2.1.2. Surliquidité bancaire comme
résultat d'une bonne gestion de risques.
Ici prend place le rôle des banques au niveau
microéconomique. Elles sont le lieu du mécanisme de
régulation du crédit offert et de vérification que les
conditions du bien être et de la croissance existent. Elles sont un
maillon central. Car elles doivent jouer un rôle essentiel
d'évaluateur et de contrôleur des emprunteurs puisque le montant
correct d'émission de monnaie ne peut être fixé que par le
marché du crédit car ce dernier, sous la forme d'escompte de
traites ou d'accords de découverts est à l'origine de la
création de monnaie et que la monnaie n'a pas de marché. En
effet, dès que la monnaie est émise en contrepartie de
crédit, se pose la question des asymétries d'information sur le
marché du crédit qui peuvent amener les banques à faire
des erreurs (Diatkine sylvie, 2001). Vont-elles pouvoir sélectionner les
demandes émanant seulement des marchands « prudents » ?
Il existe, selon Smith dans son ouvrage « La richesse des
nations », deux types d'emprunteurs. Il y a, d'une part, les « hommes
prudents » ou « marchands prudents » qui n'empruntent que pour
financer leur encaisse de transaction (et participer uniquement à la
substitution d'une encaisse en monnaie bancaire à une encaisse
métallique) , pour des échéances de court terme, et qui
peuvent, en principe, rembourser (on pourra les appeler en termes contemporains
les « bons risques ») ; cependant, Smith ne voit pas que le
prêt à court terme encourt aussi un risque de solvabilité
et peut ne pas être toujours un « bon risque ». Il y a, d'autre
part, les « faiseurs de projets » ou spéculateurs ayant des
projets téméraires. Ces derniers pourront être
appelés les « mauvais risques » car ils se
caractérisent par le fait à la fois qu'ils empruntent pour
financer tout leur capital (ils vont donc au-delà des besoins de leur
encaisse) et que l'issue de leurs entreprises «téméraires
» est incertaine et les amènera vraisemblablement à ne pas
pouvoir rembourser la banque (il s'agit de lettres de change « fictives
»). Ils sont donc insolvables.
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LES ENJEUX DE LA SURLIQUIDITE BANCAIRE AU CAMEROUN.
Les conséquences sont microéconomiques et
macroéconomiques. Au niveau microéconomique, il en résulte
la faillite de la banque si elle prête aux « faiseurs de projets
». Ceci est la conséquence, bien sûr, de
l'insolvabilité de l'emprunteur mais aussi, selon Smith, du fait, que
dans ce cas une quantité supplémentaire aux besoins pour encaisse
de transaction circule dans l'économie et va nécessiter un
mécanisme de régulation de la quantité de monnaie par
demande de conversion accrue aux banques qui vont perdre des réserves en
métal. Elles sont donc en risque de liquidité. Elles vont puiser
dans leur capital pour les renouveler, ce qui détruit du capital et met
en danger la convertibilité de la monnaie bancaire. Ce risque de
liquidité est ici lié au risque de défaut. Au niveau
macroéconomique, il en résulte que l'augmentation de capital ne
s'est pas accompagnée d'une épargne et ceci est dû à
l'existence des banques qui introduisent une « opacité » dans
la liaison entre épargne et investissement au niveau de leur bilan du
fait de leur activité de prêt, une asymétrie d'information
ou une mauvaise information sur la qualité de leurs actifs. De plus, il
peut en résulter des mouvements de l'activité économique
(overtrading) et pire, une destruction de capital car les emprunteurs «
téméraires », en faisant faillite vont détruire le
capital emprunté et le capital déjà existant. Ainsi le
système financier n'est pas neutre.
Alors, il existe une asymétrie d'information à
laquelle les banques sont exposées lorsqu'elles veulent octroyer du
crédit à leurs clients. En raison de cette asymétrie, les
banques sont parfois incapables d'évaluer la probabilité de
défaut des projets pour lesquels elles sont sollicitées et
préfèrent rejeter les demandes au lieu de prendre le risque de
s'engager sur des projets trop risqués [Caprio et Honohan (1991)]. Le
fait qu'une entreprise puisse fournir des éléments comptables
n'est pas suffisant pour réduire l'asymétrie d'information car
ces documents ne sont pas fiables. En effet, les entreprises établissent
souvent trois déclarations statistiques et fiscales (DSF) : la
première a un usage interne, la deuxième est destinée aux
impôts et à la Direction de la Statistique et de la
Comptabilité Nationale, et la troisième à la banque.
