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UNIVERSITE FELIX HOUPHOUET BOIGNY D'ABIDJAN
UFR : CRIMINOLOGIE
Option : SOCIOLOGIE CRIMINELLE
SUJET
LA GESTION DES CONFLITS FONCIERS ENTRE AUTOCHTONES ET
ALLOCHTONES DANS LE DEPARTEMENT DE SINFRA
Présenté par
KANA Jean Noel Pacôme
THESE soutenue le 16 Mars 2019
DEDICACE
Aux familles KANA et DJEDJE
REMERCIEMENTS
L'élaboration de ce travail de recherche n'aurait pu se
faire sans la contribution d'un certain nombre de personnes à qui, nous
tenons à exprimer notre reconnaissance.
? Ainsi, nous voudrions de prime abord dire merci au Prof.
SISSOKO Alain, Professeur Titulaire de Sociologie, ex-Doyen de l'UFR
Criminologie, Directeur de cette thèse, pour sa grande
disponibilité dans le suivi et l'encadrement (de ce travail de
recherche). Ses conseils nous ont été d'une utilité
avérée.
? Nous remercions également le Prof. KOUDOU Opadou,
Professeur titulaire de Psychologie, pour avoir bien accepté de suivre
ce travail et dont les conseils et orientations nous ont permis de nous
familiariser aux grandes thématiques de la recherche scientifique.
? Le Doyen de l'UFR Criminologie, le Prof. YEBOUET Henry, pour
les conseils avisés et encouragements ayant facilité le
déroulement de ce travail.
? Le Prof. MELEDJE DJEDJRO, Professeur Titulaire de Droit
(président du jury) pour ses recommandations et orientations en
dépit de son emploi du temps chargé.
? Le Prof. HAUHOUOT CELESTIN, Professeur Titulaire de
Géographie. Ses recommandations nous ont permis de comprendre
véritablement des thématiques essentielles du travail.
? Le Prof. IBO GUEHI, Directeur de Recherches (CAMES). Ses
conseils, sa disponibilité et ses orientations ont été
indispensables à la compréhension de notre objet d'étude.
? Le professeur AGNISSAN AUBIN, Maître de
Conférences - Sociologie- Anthropologie -UFHB. Son appui, ses conseils,
son suivi et sa disponibilité ont été considérables
dans la réalisation de ce travail.
? Nos remerciements vont tout aussi à l'endroit du
Préfet de Sinfra, du directeur départemental de l'agriculture, du
directeur départemental de la construction, du chef de la tribu «
Sian », des autorités sous-préfectorales ainsi que
des différents magistrats du tribunal de Sinfra.
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Récapitulatif de la
variable dépendante et de ses indicateurs................85
Tableau 2 : Récapitulatif des
variables indépendantes et de leurs indicateurs........86
Tableau 3 : Evolution démographique de
la population de Sinfra de 1975
2014..........................................................................................92
Tableau 4 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon autochtone.............................104
Tableau 5 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon allochtone..............................105
Tableau 6 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon des autorités locales.................106
Tableau 7 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon
général..................................105
Tableau 8 : Fréquence des
modalités d'accès à la terre à
Sinfra................
.........124
Tableau 9 : Conflits liés à la
destruction des plantations à Sinfra de 2009 à
2014......................................................................................................140
Tableau 10 : Procès-verbaux des
affaires réglées...........................................196
Tableau 11 : Niveau de stigmatisation des
acteurs de gestion............................197
Tableau 12 : Evolution des pâturages de
2010 à 2015......................................213
Tableau 13 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse générale...........216
Tableau 14 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse
générale...................217
Tableau 15: Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
générale............................................................................217
Tableau 16 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse
Générale.................................................................................................218
Tableau 17 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
générale.................................................................................218
Tableau 18 : Rappel de la variable
indépendante et de ses critères...................219
Tableau 19 : Effectifs des indicateurs de la
variable indépendante dans les
sous-préfectures...............................................................................................219
Tableau 20 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 1.....................220
Tableau 21 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 1.............................221
Tableau 22 : Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
1.......................................................................................221
Tableau 23 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 1.........221
Tableau 20 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
1..........................................................................................222
Tableau 25 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 2.....................223
Tableau 26 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 2.............................223
Tableau 27 : Calcul de la différence
des effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse
2........................................................................................223
Tableau 28 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 2......224
Tableau 29 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
2............................................................................................224
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Evolution démographique de
la population de Sinfra de 1975
à
2014............................................................................................93
Figure 2 : Modalités d'acquisition des
terres à Sinfra.......................................126
Figure 3 : Actions du nouvel acquéreur
en faveur des membres de sa famille......131
Figure 4 : Actions des membres de famille en
faveur du nouvel acquéreur...........132
Figure 5 : Processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra...............152
Figure 6 : Organigramme de la chefferie
traditionnelle à Sinfra..........................163
Figure 7 : Organigramme du Comité de
Gestion foncière rurale de Sinfra............165
Figure 8 : Organigramme du tribunal
pénal de Sinfra.......................................172
Figure 9 : Procédure de gestion par
les autorités administratives de Sinfra.........189
LISTE DES SIGLES
MINAGRA : Ministère de l'Agriculture et des Ressources
Animales.
BADR : Bureau des Affaires Domaniales
RGPH : Recensement Général de la Population et
de l'Habitat
PFR : Plan Foncier Rural.
AV : Assemblée Villageoise
CF : Certificat Foncier
CGF : Comité de Gestion Foncière
CCTS : Collectif des Chefs de la Tribu Sian
CFR : Commission Foncière Rurale
CNA : Chambre Nationale d'Agriculture
CBFR : Comite du Barème Foncier Rural
DCI : Direction du Cadastre Ivoirien
CGFR : Comité de Gestion Foncière Rurale
CVGFR : Comite Villageois de Gestion Foncière Rurale
CFC : Certificat Foncier Collectif
CFI : Certificat Foncier Individuel
BNETD : Bureau National d'Etudes Techniques et de
Développement
INS : Institut National de Statistiques
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OTA : Opérateur Technique Agrée
DDA : Direction Départementale de l'Agriculture
AFOR : Agence Foncière Rurale
Introduction
Les conflits sont inhérents aux rapports humains
(Billiard, 2016), et ce pour deux raisons essentielles : d'une part, les
individus ou groupes humains ont des besoins, des intérêts
différents ; d'autre part, les ressources naturelles sont
disponibles en quantité limitée. Il faut donc organiser leur
accès (Baron, 2006).Ces deux facteurs sont générateurs de
conflits.
En Afrique, la question relative au foncier constitue un enjeu
considérable ; les immenses superficies du continent sont de plus
en plus soumises aux lois capitalistes du marché et de ce fait,
deviennent progressivement de vastes espaces d'exploitations (Kakule, 2011).
Revendiqué à l'échelle internationale
comme support de développement, d'investissement ou d'habitat,
monopolisé à l'échelle nationale pour satisfaire les
besoins d'ordre public, le système foncier africain revêt une
importance dans la vie sociale, économique et politique des populations
(Akpinfa, 2006).
La Côte d'Ivoire, longtemps considérée
comme le « poumon » de l'économie
ouest-africaine, a orienté dès son accession à
l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation
forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les
cultures de rentes telles que le café et le cacao (Chauveau, 2000 ;
Lavigne, 2002).
Cette politique lui a valu le statut de premier producteur
mondial de cacao et de troisième producteur mondial de café. Ces
résultats ont suscité le concept de « miracle
ivoirien » et favorisé une politique d'immigration
interne et externe des populations vers les zones forestières dans le
but de construire un Etat moderne, économiquement fort (Club
UA-CI,2010).
De plus d'une dizaine de millions d'hectares en 1960, la
côte d'ivoire est passée à moins de trois millions
d'hectares de superficie de forêt aujourd'hui (BNETD, 2005). Ainsi, la
question foncière dans ce pays est devenue une problématique
fondamentale des politiques de développement, non pas dans une
appréhension de la terre comme matière brute qui peut
présenter un intérêt limité mais comme un ensemble
englobant les ressources naturelles qui la composent (Yom et Madji, 2012).
La compétition et la concurrence pour l'accès
à la terre se sont donc accrues ces derniers temps sous les effets
conjugués de nombreux facteurs dont la combinaison a
généré des conflits sanglants et meurtriers dans le pays
(Mathieu, Matabaro et Tsongo, 1994 ; Zongo, 2009). De ce fait, si
l'accès à la terre et la sécurisation foncière
constituent des problèmes qui concernent l'ensemble du territoire
ivoirien, ces questions se posent de nos jours avec beaucoup plus
d'acuité dans le Sud-ouest de la Côte d'Ivoire, zone à
prédominance agricole (Bogolo, 2004 ; Kouadio, 2011).
Aujourd'hui, le sud-ouest ivoirien est devenu un espace rural
différencié par la diversité d'acteurs en
présence : autochtones, allogènes ou peuples
sédentarisés (Gnabéli, 2008), exploitants forestiers de
l'Etat, privatistes, citadins, autorités locales, etc.
L'accès à la terre est devenu précaire,
compétitif, concurrentiel avec une course récurrente pour la
détention monopolistique des droits de propriété avec tous
les risques qui s'y rattachent (Zadou, Ibo et Koné, 2010).La ruée
sur les terres fertiles nationales a créé une certaine anarchie
dans l'occupation des parcelles et généré des conflits
entre exploitants ruraux (Dévérin, 2005 ; Merabet, 2006;
Gausset, 2008).
C'est donc dans ce contexte de raréfaction des terres
et des ressources naturelles que l'on a assisté à des
individualismes au détriment des valeurs ancestrales de partage et de
solidarité enseignées par la tradition (Paupert, 2010).Cette
situation a accentué la compétition entre acteurs ruraux qui,
désormais s'activent uniquement à défendre et à
sécuriser leur domaine d'exploitation et donc à
privilégier l'intérêt personnel avec le
célèbre slogan « la terre appartient à
celui qui la met en valeur » (Bonnecase, 2001).
Dans cette lutte d'intérêts, les échanges
se terminent fréquemment par des oppositions rangées (Kana,
2014) ; lesquelles résultent d'une divergence
d'intérêts manifestée par des désaccords, rixes et
litiges violents, révélateurs de dynamiques sociales (Zongo,
2009).
Dans le département de Sinfra, la terre était
dans le passé, repartie entre les différents lignages fondateurs
(Meillassoux, 1964 ; Bnetd, 2005). Et en raison du culte rendu à la
terre, l'activité agricole était précédée de
quelques rites agraires. Ainsi, le paysan était ou devait être
conscient que la terre ne peut faire l'objet de consolidation et de
défrichage sans l'accomplissement préalable de pratiques
propitiatoires et votives déterminées pour assurer
l'agrément des génies des lieux et esprits des ancêtres
(Agnissan, 1997).
Par ailleurs, chaque chef de lignage fondateur avait à
charge l'établissement de ces rites agraires pour favoriser
l'exploitation par les nouveaux migrants, la gestion du patrimoine foncier
familial, l'arbitrage des conflits intrafamiliaux, l'accueil et l'installation
des allogènes et l'octroi de droits de propriété
temporaires (Deluz, 1965).
Toutefois, depuis quelques décennies, l'on observe
à Sinfra une récurrence des conflits fonciers multiformes et
variés, menaçant régulièrement la cohésion
sociale départementale (Kana, 2014).
Du point de vue scientifique, de nombreux facteurs ont
été évoqués par les chercheurs pour tenter
d'expliquer l'apparition des conflits et leur réapparition après
gestion : ventes illicites des espaces familiaux, retour des jeunes
déscolarisés, raréfaction des terres cultivables,
faiblesse institutionnelle, autorité défaillante de l'Etat,
pluralité d'intervenants dans le domaine foncier, corruption active et
passive des acteurs et des instances de jugement, ferme volonté de
consolidation des espaces fonciers nonobstant les obstacles, collision entre
deux tribunaux (pénal, coutumier) aux fonctionnements
différents(Kakule,2011).
Les conséquences pluridimensionnelles qui
découlent de ces litiges s'appréhendent à travers les
dégâts matériels et humains ainsi que l'atmosphère
d'insécurité permanente, enregistrés lors des conflits de
consolidation ou de maintien des droits sur des espaces fonciers (Bonnecase,
2001).
Chercher donc à comprendre les raisons des rapports
conflictuels entre ruraux reviendrait dans notre travail, à nous
intéresser aux modalités d'acquisition des terres, aux acteurs,
aux enjeux, au déroulement, aux différents mécanismes de
gestion et aux facteurs explicatifs de l'échec de la gestion de ces
litiges fonciers à Sinfra.
Dans ce travail, nous nous intéresserons uniquement
à « la gestion des conflits fonciers entre
autochtones et allochtones dans le Département de
Sinfra ».
Ce travail s'inscrit dans l'optique des recherches qui visent
non seulement à montrer la nature complexe du jeu foncier dont les
pratiques combinent une diversité de registres mais aussi, les
difficultés de l'Etat à s'imposer comme acteur légitime et
autoritaire sur l'échiquier foncier, en dépit de ses
prétentions hégémoniques.
Sur le plan organisationnel, l'étude comporte deux
parties :
-La première partie s'articule autour des
considérations théorique et méthodologique.
Dans cette partie, nous délimitons
géographiquement notre champ d'étude et d'investigations tout en
mettant en relief, à travers la recension des écrits
antérieurs et des différents paradigmes, l'orientation que
nous souhaitons donner à ce travail.
-La seconde partie présente les résultats,
l'analyse et l'interprétation de ces résultats et la discussion.
Dans cette partie, nous évoquons les résultats recentrés
autour des modalités d'acquisition des terres, les configurations du
phénomène, les conséquences des conflits fonciers, les
différents mécanismes locaux de gestion, les facteurs explicatifs
de l'échec de la gestion desdits conflits fonciers, la discussion pour
ainsi ouvrir le champ des suggestions.
PREMIERE PARTIE :
CONSIDERATIONS THEORIQUES
ET METHODOLOGIQUES
CHAPITRE I : CONSIDERATIONS THEORIQUES
I. Justification du choix du sujet
1. Motivation personnelle
Nous avons opté pour ce sujet dans la mesure où,
depuis tout petit, alors que notre défunt père était
encore chef du village de Kouêtinfla (un village de la tribu Sian), nous
assistions régulièrement aux conflits fonciers qu'il
gérait et le suivions dans d'autres villages lorsqu' il était
appelé à soutenir ses homologues dans le cas d'une question
foncière complexe.
Mais au- delà de ce fait, nous avons été
témoin d'un règlement de conflit foncier par le tribunal
coutumier de la tribu « sian »(sianfla).
Ce conflit opposait un autochtone de la tribu à un
allogène burkinabè.
Au regard des explications, le burkinabè, à son
arrivée, faisait des contrats de nettoyage des champs de son tuteur dans
le but d'obtenir un lopin de terre pour l'exercice d'activités
champêtres contre une contrepartie financière et un droit de
regard de son tuteur sur les récoltes.
Après plusieurs années, un conflit de
réclamation monopolistique de la propriété foncière
va opposer ces deux individus. Des mésententes au départ
verbales, vont assez rapidement se transformer en violences physiques alors
que les individus ne disposaient d'aucun texte écrit pouvant servir de
base à leur argument.
Le burkinabè a estimé avoir mis des plants de
cacao parce qu'il aurait payé une somme forfaitaire qui constituait
selon lui, la valeur du lopin de terre.
L'autochtone, lui, maintenait qu'il lui avait autorisé
uniquement des cultures de courte durée sur sa parcelle et qu'ils
n'avaient jamais négocié d'une quelconque vente.
Après plusieurs reports, la chefferie traditionnelle a
décidé que l'allogène verse la moitié de la valeur
réelle de l'espace litigieux à son tueur et qu'il est anormal de
couper les plants de cacao de l'allogène dans le but de la restitution
de la parcelle à l'autochtone. La communauté villageoise a
qualifié cette décision de partiale, discutable et peu
satisfaisante.
Ce cas de conflit qui n'est qu'un exemple parmi tant
d'autres, a suscité pour nous l'intérêt de conduire une
étude sur la gestion des conflits fonciers en vue de faire des
suggestions pour une meilleure gestion du phénomène dans le
département de Sinfra.
2. Pertinence sociale
L'importance sociale de ce sujet se fonde principalement sur
un ensemble de constats effectués dans la localité ciblée.
En effet, depuis quelques décennies, les crises foncières qui
ont explosé à Sinfra se sont accentuées avec une
connotation particulièrement violente. Ces conflits ont provoqué
des pertes en vies humaines, la destruction de plantations et d'habitations,
des déplacements massifs de populations autochtones et allogènes
vers la ville (50 morts, l'incendie des villages autochtones Koblata et
Proniani et 77 hectares de plantations détruites selon les
autorités préfectorales et sous-préfectorales de Sinfra
dans les litiges fonciers de 2011). Depuis cette période, environ deux
(02) cas de conflits fonciers sont gérés chaque semaine par la
chefferie de la tribu Sian, soit environ cent - quatre (104) cas de conflits
fonciers chaque année. De ces cas de conflits gérés,
retenons quelques-uns : Degbesséré (03 cas de litiges avec
rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la machette en 2016),
Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris à proximité
des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre dans un champ de cacao en
2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces de mort et incendie de
plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec blessures à la daba et
du bois de chauffe en 2016). A cette fréquence des conflits fonciers, se
sont ajoutées les rumeurs quotidiennes qui circulaient dans une
dynamique verticale (des dirigeants aux ruraux) et horizontale (entre
populations elles- mêmes) rendant l'atmosphère sociale davantage
insécurisée et précaire.
Toutefois, au regard des faits sus-mentionnés, l'on
constate qu'en dépit des mécanismes locaux de gestion des
conflits fonciers, d'autorités à charge de la question
foncière, de la loi portant organisation et règlementation du
foncier rural, la gestion des conflits fonciers à Sinfra semble ne pas
faire l'unanimité et catalyse le rebondissement de nombreux conflits
fonciers à Sinfra.
3. Pertinence scientifique
Les conflits fonciers ont fait l'objet de nombreux travaux
scientifiques. Leur gestion n'a point été en reste des
investigations scientifiques. L'examen des contributions antérieures
laisse transparaitre deux types de facteurs évoqués par les
prédécesseurs: facteurs dépendants des acteurs sociaux
(facteurs internes) et facteurs indépendants de ces acteurs sociaux
(facteurs externes).
Dans la première approche explicative (facteurs
internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des
systèmes étatiques d'administration foncière, les
manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la
partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la
stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion
inadaptées et l'implication négative, intéressée et
clientéliste de certaines autorités administratives et politiques
comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits
fonciers.
Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs
s'intéressent au vide juridique en matière de résolution
des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur
le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et
culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté
politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits
fonciers.
Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante,
c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme
mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des
conflits fonciers à Sinfra. L'intégration de cet ensemble des
facteurs agissants permettra sans doute d'apporter une orientation nouvelle aux
travaux déjà effectués sur la question.
II. Définition des concepts
Selon Eberwein (1978), « la formation des
concepts est une base essentielle de la construction théorique ; la
précision des termes est indispensable pour la désignation des
phénomènes que l'on souhaite décrire et
expliquer. »
Pour Durkheim (1990), « la première
démarche du sociologue consiste à définir les choses dont
il traite afin que l'on sache et qu'il sache de quoi il est
question ».
1. Concepts explicites
1.1 Gestion
La gestion, issue du verbe «
gérer » qui signifie exécuter, accomplir au
départ pour le compte d'autrui (Biales, 2000), varie selon la
discipline scientifique dans laquelle l'on se situe.Ainsi, dans la conception
psychanalytique, le concept est employé pour désigner des
techniques de développement personnel visant la transformation de
soi : soit pour se défaire de certains aspects pathologiques
(phobie, anxiété, déprime, timidité), soit pour
améliorer ses performances (mieux communiquer, gérer son temps,
s'affirmer en milieu sociétal).Partant de ce fait, la gestion
présente un aspect curatif, non pas des maux physiques mais des maux
psychiques. Autrement, gérer c'est établir une thérapie
cognitive des acteurs sociaux qui recherchent
« l'épanouissement social» et qui, par
ricochet, sont considérés comme souffrants d'un manque
psychologique matériellement constatable.
Selon Lacroix (2014), le milieu professionnel est le lieu de
manifestation de la gestion car il est avant tout un théâtre
où se manifestent des interactions entre individus non pathologiques
mais aspirant à des améliorations de conditions sociales.
Toutefois, bien que cette idée ait le mérite de
nous orienter vers une conception purement psychologique, elle a tendance
à stéréotyper l'homme, le rendant passif dans le
débat sur l'amélioration de sa propre condition
sociale. Toute chose qui nous amène à analyser une approche
positiviste du concept.
Dans cette approche, des auteurs contrairement aux
précédents, estiment que le sujet subissant est la seule
entité capable d'améliorer sa condition sociale et ce, par la
modification de sa vision des choses et par une gestion saine de son mode de
pensée. Ainsi, la gestion apparait dans cette dynamique, comme un mode
de pensée et d'action, mieux un style de vie visant continuellement
à inscrire la vision et le raisonnement de l'individu dans une
dynamique positive. Dans cette perspective,
Peale (1952)
affirme que la gestion permet de transformer chez les individus, les
émotions négatives en
attitudes
positives de sorte à aider les sujets à prendre conscience de
leurs potentialités qui catalyseraient la métamorphose de la
situation actuelle en une situation meilleure. Il déclare que
gérer, c'est allier son comportement à une ligne vectorielle au
sein de la sphère sociale. Autrement, la gestion dans ce contexte, est
perçue dans une approche binominale : une phase psychologique qui
consiste en la modification du mode de pensée et une phase active qui
s'appuie sur des actions concrètes, réfléchies et
ciblées concernant la transformation positive de la situation
actuelle.
Dans cette même optique, Carnegie (1990) distingue
huit(8) points clés de la gestion : vous faire apprécier
davantage, rallier les autres à votre point de vue, développer
votre influence, votre ascendant, votre capacité à faire agir,
faire face aux critiques, régler les conflits, garder l'harmonie dans
vos contacts avec les autres, développer vos talents d'expression et de
communication et susciter l'enthousiasme parmi vos collaborateurs. Autrement,
ces indicateurs de la « gestion » traduisent les
attitudes collégiales que doivent adopter l'ensemble des acteurs en
milieu professionnel pour répondre à la fois à des
objectifs structurels et personnels.
Toutefois, bien que cette conception ait le mérite de
nous révéler les pouvoirs enfouis en nous, elle s'attarde trop
sur la définition intra-personnelle de la gestion quand bien même
la gestion reste un concept, une valeur déjà inculquée,
transmise en amont dans la sphère familiale. Toute chose qui nous
conduit à analyser une conception de type éducationnel.
Dans la conception éducationnelle, Duvillier(2000)
pense que pour gérer des travailleurs d'une entreprise, il faut aller
à la genèse des choses c'est-à-dire dans la sphère
familiale pour poser les bases d'un développement personnel à
l'enfant. La gestion serait une sorte de communication, d'instruction des
vertus morales et sociétales à l'enfant en vue de dissiper en lui
les effets de découragement, de peur, de phobie pour le préparer
à affronter certaines réalités organisationnelles. Dans le
milieu professionnel, l'individu ayant reçu une base
éducationnelle fondée sur une gestion efficiente du
« moi » serait plus apte à supporter les
contraintes de travail que celui qui n'en a pas reçu (Lacroix, 2014).
Toutefois, cette approche s'attardant à préparer
l'enfant à intégrer le monde social complexe, ne situe pas les
parents comme des coachs dont la caractéristique renvoie au conseil,
à la motivation et à l'encouragement.
Dans le domaine sportif, gérer, c'est revêtir les
aptitudes d'un coach qui valorise des talents et potentiels des
athlètes. Il enseigne, conseille, motive, encourage, stimule afin de
révéler les aptitudes cachées de l'athlète. De ce
point de vue, gérer des sportifs apparait comme le fait de
révéler et de valoriser les talents cachés de certains
acteurs professionnels.
Cependant, même si cette approche définit
aisément le concept, elle reste une appréhension purement
sportive et non professionnelle.
Dans le milieu professionnel, Maslow (1943) propose une
hiérarchie des besoins représentée sous forme de pyramide
avec, au sommet, l'accomplissement de soi, défini comme le désir
de devenir de plus en plus ce qu'on est et de devenir totalement ce qu'on est
en mesure de devenir. Cette pyramide a réservé en haut de la
barre, les individus du stade d'accomplissement, tandis que les besoins de la
masse d'employés semblaient ne pas dépasser le stade de la
sécurité d'emploi et de bonnes conditions de travail. De ce fait,
la gestion apparait comme la mise en oeuvre de méthodes permettant
à l'employeur de passer du stade des besoins physiologiques à
celui de l'accomplissement.
Dupoint de vue sociologique, Touraine (1964) replace
d'emblée la gestion dans le cadre d'une compréhension des
transformations des rapports de pouvoir dans les organisations marchandes. La
gestion dépasse alors les seules techniques d'organisation pour
accéder au rang de technique de pouvoir. Lerouge (2010) pense que la
gestion semble plus en retrait concernant l'approche des risques
psycho-sociaux : « la gestion n'est pas
seulement le fait de la finance et de la comptabilité ;il s'agit
à la fois d' une description de la perspective du monde de la gestion
des organisations qui touche le but lucratif industriel mais aussi le but non-
lucratif tenant aux associations et syndicats ».
Ces auteurs, même s'ils tentent de donner une coloration
sociologique au concept, il reste cependant purement organisationnel (Biales,
1984).
Dans ce sens, Tshikuna (2007) affirme
que « la gestion est l' ensemble des actes tendant, dans le
cadre d' une politique prévisionnelle définie, à
déclarer, suivre et contrôler le fonctionnement à court et
à moyen terme des éléments dont dispose l' entreprise pour
atteindre le ou les objectifs ».Cette définition
renvoie la gestion en la mise en oeuvre des éléments à la
disposition de l'entreprise en vue d'atteindre des objectifs
préalablement définis.
Tshikuna (2007) estime encore que la gestion, c'est le fait
de piloter un processus, prendre un problème à l'état ou
il se trouve pour le conduire au seuil de la décision ; autrement
dit, ce serait, organiser des décisions en intégrant toutes les
données et paramètres nécessaires à la
qualité de cette décision.
Toutefois, loin de prétendre réfuter cette
conception de pilotage d'un processus à l'effet de prendre une
décision, Desreumaux (1992) attire l'attention sur le fait que la
gestion concerne principalement une mise en application des savoirs
théoriques et pratiques. A cet effet, il affirme que la gestion est une
forme d'« application des savoirs théoriques et
opératoires ».
Dans cette même visée, Lassègue (2003)
estime que la gestion signifie « l'application des sciences
à la conduite des organisations ». Il s'agit là
d'une simple application de la science à un champ organisationnel
visant l'amélioration de la conduite des organisations à l'effet
d'accroître la production.
Au regard des définitions pré-citées,
nous proposons une définition qui prend à la fois en compte la
dimension processuelle(condition centrale de la gestion) et la détention
de savoirs théoriques et pratiques(préalable à la
gestion).
Nous entendons donc par gestion, le développement et la
mise en place des outils qui permettent le partage d'informations, la
discussion de stratégies et la prise de décisions en toute
transparence.
1.2. Conflit
Le concept de conflit est polysémique et peut
être perçu selon différentes approches philosophique,
juridique, anthropologique, historique, économique, psychologique et
sociologique.
Ainsi, du point de vue philosophique, Lalande (2002) pense
que, évoquer le conflit signifierait évoquer le rapport de deux
pouvoirs ou de deux principes dont les applications exigent dans un même
objet, des déterminations contradictoires. Pour paraître plus
explicite, Lalande (2002) cite en particulier le conflit de devoirs dans la
morale appliquée, pour désigner le fait qu'un même acte
puisse paraitre juste ou injuste par rapport aux règles sous lesquelles
on le considère.
Pour Kant (1781), ce concept apparait comme l'ensemble des
contradictions où s'engage la raison lorsqu'elle s'efforce de trouver
dans les phénomènes, un inconditionnel d'où
dépendraient tous les inconditionnés. En d'autres termes, le
conflit est une action contradictoire à
loi morale valable pour
tout être raisonnable, sous forme de principes immuables et
universels.
D'un autre côté, Wilfert (1999) explique que ce
concept est antinomique aux normes tant personnelles que consensuelles.
Cette tentative philosophique de définition de ce
concept est certes intéressante car elle jette les bases philosophiques
de la compréhension du terme, mais reste insuffisante puisqu'elle semble
rejeter l'aspect textuel, légal de sa compréhension.
Dans la conception juridique, Verwilghen et Van (1980) pensent
que le conflit est l'ensemble des contradictions sur des questions de droit ou
d'habilitation en matière de résolutions des questions
juridiques. Dans cette dynamique, Soltani (2005) décrit les conflits de
juridiction, les conflits d'attribution lorsqu'il y a discussion entre deux
instances sur la compétence dans une affaire. De ce fait, l'auteur voit
en ce concept, une rivalité exclusivement professionnelle.
Outre cet auteur, Trochu (1969) pense qu'il y a conflit
lorsqu'un débiteur contracte un prêt à une tierce personne
et qu'il ne rembourse pas. De ce point de vue Trochien, le conflit transcende
le cadre juridictionnel pour se présenter comme la résultante
d'un désaccord entre particuliers sur une question contractuelle.
Cette définition semble négliger l'aspect des
intérêts publics et privés, qui est mise en évidence
par la conception de l'Organisation de la Coopération et de
Développement Economiques (OCDE, 2004). L'OCDE (2004)en effet, aborde le
concept de conflit en termes de choc d'intérêt
(intérêts publics et privés). Autrement, parler de
conflit supposerait évoquer un choc, une collision entre des
intérêts de types généraux et ceux, de types
particuliers.
Dans la dimension anthropologique, le concept de conflit ne
sous-entend pas une dualité normative, juridictionnelle ou
interpersonnelle comme dans l'approche précédemment
abordée, mais elle dénote plutôt un mode d'organisation
sociale dans lequel chaque individu ou groupe joue un rôle
spécifique, comme des organes dans le corps. Ainsi, loin de menacer
l'unité du corps social, le conflit permet l'intégrité
même de celui-ci. Dans cette optique, Gluckman (2002) affirme que le
conflit et son mode de résolution peuvent faire l'objet d'une mise en
scène rituelle qui, dans le même temps, libère l'expression
d'une rébellion contre l'ordre social et le résorbe. En d'autres
termes, il s'agit de chercher à cataloguer les manières dont ceux
qui ont le pouvoir, dans la recherche de puissance, travaillent à rester
dans la puissance.
Dans la même perspective que ses
prédécesseurs, Turner (1957) affirme que le conflit est
l'expression de «contradictions» structurelles. Autrement,
les sociétés aussi petites soient elles et dépourvues de
formes institutionnalisées de «gouvernement», sont
divisées et clivées. Ces divisions et clivages sont entretenus
par des «coutumes», c'est-à-dire des normes locales,
conventions et règles morales, caractéristiques des conflits
internes.
