Développement des espaces géographiques. Exemple du terroir d'Assomé dans la basse vallée du Zio.( Télécharger le fichier original )par KOUAMI DODJI ADJAHO Université de Lomé - Maà®trise en géographie 2010 |
10.1.2. La phase d'applicationC'est l'étape de mise en valeur effective du terroir par l'agriculture. Ainsi, notre stratégie prévoit d'esquisser un plan d'aménagement agricole dans le cadre d'un plan d'organisation général du terroir (carte 8). 137 : Proposition d'aménagement du terroir d'Assomé Ce plan d'aménagement agricole prévoit de diviser le terroir en zones écologiques en fonction de la nature des sols et de leurs possibilités d'exploitation. Dans cette perspective il se dégage deux grands ensembles naturels en rapport avec la topographie. Il s'agit des zones de plateaux constitués de terre de barre et la plaine alluviale. Les plateaux de terre de barre, au nombre de deux, sont des indentations du plateau de Tsévié situées au nord-est et au sud-est du terroir. De part leur situation, ils constituent dans le cadre du plan d'aménagement deux sous zones écologiques dont le caractère distinctif réside dans le degré de dégradation dont ils sont victimes. Sur le plateau nord, les sols sont lessivés et dépourvus de leurs constituants organiques ; sur le plateau sud, ils sont profondément détériorés par l'extraction de gravier qui a bouleversé leur texture et leur stratigraphie. La nature ferralitique originale de la terre de barre sur ces plateaux, offrant les meilleures potentialités agricoles, le plan d'aménagement prévoit d'en faire les principales zones de production de cultures vivrières du terroiraprès reconstitution de la fertilité des sols. A cet effet, le plateau sud entièrement dégradé par l'extraction de gravier fera l'objet d'aménagement particulier. Vu la morphologie accidentée des sites d'extraction, il est primordial et indispensable de procéder à leur nivellement par terrassement avant toute tentative de mise en valeur. Ceci consistera à remblayer les excavations par les sédiments qui forment les monticules. Cette opération se révèle techniquement et financièrement très délicate. En effet, les clans et individus propriétaires terriens ne disposent pas de moyens techniques adéquats pour réaliser une telle opération. De même, dans le contexte actuel de paupérisation généralisée qui sévit à Assomé, il est impossible de débourser de l'argent pour louer les engins (bulldozers et camions) adaptés à ces genres de travaux. Ils sont donc contraints de réaliser le remblaiement de façon manuelle avec des outils rudimentaires (houe, pioches, râteaux). La seule alternative, est l'instauration de groupes d'entraide au sein desquels le travail se fera de façon communautaire. Les groupes d'entraide se constitueront selon la proximité des propriétés foncières. Il y a donc nécessité de disposer d'une main d'oeuvre valide et jeune pour accomplir une tâche aussi difficile et pénible. Or la population d'Assomé est presque totalement dépouillée de sa frange jeune qui a migré à la recherche de meilleures conditions de vie. Il existe donc de graves contraintes au remblaiement et au nivellement des sites d'extraction de gravier s'il revient aux seules populations d'Assomé de les réaliser. C'est sans doute ce qui a depuis toujours empêché toute initiative de remblayage des excavations. Or cette solution constitue un passage obligé si l'on veut effectivement restaurer l'environnement dégradé du paysage d'Assomé. C'est pourquoi nous estimons que l'implication de l'Etat, par la mise à disposition des moyens financiers et techniques, serait un atout indéniable pour les populations. Par ailleurs, il est évident que le volume de sédiments disponibles ne suffirait pas à remblayer totalement les excavations, il y a donc nécessité de faire des apports extérieurs de sédiments pour que le nivellement des gravières soit effectif. Ainsi nous pensons que le système d'enfouissement des ordures ménagères, proposé par Aliti (2006), présenterait un grand avantage. En effet, ce procédé a fait l'objet d'une étude d'impact menée par des ingénieurs français sous la demande des services de la voirie de la ville de Lomé. Cette étude d'impact a conclu que les risques de contamination de la nappe phréatique par le lexiviat6(*) qui déduirait des ordures, sont très faibles. Puisque le matériel sous-jacent enduré n'est pas perméable. Seulement, dans notre présente étude, il faudra adapter cette technique aux conditions de mise en valeur agricole des terres après le remblayage. Ainsi, au lieu d'une disposition des couches d'ordures et de sédiments sablo-argileux en bandes alternées, il serait mieux de constituer uniquement deux couches. D'abord, le fond des excavations serait rempli au tiers de la profondeur par une couche d'ordures compactées ; ensuite, le remblaiement sera complété par les sédiments sablo-argileux des monticules. Cette structure permettrait de limiter la décomposition des ordures et de donner un aspect subhorizontal à la topographie actuellement bouleversée par l'extraction de graviers. C'est ainsi qu'on pourrait envisager la mise en valeur de ces terres. A propos, ce document suggère qu'au regard de l'investissement que l'Etat aura consacré aux opérations de nivellement des zones de carrières abandonnées, le déclassement de ces terres propriété privée des collectivités locales en un domaine privé public de l'Etat. Ce dernier devra par la suite être décrété en se référant à l'ordonnance N° 78-18 du 17 Mai 1978 en " Zone d'Aménagement Agricole Planifié (Z.A.A.P)". La ZAAP est une structure juridique instituée par la législation agro-foncière d'appropriation des terres par l'Etat. Elle prévoit d'affecter les terres mobilisées aux coopératives en vue de leurs mises en valeur. Elle est dotée d'une personnalité morale qui a en charge sa gestion. Dans le cadre de cette étude nous suggérons que la coopérative qui aura en charge la ZAAP, soit constituée des anciens propriétaires des terres dans le