156
180Réflexions croisées sur le développement
durable : op. Cit. Interview de Sébastien Giorgis, architecte
et paysagiste
181Site internet dédié à la Loi ALUR
http://www.la-loi-alur.org
94
Coefficients d'occupation des sols qui obligeaient en effet
à ne pas dépasser une certaine densité de construction
dans certains quartiers.
Cependant, comme on va le voir, la densification des villes ne
va pas non plus sans poser certains problèmes, qu'il est
nécessaire d'essayer de pallier.
2) Une densité vivable nécessite une
évolution socio-économique que l'architecture peut rendre
possible
a) L'enjeu d'une densité vivable
Comme on a pu le voir lorsqu'on a présenté les
différents enjeux de l'architecture environnementale, il n'existe pas de
solution miracle qui puisse résoudre tous les problèmes
environnementaux liés au bâtiment. Ainsi, la densité dont
on a présenté le potentiel écologique, ne va pas sans
poser de problème
En effet, il ne faut pas tomber dans le piège de
règles techniques d'urbanisme qui ont tendance à faire passer la
performance technique avant la qualité de vie. Il faut prendre en compte
la question de la « densité vécue ». En effet,
si les français ont le désir d'aller s'installer à la
campagne ou en périphérie des villes, ce n'est pas pour rien.
C'est parce qu'ils considèrent que leur qualité de vie y sera
meilleure qu'en ville, la ville qui se caractérise justement par la
densité. Selon Sabine Barles, ingénieure au CNRS, les
français ont donc une mauvaise image de la densité urbaine et
c'est justement là que réside l'enjeu d'une densité
urbaine réussie : faire percevoir la densité autrement. Car en
effet, si la densité aboutie à des villes étouffantes,
toutes les économies d'énergie liées au transport
réalisées grâce au zonage multifonctionnel seront perdues
dès que les personnes auront une journée de libre car ils
n'auront qu'une idée : fuir la ville.182
Pour que la densité soit vivable, on pourrait dire
durable, il faut donc que la densité soit perçue
autrement. Cela nécessité une évolution des modes de vie
que l'innovation architecturale peut rendre possible.
182Réflexions croisées sur le développement
durable : op. Cit., interview de Sabine Barles, ingénieure au
CNRS
95
b) Rendre la densité durable par l'innovation
architecturale
On a montré précédemment que le droit de
l'urbanisme était critiquable en ce qu'il faisait une trop grande place
aux innovations technologiques dans sa prise en compte des enjeux
environnementaux. Il a donc pu sembler que l'innovation en matière
architecturale était forcément liée à la
technologie et qu'une architecture environnementale ou durable
devait refuser l'innovation et s'en tenir à des architectures
traditionnelles.
Ce n'est pas le cas. En effet, on a défini en
introduction l'innovation comme « Introduire dans une chose
établie quelque chose de nouveau, d'encore inconnu »183.
Il n'est là aucunement question de technologie.
Une architecture peut être innovante sans pour autant
recourir à une haute technologie mais en ce qu'elle apporte une
« évolution du système socio-économique
», c'est à dire une évolution des modes de vie et de
production des richesses. En matière environnementale, il s'agit de
faire baisser les besoins en ressources non-renouvelables. Selon le philosophe
Alfred Nordmann en effet :
« La réponse à la crise
environnementale se joue non pas tant dans l'avènement d'un âge
d'or fait d'électrons verts, mais plutôt du côté des
sociétés elles-mêmes, animées par des collectifs
d'acteurs
hétérogènes, autour d'hybridations entre
les modèles dominants et des modèles alternatifs.
»184
Et comme on l'a montré, la densité, qui
représente une solution pour économiser les terres agricoles et
les espaces naturels, nécessite une évolution pour devenir
vivable et donc durable. Et cette évolution peut être mise en
oeuvre grâce à l'innovation architecturale. En effet, l'enjeu
actuel de la densité est de changer la façon dont les personnes
vivent la densité. L'architecte Michel Benaïm montre ainsi que
puisque les français ont le désir d'habiter une maison
individuelle, il s'agit pour l'architecte « d'individualiser l'habitat
collectif ». Pour cela il s'agit de concevoir des logements
collectifs où les habitants puisse retrouver la même sensation
d'être vraiment chez eux que dans un habitat individuel. Cela passe par
la gestion de l'intimité dont dépend la conception des
bâtiments : l'isolation phonique et visuelle notamment. C'est à
dire pour commencer, construire des murs suffisamment isolants entre les
appartements pour
183Dictionnaire culturel en langue Française, Le Robert,
2005, Tome 2 (D-L), sous la direction Alain Rey, « innover » p.
1998
184« L'innovation peut elle sauver la planète ?
» : Agnès Sinaï,
Actu-environnement.com, 1er
Avril 2014
96
qu'une famille n'entende pas ce que fait ses voisins et
construire les bâtiments de telle sorte qu'il n'y ait pas de
vis-à-vis.
L'enjeu est donc, par l'innovation architecturale de
créer des logements collectifs où l'on a l'impression de vivre
dans un habitat individuel. L'idée serait de pouvoir cumuler les
avantages des deux modes d'habitat : la tranquillité du logement
individuel et les économies d'énergie liées à la
réduction de la consommation liée au transport que peut permettre
le logement collectif.
On peut donc dire que l'enjeu de la densité est entre
les mains des architectes. Cela rejoint la formule du protocole de Kyoto qui
parle d'une « responsabilité pour aujourd'hui et pour demain
» des architectes.185 Ainsi, la véritable
innovation architecturale qui permet la protection de l'environnement n'est pas
d'ordre technologique mais d'ordre socio-économique.
§2) L'échelle locale est celle où la
volonté politique peut entraîner le développement d'une
architecture durable.
Dans le paragraphe précédent, on a donc
montré que la densité urbaine pouvait être une solution
pour une urbanisation durable. A présent, il s'agit de montrer que
quelque soient les défauts du droit de l'urbanisme actuel, il existe une
échelle spatiale où il est possible aux élus d'oeuvrer
pour une urbanisation plus durable. Il s'agit de l'échelle locale, c'est
à dire celle de la commune ou du groupement de communes.
1) La commune : échelle spatiale pertinente pour
une urbanisation durable
a) Les compétences de la commune en matière
environnementale
Les compétences de la commune en matière
environnementale se partagent entre pouvoirs de police générale
et pouvoirs de police spéciale.
185VAN UFFELEN, Chris : op. Cit. : p.11
97
La police administrative générale correspond au
maintient de l'ordre public. Le maire doit donc prendre des mesures pour
veiller à la salubrité, la sécurité et la
tranquillité des administrés. En matière environnementale,
il s'agit donc en particulier de mesures préventives et de secours en
cas de fléaux comme les incendies, les pics de pollution
atmosphérique, les inondations ou encore les avalanches.
Et parmi les pouvoirs de police spéciale que
détient le maire, la principale est celle de l'urbanisme car la commune
détient la compétence générale en matière
d'urbanisme. C'est la commune en effet qui est chargée de
délivrer les permis de construire et qui établie les documents
d'urbanisme locaux comme le Plan local d'urbanisme.186 Comme on le
verra, le Plan local d'urbanisme (PLU) est un document qui permet
véritablement aux élus de d'oeuvrer pour une une urbanisation
plus durable.
b) Rappel de la fonction du PLU en matière
environnementale
Le PLU, il semble utile de la rappeler, est un document
d'urbanisme, voté par le conseil municipal et exécuté par
le maire, qui permet de réglementer l'urbanisation. Celui-ci doit
être compatible avec le SCOT et est soumis à évaluation
environnementale obligatoire.187 D'autre part, la loi de
Grenelle II188 donne la possibilité aux communes d'imposer
dans les PLU, pour des secteurs qui s'ouvrent à l'urbanisation, de
respecter des règles environnementale (et en particulier de performance
énergétique) renforcées.189
Le PLU est donc un document d'urbanisme très important
en matière environnementale. D'une part, le développement durable
fait partie des objectifs généraux du PLU et d'autre part, le PLU
donne la possibilité aux élus qui en ont la volonté
politique, d'aller plus loin dans l'architecture durable en renforçant
les règles en matière d'environnement.
