CHAPITRE II : CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
Ce chapitre se focalisera sur la description du terrain
d'étude, de la population d'enquête, de l'échantillon
considéré (I), des méthodes de recherche (II), des
techniques de recueil des données (III), des modes d'analyse des
données collectées (IV) et des conditions sociales de
l'étude (V).
I. Terrain, Population et
Echantillon
1. Terrain d'étude
1.1. Champ géographique,
caractéristiques socio- démographiques, regroupement historique
et activités économiques et raisons du choix
1.1.1. Champ géographique
Selon le rapport provisoire de gouvernance locale du Bureau
National d' Etudes Techniques et de Développent (BNETD 2005), Le
département de Sinfra s'étend sur une superficie de 1618
km2. Il est limité dans la partie Nord par le
Département de Bouaflé, au sud par les départements
d'Oumé et de Gagnoa, à l'Est par le district de Yamoussoukro et
à l'ouest par le département d'Issia.
Chef-lieu de département, Sinfra est situé
à environ 246km d'Abidjan, la capable économique, à
environ 77 km de Yamoussoukro, la capitale politique et à 49 Km de
Bouaflé, chef- lieu de région. Ce département est
situé en zone forestière. Le système hydrographique a des
particularités aussi bien régionales que locales.
En outre, la localité de Sinfra est arrosée par
un affluent du fleuve Bandama. Les précipitations sont importantes dans
cette région et engendrent une moyenne annuelle pluviométrique
située entre 1200 mm et 1500 mm / an.
Le Département est caractérisé par une
pénéplaine jalonnée d'élévations dans le
nord-est où se dressent le mont «
liago » et les
chaines « kokoumbo ».
Le site urbain est constitué de deux plateaux (1
à 3% et 5 à 10% en quelques endroits) qui sont intercalés
par des bas-fonds et des marigots.
Aussi, deux types de forêt dominent le paysage ; on
y rencontre une forêt dense dans le sud et une forêt
clairsemée dans le nord.Par ailleurs, on note la présence d'un
îlot de savane dénommée « la plaine des
éléphants » qui crée une sorte de rupture
dans le paysage naturel.
Aujourd'hui, l'ensemble du couvert végétal fait
l'objet d'une exploitation accrue à travers de vastes plantations de
cultures vivrières et de rente.
Mais au-delà de ce fait, le Département de
Sinfra compte 71 localités dont 54, bénéficient de
l'électrification (BNETD, 2005). Cette zone totalise 848 km de route
dont 99 km sont bitumées. Les routes sont d'une façon
générale des pistes qui mènent dans les localités
villageoises. Enfin, la situation géographique de cette zone convient
à l'agriculture.
1.1.2. Caractéristiques
sociodémographiques
Selon le RGPH (2014), la population de Sinfra est
estimée à environ 90.711 habitants. Cette population a connu
différentes phases dans son évolution. Déjà en
1975, la population de Sinfra était estimée à environ 67.
789 habitants (RGPH, 1975).Cette population est passée à 120.301
habitants 1988 puis à 170.015 habitants dont 80 .056 femmes et
89.959 hommes (RGPH, 1998), à 186 .864 habitants (RGPH, 2001) avant
de régresser en 2014 (90.711 habitants).
Au niveau des caractéristiques, il faut noter que cette
population locale est majoritairement jeune et hétérogène
constituée d'autochtones « kwênins »,
d'allochtones et des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest. Elle
comprend les principales communautés religieuses (chrétienne,
musulmane, animiste) se compose d'autochtones Gouro, investis principalement
dans les activités champêtres, d'allochtones (Baoulé,
nordistes...) qui, tantôt investissent dans les activités
agricoles, tantôt dans le transport et le commerce, et les non-nationaux
(Maliens, Nigériens, Guinéens, Mauritaniens, Libanais, ...) qui
sont les opérateurs économiques (BNETD, 2005). On les retrouve
dans l'industrie de bois, le commerce de matériaux de bâtiments,
de produits alimentaires, phytosanitaires et dans la transhumance. Les
Burkinabés, eux, s'intéressent pour la plupart aux
activités champêtres.
Les données démographiques se trouvent
consignées dans le tableau ci-dessous.
ANNEES
|
1975
|
1988
|
1998
|
2001
|
2014
|
POPULATION LOCALE (HABITANTS)
|
67.789
|
120.301
|
170015
|
186.864
|
90.711
|
Tableau n°3 : Evolution
démographique de la population de Sinfra de 1975 à
2014
SOURCE : BNETD (2005)
Ainsi, cette évolution démographique de la
population de Sinfra, nous permet de présenter la figure
suivante :
Source : RGPH, 2014
A partir de cette figure, l'on peut remarquer que :
- De 1975 à 1988, soit en 13 ans, la population est
passée de 67.789 à 120 .301 habitants, équivalant
à 52.512 habitants, soit 4.039 habitants /an.
-De 1988 à 1998, soit en 10 ans, la population est
passée de 120 .301 à 170.015 habitants, ce qui donne
environ 49.714 habitants, soit 4.971 habitants / an.
-De 1998 à 2001, soit 3 ans plus tard, la population de
Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864
habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants, soit environ 5.616
habitants/ an.
-De 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra
a plus que doublé.
Cet accroissement assez rapide de la population est certes
lié à un fort taux de natalité relativement à un
faible taux de mortalité mais aussi et surtout à une course,
à des vagues de migrations croissantes et incontrôlées des
populations allogènes vers les terres locales de Sinfra.On assiste
dès lors à un déséquilibre dans le ratio
populations/ terres et conséquemment à des compétitions,
des luttes pour la consolidation des droits de propriété sur les
terres de Sinfra.
- De 2001 à 2014, cette population estimée
à environ 186.864 habitants, a considérablement chuté
à 90.711 habitants. Ces résultats relativement faibles par
rapport au RGPH (2001 : 186 .864 habitants) corroborent certainement
les propos des autorités locales qui affirment avoir noté un fort
taux d'abstention de la population durant cette campagne de recensement.
