CHAPITRE TROISIEME : TRAITEMENT DES INFORMATIONS DU M23
PAR LA RFI.
Le travail du journaliste n'a jamais été facile
comme d'aucuns peuvent le croire, surtout lorsqu'il faut couvrir les conflits
armés. En pareille situation le journaliste dit « reporter de
guerre » va à la recherche de l'information au risque de perdre sa
vie. Comme si cela ne suffisait pas, le plus dur revient au traitement
d'informations recueillies car une fois qu'elles sont
mal-élaborées, celles-ci peuvent causer plusieurs dommages.
Depuis la gestation du mouvement du 23 mars, en Avril 2012,
jusqu'à sa fin, le 5 Novembre 2013, la Radio France Internationale a
couvert, en toute exclusivité ces évènements, grâce
à ses envoyés spéciaux, et ses nombreux correspondants.
Cette manière de faire a fait naitre une certaine confiance pour le
public envers cette station de radio diffusion, allant jusqu'à endormir
tout esprit critique qui pouvait animer son public. Pendant ce temps, la
tendance manifestée par la RFI s'est avérée objective pour
la plupart des auditeurs et même pour les autres médias, qui en ce
temps, la citent en tant que source, vu le monopole qu'elle détenait de
la couverture de la dite guerre.
C'est en ce sens donc que la RFI dirigea la
société pendant toute la période qu'a durée la
rébellion du M23, exerçant le rôle voulu aux médias
selon la théorie de l'agenda setting que nous avons appliquée
dans le cadre de notre étude. L'influence qu'apportait la RFI par le
traitement de ses informations était très remarquable. Sous
toutes ses formes, la collecte, le traitement ainsi que la diffusion des
informations du M23 relèvent de la théorie du message. Nous
constatons la première influence étant de l'ordre
hiérarchique, du fait que pendant cette crise imposait le thème
qu'il fallait
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aborder, de la même manière que la théorie
du message le dégage. Il ressort de cette théorie
«l'idée que les médias ont pour rôle de définir
pour son public, ce à quoi il faut penser »30. Cette
influence n'a pas seulement était hiérarchique mais aussi et
surtout formelle. Le traitement des informations par un média et par
conséquent par la RFI, parce que c'est d'elle qu'il s'agit constitue une
influence. Les informations diffusées déjà
raffinées, c'est à dire qu'elles n'étaient pas brutes.
Il suffisait au cours de cette période que la Radio
France internationale annonce la prise d'un village par les troupes rebelles du
M23 pour que toute la population soit en ébullition, sans avoir vu pour
autant un seul rebelle, ni avoir entendu le moindre crépitement de bal.
Le 19 novembre 2012, au soir de la prise de la ville de Goma, la Radio France
Internationale anticipe l'évènement en faisant parler dans un
duplex le porte-parole du mouvement du 23 mars, le colonel Vianney KAZARAMA.
Nous transcrivons ce duplex avant de l'analyser pour mettre en exergue la
partialité de la RFI.
30R.DEBRAY, la médiologie
générale, Paris, Gallimard, 1991, p 32.
50
Vianney KAZARAMA en duplex avec Christophe
BOISBOUVIER
sur la RFI :31
Vianney KAZARAMA. : Nous sommes bien donc
au Nord -Est de la ville de GOMA, c'est le M23 déjà qui
contrôle, les combats sont déjà en train de se
dérouler dans la ville de Goma. Du coup l'aéroport est
déjà pris par les éléments du M23. Les forces
armées de la République Démocratique du Congo sont tous
entrain de fuir vers SAKE, MINOVA, elles sont entrain de piller les biens de la
population, nous sommes en train de poursuivre les FARDC.
RFI : vous aviez dit que vous ne prendrez pas la ville de
GOMA ?
Vianney K. : Nous sommes attaqués
très tôt le matin. Nous avons fait contre-offensive.
RFI : Et vous entendez prendre le contrôle de
l'ensemble de la ville ?
Vianney K. : oui, justement tout à
fait. Nous sommes en train de neutraliser la capacité des forces
armées de Kinshasa avec leurs alliés des FDLR nous sommes en
train aussi d'appeler la population de rester au calme et je crois que demain
matin il y aura une situation qui est totalement apaisée.
Analyse:
L'authenticité de ce message est certaine, cependant sa
valeur suscite plusieurs doutes d'après nos analyses. Dans cet
élément le colonel Vianney KAZARAMA répond d'un langage
facile au journaliste Christophe BOISBOUVIER, lorsque nous savons tous le
niveau bas d'études de la plupart de ces militaires ainsi que
l'inadaptation à la langue française qui
31
www.rfi.fr/archives-m23
51
caractérise non seulement ces rebelles mais l'ensemble
des rwandophones. Il ressort de ces mêmes analyses que l'interlocuteur de
la RFI, à savoir le colonel Vianney KAZARAMA serait en train de lire
certainement ses déclarations, comme preuve une déclaration
pleine des calambours. D'après nous cela implique qu'il aurait d'avance
reçu une grille des questions pour lesquelles il aurait certainement
prévu des réponses préfabriquées. En diffusant cet
élément la RFI a violé l'article 13 du code de
déontologie et d'éthique du journaliste congolais qui stipule ce
qu'un journaliste a le devoir de : « Faire preuve de retenue dans la
présentation des faits de nature à mettre en danger ou de nuire
aux intérêts vitaux de l'Etat et de la société
».
III.1.les facteurs déterminants la tendance de
la RFI
Plusieurs facteurs ont déterminé le penchant de
la Radio France Internationale dans ces conflits armés. Parmi eux nous
pouvons citer :
1. Contrainte d'influence dit à la course à
l'audimat :
L'une de causes non négligeables influençant la
prise de position par la RFI face aux conflits en RDC est le fait que de
nombreuses chaines européennes émettant en Afrique et pour
l'Afrique sont préoccupées par course à l'audimat. Faut-il
alors dans ce cas mystifier les faits afin que ces derniers soient plus
intéressants ? Ici le journaliste ne rend pas compte de faits tels
qu'ils se déroulent mais vise plutôt traiter l'information de
manière à drainer un grand public !
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