4.2.7.2. Les impacts du ruissellement concentré
L'invasion du terroir par ces formes de modelés
intrinsèquement liées au climat et la topographie, a
été par la suite exacerbée par l'impact remarquable et
incontestable de l'action anthropique dans la mise en valeur de l'espace. On se
retrouve ainsi en face d'une véritable crise morphogénique dans
la région.
Au moment où les champs sont défrichés et
préparés à accueillir les semences, le sol est
dénudé de son couvert végétal et ne résiste
plus aux agressions érosives des fortes pluies d'où un
accroissement de l'érosion par un vigoureux ruissellement de surface.
En effet, le sol suffisamment argileux est directement exposé aux rayons
solaires, il se durcit et devient imperméable. Le ruissellement devient
alors important lors des premières pluies de la saison pluvieuse.
L'érosion s'intensifie aussi sur les labours. Elle emporte la terre en
creusant des ravines. Cette forme d'érosion entraîne une perte
considérable des terres aux sols argileux, non ou très faiblement
protégés par les cultures (photo 22).
Campagne de terrain avril 2008
Photo 21 :
Phénomène de ravinement dans un champ à
Assomé
De même, les zones d'extraction de gravier sont aussi
des lieux privilégiés pour l'expansion du ravinement. Sur les
rebords des excavations, on observe des têtes de ravine qui
évoluent de façon régressive. Au niveau de certaines
anciennes carrières, ces entailles présentent en leurs seins des
formes semblables aux nids de poules.
S'agissant des voies de communication, elles sont
sérieusement dégradées par de nombreuses rigoles et les
ravines qui se recoupent et s'entremêlent dans tous les sens sur la
chaussée avant de se déverser dans les ravins qui longent ces
voies de part et d'autre. Avant les travaux de réhabilitation, ces
ravins larges de 3 à 6 mètres avec des profondeurs d'environ 3
mètres, bordent surtout la piste Davié-Assomé parfois sur
plusieurs centaines de mètres. Elles s'élargissent par
l'affouillement de leurs berges qui s'écroulent, réduisant
sensiblement la largeur de la chaussée (photos 23 et 24). A certains
niveaux, la chaussée est complètement réduite à une
passe pour piétons ou engins à deux roues.
2324
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 22 et 23 : Ravins
aux berges abruptes dégradant la route
Kovié-Assomé.
Heureusement les travaux de réhabilitation de la piste
Davié-Assomé-Kovié, entamés depuis quelques mois
déjà, ont permis à celle-ci de retrouver une bonne
praticabilité. Cependant, le bon état de la piste risque de ne
pas être pérenne puisque les précautions de
durabilité ne sont prises à cet effet. La piste nivelée et
recouverte de latérite ne sera pas bordée d'ouvrages de
canalisation des eaux de ruissellement. Or, ce sont les impacts de ces
dernières qui étaient à l'origine de la dégradation
de la piste avant sa réhabilitation.
De même, presque toutes les ruelles du village sont
entaillées par de multiples ravineaux dont la longueur, la largeur et la
profondeur ne cessent d'évoluer (Photos 25 et 26).Par contre au niveau
du cimetière, le déchaussement des tombes (photo 27)est de
moindre ampleur par rapport à celui décrit par Sewonou à
Kovié en 2007.
25 26
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 24 : Ravinement
de la rue menant à l'EPP Assomé
Photo 25 : Ravinement
en roubine avec formation de minuscules « dos
d'éléphant »sur la voie secondaire du village
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 26 :
Destruction des tombes dans le cimetière par le ravinement
Comme le traduisent ces observations, le ravinement, avec les
conditions qui s'y prêtent, a de manière significative
imprimé sa marque au terroir d'Assomé. Cependant, son action ne
saurait été aussi spectaculaire en l'absence d'une mise en valeur
séculaire mais dégradante des sociétés humaines qui
colonisent le terroir. Ce qui fait dire à Gapoty (2006) que ce sont les
populations qui par leurs pratiques inadéquates auraient
multiplié par deux ou plus le taux de l'érosion naturel qui dans
les conditions d'équilibre écologique est très lente.
Néanmoins, devant l'ampleur des dégradations
liées aux ravinements, les populations réagissent par des actions
individuelles pour freiner la vitesse de l'érosion. Ces actions qui
restent pourtant traditionnelles, consistent à construire de
mini-barrages faits de piquets figés dans la terre, autour desquels sont
tressés des troncs d'arbuste et des branches d'arbre. Ces ouvrages
bloquent ainsi en amont la charge en transit dans les eaux, ce qui permet de
remblayer les entailles du ravinement. En aval, la rupture de pente devient de
plus en plus importante au fur et à mesure que la hauteur du
remblaiement augmente de même que la vitesse de l'écoulement.
Ainsi donc au pied de la barrière, l'incision reprend progressivement
des dimensions comparables à celles d'avant l'édification du
mini-barrage (Séna, 2000). Les maisons menacées
d'écroulement par le ravinement sont renforcées au niveau de
leurs fondations par des troncs d'arbre et des parpaings ou des terrassettes en
ciment. Malheureusement, ces différentes initiatives de lutte contre le
ravinement sont très peu efficaces face à l'ampleur du
phénomène dans la région.
De ces différents aspects de dégradation du
paysage que nous venons de décrire, on peut conclure que Assomé
présente un milieu naturel hérité (Gnongbo, 1996) et
très sensible. Par conséquent, il n'a pas résisté
à la surexploitation anthropique qui a amplifié les processus
naturels d'évolution. Ce phénomène qui a
déjà pris des allures catastrophiques se transforme de nos jours
en un cercle vicieux dont les impacts sont très négatifs pour le
développement de la région. Il s'avère donc
impérieux d'entreprendre des actions pour endiguer ces impacts qui
risquent de s'aggraver à la longue.
|