1.1.3. Regroupement historique et
activités socio-économiques
1.1.3.1. Regroupement historiquedu peuple
« Sian »
Selon le chef T. (61, rétraité à
Blontifla) « les Gouro de Sinfra vivaient avec les Yacouba et les
Gagou à Goele au début du XIe
siècle ».Ainsi, la croissance
démographique de ces peuples sédentaires, poussera certains
d'entre eux en occurrence les Gagou et Gouro à migrer progressivement
de l'ouest vers le sud-ouest en quête de terres propices de cultures et
d'installation.D'escales en escales, ces peuples vont stagner entre le XVe et
le XVIe siècle à « tonla »
(Bediala) où les gouro prendront une ascendance
démographique.
Ainsi, à partir de
« tonla », il y a eu des détachements
caractérisés par des affrontements entre ses peuples aux
caractéristiques sociodémographiques inégales.
Ces violences ont été imputées à
un cas d'adultère commis par un gagou sur un gouro et le refus de
réparation du préjudice matériel au peuple Gouro
lésé.
Ces violences se soldent par la défaite des gagou du
fait de la minorité et leur fuite vers l'est (actuel Oumé) et
simultanément, le départ des Gouro vers le Nord, parce que
refusant de demeurer sur un espace qui a servi de champ de conflit.
Cette vague de migrants Gouro va stopper sa marche aux abords
de « Davo », un affluent du
fleuve Sassandra où, passionnés par la pêche,
l'activité agricole constituera pour ce peuple, une activité
secondaire dont le soin sera aux premiers migrants (nordistes, baoulés)
en quête d'espaces d'habitation et de culture.
Selon ce même chef,
« Gagou » proviendrait de
« Kagou » qui signifie
« partez » en Gouro.
La dénomination
« Sianfla » aurait donc
été donnée en début de XVIIe siècle par les
premiers migrants Gouro.
Par ailleurs, à cette époque, les
propriétaires
terriens « terezan »
cédaient ou louaient des parcelles de terre aux premiers migrants
allochtones (senoufo, malinké, baoulés,...) et aux non-ivoiriens
(burkinabés, maliens, peulh) à cause des invasions
fréquentes de plantations par les éléphants, qui
étaient en nombre important dans la zone(Chauveau,
2002 ;Meillassoux, 1964).
Ces derniers, reconnus pour leurs aptitudes mystiques, avaient
pour tâche, au-delà des prestations champêtres, la
surveillance et l'entretien des plantations des
« terezan » contre les
éléphants et les voleurs de récoltes.
Pour mener à bien cette surveillance, ceux-ci fondaient
leurs familles non loin des plantations et ces endroits, prenaient peu à
peu l'allure de grands espaces d'habitations avec la mise en place des
marchés hebdomadaires, des terrains de jeu et l'organisation
d'activités socio-culturelles.
Aujourd'hui, certains paysans gouro, notamment dans le souci
de préserver leurs plantations constamment sous la menace des voleurs et
des feux de brousse, surveillent leurs différentes cultures
pérennes et maraîchères en se regroupant en
communauté dans le voisinage de leurs plantations. Ces nouvelles
entités ainsi formées (campements) se limitent
généralement à un nombre restreint de cases et sont
souvent le fait d'une même lignée (Kana, 2010).
Ces migrants allogènes négociaient donc la
cession d'une parcelle de terre par le système de
« tutorat », créant ainsi une
dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils
reversaient une partie généralement faible de leur revenu annuel
(Chauveau, 2002 ; 2006 ; Lavigne, 2002). Nous y reviendrons au
chapitre suivant.
1.1.3.2.Activités
socio-économiques
Dans le département de Sinfra, la principale source de
richesse est l'exploitation agricole et forestière(1), quand bien
même il existe des activités quelque peu marginalisées
telles que la chasse(2), la pêche(3) et l'élevage (4).
1.1.3.2.1. Exploitation forestière et
agricole
Regroupés en général dans les villages,
les gouro de Sinfra pratiquent principalement l'agriculture (BNETD, 2005).
Leurs activités agricoles sont dominées par les cultures
pérennes telles que le café, le cacao et souvent par le coton et
l'anacarde et les cultures maraîchères (tomate, oignon, aubergine,
piment,...).
Les cultures commerciales sont associées aux cultures
vivrières pour contenir les périodes de famine (LeBlanc,
2004).
Dans la pratique, on note que les modalités de semence
ou d'implantation ne sont pas excellentes puisqu'elles épuisent les
sols, l'usage d'engrais et la jachère sont négligées au
profit de la technique sur brulis (technique la plus utilisée dans les
contrées rurales de Sinfra). On note aussi une quasi-absence des
cérémonies associées aux prémices ou à la
récolte, aucun culte n'est voué à l'agriculture et le
défrichage des nouvelles terres ne s'accompagne qu'exceptionnellement de
sacrifices de poulets (Chauveau, 2002 ; Jacob, 2007).
Mais au-delà, l'exploitation agricole joue un
rôle majeur dans l'économie de subsistance, dans l'affirmation de
l'identité socio-culturelle des ruraux et c'est autour de cette
activité que s'organisent les rapports sociaux les plus étroits
et les plus durables (Echui, 1993 ; Meillassoux, 1964).
Les Gouro de Sinfra apprécient en premier lieu le riz
et la banane plantain. L'igname et le taro apparaissent comme des cultures
d'appoint dont la récolte se fait en période de soudure du riz.
Le maïs est trimestriellement cultivé et le manioc est
considéré comme une nourriture de disette. La banane qui se
récolte toute l'année, permet un étalement de la
production vivrière et atténue les disettes les plus graves. A
ces plantes qui fournissent l'alimentation de base, s'ajoutent quelques
légumes et condiments dont, en particulier le gombo, les courgettes, la
tomate et le piment (Meillassoux, 1964).
L'agriculture gouro repose sur deux principes :
l'association et la succession des cultures vivrières (riz, igname) et
des cultures de rente (cacao, café). (Chauveau et Dozon, 1984).
1.1.3.2.2. Chasse (lupa)
Dans les contrées rurales du Département de
Sinfra, la chasse est très marginalisée et
dite « secondaire » par les populations
locales (BNETD, 2005).