Guy Mouraux, Maire d'Entraigue-sur-Orges, parle du PLU comme
« l'arme fatale des maire»190 en matière
environnementale. Selon lui, le vrai pouvoir du maire consiste,
186« Les compétences du maire en matière
d'environnement sont variées », Interview de Philippe Billet,
professeur
agrégé en droit public :
Actu-environnement.com, 28
Mars 2014
187 HOCREITERE, Patrick (sous la direction de) : op. Cit.
: p. 32 à 34
188Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l'environnement
189Article L123-1-5 du Code de l'urbanisme
190Réflexions croisées sur le développement
durable : op. Cit. : Interview de Guy Mouraux, Maire
d'Entraigue-sur-
Orge
98
grâce au PLU, à pouvoir discuter d'égal
à égal avec les promoteurs immobiliers dans une démarche
de qualité environnementale. Et cela permet en particulier de
créer des écoquartiers.
c) Le cas de l'écoquartier
L'écoquartier correspond à une
démarche de qualité environnementale. Il s'agit d'un label dont
l'obtention dépend d'une prise en compte globale des enjeux
environnementaux dans l'urbanisation et qui est délivrée par le
Ministère de l'écologie, du développement durable et de
l'énergie.
« Un écoquartier est un projet
d'aménagement urbain qui respecte les principes du développement
durable tout en s'adaptant aux caractéristiques de son territoire. Le
Ministère s'est doté d'un référentiel en
matière d'aménagement durable. Des textes de
référence posent également les principes de la Ville
durable. »191
Il s'agit de limiter les dépenses
énergétiques mais aussi d'oeuvrer pour la densité de
l'espace urbain, dont on présenté les avantages environnementaux
et les enjeux dans le paragraphe précédent. L'écoquartier
s'inscrit par ailleurs dans la démarche HQE Aménagement
qui a été notamment inspirée par la Charte de
Leipzig sur la ville européenne durable192 de 2007. Et
l'obtention du Label écoquartier permet aux communes de
bénéficier de prêts à taux
préférentiels de la Caisse de dépôts pour financer
les opérations d'aménagement.193
Parmi les critères du label écoquartier
figurent aussi des objectifs de développement économique. Et
dans certaines villes, l'aménagement selon les critères de
l'écoquartier a permis de créer des espaces qui attirent
les entreprises. La démarche écoquartier a permis par
exemple de redynamiser une ville comme Granville dans la Manche, où le
déclin de l'industrie de la pêche avait entraîné un
déclin économique.194
Cependant, certains maires sont méfiants quant à
cette démarche. Certain craignent en effet que la création de ce
type de quartier exemplaires n'ait pas les conséquences voulues.
Certains maires craignent en effet la gentrification de ces quartiers,
autrement dit
191Site internet du Ministère de l'Écologie, du
développement durable et de l'énergie
192 Le texte de la Charte de Leipzig est disponible sur le Site
internet du Ministère des affaires étrangères 193BIDOU,
Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : Le maire et son écoquartier : 21
maires témoignent. Victoires édictions, 2013 p.107
194BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit.
p.31
99
le fait que l'installation d'une population aisée fasse
monter en flèche le prix de l'immobilier, ce qui finirait pas chasser
les populations moins aisées hors de ces quartiers. Selon Jean Legros,
ancien Maire de la ville de Tournus en Bourgogne :
« ce qui arrive fréquemment, c'est que ces
quelques quartiers sont des écoquartiers bobos » 195
L'autre risque de la démarche écoquartier
est d'en faire une sorte de vitrine et de ne pas faire d'effort dans le
reste de la ville. C'est le risque d'un label environnemental de façade
qui servirait davantage la réputation du Maire que la qualité de
vie des habitants. C'est l'avis par exemple de Michel Chartier, Maire de la
ville de Collégien en Seine-et-Marne :
« je n'ai pas choisi la logique écoquartier,
qui me paraissait trop rigide, trop gadget. En fait on fait un cercle et on ne
regarde pas ce qui se passe à côté, on essaie de faire un
truc qui soit un beau modèle à l'intérieur. 196
Enfin pour Michel Benaïm, architecte,
l'écoquartier ne peut se concevoir que dans le cadre d'une «
nouvelle gouvernance multidisciplinaire ». C'est à dire
que l'écoquartier doit faire partie d'un urbanisme de projet, autrement
dit ne pas être uniquement le projet de l'élu mais un projet qui
serait issu d'une concertation préalable avec différents
professionnels de l'aménagement : paysagistes, architectes, urbanistes
ou encore des scientifiques tels les thermiciens. En outre, Michel Benaïm
déclare que les citoyens devraient aussi être associés
à la démarche. En effet, cela permettrait justement
d'éviter que l'écoquartier ne soit qu'une vitrine et de
garantir qu'il s'agisse d'un véritable projet de
territoire.197
L'échelon de la commune est donc un échelon
auquel il est réellement possible d'aménager la ville de
façon durable grâce à un outil fondamental : le
Plan local d'urbanisme. Celui-ci permet en effet d'établir des
règles de construction qui vont dans le sens du développement
durable. L'un des cas particuliers est celui de la démarche
écoquartier, qui peut être un outil efficace, en
dépit des critiques que l'on peut formuler, si on l'intègre
à un véritable urbanisme de projet.
195BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit.
p.23
196BIDOU, Dominique, CARFANTAN Gwenaëlle : op. Cit.
p.23
197 Réflexions croisées sur le développement
durable : op. Cit. : Interview de Michel Benaïm, architecte
100
2) Le transfert de compétences au groupement de
communes : une amélioration pour une urbanisation plus durable ?
a) Le transfert de compétences de la commune au groupement
de commune
On a donc montré que l'échelon communal
était un échelon où il était possible d'agir
réellement pour un aménagement durable des villes. Cependant, la
tendance actuelle de l'évolution des institutions est au transfert de
compétences des communes vers le groupement de communes en
matière d'urbanisme et en particulier dans le domaine de
l'environnement. Il s'agit donc à présent de présenter
cette évolution et de montrer en quoi elle va dans le sens d'un
urbanisme plus durable.
A noter que l'on parle de communauté de communes
pour un groupement de villages, de communauté urbaine pour
un groupement de villes et de communauté d'agglomération
pour un groupement qui regroupe des villages et des villes (par exemple la
Communauté d'agglomération du Pays d'Aix). La
métropole enfin, dont le statut a été
créé par une loi du 7 Janvier 2014198 est
organisée autour d'une grande ville. (Par exemple le Grand Paris, ou
Lyon Capitale).
La protection et la mise en valeur de l'environnement, comme
l'assainissement, restent des compétences optionnelles pour les
Communautés de communes et d'agglomération, mais elles deviennent
obligatoires pour les Communautés urbaines, au même titre que la
contribution à la transition énergétique ou la gestion des
déchets ménagers. Enfin la métropole exerce de plein droit
des compétences environnementales à la mesure de son territoire
comme le prévoit la loi du 7 janvier 2014.
