6.3-GOUVERNANCE SOCIO-ECONOMIQUE
DES ONG : SURVOLE EMPIRIQUE
L'intérêt accordé à la
société civile dans la gouvernance économique est
consécutif à la révision des théories et des
pratiques de la gouvernance. La bonne gouvernance ou la gouvernance
économique prônée par les institutions internationales
d'aide au développement se fonde sur une gestion participative,
transparente et responsable des intérêts, des droits, des
obligations et des différends des citoyens. Elle favorise le respect de
la légalité et veille à ce que les priorités
politiques, sociales et économiques se fondent sur un large consensus au
sein de la société et que la voix des plus démunis et des
plus vulnérables soit entendue par ceux qui prennent les
décisions en matière d'allocation de ressources. Dans cette
perspective, les OSC constituent des acteurs à part entière de la
gouvernance économique. A cet effet, Salomon et Helmut (1996) notent que
suite au réexamen du rôle de l'Etat, ces Organisations sont des
vecteurs de sociabilité et des instruments de transformation sociales
comme elles sont également des acteurs économiques essentiels,
capable de répondre aux besoins sociaux en émergence. Sur cette
base, et partant, comme responsable de la bonne marche de la
société, elles situent leurs actions d'abord et avant tout dans
une logique d'interpellation. Cette interpellation se fait soit sous la forme
de lobbying pour obtenir des modifications, soit sous la forme de critique ou
d'une dénonciation. Quelle que soit la forme d'interpellation, celle-ci
établit plusieurs niveaux de responsabilité ; en effet les
pouvoirs publics peuvent être rendus partiellement ou entièrement
responsables:
- a priori, de ne pas prendre des mesures nécessaires
pour éviter les violations des principes de la bonne gouvernance ;
- a postériori, de ne pas dégager les moyens
nécessaires pour intervenir en cas de non-respect et de violation de ces
principes et pour mettre fin aux inégalités croissantes et
à l'exclusion des populations ;
L'interpellation des OSC a pour objectif d'amener les
politiques à prendre leurs
« responsabilités », c'est-à-dire des
décisions et des mesures concrètes ; la fonction des
organisations de la société civile est donc de dénoncer
des carences dans la gouvernance et d'exiger que l'Etat y remédie. Elles
estiment que les politiques doivent assumer leurs responsabilités et
fournir un cadre législatif et administratif favorisant la bonne
gouvernance économique et sociale. Ainsi de l'avis de la
littérature consultée, il existe deux tendances parmi les OSC
concernant le rôle qu'elles pourraient jouer dans le processus de la
gouvernance économique du pays. Ces divergences dépendent
largement de l'idéologie dominante dans chaque organisation au sujet de
la place respective de l'Etat et de la société civile dans la
collectivité en générale, et dans la définition et
l'application de politique et de développement en particulier. Elles
conditionnent également les modes d'intervention et d'interpellation du
pouvoir politique adoptés par les ONG ainsi que leur niveau de
coopération avec l'Etat.
Il existe cependant une constance : l'Etat est un Etat de
droit ; le pouvoir est considéré comme le garant du droit et
la seule instance habilitée à changer le droit (par la loi)
lorsque les droits des citoyens sont en danger ou lorsque les principes de
gouvernance ne sont pas respectés. Par ailleurs, l'Etat doit être
à même d'apporter aux populations un niveau de bien être par
une bonne gestion et une répartition équitable des ressources
nationales. Dans le cas contraire, le rôle des OSC est d'abord
d'interpeller les politiques. Par exemple, en Côte d'Ivoire, ces
dernières décennies, les ONG ont joué le rôle
d'interpellation, notamment dans la situation de crise militaro-politique
où l'on a assisté à de nombreuses violations des droits et
de la dignité de la personne humaine ainsi qu'aux non-respects des
principes démocratiques.