Selon l'ONG Inter-Environnement Wallonie (2002), diverses
raisons ont réduit cette pratique en une activité de second
ordre :
- La raréfaction du gibier due aux chasses collectives
contre les éléphants et d'autres animaux destructeurs de
plantations.
- La restriction de la possession des armes à feu
excepté le calibre 12, qui lui aussi, par certaines restrictions
administratives, limitent son usage à son possesseur.
Dans ces conditions, les gouro de Sinfra ne se livrent
généralement qu'à la chasse des rongeurs, des singes, des
antilopes, des biches et des oiseaux,... Ainsi, avec des chiens
préparés à cet effet, les chasseurs, aux heures tardives
de la nuit fouillent les brousses et y débusquent parfois quelques
bêtes.
Les chasseurs gouro ou
« loupazan » avaient un
rôle social déterminant (Meillassoux, 1964 ; BNETD, 2005).
Ils constituaient les éclaireurs pendant les déplacements
massifs des populations« kwênins ». Ils
découvraient lors des expéditions, des terres qu'ils qualifiaient
de
« vômantèrè »
et s'y installaient avec les siens. Ils avaient, par leur art, la
possibilité de s'émanciper de la tutelle de leurs ainés et
s'installer sur de nouvelles terres à l'écart du groupe.
Toutefois, bien que moins fréquente de nos jours
à Sinfra, la chasse remplit une fonction sociale importante ; les
produits issus de la chasse constituent pour le meneur et le groupe, un certain
prestige et une source de cohésion dans le partage du gibier entre les
groupes dénommés
« bêyi » et
« bêbou » qui, après quelques petites
ventes, utilisent leurs différentes parts pour nourrir leurs
familles.
1.1.3.2.3. Pêche
Les « kwênins » de Sinfra
n'ont pas une grande tradition de pêche à cause du manque de
grands cours d'eau dans le département (de Sinfra). La pêche y est
saisonnière et ne peut satisfaire les besoins locaux si bien que le
marché central est approvisionné par le poisson venant de la mer
(Abidjan, San-pédro) et du lac Kossou (Bouaflé)
(BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1964).
De plus, elle est pratiquée dans les petits barrages ou
puits construits par les populations pendant la saison sèche
c'est-à-dire entre le mois de décembre et le mois de
février.
Les méthodes utilisées y sont encore
rudimentaires (filets, nasses, cannes à pêche,..) et les produits
issus de cette pêche, après quelques ventes, servent directement
à l'alimentation des populations rurales.
1.1.3 .4. Elevage
Dans le passé, les Gouro de Sinfra s'investissaient
régulièrement dans la transhumance et le bétail
n'était élevé que dans un but strictement alimentaire
(BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1999). Plus généralement le
bétail était sacrifié rituellement lors de
cérémonies propiatoires ou expiatoires selon le conseil des
sages. La viande en était consommée collectivement ou
partagée entre les membres du village ou même de la tribu selon
l'ampleur de la cérémonie, avec distillation des os pendant la 2
ou 3 nuits.
Selon l'enquêté M. (Kononfla, 49 ans,
planteur),« les hommes riches offraient souvent une tête
de gros bétail en guise de dot, à côté d'autres
biens. Le meurtre volontaire ainsi que l'adultère commis entre proches
(au sein d'un même gouniwuo ou avec la femme de son frère), les
insultes graves comme traiter par exemple un homme d'esclave étaient
également compensés par la remise d'un boeuf ».
De ce fait, la fonction sociale de l'élevage demeurait
liée aux pratiques cérémonielles et religieuses. Le
bétail fournissait la matière des échanges sociaux. Par
ailleurs, l'existence d'un troupeau abondant permettait de multiplier les
manifestations de cohésion sociale et d'alliance. Le gros bétail
plus que le petit permettait d'étendre ces manifestations aux groupes
les plus larges, parfois à la tribu tout entière, parce qu'il
constitueune nourriture hautement appréciée par la population
rurale de Sinfra.
Aujourd'hui, c'est le petit bétail (mouton, cabri) qui
tend à remplir ces fonctions: il est lui aussi utilisé dans les
sacrifices et des alliances et est utilisé dans la composition des
amendes, des compensations et des dots comme premier cadeau offert à la
mère de la jeune fille.
Il sert également aux rituels villageois tels que
l'adoration des rivières « sokpo », du
python « ménin san » et des masques
sacrés « djê ».
L'élevage du gros bétail est aujourd'hui de plus
en plus monopolisé par les peulhs, maliens, guinéens et
certaines autorités (coutumières et administratives) du
département.
1.1.4 Raisons du choix du terrain
Trois raisons ont milité en faveur du choix du
département de Sinfra.
· La première s'articule autour la bonne
connaissance du terrain d'étude. En effet, nous sommes originaires de ce
département et nous y avons passé une grande partie de notre
adolescence. Les autorités coutumières dans leur majorité
et certaines autorités administratives sont des parents proches ou
éloignés; ce qui a facilité les autorisations
d'échanges et la mobilisation des données dans les
différentes structures de la localité.
· La deuxième raison est relative à la
taille de la population d'enquête (90.711 habitants selon les
recensements de 2014). Une telle population d'enquête favorise la
réussite de cette étude qui serait impertinente dans un
environnement caractérisé par un faible effectif, quoique les
versants positifs de la gestion des conflits fonciers, au plan coutumier et
administratif restent des secrets de polichinelle.
· La troisième est liée à la
position géographique du cadre d'étude. En effet, le
département est situé en zone forestière et dominée
par les plateaux avec une diversité de sols (ferralitiques et
ferrugineux, c'est à dire riches en oxyde de fer et en humus) capables
de favoriser le développement des cultures aussi bien
saisonnières que pérennes (Léon, 1983 ; Brou, Oswald,
Bigot et Servat, 2005). A cela s'ajoutent les migrations allochtones et leurs
méthodes de consolidation foncière qui font de ce
département, un véritable environnement social ou les acteurs
sédentaires s'entrechoquent et se disputent de façon
récurrente les portions de terre.