Cette évolution est sensée aller dans le sens
d'une simplification de ce qu'on appelle communément le
mille-feuille administratif français et d'un
développement plus durable des territoires.199
198Loi du 7 janvier 2014 de modernisation de l'action publique
territoriale et d'affirmation des métropoles (Mapam) 199«
Modernisation de l'action publique territoriale : où est la
simplification ? »
Actu-environnement.com : 29
Janvier 2014
101
b) Le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi)
La Loi ALUR, qu'on a déjà évoqué,
plusieurs fois, crée l'obligation pour les groupements de communes de
faire un Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) avec lequel le PLU de
chaque commune membre doit être compatible. Il s'agit d'une des mesures
phares de la partie Partie IV de la loi ALUR, intitulée «
Moderniser l'urbanisme dans une perspective de transition écologique des
territoires»200
Dans le PLUi comme dans le PLU, il s'agit d'« engager
la transition écologique des territoires», de «
favoriser la densification des quartiers pavillonnaires », de
« donner un coup d'arrêt à l'artificialisation des
espaces naturels et agricoles » et enfin de « limiter
l'étalement urbain notamment quand il est dû à des
implantations commerciales dont les surfaces de stationnement consomment
excessivement le foncier en périphérie. »201
Le PLUi a donc dans ses objectifs généraux la transition vers un
urbanisme plus durable et la question de la densité urbaine est au coeur
de cet objectif.
L'idée est que l'échelle territoriale où de
tels objectifs ont le plus de sens est l'échelle intercommunale. Tout
d'abord, cette idée repose sur le constat que la plupart des
compétences en matière d'environnement sont passées de la
commune au groupement de communes et que cela s'accompagne d'un transfert de
moyens :
« Par ailleurs, l'intercommunalité, par la
mutualisation des moyens et des compétences qu'elle permet, exprime et
incarne la solidarité entre les territoires. »202
Il semble par ailleurs que le PLUi est surtout
nécessaire dans les communes rurales. L'idée est en fait que
l'échelle de la commune rurale n'est aujourd'hui plus pertinente parce
que la commune ne peut plus fonctionner seule par manque de moyens. C'est
l'avis de Noelle Vix-Charpentier, architecte-urbaniste :
« ça me semble intelligent. La commune rurale,
on voit bien qu'elle ne peut pas fonctionner toute seule »203
Pour justifier cette idée, Noelle Vix-Charpentier prend
l'exemple de la commune de Bayonville sur mad en Meurthe-et-Moselle où
une crèche intercommunale a ouvert ses portes en 2010. Dans ce village
d'environ 350 habitants, l'ouverture d'une crèche gérée
200Site internet dédié à la loi ALUR
201Site internet du Ministère de l'égalité
des territoire et du logement 202Idem.
203 Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste : Annexe 1
102
par la mairie et qui n'aurait servi qu'aux habitants du
village, autrement dit à une dizaine d'enfants en bas âge tout au
plus, n'était pas pensable au vu des investissements nécessaires.
La crèche qui a été ouverte dans le village est en fait
gérée par la Communauté de commune du Chardon Lorrain et
celle-ci est destinée à accueillir les enfants en bas âge
des 37 villages membres. Cet exemple montre que l'échelle du groupement
de communes est plus pertinente pour une question de moyens financiers mais
aussi pour une question de prise en compte des besoins des habitants sur un
territoire. Planifier à l'échelle intercommunale permet de
mutualiser les moyens et les équipements, qui seront plus rentables
puisqu'ils serviront à une population plus nombreuse. Il en va de
même pour les politiques publiques liées à l'environnement
: dans le cas des communes rurales, il semble nécessaire de faire une
planification sur un territoire plus large que la commune. Cela permet de faire
des économies en matière financière mais aussi de faire
des économies d'énergie et d'économiser la terre.
Il semble donc que la tendance de l'évolution des
institutions vers un transfert de compétence en matière
d'urbanisme de la commune aux groupement de commune soit aussi une
manière d'aller vers une urbanisation plus durables, notamment quand on
se place dans le cas des communes rurales.
Conclusion de la partie 2
On observe donc depuis la fin des années 1960 une
progression de la prise en compte des enjeux environnementaux à
l'échelle internationale, comme en témoigne la tenue de
conférences internationales sur ces sujets. Cette évolution a
également marqué l'architecture et c'est pourquoi on a
présenté les différents enjeux d'une architecture qu'on
pourrait qualifier d'environnementale en encore de durable.
Car en effet, c'est à travers le prisme du développement
durable qu'est envisagée l'architecture environnementale.
On a ensuite présenté la traduction des
principes du développement durable dans le droit de l'urbanisme
français en montrant en quoi cela permet de faire la promotion d'une
architecture environnementale. Cependant, il est apparu que la façon
dont est envisagée l'architecture durable dans le droit de l'urbanisme
est trop axée sur des innovations d'ordre techniques et technologiques,
ce qui d'une part constitue des règles
103
supplémentaires pour le secteur de l'environnement qui
éprouvait déjà un sentiment d'exaspération à
l'égard des règles d'urbanisme, et qui d'autre part trahit d'une
certaine façon les objectifs de développement durable. Enfin on a
présenter deux aspects d'une solution pour un développement plus
durable des villes : favoriser la densité urbaine et mettre l'accent sur
l'échelon communal et surtout intercommunal.
104
CONCLUSION
Le droit de l'urbanisme a donc un rapport très
différent à l'innovation architecturale en matière
esthétique et en matière environnementale.
En matière esthétique, le droit de l'urbanisme a
en effet un rapport de méfiance voir de rejet à l'égard de
l'innovation architecturale. Cela se manifeste par des règles
d'urbanisme qui sacralisent ce qui existe déjà, le patrimoine
architectural, les espaces naturels ou les paysages au détriment de
l'émergence de nouvelles formes esthétiques en architecture. On a
cependant montré que les contraintes d'ordre esthétique du Code
de l'urbanisme ou issues d'autres codes constituaient un cadre de travail pour
les architectes et pouvaient même dans certains cas être un moteur
pour l'innovation esthétique dans la mesure où la
créativité naît souvent de la contrainte.
En matière environnementale au contraire, le droit de
l'urbanisme a un rapport très favorable à l'innovation
architecturale. En effet, les règles environnementales du droit de
l'urbanisme, qui suivent le mouvement d'une prise de conscience
générale des enjeux environnementaux depuis la fin des
années 1960, ont pour effet de pousser le secteur du bâtiment dans
son ensemble à viser la performance technique en matière
d'efficacité énergétique. Les professionnels du
bâtiments et les architectes en particulier, qui reconnaissent la
nécessité de règles environnementales, dénoncent
cependant le fait que le droit de l'urbanisme est trop axé sur les
innovations technologiques. C'est l'idée qu'à viser la
performance technique, par une technologie de plus en plus sophistiquée,
le droit de l'urbanisme aboutie à des résultats parfois inverses
aux objectifs de développement durable sur lesquels il se fonde. Et il
semble en définitive qu'une urbanisation durable passe moins par des
innovations technologique, que par une évolution des modes de vie et de
gouvernance. C'est pourquoi on a présenté dans le dernier
paragraphe deux solutions qui semblent réalisables pour que la ville
future soit plus durable : créer une densité urbaine qui
corresponde à une qualité de vie et mettre vraiment l'accent sur
l'échelon local.
105
En matière esthétique comme en matière
environnementale le droit de l'urbanisme a donc un rapport excessif à
l'innovation architecturale : excessivement hostile en matière
esthétique et excessivement tourné vers la haute technologie en
matière environnementale.
106
Annexe 1
Entretien avec Noëlle Vix-Charpentier,
architecte-urbaniste, codirectrice de l'Atelier A4 architecture et urbanisme
durables à Metz, Lorraine entretien réalisé le
28/02/2014
En tant qu'architecte-urbaniste, dans quelle mesure le
droit de l'urbanisme est une contrainte dans votre travail ? Comment le droit
de l'urbanisme est perçu parmi les architectes en général
?