Bitouga (2011) affirme à cet effet que par le biais de
catégories anthropologiques telles que la notion de parenté, de
religion, d'art ou de politique, nous pouvons comprendre comment tel ou tel
peuple fait société. Toute culture repose sur un socle de
traditions, cependant la tradition ne doit pas être vue comme un
agrégat de moeurs et de valeurs fixes. Celle-ci change et se
remodèle au fil de l'histoire. Ainsi, la compréhension
ethno-anthropologique du concept de conflit tient compte des facteurs
précités en insistant sur le rôle des structures tribales
et claniques sur l'échiquier politique des différents peuples.
Cette vision ethno-anthropologique a certes
l'intérêt d'intégrer les questions de parenté, de
religion, d'art, de politique dans la compréhension du conflit, mais ne
met en avant le caractère temporel du conflit; autrement de
l'évolution et du mode d'enchainement des actions durant la situation
conflictuelle. Jodelet (2012) s'inscrit dans cette démarche et mentionne
l'intérêt d'énumérer les phases séquentielles
du conflit au cours de l'histoire. Pour lui, il y aurait conflit lorsque certes
des acteurs sociaux s'affronteraient sur des points divergents, mais insiste
sur le fait que cette joute doit être reconfigurable en termes de
chronologie des étapes. Dès lors, dans la conception Jodelienne,
la chronologie des étapes du conflit prend une place
prépondérante dans la nomenclature du conflit lui-même.
Pour Bonniol (2006), il ne s'agit pas seulement
d'évoquer les étapes telles que le font les historiens pour
prétendre décrire le conflit. Le véritable conflit
résiderait dans le conflit entre les propos des acteurs présents
en temps de conflits et les explications des historiens contenus dans la
plupart des documents. L'étude de ce conflit d'interprétation du
passé met en évidence l'étayage multiple de la
connaissance du passé. Dès lors, pour l'auteur, le conflit en
histoire est un conflit d'interprétation directe ou indirecte d'une
situation de conflit.
Cette description historienne du conflit, même si elle
intègre le dualisme d'interprétation entre observateurs directs
(peuples victimes de conflit) et observateurs indirects (historiens), omet
cependant l'aspect économique du conflit. Toute chose qui nous
amène à évoquer une conception financière.
Dans cette orientation purement financière, Picard
(2015) invite à ne pas confondre les concepts de conflit
d'intérêts et les hypothèses d'opposition
d'intérêts. En effet, l'opposition d'intérêts est la
situation dans laquelle deux personnes sont porteuses d'intérêts
antagonistes, comme par exemple les intérêts distincts des
époux au cours d'un divorce. Dans le cas d'un conflit
d'intérêts, il existe toujours deux ou plusieurs
intérêts distincts mais ils sont portés, cette fois, par
une seule et même personne.
Relativement, Perrault (2013) affirme qu'« un
conflit d'intérêts peut être défini comme le fait,
pour une personne exerçant une activité professionnelle ou
disposant d'un mandat électif, de s'être placée dans une
situation pouvant susciter un doute sur les mobiles de ses
décisions». Ce type spécifique de conflit ne se
réduit pas exclusivement à des infractions
démontrées, c'est-à-dire à des actes
pénalement répréhensibles comme le favoritisme, le trafic
d'influence ou la prise illégale d'intérêts seulement, mais
de toute situation qui peut susciter un doute raisonnable sur
l'impartialité et l'indépendance d'un professionnel en raison des
suspicions sur la réception clandestine de dons en nature.
Dans un autre regard, Albertini et Silem (2001) pensent que
le conflit est une relation antagonique qui se tisse par des acteurs sociaux,
autour de la détention et la conservation de l'économie.
Cette appréhension, bien que situant le conflit dans
une acception normative, semble ne pas prendre en compte l'individu, dans ses
composantes psychiques, mentales. Une faille qui sera comblée par une
compréhension d'obédience psychologique.
En psychologie, le conflit s'apparente à un combat
interne à l'individu. Celui-ci peut être habité à la
fois par des pensées contradictoires, ressentir une ambivalence de ses
sentiments, souffrir de la perte d'un être cher...« conflit
psychique» (Sada, 2008).
Tout individu, quelle que soit son époque, sa culture,
sa condition, doit faire face, tout au long de sa vie et à des
degrés divers, à des situations génératrices de
conflit psychique, lesquelles agissent sur la structuration profonde de sa
personnalité (Barraud, 2008 ;Astolfi, Darot, Vogel et Toussain,
2008). Une idée qui a été reprise puis approfondie dans
une nomenclature intra-personnelle par le Comité des Hautes Etudes du
Ministère de l'intérieur de France
(2012), pour qui « on désigne aussi
par conflit, la confrontation d'éléments incompatibles à
l'intérieur d'un individu (conflit intra-
personnel) ».
Le conflit intra-personnel concerne à la fois la
dimension objective et la dimension cognitive.
Le premier apparaît quand le comportement d'une personne
aboutit à des résultats qui s'excluent mutuellement ou qui
comportent des éléments incompatibles. Le conflit entre une
acceptation et une chose à éviter ; situation dans laquelle
un individu doit décider de faire ou de ne pas faire une chose qui aura
des conséquences simultanément négatives ou positives.
Pour le second, il y a discordance cognitive quand les
individus admettent que leurs pensées, attitudes, valeurs et /ou
comportements sont contradictoires. Il est généralement
angoissant et désagréable pour quelqu'un d'admettre qu'il existe
chez lui, des incompatibilités importantes. Des incompatibilités
qui peuvent se manifester en des états émotionnels tels que la
colère, la frustration, la peur (Sada, 2008).
Cette approche psychologique a certes le mérite
d'exposer sur la manifestation du conflit à l'intérieur du
psychisme humain mais ne met pas véritablement l'emphase sur le conflit
dans ses manifestations sociales, observables. Dès lors, cette
conception du conflit dont la portée n'est uniquement que psychique, ne
pourrait rendre compte de la compréhension de ce concept, qui pour nous,
présente des manifestations sociales, matériellement observables.
Toute chose qui nous amène à évoquer une autre approche
purement sociologique.
En effet, les sociologues, d'une façon
générale conçoivent le conflit en termes d'affrontements,
de contestations, de rivalités. ...
Pour Freund (1983), le conflit consiste en« un
affrontement, un heurt institutionnel entre deux êtres au groupes de
même espèce qui manifestent les uns envers les autres, une
intention hostile, en générale à propos du droit et qui,
pour maintenir, affirmer ou rétablir le droit, essaie de briser la
résistance de l'autre par le recours à la violence, laquelle
peut, au cas échéant tendre à l'anéantissement
physique de l'autre ».
Dahrendorf (1972)affirme à ce
sujet :« J'emploie le terme conflit pour désigner des
contestations des rivalités, des querelles ou des tensions aussi bien
que les heurts manifestes entre forces sociales. Toute relation entre des
ensembles d'individus qui comprennent une différence irréductible
d'objet, par exemple dans sa force la plus générale. Le
désir de la part de deux parties, d'obtenir ce qui n'est accessible
qu'à l'une ou qu'en partie à l'autre, sont selon nous des
relations conflictuelles ».
Pour Touraine (1978) « Un conflit est une
relation antagonique entre deux ou plusieurs unités d'action dont l'une
au moins tend à dominer le champ social de leur
différence ».
Nous pensons que l'approche philosophique n'alimente pas la
compréhension du concept selon notre orientation. Nous opterons
plutôt pour une définition qui prendrait en compte la dimension
juridique, psychologique et sociologique. Nous souhaiterions que l'on entende
par conflit, un contentieux ou un affrontement sur un point de droit,
où plusieurs volontés individuelles ou collectives manifestent
les unes envers les autres, une intention hostile et une volonté
d'agression à cause d'un droit à retrouver ou à maintenir.
Ces volontés essaieraient de briser la résistance de l'autre par
le recours à la violence.
1.3. Foncier
Le foncierfait appel à plusieurs approches qui tentent
de lui donner un contenu.
Du point de vue légal, la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 précise que « le foncier est
constitué des terres mises en valeur ou non. Il constitue le patrimoine
auquel toute personne physique ou morale peut accéder (Art
1) », c'est-à-dire « des
propriétés de l'Etat, des propriétés des
collectivités publiques, des terres sans maitre, des terres du domaine
coutumier, des terres que l'Etat ivoirien a concédé à des
collectivités publiques (Art 2) ».Autrement, le foncier
serait d'une façon générale constitué de l'ensemble
des terres nationales.
Cette conception, bien que normative parait vague, peu
explicite et incapable de rendre comptede ce terme dans une dimension
écologiste, urbaniste, économiste, géographique et
sociologique. Toute chose qui nous amène à analyser des
conceptions de spécialistes en la matière.
Pour l'écologiste, le foncierest le sol,
écosystème complexe, support de vie, participant au maintien des
équilibres naturels (Goiffon, 2003).
Pour l'urbaniste, il s'aborde en termes d'occupation d'espace,
de projet de vie (Foucauld, 1982 ; Eliccel, 2002).
Pour le géographe, il est support d'un usage,
caractérisé par un relief, un bâti, une forme, une
densité (Pellisier et Sautter, 1969).
Pour l'économiste, le foncier s'analyse en termes de
valeur, de rendement (locatif, agricole), c'est une assiette fiscale, un objet
d'équilibre financier pour que sa valorisation soit possible (
Smith
et Ricardo, 2007).
Au regard de ces différentes appréhensions du
concept, quelle définition donne le sociologue du concept
foncier ?
Pour les sociologues, le foncier est compris comme le mode
d'organisation de l'espace et des populations humaines qui le composent. Il est
au carrefour entre l'environnement et l'homme, avec une priorité pour la
société. Chaque société humaine s'est
installée sur ce que l'on peut appeler un territoire, et c'est par la
compréhension de la manière dont les sociétés
s'installent que l'on peut analyser le foncier. C'est un terme complexe car il
nécessite la compréhension d'une société dans son
ensemble. Cette compréhension renvoie aux modes d'accès à
la terre déterminés par des droits de propriété,
les usages des ressources et à l'organisation des rapports sociaux.
Dans cette perspective, la Coopération française
(2008) pense que «le foncier est un rapport social; la façon
dont une société définit les droits de
propriété sur la terre et sur les ressources naturelles, dont
elle les distribue entre les différents acteurs, dont elle les garantit
et les administre».
Pour d'autres auteurs tels que Le Bris, Le Roy, et Mathieu
(1991), le foncier prend en
compte « l'ensemble des règles
définissant les droits d'accès, d'exploitation et de
contrôle concernant la terre et les ressources
naturelles ». Cette acception met l'accent sur la dimension
sociale du foncier, rapport entre le foncier et les groupes sociaux, partie
intégrante du fonctionnement de la société.
Sawadogo (1996) le conçoit comme un rapport
déterminé par l'appropriation de l'espace. Le foncier pour lui,
est constitué par la terre et les autres ressources naturelles (l'eau,
la faune, la fertilité ...) comme capital physique et facteur de
production et par l'ensemble des relations sociales entre les individus et
groupe sociaux pour l'appropriation de la terre.
Ces auteurs s'intéressent aux rapports sociaux
établis sur la terre ou l'espace territoriale. Ces rapports
sociaux sont principalement déterminés par les facteurs
économiques (accumulation privative du capital et extraction de rente),
juridique (norme d'appropriation et modalités de règlements de
conflits) puis par les techniques d'aménagement pouvant
matérialiser et caractériser ces rapports.
Pour stamm (1998), le foncier peut se concevoir comme un
«fait social total» constitué à la fois par la
terre et par l'ensemble des relations entre les individus et les groupes pour
l'appropriation et l'utilisation des ressources. Il apparaît donc comme
support et capital intervenant dans la production avec une dimension
religieuse, culturelle et affective.
Selon Malo (2005), toutes ces définitions font appel
à la notion de maîtrise foncière qui est utilisée en
anthropologie pour désigner toutes les formes d'appropriation, de
pouvoir de gestion et de contrôle social sur les terres. La
maîtrise de la terre, selon Dembélé (2006) suppose la
primauté d'occupation et d'appropriation d'un terroir ou d'un espace
géographique donné par un groupe social donné. Pour eux,
c'est donc la primauté d'installation et d'appropriation qui
confèrent la maîtrise de la terre. Pour Le Roy, (1995), la
maîtrise foncière désigne «l'exercice d'une
puissance sur la terre en vertu d'une position
d'autorité». Le foncier apparait dès
lors comme une valeur de plus en plus rare, donnant lieu à des
situations conflictuelles pour la détention des droits de
propriété (Zadou, Ibo et Koné, 2010).
Comme on peut le remarquer, le foncier est multidimensionnel.
Il met en jeu des facteurs économiques (la valeur de la terre, l'enjeu
économique de son contrôle), juridiques (les normes
coutumières ; le statut légal de la terre et des ressources,
les dispositifs législatifs), institutionnels (les instances
d'arbitrages, de décision, l'administration foncière) et
techniques (les techniques d'aménagement de l'espace qui transforment la
valeur et parfois le statut de la terre).
Dans le cadre de la présente étude, nous
souhaiterions définir le foncier dans une conception
sociogéographique qui prendrait à la fois en compte l'approche
géographique à travers le support d'usage et l'approche
sociologique à travers le capital, facteur de production.
Nous voudrions entendre par foncier, le support d'usage ou
capital physique constitué de la terre et les autres ressources
naturelles (eau, flore, faune...) qui est facteur de production d'une part, et
facteur d'orientation ou de définition des relations interindividuelles
d'autre part.
1.4. Autochtone
Ce terme qui se compose de « autos :
soi-même » et
« khtôn : la terre » peut
être perçu selon deux approches anthropologique et
sociologique.
Dans la dimension anthropologique, les auteurs mettent
l'emphase sur la morphologie du groupe autochtone, non perçue comme un
isolât mais dans sa structure compacte nourrie à la sève de
l'unité et la complémentarité des membres qui le
composent.
Est donc considéré comme autochtone, le
« groupe, communauté d'une région ou un pays
donné et dont tout indique qu'il (elle) n'est pas
venu(e)d'ailleurs »UNESCO(2002). Autrement, les autochtones
seraient des groupes sociaux fortement soudés, dont les membres
éprouvent un sentiment d'unité et de solidarité. Ces liens
unifieraient les membres du groupe, c'est-à-dire des individus qui ont
vécu et qui vivent ensemble depuis une durée relativement longue
dans une région donnée.
Dans cette même perspective, Barth (1969) a
développé la notion de groupe ethnique dominant. Il a
considéré les groupes ethniques dominants non comme des groupes
isolés, mais comme des formes d'organisation sociale résultant de
l'interaction du groupe et de son environnement.
Pour lui, se prétendre autochtone nécessite,
mobiliser dans une certaine structure, des ressources (langue, territoire,
religion, mémoire, histoire) et rendre
« saillants » et certains traits culturels ;
ce qui permettrait de s'identifier au groupe ethnique.
Outre cet auteur, Lespinay (2016) affirme que les autochtones
sont des peuples distincts des autres par leurs patrimoines particuliers,
leur langue, leurs habitudes culturelles et leurs croyances spirituelles.
Ainsi, il nomme autochtone, « le membre d'une
population installée sur un territoire donné avant tous les
autres, qui a établi des relations particulières, anciennes
et toujours actuelles avec ce territoire et son environnement, et qui a des
coutumes et une culture qui lui sont propres ». En d'autres
termes, il s'agit d'un acteur social qui se caractérise par un pouvoir
dominant et qui prend ses origines dans l'histoire d'une localité
spécifique.
Cette conception anthropologique a certes le mérite de
nous renseigner sur la texture du concept d'autochtonie en ce sens qu'il
renferme une structure compacte alimentée à la sève de la
complémentarité, des liens historiques et l'unité.
Toutefois, cette dimension semble rejeter le caractère relationnel que
les autochtones établissent avec la terre ; ce qui, selon Giddens
(1990) « intensifie les relations sociales ».
Cette approche nouvelle dite sociologique prend à la
fois en compte la dimension anthropologique, c'est-à-dire le groupe dans
son ensemble avant de mettre l'accent d'une part sur le caractère
relationnel des situations dans lesquelles les groupes se trouvent en
interaction et d'autre part sur la relation que ces groupes entretiennent avec
la terre.
Ainsi, Morin (2006) entend par « peuples
autochtones », des peuples ayant des liens spécifiques
avec la terre. Elle affirme de ce fait que « par
communautés, populations et nations autochtones, il faut entendre celles
qui, liées par une continuité historique avec les
sociétés antérieures à l'invasion et avec les
sociétés précoloniales qui se sont
développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des
autres éléments des sociétés qui dominent à
présent sur leurs territoires ou font parties de ces territoires. Ce
sont aujourd'hui des éléments non dominants de la
société qui sont déterminées à conserver,
développer et transmettre aux générations futures le
territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui
constituent la base de la continuité de leur existence en tant que
peuple, conformément à leurs propres modèles culturels,
à leurs institutions sociales et à leurs systèmes
juridiques ».
Dans cette optique, bien qu'évoquant
l'évolution et la continuité historiques des autochtones,
Martinez (1987) insiste sur le fait que les autochtones sont
caractérisés par la transmission générationnelle
des valeurs et des biens. Il affirme que les autochtones sont
« des peuples et nations qui présentent une
continuité historique avec les sociétés
précédant la conquête et la colonisation de leurs
territoires, qui se considèrent comme distincts des autres secteurs de
la société dominant aujourd'hui ces territoires ou qui en sont
partie. Ils constituent aujourd'hui, des secteurs non dominants de la
société et sont déterminés à
préserver, développer et transmettre aux
générations futures leurs territoires ancestraux et leur
identité ethnique, sur la base de leur existence continue en tant que
peuple, en accord avec leurs propres systèmes culturels, leurs
systèmes légaux et leurs institutions
sociales ».
Avec Renahy (2010), ce concept s'appréhende en termes
de relations symboliques locales. Il affirme
qu' « elle est l'ensemble des ressources
que procure l'appartenance à des réseaux de relations
localisées. Il s'agit de nommer les ressources symboliques en ce sens
qu'elles ne tiennent ni d'un capital économique, ni d'un capital
culturel mais d'une notoriété acquise et entretenue sur un espace
singulier ».
Bourdieu (1980), bien que mettant l'accent sur le fondement
relationnel de ce concept, va plus loin pour montrer la nécessité
d'être reconnu par les siens comme appartenant au groupe. Ce concept
transcende donc le cadre de relations localisées pour déboucher
sur une appartenance mutuellement reconnue par les autres membres du groupe.
Ainsi, il affirme que le concept suppose « l'ensemble des
ressources actuelles ou potentialités qui sont liées à la
possession d'un réseau durable de relations plus ou moins
institutionnalisées d'interconnaissance ou d'inter-reconnaissance ou en
d'autres termes, à l'appartenance à un groupe, comme l'ensemble
des agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés
communes (susceptibles d'être perçues par l'observateur, par les
autres ou par eux-mêmes) mais sont unis par des liaisons permanentes et
utiles.
Dans ce travail, nous souhaiterions appréhender ce
concept dans une dimension à l'aboutage des approches anthropologique et
sociologique ; celle-ci prendrait en compte à la fois la structure
compacte du groupe fortement soudé, les relations historiques entre les
individus eux-mêmes et la terre et la reconnaissance des uns par les
autres membres, comme appartenant au groupe.
Nous proposerons donc la définition suivante : un
peuple ou un groupe est dit autochtone si sa présence dans un lieu
déterminé est avérée depuis une période
relativement longue, si ce peuple présente une continuité
historique et s'il y a une inter-reconnaissante ou une reconnaissance mutuelle
des membres comme appartenant au groupe.
1.5.
Allochtone
Le terme se compose de « allo »
et « chtone» du grec
« kthôn »
« engendrer » signifie qui a une origine autre,
qui a pris naissance ailleurs ou qui provient d'un autre endroit
(Rémy et Beck, ý 2008).
En effet, deux grandes orientations (distinctive et
minoritaire) gouvernent la compréhension de ce concept.
Ainsi, dans la conception distinctive, les auteurs emploient
le terme pour désigner des groupes ethniques installés depuis peu
de temps sur un territoire présentant encore des caractères
raciaux et ethniques qui les distinguent de la population autochtone.
Pour le Centraal Bureau Voor de Statistick (2003), le terme
est utilisé pour désigner « des personnes ou
groupes de personnes d'origine étrangère ».
Autrement, le trait distinctif des allochtones résiderait dans le fait
que cette population est étrangère à la population
native, c'est-à-dire une population dont la structure n'est pas compacte
et soudée en termes de liens, dont les membres ne partagent pas
nécessairement les mêmes histoires et donc, pourraient ne pas se
reconnaitre mutuellement comme appartenant au groupe allochtone (Kouassi,
2017).
Dans cette même optique, Bonnecase (2001) mettant en
avant l'hétérogénéité dans la structure
allochtone pense que ceux-ci « ne constituent pas un
ensemble d'individus homogène et objectivement
délimité ». Autrement, les allochtones, loin de
constituer des groupes homogènes, présentent un caractère
de dispersion, d'installation incontrôlée dans des endroits selon
le degré d'hospitalité du peuple tuteur.
Aussi, l'auteur met-il en avant la distinction fondamentale
entre allogènes ivoiriens et allogènes non-ivoiriens. A ce sujet,
il affirme que « la notion est relative à un espace
de référence qui, s'il prend souvent pour limite les
frontières du pays (les non Ivoiriens), peut également se
dégager en deçà, au niveau de la région (les
allogènes ivoiriens) et de toute entité spatiale, jusqu'au
village (les ressortissants de communautés villageoises voisines).
Autrement dit, la
catégorie « allogène » se
catégoriserait en deux sous-groupes : les allogènes
ivoiriens nommés allochtones et les non-ivoiriens. La
première catégorie, c'est-à-dire celle des allochtones
elle-même se subdiviserait en deux sous-groupes : d'une part les
membres d'autres groupes ethniques (allochto-allogènes) et d'autre part,
les membres du même groupe ethnique mais d'un village différent
c'est-à-dire qu'ils ne partageraient pas les mêmes origines
ancestrales avec la population native. Autrement, le groupe allochtone se
subdivise en ressortissants d'autres communautés ethniques (allochtones)
et en ressortissants du même groupe ethnique mais de villages
différents ; une sorte d'autochto-allochtone.
Cette appréhension du concept alimente certes sa
compréhension dans une dynamique distinctive d'avec la population
« mère », mais force serait de savoir
qu'elle souffre demutisme quant à la prise en compte de cette
catégorie comme minorité. Toute chose qui sera prise en compte
par une autre appréhension d'obédience minoritaire.
Dans cette nouvelle approche, Rouland, Pierre-Caps et
Poumarède (1996) mettent l'accent sur l'identité allochtone qui
diffère de celle autochtone. Ils pensent que, contrairement à
l'identité autochtone qui est substantielle et primordiale,
l'identité allochtone tient à des référentiels
obligés qui sont subjectifs par rapport au groupe autochtone. A cet
effet, ils affirment que l'identité allochtone « est
instrumentale et subjective. Elle correspond à des
réinterprétations du passé, aux sélections de
séquences chronologiques opérées à
l'époque ».
Relativement à ces auteurs, Gnabeli (2008) voit en
cette catégorie, un groupe minoritaire, une sorte de population
dominée. Ainsi, il note que « c'est dans le champ
politique villageois que l'idéologie de l'allogénie va
fonctionner pour désigner des positions légitimes de
dominés à l'égard des dominants
(autochtones) ». Ceci pour désigner la
dysproportionnalité dans les rapports de nombre, de force, d'ancrage
culturel de ces peuples d'avec la population autochtone.
Nous opterons pour une définition qui serait au
confluent de ces deux approches (distinctive et minoritaire). Nous pensons que
la prise en compte de ces deux aspects pourrait véritablement permettre
d'aiguiser la compréhension de ce concept selon l'orientation que nous
souhaitons lui donner dans ce texte.
Ainsi, nous appelons
« allochtones », des peuples ou groupes ethniques
installés depuis peu de temps sur un territoire donné, et qui,
tout en constituant une minorité par rapport à la population
tutrice, se réclame d'une identité subjective par rapport
à celle du référentiel autochtone.
2. Concepts implicites
La conceptualisation de
« conflit foncier» laisse
transparaître quelques centres d'intérêts parmi lesquels
nous retiendrons: Système agraire, Violence, Crime, Crise,
Déviance.
2.1 Système agraire
S'investir dans une entreprise de définition des
contours sémantiques du concept de « système
agraire » ne parait pas chose aisée et son
identité étymologique est fonction des paramètres
physiques, biologiques, humains, géographique économique et
relationnel. Pour bien comprendre le sens du concept, il parait
nécessaire de passer en revue les conceptions traditionnelle et
moderniste avant d'en venir à la conception purement socio-rurale.
En effet, dans la conception traditionnelle, les auteurs
abordent la question de système agraire dans une dynamique
systémique. Ils intègrent les pratiques agricoles, les
« manières concrètes d'agir » comme
moyen d'analyse et comme expression de la cohérence du système.
Le système agraire peut selon eux, être cindé en
sous-systèmes constitutifs ; d'un côté le
système agraire ou foncier et de l'autre, le système de
production lui-même décomposé en système
d'élevage ou de cultures. L'ensemble est en perpétuelle dynamique
spatio-temporelle et les pratiques agricoles sont à l'origine de la
formation d'objets repérables dans le paysage (Besson, 1992).
Chercher donc à définir le système
agraire reviendrait à le considérer en amont comme un
système composé de ces deux sous-systèmes puis en aval,
à analyser la relation entretenue par ces deux sous-systèmes.
C'est dans ce contexte que Mazoyer(1975) affirme que « Chaque
système agraire est l'expression théorique d'un type
d'agriculture historiquement constitué et géographiquement
localisé, composé d'un écosystème cultivé
caractéristique et d'un système social productif défini
[ou «système technique, économique et social»],
celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de
l'écosystème cultivé correspondant ».
Autrement, l'auteur pense qu'analyser et concevoir en termes de système
agraire, l'agriculture pratiquée à un moment et en un lieu
donnés, consiste à la décomposer en deux
sous-systèmes principaux, l'écosystème cultivé et
le système social productif, à étudier l'organisation et
le fonctionnement de chacun de ces sous-systèmes dans leurs
interrelations.
Dans ce regard systémique, Cholley (1946)
établit une interdépendance entre l'écosystème et
le système social ; autrement entre le cultivateur et l'espace de
culture. Ainsi, il affirme qu'« on arriverait à
serrer de beaucoup plus près la réalité en
considérant que l'activité agricole révèle une
véritable combinaison ou un complexe d'éléments
empruntés à des domaines différents très
étroitement liés pourtant ; éléments à
tel point solidaires qu'il n'est pas concevable que l'un d'entre eux se
transforme radicalement sans que les autres n'en soient pas sensiblement
affectés et que la combinaison tout entière ne s'en trouve pas
modifiée dans sa structure, dans son dynamisme, dans ses aspects
extérieurs même ». En d'autres termes, le
système agraire parait pour lui comme le lien indissociable,
interdépendant et interactionnel entre l'écosystème
(espace de culture) et le système social composé d'acteurs inclus
dans un environnement déterminé. Et ce sont
précisément ces interactions réciproques entre les
éléments relevant, d'une part, de
« l'écosystème cultivé » et,
d'autre part, du « système social
productif » qui confèrent à l'ensemble le
caractère de système agraire (Cochet, 2011).
Pour George (1956), il est certes nécessaire de
définir le système agraire à partir du système
composé de l'écosystème et du système social, mais
insiste sur l'intégration des données géographique et
économique dans la définition. Il pense donc que le
système agraire est l'ensemble des données relatives à
l'aspect morphologique des terroirs et aux combinaisons qualitatives sur lequel
repose le système d'exploitation. De cette définition, deux
éléments nouveaux apparaissent : les formes d'utilisation du
sol et la manière d'assurer cette utilisation. Le système
agraire permet donc d'identifier toute forme d'agriculture comme un
système d'interactions entre la mise en place et la gestion d'un
écosystème cultivé.
Cette conception traditionnelle a certes de mérite de
poser les bases sémantiques du concept (de système agraire) en
relevant son caractère systémique mais à y voir de
près, elle tend à confondre le concept de système agraire
à celui de structure agraire. D'autres contributeurs dans un regard
moderniste, intègrent des notions de techniques agricoles et les
modifications de rapports sociaux dans la définition.
Ainsi, Dufumier (2007) pense que le concept de système
agraire est aussi complexe qu'exigeant. Cette complexité est le reflet
de la réalité qu'il cherche à décrire. Celle-ci
proviendrait, d'une part, de l'exigence de combinaison d'échelles
d'analyse très différentes, et d'autre part, de celle d'exprimer
le faisceau de relations. Dès lors, il affirme que le système
agraire ne peut alors être considéré comme un simple
système technique de pratiques agricoles, ni réduit aux seules
structures de répartition des terres destinées à
l'agriculture. Dans ce paradigme, définir le système agraire
revient à analyser conjointement les transformations des techniques
agricoles et les modifications qui interviennent dans les rapports sociaux, non
pas seulement à l'échelle locale mais aussi au niveau national et
international.
Pour Mazoyer et Roudard (1997), le système agraire
est « l'expression théorique d'un type d'agriculture
historiquement constitué et géographiquement localisé,
composé d'un écosystème cultivé
caractéristique et d'un système social productif défini,
celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de
l'écosystème cultivé correspondant ».De
cette définition, il ressort avec Moindrot (1995), trois
éléments : l'étude des paysages agraires, les
systèmes de production agricole et les structures foncières.
Cette conception moderniste intègre certes de nouveaux
éléments dans la conceptualisation du terme de système
agraire mais souffre de mutisme lorsqu'il s'agit de prendre en compte la
spécificité rurale qui fait part belle au respect des principes
coutumiers. Toute chose qui a constitué le point d'ancrage d'une
conception d'obédience socio-rurale.
Ainsi, des tenants de la conception socio-rurale, Agnissan
(2012) reste le plus prolixe et pense qu'aujourd'hui, avec l'urbanisation et
son acculturation, l'homme moderne africain perçoit de moins en moins
ses rapports avec la nature en termes de complémentarité
dialectique et tend à évacuer sa dimension sacrée et lui
substituer une forme d'antagonisme. Les logiques qui fondent la dynamique des
systèmes agraires urbains obéissent plus à des
considérations d'ordre socioéconomique (rentabilité,
profit, productivité) et ignorent souvent la logique socioreligieuse et
symbolique sous-jacentes. L'on assiste selon l'auteur, à
l'émergence de nouveaux types de comportements humains et de "gestion
laïque" des systèmes agraires urbains qui mettent en péril
la survie des forêts sacrées inscrites dans un processus de
désacralisation permanente. Autrement, l'auteur pense que
l'intégration de la dimension sacrée de la terre et ses
composants, pourrait certainement permettre d'aiguiser la compréhension
du concept sous nos tropiques.
Par ailleurs, Agnissan insiste sur le fait que l'espace
physique ou géographique est doublée d'une dimension
spirituelle, sacré, un espace mythique culturellement géré
par les autochtones. Ces attributs sacrés s'expriment à travers
les constituants physiques de l'environnement (eaux, minéraux, montage,
arbre, forêt, etc.) qui ne sont pas de simples objets matériels
mais des entités écologiques habitées par des esprits (les
génies et les ancêtres). L'auteur innove et intègre un
élément nouveau : aspect sacré des constituants
physiques de l'écosystème dans l'étymologie du concept de
système agraire. Dès lors, définir le système
agraire dans une dynamique Agnissanienne, serait prioriser les attributs
sacrés de la terre qui deviennent de ce fait, le substrat de
l'identité même du concept (de système agraire).
