Les attributions sociales du capitaine de navire.( Télécharger le fichier original )par Darly Russel KOUAMO Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014 |
Section 2 Le rôle du capitaine dans la conduite de l'équipage.Le rôle du capitaine pendant le voyage est déterminant. Comme nous l'avons sus évoqué, les développements technologiques et les progrès réalisés dans la navigation ont considérablement rétréci les missions commerciales et techniques du capitaine. Cependant, les missions liées à la mise en oeuvre du droit du travail se sont développées. Elles n'ont jamais été aussi importantes qu'elles le sont aujourd'hui. C'est sans doute la prise de conscience de l'importance des facteurs humains dans la survenance de catastrophes maritimes qui est la cause. Un équipage bien structuré conditionne le succès de l'expédition. En ce sens, il revient exclusivement au capitaine d'organiser le travail à bord du navire (paragraphe 1). Laquelle organisation est ponctuée par une obligation de tout consigner par écrit (paragraphe 2). § 1 L'organisation du travail à bord.Deux traits caractérisent la vie humaine en mer : l'isolement et le danger. L'éloignement reste une donnée essentielle de la vie du marin. L'ensemble de son statut, logement, soin, versement de salaire s'en trouve affecté58(*). Cet état des choses a donc les répercussions sur le capitaine. Le capitaine du navire est en quelque sorte un manager qui doit tout mettre en oeuvre pour mener son expédition à bon port. Il est d'ailleurs tenu de terminer son voyage une fois entamé. Pour ce faire, il dispose d'une liberté dans l'organisation du travail (A). C'est son domaine exclusif de compétence. Personne, ni même l'armateur ne peut s'immiscer dans cette organisation. Toutefois, cette liberté en encadrée par les normes qu'il doit respecter (B). A-La liberté du capitaine dans l'organisation du travail.L'étendue des rapports entre organisation, division du travail et relations sociales à bord des navires amène à constater qu'un équipage de navire ressemble à un groupe social cohérent dont l'organisation comporte une fonction productive qu'à un groupe de travailleurs organisés59(*). Ainsi, l'organisation du travail constitue facteur de production. Dans cet ordre d'idée, il a été démontré une prédominance des rapports sociaux sur l'organisation technique de la production60(*). L'on retient que c'est l'équipage bien structuré qui conditionne la production. En matière maritime, l'isolation du navire, les dangers de la navigation, la vie à bord mêlant travail et repos sur le lieu du travail ont conduit à mettre l'accent sur l'organisation du travail, la composition et la taille de l'équipage. D'autant plus que la sécurité du navire suppose la capacité de travail du marin61(*). Nul ne doute donc que, seule une saine organisation du travail pourrait garantir le succès de l'expédition. Le capitaine, maitre d'oeuvre, doit agir ici comme un bon manager des ressources humaines. L'organisation du travail sera matérialisée dans le tableau que le capitaine doit impérativement dresser. C'est ce qui ressort de la lecture de l'article 17 du décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail des gens de mer62(*). Compte tenu des contraintes particulières de la navigation ou de l'exploitation en mer, le capitaine peut reporter le temps de pause et l'accorder dès que cela est réalisable63(*). Il a le pouvoir d'affecter les marins aux postes qui lui semblent être les plus productifs pour le navire. Il a même été jugé qu'il pouvait affecter le marin à une autre fonction64(*). Par ailleurs il est exigé qu'il soit établi un registre journalier y relatif. Comme le relève l'article L5623-4 du Code des transports, un registre, tenu à jour à bord du navire, mentionne les heures quotidiennes de travail et de repos des gens de mer. C'est dire que ce registre sera utilisé en guise d'information aux marins. Un navire en cours de navigation est comme une usine qui tourne sans arrêt, que son personnel ne peut quitter en dehors des heures de travail65(*). Le capitaine organise le travail et détermine les marins qui seront au service. Les facteurs tels