Pour ma part, j'ai deux casquettes : l'une
est celle de maître d'oeuvre en bâtiment et en aménagement
et l'autre est celle de la planification urbaine : j'écris donc des
règlements qui vont devenir des contraintes pour d'autres
confrères. Mais du fait de ma pratique de la maîtrise d'oeuvre,
j'ai un autre regard quand j'écris un règlement que quelqu'un qui
serait purement administratif ou juriste. Ça, c'était pour dire
que j'ai la formation ad hoc pour faire ce que je fais.
En ce qui concerne les règlements, j'ai beaucoup de
confrères qui n'aiment pas les règlements, qui trouvent que ce ne
sont que des contraintes, que cela bride la liberté d'expression. Moi je
considère que quand on est architecte, on travaille dans un contexte, on
ne travaille jamais sur un terrain vierge. Et même si le terrain
était vierge et qu'il n'y avait pas de construction, il y a toujours un
environnement. Donc on ne peut pas se contenter de regarder ce qu'il y a sur sa
parcelle : on est obligé de regarder ce qu'il y a gauche et à
droite. Donc le droit de l'urbanisme est nécessaire : par exemple les
PLU. Il y des gens qui composent intelligemment avec le droit et d'autres qui
sont plus dans l'idée que le droit les empêche de s'exprimer. Mais
je crois que l'évolution avec les nouvelles générations
est qu'on est en train d'évacuer cette idée de l'architecte
artiste qui fait ce qu'il veut. J'observe toutes les attitudes parmi mes
confrères.
107
Justement, quelle loi, quel règlement en
particulier vous semble excessivement contraignant ?
Le problème de la législation est qu'on est
obligé de composer avec un certain nombre de normes parfois
contradictoires. Par exemple quand on est dans un périmètre de
protection de l'architecte des bâtiments de France et notamment par
rapport au développement durable. Par exemple, la RT 2012 (la loi de
rénovation thermique) qui est entrée en vigueur au premier
janvier 2013, vise à aller vers des bâtiments plus économes
en énergie. Cette loi exige des parois vitrées sur un
sixième des façades sud pour bénéficier des apports
passifs, mais l'architecte des bâtiments de France de Moselle nous limite
à deux velux par toiture. Donc les un sixième de parois
vitrés sont impossibles à mettre en oeuvre.
Il en va de même avec des normes relatives à
l'accessibilité pour les handicapés. La Loi de 2007 concerne
toutes les formes de handicaps. Le cas classique : à Bayonville sur Mad
par exemple, la mairie a dû, suite à la loi, faire construire un
linéaire très important pour seulement une dizaine de marche.
D'une part, cela coûte très cher à la réalisation et
ce n'est pas tellement esthétique et d'autre part on arrive à une
aberration parce qu'on a pensé à cela mais on n'a pas
pensé à la grand-mère qui peut encore marcher mais qui
aurait besoin d'un appui : on a pas installé de rampe pour se tenir.
On a des réglementations qui essayent de bien cadrer
les choses mais il y a encore beaucoup de problèmes d'ergonomie.
L'ergonomie c'est l'adaptation à la morphologie de l'être humain
à tout âge de la vie. Par exemple lorsqu'on construit une
crèche, cela pourrait être bien de mettre les fenêtres
à hauteur des enfants. C'est aussi la question de la prise en main des
choses.
Le débat est de savoir s'il faut tout normer
(sic) ou si on recherche plutôt à faire des
bâtiments qui soient agréable à vivre.
Autre sujet : j'ai lu que de nombreux architectes
étaient favorable à la montée en puissance de l'urbanisme
de projet. Pourriez-vous s'il vous plaît m'en dire plus sur le sujet ? Et
qu'en pensez vous personnellement ?
Cela a commencé avec la multiplication des POS dans les
PLU suite à la Loi SRU qui a modifié profondément les
documents d'urbanisme et en particulier le POS. Avant, le
108
POS était un outil de gestion : c'était non pas
le projet des architectes-urbanistes mais le projet des élus. Et
désormais cela prend de plus en plus d'importance parce que les lois
Grenelle, ont imposé la réalisation de Plans d'aménagement
et de développement durables : c'est un document d'aménagement,
un pré-schéma d'aménagement qui reprend les enjeux de
diagnostiques et les objectifs et les actions à mener en cartographie.
C'est une vision à très très long terme. Ce document est
traduit dans tous les documents opposables au tiers. On définit la
densité. C'est très schématique puisque c'est opposable au
tiers.
Avant l'élu disait je veux ça, et
c'était fait sans réfléchir. Les nouvelles
législations permettent d'éviter les aménagements par
poche successive, ce qui est un enjeu important concernant les voies de
transport. La nouvelle législation permet de restreindre les
velléité des élus.
La dernière étape est la Loi Duflot-ALUR : qui
généralise les PLUi : l'idée est de passer du banc
communal à une échelle plus petite. Ce n'est donc plus
forcément la commune qui va décider. C'est à mettre en
perspective avec la réflexion sur l'Acte III de la
décentralisation. Cela me semble intelligent. La commune rurale, on voit
bien qu'elle ne peut pas fonctionner toute seule.
Prenons par exemple la crèche de Bayonville sur Mad.
Elle est intercommunale. Ça n'aurait eu aucun sens de la faire à
l'échelle communale. Et ainsi la crèche prend en compte les
besoins des communes alentours. On va donc vers une certaine rationalisation
qui me semble positive.
Quel est votre point de vue sur les règles
d'urbanisme en matière environnementale ? Et quels sont d'après
vous les enjeux principaux de l'architecture environnementale aujourd'hui
?
La question de fond est là encore de savoir s'il faut
tout gérer par le droit. Pour les enjeux, avec la RT 2012, on va vers le
bâtiment passif. Le problème et l'enjeu des années à
venir, c'est la rénovation. La rénovation des logements
construits depuis les années 1970. La question se pose moins pour les
bâtiments anciens parce que les murs étaient plus épais.
109
La question est aussi celle de la précarité
énergétique à tous les niveaux : locale,
départementale, régionale. C'est pour cela qu'existent des aides
pour le changement de chaudières.
Votre agence fait de l'architecture durable. Pouvez
vous me dire quels matériaux vous utilisez et pour quel usage
?
A l'agence, on fait beaucoup de marchés publics alors
les réglementations sont encore plus strictes que pour le bâtiment
privé. Les matériaux qu'on utilise sont ceux qui ont reçu
l'agrément du CSTB, l'organisation qui agrée les matériaux
pour le bâtiment.
La question des matériaux, c'est celle de
l'étanchéité des bâtiments à l'air, à
l'eau mais aussi de la respiration. La RT 2012 oblige à l'isolation. Et
il faut dire que les normes ne sont pas les mêmes dans toute la France,
compte tenue des conditions climatiques. Pour isoler on utilise beaucoup la
fibre de bois, qui est un produit plus sain, plus naturel que la fibre de
verre. L'enjeu en fait, c'est de faire des bâtiments étanches
à l'air mais qui laissent ressortir l'humidité. Alors on fait des
tests d'étanchéité avec de la fumée noire. Pour
l'isolation des toits on utilise aussi les toitures
végétalisées et il est important aussi de penser à
l'isolation du dallage.
Et hors question de matériaux, dans une architecture
durable, on recherche aussi la compacité du bâtiment.
Et une question importante est aussi celle de l'apport de
lumière. C'est la question de l'orientation des façades. Il vaut
mieux mettre les ouvertures au Sud pour profiter de l'ensoleillement. Mais
alors, il ne faut pas oublier de mettre des protections solaires.
