1.2. La notion d'effet réserve
L'étude des effets attendus des AMP sur les
écosystèmes et sur les stocks (regroupés sous la notion
d'effets biologiques des AMP) nécessite de faire la distinction entre
deux grands types de zone de protection en fonction principalement des
objectifs, de la taille et du degré de protection : les réserves
intégrales et les aires multi-usages (Kelleher, 1999). La
création d'une AMP n'est pas sans effet sur les peuplements de poissons
et sur leurs habitats. Bell (1983) a défini l'effet réserve comme
étant l'ensemble des conséquences positives des mesures de
protection sur les peuplements benthiques. Sur le plan écologique,
l'effet réserve englobe plusieurs modifications des
caractéristiques structurelles et fonctionnelles du milieu, qui peuvent
être regroupées en trois catégories : les
bénéfices provoqués dans l'AMP, les effets
bénéfiques provoqués à l'extérieur de l'AMP
et les effets négatifs de l'AMP. En ce qui concerne les réserves
intégrales, les effets peuvent se produire à l'intérieur
de leurs frontières (McClanahan et al., 1999 ; Mosquera et al., 2000 ;
Gell et Roberts, 2003 ; Westera et al., 2003 ; Evans et Russ, 2004 ; Stobart et
al., 2009) comme à l'extérieur de leurs frontières
(Schroeder et Love, 2002 ; Graham et al., 2003 ; Halpern, 2003 ; Stobart et
al., 2009). D'après Gell et Roberts (2003), les meilleurs
résultats sont obtenus lorsque la zone protégée est de
l'ordre de 10 à 35% des zones exploitées. L'effet réserve
possède une composante spatiale (effet refuge) et une composante
temporelle (effet tampon). La composante spatiale représente les
différences qui peuvent exister entre secteurs protégés et
non protégés (Francour, 2000). L'effet refuge consiste à
une variation de l'abondance, une augmentation de la biodiversité, de la
taille moyenne des organismes et de la richesse spécifique. La variation
de l'abondance des organismes est surtout étudiée sur les
peuplements de poissons et se traduit par une augmentation ou une diminution
significative de l'abondance relative globale (nombre total d'individus
appartenant à toutes les espèces) de poissons dans l'AMP (Stobart
et al., 2009 ; Edgar et Barett, 1999 ; Evans et Russ, 2004 ; McClanahan et al.,
1999 ; Halpern, 2003 ; Harmelin-Vivien et al., 2008 ; Garcia-Charton et al.,
2004 ; Westera et al., 2003). L'augmentation de la biodiversité se
traduit par le retour de certaines espèces qui avaient disparu de la
zone sous les diverses pressions anthropiques (Francour, 2000 ;
Côté et al., 2001 ; Halpern, 2003 ; Lester et al., 2009). La
création d'une
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AMP peut entrainer une réhabilitation de structure de
taille (Edgar et Barret, 1999 ; Rowe, 2002 ; Jouvenel et Pollard, 2001 ; Willis
et al., 2003 ; Halpern, 2003 ; Gell et Roberts, 2003 ; Floeter et al., 2006).
En effet, la pêche entraine la disparition des individus de grande
taille. Il reste alors dans le milieu des individus de plus en plus petits. La
mise en place d'une AMP, qui entraîne la réduction de la pression
de pêche, autorise donc une espérance de vie plus
élevée des espèces cibles. Ce qui se traduit globalement
par une augmentation des tailles moyennes et maximales (Mosquera et al., 2000).
Le troisième effet est l'effet cascade qui se traduit par une diminution
de l'abondance de certaines espèces suite à un
phénomène de prédation accrue (Pinnergar et al., 2000 ;
Westera et al., 2003). Le quatrième effet réserve est l'effet
« modification des comportements ». La mise en AMP d'une zone
maritime permet de préserver les zones de nurseries, les habitats des
espèces et ainsi sauvegarder les lieux d'implantation des larves, le
recrutement, l'alimentation et la reproduction des espèces. Elle permet
aussi à la faune marine de se réinstaller dans son habitat
originel, sans risque de prédation humaine (Château et Wantiez,
2005 ; Chiapone et Sealey, 2000 ; Gell et Roberts, 2003 ; Jones et al., 2007 ;
Yemane et al., 2008).
Les effets bénéfiques provoqués à
l'extérieur de l'AMP sont communément appelés effet de
débordement ou effet « spillover » (Russ et al, 2003 ; Stobart
et al., 2009). Il s'agit de l'émigration d'adultes et de
juvéniles de poissons. Pour le premier effet, la création d'une
AMP entraîne une augmentation de l'abondance des individus au sein des
réserves qui se retrouvent assez rapidement confrontés à
des compétitions inter et intra-spécifique sévères
(Russ et al., 2003). Ce phénomène favorise l'émigration
des adultes et des juvéniles vers les zones non protégées
(Alcala et Russ, 1990). Les effets négatifs d'une AMP sont
l'augmentation de la pression de pêche sur les zones voisines de l'AMP et
les effets nuisibles dus aux usages de non exploitation (Kellner et al.,
2007).
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