que la fatigue, le surmenage ou les pressions économiques peuvent altérer le jugement d'un individu compétent et bien formé et par là même contribuer à la réalisation d'une faute66(*). C'est tout dire sur la délicatesse de cette tâche. C'est sans doute ce qui justifie que la définition du temps de travail du marin soitdéfinie en référence à sa mise à disposition au capitaine. Ainsi, est considéré comme temps de travail effectif à bord, le temps pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d'un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d'habitation à bord67(*). Cette définition met en avant trois conditions cumulatives : il faut un ordre donné, se trouver à la disposition du capitaine et être hors de sa cabine, du bar, du carré, de la salle de sport ou de tout autre lieu de vie à bord68(*). A cet effet, une fois embarqué à bord du navire, le marin doit entièrement se soumettre au capitaine. Ce dernier doit lui fournir le travail et lui indiquer la méthode à adopter pour la réalisation. Depuis l'antiquité, la liberté du capitaine dans l'organisation du travail à bord du navire est incontestablement admise. Les coutumes maritimes lui reconnaissaient déjà des pouvoirs étendus en la matière69(*). En dépit de cette liberté accordée au capitaine pour organiser le travail à bord, et compte tenu de la particularité de la navigation en mer, un encadrement a été prévu. * 58Martine Raymond Gouilloud, Droit maritime, 2e ed.,pédone, Paris, 1993, n° 174, p.116. * 59F. SONTHONASE, « structures sociales et organisation du travail sur les navires de commerce », in Travailleurs du transport et changement technologique, résultats de recherches en sciences humaines , colloque organisé par le ministère des transports, ministère de la mer, ministère de la recherche technologique, 1982, p.52. * 60 Idem, p.59. * 61Jean-Pierre BEURIER (dir), op cit.p.599. * 62 Article 17 décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail des gens de mer, JORF n°76 du 1 avril 2005 page 5886 texte n° 44 : « Sous réserve des consultations prévues par les règlements et accords collectifs, un tableau de service est établi par le capitaine du navire, visé par l'inspecteur du travail maritime, annexé au journal de bord et affiché dans les locaux réservés à l'équipage. Le tableau indique pour chaque fonction : a) Le programme de service à la mer et au port ; b) Le nombre maximal d'heures de travail ou le nombre minimal d'heures de repos, prescrits par la législation, la réglementation ou la convention collective applicable. Les modifications apportées à ce tableau en cours de voyage sont consignées dans le livre de bord ou annexées à celui-ci et affichées dans les locaux de l'équipage. Le capitaine, qui prend les mesures nécessaires pour que les conditions en matière d'heures de travail et d'heures de repos des marins visées par le présent décret soient respectées, tient ce tableau à disposition de l'inspecteur du travail maritime ou le lui communique sur sa demande, notamment, si celui-ci l'estime nécessaire et sauf impossibilité, par voie de courrier électronique. Ce tableau est rédigé en français ainsi que, si nécessaire, en langue anglaise. Il doit être conforme au modèle fixé par l'arrêté relatif à la sécurité des navires pris pour l'application de la directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 susvisée ». * 63Patrick Chaumette, « gens de mer », Répertoire travail, Dalloz, avril 2006,n° 80, p.14. * 64Cass. Soc. 23 oct ; 1991, stécomapêche c/ Lucas, bull civ n° 48, cité par Patrick Chaumette idem, p.26. * 65Martine Le Bihan-Guenolé, Droit du travail maritime, l'Harmathan, 2001, p.137. * 66Philippe Boisson, Politique et droit de la sécurité maritime, éd bureau véritas, paris, 1998, p353 et svt, p362. * 67Article L5544-2 du code des transports. * 68. Wahiba SAHED, Le contrat d'engagement maritime, mémoire de master 2 de droit maritime et des transports, AIX Marseille, 2007. p.36. * 69Patrick CHAUMETTE, « L'organisation et la durée du travail à bord des navires », in DMF, n°633, 2003, consulté sur Lamyline.fr, 5janvier 2014 p.1. |
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