110
Annexe 2
Entretien avec Christian Périnel, architecte
à la retraite, Lorraine Entretien réalisé en
Mars 2014
Considérez-vous le droit de l'urbanisme comme
une contrainte qui limite de façon excessive la créativité
ou comme un cadre nécessaire?
Les règles d'urbanisme sont comme les règles de
n'importe quel jeu de société : sans cadre général,
il ne peut y avoir de cohérence, c'est comme si l'un jouait à la
bataille avec l'autre qui joue à la belote.
Quelles normes en particulier vous paraissent
excessivement contraignantes ?
Le plus souvent ce sont celles impulsées par les
groupes d'intérêt, les opportunités politiques,
financières ou fiscales et autres élucubrations gadgets, assez
rarement issues du bon sens ou ayant pour but l'intérêt des futurs
résidents, dont on se prévaut pourtant.
La conséquence est un manque de cohésion dans le
temps, à cause de textes volages qui changent tout le temps.
Comment vous positionnez-vous par rapport à
l'architecture durable/écologique ? Avez-vous réalisé des
projets de ce type dans l'exercice de votre métier ?
L'architecture écologique (celle a bilan
énergétique et pollution zéro) est la seule possible. Sans
cela, les sept milliards de pèlerins sur terre auront tôt fait de
finir de dévaliser la boule.
Dans l'exercice de mon métier, je n'ai pas eu assez la
possibilité de pousser dans cette direction à cause des
coûts engendrés et du manque de motivation de la clientèle
: par exemple, lors de l'arrivée des vitrages isolants, cela a
été perçu comme tout a fait superflu (il est vrai qu'a
cette époque le fuel et le gaz ne coûtaient quasiment rien) et
puis, sur un plan simplement culturel, les clients trouvaient que le
poêle a bois restait la solution ! Les plus nantis se hasardaient vers
les doubles cloisons et les cheminées a feu ouvert et c'était
déjà très bien.
On était en 1965-1970 : il aura fallu plus de cinquante
ans pour commencer a faire
111
bouger un peu les mentalités. Aujourd'hui on est encore
très loin du compte et les enjeux financiers restent la seule arme pour
convaincre... bien innocent celui qui pense que le civisme est un moteur
important.
Que pensez-vous du développement croissant des
normes environnementales en matière d'architecture et d'urbanisme ? Les
considérez vous comme des contraintes supplémentaires ou comme
quelque chose de positif ?
Les normes environnementales sont nécessaires pour
donner le cap quand elle ne sont pas stupides ou inadaptables ou encore en
perpétuel changement, c'est à dire dans un bon tiers des cas...
Elles sont perçues comme des contraintes supplémentaires, presque
toujours mal comprises ou mal expliquées ou les deux (voir les
récentes catastrophes provoquées en bordure de mer).
Cela rentre déjà un peu mieux, quand il y a des
incitations financières mais c'est tout... Mille fois j'ai entendu
« Ho ! ils nous font chier avec leur conneries ! c'est pas eux qui payent
! » Il est vrai qu'il est difficile de prendre au sérieux un texte
législatif qui change cinq fois le temps de réaliser
l'ouvrage...
Dans un autre domaine, l'accès des bâtiments
publics pour les handicapés... Regardez les escaliers devant tous les
palais de justice de France ! Cela résume assez bien.
Alors, oui, bien sûr, il faut une règle du jeu,
oui, bien sûr, elle doit évoluer avec les moeurs, les goûts,
les modes, oui, bien sûr, elle va changer avec les nouvelles techniques
et les nouveaux matériaux. Mais en amont, il faut bien expliquer et
démontrer l'intérêt financier et faire que ça soit
volontaire plutôt qu'obligatoire : ce qui sort de la cheminée,
tout le monde s'en fout, par contre, ce qui sort du porte-feuille...
Quels matériaux utilisiez-vous dans l'exercice
de votre métier ?
Les matériaux utilisés dans la construction sont
tous normalisés : AFNOR, CSTB, CE et surtout les fameux DTU, qui sont la
bible incontournable pour tous les intervenants.
Leur non-respect fait perdre à tout le monde le
bénéfice des garanties des assurances professionnelles (sauf pour
les mercenaires qui travaillent sans, qui ne sont
112
que peu ou pas réprimandés, ou tous ceux qui
exercent illégalement sans qualifications professionnelles et les voyous
en tous genres.
113
Annexe 3
Entretien avec deux jeunes diplômés de
l'École Nationale d'architecture
de Versailles Héloïse de Broissia vient d'avoir son
diplôme. La deuxième personne, déjà en poste dans
une agence, a tenu a garder l'anonymat. Entretien réalisé le
29 Mars 2014
En tant que jeunes architectes, considérez-vous
le droit de l'urbanisme en général comme une contrainte qui
limite de façon excessive la créativité ou comme un cadre
nécessaire ?
Personne n°2 : Cette question est
à double tranchant. D'un certain coté, pour conserver une
harmonie urbaine, il est important d'avoir des règles qui cadrent l'acte
de construire. Lorsque ce n'est pas le cas, comme à Dubaï, on se
retrouve avec un tissus urbain assez disparate et mal équilibré.
Mais il est vrai que certaines communes dans leurs réglementations
urbaines sont trop directives (en imposant des toitures à double pentes,
des matériaux ainsi que leurs coloris...) Néanmoins, on dit
toujours que la créativité naît de la contrainte et on voit
certaines opérations, qui, en jouant avec la réglementation,
produisent les projets les plus intéressants.
Héloïse de Broissia : Pendant les
études, on ne nous demande généralement pas de nous
conformer aux règles d'urbanisme. Mais je partage l'avis selon lequel la
créativité naît souvent de la contrainte.
Quelles normes/lois en particulier vous paraissent
excessivement contraignantes ? Personne n°2 : Il est difficile de
répondre à cette question car les principaux documents
d'urbanisme avec lesquels nous travaillons sont établis par les communes
et ces règles varient d'une commune à l'autre. (Par exemple : la
Trinité sur mer impose des toitures à double pentes avec un angle
variant entre 35 et 45°, des ardoises comme matériaux de
couverture...)
114
Il faut savoir également qu'il est possible de
déroger aux règles d'urbanisme de certaines communes (à ma
connaissance principalement en Région parisienne) en justifiant que le
projet crée une meilleure harmonie urbaine. C'est un point que nous
pouvons négocier avec les services d'urbanisme des communes en
question.
Cela dépend également des classifications des
secteurs urbains, par exemple les lois qui régissent une ZPPAUP sont
extrêmement contraignantes alors que quand on travaille dans un secteur
AU, le cadre est beaucoup plus souple.
Héloise de Broissia : Ce n'est pas
tellement une loi ou norme en particulier qui est très contraignante,
c'est plutôt l'accumulation de toutes les normes. A la fois les
règles du Code de l'urbanisme, mais également les normes PMR,
incendie, code du travail, code de la construction ERP... Il y a beaucoup
d'articles et de livres qui parlent de ça en ce moment. En fait,
l'accumulation de toutes ces normes à des répercussions sur le
coût des bâtiments. De grands groupes comme Vinci et Bouygues, par
exemple, commencent à manifester contre ça. D'autre part l'Ordre
des architectes milite également pour un allègement de toutes ces
normes.
Comment vous positionnez-vous par rapport à
l'architecture durable/écologique Personne n°2 : Le
développement durable est un phénomène positif pour
l'architecture et qui a permis de créer de nouveaux métiers et
matériaux.
