II.3 APERÇU DE DIFFERENTS GROUPES REBELLES
AFRICAINS
Les rébellions en Afrique trouvent leur fondement au
lendemain de l'indépendance. Les guerres de sécession du Katanga,
les affrontements interethniques du Rwanda, du Tchad ou du Soudan pour ne citer
que ceux-là, témoignent d'un parcours de guerres historiques et
fratricides que le continent ait vécues durant le
XXème siècle. Ce phénomène va baisser
d'intensité dans les années 70, puis ressurgir avec
l'avènement de la démocratie. C'est en cette période que
de centaines de rébellions vont naître de part et d'autre du
continent avec pour but, la « revendication sociale ». Cette option
plonge l'opinion publique dans une incompréhension et,
révèle de profonds malaises qui sévissent sur le continent
noir. Devenus théâtres d'affrontements armés, les pays
africains sont dès lors victimes de la faillite ou de l'échec du
processus démocratique. De nombreux groupes armés sont
fragmentés en divers mouvements et changent de relations et de
stratégies d'action au fil de temps.
Aujourd'hui en Afrique, faut-il le dévoiler, plus d'une
dizaine de pays vit dans des conflits armés ou traverse des moments
d'une sécurité précaire, liés soit à des
conflits dans les pays voisins, soit à un contexte favorable au
déclenchement d'un conflit armé quelconque.
Pour comprendre avec objectivité la multiplicité
de groupes rebelles en Afrique et l'évolution de leurs mouvements, il
est judicieux de s'intéresser à leur origine ainsi qu'à
leur environnement psycho-social. Les rébellions en Afrique se
ressemblent car elles partagent les mêmes
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missions ainsi que les mêmes concepteurs ; nous pouvons
aussi dire qu'elles sont au service d'un même chef.
En dépit des armes à feu, les médias se
veulent aussi un outil indispensable pour la survie de ces groupes rebelles. Le
but premier, poursuivi par les médias occidentaux est de diaboliser la
cible à abattre puis présenter la rébellion sous les
habits de « sauveurs, de combattants de la liberté, des
marginalisés de la gestion du pouvoir etc. ». Ce faisant, les
concepteurs des rébellions préparent et conditionnent la
communauté internationale de l'imminente agression contre le pays. Le
tout soutenu par des résolutions fantaisistes,
généralement rédigées par le pays initiateur.
Une fois la rébellion installée ou au pouvoir
comme ce fut le cas pour la Côte D'Ivoire et la RCA, les multinationales
occidentales imposent leur desiderata. Elles insistent pour avoir des contrats
de plus de 80% en leur faveur, des terres et des villages pour l'exploitation
agricole. En ce qui concerne les terres, elles encouragent les rebelles
à les annexer, dépossédant les autochtones. Ensuite elles
encouragent l'adoption de nouvelles lois sur le foncier rural, tout en
encourageant une colonisation de la future main d'oeuvre dans la zone. Enfin,
elles rachètent ces terres « officiellement » avec les
nouveaux colons tout en leur demandant de rester dans la zone en qualité
de main d'oeuvre. Cette politique est ainsi faite afin d'avoir le
contrôle et le monopole de la culture de cacao et café, cultures
dont les prix sur le marché échappent très souvent aux
occidentaux. Désormais, elles seraient les premières à
produire, écouler, vendre et décider du prix sur les
marchés financiers. Ceci est un exemple parmi tant d'autres de
l'annexion des terres.
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Les réserves de pétrole et les minéraux
ne sont pas aussi épargnés. Ils mettront aussi la main la dessus.
En clair, la rébellion sert à enrichir la métropole,
visiblement en difficultés financières depuis que les Chinois ont
commencé à envahir les pré-carrés et marchés
des occidentaux en Afrique. En d'autres termes, ils utilisent la misère
d'un groupe d'individus afin de les armer et déstabiliser un état
souverain pour enfin s'en mettre plein les poches.
Les prétextes suivant sont abondamment utilisés,
tels l'instauration de la démocratie, le respect des droits de l'homme,
la lutte contre le terrorisme international, la sécurité sur le
continent africain. Tout ceci afin de justifier la présence des forces
étrangères sur les territoires Africains, violant de façon
flagrante la souveraineté de ses Etats.
Une lecture des témoignages vécus de la vie des
rébellions africaines, expriment les éléments qui
déterminent leur dynamique. Les conflits armés internes,
qualifiés par certains spécialistes de guerre civile, sont
menés par des rébellions armées, formées sur le
même territoire. Ces rébellions sont composées des
ressortissants du pays même, des filles et garçons souvent en
déperdition scolaire, vivant majoritairement dans les zones rurales, en
proie à la pauvreté et à l'accès difficile aux
structures socio-économiques de base. Il s'agit des catégories de
population active, sans emploi, qui se lancent dans une course pour leur
survie.28Les ex-militaires, qu'ils s'agissent des retraités
valides, des radiés de l'armée pour cas d'indiscipline n'ayant
pas été reconvertis, constituent un réservoir de main
d'oeuvre militaire à laquelle les leaders des rébellions font
recours
28P. Collier, economic causes of civil conflict
and their implications for Policy, Banque Mondiale, Juin 2000.
29 P. collier, op.cit.
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pour la constitution de leur mouvement. Ces anciens
militaires, nantis d'expérience et d'expertise, forment le cercle
d'encadrement pour les combattants. Dès les premières heures de
la formation du mouvement, ils participent à toutes les chaines qui vont
du recrutement à la formation aux premiers assauts, dont ils assurent le
commandement tactique à différents niveaux.