2. Population et échantillon
2.1 Population
L'enquête concerne l'ensemble des populations
autochtones et allogènes susceptibles de nous aider à comprendre
le phénomène étudié. Ainsi, les personnes
présentes sur le terrain (autorités administrative,
coutumières et administrés) ont été
privilégiées au détriment des personnes
extérieures au terrain, à l'exception des acteurs de la direction
du foncier rural sise dans l'enceinte du ministère de l'agriculture
à Abidjan.Rappelons que cette forme d'inclusion des acteurs locaux et
d'exclusion des acteurs extérieurs au département s'explique par
un souci d'objectivité visant à n'associer que les personnes
ressources du département qui observent ou participent à la
manifestation ou à la gestion du phénomène.
Cette population se répartit en trois
catégories.
La première catégorie est celle des
« autorités administratives ». Ce choix se
justifie par leur rôle administratif caractérisé par la
gestion de toute question sociale sur leur circonscription de
compétence. Outre ce fait, ellesreprésentent les
supérieurs hiérarchiques directs des chefs traditionnels et sont
au coeur du processus de gestion des litiges fonciers à Sinfra. Elles
sont composés du Préfet, du secrétaire
général de la préfecture, du Sous-préfet et de ses
accesseurs, des acteurs de la direction du foncier du ministère de
l'agriculture, du directeur départementale de l'agriculture, des agents
des services spécialisés du cadastre et transactions
foncières, du direction départementale de la construction, la
direction des eaux et forêts, des magistrats du tribunal et des agents
de la mairie de Sinfra.
La deuxième catégorie concerne les
« autorités coutumières » et se
justifie par leur rôle central dans la gestion des questions villageoises
en général et foncières en particulier. L'effectif se
compose de chefs de villages et de tribus, de leurs notabilités, de
chefs de terre, d'assistants, de sages et de suppléants à la
notabilité, d'agents des comités villageois de gestion
foncière.
La dernière catégorie est celle des
« administrés ». Ce choix s'explique par
leur participation à la manifestation et à la gestion des litiges
de terres à Sinfra. Elle se compose de cultivateurs de tout bord
ethnique, de transhumants, d'hommes, de femmes, de religieux, de témoins
et victimes des conflits fonciers et de responsables des ONG Ziza et Yiri
vivant et exerçants sur les sites enquêtés.
Au niveau du choix des catégories, il faut noter que
celles des « autorités administratives » et
« autorités coutumières » s'est
effectuée de façon raisonnée en raison de leur implication
fréquente dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.
Sur le terrain, nous avons élaboré un
calendrier de rendez-vous relatif à ces autorités ciblées
puisque nous avions connaissance du nombre d'agents, des services à
visiter et des personnes ressources auprès desquelles nous pouvions
obtenir des informations utiles à notre travail.
Contrairement à cette technique
d'échantillonnage par choix raisonné, le choix de la
catégorie « administrés » s'est fait
de façon hasardeuse vu que nous ne pouvions connaitre ni l'emploi du
temps individuel de cette constellation de ruraux, ni leurs domiciles
respectifs encore moins leurs champs ou leurs lieux d'exercice professionnel.
Nous avons donc établi un emploi du temps personnel que nous avons
respecté et adapté au terrain en faisant des
visites « surprises » dans les villages et
quartiers retenus, nous contentant ainsi des questionnaires et entretiens
négociés avec les enquêtés trouvés sur
place.
2.2. Echantillon
L'échantillonnage est un procédé qui
permet de rassembler dans un sous-ensemble, un échantillon
réduit, présentant l'ensemble des caractéristiques de la
population initiale.
SelonDiahou (2003), « la
détermination de cette population-cible est commandée par le
chercheur en fonction des objectifs visés. L'intégration de la
dimension spatiale, des principaux groupes en présence peut se traduire
par la prise en compte des micro-territoires qui fondent l'unité
géographique. »
Nous avons donc subdivisé le département en six
(6) strates correspondant aux six (6) tribus : BINDIN (Huafla,
Nadiéta, Paabénéfla, Bégouafla, Broufla,
Porabénéfla, Zéménafla), GOHI(Bazré,
Bounafla, Bindinfla, Gohouo, Koadji, Gonfla) , NANAN ( Kononfla,
Koumodji, Kayéta, Manoufla, Bérita, Baléfla,
Diénembroufla, Broufla), PROGOURI (Manoufla, Kouêtinfla,
Kouroudoufla, yanantinfla) SIAN(Blontifla, Douafla, Benhuafla, Béliata,
Digliblanfla, Bégonéfla, Kouétinfla, Manoufla, Barata,
Tricata, Bérita, Dégbésséré, Proziblanfla,
Koaizra,Koblata,...), VINAN (Zéménafla, Zougourouta,
Djénédoufla, Sanégourifla). Les différentes
populations interrogées étaient constituées
d'autorités administratives, pénales, coutumières, de
villageois, planteurs, religieux,...
Toutefois, vu que le RGPH (2014) a produit peu de
données sur certaines variables (sexe, âge, niveau d'instruction
scolaire, catégorie socio-professionnelle, répartition
démographique par tribu, par village,...), nous avons
procédé par stratification des différents villages et
quartiers du département en mettant l'emphase d'une part, sur
l'indentification des peuples sédentaires (autochtones, allochtones) et
d'autre part, sur l'inventaire et l'identification des autorités locales
et autres enquêtés.
v Détermination de
l'échantillon des autochtones des tribus
Selon le chef des différentes tribus (Mr Z. K.),
« la tribu Sian compte seize (16) villages, chaque village compte
vingt-cinq (25) lignages puis chaque lignage compte vingt membres (20) dont en
moyenne, quatre parents (parents directs et oncles ou tantes) et des enfants.
La tribu Gohi compte six (06) villages, chaque village
compte dix (10) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.
La tribu Bindin compte sept (07) villages, chaque village
compte treize (13) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.
La tribu Nanan compte huit (08) villages, chaque village
compte quinze (15) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres
La tribu Progouri compte quatre (04) villages, chaque
village compte six (06) lignages puis chaque lignage compte vingt (20)
membres.
