Port-Saint-Louis-du-Rhône tente de reprendre son destin en main. L'exemple de ses politiques sportives.( Télécharger le fichier original )par Laura Lemaire Université Aix-Marseille - Master 2 Urbanisme et aménagement 2015 |
3.2.2. Un transfert de compétence qui vient s'ajouter à un mouvement général accentuant la place de Port-Saint-Louis-du-Rhône comme périphérie sportiveLe transfert de la compétence sport aux communes accentue les hiérarchies urbaines au sein du futur Territoire Ouest Provence de la Métropole Aix-Marseille : Comme on l'a montré dans la Partie 2, même avant la délégation partielle de la compétence, Port-Saint-Louis-du-Rhône était déjà une périphérie sportive à l'échelle du SAN Ouest Provence car la commune n'était concernée que pas les soutiens directs et indirects au sport amateur et pas par les politiques phares que sont la construction et la gestion d'équipements communautaires et le sport professionnel. Comme on vient de le voir précédemment, le transfert de compétences touche Port-Saint-Louis-du-Rhône, commune « périphérique », nettement moins que les communes « centres » , Fos-sur-Mer et Istres, cependant la commune risque de se trouver encore davantage isolée sur le plan des 76 politiques sportives puisque les soutiens directs (subventions) et indirects (missions d'intérêt général des quatre clubs de sport collectifs) risquent d'être remis en cause dans le cadre de la future Métropole. On se retrouve donc avec deux communes : Fos-sur-Mer et Istres qui se voient renforcées comme polarités sportives dans le cadre de la Métropole tandis que Port-Saint-Louis-du-Rhône, commune déjà périphérique dans ce domaine, est confrontée à une incertitude quant à la continuité du soutien intercommunal au sport amateur sur son territoire. La compétence sport de la Métropole : symptôme d'un changement de paradigme de l'action publique en France : Dans le cadre de la création de la Métropole Aix-Marseille-Provence, on passe d'une compétence « sport professionnel » au service du rayonnement d'un territoire intercommunal : le SAN Ouest Provence, à la situation dans laquelle les clubs de sport professionnel ne serviront plus que le rayonnement des villes sur lesquels les clubs sont implantés. Le passage à la Métropole signifie donc la fin de la logique qui était celle du SAN Ouest Provence depuis le début des années 2000 : « une intercommunalité au service du développement d'un territoire multipolaire.»134 Bien que le territoire fût déjà hiérarchisé en termes de politiques sportives, comme on l'a dit, il y avait en effet dans la politique sportive du SAN Ouest Provence l'idée de l'accès de chacun au sport et également celle de se servir du sport comme un vecteur de cohésion sociale. Or la compétence « sport » de la Métropole telle que définie dans la loi MAPTAM, comprend uniquement la construction, l'entretien et la mise à disposition des équipements d'intérêt métropolitain. Tandis que le SAN Ouest Provence avait pour objectif d'équiper le territoire pour accompagner l'urbanisation, la compétence sport de la Métropole a surtout pour objectif le rayonnement de la Métropole. Cela se manifeste par la construction ou la gestion d'équipements sportifs couteux et en particulier les équipements liés au sport spectacle (grands stades, arénas) Le sport amateur, quant à lui, est ainsi renvoyé à la compétence des communes. Port-Saint-Louis-du-Rhône est donc immergée dans le contexte d'un changement de paradigme de l'action publique. Depuis 2003, la commune a pu profiter de la solidarité communautaire même si c'était à un niveau moindre par rapport aux communes historiques du SAN Ouest Provence. Avant le passage à la Métropole, on était donc encore dans le cadre de l'aménagement du territoire d'inspiration keynésienne qui visait à donner un peu plus aux territoires qui ont moins. Cela se manifestait notamment à Port-Saint-Louis-du-Rhône par l'octroi de 134 Ibid : p.129 77 subventions aux associations sportives et par l'obligation contractuelle des clubs professionnels à promouvoir le sport sur l'ensemble du territoire. A présent, au contraire, le sport amateur, celui qui est tourné vers les habitants des territoires en tant qu'outil de cohésion sociale est laissé aux communes, comme-ci cela n'était pas un enjeu métropolitain : comme-si le sport n'était considéré par la Métropole que dans le cadre du marketing territorial.135 Dans le cadre de la création des Métropoles, il s'agit en effet de créer des villes qui auront un rayonnement européen. On est donc davantage dans l'idée d'un territoire métropolitain au service du rayonnement des villes-centres, Aix-en-Provence et Marseille que d'un aménagement du territoire métropolitain pour une répartition équilibrée des richesses sur le territoire La métropolisation des clubs sportifs professionnels : opportunité pour les clubs et menace pour Port-Saint-Louis-du-Rhône ? Face à la création de la Métropole au 1er janvier 2016, le club de Basketball du SAN Ouest Provence localisé à Fos-sur-Mer, « Fos Ouest Provence basket » a changé son nom en « Provence Basket ». Ce changement de nom est révélateur du projet du club de s'inscrire dans le contexte métropolitain : devenir le club de la Métropole au lieu d'être le club du SAN Ouest Provence ou de la ville de Fos-sur-Mer. Le Président de l'association, Anthony Thiodet, évoque ainsi l'idée de jouer dans une aréna de rayonnement métropolitain pour les grands matchs tout en continuant à s'entrainer au complexe sportif Parsemain à Fos-sur-Mer. Le but est pour le club de pouvoir s'appuyer sur des soutiens privés à une échelle plus vaste et de pouvoir « monter en gamme ». 136 Dans le cadre d'une équipe de Basket métropolitaine, il est également en projet que le centre de formation soit éclaté et réparti sur le territoire métropolitain : par exemple les mineurs à Aix-en-Provence et les majeurs à Fos-sur-Mer : « Par exemple le basket, l'an dernier a essayé