Le rôle des ONG ne se limite pas seulement à
l'interpellation ou à la dénonciation. Elles sont aussi
présentes sur le terrain à travers des actions concrètes
visant à promouvoir la bonne gouvernance, la gestion saine de la
richesse nationale.Ces actions concernent notamment l'organisation de campagne
de sensibilisation et de conférences sur des sujets ayant trait à
la bonne gouvernance, la démocratie, aux droits de l'Homme et la
réalisation d'activités touchant à différentes
composantes du développement. La contribution de la
société civile dans la gouvernance économique du pays est
également perçue à travers les fonds qu'elles sont
capables de mobiliser. Par exemple, aux Etats Unis, les ONG mobilisent selon
Ackermann (2002) 508,5 milliards de Dollars par an, ce qui représente
6,5% du revenu national. Ces fonds servent principalement à financer la
santé et l'éducation Salomon and Anheir, (2003). Les fonds
mobilisés par les ONG africaines sont relativement importants. Au Kenya,
par exemple, ces fonds se situeraient entre 150 et 200 millions de Dollars US
par an (Lekyo, 2000). Dans ce pays les ONG offrent 40% des services liés
au planning familial.
En Côte d'Ivoire, ce sont environ trois (3) milliards de
FCFA par an qui sont mobilisés par les ONG Sylla (2003). Ces fonds
proviennent essentiellementde bailleurs de fond internationaux (78%), et
servent principalement à financer le secteur de la santé
dominé par les problèmes liés au VIH/SIDA. Ce dernier
secteur est indépendant financièrement de la philanthropie
internationale à hauteur de 81%. Boukhari (1994) affirme que « Le
principe fondamental de la participation : c'est le partage de savoir et de
pouvoir ». Il continue en disant que « Dans une approche
participative la population n'est pas un gisement d'information mais un
partenaire avec qui il faut échanger et partager l'information utile
» « La participation, c'est penser et faire avec et non pour, c'est
la responsabilisation, la concertation et la négociation ». Cette
idée est confirmée à travers cette déclaration ?la
plupart des cas, la conception des ONG locales de développement et les
politiques reliées à leur implantation sont souvent excessivement
centralisées, donc ne sont pas en mesure de répondre correctement
aux besoins locaux ; le fait que les informations ne soient pas
systématiquement collectées et analysées gêne le
processus de conception et de programmation effective des réformes et
des innovations » BAD (2006).
La pérennisation des acquis passe par l'appropriation
par les populations du développement à eux apportés
laquelle appropriation est conditionnée par leur implication dans tout
le processus de l'intervention. Or par expérience, des ONG humanitaires
déguisant leur volonté d'apporter ?un projet clé en
main» laissent très souvent peu d'espoir au succès de
l'appropriation. C'est d'ailleurs ce que pense Jean Pierre Olivier de Sardan
lorsqu'il affirme : « Il ne s'agit pas d'amener le
savoir là où règne l'ignorance (...). Les pays auxquels on
s'adresse ont déjà des compétences et des savoir-faire
dans les domaines concernés par le développement ». Par
conséquent si les interventions extérieures apportent des
solutions à certains problèmes, elles n'ont pas toujours la
capacité de comprendre en profondeur les aspirations profondes des
bénéficiaires.Brauman (2000) appréhende l'action
humanitaire comme étant celle qui vise, sans aucune discrimination et
avec des moyens pacifiques, la préservation de la vie dans le respect de
la dignité et de la restauration de l'homme dans ses capacités de
choix. C'est pourquoi, il s'avère nécessaire d'associer les
bénéficiaires à toutes les étapes de
déroulement des projets afin d'espérer une amélioration
des conditions de vie et de travail des communautés locales dans une
perspective de développement durable. Les résultats de la
recherche insistent sur l'importance de la planification précoce des
stratégies de retrait des bailleurs car cette démarche permet aux
différents acteurs de connaitre leurs rôles et
responsabilités ainsi que la contribution de chacun dans l'atteinte des
objectifs du projet. Par ailleurs, l'efficacité d'une stratégie
de retrait dépend de la participation et du niveau d'appropriation et de
motivation des communautés ou de leurs représentants avec un
accent mis sur la participation des acteurs qui mèneront les
activités après le départ des initiateurs de
l'intervention. De plus, la prise en compte rapide du renforcement des
capacités dans la planification du projet et le partenariat local sont
des aspects favorables à la durabilité des projets.
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