La tribu Vinan compte également quatre (04)
villages, chaque village compte cinq (05) lignages puis chaque lignage compte
vingt (20) membres ».
Tribu Sian :
Population estimative : 16 villages × 25 lignages
× 20 membres
Population estimative : 8.000 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 16 villages × 25
lignages × 2 membres = 800 individus
Femmes : 16 villages × 25
lignages × 2 membres = 800 individus
Fils et filles : 16 villages
× 25 lignages × 16 membres = 6.400 individus
Tribu Gohi :
Population estimative : 06 villages × 10 lignages
× 20 membres
Population estimative : 1.200 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 06 villages × 10
lignages × 2 membres = 120 individus
Femmes : 06 villages × 10
lignages × 2 membres = 120 individus
Fils et filles : 06 villages
× 10 lignages × 16 membres = 960 individus
Tribu Bindin :
Population estimative : 07 villages × 13 lignages
× 20 membres
Population estimative : 1.820 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 07 villages × 13
lignages × 2 membres = 182 individus
Femmes : 07 villages × 13
lignages × 2 membres = 182 individus
Fils et filles : 07 villages
× 13 lignages × 16 membres = 1.456 individus
Tribu Nanan :
Population estimative : 08 villages × 15 lignages
× 20 membres
Population estimative : 2.400 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 08 villages × 15
lignages × 2 membres = 240 individus
Femmes : 08 villages × 15
lignages × 2 membres = 240 individus
Fils et filles : 08 villages
× 15 lignages × 16 membres = 1.920 individus
Tribu Progouri :
Population estimative : 04 villages × 06 lignages
× 20 membres
Population estimative : 480 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 04 villages × 06
lignages × 2 membres = 144 individus
Femmes : 04 villages × 06
lignages × 2 membres = 144 individus
Fils et filles : 04 villages
× 06 lignages × 16 membres = 384 individus
Tribu Vinan :
Population estimative : 04 villages × 05 lignages
× 20 membres
Population estimative : 400 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 04 villages × 05
lignages × 2 membres = 40 individus
Femmes : 04 villages × 05
lignages × 2 membres = 40 individus
Fils et filles : 04 villages
× 05 lignages × 16 membres = 320 individus
En termes d'échantillonnage, la technique par choix
accidentel a été privilégiée au niveau des
autochtones des tribus sus-citées. Nous avons élaboré un
emploi du temps de travail que nous avons adapté au terrain en nous
contentant des visites surprises dans ces tribus et en privilégiant les
entretiens obtenus avec les enquêtés trouvés sur place.
Pour également respecter la question du genre, nous
avons retenus autant d'hommes que de femmes et autant de fils que de filles au
niveau des familles interrogées.
Echantillon de la population autochtone des tribus
06 hommes × 06 tribus = 36 hommes
06 femmes × 06 tribus = 36 hommes
17 fils× 06 tribus = 102 fils
17 filles× 06 tribus = 102 filles
Le tableau ci-dessous résume les
précédentes données.
TABLEAU N°4 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon autochtone
Catégories d'enquêtés des 06
tribus
|
Echantillon d'enquête
|
Hommes
|
36
|
Femmes
|
36
|
Fils
|
102
|
Filles
|
102
|
Total
|
279
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon des allochtones dans les zones
La méthode d'échantillonnage de la population
allochtone a répondu à l'instar de la population autochtone, a un
choix accidentel en raison du manque de données démographiques
actualisées.
L'enquête a déterminé seize (16) zones
d'occupations allochtones. Les potentiels enquêtés étaient
constitués d'hommes, de femmes, de fils et de filles.
Les détails se trouvent synthétisés dans
le tableau ci-dessous
TABLEAU N°5 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon allochtone
Zones d'enquête
|
Echantillon d'enquête
|
Brunokro
|
11
|
N'Drikro
|
11
|
Niamienkro
|
11
|
Yaokro
|
11
|
Bolokro
|
11
|
Katiénou
|
11
|
Koffikro
|
11
|
Kouadio Bakro
|
11
|
Akakro
|
11
|
Dramanekro
|
11
|
N'Zuékro
|
11
|
Gbrizokro
|
11
|
Dioulabougou I
|
11
|
Dioulabougou II
|
11
|
Dioulabougou III
|
11
|
Dioulabougou IV
|
11
|
Total
|
176
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon des autorités locales
Contrairement aux populations sédentaires qui ont
répondu à une méthode accidentelle, les autorités
locales, en raison des données liées à leurs effectifs par
service, ont été ciblées par choix raisonné.
Tribunal coutumier
Sur les :
Quarante-quatre (44) chefs de villages sur l'ensemble des six
(06) tribus, nous avons retenu vingt-huit (28).
Quarante-quatre (44) chefs de terre, nous avons retenu
trente (30).
Douze (12) membres par bureau de chefferie ; soit
soixante-douze (72) membres au total, nous avons retenu quarante (40).
Tribunal pénal
Sur les douze (12) travailleurs du tribunal, nous avons retenu
six (06); soit un (01) juge de jugement, un (01) juge d'instruction et quatre
(04) greffiers.
Préfecture
Sur les huit (08) travailleurs de la préfecture, nous
avons interrogé : le préfet, le secrétaire
général de la préfecture et la secrétaire du
préfet.
Sous-préfectures
Sur les quatre (04) sous-préfectures (Sinfra, Kononfla,
Kouêtinfla et Bazré) qui comptent environ de dix (08) travailleurs
chacune, nous avons interrogé les quatre (04) sous-préfets, les
quatre 04 archivistes et quatre (04) autres employés.
Direction départementale de
l'agriculture
A cette direction d'environ huit (08) travailleurs, le
directeur départemental de l'agriculture et 04 employés du
service cadastral ont été interrogés.
Direction départementale de la
construction
Trois enquêtés sur six (06), ont
été interrogés. Il s'agit du directeur et de deux (02)
autres collaborateurs.
Ministère de l'agriculture.
Trois enquêtés ont été
interrogés sur les sept (07) identifiés.