Retenons dans le cadre de ce travail que le système
agraire est un système composé de terres dotées
d'attributs sacrés et de cultivateurs entretenant des liens
étroits avec la terre cultivée ou à cultiver.
2.2 Violence
Ce concept qui, étymologiquement procède du
latin « violentia » signifie la force, le
caractère violent ou farouche. L'usage,
« violentia » renvoie à l'abus de
force. Toutefois, ce terme reste difficile à définir car il
sous-entend des actions humaines (intentionnalité et cruauté)
individuelles et collectives (Michaud, 1998), et son appréhension
dépend du milieu, des circonstances et des facteurs agissants (Chesnais,
1981).
La compréhension du concept nécessite donc
l'analyse de différentes approches juridique, psychologique,
sociologique et symbolique.
Dans l'approche juridique, les auteurs considèrent la
violence comme un écart ou une infraction par rapport aux normes ou
règles qui définissent les situations légales ou
anormales. Mieux, la perception de violence est le fait de porter
atteinte à la dignité de l'homme.
Selon le guide juridique sur la prévention et la lutte
contre la violence (2015), « La violence est l'action volontaire
ou involontaire d'un ou plusieurs individus qui porte atteinte à
l'intégrité physique ou morale d'un autre individu. Il peut
s'agir de coups et blessures qui impliquent un contact direct entre l'agresseur
et sa victime ».
Dans cette même logique, Utebay (2013), concevant la
violence comme l'expression de la volonté de la justice, estime qu'elle
correspond à la « force, à la puissance, aux
instruments et outils conçus et utilisés en vue de multiplier la
puissance naturelle de la justice ». En d'autres termes, parler de
violence signifierait pour lui, considérer les moyens mis en place par
la justice pour instaurer et maintenir le calme social.
Cette approche juridique jette certes les bases normatives de
la compréhension du terme mais semble souffrir de mutisme quant à
la prise en compte de la violence psychique (trouble psychologique,
colère,...). Toute chose qui nous amène à analyser une
autre approche d'obédience psychologique.
Dans la dimension psychologique, les auteurs
s'intéressent à la violence verbale. Pour les tenants, cette
forme de violence subtile et difficile à identifier consiste en des
propos dénigrants, humiliants, des interdictions, de contrôle
autoritaire, des menaces et intimidations...
Ainsi, selon le guide juridique sur la prévention et la
lutte contre la violence (2015), « la violence consiste en des
agissements destinés à impressionner fortement, à causer
un choc émotionnel ou un trouble psychologique ».
Autrement, la violence apparaît comme le caractère de ce qui
produit des effets brutaux, des sentiments de peur, de doute,
d'incertitude catalyseurs de l'affaiblissement de l'estime de soi chez les
victimes.
Relativement à cette conception verbale de la violence,
l'Organisation Mondiale de la Santé(2002) met en évidence le
traumatisme qui découle des actes de violence. A cet effet, elle
conçoit la violence comme « la menace ou l'utilisation
intentionnelle de la force ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui,
qui entraîne ou qui risque fortement d'entraîner un traumatisme, un
décès, des dommages psychologiques».
Dans la même perspective, Braudo (2014)voudrait
établir un lien causal entre violence et conséquences
résultantes. Pour lui, la violence doit être perçue comme
« l'acte délibéré ou non, provoquant chez
celui qui en est la victime, un trouble physique ou moral comportant des
conséquences dommageables sur sa personne ou sur ses
biens ». La violence apparait donc comme celle pouvant provoquer
chez la victime un trouble psychologique matériellement constatable.
A l'analyse, la perspective psychologique conçoit la
violence comme celle verbale pouvant provoquer chez la victime des troubles
mentaux et un affaiblissement de l'estime de soi.
Toutefois, limiter la violence en des propos dénigrants
serait restreindre son sens car la violence se veut interactionnelle
c'est-à-dire manifeste parmi des individus en interaction. Ce qui nous
amène à analyser une autre approche d'obédience
sociologique.
Pour les sociologues, la violence se perçoit comme une
force physique intentionnelle ou non, exercée sur une victime.
Avec Michaud (1986), « il y a violence
quand dans une situation d'interaction un ou plusieurs acteurs agissent de
manière directe ou indirecte, massé ou distribuée, en
portant à un ou plusieurs autres, à des degrés variables
soit dans leur intégrité physique, soit dans leur participation
symbolique et culturelle ».C'est-à-dire que la violence
n'est manifeste que parmi des individus en interaction.
Pour Brubaker et Laitin (1998), la violence est perçue
en termes de force appliquée dans la société, de mode
d'agissement visant à agresser la victime. Ils affirment que
« la violence est une action volontaire visant à faire mal
à une personne, une agression physique intentionnelle contre la
victime ».
De Zotti (2007) perçoit en ce concept un choc, une
effraction au lien social. A cet effet, il déclare « la
violence est la manifestation d'une effraction du lien et, en particulier dans
le champ social, une rupture du lien social ».
Weber (1963) distingue deux formes d'expression de la
violence dont les objectifs seraient différents : l'une,
illégitime, émanant des individus ; l'autre,
légitime, concerne la violence employée par l'Etat, dont le but
est de combattre l'expression de la première.
En ce sens, weber pense qu'il y aurait une violence
qualifiée de positive c'est-à-dire celle émanant de l'Etat
et une autre qu'il nomme, négative c'est-à-dire celle
résultant des agissements personnels que la première voudrait
controler, combattre.
Comme on peut le constater, la violence se présente
comme une interaction entre un acteur agissant et un autre subissant.
Toutefois, bien que sociologique, cette orientation ne situe
pas de degré de participation, de responsabilité des acteurs
(agissant et subissant). Les auteurs qui suivront, s'attardent sur la
dimension symbolique de la violence.
Quelques auteurs émettent l'idée de la
participation des dominés à leur propre soumission. Pour Bourdieu
(1997), « la violence symbolique requiert donc, pour s'exercer,
la complicité de l'agent social qu'elle prend pour
cible ».
Ainsi, ce processus à la faveur duquel le sujet soumis
devient inconsciemment complice de sa propre soumission s'explique par la
connivence de l'agent assujetti qui, tenant compte de certains facteurs,
assume la position d'infériorité par rapport au dominant.L'auteur
ajoute que cette forme de violence correspond à « cette
coercition qui ne s'institue que par l'intermédiaire de
l'adhésion que le dominé ne peut manquer d'accorder au dominant
(donc à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se
penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d'instruments qu'il a
en commun avec lui ».
Le rapport de soumission obtenu au moyen de la violence
symbolique est plutôt le fruit d'une acceptation machinale et
involontaire qui prend sa source à l'intérieur de schèmes
de perception conditionnés à l'avance.
Dans ce même registre, Kibler (2010) estime
que « c'est un processus de soumission par lequel les
dominés perçoivent la hiérarchie sociale comme
légitime et naturelle. Les dominés intègrent la vision que
les dominants ont du monde. Ce qui les conduit à se faire
d'eux-mêmes une représentation négative ».
La violence symbolique est donc source de sentiment d'infériorité
ou d'insignifiance chez les « dominés »
qui conscients de leur position, placent à un certain piédestal
les « dominants ».
Au regard de ces appréhensions du concept, nous
souhaiterions emprunter à chaque approche des éléments qui
nous permettront de constituer une définition pouvant répondre
à notre objet d'étude. De ce fait, nous pensons qu' il y a
violence lorsque dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs
agissent de manière directe ou indirecte, massé ou
distribuée en portant à un ou plusieurs autres, des actes
à des degrés variables soit dans leur intégrité
physique, soit dans leur participation symbolique.
2.3. Crime
Ce terme qui provient du latin
« crimen »c'est-à-dire violation grave de
la loi morale ou civile (Mpiana, 2013) peut être appréhendé
selon différentes conceptions juridique et sociologique.
Dans la dimension juridique, le crime est perçu comme
une infraction grave. Ainsi, le code pénal ivoirien du 23
décembre 1998 considère-t-il comme crime, les infractions graves
« passibles de peine privative de liberté
perpétuelle ou supérieure à 10 ans ».
Autrement, le crime se distinguerait des autres infractions contraventionnelles
et délictuelles, par son degré de gravité entrainant une
réaction sociale appropriée contre son auteur. Aussi, le
caractère gravatif du crime est-il mis en exergue par le Guide de
formation pratique et sur-mesure des officiers de police judiciaire des
parquets (2012), pour qui, le crime désigne « la
catégorie des infractions les plus graves, catégorie plus ou
moins vaste suivant les pays et les systèmes
juridiques ».
Dans cette même optique,Carrara (1859) définit
le crime par rapport au non-respect des obligations socialement admises. De ce
fait, il affirme qu'on ne doit pas concevoir « le crime comme une
action, mais comme une infraction », car il n'est pas « un
fait matériel, mais plutôt un être juridique ».
Autrement, le crime apparait comme une déviance par rapport aux normes,
une transgression des valeurs défendues par la société.
Toutefois, bien que reconnaissant ce caractère gravatif
au crime, Fattah (2012) établit une distinction fondamentale entre ces
deux concepts qui, même s'ils se caractérisent par leur
anticonformisme, par leur violation des normes, diffèrent à
travers leur degré de gravité. Le crime pense-t-il, est
plus grave que le comportement déviant et en appelle par
conséquent à une réaction sociale plus active ou plus
sévère.
A l'analyse, la perspective juridique, bien que situant la
compréhension de ce concept dans un cadre normatif, reste
néanmoins légère dans la définition puisque le
crime est avant tout, un phénomène social et doit, par
conséquent être défini selon un critère social.
Du point de vue sociologique, le crime ne se
définit-il pas intrinsèquement comme un acte. Un crime, ce n'est
pas l'acte en lui-même ; on ne devient pas criminel parce qu'on
commet tel ou tel acte considéré par la loi comme un crime. En
effet, l'accusé à tort entre dans la catégorie des
criminels ; le coupable nondécouvertn'est pas
criminel. Autrement, est dit criminel, celui qui est pris entre les mailles de
la justice.
Selon Tremblay (2006), « tout acte, qui
à un degré quelconque, détermine contre son auteur, cette
réaction caractéristique qu'on nomme la peine »
Généralement, une infraction est
considérée comme crime si elle porte atteinte au bien-être
collectif de la société ou si elle déroge
significativement les normes socioculturelles qui dictent la conduite normale
d'une personne.
Pour Maxwell (1914), « le crime est un acte
(ou omission) antisocial grave qui cause assez d'inquiétudes à
une société pour que celle-ci se trouve dans l'obligation de se
défendre contre l'auteur de ce comportement par des mesures
spéciales visant à la fois la protection de la
société et la resocialisation du coupable ». En
d'autres termes, le crime est un acte antisocial c'est-à-dire une
transgression des différentes normes tant éthique, culturelle
que sociétale.
Après cet exposé, nous optons pour une
définition socio-juridique ; qui prendrait en compte la dimension
juridique c'est-à-dire la constitution de l'infraction criminelle et la
réaction sociale engagée contre son auteur et la dimension
sociologique à travers la manifestation sociale du crime.
Nous voudrions donc entendre par crime,tout acte ou omission
anti social gave qui cause assez d'inquiétudes à une
société pour que celle-ci se trouve dans l'obligation de se
défendre contre l'auteur de ce comportement par des mesures
spéciales visant à la fois la protection de la
société et resocialisation du coupable
2.4. Crise
Le concept de crise ou crisis nécessite pour sa
compréhension l'analyse de différentes conceptions
médicale, politique, économique et sociologique.
Dans le domaine médical, une crise est
un changement rapide et grave intervenant dans l'état de santé
d'un malade ou d'une personne apparemment en bonne santé.
Ainsi, pour Bolzinger (1982), la crise se
présente-t-elle comme un instant, une période d'incertitude quant
à la santé du patient. Il déclare que « dans
la médecine, le terme de crise désigne l'instant crucial
où la maladie touche à son terme, à sa résolution,
pour le meilleur ou pour le pire. La crise est un paroxysme d'incertitude et
d'angoisse où tout est en suspens ». Dans cette
perspective, la crise n'est pas un signe de maladie, mais un signe de
résistance à la maladie. Non pas une faillite, mais un sursaut.
L'organisme n'est pas devenu incapable de se régler lui-même, mais
il opte provisoirement pour un mode exceptionnel de régulation à
visée défensive.
Relativement à Bolzinger, Wiener et Kahn (1962),
mettent l'accent sur le sens de l'urgence réactionnelle pendant la
crise. En ce sens, ils affirment que« la crise est
caractérisée par un accroissement de la pression du temps. C'est
une période pendant laquelle les incertitudes sont fortes sur
l'évaluation de la situation et les réponses à
apporter ; ce qui produit souvent stress et
anxiété ». En d'autres termes, elle apparait comme
une période relativement courte caractérisée par un
changement brusque qui nécessite une solution urgente en vue de
rétablir l'ordre de départ.
Toutefois, bien que définissant de façon
médicale la crise, cette conception clinique du concept ne prend pas en
compte les malaises brusques observés dans la société et
qui constituent, par extension du terme, une crise. Toute chose qui nous
amène à analyser une autre approche d'obédience
politique.
Dans le champ politique, le concept de changement brutal est
empruntée au corps médical mais diffère en ce sens que ce
changement apparait non pas à l'intérieur du patient mais
plutôt dans la société en général soit dans
l'évolution des choses, soit des événements ou des
idées.
Pour Dumont (2009), « C'est un moment
d'extrême tension, de paroxysme, de conflit, de changement, intervenant
lorsque les régulations et rétroactions des systèmes
politiques ou géopolitiques ne suffisent plus ou ne jouent
plus ». C'est-à-dire une situation nouvelle
provoquée par une action, une inaction ou une décision.
Aussi, mettant en avant la délimitation
spatio-temporelle de la crise, l'auteur ajoute-t-il que « quelle
que soit l'intensité qu'on lui prête ou qu'elle a
réellement, une crise ne peut se pérenniser ».
Autrement, bien qu'elle soit caractérisée par une rupture
d'équilibre, la crise ne peut s'éterniser puisque le choc social
qu'elle engendre est tel que la macro- société se trouve
contrainte d'apporter une réponse appropriée à l'urgence
situationnelle.
L'idée de réaction sociale est aussi soutenue
par Guillaumin (1979) lorsqu'il affirme que la crise est un
« moment du jugement, des décisions à
prendre ; un croisement qui impose une option plus ou moins urgente sur
la route à suivre ». Ainsi, la crise se
présente-t-elle comme un changement social brusque qui nécessite
une solution urgente et relativement appropriée.
A l'analyse, la crise, du point de vue politique se
caractérise d'une part par la surprise : le côté inattendu
du changement ou non anticipé par les décideurs politiques et
d'autre part par l'insuffisance de temps disponible pour répondre
à l'urgence sociale.
Toutefois, bien que situant la crise dans un cadre politique,
cette approche ne prend pas en compte la dimension économique qui
suppose une récession, un ralentissement, un arrêt ou même
une dépression de la croissance économique.
Ce qui constitue le point de départ de l'analyse de la
« crise » selon les économistes.
Dans cette perspective, Dumont (2009) affirme
que « une crise économique désigne
l'arrêt de la croissance, le moment où la conjoncture se retourne,
correspondant au détonateur de la dépression ».
Cette dépression sociale s'explique par une dégradation brutale
de la situation économique, conséquence d'un
décalage entre la
production et
la
consommation.
Kemal (2009) la perçoit en termes de
désorganisation des systèmes. De ce fait, il affirme,
« la crise est une
désorganisation des systèmes de formation des prix, des
marchés, caractérisée par des fluctuations extrêmes
sur de courtes périodes ». Elle se traduit par une forte
augmentation du
chômage, par
une baisse du
PIB (Produit
Intérieur Brut), un accroissement du nombre de faillites, un
effondrement des cours boursiers, une baisse du pouvoir d'achat.
A l'analyse, l'approche économique présente la
crise comme une période marquée par des difficultés
économiques dans un secteur particulier consistant en une
sous-production ou une diminution importante d'activités.
Toutefois, cette approche omet la définitiondu concept
dans la perspective de fracture sociale, de tension sociale. Ce qui nous
amène à analyser une conception sociologique du concept.
Pour les sociologues, la crise est définie en termes de
fracture, de désaccord, de rupture des liens sociaux, de méfiance
et d'hésitation.
En ce sens, Freund (1976) affirme : « la crise
est une situation collective caractérisée par des contradictions
et ruptures, grosse de tensions et de désaccords, qui rendent les
individus et les groupes hésitants sur la ligne de conduite à
tenir, parce que les règles et les institutions ordinaires restent en
retrait ou sont même parfois déphasées par rapport aux
possibilités nouvelles qu'offrent les intérêts et les
idées qui surgissent du changement, sans que l'on puisse cependant se
prononcer clairement sur la justesse et l'efficacité des voies
nouvelles ».
La crise est donc une période fragile marquée
par des contradictions sociales, des hésitations tant au niveau des
administrés qu'au niveau des administrateurs.
Cette idée de fracture des liens sociaux est soutenue
par Miller (1963) qui pense que « la crise engendre des tensions
au sein des entités concernées ». De ce fait, la
crise pourrait s'apparenter à une période de rupture et de
tensions multiformes.
Après le rappel de ces différentes
appréhensions du concept, nous souhaiterions retenir à priori les
dénominateurs communs à ces approches : la phase critique et
l'urgence réactionnelle qui caractérise la crise, auxquels nous
voudrions ajouter le cadre sociale dans lequel se manifeste cette crise.
En ce sens, nous voudrions entendre par crise, une situation
sociale critique, fragile caractérisée par des contradictions,
des ruptures, des tensions et des désaccords, qui rendent les individus
et les groupes humains hésitants sur la ligne de conduite à tenir
et qui nécessite une urgence réactionnelle au malaise
sociétal.
2.5. Déviance
Le concept de « déviance »
pourrait être défini selon les dimensions juridique, psychologique
et sociologique.
Dans la conception juridique, la déviance est
perçue en termes de caractère, d'attitude, de comportement qui
s'écarte de la norme communément admise.
Pour Lionel (2006), la déviance caractérise ce
qui dévie, se détourne ou est détourné de la voie
ou de la direction normale. Il affirme qu' « elle peut
être appréhendée simplement comme un écart
marqué à la règle ou à la norme ».
Autrement, la déviance apparait comme la position d'un individu ou d'un
groupe qui conteste, transgresse et qui se met à l'écart de
règles et de normes en vigueur dans un système social
donné.
Partant de ce fait, la déviance suppose la
réunion de trois éléments : l'existence d'une norme,
un comportement de transgression de cette norme et un processus de
stigmatisation du déviant. Le déviant n'est ici identifié
comme tel que s'il transgresse d'une part une norme communément admise
et d'autre part s'il est étiqueté déviant par la
société.
Dans cette même orientation, Lemert (1996) distingue
deux types de déviances : primaire et secondaire. La
première s'intéresse à la transgression de la norme et la
seconde, à la reconnaissance et la qualification de cette
déviance par une instance de contrôle social.
Cette classification binominale de la déviance met en
exergue d'une part l'attitude de transgression des éléments du
rôle social assigné à l'individu et d'autre part, l'action
d'étiquetage social.
Ainsi formulée, la conception juridique parait
simpliste pour expliquer ce concept dans sa totalité. Elle a toutefois
le mérite de simplifier le problème en écartant de
nombreuses questions de valeurs sociales qui surgissent
généralement quand on étudie la nature de la
déviance.
Dans la perspective psychologique, Morasz (2002)
considère la déviance comme la résultante d'un processus
dynamique constitué en six phases distinctes (activation,
intensification, crise, récupération, stabilisation et
élaboration).Pour lui, la contenance de cette déviance
nécessite non pas une intervention au niveau de la crise, mais
plutôt une intervention à un triple niveau: avant
(prévenir), pendant (contenir) et après (élaborer).
Dès lors, la déviance dans la perspective Moraszienne,
résulte d'unprocessus de dégradation progressive de
l'appréhension d'un individu qui aurait une vision négative du
monde extérieur et des acteurs le composant.
Contrairement à Morasz qui s'attarde sur les
différentes phases du processus débouchant sur la
déviance, Kohlrieser (1986)conditionne la déviance des individus
au manque d'attachement. Ainsi, pour lui, « l'une des
caractéristiques fondamentales d'une personne violente est le manque
d'attachement et le sentiment ressenti de vulnérabilité. Elle
considère l'autre non plus comme une personne, mais comme un objet et la
traite comme telle ».Dès lors, la déviance
apparait pour l'auteur comme une résultante, non pasdu processus
dégénératif comme le voudrait le précédent
auteur, mais plutôt comme celle découlant d'une absence de liens
(attachement à la famille, à des êtres chers). L'individu
déviant extérioriserait son manque de liens affectifs par la
volonté délibérée de poser des actions
s'écartant des standards sociaux.
Dans cette même veine, Koudou, O. (2002)bien que
s'inscrivant dans la démarche familiale de son
prédécesseur, va plus loin pour révéler l'impact
environnemental corrélé au manque d'affection familiale de
Kohlrieser pour favoriser la déviance chez certains individus. Ainsi, il
pense que la déviance n'est ni génétique encore moins
atavique et naîtrait des effets conjugués des rejets familiaux, de
l'intolérance du milieu social et de ses acteurs, du rôle des
pairs marginaux et de la représentation du soi négative chez le
sujet. De ce fait, le sujet serait un candidat potentiel à la
déviance s'il notait une hostilité voir un rejet affectif de sa
famille, de son environnement proche et de pairs jugés peu
fréquentables ; ce qui impacterait négativementsur sa
perception de lui-même et de ceux qui le rejettent.Partant de là,
la déviance se définirait selon Koudou, O. (2002)par l'ensemble
des transgressions sociales commises de façon incrémentale par un
sujet en raison des rejets familiaux et environnementaux dont il se serait
senti victime.
Dans un autre regard, Selosse (1984) penche sur le
caractère passif de la déviance. Pour lui,on ne peut
définir la déviance que par la prise en compte des deux
pôles (actif et passif) du concept. Ainsi, même s'il existe une
catégorisation hétéroclite d'actes de déviance qui
consistent en des actions actives d'individus, force serait de reconnaitre
selon l'auteur que la déviance prend aussi en compte les actions
passives.En ce sens, Selosse nous invite, dans la définition de la
déviance, à privilégier ce qu'il nomme déviances
passives. Il affirme que« le fait de l'indifférence, de
laisser pour compte, d'ignorer, de rester dans son quant à soi en ne
voulant pas savoir ce qui dérange notre tranquillité, notre
confort... Le fait de ne pas prêter attention à ceux qui sont hors
normes. Le fait de ne pas vouloir les entendre correspond à un
véritable drame qui est celui de la mort sociale ».
Dès lors, dans la perspective Selossienne, les inactions,
l'indifférence face à une réalité sociale
dérangeante constitueraient des formes de déviance. Pour lui,
elle consisterait a priorien des actions (écart aux normes
admises), mais a fortiori en des inactions (indifférence,
négligence, manque d'attention).
Cette approche reste partielle dans la définition de ce
concept puisqu'elle omet la prise en compte des standards sociaux, moraux ou
culturels qui régissent la société. Cette faille nous
amène à analyser une conception sociologique du terme.
La déviance, sur le plan sociologique se
définit-elle comme une manière d'être, de penser ou de se
conduire qui s'écarte des standards sociaux, moraux, culturels et
religieux d'un individu ou groupe consciemment ou inconsciemment.
En effet, deux points de vue alimentent la
compréhension sociologique du terme. D'un point de vue individuel, la
déviance apparait comme un comportement non conforme aux conventions
collectives résultant d'un conflit entre valeurs et normes, qui aboutit
à l'exclusion volontaire ou non de certains individus hors du
système de règles établies, système auquel ces
individus semblent vouloir échapper en affichant des conduites et des
opinions hétérodoxes.
A un niveau plus global, c'est une situation d'interaction au
travers de laquelle un groupe parvient à réguler l'application de
ses propres normes par l'exercice de pressions qui visent à
réinsérer
les « déviants » dans des limites
tolérables par le groupe.
Au sens large, Sissoko (2007) pense que la déviance
recouvre l'ensemble des comportements inadaptés parce que jugés
comme tels par les représentations collectives. « En ce
sens, la notion de déviance ne se réduit pas aux seuls
comportements criminels. Elle repose plus largement sur une analyse globale des
conduites antisociales ou asociales, les unes entrant dans la sphère du
droit répressif, les autres restants hors d'atteinte de la sanction
pénale bien qu'elles suscitent la réprobation. ».
Autrement, être déviant suppose adopter un comportement antisocial
ou asocial pouvant faire l'objet de réprobation tant pénale que
morale, culturelle ou religieuse.
Elle peut aussi s'apparenter selon
l'auteur « à un simple malaise, à une
difficulté d'être pour laquelle la sanction n'est pas
nécessairement la réponse la mieux adaptée, en ce sens que
l'épanouissement de la déviance peut, précisément,
constituer le moyen de faire prendre conscience au déviant de sa
marginalité».
Relativement à Sissoko,
Ogien (1983), mettant
en évidence l'évolution spatio-temporelle du concept, pense que
« la déviance est relative car elle diffère selon
les sociétés et les époques ». Elle se
présente pour lui, comme une attitude ou un comportement non conforme
aux normes et valeurs véhiculées par une société
donnée durant une période donnée.
Au regard de ces appréhensions du concept, nous optons
pour une définition socio-juridique qui s'appuierait à la fois
sur l'écart par rapport aux normes légale de la conception
juridique et sur la transgression des valeurs culturelles, sociales et
religieuse de la vision sociologique.
Par déviance, nous voudrions évoquer tout
comportement de transgression des normes légales, sociales, morales,
culturelles et religieuses dans une société donnée et
pendant une période déterminée.
III- Revue de littérature
3.1. Exposé des travaux
La littérature sur des conflits fonciers et leurs
différents mécanismes de gestion est prolixe. Devant ce champ
vaste des contributions antérieures, il serait prétentieux voire
utopique pour nous d'en dégager toutes les grandes lignes.
Néanmoins, il reste possible de nous inscrire dans une piste
médiane qui se dessine à la lecture et qui préconise
l'analyse des deux orientations fondamentales sur la question (facteurs
dépendants des acteurs et facteurs indépendants des acteurs)
déjà abordées par les prédécesseurs.
Ces écrits empiriques qui suivent, permettront de
présenter la spécificité de ces orientations, leurs
portées et limites avant d'exposer sur l'originalité de notre
démarche scientifique.
Mais avant d'aborder ces différentes approches, il nous
parait judicieux de passer en revue quelques écrits portant sur le
conflit perçu dans une perspective généraliste.
3.1.1 Travaux centrés sur les conflits en
général
Evoquer les travaux portant sur les conflits dans une
perspective généraliste, suppose dans le cadre de notre sujet,
aborder succinctement les conflits psychologiques les conflits en entreprise et
les conflits générationnels et communautaires.
3.1.1.1. Travaux
centrés sur les conflits psychologiques
Dans ces travaux, les auteurs utilisés expliquent
grosso modo les conflits psychologiques comme ceux, catalysés
par des incompatibilités, des contradictions internes à un
individu ou à un groupe restreint. Ainsi, pour Astolfi, Darot, Vogel et
Toussain (2008), le conflit cognitif se développe lorsqu'apparaît,
chez un individu, une contradiction ou une incompatibilité entre ses
idées, ses représentations et ses actions. Cette
incompatibilité, perçue d'abord de façon inconsciente,
devient une source de tension qui peut jouer un rôle moteur dans
l'élaboration de nouvelles structures cognitives.
Relativement aux précédents auteurs, Piaget
(1956) pense que le développement d'un individu n'est ni inné,
ni acquis par apprentissage mais bien plutôt provoqué par
l'interaction entre une base génétique et l'expérience que
l'enfant a l'occasion de mener. Pour l'auteur, on apprend en agissant sur
l'environnement et cet apprentissage doit permettre d'acquérir des
outils cognitifs (opérations intellectuelles) qui aident à
résoudre les problèmes. Dans ce cadre, il y aurait conflit pour
l'auteur, lorsque l'individu aurait du mal à s'acclimater à
l'environnement social et donc développerait un certain nombre de
carences cognitives qui se manifesteraient par des conflits internes.
Selon Faulx, Erpicum et Horion (2005), pour comprendre
les raisons du conflit psychologique chez les individus, il faut recourir
à leur enfance, leur environnement social de croissance et les faits
marquants de leur vie. Ainsi, pour ces auteurs, le conflit psychologique se
manifesterait par des troubles cognitifs, affectifs et comportementaux qui
seraient liés à un choc physique ou émotionnel vécu
dans le passé et ayant impacté négativement sur sa
perception du monde extérieur et des acteurs qui le composent.
Relativement à ces auteurs, Koudou, Zady, et Djokouehi
(2016) pensent que la plupart des troubles internes observés les
adolescents et principalement les filles, sont liés aux violences
sexuelles subies durant l'enfance. Ainsi, ces auteurs notent une
dégradation progressive de la santé mentale des victimes,
caractérisée par l'identification des symptômes
psychotraumatiques et des séquelles physiques telles que les douleurs
musculaires, les troubles génito-urinaires, gastro-intestinaux et des
difficultés de procréation.
Dans cette dynamique, Fauteux (2013), dans l'analyse des
troubles comportementaux chez la jeunesse québécoise, pense que
les conflits psychologiques qui assujettissent cette jeunesse seraient
directement liés aux effets conjugués des difficultés
sociales et du mauvais traitement parental de ces derniers. Plus
spécifiquement, l'auteur décrit les difficultés sociales
ou personnelles des parents, l'exercice de la coparentalité, la
présence de violence pendant la vie conjugale et l'impact de la rupture
entre parents comme catalyseurs des conflits psychologiques chez ces
québécois.
Pour Basque (2003), nous avons tous des relations qui
apparaissent comme importantes, voire primordiales (relations avec notre
conjoint, nos enfants, les membres de la famille élargie, nos
collègues, nos voisins, nos amis). Or, nous avons tous besoin que ces
relations demeurent bonnes pour être heureux. Mais quand une de ces
relations ne fonctionne pas très bien, nous nous sentons
frustrés. Ce sentiment de frustration entraîne souvent un
comportement qui nous fait glisser inexorablement vers une dégradation
de la relation. Nous devenons blessant, parfois agressifs et la communication
s'enlise, créant le conflit. C'est l'impasse de la communication et nous
nous sentons perdus, ruminant notre frustration, ne sachant plus vraiment par
quel bout prendre cette relation, que le malaise interne finit par nous
envahir.
Dans cette même veine, Pogneaux (2015) affirmeque le
conflit est une lutte mentale, parfois inconsciente, résultant du fait
que différentes représentations du Moi sont maintenues en
opposition ou en position fermée. Dans un « conflit
interne », les personnes éprouvent parfois le sentiment de ne
pas être « adaptées », ceci vient du fait
d'être « en désaccord » avec elles-mêmes.
Elles sont aux prises entre les diverses instances « Ça
» - « Moi » - « Surmoi » et la
réalité extérieure. Cette situation crée une
angoisse parfois terrible qui oblige le Moi à se protéger en
mettant en place des mécanismes de défense.