périmètre. On procèdera à l'identification des parcelles appartenant à chaque propriétaire. Chacun aura alors à mettre en valeur sa parcelle à condition de l'exploiter sous la direction de l'autorité morale de la ZAAP. Ceci évitera des conflits fonciers à l'avenir. On devra aussi accorder à la ZAAP l'autonomie administrative et financière, gage de la participation volontaire et spontanée de la collectivité à toutes ces mesures d'innovations destinées à garantir une gestion appropriée de la coopérative. De même, tout apport devra se faire sur la base d'une collaboration horizontale et verticale entre les décideurs et la coopérative afin de rechercher une conciliation entre les aspects positifs des techniques traditionnelles avec celles préconisées.On évitera ainsi les réticences auxquelles se confronte l'adoption de technologies importées en milieu rural africain. La plaine alluviale ne représente en réalité qu'une portion de la basse vallée du Zio. Elle est caractérisée par des sols hydromorphes riches en matières organiques dominant le lit moyen qui subit l'influence périodique des inondations. Alors que sur les banquettes du lit majeur que les eaux n'atteignent qu'en cas de crues exceptionnelles, les sols sont d'apport alluvial non hydromorphes, massive, compact et faiblement ferralitiques. Dans l'ensemble, des études agropédologiques ont montré selon Gnongbo (1996) que cette vallée peut être exploitée à des fins de mise en valeur agricole qui bénéficierait des bonnes méthodes et techniques d'irrigation. Pour preuve, le lit moyen a déjà fait l'objet de plusieurs projets d'exploitation rizicole, d'abord dans les années 1960 par les Taïwanais, remplacés quelques années plus tard par les Chinois. De nos jours, le périmètre rizicole s'est considérablement réduit. Seuls certains paysans exploitent quelques hectares de casiers rizicoles. Dans le cadre de la redynamisation proposée par cette étude, il suffira de renforcer les capacités de production de ces paysans. Il s'agit de leur apporter les moyens techniques et financiers nécessaires à l'extension des superficies emblavées, à l'amélioration des conditions de travail et à l'augmentation des rendements et la production. Parallèlement, on pourra aussi y développer la culture de la canne à sucre dont les bénéfices représentent selon Sodégadji (2007) un apport non négligeable aux revenus des exploitants. La disponibilité permanente des eaux du Zio constitue aussi un atout important pour pérenniser le maraîchage à l'instar de la culture intensive des condiments sous forme de véritables jardins bien aménagés de façon intégrale appelés togoméglés dans le sud de la basse vallée du Mono (Gnongbo,1996). Quant aux sols du lit majeur, en raison de leur caractère lourd qui décourage les paysans à les travailler, il serait intéressant, d'en faire une zone plantations éparses de tecks, d'eucalyptus, de bananes et d'ananas qui s'accommodent bien à ces conditions édaphiques. La vulgarisation de cette option sera très bénéfique du point de vue financier pour la population car elles peuvent en tirer des revenus très importants; l'exemple du teck est illustratif. En effet, un tronc de teck de 10 cm de diamètre et 5 m de hauteur coûte au niveau des plantations 1000 F CFA. Or en fonction des schémas de mise en terre, le nombre de plants varie entre 400 et 600 à l'hectare. Ce qui suppose qu'à terme une plantation d'un hectare de tecks peut rapporter à son propriétaire un revenu net allant de 400 000 à 600 000 F CFA. Pour faire face aux enjeux de la rentabilité, de la durabilité et de la préservation du cadre physique vers lesquels cette agriculture doit tendre, il faudra ajouter aux volets précédents d'autres dispositions à savoir l'introduction de semences à rendement élevé, la vulgarisation de l'irrigation des cultures vivrières et la formation à la protection l'environnement. - L'introduction de semences à rendement élevé Lesprogrès de l'agronomie ont permis de nos jours de mettre au point des espèces sélectionnées à cycle court et à rendement élevé qui ont déjà fait leurs preuves dans d'autres régions. Leur introduction à Assomé où l'espace cultural est sensiblement réduit, permettra d'une part, d'accroître les rendements sur les petites surfaces emblavées et par là le stock dans les greniers. De l'autre, on pourra ainsi réduire l'effet des inondations sur l'agriculture en ce sens que les variétés à cycle court pourront être récoltées avant la période des inondations. Les populations disposeront ainsi d'assez de nourriture pour satisfaire leurs besoins alimentaires surtout pendant la période de soudure. Mieux encore, les revenus des paysans surtout des riziculteurs augmenteront substantiellement. Ceci permettra de diversifier les sources de revenus et éviterait ainsi aux populations d'Assomé de recourir à l'extraction de gravier pour se procurer de l'argent. - La vulgarisation de l'agriculture irriguée. La disponibilité du Zio et de la nappe d'eau qui fournit actuellement de l'eau potable au village, offre une excellente opportunité pour apporter de l'eau nécessaire pour l'optimisation des rendements. Dans la plaine, les paysans pourront, à l'instar des coopératives agricole de la localité rurale de Tonka dans le nord du Mali, creuser de simples canaux d'irrigation à partir de la rivière. Ceci permettra d'étendre le périmètre rizicole et développer le maraîchage. De même, le pompage de l'eau de la nappe peut servir à l'arrosage des cultures sur les plateaux. - La formation à la protection l'environnement. Au-delà de la sensibilisation, la formation de la population à la protection de l'environnement doit faire partie des stratégies de développement. Pour ce faire, il faudra beaucoup insister sur la notion de qualité de l'environnement et éveiller les consciences aux vertus de la défense du patrimoine et de l'écosystème. * 6 Lexiviat : Eau polluée, issue de la percolation à travers les ordures. |
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