TABLEAU N°6 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon des autorités locales
Zones d'enquête
|
Population d'enquête
|
Echantillon d'enquête
|
Tribunal coutumier
|
160
|
98 61,25%
|
Tribunal pénal
|
12
|
06 50%
|
Préfecture
|
08
|
03 37,5%
|
Sous-préfectures
|
32
|
12 37,5%
|
Direction de l'agriculture
|
08
|
05 62,5%
|
Direction de la construction
|
06
|
03 50%
|
Ministère de l'agriculture
|
07
|
03 42,85%
|
Total
|
233
|
130 55,79%
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon d'autres enquêtés
D'autres enquêtés ont été
associés aux investigations à l'effet de diversifier les sources
d'informations. Il s'agit des :
Responsables religieux : neuf (09) personnes y ont
accepté de répondre à nos questions
Les témoins ont été
identifiés par la technique boule de neige. Leur nombre est de six (06)
personnes.
v Détermination de
l'échantillon général
TABLEAU N°7 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon général
Typologie des enquêtés
|
Effectif
|
Autochtones
|
279
|
Allochtones
|
176
|
Autorités locales
|
130
|
Autres enquêtés
|
15
|
Total
|
600
|
SOURCE : TERRAIN
II. Méthodes de recherche
Trois méthodes ont été exploitées.
Il s'agit de la méthode dialectique (1), le fonctionnalisme (2) et la
méthode systémique (3).
1.Méthode dialectique
Pour
N'DA(2015), « c'est une
démarche qui part de l'idée de la présence de
contradictions dans la réalité elle-même. Elle recherche
les incohérences, les oppositions, les ambivalences des choses qui
constituent souvent l'essence de la réalité ». En
d'autres termes, cette méthode recherche les incompatibilités,
les contradictions dans un système social donné (Gurvitch,
1962 ; Brohm, 2003 ; Bruaire, 1993 ; Nadeau, 1999 ;
Kervégan, 2005). Elle est une méthode de recherchedocumentaire
(Levray, 2014 ; Prost, 1996 ; Bloch, 1993) que le chercheur se doit,
par abstraction de se le représenter (Langlois, 1897 ;
Seignobos, 1897 ; 1901).
Dans le cadre de ces travaux, cette méthode a
présenté un double intérêt :
· Elle a dans un premier temps, permis d'exhumer la
« mémoire » documentaire du
département de Sinfra pour y récupérer des documents
historiques portant le regroupement du peuple
« sian », le processus de migration des
allochtones, les phases de l'évolution démographique de la
population de Sinfra, le processus d'acquisition ancestrale et actuelle des
terres, les liens socio- culturels antiques qui existaient entre les
autochtones et certains groupes ethniques en vue comprendre les comportements
dualistes actuels de ces peuples sédentaires (autochtones et
allochtones) de Sinfra. Dans cette mesure, l'on a pu à la fois
connaître les différentes vagues de migrations à Sinfra qui
ont conduit à cette forme de saturation foncière constatée
à Sinfra et connaitre le processus d'évolution du conflit
(naissance, évolution et transformation).
· Elle a dans un second temps, permis de comparer les
données documentaires, archivistiques mis à notre disposition
avec les verbatim recensés sur le terrain afin d'y relever les
incompatibilités et les incohérences.
En somme, retenons qu'il a été possible
à travers cette méthode, d'établir le lien entre les
variables dépendantes (conflit foncier) et indépendantes
(pression démographique, consolidation clanique des espaces fonciers
familiaux et implication des acteurs institutionnels).
2. Fonctionnalisme
Selon Malinowski (1944), « Chaque coutume,
chaque objet, chaque idée et chaque croyance remplit une
fonction ».
Pour Mayer et Laforest (1990),« il faut
étudier les phénomènes humains dans une logique
d'unité, d'interdépendance pour en éclairer les
fonctions ».
Le fonctionnalisme suppose donc la stabilité et
l'intégration des systèmes sociaux (Kouassi, 2005), qui tendent
à ramener l'explication des faits sociaux, à la mise en
évidence de leurs fonctions (Mystere, 2009).Autrement, la
méthode fonctionnaliste renvoie à la structure sociale, à
la fonction que remplissent les faits sociaux et culturels pour les uns et les
autres (Bemb, 2009).Les conflits fonciers seront perçus comme le
résultat d'un dysfonctionnement social ou un ensemble social dans
lequel, les fonctions n'ont pas été remplies de façon
efficiente par les acteurs sociaux.
Cette méthode nous a intéressé dans
l'analyse du statut et du poids social des autorités à charge de
la question foncière, dans l'organisation et le fonctionnement des
différents mécanismes de gestion foncière, mais aussi et
surtout, a-t-elle permis d'apprécier le rôle, les fonctions des
conflits fonciers à Sinfra et l'écart entre la marge d'exercice
des acteurs de l'administration publique et les agissements observés sur
le terrain.
3. Méthode
systémique
La méthode systémique est une approche globale
qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble
(sous-système) intégré dans un système social
(Ludwig, 1993).Il existe des interactions entre tous les éléments
et constituants de la société. Tous les secteurs essentiels, les
problèmes publics, les solutions, les politiques sociales, les
programmes sont considérés et évalués comme des
composantes d'un système global.
L'intérêt de cette méthode est de
considérer les acteurs sociaux comme des acteurs intégrés
et qui interagissent dans un système social. Les facteurs de
l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra seraient des
facteurs liés au système global local, à ses composantes
ou à ses acteurs interagissant.
III. Techniques de recueil des
données
Selon N'DA (2015), « les
techniques sont des procédés opératoires définis,
transmissibles, susceptibles d'être appliqués dans les conditions
adaptées au genre de problème ou de phénomène en
cause ».Autrement, les techniques constituent des canaux
utilisés pour atteindre des buts ; lesquels peuvent être
d'ordre processuel en ce sens qu'elles suivraient un cheminement
méthodique, des étapes pratiques pour une bonne cueillette des
informations.
Dans cette étude explicative, nous avons opté
pour: la recherche documentaire(1), l'observation (2), le questionnaire (3) et
les différents entretiens (4).