Pour Chervet, Boileau et Durieux (2005), le conflit psychique
est l'un des organisateurs majeurs de la psyché. Il se présente
cliniquement comme une opposition entre deux termes, expression manifeste d'un
autre conflit sous-jacent plus fondamental : celui entre une tendance à
éteindre la pulsion et un impératif à l'investir selon
diverses modalités.
Pour Lacherez (2013), il existe deux types de conflits
intérieurs : ceux qui agissent comme un ressort et ceux qui
paralysent. Le premier est constitué de ceux qui agissent sur nous comme
une sorte de tension exercée entre deux polarités, tel un
ressort ; cette forme de dualité, loin d'être paralysante,
est une invitation à se dépasser pour s'améliorer. Pour le
second, le défi diffère lorsqu'un déchirement
intérieur s'exprime entre des parties de nous qui veulent absolument
conserver leurs avantages respectifs. Ce mélange d'élan vers
l'avant et d'immobilisme peut exercer une force aussi puissante qu'un vortex
qui fait tout disparaître à proximité.
Dans cette optique, Minart (2011) mentionne que chaque
individu éprouve des tensions intérieures. Celles-ci peuvent
devenir une source d'énergie créatrice, mais elles peuvent aussi
engendrer l'angoisse, le regret, la désillusion, l'amertume. De ce fait,
l'auteur affirme qu'il arrive que nos valeurs ou nos désirs personnels
ne puissent pas être satisfaits, compte tenu de l'énergie
déployée pour y arriver. Dès lors, un combat
intérieur s'installe entre les objectifs que l'on s'est fixés
et les lacunes que l'on ne peut combler. Les conséquences
négatives de ce conflit intérieur peuvent rejaillir sur
l'environnement immédiat, tant à l'extérieur (famille,
amis) qu'en milieu de travail (responsable immédiat, collègues de
travail).
Pour Daele (2010), une personne est en conflit sociocognitif,
lorsque ses conceptions et ses structures cognitives sont confrontées
à des informations perturbantes, incompatibles avec son système
de connaissances préalable. La perturbation cognitive qui en
découle va engager la personne dans la recherche d'un nouvel
équilibre cognitif qui tiendra compte de ces informations
perturbantes.
Selon Bandura (1986), la direction des changements
comportementaux chez l'enfant dépend principalement du contexte dans
lequel il vit. Ainsi, lorsque le milieu d'apprentissage de l'enfant se montre
hostile, celui-ci peut présenter des transformations cognitives et
comportementales à caractère dégénératif.
Dans un autre regard, Vygotsky (1981), après avoir
insisté sur le caractère indissociable des pôles cognitif
et social, pense que le dispositif pré-opératoire interne
à l'individu connait des variations successives dans un environnement
caractérisé par l'égocentrisme. Ainsi, le processus des
relations interpersonnelles dans un milieu hostile se transforme en un
processus intra-personnel d'accumulation de colère, frustrations
créant de ce fait, un déséquilibre cognitif lié
à l'environnement social. Partant de là, le conflit sociocognitif
s'expliquerait par un déséquilibre cognitif imputé
à une expérience choquante vécue par un sujet durant un
moment de sa vie.
Contrairement à cet auteur, Crocq (1999) conçoit
le conflit psychique dans une perspective exclusivement militaire. Il pense que
le conflit psychique s'explique par la violence secrète que la guerre
inflige dans le psychisme des acteurs et des observateurs directs :
souvenirs obsédants, visions hallucinées, cauchemars, sursaut,
sentiment d'insécurité, peur phobique, irritabilité et
tendance au repli.
Relativement, Ferenczi (1929) évoque
l'incapacité de nombreux sujets à s'adapter aux frustrations du
monde extérieur et de ce fait, tentent de récupérer une
toute puissance narcissique dans une modification de ce monde extérieur.
Ainsi, de contradictions intrapsychiques à répétition, ils
deviennent plus vulnérables et capables de faire un bond vers la
névrose.
Honneth (2006) a développé le concept
d'individuation. Dans ces travaux, l'auteur souligne combien les profonds
changements socioculturels chez le sujet, la multiplication des relations
sociales et la délinéarisation des parcours biographiques
influent la formation de l'identité individuelle. De ce fait, le
conflit interne surviendrait lorsque le sujet aurait du mal à s'adapter
à ces changements sociaux qui catalyseraient une forme d'ambivalence des
sentiments susceptibles d'agir sur la structuration de la personnalité
du sujet.
Pour Loewald (2003), le psychisme individuel ne se
développe pas dans un conflit interne mais dans un échange
continu avec le monde extérieur. C'est uniquement parce que des
schémas d'interaction ont été progressivement
intériorisés par le sujet et que ce dernier parvient à
organiser ses pulsions dans un espace intrapsychique de communication, que le
processus d'individuation peut s'opérer. À défaut
d'apparaître comme le lieu d'une maîtrise de soi, le psychisme
individuel se présente comme un espace de communication où les
pulsions s'organisent par le dialogue intérieur que les sujets, sont
aptes à engager. Le psychisme humain s'apparente donc à un
dispositif d'interaction intériorisé qui complète le monde
vécu de la communication intersubjective où le sujet rencontre
l'autre dans divers rôles d'interaction. Dès lors, le conflit
interne apparait chez l'auteur, comme la résultante de l'échec
de cette communication intrapsychique chez l'individu combiné à
l'affaiblissement progressif du moi.
Toutefois, rejetant la théorie piagétienne et
les théories de l'influence environnementale dans la genèse des
troubles intra-personnels, les morphopsychologues tels que Torre (2013),
estiment que le conflit interne n'est ni provoqué par les
expériences vécues durant l'enfance encore moins par
l'environnement social dans lequel vit le sujet. Les conflits psychologiques
seraient davantage susceptibles de se manifester chez les sujets
présentant des traits physiques spécifiques les
prédisposant à la sujétion de troubles internes. Ainsi,
l'influence de l'environnement social impacterait peu sur la survenance de
conflits internes à l'individu, mais que certains individus de
façon constitutionnelle, présenteraient une probabilité
élevée à des troubles internes que d'autres, en dehors de
tout contexte social défavorable.
S'inscrivant dans la même dynamique que celle de son
prédécesseur, Stettler (2005) pense qu'il existe
différents types de visages : allongé, rond, ovale,
carré, rectangle, hexagone, triangle, pointe en bas, pointe en haut qui
influenceraient tous de façon particulière les sentiments que
ressentiraient fréquemment l'individu.
Pour Sigaud(2013), il existe entre les traits de la forme du
visage et les traits du caractère,une constante et bien significative
relation qui constitue le fondement de l'individualité psychique. Ainsi,
l'activité psychique de l'individu serait, non pas
déterminée par l'environnement de vie, mais plutôt par les
traits caractériels du visage.
Dans ce même contexte, Kenntnis (1778) soutient que la
vie intellectuelle et les facultés de l'âme se manifestent surtout
au niveau de la structure du crâne et de la forme du visage, du front, du
nez et de la bouche. La proportion du corps et le rapport qui se trouve entre
ses parties déterminent le caractère moral et intellectuel de
chaque individu. De ce fait, la morphologie du crâne et la forme du
visage prédisposeraient certains à des crises internes que
d'autres.
Cette conception morphopsychologique qui établit
exclusivement le lien causal entre traits de visage et conflits
intra-individuels, reste muette quant à l'inclusion des facteurs
environnementaux dans la genèse des conflits interne à
l'individu. Toute chose qui a été prise en compte par d'autres
auteurs qui ont analysé les conflits intra-individuels dans une
perspective inclusive.
Ainsi, Corman(1937) inclut les traits physiques et les
facteurs environnementaux pour expliquer la survenance des conflits
intra-individuels. Pour l'auteur, expliquer le comportement interne d'un
individu, reviendrait avant tout, à saisir les données
tempéramentales en se basant sur des donnéesbiologiques, mais
plus loin, en tenant compte du cadre social dans lequel vit l'individu. Le
conflit interne s'expliquerait donc à la foispar rapport à la
morphologie du visage et simultanément du vécu de l'individu
dans un milieu social déterminé.
Cette conception inclusive a également
été soutenue par Tardy (1943), qui établit un
parallélisme entre le psychique et le physique, comme manifestation
d'une unité fondamentale de l'être. Pour lui, même si la
démarche morphopsychologique s'appuie sur des traits
caractériels du visage pour comprendre le fonctionnement interne
à l'individu, il n'en reste pas moins que ces données doivent se
greffer à celles du milieu social pour rendre compte des conflits
internes à l'individu.
Cette tentative psychologique d'explication des conflits a
certes le mérite de nous renseigner sur la dimension intra-personnelle
du conflit à travers colère, frustration, ambivalence
d'idées, mais omet le volet extérieur à l'individu puisque
le conflit en lui-même se veut interactionnel, c'est-à-dire
manifeste entre des acteurs sociaux en interaction. Cette idée nous
amène à porter un regard sur les contributions portant sur les
conflits en milieu organisationnel.
3.1.1.2. Travaux centrés sur les
conflits en milieu organisationnel
Les auteurs qui suivent, évoquent la
nécessité puis les facteurs explicatifs des conflits en milieu
entrepreneurial. Pour eux, les interactions individuelles en milieu
organisationnel sont régulièrement parsemées de litiges,
condition indéniable de l'enracinement structurel de ces entreprises
qui, tout en les jugulant, se solidifient dans l'environnement professionnel
concurrentiel.
Dans cette perspective, Rousseau (1990)tente de comprendre
les raisons des conflits en entreprise. Pour lui, une organisation qui dure
est celle qui sait traverser les crises et affronter les agressions dont elle
est l'objet. Longtemps, les conflits organisationnels ont été
niés par certains, considérés comme néfastes par
d'autres. Aujourd'hui les crises sont jugés inévitables et
constituent souvent l'occasion de réajustements et de
réadaptations mutuels d'éléments dont l'évolution
non synchrone ou même divergente constitue le cheminement même de
l'organisation dans son ensemble. Cependant, les conflits n'ont de
caractère constructif que s'ils sont résolus pour certains,
prévenus pour d'autres, maîtrisés pour tous. En fait, les
conflits n'ont de vertu créatrice que dans la mesure où ils sont
résolus par une restructuration de l'organisation dans le sens des
changements révélés nécessaires. Le conflit n'a
donc pas de vertu créatrice en soi ; ce qui est créateur,
c'est de comprendre le conflit d'une part, et de le gérer d'autre
part.
Dans cette même orientation, Breard et Pastor (2010)
estiment que le conflit est présent au quotidien dans la vie de chaque
organisation. Sa gestion est toujours extrêmement difficile et laisse
souvent démunis les responsables privés ou institutionnels. Peu
d'outils sont en effet mis à leur disposition pour les aider dans cette
charge. Ces auteurs proposent une réflexion de fond indispensable
à l'analyse et à la compréhension des mécanismes
d'émergence des conflits et des méthodes pratiques de
prévention et de gestion de ces conflits.
Outre ces auteurs, Combalbert (2006)se focalise sur la
négociation de crise et la communication d'influence. En effet, issue de
la gestion des situations de forcenés et de prise d'otage par les
groupes d'intervention, la négociation de crise pour lui, étend
aujourd'hui son domaine d'activité au monde de l'entreprise afin d'aider
les dirigeants ou les managers à conduire des situations
délicates (négociations commerciales à forts enjeux,
clients agressifs, personnalités difficiles) ou pour gérer des
incidents graves (conflits sociaux durs, menaces, lock-out et
séquestrations).
Dans un autre paradigme, Michit et Comon (2005) observent la
répétition de plusieurs ensembles de règles de
développement des conflits. Quatre grandes classes de conflits y ont
été analysées : conflit d'avoir, conflit de pouvoir,
conflit de défense d'identité et conflit de libération.
Pour ces auteurs, chaque conflit est spécifique dans sa quintessence et
nécessite de ce fait une démarche spécifique de
résolution.
Pour Lemaire (2010), les conflits en milieu organisationnel
doivent être analysés dans une perspective dépendante des
types de relations qu'entretiennent les acteurs professionnels entre eux.
Ainsi, pour l'auteur, même si les difficultés que rencontrent les
entreprises actuelles sont d'ordre financier, infrastructurel, il n'en reste
pas moins que la communication interne à chaque structure est
l'élément déterminant qui permettrait à chaque
entreprise de s'exclure des difficultés professionnelles profondes dans
l'environnement entrepreneurial concurrentiel et caractérisé par
des bouleversements permanents.
Dans cette perspective, Ratier (2003) pense que la
communication revêt d'une importance particulière dans le milieu
entrepreneurial car d'elle, dépend la réussite ou l'échec
des activités commerciales de l'entreprise. Ainsi, l'auteur pense-t-il
que les gestionnaires de la communication insistent sur la
nécessité d'une bonne communication entrepreneuriale afin
d'anticiper sur d'éventuels problèmes structurels et
corolairement d'infléchir sans cesse l'image de l'entreprise.
Mundoni (2007) pense que la communication a une double
fonction au sein de l'entreprise. Elle se présente à la fois
comme régulation des interactions et interrelations des acteurs du
milieu professionnel mais aussi et surtout, permet de distinguer les
différentes catégories professionnelles afin d'éviter
d'éventuels conflits de compétence et de profil.
Pour Kah (2016), les conflits observés dans certaines
structures nationales de prise en charge tels que le Service d'Aide
Médicale Urgente (SAMU) s'expliquent par le fait que les
Accidentés de Travail et Malades Professionnels (ATMP) sont pris en
charge de façon exclusivement thérapeutique alors que cette prise
en charge nécessite un traitement binominal c'est-à-dire clinique
et psychologique. Ces ATMP seraient pour l'auteur, de plus en plus
confrontés à la hiérarchie du SAMU et exposés
à des actes de suicide.
Outre cet auteur, Andé (2016), dans l'analyse de la
politique sociale au sein de la PETROCI-HOLDING, relève une
dépendance intrinsèque de l'orientation de la politique sociale
aux objectifs de la structure. A cette donne, l'auteur ajoute une apathie des
dirigeants dans la réalisation des projets sociaux et des licenciements
abusifs, partiaux dans cet environnement où les dirigeants cherchent
uniquement à accroître leur chiffre d'affaire. Relativement,
l'auteur noterait des grognes et plaintes fréquentes des
employés, caractéristique des conflits internes.
Pour Yeboua (2016), la communication externe de la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale du Plateau souffre de nombreux maux tels
que l'insuffisance du budget alloué pour la communication externe,
l'incompétence en ressources humaines, l'indisponibilité des
services de communication et des outils de communication externe. Ces failles
troubleraient le travail professionnel des agents qui, tout en réclamant
des moyens, se heurtent à une hiérarchie qui, loin de fournir les
outils, conditionnent leur maintien dans l'entreprise, aux résultats
qu'ils obtiennent avec ces moyens dits insuffisants. Dans ces conditions,
l'auteur dit, assister à des conflits permanents entre hiérarques
et subordonnés de cette structure.
A la mairie de Cocody, Mankambou (2016) révèle
que les conflits internes sont liés à une gestion partiale des
indemnités obligatoires et discrétionnaires. Pour elle, les
dirigeants de cette collectivité territoriale occultent les
critères de sélection des bénéficiaires
d'indemnités puisque ceux-ci seraient influencés par le bord
affinitaire et la disponibilité totale au Maire à des fins, non
pas d'activités professionnelles, mais plutôt de
commérages et de dénigrements des autres acteurs de l'entreprise.
Ces conflits seraient fréquents et se solderaient
régulièrement selon l'auteur, par des révocations sans
motifs explicites de nombreux agents ayant brandi une opinion
différente.
Lassarade et Toa (2008) pensent que les méthodes de
résolution traditionnelles telles que l'arbre à palabres
utilisées dans les entreprises ivoiriennes semblent ne pas être
en phase avec les mentalités culturelles des dirigeants et même
des salariés aux origines socioculturelles diverses. Ainsi, les
conflits internes aux entreprises se révèleraient comme le
résultat d'échecs de communication lors d'interactions
culturelles propres au contexte socioculturel en Côte d'Ivoire qui voit
la permanence de tensions liées au côtoiement des ethnies et
à l'affirmation de l'identité culturelle au sein de
l'entreprise.
A Cargill West Africa, Odi (2017) impute la nonchalance des
activités professionnelles et les grognes des travailleurs en un
ensemble de facteurs concernant respectivement l'administration du personnel,
la paie et la formation continue. Ainsi, l'auteur pense qu'il faille prendre
en compte cette dynamique tripartite si la direction générale
souhaite donner un nouvel élan productif à cette entreprise
internationale.
A l'instar des entreprises internationales, Silué
(2017) s'est intéressé aux difficultés liées au
dialogue social au sein de l'Agence Nationale d'Appui au Développement
Rural (ANADER). A ce propos, l'auteur rélève un conflit permanent
entre trois entités de l'entreprise : la direction, les
représentants syndicaux et le personnel. L'auteur affirme que si les
travailleurs dans leur ensemble stigmatisent ces représentants syndicaux
(délégués syndicaux, délégués du
personnel), cela s'explique par cette alliance subitement créée
entre la direction et ces syndicalistes désormais qualifiés de
corrompus et d'insensibles face aux difficultés sociales des
travailleurs de l'ANADER.
Dans la plupart des sociétés de restauration
Abidjanaises telles que M'PÖ, Gnirihoua (2017) impute les
difficultés structurelles et communicationnelles à une mauvaise
définition du profil de poste des employés, au manque
d'affiliation de l'entreprise à une banque pour la gestion des salaires
et à la promotion du bord culturel dans le processus de recrutement.
Toujours dans le milieu Abidjanais, Yoro (2017) pense que les
obstacles au financement de l'habitat à Abidjan sont de plusieurs
ordres : difficultés d'insertion sur le marché du travail,
faiblesse du niveau de revenu général de la population, faiblesse
de bancarisation et des capacités d'accès au crédit. Ces
obstacles s'expliqueraient selon lui, par l'absence d'une vision claire de
l'habitat, l'absence d'une démarche professionnelle de la gestion des
projets et l'inexistence d'un classement pour les entreprises de construction
à Abidjan.
Relativement aux instituions de restauration, Coulibaly (2017)
pense que les structures chrétiennes en général et
catholiques en particulier ne semblent pas échapper à ces
difficultés internes. Ainsi à la Direction Nationale de
l'Enseignement Catholique de Côte d'ivoire, l'auteur impute la confusion
des rôles des acteurs professionnels et la faible maîtrise de leurs
mouvements à une absence de sous-direction habilitée pour
définir le profil de ces acteurs et les risques liés à
l'intégration de l'ensemble de l'ensemble des travailleurs dans un
même vecteur motivationnel.
A l'Agence de Gestion Foncière, Yah (2017) affirme que
la communication interne qui y est désormais instaurée, est une
communication de type « intra muros » et la
direction, au lieu d'activer quelques leviers de cette communication interne
(notes de service, réunions, mémos, affichage, appels, sms) se
résignent à cette nouvelle forme de communication (information
de couloir, chuchotement et commérages) qui décrédibilise
la structure.
Par ailleurs, Gnabeli et Bazin (1996) estiment que dans
l'entreprise Coparci (Bouaké), le
« patron » qui, à lui seul concentre tous
les pouvoirs, se trouve fréquemment confronté à des
travailleurs quiluttent en permanence pour l'amélioration des conditions
de travail et de rémunérations (accès aux prêts et
aux soins). De ce fait, ces employés profiteraient du climat conflictuel
pour dénoncer les défaillances du «patron »
réinterprétées au moyen d'une mise en accusation
(méchanceté et volonté délibérée de
nuire).
Pour Kana (2015), la stratégie de gestion des
compétences à la mairie d'Adjamé se trouve biaisée
par une absence quasi-totale du profil de poste des employés à
laquelle se greffe la médiocrité de quelques agents travaillant
sous le tutorat des hiérarques et une impertinence de la formation
continue. Ces facteurs sus-cités provoqueraient une mésentente
régulière entre les dirigeants et les exécutants, dans
cette structure où le bord politique est privilégié dans
l'attribution des boni salariaux, des avancements et des révocations.
Dans un autre paradigme, Nibié (2016) impute les
conflits au sein du BNETD à un ensemble hétéroclite de
facteurs dont le dysfonctionnement de la communication pendant les missions,
l'absence de feuille de route clairement élaborée, les
difficultés d'hébergement des agents en mission, le manque
d'équipements de protection des agents et une absence de politique de
récompense.
Pour Zahourou (2015), l'organisation du travail au sein de la
bourse régionale des valeurs mobilières d'Abidjan est
altérée par un manque de confiance entre dirigeants et
subalternes qui se traduisent par un refus des dirigeants de
déléguer certaines responsabilités aux subordonnés.
Cette difficile collaboration entre ces acteurs organisationnels
complexifierait davantage l'exécution des tâches professionnelles,
renforcerait les tensions au sein de la structure et provoquerait
continuellement un taux remarquable d'absentéisme des agents et des
départs volontaires.
Aussi, s'inscrivant dans la dynamique du
précédent auteur, Aby (2015), dans l'analyse des conditions de
travail des agents des établissements sanitaires (centre de santé
d'Angré), pense-t-elle que l'exercice de la profession sanitaire
s'effectuant dans les conditions non-ergonomiques (inconfort des meubles,
désuétude des appareils du laboratoire, insécurité
des agents) renforcerait les plaintes des agents qui revendiqueraient
régulièrement des conditions idoines de travail.
Pour Kouadio (2016), la politique commerciale au cabinet
EXCEPT média est altérée par l'insuffisance de
l'allocation budgétaire, la défaillance de véhicules pour
les agents, l'absence de standardiste et une insuffisance des outils de
communication externe. Ainsi, tandis que les commerciaux usent de moyens de
contournement des failles précités, les hiérarques, eux,
exercent une pression sur ces employés qui, à moins d'atteindre
les objectifs financiers affichés, restent exposés à des
révocations pluriels et à des propos dénigrants.
Pour Zouzou (2016), bien que le cabinet Egard architecture
dispose d'un service et d'acteurs en charge des états financiers, les
comptables de cette structure seraient soumis continuellement à une
pression du Directeur et encouragés par celui-ci à s'inscrire
dans une démarche de corruption active des agents du Trésor dans
le but d'effectuer des paiements clandestins et parcellaires face au patrimoine
financier assez remarquable de l'entreprise. Aussi, l'auteur ajoute-t-il que
les agents qui, par dévotion religieuse refusent cette procédure
d'inobservation de la législation fiscale et la falsification des
pièces comptables, sont expulsés au moyen d'une erreur
professionnelle improvisée.
Dans cette dynamique, Koudou (2016) pense qu'au-delà
du budget de fonctionnement insuffisant et de l'insuffisance de
matériels de fonctionnement, le conseil régional du Goh, selon
les dispositions de la loi n? ·98-485 du 04 Septembre 1998 relatives
aux missions du conseil régional, rentre régulièrement
dans un conflit de compétence avec la mairie de Gagnoa. Ce conflit se
percevrait sur le terrain par une dualité entre agents chargés du
recouvrement de taxes au sein de la région du Gôh.
Pour Momy (2016), la direction régionale des
impôts Abidjan-nord 5, bien qu'ayant opté pour un style de
management de type intégratif, exclut les employés de la base de
la prise des décisions et inclut tous les acteurs professionnels dans un
seul et même moule motivationnel ; une sorte de management
collectivo-centré. Ce qui crée selon l'auteur, des grognes
sectorielles et des départs volontaires au sein de cette structure
financière nationale où agents espéraient un style
managérial de type individualo-centré, c'est-à-dire celui
qui tient compte de l'aspiration managériale de chaque acteur
professionnel.
Dans cette perspective financière, Diarassouba (2017)
soutient que le processus de contrôle budgétaire de la
société des palaces de Cocody manque de consommables tels
que : la formule efficiente et adaptée pour l'élaboration
du contrôle budgétaire, une absence de tableau de bord financier
et une absence de cartographie pour la gestion des risques budgétaires
éventuels. De ce fait, l'auteur affirme que les comptables les plus
expérimentés esquissent quelques fois des schémas
financiers improvisés qui ne sont salués que s'ils restent
sanctionnés par des résultats de croissance du chiffre d'affaire
ou le cas échéant, imputés à son auteur qui subit
dans bien de cas, des préjudices moraux et financiers.
Pour Diabagaté (2017), le recouvrement fiscal en
Côte d'Ivoire reste sujet à une double série de facteurs
(endogènes et exogènes). Dans la première, l'auteur
évoque la non-imposition des taxes dans le secteur agricole et informel
et l'exonération des impôts. Dans la seconde, elle mentionne un
problème de confiance et de légitimité des impôts.
Ainsi, en milieu interne, tandis que quelques professionnels luttent pour une
couverture nationale des impôts sur l'ensemble des activités
génératrices de revenus journaliers ou mensuels, ils se heurtent
à résistance d'autres collègues sur ce point,
caractéristique des désaccords internes à la Direction
Générale des Impôts.
A l'instar de ces études axées en organisation
financière, des études ont pareillement été
effectuées dans d'autres milieux sociaux tels que dans les
établissements de santé (Zan-Bi, 2017). Ainsi, dans l'analyse
des conditions de prise en charge des accidentés de travail et malades
professionnels, l'auteur pense que celles-ci se particularisent par la
surfacturation des prestations, le désintérêt des patients,
le mauvais accueil du personnel soignant, la divulgation des secrets tenant
à l'intimité des patients, le cadre physique défavorable,
l'insuffisance du matériel de travail, l'abstention volontaire de
prodiguer des soins de qualité. Ces difficultés seraient
fortement corrélées à une combinaison de facteurs à
la fois internes et externes aux consciences du personnel de santé pour
générer une désapprobation des patients manifestée
par des murmures ou par leur repli sur soi.
Faulx, Erpicum et Horion (2005)soutiennent que
les tensions en milieu professionnel, sont nombreuses. Une première
oppose logique de qualification et logique de compétence. Ainsi, alors
que le recrutement par concours et l'appartenance à la fonction publique
met l'accent sur la qualification, la construction de l'expertise du
conservateur repose sur l'expérience et la compétence. D'autres
tensions découleraient aussi selon l'auteur, des hiérarchisations
contradictoires qui s'établissent entre les fonctions de collection et
de recherche et les fonctions d'animation culturelle et de management dans le
milieu professionnel français.
Dans cette dynamique d'appréhension des rixes
intra-organisationnelles, Dine (2008) en se fondant exclusivement sur les
conflits entre collègues du même statut hiérarchique,
affirme que cette typologie de conflit est rarement appréhendée
de la manière dont le suggèrent les ouvrages
méthodologiques. Ces ouvrages méthodologiques fourniraient peu
de tacites directement applicables en la matière et invite par ricochet
à une réticence quant à l'usage de ces ouvrages dans la
résolution des conflits intra-organisationnels.
Dans le milieu scolaire, Perrenoud (2005) dénote
d'après ses investigations, deux types de comportement pouvant faire
l'objet de dispute ou de rejet entre collègues. Au niveau des
enseignants, l'auteur pense qu'un enseignant fait l'objet de violence et de
regards méprisants de la part de ses collègues s'il cumule les
actions suivantes : prendre le parti des parents, se comporter en leader
et mettre en débat ce qui va de soi. Au niveau des apprenants, l'auteur
mentionne qu'un bon apprenant aurait des attitudes inhibitrices de
conflit ; en d'autres termes, ce serait quelqu'un qui, dans sa
quête d'apprentissage, ne laisserait pas les autres tranquilles, il les
« dérange », ne serait-ce qu'en formulant
une autre vision du possible et du nécessaire, en mettant autrement en
évidence les responsabilités, en suscitant parfois des
culpabilités. Dès lors, assumer une identité de praticien
réflexif, ce serait assumer un rapport aux autres qui peut engendrer
agacement, rejet, ironie, controverse, lassitude et marginalisation.
3.1.1.3. Travaux centrés sur les
conflits générationnels et communautaires
Dans ces travaux, les auteurs s'accordent sur le fait qu'il
existe une diversité de conflit dans la sphère sociétale.
Il s'agit notamment des conflits générationnels,
intercommunautaires, des conflits de succession, .... Pour eux, chaque type de
conflit est spécifique dans sa quintessence et nécessite par
ricochet une méthode de résolution spécifique à
l'unicité problématique posée. Ainsi, pour Délestre
(2017),la jeunesse actuelle, on ne peut la définir et l'expliquer
facilement. En effet, les tendances d'aujourd'hui, les changements du XXIe
siècle, nous conduisent vers une métamorphose radicale de la
jeune génération. C'est notamment trop visible dans leur
comportement, leur éducation, leurs aspirations. Et ce qui
caractérise leur comportement, c'est premièrement leur
désir exacerbé de jouir de la liberté. Dans le même
temps, on peut affirmer que cette aspiration à l'indépendance
suscite directement un nombre infini de conflits entre les adultes et les ados.
Même si c'est difficile à comprendre, souvent on peut être
témoin d'une divergence d'opinions, d'idées différentes,
des problèmes dans une famille, ce qui par conséquent, donne
naissance àdes disputes entre des classes d'âge
différentes.
Relativement à Délestre (2017) qui s'attarde sur
la distance réflexionnelle et actionnelle entre les jeunes et les plus
âgés, Miquet-Marty et Preud'homme (2013) pensent les jeunes
souffrent aujourd'hui d'une absence de prise en compte au sein des espaces de
pouvoir (politiques, institutionnels ou privés). Cet état de fait
est accentué par les contraintes économiques, qui ont dans le
même temps, mis à mal les perspectives de progression
sociétale et créé un sentiment d'impuissance face aux
grands enjeux politiques et sociaux. Ainsi, l'idée de «
ne pas pouvoir changer les choses » globalement et directement
semble avoir rendu la jeunesse cynique, individualiste,
désengagée ou même rebelle envers les vieux.
Dans ce même registre, l'Association pour une Fondation
Travail-Université (2006) remarque qu'une génération est
un groupe particulier dont les membres partagent une proximité en
âge et ont traversé, à des étapes
déterminantes de leur développement, des événements
de vie semblables. Ainsi, caractériser les générations
revient donc à identifier ces expériences particulières
ainsi que les événements et cadres sociaux auxquels ils
réfèrent. Les transformations contemporaines du social, en
général, et du monde du travail, en particulier, ont à la
fois contribué à produire des générations de
travailleurs caractérisées par des attitudes, des attentes et
rendu les rapports intergénérationnels complexes et
régulièrement considérés comme conflictuels.
Pour Coser (1970), aujourd'hui nous sommes entrés dans
la société à quatre générations et celles-ci
sont bien visibles. Ces générations cohabitent et construisent
leur horizon en référence à des partenaires qui ont entre
zéro et quatre-vingt-dix ans. L'identification de ces partenaires est
certainement rendue plus complexe par la diversification des familiales
induites par l'éclatement et la recomposition des familles auxquelles
s'ajoutent les effets d'une notable mobilité géographique. Ainsi,
les moyens de construire la sécurité de ces individus issues de
générations clivées apparaît dans un contexte ou
l'héritage est particulièrement copieux, riche de
réalisations solides, conquises de haute lutte et consolidées
dans des périodes fastes.
Dans une autre démarche, Ntita (2014) pense quece sont
l'absence de communication entre parents et enfants, l'incompréhension
des besoins intimes des enfants, les changements psychiques et physiologiques
surtout à l'âge de l'adolescence, l'amour excessif des parents qui
leur empêche de donner une marge de liberté aux enfants et le
refus d'appliquer les conseils des parents sont autant de facteurs qui selon
l'auteur, engendrent des divergences d'opinions et même de rixes entre
parents et enfants.
