4.3. Répartition spatiale des peuplements de
poissons
Les résultats de l'analyse factorielle ont
montré un gradient amont aval beaucoup plus net dans le bolon de Sangako
que dans l'AMP de Bamboung. Dans l'AMP de Bamboung, le gradient amont aval est
faussé par la position de la station Bd situé au centre de l'AMP
de Bamboung. Cette position extrême de la station Bd s'expliquerait par
sa profondeur qui est plus importante que celle des autres stations. Dans l'AMP
de Bamboung, le peuplement est très différent entre l'amont et
l'aval. De même, dans le bolon de Sangako on distingue un peuplement
amont et un peuplement aval. Ces différences de peuplement entre l'amont
et l'aval de chaque site sont attribuables à la profondeur mais surtout
à l'abondance des espèces. L'analyse de la répartition
spatiale des peuplements montre que les deux sites ont un peuplement
différent lié surtout à la différence de
diversité et à la variabilité de l'abondance. Pour mieux
cerner la différence de peuplement de poissons entre les deux sites, une
analyse factorielle des correspondances simples basée uniquement sur les
espèces communes aux deux sites a été effectuée.
Les résultats de cette analyse ont montré que les principales
espèces responsables de cette différence de répartition
spatiale sont : A. latiscutatus, P. perotoei, P. macrolepus et L.
falcipinnis (plus abondantes dans l'AMP de Bamboung) et S. maderensis
E. melanopterus, G. nigri, L. dumerili (plus abondantes dans le
bolon de Sangako). Le peuplement de l'AMP de Bamboung est beaucoup plus
variable que celui du bolon de
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Sangako. La forte variabilité observée dans
l'AMP de Bamboung est liée à la variation d'abondance de son
peuplement qui est beaucoup plus importante que celle du peuplement du bolon de
Sangako.
Du point de vue écologique, le peuplement de l'AMP de
Bamboung est un peuplement à affinité marine dominé par
les ME et les Em alors que le peuplement du bolon de Sangako dominé par
les ME, les Em et les Es est caractérisé par la présence
de la forme continentale (Ec). Les catégories estuariennes d'origine
marine (Em), les marines estuariennes (ME) et estuariennes strictes (Es) sont
largement réparties dans l'AMP de Bamboung comme dans le bolon de
Sangako. Les marines accessoires sont caractéristiques des zones aval
dans les deux sites. L'analyse comparée des catégories
écologiques a mis en évidence une différence entre les
deux sites qui s'explique par la différence d'abondance. En effet, le
peuplement amont de l'AMP de Bamboung est identique au peuplement aval du bolon
de Sangako. Par contre le peuplement aval de l'AMP de Bamboung est
différent du peuplement amont du bolon de Sangako exception faite de la
catégorie Mo.
L'étude de la structure trophique a permis de constater
une prédominance des prédateurs dans l'AMP de Bamboung et une
prédominance des microphages dans le bolon de Sangako. Un
résultat similaire est obtenu par Roberts et Hawkins (1997) qui ont
montré une biomasse plus importante dans la réserve qu'en dehors
de la réserve d'Anse Chastanet aux Caraïbes. Ils ont
expliqué ce résultat par la forte présence de
prédateurs de grande taille venus des zones de pêche.
L'étude de la répartition spatiale montre que
l'aval de l'AMP de Bamboung est dominé par les prédateurs
piscivores (p2-pi) alors que l'amont est dominé par les herbivores
détritivores (he-ph). La partie centrale est caractérisée
par les prédateurs de premier niveau à prédominance
benthophage (p1-bt) et les prédateurs de deuxième niveau
généralistes (p2-ge). Dans le bolon de Sangako, l'aval est
dominé par les he-ph suivis des prédateurs de premier niveau
à prédominance benthophage alors que l'amont est
caractérisé par les p2-pi. D'où une répartition
spatiale des catégories trophiques différente entre les deux
sites. L'analyse comparée de la répartition des catégories
trophiques a mis en évidence une différence entre les deux sites.
L'AMP de Bamboung est caractérisée par une importante abondance
de prédateurs alors que le bolon de Sangako est
caractérisé par une importante abondance de microphages.
L'étude des structures en taille a montré un
peuplement divisé en deux groupes d'individus : des individus de 4
à 21 cm plus abondants dans le bolon de Sangako et des individus de plus
de 22 cm plus abondants dans l'AMP de Bamboung. Les poissons les plus
50
gros étant bien souvent pêchés, une des
caractéristiques des zones exploitées est une modification
profonde de la structure de taille de la communauté. Ce qui justifie la
prédominance des individus de grande taille dans l'AMP de Bamboung.
Gracia-Rubies et Zabala (1990) ont étudié la structure des
peuplements de poissons d'un site protégé et de deux sites non
protégés dans les îles Medes en Espagne. Ils ont
trouvé un peuplement de poisson composé d'individus de grande
taille et moins abondants dans la zone protégée et un peuplement
composé d'individus de petite taille et plus abondants dans les zones
non protégées. Dans le Parc marin de Ningaloo à l'Ouest de
l'Australie, la taille du peuplement de poissons est plus importante dans la
réserve marine que dans la zone de pêche récréative
d'après Westera et al. (2003).
La droite d'ajustement du spectre de taille est plus raide
pour le bolon de Sangako que pour l'AMP de Bamboung. Les pentes des deux
spectres sont différentes. La valeur absolue de la pente du spectre de
taille de l'AMP Bamboung est supérieure à celle du spectre de
taille du bolon de Sangako. Cela s'explique par un régime d'exploitation
différente (Pope et al., 2006). Dans l'AMP de Bamboung, le peuplement de
poisson bénéficie d'une protection alors que dans le bolon de
Sangako le peuplement est soumis à une exploitation. Ce résultat
traduit aussi le fait que la pêche a ciblé les gros individus dans
le bolon de Sangako et a permis un relâchement de la prédation sur
les individus de petite taille. Ce qui permet d'expliquer une composition du
peuplement de poissons avec plus d'individus de taille supérieure
à 22 cm dans l'AMP de Bamboung. Dans la réserve des îles
Mèdes en Espagnes, Garcia-Rubies et Zabala (1990) ont trouvé une
structure de taille des peuplements de poissons vulnérables très
différente entre les réserves et les zones non
protégée. Ils ont expliqué cette différence de
structure de taille par l'effet réserve. L'effet de l'environnement
étant le même dans les deux sites, la différence des
profils de composition en taille explique bien la prédominance des
espèces de grande taille dans l'AMP de Bamboung. Bianchi et al. (2000)
ont observé une tendance à la décroissance de la pente du
spectre de taille, en particulier dans les écosystèmes de haute
latitude. Cette décroissance serait liée à un niveau
d'exploitation croissant, provoquant des changements dans la composition en
taille des communautés (augmentation relative de l'abondance dans les
classes de petite taille). Ils rajoutent que la pente et l'intercepte
permettent de répondre constamment au changement du niveau
d'exploitation d'un écosystème. Une pente plus raide signifie une
activité de pêche intense alors qu'une pente plus plate signifie
une faible activité de pêche. La pente du spectre de taille est
liée au niveau d'exploitation par la pêche. Selon Gislason et Rice
(1998), la pente du spectre de taille est proportionnelle à la
mortalité par pêche.
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