Les attributions sociales du capitaine de navire.( Télécharger le fichier original )par Darly Russel KOUAMO Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014 |
CHAPITRE II LA PROTECTION DE LA SOCIETE DE BORD.Le capitaine d'un navire marchand est garant, non seulement du navire qu'il dirige, mais aussi de la cargaison et surtout des membres de son équipage. La mise en exergue des attributions sociales dévolues au capitaine impliqueune obligation de protection ; protection à l'endroit des membres de la société de bord. L'on a affaire à une obligation historique, aussi vieille que la navigation maritime. Le droit coutumier médiéval donne à l'armateur et à son représentant le capitaine, un rôle très particulier en leur imposant un certain nombre d'obligations à caractère protecteur vis-à-vis des matelots (privilège du salaire, aide en cas de poursuite pour dette, ramener les matelots à bon port...). Par exemple, là l'article 7 du rôle d'OLERON, il est écrit que : « lorsqu'un homme de l'équipage tombe malade en faisant service du navire, le patron doit le mettre à terre, le placer dans une maison, lui procurer des soins77(*)». Etant entendu que le patron ici était le capitaine, l'on remarque que cette obligation pesait directement sur lui. Cet aspect des fonctions sociales du capitaine traduit en fait la richesse de la matière. Etant donné que les voyages ont souvent une durée bien considérable, le destin des marins sera entre les mains du capitaine. Ce dernier doit être un bon manager d'hommes. Il doit savoir concilier la rigueur à l'affection. Bref il doit être un bon père de famille. Nous verronsainsi que le devoir de protection de l'équipage dévolu au capitaine varie en fonction des circonstances (Section 1), mieux, ladite protection se trouvera accentuée par la dévolution des pouvoirs juridictionnels au capitaine (section 2). Section 1 Une protection tenant aux circonstances.La navigation maritime, en fonction de la météo et divers facteurs, est ponctuée par les périodes de tranquillité et les périodes de trouble. Dans cette optique les pouvoirs dévolus au capitaine pour assurer la protection des marins varient aussi en fonction des circonstances. Si ces pouvoirs sont tempérés en période normale (paragraphe 1), en revanche dans les circonstances exceptionnelles, ils sont accentués (paragraphe 2). §1-Des attributions tempérées dans les circonstances normales.La protection des marins vise à leur permettre d'exercer leurs tâches dans de bonnes conditions. Le capitaine est garant de cet état des choses. Ce faisant, il se doit de coordonner les mesures destinées à assurer le bien-être des marins (A), ce qui l'amène aussi à collaborer avec les structures représentatives des marins ; lesquelles structuresoeuvrent en ce sens (B). A-La coordination des mesures destinées à assurer le bien-être des marins.Le bien-être78(*) au travail est défini en droit français, par référence à l'obligation de sécurité et de santé physique et mentale des salariés, qui incombe à l'employeur. Ces obligations sont contenues dans les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail. Le droit belge offre une définition selon laquelle le bien être serait perçucommel'ensemble des facteurs relatifs aux conditions dans lesquelles le travail est exécuté. Il s'agit des mesures de sécurité au travail, de la protection de la santé du travailleur, de la charge psychosociale occasionnée par le travail, de l'ergonomie de l'hygiène du travail, et de l'embellissement des lieux de travail. Ces agrégats visent à rendre le cadre de vie des travailleurs agréable79(*). Il ressort que l'employeur évalue les risques physiques et psychosociaux auxquels peuvent être exposés les salariés, il adopte les mesures pour y remédier et s'assure de la mise en oeuvre de ces mesures. En droit maritime, ces prescriptions étaient contenues dans la convention n°163 et la recommandation (no 173)sur le bien-être des gens de mer, de 1987. Elles ont été reprises aux titres 3 et 4 de la MLC.L'armement est ainsi interpellé au premier chef. Cependant, compte tenu de la particularité du monde maritime, telle que nous l'avons évoquée, le capitaine se trouve dans une certaine mesure investi de cette tâche. C'est donc à ce cadre qui est choisi par l'armateur, que l'on confie le sort de l'épanouissement des marins. Le capitaine du navire organise et coordonne la prévention des accidents et la formation des gens de mer à la prévention à l'hygiène au travail. Ce faisant, les opérations destinées à prévenir les risques professionnels sont sous son autorité80(*). Il