Selon
khalil (2015), la
strate sociale, la coexistence de différentes ethnies et les
difficultés communicationnelles entre parents et enfants, sont les
principales causes des conflits de génération. En effet, l'auteur
soutient d'abord que beaucoup des parents n'acceptent pas que leurs enfants
se marient avec des personnes d'autres strates sociales. Ensuite, le brassage
culturel qui engendre un brassage intergénérationnel
parsemé de litiges et enfin la difficulté pour les plus
âgés de comprendre les attitudes, les choix et comportements de
cette nouvelle génération.
Toutefois, même si la littérature est assez
fournie en matière de conflits intergénérationnels, cela
n'implique pas nécessairement des velléités scripturales
sur les conflits intercommunautaires. Bien au contraire, la question y est
abordée sous différents angles. Dans cette dynamique, Mbokani
(2008) substitue tout conflit en des tensions violentes et pense que le conflit
armé du Congo prend sa racine dans une multiplicité des facteurs
dont l'effondrement et le manque d'indépendance de l'appareil
judiciaire, l'inexistence des services publics tant administratifs que sociaux.
Ainsi, dès lors qu'il n'existe plus d'administration, l'auteur pense que
les services les plus élémentaires (actes de naissance, les
certificats de mariage, certificat de décès, le recensement de la
population) restent difficiles à obtenir, et par conséquent,
augmente la stigmatisation populaire de cet Etat que nombres de clans
armés cherchaient à renverser.
Pour Bisonga (2009), c'est en milieu familial ou
intracommunautaire que se perçoit véritablement la question des
conflits. Ainsi, les normes contenues dans la loi relative aux actes
d'état civil, sont mal comprises et mal intériorisées
par les tiers, lors du partage du patrimoine successoral. Relativement, les
héritiers et particulièrement le conjoint survivant et les
enfants du défunt se sentiraient victimes de spoliation, d'expropriation
voir même, d'agressions de tout genre.
Dans cette perspective, Selas (2016) inventorie une typologie
tripartite des conflits intra-communautaires dont les uns aussi bien que les
autres, génèrent des litiges sanglants au sein de
théâtre familier ou intracommunautaire. Il mentionne de ce fait
que les conflits dans l'arène communautaire sont catalysés par
des facteurs tels que : la succession bloquée par un ou des membres
influents de la famille, les divisions successorales et le partage
inégalitaire des biens.
Selon la Chambre des notaires (2016), il y a conflit
communautaire lorsque les acteurs en présence ont du mal à
établir la corrélation entre les supposés droits et leurs
droits réels selon les prescriptions des lois en vigueur. De ce fait,
cette chambre remarque que les acteurs sociaux qui font preuve de carences
normatives, s'en remettent à des notaires, qui eux aussi, paraissent
intervenir dans un litige qui aurait pu faire l'objet d'un compromis en milieu
intracommunautaire.
Dans le Sud-est du Nigéria, Pérouse (2015)
révèle que les conflits communautaires s'articulent autour du
partage des ressources de l'or noir. Pour lui, toutes les couches sociales ne
bénéficieraient pas au même titre, des ressources issues de
l'exploitation de cette richesse. Ce qui susciterait des compétitions
et affrontements ethniques entre les majorités et les minorités
autochtones dont les principales cibles constitueraient les minorités
les plus affirmées (les Ogoni et les Ijaws).
Ces auteurs ont le mérite de nous renseigner sur la
nécessité, la récurrence et les facteurs explicatifs des
conflits en milieu professionnel et intra-sociétal. Toutefois, cette
approche parait généraliste car elle ne prend pas en compte la
spécificité des conflits fonciers surtout en milieu rural. Toute
chose qui nous amène à analyser les différentes approches
abordées par les fonciologues en la matière.
3.1.2. Travaux centrés sur les conflits
fonciers et leur gestion
3.1.2.1. Travaux centrés sur les conflits
fonciers
3.1.2.2 Travaux centrés sur la saturation
foncière
Dans ces écrits, les auteurs montrent l'influence de la
rareté des terres, de la croissance démographique rapide
imputée aux vagues migratoires successives et incontrôlées,
de la saturation foncière et de la pression anthropique dans le
déclenchement des conflits fonciers dans zones explorées.
Ainsi, pour Kirat et Melot (2006), dans l'analyse du
phénomène dans les contrées d'Isière,
Lorie-Atlantique et Seine-Martinique en France, les conflits d'usage renvoient
à la confrontation de préférences individuelles et
collectives sur l'allocation des espaces et des actifs naturels
localisés.
Ces conflits fonciers, révèlent des
externalités négatives induites par les changements dans
l'allocation des espaces à usage agricole, industriel,
résidentiel et récréative. Ainsi, leur nombre, leur
proximité géographique et symbolique sur le même
territoire, renforcerait la montée des antagonismes entre usagers
fonciers.
Toujours en France, Dachary, Gaschet, Lyser , Pouyanne et
Virol (2011) montrent dans une approche transversale entre côtes Basque
et Charentaise, que le foncier d'une manière générale,
fait l'objet d'une concurrence énorme entre différents usagers,
notamment dans l'agriculture et le résidentiel. Cela s'est traduit par
la pression considérable sur le littoral du fait de son
attractivité.
Ainsi, les vagues migratoires sur les territoires littoraux,
l'utilisation abusive des territoires pour la construction de logements,
l'invocation des politiques foncières, leurs carences dans la
maîtrise de l'urbanisation littorale et la multiplication des
établissements publics fonciers, sont autant de facteurs qui
expliqueraient la survenance des conflits fonciers dans le littoral
français.
Par ailleurs, Alkassoum (2006), dans un regard sociologique
sur les facteurs liés à l'émergence des conflits fonciers
au Burkina Faso, pense que la mauvaise gestion des ressources naturelles est
à la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants.
Lesquels espaces seraient à la fois disputés par les
agriculteurs, les peulhs et les transhumants.
Dans cette zone du Burkina, l'auteur dénombre 59,1% des
conflits comme ceux survenant entre autochtones agriculteurs et peulhs
sédentaires, 9,1% entre agriculteurs et transhumants, 13,6% entre
agriculteurs eux-mêmes. Cette fréquence assez élevée
des conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs s'explique selon
l'auteur, par le non-respect des limites des champs, la superposition des
droits revendiqués et l'usurpation des titres de
propriété.
Dans la même dynamique, Tallet et Paré (1999)
analysent les conflits fonciers dans une approche géo-statistique,
mettant ainsi en relief la variation pluviométrique et la concentration
spatiale des populations dans les zones fertiles.
Pour ces auteurs, l'évolution des conflits fonciers
sont à rapprocher des conditions écologiques. De ce fait,
l'hétérogénéité des conditions naturelles,
la variabilité des sols et la répartition
déséquilibrée de la pluviométrie (allant de 350mm
à 1250 mm de pluie par an) sont les facteurs qui expliquent
l'évolution spatio-temporelle des conflits fonciers au Burkina Faso.
La concentration des populations dans les zones
dominées par les plateaux se traduit par le fait que certaines zones
Burkinabaises soient plus productives que d'autres et de ce fait, sont plus
enclin à la survenance des conflits fonciers.
Dans les contrées malgaches, Rakotovao (2011)
révèle que le foncier est à l'origine de nombreux conflits
sociaux conduisant d'une part à des clivages et exclusion
foncière de certains groupes, et d'autre part, à un
ralentissement du développement économique national. Aussi, la
récurrence des conflits fonciers dans cette communauté malgache
a-t-elle provoqué une course vers les instances juridiques de
régulation foncière de sorte que 80% des affaires
foncières sont traitées par les tribunaux.
D'un autre point de vue, Kouamékan, Kouadio, Komena et
Ballet (2009) pensent que les inégalités socioéconomiques
observées en côte d'ivoire font désormais l'objet d'analyse
dans leurs relations avec la gestion des ressources naturelles. Cette
inégalité se retranscrit parl'accès inéquitable
des ruraux, aux ressources. Ainsi, l'émergence de nombreux conflits
fonciers ces dernières années serait la résultante de
cette structuration inégalitaire de l'accès au foncier.
De ce fait, ces auteurs font ressortir que la contribution du
milieu rural à la pauvreté nationale en 2008 était de
75,4% contre 24,6% en milieu urbain (INS, 2008), révélant d'une
part que, plus de trois quarts des populations pauvres vivent en milieu rural
et d'autre part, que la pauvreté est donc plus rurale qu'urbaine en
raison de la difficulté des pauvres à accéder aux
ressources non renouvelables.
Dans cette même optique, Traore (2012) soutient que
l'absence de règlementation limitant l'accès de l'acquisition
massive des terres agricoles en Côte d'ivoire, ouvre la voie au
désordre et à l'anarchie. Les hommes politiques se procurent plus
de 200, 300 voire 500 hectares de forêt par personne,
réduisant considérablement l'espace de cultures des petits
paysans, qui s'engagent çà et là, dans de vaines
tentatives de récupération de certains lopins de terre pour
subvenir à leurs besoins.
D'un autre côté, Merabet (2006) impute la
survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux migratoires
successifs et incontrôlés. Pour lui, la population
étrangère a crû continument en côte d'ivoire, passant
de 1,4 millions à 4 millions en moins d'une décennie. Cette
population majoritairement Africaine provient particulièrement du
Burkina Faso, 56%, du Mali, 19,8% et de la Guinée 5,8%. La croissance
continue des allogènes, se serait faite avec des disparités
spatiales qui se sont corrélées à l'évolution des
cultures de rentes telles, le café et le cacao.
Pour Le Roy et Lasserve (2012), la situation foncière
actuelle de l'Afrique est le résultat d'une évolution. Elle est
caractérisée à la fois par une forte croissance de la
population, l'intégration à l'économie mondiale, une
augmentation significative des surfaces mises en culture, la fragilisation des
milieux naturels, une tendance à l'épuisement des sols et des
ressources en eau et enfin, l'extension des superficies occupées par les
villes. L'accroissement de la demande de terres agricoles se traduit par une
pression générale sur le foncier mettant en présence,
exploitants agricoles (paysannerie locale), investisseurs nationaux et
investisseurs étrangers.
Pour Kouamé (2013), il existe un lien entre l'ampleur
des conflits fonciers et les occupations massives de plantations decacao
et de café. Ce sont ces occupations de plantations qui
déterminent l'ampleur ou l'extension des conflits fonciers.Cela
s'explique par le fait que les logiques économiques et politiques
englobent une juxtaposition d'intérêts contradictoires qui, non
seulement conditionnent les stratégies des acteurs, mais aussi et
surtout complexifient les conflits fonciers.
Selon Kouassi (2017), les conflits fonciers et leurs
rebondissements actuels s'expliquent certes par la croissance
démographique de la population ivoirienne conjuguée aux flux
migratoires élevés, mais davantagepar les divergences politiques
qui se sont succédées après la mort du premier
président Félix Houphouët Boigny. Cette impasse
sociétale créée par les élites, a ouvert la voie
à un ralliement des populations en ligne identitaire, constituant de ce
fait, un terrain propice à des contradictions foncières, voir des
rixes entre communautés sédentaires du pays.
Dans un autre regard, Gausset, (2008) affirme que le sud-ouest
du Burkina Faso, relativement fertile et peu peuplé, attire depuis
quelques décennies un grand nombre de migrants internes cherchant
à améliorer leurs conditions de vie. Ce phénomène a
pris une telle ampleur que dans plusieurs localités, les
« migrants » sont aujourd'hui plus nombreux que
les « autochtones ». Un tel flux migratoire en
milieu rural ne va pas sans poser des problèmes de cohabitation entre
différents groupes, particulièrement au niveau de la gestion du
pouvoir et des terroirs. On assiste dès lors à une lutte
permanente entre les autochtones et ces migrants.
Cette idée de pression démographique est
d'autant plus soutenue par Kakule (2010) qui estime que la problématique
foncière en République Démocratique du Congo continue
toujours de susciter des inquiétudes. Les pressions démographique
et commerciale ainsi que les mouvements de retour des déplacés
internes et des réfugiés dans la période post-conflit,
engendrent une compétition très ardue pour l'accès et le
contrôle de la terre. Ces faits occasionnent très souvent des
conflits fonciers qui perturbent la paix sociale.
Pour Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly
et Ibo(2011), la Forêt des Marais Tanoé-Ehy est
sujette à de fortes pressions anthropiques qui se traduisent par le
braconnage, le prélèvement anarchique des ressources naturelles,
l'exploitation forestière et les tentatives de défrichements
agricoles.
Ainsi, de 15 millions d'hectares de forêt au
début du XXème siècle et de douze 12 millions d'hectares
à l'indépendance, la couverture forestière de la
Côte d'Ivoire est estimée aujourd'hui à environ trois
millions d'hectares. Le manque de terres disponibles pour ces auteurs,
pousserait certaines populations à s'engager dans l'exploitation
agricole des forêts classées.
La situation serait encore plus alarmante dans le domaine
rural où certaines forêts de propriété commune
restent assujetties au libre accès pour une exploitation anarchique par
certains membres du groupe.
Relativement à ces auteurs, Dévérin
(2005) estime que la Côte-d'Ivoire connaît l'un des plus forts taux
d'immigration au monde: 26 % de sa population. Dans les plantations de cacao,
ce sont les burkinabé et les maliens qui collectent les fèves,
mais aussi des baoulé ou d'autres allogènes (originaires d'autres
zones de la Côte-d'Ivoire). Avec ce nombre croissant de populations
(autochtones, baoulés, burkinabè, maliens,...), le
défrichage de la forêt et l'extension concomitante des surfaces
exploitées se feront dans une opacité juridique totale avec des
empiétements fréquents des normes locales,
caractéristiques de rixes latentes.
Dans cette logique, Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé,
Kouassi et Koné (2012) sont d'avis quele conflit ivoirien (2002-2011) a
exacerbédes tensions foncières anciennes engendrées par
d'intensesmigrations agraires, notamment dans la zone forestière
ivoirienne. Cette population qui a cru rapidement sous les effets
conjugués de la poussée démographique nationale et des
migrations extérieures a engendré une pression foncière,
des fractures sociales durant l'ultime phase du conflit ivoirien.
Banzhaf et Drabo (2000) mettent en avant l'inégale
répartition pluviométrique et la concentration des populations
vers des zones moyennement alimentées en eau. Pour ces auteurs, le
processus de dégradation dont souffrent les contrées
Burkinabaises est lié à une péjoration climatique
générale à laquelle se sont ajoutés les effets
démographiques et l'immigration des populations venant des zones encore
plus touchées par la désertification. Les rapports entre ces
acteurs aux activités différentes (agriculture et
élevage), deviennent de plus en plus concurrentiels, avec une mainmise
accrue de l'activité agricole sur l'espace foncier et par
conséquent une diminution des superficies pâturables.
Dans la même orientation, Mathieu,Matabaro et Tsongo
(1994) affirment le Nord-Kivu de la République Démocratique du
Congo connait une escalade de violences foncières liées au
rétrécissement de l'espace disponible pour des paysanneries de
plus en plus nombreuses, à la dépossession foncière de
ces mêmes paysanneries, en grande partie organisée par la
collusion entre chefs coutumiers, bourgeoisies, urbaines et administrations
corrompues. Enfin, par l'incertitude et la précarité croissantes
des droits fonciers paysans, résultant à la fois des pratiques
foncières clientélistes et opportunistes des chefs coutumiers
autochtones.
Pour Ibo (2012), les acquisitions massives des terres
interviennent dans un contexte de saturation foncière
généralisée. Dans certaines zones comme le Sud-ouest,
notamment dans le département de Méagui, les densités de
peuplement excède 80 hab/km2 contre 48 hab/km2 au niveau national. Quant
à la densité agricole, elle est va au-delà de 100
exploitants au km2. Les agriculteurs sont obligés de replanter certaines
vieilles parcelles, pour ceux qui veulent innover.
Cet aspect de saturation foncière a été
aussi évoqué par Bonnecase (2001) pour qui, la politique
volontariste de mise en valeur de la colonie a favorisé le gonflement
des flux migratoires de populations en quête d'espaces de culture dans
les premières décennies de l'accession à
l'indépendance. Les conflits fonciers apparaissent comme une opposition
récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et
allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant
accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient
pas.
Selon Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006),
depuis une quinzaine d'années, les problèmes fonciers se
multiplient en Afrique de l'Ouest et se caractérisent par une
marchandisation foncière croissante et une compétition accrue
entre acteurs (entre ruraux et urbains investissant dans la terre), dont la
cohabitation foncière est conflictuelle. Par ailleurs, si les
premières décennies après l'accession à
l'indépendance ont été marquées par la
cohésion entre les communautés, il n'en demeure pas moins que de
nos jours, la saturation sociale et foncière soit les signes
révélateurs d'éventuels litiges fonciers.
Pour Diakité et Coulibaly (2004), la gestion durable
du foncier rural s'avère d'autant plus problématique que la
compétition pour l'accès à la terre s'intensifie de jour
en jour sous les effets conjugués de la pression démographique et
pastorale, de la fréquence des déficits pluviométriques et
de l'évolution inquiétante du processus de dégradation de
l'environnement. Par ailleurs, la superposition du droit positif et des droits
coutumiers complique davantage la question foncière en ouvrant la porte
à toute sorte de confusions, spéculations, conflits et
procès judiciaires qui ne cessent de compromettre à la fois la
sécurité foncière et la stabilité sociale des
communautés rurales dans le nord de la Côte d'Ivoire.
Selon Tape (2000), les lacunes du système foncier
précédent, les enjeux économiques, la difficile
intégration sociale des populations allogènes, la saturation
sociale et foncière sont des facteurs qui contribuent fortement
à l'émergence des litiges fonciers à Soubré.
Dans cette même logique, Houdeingar (2009) pense que les
conflits fonciers au Tchad seraient favorisés par le changement des
règles d'accès et d'appropriations des terres en raison de la
croissance démographique remarquable (hausse de la valeur de certaines
terres, monétarisation des échanges et individualisation des
rapports sociaux et financiers).
Pour Ghisalberti (2011),la mobilité est la principale
caractéristique des populations sahéliennes qui, depuis des
siècles, se déplacent non seulement car leur espace d'action est
ouvert et peut favoriser les grands mouvements, mais aussi du fait des
modalités traditionnelles d'exploitation des ressources naturelles.
Dès lors, les populations migrantes fuyant des crises environnementales
liées aux sécheresses cycliques, se focalisent dans des
localités supposées propices, bouleversant ainsi l'ordre foncier
qui y est établi, par des négociations officielles et
officieuses, prophylactique à des conflits sectoriels en urbain et
rural.
Pour Mfewou (2013), les paysans migrants et la
société agro-industrielle de la Bénoué (SAIB),
installés en 2000 dans le Nord-Cameroun, à un point
névralgique pour la réalisation de son projet rizicole et
fruitier, n'ont pas valorisé l'aval du barrage hydroélectrique.
En conséquence, cette installation qui a fait déguerpir 36 %
des paysans dans ce périmètre irrigué, a
occasionné une série de conflits fonciers entre différents
acteurs (paysan, SAIB, élites, lamido, nouvelle
génération) qui ont été longtemps
négligés par l'État.
Tallet (1998) soutient que l'Ouest du Burkina Faso
connaît depuis trente ans un fort courant migratoire. Il pense que
l'ampleur des défrichements, la rapidité des changements
socio-économiques bouleversent les rapports fonciers traditionnels :
multiplication des conflits fonciers, évolution des contrats
agraires.
Selon Maldidier (2000), les conflits fonciers sont
provoqués par la réorganisation du milieu rural et
l'accroissement des inégalités sociales dans les campagnes qui
ont engendré d'importantes conséquences sur le plan foncier,
ont fait naître une « pénurie » de terres,
suite à l'accentuation des mouvements migratoires au début du
siècle. Ainsi, la terre est devenue un enjeu d'une compétition
foncière que ce soit dans les régions présentant un
dynamisme économique marqué, ou dans d'autres où les
bonnes terres sont en faible disponibilité.
Pour Kyaghanda (2008), les conflits fonciers dans le nord Kivu
peuvent se résumer à trois facteurs à savoir la course
aux ressources naturelles, la faiblesse de la réaction de la
communauté internationale face aux crimes graves commis à grande
échelle en RDC, et enfin la prolifération des milices dues au
retrait des armées étrangères autrefois présentes
en République Démocratique du Congo.
Toutefois,
Ghisalberti
(2011), dans une analyse du rapport entre migrations et conflits dans les
régions sahéliennes, souhaiterait faire la distinction entre
saturation sociale et saturation foncière. Elle pense de ce fait que ce
n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans l'ensemble des villages
sahéliens qu'il y a nécessairement saturation foncière
dans ces village et qu'il n'existe pas de lien direct entre saturation sociale
et conflit foncier. Dès lors, l'auteur pense les litiges fonciers au
Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient certes leur
installation dans des villages de préférence mais au-delà,
tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les activités
foncières.
Dans cette dynamique, Doevenspeck (2004) pense que l'analyse
de la question foncière au Bénin, a montré que
l'acquisition de biens fonciers par la population allogène peut mener
à une dynamisation des règles institutionnelles du droit foncier
traditionnel ainsi qu'à l'explosion des conflits latents entre les
habitants de différents villages autochtones. De plus, les débats
sur le droit foncier dans la région d'immigration ne sont pas uniquement
influencés par les conflits entre propriétaires fonciers et
immigrés mais également par les conflits entre les
différents groupes de migrants. Dans une « chasse à
la terre », ces derniers développeraient des
stratégies propres d'acquisition de droits fonciers qui engendrent de
nouveaux conflits.
Pour Yonta (2011), si les conflits surviennent et
s'intensifient dans le terroir Camerounais, c'est parce que le cours des prix,
qui allait toujours croissant, a provoqué une augmentation de la valeur
que les paysans accordaient à la propriété
foncière. De ce fait, les vieillards ont cessé d'offrir des
parcelles de grande superficie à leur progéniture. L'auteur
ajoute que non seulement les jeunes étaient surexploités dans les
plantations des cultures d'exportation, mais et surtout la rétribution
n'était pas proportionnelle aux travaux effectués. Cette
situation a généré un conflit entre les jeunes et les
vieux au point où les relations de travail devenaient de plus en plus
contractuelles que communautaires. L'insatisfaction foncière des jeunes
et le souci de devenir autonomes, ont initié les mouvements migratoires
des jeunes vers les villes à la recherche d'un emploi.
Toutefois, bien que ces auteurs s'évertuent à
expliquer les conflits fonciers par la rareté des terres, le rapport
entre croissance démographique et terres disponibles, les vagues
migratoires successives et incontrôlées, la saturation
foncière, l'aspect des revendications intrafamiliales des terres par les
jeunes autochtones semble avoir été omis du discours
saturationniste. Cette faille nous amène à analyser d'autres
écrits qui considèrent les conflits fonciers comme la
résultante des effets d'accaparements claniques et derevendications
foncières par les fonts pionniers au sein de l'institution familiale
(Ibo, 2006).
3.1.2.3. Travaux centrés sur la
revendication foncière des jeunes
Ces travaux se penchent exclusivement sur le positionnement
des jeunes (déscolarisés, aventuriers, citadins,...) dans
l'arène foncière, revendiquant par ci et là des espaces de
culture à leurs ainés ou oncles. Cette revendication ne se fait
pas sans heurts aussi bien au niveau de la famille, du lignage qu'au niveau des
allogènes. C'est cette idée qui est mise en exergue par Kodjo
(2013) pour qui, la société Abouré est traversée
par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource
foncière et surtout autour de l'héritage. Ces conflits opposent
les membres d'une même famille (neveu / neveu ou fils / neveu). Le
développement de la culture de l'ananas ayant favorisé une
monétarisation croissante de l'accès à la terre, à
travers l'ouverture d'un véritable marché locatif, procurant
ainsi aux gestionnaires des terres familiales, une rente locative importante
dont la redistribution intrafamiliale conduit souvent à des conflits
explicites qui opposent majoritairement les jeunes à leurs ainés.
Ce conflit puiserait ses racines dans les ventes occultes de parcelles
familiales, les dissensions intrafamiliales et
intergénérationnelles et dans le discours amer des jeunes tenus
contre les étrangers ayant acheté ces terres.
Pour Kana (2017), les conflits fonciers intrafamiliaux
à Sinfra seraient à la fois liés à une mauvaise
gestion des biens familiaux par l'héritier désigné des
terres et à un effet de vengeance foncière des autres membres de
la famille. Ainsi, l'auteur affirme que les héritiers
désignés des terres familiales dans la tribu Sian (RCI)
disposeraient de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent au quotidien
pour brader les terres familiales aux allochtones. De ce fait, les autres
membres de la famille qui se seraient sentis frustrés par ces ventes
illicites, braderaient à leur tour les portions restantes ou le cas
échéant, tenteraient par des moyens physiques et mystiques de
revendiquer leur part d'héritage foncier.
En outre, Oumarou (2008), dans une dynamique d'assimilation
des conflits de terre en un jeu de pouvoir et de légitimité,
pense que la multiplication des litiges et des conflits d'autorité
coutumière se ramène à un seul type de problème :
les différents jeux de pouvoirs et de légitimité qui
s'exercent sur le contrôle de l'espace.
Ainsi, tous les peuples disposeraient d'une série de
concepts pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de
leur organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes.
Le manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les
inégalités dans la répartition foncière familiale
et les revendications plurielles des jeunes génèrent des conflits
familiaux difficilement maîtrisables.
Dans cette même perspective, Ibo (2012) pense que le
non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids des
sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le
cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par les
jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans les
contrées ivoiriennes.
Pour Toh (2010), les conflits entre populations occultent
l'existence des conflits à visée revendicative et antagonique au
sein des structures lignagères, des populations autochtones dans des
zones forestières, marquées par d'autres cultures d'exportation.
Ces conflits sont parfois très meurtriers, comparativement à ceux
généralement observés ailleurs dans le monde, mettant en
péril l'équilibre social des communautés rurales.
Outre cet auteur, Bologo (2004), dans un décryptage des
relations intergénérationnelles et intrafamiliales dans l'Ouest
du Burkina Faso montre comment dans un contexte de pressionfoncière,
d'affaiblissement des institutions foncières traditionnelles, les
transferts intergénérationnels etintrafamiliaux connaissent des
mutations profondes. Ces mutations se matérialisent par la manipulation
des règles d'héritage, l'individualisation des droits d'usage des
terres familiales, etc. La gestion des terres familiales apparaîtcomme un
« lieu » de tensions, de conflits entre parents et enfants,
entre aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux
entraînent à leur tour assez souvent des conflits
intercommunautaires.
Pour Lavigne (2016), les conflits fonciers autour de
l'agriculture se cristallisent souvent autour des transferts de droits, soit
que les évolutions amènent la nouvelle génération
à remettre en cause les accords passés par leurs pères,
soit que des ventes soient contestées par des ayants droit familiaux qui
n'ont pas donné leur accord et s'estiment spoliés. Le contenu de
la cession (vente complète ou cession de droits d'usage) ambiguë
et les réinterprétations d'accords passés ou ventes de
terres familiales sans l'accord des ayants droits, sont sources
fréquentes de conflits au Mali.
Bobo(2012), dans une étude limitée aux familles
Autochtones gbâ (centre-ouest ivoirien), montre que les tensions
intrafamiliales autour de l'héritage peuvent se transformer en conflits
intercommunautaires. L'héritage des terres est devenu objet de
compétition et de disputes qui opposent en général des
frères et éclatent lorsque l'un des héritiers
(l'ainé), disposant du pouvoir de contrôler les terres
héritées, exclut ou dispose de façon jugée
inéquitable du revenu des terres héritées,
procédant ainsi à des cessions clandestines des biens
familiaux.
Parallèlement, Zougouri (2006) estime que les
interactions entre les migrants moose avec les autochtones Nuna du Burkina
Faso se développent dans une relation d'interdépendance entre
ces migrants et leurs tuteurs Nuna. Les uns ont besoin de terres de culture et
de paix, les autres, de soutiens socio-économiques et politiques.
Les litiges qui opposent les propriétaires fonciers
cédants aux exploitants résultent du non-respect ou des
interprétations divergentes des termes des contrats de partage mais
aussi et surtout des revendications de certains ayants droits installés
depuis des décennies en ville et qui retournent définitivement
au village en s'intéressant à l'agriculture et à la
gestion des terres familiales.
Dans même optique, Kouamé (2010) met en
évidence les rapports établis entre les métayeurs et les
tuteurs dans la région des agni-Sanwi à Aboisso. Ainsi,
l'auteur pense que dans un contexte marqué par la substitution
progressive de la culture du caféier et du cacaoyer au profit du
palmier à huile et surtout de l'hévéaculture, les
relations entre ces ruraux deviennent de plus en plus conflictuelles autour du
« planter-partager » définit dans la
plupart des contrats.
Ces conflits sont d'autant plus perceptibles au sein de la
famille, où apparaissent des dissensions portant sur des contrats de
métayage et cessions clandestins, sur la contestation de la
légitimité du droit des cédants, sur l'héritage et
sur la confiscation des plantations des défunts au détriment de
leurs descendants directs.
Chauveau, Colin, Jacob, Lavigne et Le Meur (2006) s'inscrivent
dans cette même orientation en mettant en avant la perception
transactionnelle qui est source majeure de conflits autour des
« ventes » de terre dans les contrées
Burkinabaises, Maliennes et Ivoiriennes. Ainsi, tandis que les
« acheteurs » allogènes espèrent en
une transaction définitive, les
« vendeurs » autochtones, évoquent
l'idée d'une transaction partielle puisque la vente des terres pour ces
autochtones est fonction de l'origine des allogènes, de leur date
d'arrivée et des liens qui existent entre eux et les tuteurs
autochtones.
En outre, selonBazaré (2013), la vente des terres en
pays Dida n'est pas le fait d'un choix du Dida, mais plutôt une
stratégie d'expropriation conçue et pratiquée par les
allogènes venus et bénéficiant de l'hospitalité de
ce peuple tuteur. On assiste dès lors, à des tentatives de
consolidation ou de maintien des parcelles par les uns ou les autres favorisant
ainsi, un climat conflictuel à Divo.
Kakule (2011) estime que dans les villages en R.D.C, le
processus de retour des déplacés internes et des
réfugiés dans la période post-conflit, favorise une
compétition très ardue sur la terre suivie d'une vague de
revendication des droits primaires ou secondaires entre autochtones et
allogènes. Cet enchainement de facteurs dans un cadre
d'insécurité foncière, génèrent des
conflits fonciers.
Dans cette dynamique des rixes intrafamiliales,
Soro et Colin (2008) proposent un
décryptage des relations relatives au contrôle et à la
gestion de la ressource foncière, au sein de groupes familiaux de
migrants Sénoufo installés en Basse-Côte. Pour ces auteurs,
l'individualisation des droits d'usage des terres familiales ne s'accompagne
pas d'une individualisation de leur appropriation, et comment l'accès
aux terres familiales doit être apprécié au regard des
opportunités d'accès à la terre à travers le
marché foncier locatif. Ainsi, cette individualisation recentrée
exclusivement sur l'individualisation des droits d'usage et non des droits de
propriété, regroupent tous les acteurs familiaux autour d'un
héritage foncier qui fait dans la plupart des cas, l'objet de joutes au
sein de le théâtre familial.