Mais il faut savoir que les industries ont la main mise sur ce
secteur et que les règles d'urbanisme qui traitent du
développement durable et qui permettent d'avoir des subventions sont
encore trop récentes et pas adaptées. (Tu peux lire: HQE Les
renards du Temple de Rudy Ricciotti)
Afin d'avoir un label ou des subventions, nous devons
justifier de la production d'énergie, et utiliser uniquement des
matériaux labellisés et non de la manière dont le
bâtiment a été pensé... (les dimensions des
ouvertures et les épaisseurs d'isolation.)
Point important à savoir : La majorité pour ne
pas dire la quasi totalité des bâtiments HQE ne sont optimum que
dans le cas de température extrême (chaud ou froids) mais pour le
reste ils ne sont pas adapté.
On peut parler aussi du Plan climat de Paris, qui, en 2010
imposait les mêmes
115
consommations énergétiques à des
bâtiments de logement, bureau ou EHPAD, il n'y avait pas encore de
distinction. Cependant il faut savoir que les consommations
énergétiques de bureau ou EHPAD sont nettement supérieures
à celle des logements.
En conclusion : oui à la pensée durable, mais il
faut regarder en détails le cadre juridique sur lequel il repose.
Héloise de Broissia : Je partage cet
avis et te conseille vivement ce livre de Ricciotti qui ouvre les yeux sur le
fait que la course aux Labels HQE est un véritable marché et que
ces règles manquent parfois cruellement de bon sens. Cependant,
l'architecte se doit d'être sensibilisé à la protection de
l'environnement et être conscient de l'impact de ses projets sur la
planète.
116
Annexe 4
Paragraphe introductif de l'article L110 du Code de
l'urbanisme Ce paragraphe introductif définit les objectifs
généraux de l'urbanisme :
« Le territoire français est le patrimoine
commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire
et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le
cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes
et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports
répondant à la diversité de ses besoins et de ses
ressources, de gérer le sol de façon économe, de
réduire les émissions de gaz à effet de serre, de
réduire les consommations d'énergie, d'économiser les
ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des
paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la
conservation, la restauration et la création de continuités
écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité
publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations
résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la
demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent,
dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et
leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière
d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et
à l'adaptation à ce changement. »
117
Annexe 5
Constructions dont il est question dans la Partie
1
Figure n°1 : Les colonnes de Buren sur le parvis
du Palais royal à Paris (artiste : Daniel Buren, 1986)
Source :
http://wikipedia.fr
Figure n°2 : La gare TGV d'Aix-en-Provence
(architecte : Jean-Marie Duthilleul, 2001)
Source : http://architopik.lemoniteur.fr/
Figure n°3: Le Palais omnisports de Bercy
(architectes : Michel Andrault et Pierre Parat, 1983)
Source : http://vincentthe2.blogspot.fr/
Figure n°4 : Le centre d'aviron sur les rives du
Douro au Portugal (architecte : Alvaro Fernandes Andrade, 2013)
118
Source : http://www.ozartsetc.com/
119
Figure n° 5 : Salle de rock « Stadium »
à Vitrolles (architecte : Rudy Ricciotti, 1990)
Source : http://www.rudyricciotti.com/
Figure n°6 : La rénovation de l'Opéra
de Lyon (architecte : Jean Nouvel, 1993)
On observe en particulier le dôme vitré qui
n'existait pas dans l'édifice original.
Source : photographie personnelle
120
Figure n°7 : La caserne militaire à
Mulhouse, reconvertie en habitat collectif (TOA architectes
associés, 2013)
Source : http://www.dna.fr/
Figure 8 : Musée gallo-romain de
Lyon-Fourvières (architecte : Bernard Zehrfuss,
1975) Le musée est enterré. Les «
canons à lumière » sont les rectangles noirs
cerclés de blanc qu'on voit sur la partie droite de la photographie.
Source :
http://wikipedia.fr
Figure n°9 : Le Centre Georges-Pompidou à
Paris (architectes : Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco
Franchini, 1977)
121
Source :
http://arpc167.epfl.ch
122
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Ouvrages généraux sur
l'urbanisme
CHOAY, Françoise : L'urbanisme : utopie et
réalité. Seuil, 1979
MERLIN, Pierre : L'urbanisme, Que sais-je, PUF, 1991
Ouvrages et manuels ce droit de l'urbanisme
DE GRAMONT, Claire : Réussir la planification et
l'aménagement durables, ouvrage réalisé à
l'initiative de l'ADEME, éditions Le Moniteur, 2013 : Chapitre «
climat et énergie » p. 88 à 122
GUILLOT Ph. Ch.-A., DARNANVILLE Henry-Michel : Droit de
l'urbanisme. Ellipses, 2012
HOCREITERE, Patrick (sous la direction de) : Le Plan local
d'urbanisme, 2e édition, éditions Groupe Berger-Levrault, 2008 :
p. 32 à 34
JEZOUGO, Yves (Sous la direction de) : Le Grenelle II
commenté, éditions le moniteur, 2011
MONIER, Mireille: L'urbanisme de protection : un droit au
service du patrimoine. Lextenso Editions, Gualino 2013
MORAND-DEVILLER, Jacqueline : Droit de l'urbanisme 8ème
édition 2008, Memento Dalloz
123
SABARIT-BOURGEOIS, Isabelle : L'essentiel du droit de
l'urbanisme, 7e édition, éditions Gualino, Les carrés,
2010
Ouvrages généraux sur
l'architecture
MARTIN, Jean : Architecture ou l'art de bien bastir, 1553
RICCIOTTI, Rudy, Pièces à conviction. Les
interview au vitriol d'un sudiste 1993/1997, Éditions Sens et Tonka,
Paris,1998
RICCIOTTI, Rudy, L'architecture est un sport de combat,
entretien avec David D'Equainville. Éditons Textuel, 2013
VITRUVE, De Architectura, -25 avant J-C
Ouvrages sur l'architecture
environnementale
LEQUENNE, Philippe et RIGASSI, Vincent : Habitat passif et
basse consommation, Principes fondamentaux et études de cas en neuf et
en rénovation, éditions Terre vivante, 2011
RICCIOTTI, Rudy : La HQE® brille comme ses initiales sur
la chevalière au doigt, éditions le Gac Presse, 2013
STEELE, James : Architecture écologique : une histoire