est garant des meilleures conditions de vie des marins. A cet effet, la norme A3.1 de la MLC en son alinéa 18 lui octroie expressément le pouvoir de contrôler le cadre devie des marins, lequel doitfavoriser l'épanouissement des marins au travail. L'autorité compétente doit exiger que des inspections fréquentes soient menées à bord des navires par le capitaine ou sous son autorité, de façon à ce que le logement des gens de mer soit maintenu en bon état d'entretien et de propreté et offre des conditions d'habitabilité décentes. Les résultats de chaque inspection sont consignés par écrit et sont disponibles pour consultation.Nous constatons là qu'il est permis au capitaine de s'immiscer dans la vie privée des marins. Cela est dû à la proximité qui existe entre le lieu d'habitation et le lieu du travail à bord du navire. Le capitaine devrait donc agir avec beaucoup de prudence afin qu'il ne naisse pas un conflit avec les marins qui voudraient voir leur vie privée respectée. En outre, il doit s'assurer que l'alimentation des marins soit saine. Ce faisant il contrôlera l'approvisionnement en vivres et en eau potable, les locaux et équipements utilisés pour le stockage et la manipulation des vivres et de l'eau potable, la cuisine et toute autre installation utilisée pour la préparation et le service des repas. C'est aussi au capitaine qu'il revient de s'assurer que ses marins reçoivent des soins médicaux de bonne qualité. Pour s'assurer du respect des exigences en matière de santé, de sécurité et des prévention des accidents, il est fait obligation aux Etats d'adopter dans leurs législations des mesures pour indiquer les fonctions du capitaine ou de la personne désignée par lui, ou des deux, pour assumer la responsabilité particulière de la mise en oeuvre et du respect de la politique et du programme du navire en matière de sécurité et de santé au travail81(*). Le capitaine se doit aussi de veiller à la protection des personnes vulnérables. A titre illustratif, l'article L5545-7du Code des transportsdispose que « le capitaine ou le patron doit exercer sur le marin mineur une surveillance attentive, veiller à ce qu'il ne soit employé qu'aux travaux et services en rapport avec ses aptitudes physiques et se rattachant à l'exercice de sa profession ; il lui enseigne ou fait enseigner, progressivement, la pratique de son métier ». En cas d'accident du travail survenu à bord du navire, le capitaine devra accomplir certaines formalités82(*). Il devra ainsi déclarer l'incident aux autorités administratives83(*). En définitive, l'on retient le capitaine est tenu de coordonner et organiser les mesures destinées à fournir aux marins un cadre de vie acceptable. Ce qui est renforcé avec la collaboration avec les structures représentatives du personnel à bord. * 77Philippe-Jean Hesse, « la protection sociale avant-hier et hier », in la protection sociale des gens de mer de Colbert à l'harmonisation communautaire, Centre de droit maritime et aérien de l'Université de Nantes, vendredi 19 et samedi 20 novembre 1989. p4. * 78 « Bien-être n. m. inv. est composé de bien et du verbe être « exister, vivre », pour désigner la sensation agréable née de la satisfaction de besoins physiques, puis la situation matérielle qui permet de satisfaire les besoins de l'existence. », Rey A. (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 1994. * 79Loi du 4 août 1996 dite « loi bien-être », modifiée en dernier lieu par la loi du 9 mars 2005. * 80Décret n°2007-1227 du 21 août 2007 relatif à la prévention des risques professionnels maritimes et au bien-être des gens de mer en mer et dans les ports. Article 6« Tout armateur désigne, sur chacun de ses navires, un membre de l'équipage qualifié et chargé, sous l'autorité du capitaine, de la prévention des risques professionnels. Sur les navires dont les effectifs sont inférieurs à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de la mer, la personne désignée peut être le capitaine. Ce membre d'équipage peut être entendu par les inspecteurs et contrôleurs du travail maritime et par les inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques professionnels maritimes». * 81 V. MLC, Norme A4.3, alinéa 1, point c. * 82 Article L5542-21-1 du code des transports Créé par LOI n°2013-619 du 16 juillet 2013, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - art. 25 (V). * 83 V. CA Rouen, 20 juin 1972, DMF 1973, p218., V. aussi Julie HA Ngog, « le capitaine », in jurisclasseur transport, vol 4, fasc : 1155, lexis nexis, n° 26. |
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