Pour Ibo (2006), les conflits de terre s'expliquent par
l'apparition des « jeunes» autochtones, des anciens fonts
pionniers de Côte d'Ivoire dans l'arène foncière,
procédant régulièrement à des retraits
systématiques des allogènes, des terres que leurs parents avaient
cédées aux étrangers dans les années 1990.
Ces « jeunes » justifient leurs actions
par le manque de terre qui les contraindrait à remettre en cause les
contrats passés entre leurs parents et les étrangers.
S'inscrivant dans la dynamique de leurs
prédécesseurs, Ouattara et Dakouri (2006) estiment
quel'éveil et l'affirmation de plus en plus prononcés de la fibre
identitaire régionaliste, « autochtoniste » voire
« ethniciste » des jeunes coïncident avec la remise en
cause des contrats fonciers d'antan, ainsi que la multiplication des conflits
fonciers dans la zone forestière, entre populations autochtones,
immigrants nationaux (allochtones) et immigrants non Ivoiriens
(étrangers).
Dans cette orientation, Gnabéli (2008) affirme que la
production de l'identité autochtone réside dans un repli
identitaire des dominants (autochtones), détenteurs des terres par
rapport aux dominés (allogènes), détenteurs de biens
pécuniaires en milieu rural et urbain ivoirien. Ainsi, dans plusieurs
villages du pays, on note le maintien de certains quartiers exclusivement
réservés aux autochtones, des expropriations sans motif explicite
provoquant de ce fait des frustrations de la communauté
allogène qui, manifestées dans le cadre foncier,
génèrent des litiges.
Pour Diop (2007), les problèmes fonciers ne sont
compréhensibles que dans leur analyse en rapport avec l'histoire. Ainsi,
il pense que l'explication de beaucoup de conflits fonciers actuels en
Guinée réside dans l'acharnement des dominants à retrouver
leur domination foncière perdue sous Sékou Touré et
à la maintenir. Les dominants d'aujourd'hui sont les conquérants
d'hier, qui essaient de s'approprier les terres productives (pour la culture de
pommes de terre, culture de rente) qu'ils avaient laissées autrefois
à ceux qu'ils avaient conquis.
Dans cette optique, Maldidier (2000) affirme que les conflits
sont réanimés par le regain de pression des villes sur les
campagnes, l'irruption sur le foncier de nouveaux acteurs économiques
(tourisme ou l'activité minière, ou même certaines
activités industrielles consommatrices d'espace) et des
déscolarisés aux appétits fonciers remarquables à
telle enseigne qu'ils friseraient les abords de certains massifs forestiers
protégés ou sur des sites particuliers sur le littoral au
Madagascar.
Selon Mumbere (2012), l'expérience en territoire de
Lubero en République Démocratique du Congo révèle
que la terre soulève toujours de sérieux problèmes
fonciers au sein des familles dus à la succession, au partage et
à la gestion de l'héritage foncier.
Dans une autre perspective, Bobo(2012) pense que les conflits
intrafamiliaux ne naissent pas de l'héritage en soi mais sont
plutôt provoqués par la manière dont les héritiers
gèrent l'héritage et des obligations familiales qui
découlent de la détention du bien collectif.
Pour Koné(2006), il y a une campagne médiatique
autour des conflits entre autochtones et non ivoiriens en Côte d'Ivoire,
mais la réalité quotidienne montre que les litiges ou conflits
sont autant sinon plus importants entre ivoiriens membres d'une même
famille autochtone, entre générations d'une même famille
autochtone et entre générations de familles différentes.
Les conflits intercommunautaires ne sont que le reflet des tensions
intrafamiliales, de la coexistence de générations
différentes dans une même famille avec confrontations
d'intérêts (jeunes/vieux), de la transmission entre
générations (héritage) et de la constitution d'un esprit
différent communiqué par la classe des jeunes.
Outre cet auteur, Coulibaly (2015), dans l'analyse du
système matrilinéaire en rapport avec les conflits fonciers dans
la région de Sanwi, estime que l'institution matrilinéaire,
pierre angulaire de la sociabilité Agni semble se présenter comme
une niche de conflictualité majeure, au coeur de la définition
sociale du droit d'appropriation foncière. Rendue déclinante
devant des impératifs de la pression démographique au sein de la
famille, l'institution matrilinéaire cherche encore l'alchimie qui
garantit à la fois, l'égalité d'accès pour les
descendants en ligne utérine et à la ressource foncière
familiale. Dans la relation des acteurs familiaux à ce système,
on note une propension croissante des héritiers directs à des
attitudes d'évitement ou de contournement au détriment de la
sollicitation du droit positif en tant que référent de
contestation à la conquête des droits fonciers.
Pour Tano (2012), la récession cacaoyère qui a
débuté en 1980, a bouleversé les rapports de travail et de
production des populations agricoles du sud-ouest. Cette évolution qui a
consacré un modèle de subsistance, a mis à mal la
cohésion sociale familiale et inter-ethnique à travers les
conflits intra-lignagers qu'elle a engendrés. Face à cette
situation, l'auteur pense que les producteurs ne se sont pas seulement
contentés de trouver des moyens de résolution de ces conflits
fonciers, mais au-delà, ils ont innové des mesures
préventives.
Ces auteurs, bien qu'exposant sur les conflits intrafamiliaux,
négligent l'aspect de la discrimination foncière des femmes au
sein de l'arène familiale ou communautaire. Toute chose qui a
constitué le fondement des travaux de certains auteurs dont Doka et
Monimart (2004), qui estiment que la misogynie foncière s'explique en
amont par le rôle ménager attribué à la femme dans
l'arène familiale et villageoise et en aval par la
nécessité de réajuster ou de rechercher un
équilibre social entre la ressource foncière et les
bénéficiaires potentiels.
Pour Fatiha (2011), au Maroc, les droits fonciers des femmes
se heurtent à deux problématiques majeures : la complexité
du système foncier lui-même et le caractère
inégalitaire de leur accès. Le système foncier marocain
obéit à deux régimes : un régime traditionnel
régi par les principes de droit musulman et les coutumes, et un
régime moderne d'immatriculation foncière introduit par le
protectorat français en 1912. Dans ce contexte, l'accès des
femmes aux droits fonciers, se heurte à leur précarité
financière et au problème du partage des biens acquis pendant le
mariage et lors de sa dissolution. Ce partage n'obéit pas à des
règles précises et laisse au juge, une marge
d'interprétation avec ce que cela suppose comme part de
subjectivité.
Toujours dans cette dynamique d'exclusion foncière de
la femme, quelques auteurs évoquent les stéréotypes dont
sont victimes certaines minorités sociales. Ainsi, selon Tsongo et
Kitakya (2006), les pratiques foncières se diversifient et se
transforment sous l'effet des changements démographiques, sociaux,
politiques et législatifs. Les acteurs du foncier sont en même
temps dans le système coutumier (qui est lui-même mouvant), dans
le système moderne (ensemble des lois foncières) et dans le
changement lui-même. Et c'est cette volonté des acteurs ruraux de
se conformer aux exigences de la coutume au détriment des textes
légaux, qui crée ce stéréotype
matérialisé au moyen d'une exclusion foncière
féministe sur l'échiquier foncier.
Outre cet auteur, Nakabanda (2017) évoque une
présence trop affirmée de la coutume dans le processus
d'attribution et d'acquisition de la terre dans le terroir africain. Ainsi,
l'auteur affirme qu'étant donné que la coutume n'autorise pas la
femme à hériter des biens de son père ou de son mari, elle
acquiert la terre par l'intermédiaire de ces enfants, de l'époux,
ou d'une tierce personne, nonobstant la présence d'une diversité
de normes à caractère international et national au Congo.
Dans ce registre, Faye (2008) pense qu'au
Sénégal, bien que les lois promeuvent un égal accès
à la terre pour tous les citoyens, la question du contrôle de la
terre par les femmes se pose encore avec acuité. En effet, pour
l'auteur, si la Constitution du 22 janvier 2001 stipule que
« l'homme et la femme ont le droit d'accéder à la
possession et à la propriété de la terre dans les
conditions déterminées par la loi », la
réalité parait tout autre et s'explique par le rôle
culturel de la femme qui s'inscrit dans une perspective ménagère.
Dès lors, l'auteur pense qu'en raison de cette misogynie
foncière, des stratégies alternatives sont
développées par ces dernières, le plus souvent avec
l'appui des projets et programmes de développement ou de la
société civile pour un accès plus conséquent au
foncier.
Par ailleurs, Berriane (2016) affirme qu'au Maroc,
après des vagues de revendications foncières des femmes, elles
semblent par circulaire ministérielle, avoir été
intégrées dans le processus d'attribution des terres aux
ayants-droits. Mais dans la pratique, l'auteur mentionne que cette
appropriation foncière reste illusoire et les mesures d'accompagnements
de cette décision, paraissent ne pas avoir été en amont,
planifiées.
Outre cet auteur, Ouédraogo (2009) pense que la prise
en compte de femme dans le processus d'attribution des terres en milieu rural,
ne réside ni dans l'application des textes règlementaires, encore
moins de la coutume, mais dans une vision centriste et même politique qui
assemblerait à la fois des éléments du droit et de la
coutume dans une dynamique complémentaire.
Toutefois, bien que ces écrits aient le mérite
de nous introduire dans la sphère familiale pour révéler
les facteurs explicatifs inhérents à la gestion
inégalitaire voir partiale des biens familiaux, force serait de
constater que ces écrits se focalisent sur les conflits fonciers et non
sur leur gestion. D'autres contributeurs en ont fait l'objet de leurs
investigations.
3.1.2.4. Travaux centrés sur la gestion
des conflits fonciers
Dans ces travaux, les auteurs portent un regard accusateur sur
l'Etat à travers le rôle, la responsabilité de ses
élus locaux dans la gestion des conflits fonciers. De façon
précise, ils pensent que l'inefficacité des systèmes
étatiques d'administration foncière, les manquements aux
principes de bonne gouvernance foncière, la partialité des
dirigeants, le désengagement de l'Etat, l'implication négative et
intéressée de certaines autorités administratives et
politiques et la pluralité d'acteurs agissants en matière
foncière, catalysent les conflits fonciers.
Ainsi, selon le Rapport Afrique n°213 du 12
février 2014, le Burundi est confronté à des
problèmes fonciers. Au lieu d'une réforme profonde des
systèmes de gestion foncière, les autorités se sont
penchées sur une simple révision du code foncier. Or, en
l'absence d'un véritable changement dans la gouvernance foncière,
les populations sont cristallisés sur le sentiment de spoliation,
rendant plus probable l'éclatement de conflits. Cette loi
révisée, paraît donc inadaptée aux
réalités rurales burundaises et s'ajoute à la mauvaise
gestion des acteurs de régulation foncière pour
générer des tensions sociales ainsi qu'un taux de malnutrition
proche de 75 pour cent.
Relativement à ce rapport, Babo (2006) estime qu'en
Côte d'Ivoire, les conflits fonciers comme celui de Tabou apparaissent
comme les prolongements de la gestion par l'État des clivages
intercommunautaires autour de la terre. L'instrumentalisation dans la gestion
de ce type de conflit, dans un environnement politique
«exclusionniste » fondé sur l'idéologie de l'
«ivoirité » dans un contexte de crise
économique et sociale, a plongé le pays dans la guerre en
2002.
Pour Bonnecase (2001), la politique volontariste de mise en
valeur des espaces est manipulée par les acteurs ruraux (migrants et
autochtones) qui s'organisent politiquement en tant que groupes porteurs
d'intérêts différents et qui, de fait, constituent des
populations cloisonnées, du point de vue démographique, social et
spatial.
Le développement d'une vie politique posée sur
des bases largement régionalistes amplifie l'antagonisme entre migrants
et autochtones, les uns et les autres ralliant des partis politiques
différents. Cette politisation des antagonismes a accentué les
rivalités entre ces communautés autochtones et allogènes
qui ne se mélangent guère.
Pour Koetschet et Grosclaude (2008),
dans de nombreux Etats africains, la question foncière
contemporaine s'enracine dans les legs de la période coloniale et les
politiques foncières mises en oeuvre après les
indépendances (qui ont souvent vu se pérenniser les
décalages entre la réglementation foncière et les
«pratiques administratives » ou « informelles
» de l'État). Ces pratiques limitent les capacités
d'interventions de la puissance publique en matière foncière,
provoquant ainsi une quasi-inaction de celle-ci dans la gestion, source
d'insécurité foncière dans un monde
globalisé.
Dans le contexte social Burkinabé, Ouédraogo
(2006) pense que le droit foncier « moderne »,
hérité de l'administration coloniale n'a jamais été
appliqué dans les pays développés qui l'ont introduit en
Afrique. Ce droit est resté comme
« étranger » aux yeux des populations
rurales africaines, et sans lien véritable avec les perceptions
culturelles et rapports sociaux relatifs à la terre. Les titres de
propriété se sont révélés par ailleurs
inaccessibles pour la quasi-totalité des exploitants agricoles. On
assiste par conséquent à un dualisme juridique de fait (droit
coutumier et moderne) au-delà duquel apparaissent l'inefficacité
des systèmes étatiques d'administration foncière et les
manquements des autorités aux principes de bonne gouvernance
foncière, sources de litiges fonciers.
Outre cet auteur, Lavigne (2002) met en évidence les
petits contrats élaborés par les ruraux sous le regard coupable
des autorités administratives. Les urbains qui achètent des
terres veulent sécuriser leur achat et les autochtones en quête
d'argent préfèrent garder un flou sur le contenu effectif des
transactions foncières sous le regard inactif des administrateurs. Pour
lui, l'échec de la gestion des litiges fonciers seraient lié au
jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la
prétention du monopole étatique sur la terre en créant un
espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais
concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils
investissent de façon opportuniste. Mais dans ce jeu, tous les acteurs
ruraux (autochtones, allogènes) ne sont pas égaux. Ceux qui
peuvent mobiliser ces réseaux à leur profit et ceux qui peuvent
utiliser à leur avantage une législation complexe et peu
connue.
Dans cette même optique, Dire, Keita et Togo (2008)
pensent que les divergences foncières seraient liées à une
complicité des propriétaires terriens et desautorités
communales de Bancoumana. Ces autorités sembleraient se complaire dans
une expectative, se laissant porter au gré des humeurs des
propriétaires de terre et du conseil de village qui vendent les
parcelles et engagent des procédures d'expropriation foncière des
acheteurs qui sont pour la plupart des allogènes.
De plus, dans une analyse conjointe des situations
foncières du Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Mali,
Chauveau, Colin, Jacob Lavigne Le Meur (2006) estiment que les
problèmes fonciers émergent ou réapparaissent en raison
contexte socio-foncier marqué par l'ajustement structurel et le
désengagement de l'Etat à faire face aux difficultés.
Cette démission de l'Etat se manifeste par des contradictions des
politiques publiques et des défaillances des systèmes
d'arbitrages sur les conflits.
Relativement, Kana (2014) s'est inscrit dans cette logique
d'indexation des agents de l'Etat comme ayant une responsabilité
évidente dans le rebondissement après gestion des conflits
à Sinfra. Pour lui, la pluralité d'intervenants, la
partialité des autorités, la priorisation des affinités
dans la résolution des questions foncières, se sont
corrélés à une passivité corruptive
généralisée dans le système administratif
constituant de ce fait des combustibles à l'éclatement de
nouveaux conflits fonciers à Sinfra.
Pour Dicko (2007), les conflits liés aux ressources
naturelles au Mali, ne peuvent être compris s'ils sont réduits
à des phénomènes locaux, isolés et ethniques. La
multiplicité des instances de recours en matière de
résolution des conflits, la lenteur et la lourdeur
administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de
l'Etat, ainsi que la corruption des agents des relations sociales seraient les
causes de l'exacerbation des conflits et de l'échec en matière de
gestion.
Aussi, dans l'ouest du Burkina Faso,Bologo (2004) pense que la
multiplication des conflits qui est un indicateur de la dégradation des
relations entre acteurs, témoignerait de l'incapacité des
autorités coutumières et de l'administration locale à
réguler les modes d'accès à la terre. Ces conflits
seraient de ce fait, révélateurs d'une crise latente mais
profonde.
Aussi, les nouvelles générations d'autochtones
auraient-elles de plus en plus de mal à accéder aux terres
familiales et lignagères parce qu'elles auraient été
affectées par leurs parents à des migrants selon un processus
d'acquisition politique.
Toujours dans l'ouest du Burkina Faso,Zongo (2009) montre que
les conflits fonciers sont révélateurs des dynamismes sociales en
cours et traduisent également des capacités sociales locales
à s'approprier les éléments d'un environnement
sociopolitique et économique en pleine mutation.
Encore ajoute-t-il que les conflits fonciers expriment une
absence d'instances légitimes et légales qui renvoient
elles-mêmes aux difficultés qu'éprouve l'Etat à
faire accepter ses lois (insatisfaisants et provisoires) après avoir
disqualifié et contribué à fragiliser celles qui
préexistaient.
Outre cet auteur, Keita (2012) révèle que le
marché foncier bamakois est caractérisé par une
opacité totale avec l'intervention d'une multitude d'acteurs agissant
chacun en fonction de ses moyens financiers, de l'efficacité de son
réseau social ou de son statut social. Le retrait de l'Etat comme
instance suprême de régulation à la suite de la
réforme de la décentralisation, réclamé par la
Banque Mondiale et d'autresbailleurs de fonds, a laissé le champ libre
aux logiques marchandes, affairistes et à des formes de
régulation clientélistes, sources de litiges.
Par ailleurs, De Beauvais (1991) affirme que dans la
région de l'Assaba, située dans le sud-est mauritanien, les
conflits surgissent et rebondissent vu que le contrôle de la terre est
subordonné d'une part à l'appartenance tribale et, d'autre part,
à l'insertion statutaire et hiérarchique de chaque individu et de
chaque collectivité socio-politique.
Relativement, All-Yom et Madji (2012) pensent que le Tchad
connait depuis les deux dernières décennies une recrudescence des
conflits agriculteurs et éleveurs, souvent meurtriers. Les
mécanismes mis en place pour le règlement de ces conflits sont
inefficaces, du fait du manque de volonté politique et de l'implication
négative et intéressée de certaines autorités, des
responsables politiques et militaires, laissant libre cours à des
rebondissements momentanés de ces litiges.
Kaboré (2009), dans une analyse des interactions entre
acteurs des villages du Bam et du Yatenga (Burkina Faso) montre que les
aménagements, en tant que marqueurs de contrôle foncier, sont
instrumentalisés par des acteurs détenant une position
privilégiée dans le champ social et politique local à des
fins d'acquisition de droits fonciers. Ainsi, les décisions y sont
fréquemment contestées, favorisant la recrudescence des
conflits.
Toujours, dans la perspective institutionnaliste, Leonard,
Chauveau et Lavigne (2012) révèlent que l'absence d'institutions
fortes capables d'assurer le respect des règles d'exploitation des
ressources naturelles, l'affaiblissement du contrôle de l'accès
ont abouti à des conflits, à un accès libre de fait et
à une surexploitation foncière dommageable à la
durabilité environnementale. Dans cette logique, chaque groupe d'acteurs
cherche à contrôler l'action des autres en créant des
dispositifs institutionnels et organisationnels fictifs à même
d'imposer son pouvoir.
Selon Mathieu, Matabaro et Tsongo (1994), les conflits au
Congo s'expliquent par le fait quela gestion foncière a
été à la fois un lieu d'enrichissement pour ceux qui
contrôlaient la terre et une cause d'inquiétude pour ceux qui ne
la contrôlaient pas, c'est-à-dire pour les paysans craignant
d'être exclus ou minorisés dans le jeu du pouvoir politique.De ce
fait, l'Etat n'arbitrait pas réellement la compétition
foncière car il n'avait ni la force, ni la légitimité, ni
la volonté, ni les ressources humaines et techniques pour le faire.
Aussi, le marché foncier était-il officiellement absent, mais en
fait, présent ou émergent sous une forme largement occulte,
imparfaite, opaque et tributaire du politique, à travers les
mécanismes de corruption et les relations clientélistes.
Dans un autre regard, Kakai (2014) impute la survenance des
conflits au Bénin à la corruption foncière des
élites urbaines, des courtiers politiques et des acteurs de
l'arène politico-administrative Béninoise. En effet, il n'y
aurait selon l'auteur, presque pas de régime politique sans scandales
de corruption, sans pillage de l'économie en général et
de l'économie agraire en particulier. Cette corruption foncière
serait bien organisée dans les arcanes du pouvoir aussi bien au niveau
local, intermédiaire que central dans une dynamique
séquentielle.
Pour Lavigne (2002), la plupart des litiges surviendraient de
la confusion des termes « coutumiers » et « moderne
» qui sont déjà très ambigus, et plus encore
les raisonnements en termes d'opposition entre « coutume »
et « modernité ». Les populations africaines en
général et celles du monde rural en particulier, tendent
à qualifier de « droit moderne » tout ce qui
relève du droit étatique écrit, même lorsque les
procédures qu'il contient, sont toutes issues du droit colonial. D'autre
part, la coexistence des normes « coutumières » et
« étatiques » dure depuis plusieurs décennies
et l'interprétation lacunaire des acteurs aussi, créent de ce
fait, des zones de confusion textuelles là où il y en a pas et
des zones de clarté là où la confusion est patente.
Dans cette dynamique, Amalaman (2015) pense que le divorce
entre légalité, légitimité et pratiques, qui
maintient une large part de la population dans une situation
d'extra-légalité s'est conjugué à l'exclusion
foncière des non nationaux réinterprétée en des
termes de xénophobie pour attiser les conflits dans la plupart des
contrées rurales de la Côte d'Ivoire.
Pour Desdoigts et Kouassi (2012), en dépit des
nombreuses lois promulguées, depuis l'État colonial en 1935
jusqu'à l'État indépendant en 1998, le droit coutumier ne
bénéficie plus d'aucune protection juridique et sa gestion
collective et informelle du foncier rural, fait de la résistance. En
2009, 98% des transactions foncières s'effectuent toujours dans le cadre
de la coutume et constituent pour beaucoup d'entre elles, des ventes
inachevées et inhibitrices de conflits violents.
Pour Maldidier (2000), l'insécurité
foncière au Madagascar s'explique par l'impossible aménagement de
l'espace rural et urbain, l'intensification agricole, l'aménagement, la
gestion problématique des terroirs, la pénalisation des
ressources naturelles et le manque de garanties foncières pour les
exploitants.
Dans ce même paradigme, Djiré et Dicko (2007)
mentionne que les conflits fonciers dans les contrées maliennes,
s'expliquent en amont par le handicap lié au formalisme et la lourdeur
des procédures administratives, prophylactique à des
rebondissements passagers de conflits latents et en aval, par le
développement des transactions marchandes, préjudiciables aux
groupes vulnérables.
Pour Chouquer (2011), la compréhension de la
responsabilité de l'Etat dans la genèse des litiges fonciers au
Madagascar, prend sa source depuis l'indépendance et ses lois
inadaptées au contexte évolutif local. Pour l'auteur, depuis les
indépendances, les états n'ont, en général, pas
modifié la législation sur la terre mais ont, en revanche,
cherché à maîtriser le foncier à la fois pour
s'assurer une bonne gestion, le contrôle et la redistribution des
pouvoirs dans un contexte social où ces lois se sont
révélées impraticables. Dès lors, depuis les
années 1980, des évolutions radicales se seraient produites au
point de replacer des questions foncières au rang des questions
particulièrement sensibles au Madagascar.
Par ailleurs, Kinanga (2012) révèle que
dans les contrées congolaises et plus précisément dans le
territoire de Lubero, la loi foncière parait comme étrange,
inadaptée aux moeurs et basée sur des règles
difficilement compréhensibles pour ces populations locales. Elles se
sentiraient peu concernées par cette loi et agiraient selon leur coutume
sous le regard passif des instances régaliennes
résignées.
Pour Vircoulon et Liégeois (2012), depuis des
décennies, les agents fonciers au Congo sont trop peu nombreux, trop peu
formés, dépourvus de moyens matériels et logistiques et de
surcroît, corrompus. Ces défaillances ont permis à
certaines élites plus aisées et mieux éduquées,
d'enregistrer massivement des terres en leur nom tandis que des groupes plus
démunis, ignorant la loi et dans l'impossibilité de payer les
frais d'enregistrement et les agents corrompus, continuent d'occuper leurs
terres de façon coutumière.
Dans un autre regard, Ferrari et Tshimbalanga (2015) pensent
que la faible représentation de l'Etat, surtout dans l'administration
foncière, l'appât du gain, la faible protection des droits
fonciers, l' attribution des concessions par l'Etat sans enquête
préalable de vacance de terre, la facilité de corrompre
l'administration foncière pour avoir de faux documents (ou de «
vrais documents » obtenus sans respect de la procédure et
avec contrepartie financière), l'usurpation de pouvoir par les
entités et autorités politico-administratives (délivrance
de titres de propriété par les services n'en ayant pas la
compétence) sont les principales causes des conflits fonciers au
Congo.
Pour Chauveau (2000), les conflits fonciers
intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales
ivoiriennes, prennent leurs sources de la polémique sur
l'« ivoirité » et de l'idéologie
incontestablement xénophobe véhiculée par le pouvoir en
place. Outre ce fait, l'auteur note que la presse d'opposition a
établi une nette distinction entre la manière dont les cas de
violences foncières étaient traités
« timidement » lorsque les violences engageaient
des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord et avec fermeté
lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires du Centre. C'est donc
cette conjugaison de facteurs aux responsabilités administratives
situées, que les nordistes et des non-ivoiriens se sont engagés
dans une campagne de consolidation foncière, fondement de la plupart
des conflits fonciers en Côte d'Ivoire.
Dans cette même dynamique, Koffi (2010) pense que les
cours et tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers,
trahissant la faible efficacité du système judiciaire. À
cela, il faut ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des
coûts élevés des procédures, des lenteurs
administratives et de la faible couverture judiciaire du territoire national.Le
système judiciaire en principe chargé de régler les
conflits fonciers se révèle incapable de trouver des solutions
efficaces dans le contexte caractéristique des pays africains, où
des législations nationales et des coutumes se côtoient.
Dans un schéma géographique différent,
Bourgeois (2009) soutient que le village est le point de départ de
la majorité des conflits qui touchent de près ou de loin la
propriété de la terre. Etant donné que les terres rurales
sont toutes sous la propriété d'un chef coutumier, on peut tout
d'abord affirmer que les conflits sont particuliers et qu'ils ne se
règlent pas toujours selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des
Provinces. L'échelle du village est pour autant un angle d'analyse qui
semble restreint.
Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010),
gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines
qualités indispensables à cette fonction d'acteur de
gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes
qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits
fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation,
durabilité, patience), être capable de stimuler une
réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de
résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour
renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion
des conflits fonciers.
Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les
procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent
sur des solutions définitives malgré la compétence
relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette
situation semblent être liées aux stratégies mises en
oeuvre par les différents acteurs lors des procédures.
Pour Matiru (2001), la gestion des ressources foncières
prend exclusivement en compte la prévention, la négociation, la
médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou
l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le
processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et
de nouveaux conflits.
3.2. Critique des travaux et présentation de
notre posture scientifique
Nombreux sont les auteurs qui se sont investis dans la
compréhension des conflits fonciers et de leurs mécanismes de
gestion. Ainsi, tandis que certains s'inscrivent dans une dynamique
essentiellement interne aux acteurs, d'autres se focalisent sur une approche
exclusivement externe aux acteurs sociaux.
Dans la première approche explicative (facteurs
internes), les auteurs mettent l'emphase sur l'inefficacité des
systèmes étatiques d'administration foncière, les
manquements aux principes de bonne gouvernance foncière, la
partialité des dirigeants, le désengagement de l'Etat, la
stigmatisation des acteurs de gestion, les méthodes de gestion
inadaptéeset l'implication négative, intéressée et
clientéliste de certaines autorités administratives et politiques
comme catalyseurs de l'échec en matière de gestion des conflits
fonciers.
Dans la seconde approche (facteurs externes), les auteurs
s'intéressent auvide juridique en matière de résolution
des conflits fonciers, à l'impact de la crise politique ivoirienne sur
le tissu rural, à la difficile cohabitation entre normes modernes et
culturelles, aux pesanteurs culturelles et au manque de volonté
politique comme facteurs explicatifs de l'échec des conflits
fonciers.
Cette thèse s'inscrit dans une dynamique globalisante,
c'est-à-dire considérant ces deux tentatives d'explication comme
mutuellement inclusives pour rendre compte de l'échec de la gestion des
conflits fonciers à Sinfra.
Ce serait doncen recadrant notre sujet sous l'angle de la
prise en compte de l'ensemble des facteurs agissants que nous pourrions donner
un sens original à cette étude.
IV. Problème et Questions de
recherche
Les conflits fonciers et leurs mécanismes de gestion
posent d'énormes difficultés dans le tissu social de Sinfra et
constituent à la fois un enjeu socio-économique,
sécuritaire et culturel pour le département. Cette dynamique se
trouve résumée dans la question suivante : Comment
redynamiser le fonctionnement des mécanismes de régulation
foncière pour éviter les effets de résurgence
conflictuelle à Sinfra ? C'est à cette tâche que la
présente souhaite se consacrer.
En effet, dans notre zone d'étude, une enquête
que nous avons effectuée pendant six mois (de Mai 2015 à Juillet
2015 puis d' Octobre 2017 à Décembre 2017) nous a permis
d'observer de nombreux conflits fonciers internes aux familles
(djahanénin-péhinénin en 2002 et 2010, digliblanfla en
2013), aux communautés sédentaires (sian et nordistes de Sinfra
en 2010 et 2011) et des récupérations politiques de cette crise
foncière qui s'en ont suivi pendant et après les violences
post-électorales de 2010. Ces violences foncières qui ont pour la
plupart, émergé de conflits latents (petits crises en
communautés sédentaires, rebondissement de joutes
foncières ayant connu de séances de gestion coutumières
et/ou pénales), ont débouché sur des affrontements
sanglants entre autochtones et allochtones avec la destruction incendiaire de
quelques villages autochtones (Koblata et Proniani en 2011).
Il s'agit là, des conflits déclarés aux
instances de régulation foncière. Mais au-delà, le chef
des différentes tribus du département de Sinfra dit recevoir en
moyenne deux (02) cas de conflit chaque semaine, soit environ cent - quatre
(104) cas de conflits fonciers chaque année (depuis 2009). Outre ce
fait, de nombreux villages du département sont aussi le
théâtre de litiges fonciers : Degbesséré (03
cas de litiges avec rixe en 2017), Manoufla (02 cas avec blessure à la
machette en 2016), Blontifla (05 cas avec dépôt de canaris
à proximité des champs en 2017), Tricata (01 cas avec bagarre
dans un champ de cacao en 2015), Paabénéfla (04 cas avec menaces
de mort et incendie de plantations en 2013), Kayéta (02 cas avec
blessures à la daba et du bois de chauffe en 2016) pour ne citer que
ceux-là.
