Chapitre 4 : CARACTERISATION DU PAYSAGE
Le profil de référence du terroir
d'Assomé révèle un cadre naturel fortement
dégradé. L'analyse de ce cadre naturel portera sur divers
facteurs entre autre le recul de la végétation, la
dégradation des sols qui intéressent divers
éléments caractéristiques.
4.1.
Le recul de la végétation
Le couvert végétal de notre zone d'étude
connaît depuis plusieurs décennies, une dynamique
régressive caractérisée par la disparition progressive des
forêts reliques et la réduction sensible des aires recouvertes par
la savane.
L'analyse des cartes de végétation des
années 1969, 1977, et 1996 (carte 4 A,B,C) réalisées par
Etsè (1997) dans la zone du contact socle / bassin sédimentaire
côtier (terroir d'Assomé y compris), de même que celle de la
carte actualisée en 2008 (carte 4 D), fait apparaître une
dégradation sensible des différents faciès de
végétation dans la région. La demande plus accrue de
terres devant servir à la production agricole pour nourrir une
population de plus en plus importante et les coupes abusives de bois d'une
part, l'extraction des graviers et sables de l'autre, expliquent largement
cette destruction du couvert végétal dans la région.
De 1969 à 1977, on remarque que la savane arbustive
s'est étendue au détriment des galeries et reliques
forestières. Il s'agissait d'un appauvrissement floristique de la
végétation. Les hauts arbres des forêts et les
phanérophytes qui constituaient l'essentiel de la savane arborée
ont en effet été abattus à des fins diverses au profit des
formations arbustives etgraminéennes. Au niveau du terroir
d'Assomé, les aires occupées par les formations
forestières étaient passées de 820 ha en 1969 à 399
ha en 1977 soit une perte de 421 ha(51, 34 %). Ce qui correspondait
à un rythme de destruction annuelle moyenne de 6, 41 % soit 52,62 ha sur
cette période de huit ans.
A : Carte de végétation en
1969
(Photo n°470-749, Mission 1969)
B : Carte de végétation en
1977
(Photo n°2326 - 3604, Mission 1977)
D : Carte de végétation en
2008
(Campagne de terrain, 2008)
C : Carte de végétation en
1996
(Réalisée par Etsè
(1997))
Carte 4 : Evolution du
couvert végétal entre 1969 et 2008 dans la zone
de contactsocle / bassin sédimentaire côtier
(secteur Est).
Même si de 1977 à 1996 (19 ans), le rythme de
destruction a été freiné à 2,7 % par an, les
observations en 1996 révèlent une dégradation encore plus
prononcée de la végétation. L'aire occupée par les
formations forestières a été réduite de 52 %. Les
anciennes aires de cultures vivrières ont été agrandies au
sein des savanes arbustives. Avec l'introduction de la riziculture, de
nouvelles parcelles ont été défrichées au coeur
des galeries forestières. Plusieurs hectares de forêt et de savane
ont ainsi été remplacés par les champs après
l'abattage des arbres. Parallèlement, l'extraction artisanale des
« héritages morphologiques » (Gnongbo, 1989) prenait
de l'ampleur dans la région avec la suppression complète de la
végétation dans les zones de carrières. Les secteurs les
plus touchés étaient les terroirs de Kovié et
Mission-Tové pour le sable fin et, surtout Assomé pour les galets
et les graviers. Il ne subsistait alors à Assomé que 190 ha de
forêt.
En somme, la destruction du couvert végétal du
terroir d'Assomé s'est faite à plus de 75 % entre 1969 et 1996.
Les formations forestières ont largement cédé leurs places
à la végétation de savane. Cette dernière, à
son tour, a subit une profonde dégradation passant de la savane
arborée à la savane herbeuse et graminéenne par
endroits.
En 2008, la dégradation de la végétation
était systématique à Assomé. L'effet
conjugué de l'agriculture et de l'extraction du gravier a
provoqué une destruction massive de la végétation.
Au-delà d'un rayon de 1km autour du village, où se pratique les
cultures de case, s'étendent une végétation de
graminées, dominée par l'Imperata cylindrica, qui
colonise les anciennes carrières de gravier. Dans les zones où
elle se pratique encore, on aperçoit un paysage de sol mis à nu.
La végétation y a été complètement
détruite, laissant place à une étendue de gravières
et de mottes de terre qui se succèdent dans le paysage sur près
de 600 ha soit 36,47 % du terroir.
Les friches qui subsistent encore présentent un
faciès desséché avec des arbres calcinés qui
traduisent le passage du feu à plusieurs reprises. En effet, le feu
utilisé pour préparer le champ au défrichement
déborde toujours des limites des parcelles, pour s'attaquer aux
végétations primaires qu'il décime quelques fois
complètement. De ce fait, il détruit les ligneux et favorise
l'expansion de la strate herbacée qui alimente les feux de brousse. Par
conséquent, les savanes arborée et arbustive ont
cédé leur place à la savane herbeuse essentiellement
constituée d'Iimpérata cylindrica dont les aires
d'occupation ne cesse de grandir.
Par ailleurs, la consommation de bois de chauffe et de charbon
de bois augmente continuellement et se traduit par une coupe abusive des
ligneux sans épargner les îlots de végétation
protégés par la loi. Même la forêt sacrée du
village a complètement disparu puisque de sa superficie originelle de
dix hectares (estimation des habitants), il ne reste aujourd'hui qu'une bribe
d'à peine 1 ha. Les arbres y ont été coupés (photos
11 et 12) pour satisfaire les diverses besoins en bois.
11
12
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 10 : Une bribe de la
forêt sacrée d'Assomé
Photo 11 : Le tronc d'un
Kapokier abattu dans la forêt sacrée d'Assomé
Dans les zones d'extraction de gravier, ce sont de
véritables « déserts artificiels » que l'on
observe à perte de vue. Pour cause, l'exploitation proprement dite des
graviers commence avec le déblayage du terrain. Il consiste à
l'abattage systématique de toute forme de végétation
(arbres, arbustes, graminées); bref, le sol est complètement
dénudé.
Lesanciennes carrières sont recouvertes de touffes
discontinues d'herbes (photos13 et 14) qui ne protègent tout de
même pas le sol contre les attaques de l'eau de ruissellement. A certains
endroits où les couches de galets on été
complètement décapées, la couche d'argile sous-jacente
affleure permettant ainsi leurs mise en valeur agricole.
13 14
Campagne de terrain, Avril 2008
Photo 12:
Végétation de savane herbeuse dans une carrière
après 10 ans d'abandon
Photo 13 : Touffes de
graminées recolonisant une carrière après 5 ans
d'abandon
En somme, à Assomé, le couvert
végétal est dégradé du point de vue formation et
flore. Les savanes arborées sont réduites en touffes d'herbes qui
essayent de recoloniser les anciennes carrières tandis que les
forêts ne subsistent qu'enbribes qui se perdent dans le paysage.
Cette situation constitue une menace grave, car les arbres,
ayant mis plusieurs années pour se développer, ne peuvent plus
facilement se reconstituer une fois détruits (Houédakor, 1997).
Ainsi en dehors de quelques rares formations de savanes boisées de la
plaine d'inondation, notre aire de recherche est en majorité
constituée de vastes étendues de graminées sans ligneux,
ou s'il en existe, ceux ne sont que des arbres chétifs parce que
régulièrement coupés sur des sols squelettiques impropres
à l'agriculture.
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