3.1. Recherche documentaire
Elle renvoie d'emblée à l'étude de
documents relatifs à un domaine d'étude.
Selon N'DA (2015), « le terme
document renvoie à toute source de renseignements déjà
existante à laquelle le chercheur peut avoir
accès .Ces documents peuvent être
sonores, visuels, audio-visuels et/ou écrits ».
La recherche documentaire a constitué un travail
préalable et essentiel à notre étude. Elle nous a permis
de faire la recension des écrits méthodologiques et empiriques
antérieurs afin d'avoir une vue générale et claire de
notre objet d'étude. Dans la pratique, son apport s'est situé
à quatre niveaux :
· Dans un premier temps, elle a consisté en une
recension des écrits tenant à la méthodologie de recherche
en sciences sociales.
· Ensuite, en une recension des documents
spécifiques aux conflits fonciersafin de mettre en évidence les
différentes orientations abordées pouvant nous permettre de
dégager notre posture scientifique.
· De plus, cette technique nous a permis de recenser des
données factuelles à travers quelques visites dans des
institutions de l'Etat (Institut National de Statistique, le Service Cadastre
du Ministère de l'Agriculture et sa section décentralisée
de Sinfra, les Sous-préfectures des différentes tribus). Ces
données concernaient le regroupement historique des populations de
Sinfra, les procédures de cession des terres en pays gouro, le processus
d'acquisition des terres, les facteurs susceptibles d'expliquer les conflits
fonciers et les données statistiques sur l'évolution du
phénomène dans la localité.
· Dans un second temps, elle a permis à travers
ces données factuelles (Bureau National d'Eudes Techniques et de
Développement et l'Institut National de la Statistique ) d'avoir des
données statistiques relatives à l'évolution
démographique de Sinfra dans l'intervalle [1975- 2014].
3.2. Observation
Pour Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer,
(1999), «l'observation consiste en la constatation d'un fait
à l'aide de moyens d'investigations appropriées. Elle peut
être directe ou indirecte, qualitative ou quantitative, effectuée
sur le terrain ou en laboratoire ».
N'DA (2015), la conçoit comme une démarche
consistant « à regarder se dérouler sur une
période de temps donné, des comportements ou des
évènements et à les enregistrer ».
Dans ce travail, nous avons opté pour une observation
directe qui rengorge à la fois l'observation «
flottante » et l'observation «
participante ».
En ce qui concerne l'observation flottante, elle a
consisté en une observation des comportements des acteurs ruraux et
administratifs, des autorités locales, de la manifestation des relations
sociales conflictuelles, des tensions inter-ethniques fréquentes dans le
département de Sinfra et dans la compréhension des fondements
culturels auxquels la population « kwênin »
reste fortement attachée.
Pendant la phase d'enquête de terrain qui a duré
six (0 6) mois, nous avons remarqué « de visu in
situ » des cas de violences foncières, des tentatives de
règlements de ces conflits de terre par différents tribunaux
coutumiers des localités ciblées, ainsi que les règlements
de litiges fonciers par la section détachée (Sinfra) du tribunal
de Première Instance de Bouaflé.
Nous avons aussi observé quelques cas de conflits qui
opposaient les ruraux à l'administration (coutumière et
pénale). Ce sont entre autres des contestations verbales, des
défiances portant pour la plupart sur les revendications concernant les
décisions de justice, le mode de traitement des litiges entre
agriculteurs autochtones et allochtones et entre
« kwênins » et transhumants, etc.
Cette observation a été possible au moyen d'un
certain nombre de matériels de base dont nous nous sommes munis pendant
cette phase observatoire : vade-mecum, appareil photo et caméra
numérique.
En ce qui est de l'observation participante, nous avons
revêtu une « triple casquette » lors des
investigations ; tantôt cultivateur
intégrédans des groupes sectoriels d'acteurs ruraux ;
tantôt, notable sous autorisation particulière du chef de tribu.
Finalement, agent enquêteur, observateur des enquêtes de
commodo-incommodo pouvant permettre de procéder à la
délimitation cadastrale des espaces fonciers.
3.3. Questionnaire
Pour Mucchielli (1989),« font partie de ce qui
sera appelé questionnaire, tous les moyens de recherche de
réponse, étant entendu que la réponse recherchée
est idéalement celle qui, à travers la subjectivité des
individus, exprime directement ou indirectement le phénomène
social que l'on veut connaître ou comprendre ».
Selon N'DA (2015), « le questionnaire consiste
à poser, par écrit, à des sujets une série de
questions relatives à leur situation, à leur opinion, à
leurs attentes, à leur niveau de connaissance ou de conscience d'un
problème ».
A Sinfra, nous avons adressé des questionnaires aux
autorités coutumières, administratives, à la population
rurale. Ces étaient relatives aux modalités d'acquisitions terres
à Sinfra, au déroulement des conflits fonciers, aux obstacles
liés à la gestion, aux facteurs explicatifs de ces obstacles
ainsi qu'à l'impact d'une gestion partielle ou partiale des litiges
fonciers sur la cohésion sociale à Sinfra.
Cela nous a permis de chercher à comprendre,
interpréter les réponses, limiter les risques liés
à la personnalisation des questions, d'approfondir et de
compléter certaines informations par des questions improvisées en
vue de dresser des tableaux de distributions statistiques (de type
descriptif).
3.4. Entretien
L'entretien peut être défini comme un
échange au cours duquel un ou des interlocuteurs expriment des
idées, leurs perceptions, leurs expériences tandis que le
chercheur, par des questions précises, délimite le champ social
d'intervention.
Pour Grawitz (2001),ce terme désigne « un
procédé scientifique qui consiste en un processus de
communication verbale dans le but de recueillir des informations en relation
avec les objectifs que l'on s'est fixés ».
Dans le cadre de cette recherche, nous avons eu recours
à l'entretien individuel(1) et au focus-group(2).
3.4.1. Entretien individuel
A ce niveau, les entretiens étaient tantôt
directifs et tantôt sémi-directifs.
