CONCLUSION
Si les oasis se définissent autour de thème
majeur de l'eau et des palmeraies, aujourd'hui leur définition doit
prendre également en compte des déformations, des ruptures et des
tensions. Elles sont tiraillées entre des volontés
contradictoires et la rupture entre les signes du passé et les symboles
de la modernité affectent le territoire dans son ensemble. Les
références d'interventions sont aujourd'hui de plus en plus
éloignées de la culture locale et les modèles sont
dictés par des normes et des intérêts qui sont totalement
externes aux territoires. Le milieu naturel se dégrade, le paysage
se désordonne et les oasis perdent leur force, leur originalité,
leur harmonie, leur fonctionnement et leur séduction. La rapidité
des changements ne laisse plus au temps la capacité de corriger les
erreurs et celles-ci engendrent toujours plus de dégradations.
L'urbanisation aurait beaucoup eu à gagner si on avait
réfléchi un tant soit peu en terme de l'intégration de
l'environnement et de la qualité des paysages. C'est pourquoi il y a
lieu de réintroduire des règles de jeu et des pratiques
basées à la fois sur l'identité territoriale et sur le
devenir souhaité aux oasis. Dans les actions d'aménagement
à venir, il y a lieu de respecter des logiques bien identifiées
et adaptées de façon à maitriser l'occupation de l'espace
et respecter les équilibres écologiques. Ce travail
démontre que les palmeraies de la réserve de biosphère des
oasis du sud Marocain constituent un territoire où se définit une
problématique spécifique de gestion de l'environnement et
où s'expriment de nombreux enjeux. Le développement de cette zone
guettée par la désertification doit prendre appui sur la mise en
oeuvre d'une politique de mise à niveau qui consiste à passer
d'une économie de subsistance à une économie
diversifiée. Ce passage est susceptible d'élever le niveau de vie
des populations et réduire la marginalisation géographique et
socioéconomique des palmeraies. La région renferme de nombreux
atouts, mais des chantiers stratégiques doivent être entrepris
pour les valoriser.
La nécessaire valorisation des ressources
spécifiques :
On ressent pour les oasis l'urgence de la mise en oeuvre de
programmes de développement local axés sur les
potentialités spécifiques aux territoires. La préservation
de l'environnement et du paysage est une action urgente à entreprendre.
Le statut de la réserve de biosphère, image de marque mondiale,
permet de simuler des modèles de développement local qui ont
démontré leur efficacité dans d'autres régions du
monde. Dans notre région, il fournit des opportunités de
valorisation mais très peu exploités. Il désormais
important de penser à de novelles approches de développement
local. La préservation de l'environnement et la protection des paysages
va de pair avec la valorisation de certains produits spécifiques de la
région permettant une augmentation des revenus de la population. Une
agriculture biologique avec un label « oasis » est notamment un
créneau précieux qui peut aider à diversifier et renforcer
les revenus des populations locales. Le développement du tourisme
saharien : un nouveau créneau pour la valorisation paysagère
des oasis : Les potentialités touristiques des oasis sont aussi
diversifiées. Dans le but de les mettre en valeur, il est primordial de
faire de tourisme oasien un secteur économique prioritaire et recourir
à l'expertise nationale et internationale, afin de promouvoir des
projets rentables et respectant la sauvegarde des milieux. En parallèle
il faut ouvrir la région aux firmes touristiques internationales afin
d'impulser la compétitivité et fournir des subventions aux
investisseurs touristiques nationaux et locaux.
La promotion d'une politique urbaine :
Avec un taux de croissance moyen de près de 4%/an, la
population urbaine des oasis est appelée à doubler d'ici vingt
ans. Il conviendra de mettre en oeuvre une politique urbaine
permettant de maîtriser cette croissance et d'adopter de nouvelles
prescriptions urbanistiques. Les raisons sont multiples; les centres urbains
se présentent comme des espaces clés pour les oasis, elles
sont le lieu privilégié des mutations économiques,
écologiques et sociales. Plusieurs actions devront être
menées pour gérer ces changements et dépasser ces
problèmes : rénovation et réhabilitation de l'habitat
traditionnel, restructurer les politiques d'aménagement pour s'adapter
au contexte oasien et les projets d'amélioration du cadre de vie doivent
être renforcés. La gestion des transformations des paysages
devrait se faire par l'intermédiaire de documents de planification
spatiale et urbaine adaptés à la réalité et
à l'identité des palmeraies dans leur conception, dans leur
façon d'appréhender les problématiques oasiennes et dans
leur souci d'impliquer les acteurs locaux dans les processus de
négociation. La mise à niveau des centres urbains passe
nécessairement par la maîtrise du foncier qui est un facteur
stratégique dans la production de l'habitat. Cette maîtrise
passe par l'ajustement de la réglementation qui est soit
dépassée soit
mal formulée et la constitution de réserves
foncières pour une meilleure orientation de l'urbanisation. Enfin, des
actions spécifiques doivent concerner les Ksour et les Kasbah. Sur le
plan réglementaire, il faudrait compléter les textes par des
dispositions pratiques pour résoudre les problèmes
spécifiques à ce type d'habitat.