Ces quelques faits qui témoignent de la
fréquence des conflits fonciers dans la localité
étudiée, se greffent à des conséquences à la
fois internes et externes aux consciences villageoises. Au niveau des
conséquences internes, il faut noter l'atmosphère d'incertitude
sociale qui pousse certains villageois (acteurs de conflits) à mener
les activités champêtres en nombre important pour éviter
des cas d'attaques sectorielles. A cette donne, s'ajoute le sentiment
d'insécurité généralisé qui contraint
quelques agriculteurs à rester dans leurs domiciles en laissant leurs
plantations sans entretien.
Au niveau des conséquences externes, on note une baisse
de la production des cultures d'exportation en raison de la position
géographique de Sinfra (zone à prédominance
cacaoyère, caféière et anacardière).
Devant ces tensions foncières qui jusque-là
perdurent, l'Etat n'est pas resté inactif et a engagé des actions
concrètes dans le terroir local. Au titre de ces actions, notons la
mise en place des Comités Villageois de Gestion Foncière Rurale
instaurés dans les quarante-quatre (44) villages du département
de Sinfra,l'édiction de dispositions règlementaires (Loi
n°98-750 du 18 Décembre 1998, promulguée le 23
Décembre1998 au Journal Officiel de la République et
amendée en son article 26 par la loi n°2004-412 du 14 Août
2004 et ses décrets d'application), l'établissement de
cent-quatre (104) certificat fonciers dans le département, soit environ
2% des terres locales cadastrées (selon la direction du cadastre de
Sinfra, Février, 2016).
Au-delà de ces actions, mentionnons l'instauration
d'une collégialité professionnelle et une fluidité
communicationnelle entre les différentes entités chargées
de gérer les litiges fonciers (autorités traditionnelles,
administratives, judiciaires et les unités décentralisées
des ministères de l'agriculture et de la construction) et la
réunion des éléments concrets du projet de création
de l'Agence de gestion Foncière Rurale (AFOR).
Dans ce contexte social prophylactique à la gestion des
rixes inter-rurales à Sinfra, les représentants locaux de l'Etat
qui avaient désormais une portée plus active, en ont
profité pour actionner des leviers de résolution des conflits
stagnants. La plupart de ces interventions, à défaut de prendre
des positions figées visant l'expropriation de certaines
catégories sociales, s'érigeaient dans le cadre des
transactions amiables laissant ainsi libre cours à des frustrations
passagères, des plaintes fréquentes, des tentatives de corruption
dans un contexte déjà alimenté par la crise de 2010 et ses
récupérations politico-foncières.
Relativement à ces actions de règlement
« médianes », certains y saluaient des
décisions de justice impartiales parce qu'y trouvant leur compte tandis
que d'autres réfutaient autant que possible ces décisions
jugées insatisfaisantes. Dès lors, l'on a assisté à
une forme de clanisme entre communautés sédentaires et des
tentatives de remise en cause des décisions de justice (traditionnelle,
administrative ou pénale) manifestée au moyen de rixes pour la
consolidation exclusive de droits de propriété sur la plupart des
terres litigieuses.
A l'analyse, il ressort que ces tentatives de règlement
bien que prometteuses, n'ont pas eu d'écho favorable auprès de la
population dans toute la contrée. Bien au contraire, elles ont
constitué des combustibles à un repli identitaire de certaines
catégories sociales à l'égard d'autres et à un
métamorphisme des interactions entre ruraux, prophylactique à des
regains de violences foncières.
Devant l'ampleur de ces litiges fonciers qui se manifestent
certes dans le département mais également des d'autres
régions ivoiriennes et sous-régionales, la communauté
scientifique n'est pas restée inactive. De nombreux chercheurs se sont
investis dans la recherche des facteurs explicatifs et par ricochet, des voies
de résolution. Trois approches explicatives ressortent de ces
recherches : l'approche centrée sur la saturation foncière
et les tentatives d'appropriation foncière (Alkassoum (2006 ;
Tallet et Paré, 1999 ; Merabet, 2006 et Bonnecase, 2001),
l'approche centrée sur le positionnement des jeunes pionniers dans le
théâtre foncier familial en dépit des principes culturels
(Kodjo, 2013 ; Ibo, 2012 ; Agnissan, 2012 et Coulibaly, 2015) et
l'approche centrée sur le jeu trouble des acteurs institutionnels
(Chauveau, 2000 ; Lavigne, 2002 ; Kéita, 2012 et Dicko, 2007).
Notre démarche explicative inclut ces trois approches
abordées dans la littérature. Pour nous, l'inclusion de ces trois
dynamiques dans la sphère explicative, permet de comprendre dans sa
totalité, la question du rebondissement des conflits fonciers
après des séances de gestion (à Sinfra).
L'approche théorique qui sous-tend une telle
réalité sociale, est la théorie constructiviste (Delcourt,
1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972). En effet, cette théorie
postule que pour comprendre un phénomène social donné, il
faut recourir à des facteurs à la fois internes et externes aux
consciences individuelles. Autrement, cette théorie recherche la
réunion de facteurs endogènes et exogènes dans la
compréhension d'un phénomène social donné.
Dans notre cas d'espèce, il est à noter que dans
le terroir local ivoirien, en raison du culte rendu à la terre
(prescriptions et interdictions), est accompagnée d'un certain nombre de
rites agraires.Tout paysan est ou doit être conscient que la terre ne
peut être consolidée, défrichée, labourée
sans l'accomplissement préalable de pratiques propitiatoires
susceptibles de lui assurer l'agrément des génies des lieux et
esprits des ancêtres (Agnissan, 1997). La terre à Sinfra a donc
des attributs sacrés et c'est à travers le non-respect des
règles informelles de cette coutume(facteurs endogènes) d'une
part et d'autre part par des implications collatérales (facteurs
exogènes) au détriment de cette boussole ancestrale que l'on
pourrait véritablement comprendre la genèse des obstacles
liés à la gestion des conflits fonciers. Tenter donc de
repositionner théoriquement ce sujet reviendrait à
considérer la structure agraire et les mécanismes de gestion des
conflits fonciers comme un système guidée par une norme
sacrée dans lequel interagissent des difficultés. Ces
difficultés à la fois internes et externes éclairent
l'explication des conflits fonciers naissant des procédures de gestion.
Toutefois,il faut remarquer qu'en dépit des textes
juridiques (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et ses mesures
d'accompagnement), des institutions régaliennes en charge du traitement
des questions foncières, des Comités Villageois de Gestion
Foncières Rurales, des conflits fonciers à Sinfra naissent et
s'intensifient.Par conséquent, il parait important dans le cadre de la
compréhension de ce sujet, d'identifier en amont les obstacles internes
et externes à la gestion des conflits fonciers à Sinfra puis en
aval, de rechercher les facteurs explicatifs de ces obstacles.
C'est l'occasion ici de rappeler qu'un tel
phénomène social (conflits fonciers) intéresse le champ
social de la criminologie qui cherche à élucider le
phénomène criminel quel que soit l'angle sous lequel il se
présente.
Question principale
Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre autochtones et
allochtones échoue-t-elle dans le département de Sinfra ?
Questions secondaires
Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion
des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs internes
aux acteurs sociauxdans le département de Sinfra ?
Existe-t-il une relation entre l'échec de la gestion
des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs externes
aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?
V. Objectifs- Thèse et
Hypothèses
5.1 Objectifs
5. 1.1. Objectif général
Cette étude vise à rechercher les facteurs
explicatifs de l'échec de la gestion des conflits fonciers entre
autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.
5.1.2. Objectifs
spécifiques
Ø Rechercher la relation entre échec de la
gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs sociaux dans le
département de Sinfra.
Ø Rechercher la relation entre échec de la
gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le
département de Sinfra.
5.2. Thèse
Les conflits fonciers observés à Sinfra sont
complexes et leur gestion échoue à cause des facteurs internes
et des facteurs externes aux acteurs sociaux. La réponse à la
régulation de ce phénomène réside dans la
formulation d'actions qui s'articulent autour de ces facteurs internes et
externes aux acteurs.
5.3. Hypothèses
5.3.1. Hypothèse
générale
L'échec de la gestion des conflits fonciers dans le
département de Sinfra s'expliquent par desfacteurs internes et des
facteurs externes aux acteurs sociaux.
5.3.2. Hypothèses
spécifiques
H1. L'échec de la gestion desconflits
fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs internes aux acteurs
sociaux.
H2.L'échec de la gestion des conflits
fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs externes aux acteurs
sociaux.
5.3.3. Construction du cadre
opératoire
5.3.3.1. Identification des variables
3.3.1.1. Variable dépendante
La variable dépendante et ses indicateurs peuvent
être récapitulés dans le tableau ci-dessous :
TABLEAU1 : Récapitulatif de la
variable dépendante et de ses indicateurs
VARIABLE
|
CRITERES
|
Echec de la gestion des conflits fonciers
|
Facteurs internes aux acteurs sociaux
|
Facteurs internes aux acteurs sociaux
|
Source : Terrain
5.3.3.1.2. Variables indépendantes
5.3.3.1.2.1. Variables de la première
hypothèse
Variable dépendante : Echec de
la gestion des conflits fonciers.
Variable indépendante : Facteurs
internes aux acteurs sociaux.
5. 3.3.1. 2.2. Variables de la deuxième
hypothèse
Variable dépendante : Echec de la gestion des
conflits fonciers.
Variable indépendante : Facteurs externes aux
acteurs sociaux.
5.3.3.2. Précision des indicateurs des
variables indépendantes
Les variables indépendantes et leurs indicateurs
peuvent être consignés dans le tableau ci-dessous :
TABLEAU 2 : Récapitulatif des
variables indépendantes et leurs indicateurs
VARIABLES
|
INDICATEURS DES VARIABLES
|
Facteurs internes aux acteurs sociaux
|
Corruption des acteurs de gestion
|
Protection tribale des ressortissants
|
Stigmatisation des acteurs de gestion
|
Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits
|
Diversité d'acteurs de gestion et confusion de
rôles
|
Facteurs externes aux acteurs sociaux
|
Absence de texte pour la gestion des conflits fonciers
|
Ingérence des autorités gouvernementales dans la
gestion et exclusion foncière de minorités
|
Facteurs démographiques
|
|
Source : Terrain
VI. Cadre de référence
théorique : Théorie constructiviste
Le conflit est un phénomène social complexe et
apparait comme la résultanted'interactions entre des acteurs d'un
environnement social donné. Cela suppose d'une part, l'existence
d'acteurs sociaux et d'autre part, un environnement social dans lequel ces
acteurs sont intégrés. Chercher donc à rendre
théoriquement compte des conflits fonciers, reviendrait dans le cadre de
ce travail, à se fonder sur la théorie constructiviste (Delcourt,
1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972) qui unifie l'acteur social et
son environnement dans l'explication du social. Les constructivistesrestent
à la jonction de l'objectif et du subjectif et postulent en effet, que
les faits qui sont censés constituer les problèmes sociaux, sont
inséparables des acteurs sociaux.
Dès lors, pour les constructivistes, (Delcourt,
1991 ; Vellas, 2003 ; Bourdieu, 1972), étudier un
phénomène social donné, suppose intégrer dans la
sphère explicative les facteurs dépendants ou internes aux
acteurs sociaux et des facteurs indépendants ou externes aux acteurs
sociaux.
L'intégration de l'ensemble des facteurs
endogènes et exogènes aux acteurs permet d'éclairer le
phénomène étudié.
Les démembrements de cette théorie
constructivisteconcernent notamment les théories individualistes ou
actionnistes (1) et les théories multifactorielles (2) que nous
exposerons.
6.1. Théories actionnistes
6.1.1. Théorie de l'individualisme
méthodologique de Boudon
Selon le principe d'individualisme méthodologique,
Boudon(1970) énonce que pour expliquer un phénomène social
quelconque, il est indispensable de reconstruire les motivations des
individus concernés par le phénomène en question et
d'appréhender ce phénomène comme le
résultat de l'agrégation de comportements individuels
dictés par ces motivations.
Les comportements individuels constituent selon l'auteur, la
source des conflits de tout genre. Et, dans les
systèmes d'interdépendance et d'interaction que
constituent les sociétés, les conflits seraient autant de
dysfonctionnements. L'agrégation des conduites des différents
acteurs, dans un cadre donné (une usine, une administration, un
Etat...), conduit à toute une série d'effets non
désirés et pervers, parfois violents. L'intérêt de
cette théorie est de comprendre globalement les facteurs de
l'échec de la gestion des conflits fonciers à partir des choix,
motivations et actions des acteurs sociaux.
6.1.2. Théorie de l'acteur de
Blumer
Pour Blumer (1969), le comportement humain ne peut se
comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les significations que les
personnes donnent aux choses et à leurs actions.Dans le cas
d'espèce, pour comprendre les antagonismes actuels sur le foncier
ivoirien et particulièrement à Sinfra, il faut chercher à
connaître ou comprendre la valeur ou la signification des choses ou dans
le cas d'espèce, de la terre selon les acteurs intégrés
dans le système foncier.
On ne pourra donc comprendre la question des conflits fonciers
à Sinfra, que par la recherche des significations que la terre et les
actions de consolidation ou d'appropriations des uns, représentent pour
les autres.
6.1.3. Théorie de l'analyse stratégique
de Crozier et Friedberg
Pour Crozier et Friedberg (1977), l'acteur est celui
dont le comportement contribue à structurer un champ c'est-à-dire
à construire des régulations. Ainsi, chercher à expliquer
la construction des règles sociales, reviendrait à
s'intéresser au jeu de ces acteurs sociaux calculateurs et
intéressés. Ceux-ci sont autonomes, dotés de
rationalité, même si elle est limitée et rentrent en
interaction dans un système qui contribue à structurer leurs
jeux. Dans ce contexte, étant donné qu'on ne peut
considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la
cohérence du social dans lequel ils s'insèrent, ou par
les contraintes environnementales, il faut, pour comprendre le comportement des
acteurs, chercher en priorité à comprendre comment se
construisent les
actions collectives
à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois
contradictoires. Cette théorie s'inscrit dans une dynamique
nomothétique, c'est-à-dire partant des motivations et des actions
de l'acteur social pour en venir à une meilleure compréhension du
système dans le lequel il s'insère ou est inséré.
L'intérêt d'une telle théorie est d'analyser le
système social et foncier de Sinfra, à partir des
démarches d'actions concrètes des acteurs pour en venir à
la compréhension du système foncier local en
général.
6.2.Théories multifactorielles
« é t »'
6.2.1 Théorie des élites de
Pareto
La théorie de Pareto (1909) est fondée sur une
vision fondamentalement conflictuelle de la société. Laquelle
est traversée par des tensions et des antagonismes entre les
élites (catégorie sociale disposant de pouvoirs) et les couches
sociales de la base. Ainsi, tandis que les couches sociales de la base luttent
pour la réduction du faussé social entre les élites et
elles, les élites, elles, affermissent leur position au sommet de la
hiérarchie sociale en plongeant les couches de la base dans le mirage
qu'elles luttent en faveur du changement.Dans cette situation, l'auteur pense
que pendant que les élites tendent à stabiliser l'ordre social
déjà établi, les couches défavorisées
tendent à le déstabiliser et le désorganiser pour
instaurer un ordre meilleur. L'équilibre sur lequel repose cet ordre ne
peut trouver de solution définitive, mais seulement un compromis au
moyen de la contrainte par le jeu dialectique du commandement et de
l'obéissance.
Dans le département de Sinfra, les élites qui
s'apparentent aux autorités locales, voient constamment leurs
décisions se heurter à la résistance des acteurs en
conflit qui aspirent de plus en plus au changement, même si l'ordre
social leur est régulièrement imposé au moyen de
larépression.
6.2.2 Théorie du conflit de Freund
Freund (1965) part du postulat que les
sociétés contemporaines ne sont pas seulement des
sociétés industrielles et démocratiques, elles sont aussi
des sociétés conflictuelles. Pour l'auteur, des conflits de
toute nature surviennent entre et à l'intérieur des groupes
sociaux. Il développe donc la question du tiers (dans le conflit) dont
l'intervention se situerait dans un cadre conciliateur et permettrait de rompre
la logique du duel entre minorité à majorité, pour asseoir
une forme d'entente et d'alliance.
Cette théorie répond aux besoins de cette
recherche dans cette localité où les élites locales
(coutumières et administratives) essaient fréquemment
médiation, négociation et conciliation entre les
belligérants des conflits fonciers à Sinfra.
6.2.3 Théorie du complot de Knight
Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976)
postule propose de donner une vision de la société perçue
comme le produit de l'action d'un groupe occulte agissant dans l'ombre. Loin de
la simple rumeur, il s'agit d'un récit théorique qui se
prétend cohérent et cherche à démontrer l'existence
d'un complot entendu comme le fait qu'« un petit groupe de gens
puissants se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action
illégale et néfaste affectant le cours des
évènements ». La
conspiration secrète
civile,
criminelle ou
politique, visée
par la théorie du complot, agirait généralement dans
l'objectif de détenir ou conserver une forme absolue de pouvoir
(politique, économique ou religieux).
Cette théorie a l'intérêt de nous
intégrer dans les arcanes de ce réseautage clandestin purement
élaboré par« les personnes
influentes »de Sinfra et qui voit s'intégrer
exclusivement des acolytes ou détenteurs de pouvoir foncier, financier
et décisionnel évident, avec une volonté
d'assujettissement foncier des acteurs ruraux extérieurs à ce
réseau.
6. 2.4Théorie des systèmes de Ludwig
(1993)
Dans la théorie des systèmes, l'action humaine
engage quatre systèmes principaux : système
biologique (motivations élémentaires de l'individu),
système de la personnalité : (organisation psychique de
l'individu), système social (ensemble des rapports d'interaction)
et système culturel (ensemble des valeurs).Il existe ainsi des
interactions entre toutes ces composantes (sous-systèmes) du
système social global dans lequel les acteurs sociaux se trouvent
intégrés.
De ce fait, le théâtre rural de Sinfra en tant
que système, est perçu comme un ensemble organisé et
hiérarchisé d'acteurs, de rôles, fonctions,... en
interaction permanente avec des acteurs ayant des objectifs parfois
similaires, différents ou même contradictoires.
A l'analyse, précisons que la perspective
théorique consacrée à ces travaux permet de mettre en
évidence la théorie constructiviste (Piaget, 1923 ;
Bourdieu, 1972) qui inclut desfacteursobjectifs et subjectifs(par rapport
à un référentiel) dans l'explication de l'échec
dans la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.
CHAPITRE II : CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
Ce chapitre se focalisera sur la description du terrain
d'étude, de la population d'enquête, de l'échantillon
considéré (I), des méthodes de recherche (II), des
techniques de recueil des données (III), des modes d'analyse des
données collectées (IV) et des conditions sociales de
l'étude (V).
I. Terrain, Population et
Echantillon
1. Terrain d'étude
1.1. Champ géographique,
caractéristiques socio- démographiques, regroupement historique
et activités économiques et raisons du choix
1.1.1. Champ géographique
Selon le rapport provisoire de gouvernance locale du Bureau
National d' Etudes Techniques et de Développent (BNETD 2005), Le
département de Sinfra s'étend sur une superficie de 1618
km2. Il est limité dans la partie Nord par le
Département de Bouaflé, au sud par les départements
d'Oumé et de Gagnoa, à l'Est par le district de Yamoussoukro et
à l'ouest par le département d'Issia.
Chef-lieu de département, Sinfra est situé
à environ 246km d'Abidjan, la capable économique, à
environ 77 km de Yamoussoukro, la capitale politique et à 49 Km de
Bouaflé, chef- lieu de région. Ce département est
situé en zone forestière. Le système hydrographique a des
particularités aussi bien régionales que locales.
En outre, la localité de Sinfra est arrosée par
un affluent du fleuve Bandama. Les précipitations sont importantes dans
cette région et engendrent une moyenne annuelle pluviométrique
située entre 1200 mm et 1500 mm / an.
Le Département est caractérisé par une
pénéplaine jalonnée d'élévations dans le
nord-est où se dressent le mont «
liago » et les
chaines « kokoumbo ».
Le site urbain est constitué de deux plateaux (1
à 3% et 5 à 10% en quelques endroits) qui sont intercalés
par des bas-fonds et des marigots.
Aussi, deux types de forêt dominent le paysage ; on
y rencontre une forêt dense dans le sud et une forêt
clairsemée dans le nord.Par ailleurs, on note la présence d'un
îlot de savane dénommée « la plaine des
éléphants » qui crée une sorte de rupture
dans le paysage naturel.
Aujourd'hui, l'ensemble du couvert végétal fait
l'objet d'une exploitation accrue à travers de vastes plantations de
cultures vivrières et de rente.
Mais au-delà de ce fait, le Département de
Sinfra compte 71 localités dont 54, bénéficient de
l'électrification (BNETD, 2005). Cette zone totalise 848 km de route
dont 99 km sont bitumées. Les routes sont d'une façon
générale des pistes qui mènent dans les localités
villageoises. Enfin, la situation géographique de cette zone convient
à l'agriculture.
1.1.2. Caractéristiques
sociodémographiques
Selon le RGPH (2014), la population de Sinfra est
estimée à environ 90.711 habitants. Cette population a connu
différentes phases dans son évolution. Déjà en
1975, la population de Sinfra était estimée à environ 67.
789 habitants (RGPH, 1975).Cette population est passée à 120.301
habitants 1988 puis à 170.015 habitants dont 80 .056 femmes et
89.959 hommes (RGPH, 1998), à 186 .864 habitants (RGPH, 2001) avant
de régresser en 2014 (90.711 habitants).
Au niveau des caractéristiques, il faut noter que cette
population locale est majoritairement jeune et hétérogène
constituée d'autochtones « kwênins »,
d'allochtones et des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest. Elle
comprend les principales communautés religieuses (chrétienne,
musulmane, animiste) se compose d'autochtones Gouro, investis principalement
dans les activités champêtres, d'allochtones (Baoulé,
nordistes...) qui, tantôt investissent dans les activités
agricoles, tantôt dans le transport et le commerce, et les non-nationaux
(Maliens, Nigériens, Guinéens, Mauritaniens, Libanais, ...) qui
sont les opérateurs économiques (BNETD, 2005). On les retrouve
dans l'industrie de bois, le commerce de matériaux de bâtiments,
de produits alimentaires, phytosanitaires et dans la transhumance. Les
Burkinabés, eux, s'intéressent pour la plupart aux
activités champêtres.
Les données démographiques se trouvent
consignées dans le tableau ci-dessous.
ANNEES
|
1975
|
1988
|
1998
|
2001
|
2014
|
POPULATION LOCALE (HABITANTS)
|
67.789
|
120.301
|
170015
|
186.864
|
90.711
|
Tableau n°3 : Evolution
démographique de la population de Sinfra de 1975 à
2014
SOURCE : BNETD (2005)
Ainsi, cette évolution démographique de la
population de Sinfra, nous permet de présenter la figure
suivante :
Source : RGPH, 2014
A partir de cette figure, l'on peut remarquer que :
- De 1975 à 1988, soit en 13 ans, la population est
passée de 67.789 à 120 .301 habitants, équivalant
à 52.512 habitants, soit 4.039 habitants /an.
-De 1988 à 1998, soit en 10 ans, la population est
passée de 120 .301 à 170.015 habitants, ce qui donne
environ 49.714 habitants, soit 4.971 habitants / an.
-De 1998 à 2001, soit 3 ans plus tard, la population de
Sinfra est passée de 170 .015 habitants à 186 .864
habitants, soit une croissance de 16 .849 habitants, soit environ 5.616
habitants/ an.
-De 1975 à 1998, soit en 23ans, la population de Sinfra
a plus que doublé.
Cet accroissement assez rapide de la population est certes
lié à un fort taux de natalité relativement à un
faible taux de mortalité mais aussi et surtout à une course,
à des vagues de migrations croissantes et incontrôlées des
populations allogènes vers les terres locales de Sinfra.On assiste
dès lors à un déséquilibre dans le ratio
populations/ terres et conséquemment à des compétitions,
des luttes pour la consolidation des droits de propriété sur les
terres de Sinfra.
- De 2001 à 2014, cette population estimée
à environ 186.864 habitants, a considérablement chuté
à 90.711 habitants. Ces résultats relativement faibles par
rapport au RGPH (2001 : 186 .864 habitants) corroborent certainement
les propos des autorités locales qui affirment avoir noté un fort
taux d'abstention de la population durant cette campagne de recensement.
1.1.3. Regroupement historique et
activités socio-économiques
1.1.3.1. Regroupement historiquedu peuple
« Sian »
Selon le chef T. (61, rétraité à
Blontifla) « les Gouro de Sinfra vivaient avec les Yacouba et les
Gagou à Goele au début du XIe
siècle ».Ainsi, la croissance
démographique de ces peuples sédentaires, poussera certains
d'entre eux en occurrence les Gagou et Gouro à migrer progressivement
de l'ouest vers le sud-ouest en quête de terres propices de cultures et
d'installation.D'escales en escales, ces peuples vont stagner entre le XVe et
le XVIe siècle à « tonla »
(Bediala) où les gouro prendront une ascendance
démographique.
Ainsi, à partir de
« tonla », il y a eu des détachements
caractérisés par des affrontements entre ses peuples aux
caractéristiques sociodémographiques inégales.
Ces violences ont été imputées à
un cas d'adultère commis par un gagou sur un gouro et le refus de
réparation du préjudice matériel au peuple Gouro
lésé.
Ces violences se soldent par la défaite des gagou du
fait de la minorité et leur fuite vers l'est (actuel Oumé) et
simultanément, le départ des Gouro vers le Nord, parce que
refusant de demeurer sur un espace qui a servi de champ de conflit.
Cette vague de migrants Gouro va stopper sa marche aux abords
de « Davo », un affluent du
fleuve Sassandra où, passionnés par la pêche,
l'activité agricole constituera pour ce peuple, une activité
secondaire dont le soin sera aux premiers migrants (nordistes, baoulés)
en quête d'espaces d'habitation et de culture.
Selon ce même chef,
« Gagou » proviendrait de
« Kagou » qui signifie
« partez » en Gouro.
La dénomination
« Sianfla » aurait donc
été donnée en début de XVIIe siècle par les
premiers migrants Gouro.
Par ailleurs, à cette époque, les
propriétaires
terriens « terezan »
cédaient ou louaient des parcelles de terre aux premiers migrants
allochtones (senoufo, malinké, baoulés,...) et aux non-ivoiriens
(burkinabés, maliens, peulh) à cause des invasions
fréquentes de plantations par les éléphants, qui
étaient en nombre important dans la zone(Chauveau,
2002 ;Meillassoux, 1964).
Ces derniers, reconnus pour leurs aptitudes mystiques, avaient
pour tâche, au-delà des prestations champêtres, la
surveillance et l'entretien des plantations des
« terezan » contre les
éléphants et les voleurs de récoltes.
Pour mener à bien cette surveillance, ceux-ci fondaient
leurs familles non loin des plantations et ces endroits, prenaient peu à
peu l'allure de grands espaces d'habitations avec la mise en place des
marchés hebdomadaires, des terrains de jeu et l'organisation
d'activités socio-culturelles.
Aujourd'hui, certains paysans gouro, notamment dans le souci
de préserver leurs plantations constamment sous la menace des voleurs et
des feux de brousse, surveillent leurs différentes cultures
pérennes et maraîchères en se regroupant en
communauté dans le voisinage de leurs plantations. Ces nouvelles
entités ainsi formées (campements) se limitent
généralement à un nombre restreint de cases et sont
souvent le fait d'une même lignée (Kana, 2010).
Ces migrants allogènes négociaient donc la
cession d'une parcelle de terre par le système de
« tutorat », créant ainsi une
dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils
reversaient une partie généralement faible de leur revenu annuel
(Chauveau, 2002 ; 2006 ; Lavigne, 2002). Nous y reviendrons au
chapitre suivant.
1.1.3.2.Activités
socio-économiques
Dans le département de Sinfra, la principale source de
richesse est l'exploitation agricole et forestière(1), quand bien
même il existe des activités quelque peu marginalisées
telles que la chasse(2), la pêche(3) et l'élevage (4).
1.1.3.2.1. Exploitation forestière et
agricole
Regroupés en général dans les villages,
les gouro de Sinfra pratiquent principalement l'agriculture (BNETD, 2005).
Leurs activités agricoles sont dominées par les cultures
pérennes telles que le café, le cacao et souvent par le coton et
l'anacarde et les cultures maraîchères (tomate, oignon, aubergine,
piment,...).
Les cultures commerciales sont associées aux cultures
vivrières pour contenir les périodes de famine (LeBlanc,
2004).
Dans la pratique, on note que les modalités de semence
ou d'implantation ne sont pas excellentes puisqu'elles épuisent les
sols, l'usage d'engrais et la jachère sont négligées au
profit de la technique sur brulis (technique la plus utilisée dans les
contrées rurales de Sinfra). On note aussi une quasi-absence des
cérémonies associées aux prémices ou à la
récolte, aucun culte n'est voué à l'agriculture et le
défrichage des nouvelles terres ne s'accompagne qu'exceptionnellement de
sacrifices de poulets (Chauveau, 2002 ; Jacob, 2007).
Mais au-delà, l'exploitation agricole joue un
rôle majeur dans l'économie de subsistance, dans l'affirmation de
l'identité socio-culturelle des ruraux et c'est autour de cette
activité que s'organisent les rapports sociaux les plus étroits
et les plus durables (Echui, 1993 ; Meillassoux, 1964).
Les Gouro de Sinfra apprécient en premier lieu le riz
et la banane plantain. L'igname et le taro apparaissent comme des cultures
d'appoint dont la récolte se fait en période de soudure du riz.
Le maïs est trimestriellement cultivé et le manioc est
considéré comme une nourriture de disette. La banane qui se
récolte toute l'année, permet un étalement de la
production vivrière et atténue les disettes les plus graves. A
ces plantes qui fournissent l'alimentation de base, s'ajoutent quelques
légumes et condiments dont, en particulier le gombo, les courgettes, la
tomate et le piment (Meillassoux, 1964).
L'agriculture gouro repose sur deux principes :
l'association et la succession des cultures vivrières (riz, igname) et
des cultures de rente (cacao, café). (Chauveau et Dozon, 1984).
1.1.3.2.2. Chasse (lupa)
Dans les contrées rurales du Département de
Sinfra, la chasse est très marginalisée et
dite « secondaire » par les populations
locales (BNETD, 2005).
Selon l'ONG Inter-Environnement Wallonie (2002), diverses
raisons ont réduit cette pratique en une activité de second
ordre :
- La raréfaction du gibier due aux chasses collectives
contre les éléphants et d'autres animaux destructeurs de
plantations.
- La restriction de la possession des armes à feu
excepté le calibre 12, qui lui aussi, par certaines restrictions
administratives, limitent son usage à son possesseur.
Dans ces conditions, les gouro de Sinfra ne se livrent
généralement qu'à la chasse des rongeurs, des singes, des
antilopes, des biches et des oiseaux,... Ainsi, avec des chiens
préparés à cet effet, les chasseurs, aux heures tardives
de la nuit fouillent les brousses et y débusquent parfois quelques
bêtes.
Les chasseurs gouro ou
« loupazan » avaient un
rôle social déterminant (Meillassoux, 1964 ; BNETD, 2005).