critique. Ouvrage traduit de l'Anglais par Emmanuelle Bels-Jones,
éditions Actes sud, 2005
VAN UFFELEN, Chris : Architecture écologique, traduit
de l'Anglais par Pascal Tilche, éditions Citadelles et Mazenod, Paris,
2010
Ouvrages sur les énergies
BARRE, Bertrand : Atlas des énergies : quels choix pour
quels développement, éditions Autrement, 2007
Films documentaires
Réflexions croisées sur le développement
durable, Maison de l'architecture et de la ville
PACA , 2010 :
Interview de Michel Benaïm, architecte ;
Interview de Guy Moureaux, Maire d'Entraigue sur Orge ;
Interview d'Oliver Sidler thermicien ;
Interview de Sébastien Giorgis, architecte et paysagiste
;
Interview de Sabine Barles, ingénieure au CNRS
Faits d'architecture (2) / 7 émissions TV conçues
par Catherine Terzieff ; divers réalisateurs Ministère de la
culture : images de la culture, architecture et design, 2000 Émission
consacrée au Palais Omnisports de Bercy
Sites internet
Sites internet d'accès au droit
Site internet de Legifrance, le service public de la diffusion
du droit, Code de l'urbanisme, Code du Patrimoine, Code de la construction,
Code de l'environnement, Code forestier en ligne
http://Legifrance.fr.gouv
124
Site internet eur-lex, l'accès au droit de l'Union
Européenne :
http://eur-lex.europa.eu
:
Sites internet institutionnels
Site Internet de du Ministère des affaires
étrangères :
Rapport de la Commission Brundtland Notre avenir commun, 1987
http://diplomatie.gouv.fr/
Charte de Leipzig sur la ville européenne durable, 2007
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/25/Charte_Leipzig_Fr.pdf
Site internet du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie : « politique des
sites »: http://www.developpement-durable.gouv.fr/
Site internet dédié à la Loi ALUR
http://www.la-loi-alur.org
Site internet de l'Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie (ADEME) « Le crédit
d'impôt développement durable »
http://ecocitoyens.ademe.fr/financer-mon-projet/renovation/credit-dimpot-developpement-durable
Site internet des formations Feebat, Formations aux
économies d'énergie dans le bâtiment
http://batiment.feebat.org/ : « parties prenantes »
Divers
Site internet de l'École d'urbanisme de Versailles, page
« master » : http://www.versailles.archi.fr/
Site internet du musée Gallo-Romain de
Lyon-Fourvières :
http://www.musees-gallo-romains.com/lyon_fourviere/presentation
125
Site internet de l'agence d'architecture Rudy Riciotti :
http://www.rudyricciotti.com/
126
Articles issus de revues
spécialisées
Revues spécialisées en
architecture
EK : villes en transition architectures durables, A Vivre
éditions
Dossier « Traces recyclées : transformation d'une
ancienne caserne en logements à Mulhouse » : Magazine EK Villes en
transition, architectures durables. A vivre éditions, N°36
Décembre 2013-Janvier 2014. Pages 63 à 69
Revues spécialisées en urbanisme
Urbanisme
Hors série n°45 « L'écologie,
l'énergie, les villes »
www.urbanisme.fr
« Un nouveau regard sur les grands ensembles »,
Urbanisme n°388 Printemps 2013 p.30
Entretien avec Cécile Duflot, Ministre de
l'Égalité des territoires et du Logement. Urbanisme n°45
Juin 2013. Hors Série. « L'urbanisme, la ville, l'écologie
». La revue urbanisme. N°388 Printemps 2013
Bruno Vayssière : Entretien « Pour une
patrimonialisation délibérée », dossier « Les
grand ensemble, histoire et devenir » Urbanisme n°322,
janv.-févr. 2002
Revues spécialisées en
environnement
Revue en ligne,
Actu-environnement.com
L'actualité professionnelle du secteur de
l'environnement:
http://Actu-environnement.com:
127
« Modernisation de l'action publique territoriale :
où est la simplification ? »
29 Janvier 2014
http://www.actu-environnement.com/ae/news/modernisation-action-publique-territoriale-environnement-energie-20577.php4
Interview de Philippe Billet, professeur agrégé en
droit public : « Les compétences du maire
en matière d'environnement sont variées ». 28
Mars 2014
http://www.actu-environnement.com/ae/news/philippe-billet-maires-competences-environnement-21210.php4#xtor=EPR-1
« L'innovation peut elle sauver la planète ? » :
Agnès Sinaï, 1er Avril 2014
http://www.actu-environnement.com/ae/news/regards-terre-2014-innovations-durables-21241.php4#xtor=EPR-1
« Plan bâtiment durable : des efforts demeurent dans
la rénovation »,
http://actu-environnement.com/ae/news/plan-bâtiment-durable-renovation-20620.php4
Environnement Magazine
«Rénovations thermique. Ecoconditionalité : un
premier pas vers l'efficacité », Mars 2014, n° 1725
Environnement & Énergie Magazine
« Batîment : efficacité active, mode d'emploi
« , n°17, Mars 2014
Entretiens
Entretien avec Noëlle Charpentier, architecte à
Metz, do-directrice de l'Atelier A4 architecture et urbanisme durables.
Entretien réalisé le 28/02/2014 : Annexe 1
128
Entretien avec Christian Périnel, architecte à
la retraite (Lorraine) : propos recueillis en Mars 2014 : Annexe 2
Entretien avec deux jeunes diplômés de
l'architecture de Versailles, entretien réalisé le 29 Mars 2014 :
Annexe 3
Dictionnaires
Dictionnaire en langue française, Le Robert, 1995, sous la
Direction d'Alain Rey
Dictionnaire Larousse, 2012
Dictionnaire Dalloz, 2012
Le petit Larousse illustré, 2008
Dictionnaire de l'aménagement du territoire : État
des lieux et prospectives, sous la direction de Serge Wachter, éditons
Belin, 2009
« Densité » p.152 à 156
Articles publiés dans des revues
généralistes
Interview de Andrew Todd pour
cafébabel.com : le magazine
européen.'L'architecture, un acte politique » 28/09/2008
Interview de Rudy Ricciotti « CRICR /La République
» (1993), PACA n°13, 1994, p30 et 37
Interview de Rudy Ricciotti : « architecte, je lutte contre
la pornographie réglementaire » Publié le 25 avril 2013 sur
le site
Contrepoints.org
129
HUGO, Victor : « Guerre aux démolisseurs »,
Revue des deux mondes, 1° mars 1832.
Dossier « Nouvelles infrastructures de transport»,
Revue Pays d'Aix, n°5 Janvier-Février 2014, P.18 et 19
Articles et travaux universitaires
AMPHOUX Pascal, TIXIER, Nicolas, « L'architecture sous
contraintes », in Colloque international L'écriture à
contrainte, Université Grenoble III - Stendhal, CEDITEL, Grenoble, 25 au
27 mai 2000.