L'audit de ces documents par des commissaires aux comptes assermentés
n'est pas un critère de fiabilité en raison des problèmes
de corruption. Bien que les banques aient des logiciels pour retraiter les
bilans et déceler les incohérences, elles ont du mal à
évaluer le risque des entreprises. Comme les banques s'engagent
très peu envers les nouveaux clients, le montant des crédits
alloués diminue et le rationnement au sein de l'économie augmente
[Gertler (1988)]. Ces dernières sont amenées à mettre au
point de nouveaux critères de sélection et allouent moins de
ressources, ce qui entraîne une surliquidité des banques [Caprio
et Honohan (1993)].
Lorsqu'un entrepreneur vient demander du crédit, les
banques évaluent la solidité de l'entrepreneur avant
d'étudier le risque spécifique du projet. Ainsi, les banques
cherchent à
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déterminer si l'entrepreneur fera les efforts
nécessaires pour mener à bien son projet (aléa moral
ex-ante), et s'il ne dévoilera pas à la banque des revenus
inférieurs à ceux effectivement dégagés par le
projet pour ne pas avoir à rembourser son crédit (aléa
moral ex-post). De plus, les banques ne savent pas quel degré de
confiance accorder au nouveau client et sa demande sera presque toujours
refusée [Guille (1992)].
Afin de réduire la probabilité de défaut
de l'emprunteur, les banques exigent un autofinancement minimum et des
garanties. Le fait qu'un entrepreneur soit prêt à financer une
partie de son projet montre qu'il estime que le risque spécifique est
faible et qu'il fournira tous les efforts nécessaires pour le mener
à bien. Si les entreprises ne peuvent fournir d'autofinancement minimum,
les banques refusent de s'engager (Anne Joseph), ce qui explique le
caractère volontaire de la surliquidité des banques
commerciales.
On évoque le caractère volontaire de la
surliquidité des banques, le plus souvent, pour expliquer un
mécanisme de protection contre le risque de liquidité. Il s'agit
donc d'une réponse planifiée des Banques Commerciales pour faire
face à un risque potentiel. Pour gérer ce type de risque, et
prendre une décision concernant la quantité d'actifs liquides
qu'elles doivent détenir, les Banques Commerciales internalisent le fait
qu'elles peuvent emprunter des fonds sur le marché interbancaire ou
à la Banque Centrale en cas d'éventualités non
anticipées (Agénor, Aizenman, et Hoffmaister, 2004). Les
modèles de la gestion des risques de liquidité, en rapport avec
les réserves, ont été largement exposés dans la
littérature par Baltensperger (1974), Santomero (1984) et Swank
(1996).
Agénor, Aizenman, et Hoffmaister (2004) en s'inspirant
du modèle de Baltensperger (1974) postulent théoriquement qu'un
accroissement du taux de pénalité, ou de la volatilité de
la production (si le niveau initial du taux de pénalité est
suffisamment élevé), augmente le niveau de réserves
détenus par les Banques Commerciales ; tandis qu'un accroissement des
réserves obligatoires produit un effet inverse
En Afrique centrale, les mesures de protection contre le
risque de liquidité, pour éviter la crise
précédente, ont entrainé une aisance de trésorerie
qui a redonné confiance aux déposants. A la place d'une
ruée pour le retrait de la liquidité en cas de panique bancaire,
on assisterait plutôt à une affluence pour le dépôt
de la liquidité. Et étant donné le caractère
volatil de ces dépôts, les Banques prennent leur précaution
en les conservant sous forme de réserves libres.
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Ce qui montre que la surliquidité bancaire est la
conséquence d'une bonne gestion de risques bancaires par les banques,
car les banques ne sont sur liquides que lorsque celles-ci gèrent bien
les risques auxquels elles sont exposées vu l'asymétrie de
l'information qui existe entre leurs clients et elles. Ce qui permet de
conclure que la bonne gestion de risques est le déterminant d'une
surliquidité bancaire. Mais la question que l'on peut se poser est celle
de savoir si cette bonne gestion des risques est-elle le seul
déterminant de la surliquidité des banques ?
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