Les apprentis locaux, constitués de plus en plus des
jeunes éleveurs et agriculteurs, résident dans les
localités où prennent forme les rébellions. Ces jeunes
dont la moyenne d'âge est de 23 ans, abandonnent troupeaux et plantations
pour se faire enrôler car ayant été promis à une
activité moderne et une vie meilleure. Pour ceux qui ne veulent pas
s'engager, ils sont harcelés par leurs pairs ; leurs parents sont soumis
à des menaces jusqu'à ce qu'ils cèdent sinon, ils fuient
le village. La plupart des cas, ils consentent par obligation pour
préserver leur vie et celle de leurs parents non pas seulement, des
attaques des forces gouvernementales mais des représailles de leurs
pairs. « Moi au début je ne pensais pas à la
rébellion. Mais les militaires sont venus et ont brûlé les
tentes et tués les animaux. Ils ont égorgé les
chèvres et les ont brûlées aussi. Ils ont même
tué un vieux qui ne savait rien. J'ai pu me cacher et je suis parti
à pied. J'ai trouvé des gens qui m'ont amené vers,...
Là il y avait des fronts et j'ai commencé avec eux. Au
début je n'avais pas d'armes, ils ne voulaient pas m'en donner.
»29
Certains agents des services public et privé, cadres de
l'administration centrale ou régionale apportent leur soutien à
des rébellions de manière multiforme : ils profitent au maximum
de leurs relations pour galvaniser l'opinion publique nationale et
internationale au profit de la rébellion qu'ils
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soutiennent et ce, contre le pouvoir en place. Officiellement
agents au service de l'Etat mais en réalité, ils
déstabilisent le pouvoir en faisant campagne de désinformation au
profit des rébellions, fournissent et divulguent les informations
classées confidentielles ; c'est le canal de la mobilisation de
ressources et de logistiques pour la rébellion. Ils coopèrent
avec l'administration de l'armée gouvernementale et communique les plans
des opérations en cours ou en vue à la rébellion. Avec
toutes ces contributions, la capacité d'une rébellion à
déstabiliser le gouvernement de son propre pays s'affirme. Les rebelles
disposent de moyens à tenir en échec l'armée
régulière, vu l'environnement sociologique dans lequel elle s'est
constituée.
Les rebellions se ressemblent et ont toutes les mêmes
objectifs : détruire l'opposition ou les populations afin de s'accaparer
des territoires riches en ressources naturelles. Tous ces grands concepts tels
la démocratie, les droits de l'homme, la lutte contre le terrorisme
international sont de la poudre aux yeux sinon pure distraction. Ils s'en
foutent du bien-être des populations Africaines pourvu que les leurs
soient dans une opulence insolente. Les rebelles africains se sont
engagés dans une sphère de violence qu'ils n'ont pas choisie mais
contraints de la pratiquer. Les victimes de ce marasme qui sont à la
recherche de survie, ou du travail pour subvenir au besoin de leur famille, ne
peuvent pas résister à des promesses alléchantes,
modiques, risquées soient-elles. Pour les rebelles, mieux vaut se
sacrifier pour survivre que de vivre dans la pauvreté avec une
souffrance à vie, ils deviennent principaux acteurs des commerces
illicites de toutes natures et auteurs de violences tous azimuts.
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Une fois le conflit éclaté, les
théâtres des opérations se transforment en site de
catastrophes naturelles. La violence étant particulièrement
destructrice. Les moyens militaires en provenance des pays occidentaux passant
par certains pays Africains « complices », et donnent une
entière confiance à la rébellion qui dans la foulée
veut montrer sa suprématie. La rébellion a une double pesanteur,
celle de prouver d'une part au monde entier, qu'elle a la force militaire de
mener le combat et d'autre part de remplir son contrat, celui de gagner du
terrain pour continuer à bénéficier du soutien de ses
bienfaiteurs. Il en résulte un débordement dans la conduite des
opérations : aucune discipline, ni de règle d'engagement ne soit
en mesure de gouverner le moral des combattants sur le terrain.
On parle également du printemps arabe africain. Ce
dernier est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et
d'intensité très variables, qui se sont produit dans de nombreux
pays arabes africains, à partir de décembre 2010. L'expression de
« Printemps arabe » fait référence au « Printemps
des peuples » de 1848 auquel il a été comparé, tout
comme le Printemps de Prague. Ces mouvements révolutionnaires nationaux
sont aussi qualifiés de révolutions arabes, de révoltes
arabes, ou encore de « réveil arabe», certains vont
jusqu'à parler d'une révolution Facebook, d'une révolution
Twitter voire d'une révolution 2.0 tant l'usage des réseaux
sociaux aurait été important.
Ces événements ont commencé le
17décembre2010 dans la ville de Sidi Bouzid par la révolution en
Tunisie qui a conduit Zine el-Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir.
D'autres peuples reprennent à leur tour le slogan « Dégage
» (ou Erhal ! en arabe devenu le symbole de ces
révolutions).
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Outre le départ des dictateurs et l'instauration d'une
démocratie, les manifestants exigent un partage des richesses qui leur
assure de meilleures conditions de vie, des emplois, et la dignité
(« karama » en arabe). Alors que la révolution
égyptienne provoque le départ d'Hosni Moubarak et une transition
démocratique, les autres n'ont pas les mêmes conséquences :
en Libye, elle tourne à la guerre civile entre les forces fidèles
au régime de la Jamahiriya de Mouammar Kadhafi et les insurgés,
soutenus par une intervention étrangère sous mandat de l'ONU ;
à Bahreïn, la solidarité contre-révolutionnaire des
monarchies du golf Persique fait échec au mouvement de contestation mais
elle reprend à partir de juin 2011 .
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