La valorisation du paysage et la sauvegarde de
l'environnement :
La protection de l'environnement constitue un axe
stratégique pour la valorisation paysagère. En effet,
l'environnement des espaces oasiens, fragile par nature, est dans une
situation critique. La situation est particulièrement alarmante
à cause de la désertification, et partout les signes de
dégradation se multiplient. A ce phénomène, se sont
associés les problèmes induits par l'urbanisation anarchique.
Ceci est particulièrement vrai pour le capital foncier en voie de
disparition en raison de l'empiétement de l'urbanisation sur les
terres agricoles particulièrement les zones traversées par des
voies d'accès mais aussi à cause des crues dévastatrices.
La réhabilitation des séguias, le sapement des berges sont toutes
des actions dispensables pour maintenir le paysage de la palmeraie. Ainsi, il
est essentiel de réhabiliter les systèmes traditionnels
d'irrigation (les Khettaras) mais aussi les traditions d'exploitation de l'eau
et les techniques pastorales traditionnelles qui contribuent à la
sauvegarde de l'environnement et au maintien des paysages. Une connaissance
objective de potentiel paysager pour chaque bassin oasien est importante pour
la définition des actions de valorisation et de développement. Au
stade actuel, les informations si elles existent sont dispersées,
disparates et d'inégale qualité. Un projet de territoire doit
s'articuler autour de la mobilisation concertée des ressources de
développement local et la protection de l'environnement. Ce qui implique
la diversification des activités économiques en adoptant des
stratégies locales appropriées et des systèmes de
production qui valorisent les produits spécifiques. Le
développement des activités non agricoles est de nature
à atténuer la pression sur les ressources et de limiter les
effets de la dégradation du milieu.
La nécessaire redéfinition des cadres de
référence :
La mise en oeuvre de projets de territoire ne peut être
menée à terme que si des actions de restructuration sont
menées en amont. Il est impératif de renforcer la
cohérence horizontale des programmes de développement et de
trouver de nouvelles méthodes de planification. Les projets de
développement local sont le plus souvent traduits par une simple
juxtaposition d'actions sectorielles. Les programmes de développement
devront dorénavant constituer une synthèse des besoins, des
atouts et contraintes des groupes cibles et tenir compte de
l'interférence de tous ces aspects. Le projet de territoire pourrait
servir de cadre spatial pour une meilleure efficacité des
programmes de développement. La planification
décentralisée et participative doit être également
institutionnalisée. Celle ci est un processus où la
planification émanant de la base, gérée et prise en
charge par les collectivités territoriales dans un cadre contractuel
entre les différents intervenants. Elle aboutirait à terme
à des contrats-plans, des contrats-programmes et des plans
régionaux et locaux de développement. Le cadre spatial
d'intervention devrait être changé. La région de la
réserve de biosphère est un espace très vaste, qui a
l'inconvénient de s'étendre sur deux régions
(Souss-Massa-Draa et Meknès-Tafilalt) à cheval sur trois
provinces différentes. Il est important actuellement pour coller aux
problèmes spécifiques de cet espace de procéder
à un autre regroupement régional. Le manque d'une structure de
gestion est aussi une impasse sérieuse à la valorisation et
à la protection des palmeraies. Il y a lieu d'introduire des
règles de jeu basées à la fois sur l'identité
territoriale et sur le devenir souhaité au territoire oasien dans le
cadre du programme MAB de l'UNESCO. Dans les actions d'aménagement
à venir, il y a lieu de respecter des logiques bien identifiées
et affirmées. La sauvegarde et la mise en valeur des palmeraies du sud
Marocain, c'est participer au développement durable de l'ensemble des
zones arides de la planète.
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