de créer une dynamique métropolitaine. (...) L'idée est
de 135 PINSON, Gilles : Projet et pouvoirs dans les villes européennes. Une comparaison de Marseille, Venise, Nantes et Turin : Thèse de doctorat en science politique, Université de Rennes I, 2002 : p.79 136 Interview d'Anthony Thiodet, Président de l'association Fos Ouest Provence Basket : Site d'information en ligne Marsactu.fr 137 Annexe 6 : Entretien avec la Directrice des Politiques sportives du SAN Ouest Provence : op. cit. 78 Parallèlement, le mouvement sportif amateur se fédère à l'échelle de la Métropole et le club Provence Basket pourrait en devenir le porte-drapeau, en même temps qu'un outil de rayonnement au service de la Métropole. On pourrait imaginer qu'à la manière du club de basket, les trois autres clubs professionnels gérés jusqu'à présent par le SAN Ouest Provence et transférés récemment aux communes d'Istres et de Fos-sur-Mer puissent également devenir des clubs métropolitains. Par rapport à ce projet, deux points de vue s'affrontent qui correspondent à deux manières de se positionner par rapport au sport professionnel. La Directrice des Politiques sportives du SAN Ouest Provence se place du point de vue des clubs sportifs. Dans le contexte financier difficile où se trouvent Istres et Fos-sur-Mer avec le transfert des clubs aux communes, le risque est que les communes ne puissent plus faire face et que cela se répercute sur les clubs. Elle évoque également l'argument politique selon lequel dans un contexte de réduction des dépenses publiques, les communes auront du mal à justifier un tel soutien aux clubs sportifs au détriment d'autres politiques. Le risque est ainsi que le soutien des communes aux clubs s'amenuise années après années, se répercutant sur la qualité des équipements (centre d'entrainement et centres de formation) et la qualité de la formation des futurs professionnel. Ainsi pour elle, il est légitime et souhaitable que le sport professionnel se conçoive à l'échelle de la Métropole et dans ce cadre, la Métropole devrait en avoir la compétence.138 : « Oui, je pense qu'il y a plus d'avenir pour ces clubs dans le contexte métropolitain que communal. Ça va être difficile pour les communes. (..). Et ça va être difficile pour les élus de justifier de tels soutiens aux clubs sportifs au détriment d`autres politiques. Pour moi le sport doit être enjeu métropolitain. Il faut que ce créent des liens entre les associations d'un même territoire, qu'il y ait une dynamique métropolitaine. » La Directrice Enfance, Education et Sports du SAN Ouest Provence quant à elle se place du point de vue de l'accès des jeunes de Port-Saint-Louis-du-Rhône aux centres de formation au sport professionnel. Interrogée sur la question de la Métropolisation des clubs professionnels, elle évoque en effet la « perte de la proximité », qui aboutirait à une discrimination liée aux moyens financiers entre ceux qui pourront se déplacer pour se rendre à l'éventuel centre de formation d'Aix-en-Provence et les autres. Elle fait également le parallèle avec les classes de sport-études dont la 138 Idem. 79 cartographie à l'échelle métropolitaine serait de la même manière une façon de sélectionner les jeunes sur les revenus de leurs parents : « c'est faire de la sélection entre ceux qui auront les moyens de pouvoir se déplacer et les autres. Mais est-ce-que les sports études seront cartographiés de cette façon ? Si oui, c'est grave. Parce que pour l'instant, on peut aller en sport étude à Arles ou à Istres. Si maintenant, les jeunes doivent aller à Aix ou à Marseille, c'est terminé ! Ou alors il faut aller en internat mais toutes les familles ne sont pas prêtes à ça. Qu'est-ce- que sera mis avec pour que les familles puissent se le permettre ? »139 Se confrontent à travers ces deux témoignages deux manières de percevoir les politiques sportives qui ne sont pas étrangères au poste qu'occupent les deux Directrices. La Directrice du SAN Ouest Provence était en effet jusqu'au 1er mai 2015 en charge du sport professionnel et elle est issue de la filière sportive de la fonction publique territoriale. Son point de vue est donc celui d'une personne sensible au sport de haut niveau. Le second témoignage quant à lui, est celui de la Directrice Enfance, Education et Sports de Port-Saint-Louis-du-Rhône, pour qui le sport est avant tout un vecteur de cohésion sociale. D'autre Part, au niveau de la commune, le service des sport ne s'occupe pas de sport professionnel, ce qui explique une sensibilité moindre au devenir des clubs et davantage à l'accès des jeunes au sport de haut niveau. Ainsi, la métropolisation du sport professionnel peut apparaitre à la fois comme une opportunité pour les clubs et une manière d'accroitre les inégalités entre les jeunes des communes « centres » au regard du sport et les communes « périphériques ». |
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