· Directifs, en ce sens que nous avons
élaboré des guides d'entretiens avec des réponses
préconçues. De nombreuses données y ont pu être
recueillies grâce à des prises de notes et des enregistrements
vidéographiques.
· Sémi-directifs, dans la mesure où nous
avons distribué un certain nombre de questionnaires aux
enquêtés quelques jours avant les échanges afin de leur
permettre de se préparer. Nous y avons délimité le cadre
d'échanges et de ce fait, permis à ces enquêtés de
demeurer dans le canevas d'échange avec une marge de tolérance
restreinte lors des interviews.
Dans l'ensemble, les entretiens auprès des
autorités locales : Préfet, Sous-préfet, Maire,
Directeur départemental de la construction, Directeur
départemental de l'agriculture ont porté sur les
thématiques suivantes : historique du peuplement et des conflits
fonciers à Sinfra, modes de gestion des litiges fonciers,
évaluation des procédures judiciaires et extra-judiciaires de
gestion, obstacles de la gestion des litiges fonciers à Sinfra et des
facteurs explicatifs de ces obstacles.
Pour ce faire, l'option des questions ouvertes était
indispensable afin de donner une marge d'expression aux enquêtés.
Ce qui n'a pas favorisé le suivi de l'ordre des questions mais
plutôt a permis de compléter certaines questions par d'autres,
improvisées.
3.4.2. Focus
group
Pour Thibeault (2010), « le focus
group est une technique d'entretien de groupe d'expression et d'entretien
dirigé, qui permet de collecter des informations sur un sujet
ciblé ».Il peut aussi« constituer en une
technique qualitative dont le but est de recueillir des discussions
centrées sur des situations concrètes particulières, des
sujets pertinents pour une recherche »(Touré, 2010).
Sur le site d'investigations, cette méthode a
semblé la plus fructueuse du point de vue des données
collectées.Elle a permis aux enquêtés de se délier
la langue, d'être moins stressés, de s'exprimer en toute latitude
du fait du groupe et de donner diverses positions recentrées autour de
notre objet d'étude. Ainsi, nous avons formé des groupes de cinq
à dix enquêtés dans les différents villages et
quartiers visités. Ces entretiens se sont articulés pour la
plupart autour des facteurs liés à la résurgence des
conflits fonciers, à l'évaluation des actions des instances de
régulation foncière à Sinfra , aux
difficultés liées à la gestion de ces conflits et les
facteurs directs ou indirects pouvant catalyser la résurgences de ces
litiges fonciers après gestion.
IV. Modes d'analyse des données
Dans de cadre de cette étude, nous avons eu recours
à deux méthodes d'analyse des données : la
méthode qualitative et la méthode quantitative.
4.1. Analyse qualitative
Elle a consisté à recueillir les opinions, les
attitudes, les perceptions diverses et les réactions individuelles et
collectives des enquêtés en rapport avec le
phénomène étudié. Pour ce faire, elle s'est
appuyée sur l'approche phénoménologique et l'analyse
culturaliste.
· Phénoménologie
La phénoménologie privilégie le point de
vue des sujets de l'action. Elle accorde l'importance à
l'interprétation que le sujet donne des évènements qu'il
vit (N'DA, 2015).
Elle a certes consisté à recueillir les
opinions, les perceptions et les expériences des enquêtés
par rapport au phénomène étudié mais
au-delà, elle a permis de faire une attention particulière
à la gestuelle, au regard, à la communication corporelle, aux
hésitations et aux commentaires de ces personnes ressources.
· Culturalisme
Selon Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer (1999),
« le culturalisme est un système de pensée
anthropologique qui tend à expliquer la culture comme système de
comportement appris et transmis dans un système
social. »
Son intérêt dans cette étude s'est
principalement situé dans l'analyse du système culturel à
Sinfra, dans la transmission de l'héritage culturel, dans le rôle
des divers rituels d'invocation d'ancêtres dans la gestion
coutumière des conflits fonciers.
Aussi, a-t-il permis de comprendre la cohabitation mutuelle de
deux systèmes culturels différents (celui des autochtones et
celui des allochtones).
4.2.Analyse quantitative
Cette méthode qui permet de quantifier les
informations diversifiées relatives aux données du terrain, nous
a intéressé dans le regroupement, l'organisation et le classement
des informations selon leur degré de convergence.
Elle nous a aussi été significative à
travers l'usage des tableaux de distributions statistiques de type descriptif
et de pourcentages et du traitement inférentiel des données pour
mettre les hypothèses d'étude à l'épreuve des
faits.
V. Conditions sociales de l'étude
Pendant le déroulement de nos investigations, nous
avons été confrontés à deux difficultés. Ce
sont :
· L'indisponibilité des
enquêtés : quelques autorités du
département (Préfet, Sous-préfets, Président du
tribunal, Directeur départemental de l'agriculture), avaient du mal
à s'ouvrir vu la délicatesse du sujet et ce, en dépit des
autorisations de recherche. Cette difficulté a été
contournée par l'insistance et la mise en rapport des liens
familiaux.
· L'inaccessibilité à la
documentation : Des informations ont été
tenues au secret professionnel. Les informations sur la gestion des conflits
fonciers (procès-verbaux de décisions de justice, statistiques
sur les conflits fonciers gérés, ceux stagnants,...) ont
été difficilement traitées faute de supports
informationnels. Des témoignages et l'observation de quelques situations
nous ont permis de contourner cette insuffisance.
· Difficultés liés aux
déplacements : Le terrain d'étude est un champ
géographique constitué de six tribus (Bindin : sept
villages ; Gohi : six villages ; Nanan : huit
villages ; Progouri : quatre villages ; Sian : seize
villages et Vinan : quatre villages), soit un ensemble de quarante-cinq
villages explorés dans les quatre sous-préfectures (Sinfra,
Kononfla, Bazré et Progouri). Les pistes villageoises menant à
ces localités souvent reculées, sont inaccessibles aux
véhicules et reconnues que par le truchement d'anciens de villages.Cette
difficulté a été contournée par l'usage de
bicyclettes et de guide durant ces voyages.
DEUXIEME PARTIE :
RESULTATS, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, ET
DISCUSSION
|