OGIER, Magali : Innovations architecturale et droit de
l'urbanisme. Mémoire de DESS en droit de l'urbanisme et de la
construction, 1995
Articles issus d'organisations professionnelles
d'architectes
Bulletin de la Société française des
architectes, n°514, 4e semestre 2013
« Le logement social aujourd'hui : dans quel état
est-il ? » François Frédéric Müller et
Emmanuelle Colboc, architectes
« L'Ordre des architectes quitte l'association HQE :
Quelques explications» Communiqué publié que le site
internet de l'Ordre national des architecte, Avril 2005
130
TABLE DES MATIERES
Remerciements p.5
Introductionp.6
Partie 1) droit de l'urbanisme et innovation
architecturale en matière esthétique p.19
Titre 1) Le droit de l'urbanisme : un droit de la
protection de l'esthétique qui est un obstacle à
l'innovation architecturale p.20
Chapitre 1) Les règles de protection du patrimoine
architectural
|
p.21
|
§1) Origine et évolution de la notion de
patrimoine
|
p.21
|
1)Définition et origine de la notion de patrimoinep.21
|
|
2)Évolution de la notion de patrimoinep.22
|
|
§2)Les outils juridiques de la protection du
patrimoinep.23
|
|
1)Protection générale par le droit de
l'urbanismep.23
|
|
2)Protection au titre des monuments historiques
|
p.24
|
3)Les Aires de mise en valeur de l'architecture et du
patrimoinep.26
|
|
4)Les secteurs sauvegardésp.26
|
|
Chapitre 2) Les règles de protection des paysages
et des espaces naturels
|
p.28
|
§1)Fondements et définitionp.28
|
|
1)Fondements de la protection des paysages et espaces
naturelsp.28
|
|
2)Définition des termesp.28
|
|
§2)Les outils de protection des sites et espaces
naturelsp.29
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1)La protection des sitesp.29
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a) une protection générale des sites par le droit
de l'urbanismep.29
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b)Les sites inscrits et classésp.30
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c)La loi du 8 Janvier 1993 : une protection renforcée des
sitesp.31
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d)Les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine
: volet paysagerp.32
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e)Le « patrimoine mondial de l'humanité »
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p.32
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f)Les espaces boisés classésp.32
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2)La protection des espaces naturelsp.33
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a)Les espaces naturels sensiblesp.33
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b)Les lois montagne et littoral.p.34
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c)Les zones Natura 2000p.34
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d)Les parcs nationaux et la parcs régionauxp.34
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Chapitre 3) Le contrôle de l'esthétique par
le juge administratif
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p.36
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§1)Les moyens de contrôle du juge
administrati
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p.36
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1)Présentation et fondements
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p.36
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2)Deux niveaux de contrôle
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p.37
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§2)L'examen des faits et la décision du
jugep.38
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Titre 2)Les architectes et la contrainte
réglementaire en matière esthétique: une
relation
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p.40
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ambivalente
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Chapitre 1)Le droit de l'urbanisme : une contrainte
excessive pour les architectesp.41
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§1)Les excès de la protection du patrimoine
architectural
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p.41
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1) Un certain rejet de ma modernité esthétique
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p.41
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2)Le risque des « villes musée »
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p.41
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§2)Les excès de la protection des sites et
des espaces naturels
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p.42
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1)La sacralisation des paysages et des espaces naturel
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p.42
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2)Différentes façons d'introduire une construction
dans un paysage
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p.43
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§3)Une critique générale des
règles d'urbanisme
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p.44
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1)Les règles d'urbanisme briderait la
créativité des architectes
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p.44
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2)L'empilement des normes complique excessivement l'exercice
du métier d'architecte
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p.45
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Chapitre 2)Le droit de l'urbanisme : une contrainte
nécessaire, un outil de travaillent, voire un
moteur pour l'innovation architecturale
p.48
§1)La nécessité des règles
d'urbanisme p.48
1)Pour un développement harmonieux des villes
p.48
2)La nécessité de protéger les sites et
le patrimoine architectural p.49
§2)Le droit de l'urbanisme : un cadre de travail
pour les architectep.50
1)Une composante du cadre de travail des architectes
p.50
2)L'urbanisme de projet : quand le projet crée la
contrainte p.51
§1)Les contraintes architecturales comme moteur de
l'innovation esthétique p.52
1)Les contraintes liées à la protection du
patrimoine architectural et paysager comme moteur de la
créativité p.52 2)Dans le processus de
création, les architectes se donnent d'autres contraintes de nature
esthétiques p.54
131
Conclusion de la partie 1 p.55
132
Partie 2) Droit de l'urbanisme et innovation
architecturale en matière de protection de
l'environnementp57
Titre 1)Le droit de l'urbanisme et la prise en compte
des enjeux environnementaux en
architecture p.58
Chapitre 1)La prise en compte des enjeux
environnementaux dans l'architecture à l'échelle
internationale p.58
§1)Prise de conscience institutionnelle des enjeux
environnementaux et genèse du développement
durable p.59 1)Contexte de prise
de conscience des enjeux environnementaux et courants théoriques avant
le
développement durable p.59 a)Les
premières organisations de défense des enjeux
environnementauxp.59
b)L'internationalisation du débat et la genèse
du développement durable p.60 2)Émergence du
développement durable et définitionp.61 a)Notre avenir
commun, 1987p.61 b)Le sommet de la terre de Rio en 1992p.62
§2)La prise en compte des enjeux environnementaux
en architecture : un phénomène
internationalp.63 1)Une architecture
économe en énergie dans son fonctionnementp.63 a)La
technologie au service de l'environnementp.64 b)L'adaptation de l'architecture
au climatp.65 2)Une architecture économe en énergie par ses
matériauxp.66 a)La question de l'énergie grisep.66
b)L'habitat passif et basse consommationp.67 3)Un architecture qui porte une
atteinte la plus faible possible aux paysages et aux espaces naturelsp.67 4)La
nécessité d'une architecture accessible à tousp.68
Chapitre 2)Les enjeux environnementaux relatifs
à l'architecture dans le droit de l'urbanisme
français p.70
§1)Les engagements de la France en matière
environnementale et les objectifs à atteindrep.70
1)Les engagements internationaux de la France en
matière environnementale p.70 a)Les engagements internationaux
non juridiquesp.70 b)Les directives européennesp.71
2)Les engagements nationaux p.72
§2)La mise en oeuvre des objectifs
environnementaux en matière de construction dans le droit de l'urbanisme
français_p.73
1)Les règles d'efficacité
énergétique issues des lois de Grenelle p.73 a)Les
règles pour les bâtiments existantsp.73 b)Les règles pour
les bâtiments neufsp.74 c)Les incitations à la rénovation
des bâtiments pour accroître les performances
énergétiquesp.75 2)La modification des documents d'urbanisme
avec les lois de Grenellep.76 a)Les documents d'urbanisme qui contiennent
des considérations environnementales d'ordre général
auxquelles l'efficacité énergétique peut se rattacherp.76
b)Le plan local d'urbanisme : un outil qui permet directement de promouvoir une
architecture
environnementalep.77 3)Les études d'impact
environnemental : une obligation issue des lois de Grenellep.78
133
Titre 2) Un droit trop axé sur les innovations
technologiques : critiques et propositions pour
l'avenir p.80
Chapitre 1) Les problèmes posés par un
droit de l'urbanisme trop axé sur les innovations
technologiques p.81
§1)Les problèmes posés par
l'accumulation des règles techniques pour les professionnels
du
bâtiment p.81 1)Une
reconnaissance générale du bien-fondé de l'existence de
règles environnementales dans le secteur du bâtimentp.81 a)La
nécessité de règles en matière environnementalep.81
b)Les règles environnementales créent des opportunités
dans le secteur du bâtimentp.82 c)Des règles qui peuvent
être perçues comme trop unilatéralesp.83 2)Le
problème de l'accumulation des normes techniquesp.83
a)L'accumulation des normes compliquerait à outrance le travail des
professionnels du bâtimentp.83 b)Par l'accumulation des normes
techniques, le droit de l'urbanisme oublie l'essentiel : l'espace à
vivre
p.84
§2)L'architecture environnementale telle que
l'envisage le droit de l'urbanisme français s'éloigne
des principes du développement durable
p.85
1)Rappel des principes du développement durable tels
qu'ils figurent dans le droit de l'urbanisme p.85
2)Des critiques d'ordre environnemental, social et
économiquep.87 a)Le coût écologique des technologies de
pointep.87 b)La question des matériaux labellisés
HQE®p.87
Chapitre 2)Propositions pour une urbanisation plus
durable sans passer par des innovations
technologiquep.92
§1)La densité : l'enjeu clef d'une
urbanisation durablep.92 1)Qu'est-ce-que la densité ?p.92
2)Une densité vivable nécessite une évolution
socio-économique que l'architecture peut rendre
possiblep.94 a)L'enjeu d'une densité vivablep.94
b)Rendre la densité durable par l'innovation architecturalep.95
§2)L'échelle locale est celle ou la
volonté politique peut entraîner le développement
d'une
architecture durable p.96 1)La commune
: échelle spatiale pertinente pour une urbanisation durablep.96
a)Les compétences de la commune en matière
environnementalep.96 b)Rappel de la fonction du PLU en matière
environnementalep.97 c)Le cas de l'écoquartierp.97 2)Le
transfert de compétences au groupement de communes : une
amélioration pour une urbanisation plus
durable ? p.100 a)Le transfert de compétences
de la commune au groupement de communep.100
b)Le plan local d'urbanisme intercommunal (le PLUi) p.101
Conclusion de la Partie 2p.102
Conclusionp.104
134
Annexe 1p.106 Annexe 2p.110
Annexe 3p.113 Annexe 4p.116 Annexe
5p.117 Bibliographiep.122
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