CONCLUSION
Ce premier travail de recherche a été
marqué du début à la fin par les questions d'exclusion
sociale liées au foisonnement des cultures au Mexique. Il reste
cependant clair que ce thème n'est qu'effleuré ici, ce travail
n'aurait la prétention de faire le tour du problème de
discrimination sociale au Mexique. Il a pourtant été pour moi le
déclencheur d'une prise de conscience progressive des mécanismes
sociaux et médiatiques qui conduisent à la discrimination. Comme
je l'ai déjà mentionné, l'inégalité est si
forte lorsqu'on la découvre que j'ai décidé de me
dédier à l'étude de ce phénomène, à
savoir comment il se reproduit et se légitime.
Par ailleurs, me mettant à la place du lecteur qui n'a
pas vécu l'expérience mexicaine, j'ai tenté de conserver
une certaine clarté dans ma recherche afin de ne pas rendre la lecture
confuse et fastidieuse. Tout l'enjeu était de trouver le compromis entre
une base d'information bien précise sur les spécificités
du Mexique et une rédaction compréhensible pour n'importe quel
lecteur étranger à cette culture.
Dans le cadre d'une recherche en sciences de la
communication, il m'a fallu trouver une expression médiatique de ce
phénomène d'exclusion sociale, et c'est vers la publicité
que je me suis tourné. Il m'a été donné de
l'étudier en profondeur alors même que j'éprouvais, sinon
une aversion, une grande indifférence à son égard. Et
c'est alors que j'ai réalisé que l'on étudie la
publicité lorsqu'on l'aime, lorsque l'on veut travailler dans ce
domaine, et que l'on passe alors à côté des aspects plus
sombres, comme l'exclusion sociale par exemple. Peu nombreux sont ceux qui
s'intéressent à la publicité pour la critiquer, bien
qu'elle soit souvent dénoncée par quelques figures
intellectuelles, et j'ai pu me rendre compte du peu de recul qu'ont ceux qui
s'engagent dans la voie publicitaire. Cela revient à mon propos, car
c'est justement ce manque de recul qui fait que la publicité n'admettra
pas qu'elle est un vecteur d'exclusion sociale. J'admets, en ce qui me
concerne, ne pas voir la publicité comme une manifestation
médiatique très positive, mais le regard sans haine que je porte
sur le monde m'engage néanmoins à m'y intéresser sans
impliquer trop de sentiments, pour mieux la comprendre et peut-être
tenter de la rendre meilleur (ou moins pire). Il m'aura en effet fallu me
défaire de quelques préjugés et reprendre la
publicité depuis le début, puisque je n'avais pas
été un farouche passionné de publicité.
Ce travail aura aussi été une première
tentative dans l'approche scientifique d'un thème qui me tient à
coeur: les relations interculturelles. Je me suis évidemment
confronté aux limites inhérentes à un tel sujet,
c'est-à-dire l'ampleur du champ d'investigation et des notions
théoriques, mais c'est un thème qui, selon moi, sera de plus en
plus d'actualité dans un monde toujours plus global. Il faut peu
à peu rendre les études en sciences sociales abordables, car
elles nous concernent tous, et il serait dommage de s'en priver à cause
d'un séparatisme entre politiques, citoyens et chercheurs. Je ne
révolutionne rien en affirmant que les sciences sociales
mériteraient une plus grande implication citoyenne et politique,
plutôt que de rester dans le cercle très fermé des
universitaires, mais c'est une réalité cruelle que je
réalise à travers ce travail. Sans prétendre changer le
monde publicitaire, un travail sur « la publicité comme
vecteur d'exclusion sociale » aurait peut-être le mérite
de faire réfléchir des professionnels, de voir en quoi leur
manière de travailler automatisée est discriminante. J'imagine
parfois la publicité, avec tout son capital, prendre de l'audace et
faire de son discours quelque chose de complètement
décalé, qu'elle cesse de réchauffer des
stéréotype pour se placer à la pointe de la
représentation sociale, avec une vraie éthique.
Malheureusement, au regard de l'actualité publicitaire
et de son développement dans la société, on l'imagine plus
devenir un méga-sponsor, que le cinéma commercial devienne
réellement commercial, un « Fast and Furious » qui
serait en fait un évident film publicitaire d'1h30 pour telle ou telle
marque de voiture. Peut-être même que l'on ne paierait pas pour
voir ce film, car c'est la publicité qui paye pour qu'on la voie. De
même j'imagine une entrée progressive de la publicité dans
les secteurs publics comme l'éducation, et particulièrement les
universités qui tendent désormais à fonctionner sur un
mode privé. On voit déjà comment les techniques
publicitaires font partie de la vie politique, pourquoi pas l'éducation?
C'est hélas le triste bilan auquel j'arrive à la fin de cette
étude, un bilan qui m'amène toutefois à penser que dans ce
contexte, ce type de travail sera de plus en plus valeureux pour remettre en
question l'invasion publicitaire. Il ne faut pas laisser la publicité
à ceux qui oeuvrent pour elle, et encore moins lorsqu'elle s'en prend
à la diversité culturelle.
Au cours de ce mémoire, je me serai consacré
entièrement au message publicitaire, à son contexte de production
et de réception, ce que j'ai appelé
« sémio-pragmatique », ou plus globalement une
analyse communicationnelle. Toutefois, chacun de ces contextes
mériterait une investigation plus profonde, afin de savoir comment
fonctionne réellement le champ publicitaire au Mexique. De même,
on attendrait une approche plus profonde des publics et non-publics de la
télévision mexicaine, afin de mieux saisir leurs attentes, leurs
consommations. Le contexte mexicain est d'une richesse incroyable, car il a un
pied dans des traditions totalement étrangères au système
occidental, et l'autre pied dans l'industrialisation et la modernisation
inéluctable. Il confronte des cultures et des modes de vie totalement
différents, des espaces naturels uniques et des zones urbaines qui sont
dans les plus grandes au monde. Il un terrain de recherche absolument
démesuré pour les sciences sociales. Le Mexique est une
expérience humaine incomparable pour le chercheur en herbe, le faisant
réfléchir sur sa propre culture, lui laissant voir les
phénomènes sociaux avec plus d'acuité. Cette
expérience hors-France me paraît cruciale dans le
développement intellectuel de l'étudiant, elle devrait être
une quasi-obligation dans le parcours académique de celui qui s'engage
à l'université.
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