SECTION II : LES FAIBLESSES DE LA SANCTION PENALE EN
DROIT
CAMEROUNAIS DE L'ENVIRONNEMENT
Le problème de l'efficacité du droit de
l'environnement demeure une préoccupation pour bon nombre de pays parmi
lesquels le Cameroun. En effet, la question de la mise en oeuvre du droit de
l'environnement est une problématique classique69 car la
pléthore des textes en la matière entraîne une
complexification de la législation et une application éthique des
textes. La mise en oeuvre de la sanction pénale en droit de
l'environnement se heurte à de nombreuses entraves au rang desquelles le
laxisme des autorités compétentes en matière de lutte
contre la dégradation de l'environnement combiné à
l'insuffisance des ressources financières (Paragraphe I). En outre,
l'administration camerounaise a érigé la transaction comme une
étape préalable à tout règlement de nature
environnementale ce qui constitue un effritement de la sanction pénale
(Paragraphe II).
Paragraphe I : Le laxisme des autorités
compétentes en matière de répression des atteintes
à l'environnement : les faiblesses d'ordre institutionnel
La réglementation hétéroclite de la
sanction pénale en droit de l'environnement souffre d'une application
difficile du fait des carences inhérentes aux autorités
compétentes en la matière en l'occurrence les agents de
l'administration d'une part et du juge pénal d'autre part (A). Bien
plus, la mise en oeuvre de la sanction pénale se heurte à
l'insuffisance des moyens financiers (B) mis à la disposition de
l'administration.
A- Les carences inhérentes aux autorités
compétentes en matière de répression, des atteintes
à l'environnement
Le laxisme des autorités compétentes constitue
un frein au développement du droit de l'environnement ; ce laxisme se
traduit par le faible suivi de la règlementation encouragé par
les agents de l'administration d'une part et par le manque de
spécialisation des juges en matière de droit de l'environnement
d'autre part.
Sur le faible suivi de la législation
: Au Cameroun, le droit de l'environnement « tout entier souffre
d'un faible suivi »70. Le droit protecteur de l'environnement
est très peu appliqué par les acteurs ce qui entraîne un
laisser-faire de la part des personnes assujetties au
69 M. KAMTO, Colloque sur la mise en oeuvre du
droit de l'environnement en Afrique, la mise en oeuvre du droit de
l'environnement : forces et faiblesses des cadres institutionnels, Abidjan, 29
au 31 octobre 2013.P4
70 R. L. LONGO, La gestion des déchets
dangereux au Cameroun, IRIC, Université de Yaoundé II,
Mémoire de Master en Relations Internationales, 2012.
![](La-sanction-penale-en-droit-de-l-environnement-tude-comparee-des-droits-camerounais-et-franai56.png)
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droit de l'environnement. Les justifications à cette
situation calamiteuse ne tarissent pas ; tantôt certains évoquent
le caractère épars des textes, d'autres le manquent de
clarté et de précision des textes et d'autres évoquent
même une violation volontaire de la loi. C'est une situation ahurissante
et d'une gravité particulière car cela conduirait à
réduire le droit camerounais de l'environnement à un droit
purement théorique qui n'existe que dans les textes et toute politique
visant à le rendre vivant ou plus pratique serait vaine. Pour illustrer
le laxisme des autorités compétentes, nous allons procéder
par quelques exemples.
Exemple 1 : en matière de gestion des
déchets
Au Cameroun, la règlementation en matière de
gestion des déchets est malheureusement très peu respectée
malgré l'existence d'une règlementation en la matière.
C'est le cas de l'obligation de déclaration prescrite par la loi de 1989
qui a pour but d'obliger les entreprises à déclarer leur
activité et à préciser le volume de leurs déchets.
Malheureusement, la stratégie nationale de gestion des déchets
hospitaliers71 qui sont mélangés aux autres formes de
déchets (déchets plastiques, liquides, ménagers etc...).
La problématique de la gestion des déchets au Cameroun
préoccupe et inquiète toutes les couches de la
société car « la saleté nous assiège et son
cortège de la maladie nous guette ». Qui peut se prétendre
à l'abri du microbe que le vent propagera de quartier en quartier ? Il
n'y a pas de liesse quand la crasse n'est pas loin, omniprésente,
nauséabonde. La vie suffoque sous cette étreinte de la
malpropreté »72
Exemple 2 : en matière de lutte contre la
pollution de l'eau
Au Cameroun, 21 entreprises sont autorisées à
commercialiser l'eau minérale selon un communiqué du MINDT.
Malheureusement, le secteur des eaux minérales connaît beaucoup de
turbulences dues à la prolifération des marques des eaux et
à leur qualité douteuse. Malgré les multiples circulaires
et communiqués des autorités, la situation reste
inchangée. Des entreprises exercent en pleine illégalité,
c'est-à-dire sans accomplir les formalités préalables de
déclaration ou d'autorisation. Le problème du commerce d'eau
minérale au Cameroun est dominé par des entreprises
récalcitrantes qui n'ont aucun respect pour l'administration. L'inertie
de l'administration est une situation qui affecte particulièrement le
droit de l'environnement camerounais car elle contribue à l'affaiblir.
L'administration gagnerait à mettre sur pied des politiques
adaptées à la situation économique et géographique
du pays. On
71 Stratégie nationale de gestion des
déchets au Cameroun période 2007-2015.
72 F. NTONE NTONE, A l' occasion des JCP, BOSANGI,
Magazine trimestriel de l'environnement, Avril-Mai-Juin 2012, Numéro
30.
![](La-sanction-penale-en-droit-de-l-environnement-tude-comparee-des-droits-camerounais-et-franai57.png)
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pourrait par exemple promouvoir une plus forte participation
des populations dans la mise en oeuvre du droit de l'environnement. Toutefois,
le laxisme ou la mauvaise volonté des agents de l'administration n'est
pas la seule difficulté à laquelle se heurte la sanction
pénale.
Sur le manque de spécialisation des juges en
matière de droit de l'environnement
Très peu de juges camerounaises possèdent des
connaissances en droit de l'environnement. Ce qui peut entraîner une
accumulation du contentieux en la matière. Ainsi, une
spécialisation des juges en droit de l'environnement serait
salutaire.
De tout ce qui précède, il ressort que les
autorités compétentes en matière de répression des
atteintes à l'environnement font preuve d'une négligence
caractérisée entraînant ainsi une banalisation du droit de
l'environnement. Toutefois, le laxisme des intervenants est également
causé par la faiblesse des ressources.
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