Ils constituaient les éclaireurs pendant les déplacements
massifs des populations« kwênins ». Ils
découvraient lors des expéditions, des terres qu'ils qualifiaient
de
« vômantèrè »
et s'y installaient avec les siens. Ils avaient, par leur art, la
possibilité de s'émanciper de la tutelle de leurs ainés et
s'installer sur de nouvelles terres à l'écart du groupe.
Toutefois, bien que moins fréquente de nos jours
à Sinfra, la chasse remplit une fonction sociale importante ; les
produits issus de la chasse constituent pour le meneur et le groupe, un certain
prestige et une source de cohésion dans le partage du gibier entre les
groupes dénommés
« bêyi » et
« bêbou » qui, après quelques petites
ventes, utilisent leurs différentes parts pour nourrir leurs
familles.
1.1.3.2.3. Pêche
Les « kwênins » de Sinfra
n'ont pas une grande tradition de pêche à cause du manque de
grands cours d'eau dans le département (de Sinfra). La pêche y est
saisonnière et ne peut satisfaire les besoins locaux si bien que le
marché central est approvisionné par le poisson venant de la mer
(Abidjan, San-pédro) et du lac Kossou (Bouaflé)
(BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1964).
De plus, elle est pratiquée dans les petits barrages ou
puits construits par les populations pendant la saison sèche
c'est-à-dire entre le mois de décembre et le mois de
février.
Les méthodes utilisées y sont encore
rudimentaires (filets, nasses, cannes à pêche,..) et les produits
issus de cette pêche, après quelques ventes, servent directement
à l'alimentation des populations rurales.
1.1.3 .4. Elevage
Dans le passé, les Gouro de Sinfra s'investissaient
régulièrement dans la transhumance et le bétail
n'était élevé que dans un but strictement alimentaire
(BNETD, 2005 ; Meillassoux, 1999). Plus généralement le
bétail était sacrifié rituellement lors de
cérémonies propiatoires ou expiatoires selon le conseil des
sages. La viande en était consommée collectivement ou
partagée entre les membres du village ou même de la tribu selon
l'ampleur de la cérémonie, avec distillation des os pendant la 2
ou 3 nuits.
Selon l'enquêté M. (Kononfla, 49 ans,
planteur),« les hommes riches offraient souvent une tête
de gros bétail en guise de dot, à côté d'autres
biens. Le meurtre volontaire ainsi que l'adultère commis entre proches
(au sein d'un même gouniwuo ou avec la femme de son frère), les
insultes graves comme traiter par exemple un homme d'esclave étaient
également compensés par la remise d'un boeuf ».
De ce fait, la fonction sociale de l'élevage demeurait
liée aux pratiques cérémonielles et religieuses. Le
bétail fournissait la matière des échanges sociaux. Par
ailleurs, l'existence d'un troupeau abondant permettait de multiplier les
manifestations de cohésion sociale et d'alliance. Le gros bétail
plus que le petit permettait d'étendre ces manifestations aux groupes
les plus larges, parfois à la tribu tout entière, parce qu'il
constitueune nourriture hautement appréciée par la population
rurale de Sinfra.
Aujourd'hui, c'est le petit bétail (mouton, cabri) qui
tend à remplir ces fonctions: il est lui aussi utilisé dans les
sacrifices et des alliances et est utilisé dans la composition des
amendes, des compensations et des dots comme premier cadeau offert à la
mère de la jeune fille.
Il sert également aux rituels villageois tels que
l'adoration des rivières « sokpo », du
python « ménin san » et des masques
sacrés « djê ».
L'élevage du gros bétail est aujourd'hui de plus
en plus monopolisé par les peulhs, maliens, guinéens et
certaines autorités (coutumières et administratives) du
département.
1.1.4 Raisons du choix du terrain
Trois raisons ont milité en faveur du choix du
département de Sinfra.
· La première s'articule autour la bonne
connaissance du terrain d'étude. En effet, nous sommes originaires de ce
département et nous y avons passé une grande partie de notre
adolescence. Les autorités coutumières dans leur majorité
et certaines autorités administratives sont des parents proches ou
éloignés; ce qui a facilité les autorisations
d'échanges et la mobilisation des données dans les
différentes structures de la localité.
· La deuxième raison est relative à la
taille de la population d'enquête (90.711 habitants selon les
recensements de 2014). Une telle population d'enquête favorise la
réussite de cette étude qui serait impertinente dans un
environnement caractérisé par un faible effectif, quoique les
versants positifs de la gestion des conflits fonciers, au plan coutumier et
administratif restent des secrets de polichinelle.
· La troisième est liée à la
position géographique du cadre d'étude. En effet, le
département est situé en zone forestière et dominée
par les plateaux avec une diversité de sols (ferralitiques et
ferrugineux, c'est à dire riches en oxyde de fer et en humus) capables
de favoriser le développement des cultures aussi bien
saisonnières que pérennes (Léon, 1983 ; Brou, Oswald,
Bigot et Servat, 2005). A cela s'ajoutent les migrations allochtones et leurs
méthodes de consolidation foncière qui font de ce
département, un véritable environnement social ou les acteurs
sédentaires s'entrechoquent et se disputent de façon
récurrente les portions de terre.
2. Population et échantillon
2.1 Population
L'enquête concerne l'ensemble des populations
autochtones et allogènes susceptibles de nous aider à comprendre
le phénomène étudié. Ainsi, les personnes
présentes sur le terrain (autorités administrative,
coutumières et administrés) ont été
privilégiées au détriment des personnes
extérieures au terrain, à l'exception des acteurs de la direction
du foncier rural sise dans l'enceinte du ministère de l'agriculture
à Abidjan.Rappelons que cette forme d'inclusion des acteurs locaux et
d'exclusion des acteurs extérieurs au département s'explique par
un souci d'objectivité visant à n'associer que les personnes
ressources du département qui observent ou participent à la
manifestation ou à la gestion du phénomène.
Cette population se répartit en trois
catégories.
La première catégorie est celle des
« autorités administratives ». Ce choix se
justifie par leur rôle administratif caractérisé par la
gestion de toute question sociale sur leur circonscription de
compétence. Outre ce fait, ellesreprésentent les
supérieurs hiérarchiques directs des chefs traditionnels et sont
au coeur du processus de gestion des litiges fonciers à Sinfra. Elles
sont composés du Préfet, du secrétaire
général de la préfecture, du Sous-préfet et de ses
accesseurs, des acteurs de la direction du foncier du ministère de
l'agriculture, du directeur départementale de l'agriculture, des agents
des services spécialisés du cadastre et transactions
foncières, du direction départementale de la construction, la
direction des eaux et forêts, des magistrats du tribunal et des agents
de la mairie de Sinfra.
La deuxième catégorie concerne les
« autorités coutumières » et se
justifie par leur rôle central dans la gestion des questions villageoises
en général et foncières en particulier. L'effectif se
compose de chefs de villages et de tribus, de leurs notabilités, de
chefs de terre, d'assistants, de sages et de suppléants à la
notabilité, d'agents des comités villageois de gestion
foncière.
La dernière catégorie est celle des
« administrés ». Ce choix s'explique par
leur participation à la manifestation et à la gestion des litiges
de terres à Sinfra. Elle se compose de cultivateurs de tout bord
ethnique, de transhumants, d'hommes, de femmes, de religieux, de témoins
et victimes des conflits fonciers et de responsables des ONG Ziza et Yiri
vivant et exerçants sur les sites enquêtés.
Au niveau du choix des catégories, il faut noter que
celles des « autorités administratives » et
« autorités coutumières » s'est
effectuée de façon raisonnée en raison de leur implication
fréquente dans la gestion des conflits fonciers à Sinfra.
Sur le terrain, nous avons élaboré un
calendrier de rendez-vous relatif à ces autorités ciblées
puisque nous avions connaissance du nombre d'agents, des services à
visiter et des personnes ressources auprès desquelles nous pouvions
obtenir des informations utiles à notre travail.
Contrairement à cette technique
d'échantillonnage par choix raisonné, le choix de la
catégorie « administrés » s'est fait
de façon hasardeuse vu que nous ne pouvions connaitre ni l'emploi du
temps individuel de cette constellation de ruraux, ni leurs domiciles
respectifs encore moins leurs champs ou leurs lieux d'exercice professionnel.
Nous avons donc établi un emploi du temps personnel que nous avons
respecté et adapté au terrain en faisant des
visites « surprises » dans les villages et
quartiers retenus, nous contentant ainsi des questionnaires et entretiens
négociés avec les enquêtés trouvés sur
place.
2.2. Echantillon
L'échantillonnage est un procédé qui
permet de rassembler dans un sous-ensemble, un échantillon
réduit, présentant l'ensemble des caractéristiques de la
population initiale.
SelonDiahou (2003), « la
détermination de cette population-cible est commandée par le
chercheur en fonction des objectifs visés. L'intégration de la
dimension spatiale, des principaux groupes en présence peut se traduire
par la prise en compte des micro-territoires qui fondent l'unité
géographique. »
Nous avons donc subdivisé le département en six
(6) strates correspondant aux six (6) tribus : BINDIN (Huafla,
Nadiéta, Paabénéfla, Bégouafla, Broufla,
Porabénéfla, Zéménafla), GOHI(Bazré,
Bounafla, Bindinfla, Gohouo, Koadji, Gonfla) , NANAN ( Kononfla,
Koumodji, Kayéta, Manoufla, Bérita, Baléfla,
Diénembroufla, Broufla), PROGOURI (Manoufla, Kouêtinfla,
Kouroudoufla, yanantinfla) SIAN(Blontifla, Douafla, Benhuafla, Béliata,
Digliblanfla, Bégonéfla, Kouétinfla, Manoufla, Barata,
Tricata, Bérita, Dégbésséré, Proziblanfla,
Koaizra,Koblata,...), VINAN (Zéménafla, Zougourouta,
Djénédoufla, Sanégourifla). Les différentes
populations interrogées étaient constituées
d'autorités administratives, pénales, coutumières, de
villageois, planteurs, religieux,...
Toutefois, vu que le RGPH (2014) a produit peu de
données sur certaines variables (sexe, âge, niveau d'instruction
scolaire, catégorie socio-professionnelle, répartition
démographique par tribu, par village,...), nous avons
procédé par stratification des différents villages et
quartiers du département en mettant l'emphase d'une part, sur
l'indentification des peuples sédentaires (autochtones, allochtones) et
d'autre part, sur l'inventaire et l'identification des autorités locales
et autres enquêtés.
v Détermination de
l'échantillon des autochtones des tribus
Selon le chef des différentes tribus (Mr Z. K.),
« la tribu Sian compte seize (16) villages, chaque village compte
vingt-cinq (25) lignages puis chaque lignage compte vingt membres (20) dont en
moyenne, quatre parents (parents directs et oncles ou tantes) et des enfants.
La tribu Gohi compte six (06) villages, chaque village
compte dix (10) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.
La tribu Bindin compte sept (07) villages, chaque village
compte treize (13) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres.
La tribu Nanan compte huit (08) villages, chaque village
compte quinze (15) lignages puis chaque lignage compte vingt (20) membres
La tribu Progouri compte quatre (04) villages, chaque
village compte six (06) lignages puis chaque lignage compte vingt (20)
membres.
La tribu Vinan compte également quatre (04)
villages, chaque village compte cinq (05) lignages puis chaque lignage compte
vingt (20) membres ».
Tribu Sian :
Population estimative : 16 villages × 25 lignages
× 20 membres
Population estimative : 8.000 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 16 villages × 25
lignages × 2 membres = 800 individus
Femmes : 16 villages × 25
lignages × 2 membres = 800 individus
Fils et filles : 16 villages
× 25 lignages × 16 membres = 6.400 individus
Tribu Gohi :
Population estimative : 06 villages × 10 lignages
× 20 membres
Population estimative : 1.200 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 06 villages × 10
lignages × 2 membres = 120 individus
Femmes : 06 villages × 10
lignages × 2 membres = 120 individus
Fils et filles : 06 villages
× 10 lignages × 16 membres = 960 individus
Tribu Bindin :
Population estimative : 07 villages × 13 lignages
× 20 membres
Population estimative : 1.820 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 07 villages × 13
lignages × 2 membres = 182 individus
Femmes : 07 villages × 13
lignages × 2 membres = 182 individus
Fils et filles : 07 villages
× 13 lignages × 16 membres = 1.456 individus
Tribu Nanan :
Population estimative : 08 villages × 15 lignages
× 20 membres
Population estimative : 2.400 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 08 villages × 15
lignages × 2 membres = 240 individus
Femmes : 08 villages × 15
lignages × 2 membres = 240 individus
Fils et filles : 08 villages
× 15 lignages × 16 membres = 1.920 individus
Tribu Progouri :
Population estimative : 04 villages × 06 lignages
× 20 membres
Population estimative : 480 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 04 villages × 06
lignages × 2 membres = 144 individus
Femmes : 04 villages × 06
lignages × 2 membres = 144 individus
Fils et filles : 04 villages
× 06 lignages × 16 membres = 384 individus
Tribu Vinan :
Population estimative : 04 villages × 05 lignages
× 20 membres
Population estimative : 400 membres.
Estimation des catégories :
Hommes : 04 villages × 05
lignages × 2 membres = 40 individus
Femmes : 04 villages × 05
lignages × 2 membres = 40 individus
Fils et filles : 04 villages
× 05 lignages × 16 membres = 320 individus
En termes d'échantillonnage, la technique par choix
accidentel a été privilégiée au niveau des
autochtones des tribus sus-citées. Nous avons élaboré un
emploi du temps de travail que nous avons adapté au terrain en nous
contentant des visites surprises dans ces tribus et en privilégiant les
entretiens obtenus avec les enquêtés trouvés sur place.
Pour également respecter la question du genre, nous
avons retenus autant d'hommes que de femmes et autant de fils que de filles au
niveau des familles interrogées.
Echantillon de la population autochtone des tribus
06 hommes × 06 tribus = 36 hommes
06 femmes × 06 tribus = 36 hommes
17 fils× 06 tribus = 102 fils
17 filles× 06 tribus = 102 filles
Le tableau ci-dessous résume les
précédentes données.
TABLEAU N°4 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon autochtone
Catégories d'enquêtés des 06
tribus
|
Echantillon d'enquête
|
Hommes
|
36
|
Femmes
|
36
|
Fils
|
102
|
Filles
|
102
|
Total
|
279
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon des allochtones dans les zones
La méthode d'échantillonnage de la population
allochtone a répondu à l'instar de la population autochtone, a un
choix accidentel en raison du manque de données démographiques
actualisées.
L'enquête a déterminé seize (16) zones
d'occupations allochtones. Les potentiels enquêtés étaient
constitués d'hommes, de femmes, de fils et de filles.
Les détails se trouvent synthétisés dans
le tableau ci-dessous
TABLEAU N°5 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon allochtone
Zones d'enquête
|
Echantillon d'enquête
|
Brunokro
|
11
|
N'Drikro
|
11
|
Niamienkro
|
11
|
Yaokro
|
11
|
Bolokro
|
11
|
Katiénou
|
11
|
Koffikro
|
11
|
Kouadio Bakro
|
11
|
Akakro
|
11
|
Dramanekro
|
11
|
N'Zuékro
|
11
|
Gbrizokro
|
11
|
Dioulabougou I
|
11
|
Dioulabougou II
|
11
|
Dioulabougou III
|
11
|
Dioulabougou IV
|
11
|
Total
|
176
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon des autorités locales
Contrairement aux populations sédentaires qui ont
répondu à une méthode accidentelle, les autorités
locales, en raison des données liées à leurs effectifs par
service, ont été ciblées par choix raisonné.
Tribunal coutumier
Sur les :
Quarante-quatre (44) chefs de villages sur l'ensemble des six
(06) tribus, nous avons retenu vingt-huit (28).
Quarante-quatre (44) chefs de terre, nous avons retenu
trente (30).
Douze (12) membres par bureau de chefferie ; soit
soixante-douze (72) membres au total, nous avons retenu quarante (40).
Tribunal pénal
Sur les douze (12) travailleurs du tribunal, nous avons retenu
six (06); soit un (01) juge de jugement, un (01) juge d'instruction et quatre
(04) greffiers.
Préfecture
Sur les huit (08) travailleurs de la préfecture, nous
avons interrogé : le préfet, le secrétaire
général de la préfecture et la secrétaire du
préfet.
Sous-préfectures
Sur les quatre (04) sous-préfectures (Sinfra, Kononfla,
Kouêtinfla et Bazré) qui comptent environ de dix (08) travailleurs
chacune, nous avons interrogé les quatre (04) sous-préfets, les
quatre 04 archivistes et quatre (04) autres employés.
Direction départementale de
l'agriculture
A cette direction d'environ huit (08) travailleurs, le
directeur départemental de l'agriculture et 04 employés du
service cadastral ont été interrogés.
Direction départementale de la
construction
Trois enquêtés sur six (06), ont
été interrogés. Il s'agit du directeur et de deux (02)
autres collaborateurs.
Ministère de l'agriculture.
Trois enquêtés ont été
interrogés sur les sept (07) identifiés.
TABLEAU N°6 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon des autorités locales
Zones d'enquête
|
Population d'enquête
|
Echantillon d'enquête
|
Tribunal coutumier
|
160
|
98 61,25%
|
Tribunal pénal
|
12
|
06 50%
|
Préfecture
|
08
|
03 37,5%
|
Sous-préfectures
|
32
|
12 37,5%
|
Direction de l'agriculture
|
08
|
05 62,5%
|
Direction de la construction
|
06
|
03 50%
|
Ministère de l'agriculture
|
07
|
03 42,85%
|
Total
|
233
|
130 55,79%
|
SOURCE : TERRAIN
v Détermination de
l'échantillon d'autres enquêtés
D'autres enquêtés ont été
associés aux investigations à l'effet de diversifier les sources
d'informations. Il s'agit des :
Responsables religieux : neuf (09) personnes y ont
accepté de répondre à nos questions
Les témoins ont été
identifiés par la technique boule de neige. Leur nombre est de six (06)
personnes.
v Détermination de
l'échantillon général
TABLEAU N°7 : Descriptif quantitatif de
l'échantillon général
Typologie des enquêtés
|
Effectif
|
Autochtones
|
279
|
Allochtones
|
176
|
Autorités locales
|
130
|
Autres enquêtés
|
15
|
Total
|
600
|
SOURCE : TERRAIN
II. Méthodes de recherche
Trois méthodes ont été exploitées.
Il s'agit de la méthode dialectique (1), le fonctionnalisme (2) et la
méthode systémique (3).
1.Méthode dialectique
Pour
N'DA(2015), « c'est une
démarche qui part de l'idée de la présence de
contradictions dans la réalité elle-même. Elle recherche
les incohérences, les oppositions, les ambivalences des choses qui
constituent souvent l'essence de la réalité ». En
d'autres termes, cette méthode recherche les incompatibilités,
les contradictions dans un système social donné (Gurvitch,
1962 ; Brohm, 2003 ; Bruaire, 1993 ; Nadeau, 1999 ;
Kervégan, 2005). Elle est une méthode de recherchedocumentaire
(Levray, 2014 ; Prost, 1996 ; Bloch, 1993) que le chercheur se doit,
par abstraction de se le représenter (Langlois, 1897 ;
Seignobos, 1897 ; 1901).
Dans le cadre de ces travaux, cette méthode a
présenté un double intérêt :
· Elle a dans un premier temps, permis d'exhumer la
« mémoire » documentaire du
département de Sinfra pour y récupérer des documents
historiques portant le regroupement du peuple
« sian », le processus de migration des
allochtones, les phases de l'évolution démographique de la
population de Sinfra, le processus d'acquisition ancestrale et actuelle des
terres, les liens socio- culturels antiques qui existaient entre les
autochtones et certains groupes ethniques en vue comprendre les comportements
dualistes actuels de ces peuples sédentaires (autochtones et
allochtones) de Sinfra. Dans cette mesure, l'on a pu à la fois
connaître les différentes vagues de migrations à Sinfra qui
ont conduit à cette forme de saturation foncière constatée
à Sinfra et connaitre le processus d'évolution du conflit
(naissance, évolution et transformation).
· Elle a dans un second temps, permis de comparer les
données documentaires, archivistiques mis à notre disposition
avec les verbatim recensés sur le terrain afin d'y relever les
incompatibilités et les incohérences.
En somme, retenons qu'il a été possible
à travers cette méthode, d'établir le lien entre les
variables dépendantes (conflit foncier) et indépendantes
(pression démographique, consolidation clanique des espaces fonciers
familiaux et implication des acteurs institutionnels).
2. Fonctionnalisme
Selon Malinowski (1944), « Chaque coutume,
chaque objet, chaque idée et chaque croyance remplit une
fonction ».
Pour Mayer et Laforest (1990),« il faut
étudier les phénomènes humains dans une logique
d'unité, d'interdépendance pour en éclairer les
fonctions ».
Le fonctionnalisme suppose donc la stabilité et
l'intégration des systèmes sociaux (Kouassi, 2005), qui tendent
à ramener l'explication des faits sociaux, à la mise en
évidence de leurs fonctions (Mystere, 2009).Autrement, la
méthode fonctionnaliste renvoie à la structure sociale, à
la fonction que remplissent les faits sociaux et culturels pour les uns et les
autres (Bemb, 2009).Les conflits fonciers seront perçus comme le
résultat d'un dysfonctionnement social ou un ensemble social dans
lequel, les fonctions n'ont pas été remplies de façon
efficiente par les acteurs sociaux.
Cette méthode nous a intéressé dans
l'analyse du statut et du poids social des autorités à charge de
la question foncière, dans l'organisation et le fonctionnement des
différents mécanismes de gestion foncière, mais aussi et
surtout, a-t-elle permis d'apprécier le rôle, les fonctions des
conflits fonciers à Sinfra et l'écart entre la marge d'exercice
des acteurs de l'administration publique et les agissements observés sur
le terrain.
3. Méthode
systémique
La méthode systémique est une approche globale
qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble
(sous-système) intégré dans un système social
(Ludwig, 1993).Il existe des interactions entre tous les éléments
et constituants de la société. Tous les secteurs essentiels, les
problèmes publics, les solutions, les politiques sociales, les
programmes sont considérés et évalués comme des
composantes d'un système global.
L'intérêt de cette méthode est de
considérer les acteurs sociaux comme des acteurs intégrés
et qui interagissent dans un système social. Les facteurs de
l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra seraient des
facteurs liés au système global local, à ses composantes
ou à ses acteurs interagissant.
III. Techniques de recueil des
données
Selon N'DA (2015), « les
techniques sont des procédés opératoires définis,
transmissibles, susceptibles d'être appliqués dans les conditions
adaptées au genre de problème ou de phénomène en
cause ».Autrement, les techniques constituent des canaux
utilisés pour atteindre des buts ; lesquels peuvent être
d'ordre processuel en ce sens qu'elles suivraient un cheminement
méthodique, des étapes pratiques pour une bonne cueillette des
informations.
Dans cette étude explicative, nous avons opté
pour: la recherche documentaire(1), l'observation (2), le questionnaire (3) et
les différents entretiens (4).
3.1. Recherche documentaire
Elle renvoie d'emblée à l'étude de
documents relatifs à un domaine d'étude.
Selon N'DA (2015), « le terme
document renvoie à toute source de renseignements déjà
existante à laquelle le chercheur peut avoir
accès .Ces documents peuvent être
sonores, visuels, audio-visuels et/ou écrits ».
La recherche documentaire a constitué un travail
préalable et essentiel à notre étude. Elle nous a permis
de faire la recension des écrits méthodologiques et empiriques
antérieurs afin d'avoir une vue générale et claire de
notre objet d'étude. Dans la pratique, son apport s'est situé
à quatre niveaux :
· Dans un premier temps, elle a consisté en une
recension des écrits tenant à la méthodologie de recherche
en sciences sociales.
· Ensuite, en une recension des documents
spécifiques aux conflits fonciersafin de mettre en évidence les
différentes orientations abordées pouvant nous permettre de
dégager notre posture scientifique.
· De plus, cette technique nous a permis de recenser des
données factuelles à travers quelques visites dans des
institutions de l'Etat (Institut National de Statistique, le Service Cadastre
du Ministère de l'Agriculture et sa section décentralisée
de Sinfra, les Sous-préfectures des différentes tribus). Ces
données concernaient le regroupement historique des populations de
Sinfra, les procédures de cession des terres en pays gouro, le processus
d'acquisition des terres, les facteurs susceptibles d'expliquer les conflits
fonciers et les données statistiques sur l'évolution du
phénomène dans la localité.
· Dans un second temps, elle a permis à travers
ces données factuelles (Bureau National d'Eudes Techniques et de
Développement et l'Institut National de la Statistique ) d'avoir des
données statistiques relatives à l'évolution
démographique de Sinfra dans l'intervalle [1975- 2014].
3.2. Observation
Pour Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer,
(1999), «l'observation consiste en la constatation d'un fait
à l'aide de moyens d'investigations appropriées. Elle peut
être directe ou indirecte, qualitative ou quantitative, effectuée
sur le terrain ou en laboratoire ».
N'DA (2015), la conçoit comme une démarche
consistant « à regarder se dérouler sur une
période de temps donné, des comportements ou des
évènements et à les enregistrer ».
Dans ce travail, nous avons opté pour une observation
directe qui rengorge à la fois l'observation «
flottante » et l'observation «
participante ».
En ce qui concerne l'observation flottante, elle a
consisté en une observation des comportements des acteurs ruraux et
administratifs, des autorités locales, de la manifestation des relations
sociales conflictuelles, des tensions inter-ethniques fréquentes dans le
département de Sinfra et dans la compréhension des fondements
culturels auxquels la population « kwênin »
reste fortement attachée.
Pendant la phase d'enquête de terrain qui a duré
six (0 6) mois, nous avons remarqué « de visu in
situ » des cas de violences foncières, des tentatives de
règlements de ces conflits de terre par différents tribunaux
coutumiers des localités ciblées, ainsi que les règlements
de litiges fonciers par la section détachée (Sinfra) du tribunal
de Première Instance de Bouaflé.
Nous avons aussi observé quelques cas de conflits qui
opposaient les ruraux à l'administration (coutumière et
pénale). Ce sont entre autres des contestations verbales, des
défiances portant pour la plupart sur les revendications concernant les
décisions de justice, le mode de traitement des litiges entre
agriculteurs autochtones et allochtones et entre
« kwênins » et transhumants, etc.
Cette observation a été possible au moyen d'un
certain nombre de matériels de base dont nous nous sommes munis pendant
cette phase observatoire : vade-mecum, appareil photo et caméra
numérique.
En ce qui est de l'observation participante, nous avons
revêtu une « triple casquette » lors des
investigations ; tantôt cultivateur
intégrédans des groupes sectoriels d'acteurs ruraux ;
tantôt, notable sous autorisation particulière du chef de tribu.
Finalement, agent enquêteur, observateur des enquêtes de
commodo-incommodo pouvant permettre de procéder à la
délimitation cadastrale des espaces fonciers.
3.3. Questionnaire
Pour Mucchielli (1989),« font partie de ce qui
sera appelé questionnaire, tous les moyens de recherche de
réponse, étant entendu que la réponse recherchée
est idéalement celle qui, à travers la subjectivité des
individus, exprime directement ou indirectement le phénomène
social que l'on veut connaître ou comprendre ».
Selon N'DA (2015), « le questionnaire consiste
à poser, par écrit, à des sujets une série de
questions relatives à leur situation, à leur opinion, à
leurs attentes, à leur niveau de connaissance ou de conscience d'un
problème ».
A Sinfra, nous avons adressé des questionnaires aux
autorités coutumières, administratives, à la population
rurale. Ces étaient relatives aux modalités d'acquisitions terres
à Sinfra, au déroulement des conflits fonciers, aux obstacles
liés à la gestion, aux facteurs explicatifs de ces obstacles
ainsi qu'à l'impact d'une gestion partielle ou partiale des litiges
fonciers sur la cohésion sociale à Sinfra.
Cela nous a permis de chercher à comprendre,
interpréter les réponses, limiter les risques liés
à la personnalisation des questions, d'approfondir et de
compléter certaines informations par des questions improvisées en
vue de dresser des tableaux de distributions statistiques (de type
descriptif).
3.4. Entretien
L'entretien peut être défini comme un
échange au cours duquel un ou des interlocuteurs expriment des
idées, leurs perceptions, leurs expériences tandis que le
chercheur, par des questions précises, délimite le champ social
d'intervention.
Pour Grawitz (2001),ce terme désigne « un
procédé scientifique qui consiste en un processus de
communication verbale dans le but de recueillir des informations en relation
avec les objectifs que l'on s'est fixés ».
Dans le cadre de cette recherche, nous avons eu recours
à l'entretien individuel(1) et au focus-group(2).
3.4.1. Entretien individuel
A ce niveau, les entretiens étaient tantôt
directifs et tantôt sémi-directifs.
· Directifs, en ce sens que nous avons
élaboré des guides d'entretiens avec des réponses
préconçues. De nombreuses données y ont pu être
recueillies grâce à des prises de notes et des enregistrements
vidéographiques.
· Sémi-directifs, dans la mesure où nous
avons distribué un certain nombre de questionnaires aux
enquêtés quelques jours avant les échanges afin de leur
permettre de se préparer. Nous y avons délimité le cadre
d'échanges et de ce fait, permis à ces enquêtés de
demeurer dans le canevas d'échange avec une marge de tolérance
restreinte lors des interviews.
Dans l'ensemble, les entretiens auprès des
autorités locales : Préfet, Sous-préfet, Maire,
Directeur départemental de la construction, Directeur
départemental de l'agriculture ont porté sur les
thématiques suivantes : historique du peuplement et des conflits
fonciers à Sinfra, modes de gestion des litiges fonciers,
évaluation des procédures judiciaires et extra-judiciaires de
gestion, obstacles de la gestion des litiges fonciers à Sinfra et des
facteurs explicatifs de ces obstacles.
Pour ce faire, l'option des questions ouvertes était
indispensable afin de donner une marge d'expression aux enquêtés.
Ce qui n'a pas favorisé le suivi de l'ordre des questions mais
plutôt a permis de compléter certaines questions par d'autres,
improvisées.
3.4.2. Focus
group
Pour Thibeault (2010), « le focus
group est une technique d'entretien de groupe d'expression et d'entretien
dirigé, qui permet de collecter des informations sur un sujet
ciblé ».Il peut aussi« constituer en une
technique qualitative dont le but est de recueillir des discussions
centrées sur des situations concrètes particulières, des
sujets pertinents pour une recherche »(Touré, 2010).
Sur le site d'investigations, cette méthode a
semblé la plus fructueuse du point de vue des données
collectées.Elle a permis aux enquêtés de se délier
la langue, d'être moins stressés, de s'exprimer en toute latitude
du fait du groupe et de donner diverses positions recentrées autour de
notre objet d'étude. Ainsi, nous avons formé des groupes de cinq
à dix enquêtés dans les différents villages et
quartiers visités. Ces entretiens se sont articulés pour la
plupart autour des facteurs liés à la résurgence des
conflits fonciers, à l'évaluation des actions des instances de
régulation foncière à Sinfra , aux
difficultés liées à la gestion de ces conflits et les
facteurs directs ou indirects pouvant catalyser la résurgences de ces
litiges fonciers après gestion.
IV. Modes d'analyse des données
Dans de cadre de cette étude, nous avons eu recours
à deux méthodes d'analyse des données : la
méthode qualitative et la méthode quantitative.
4.1. Analyse qualitative
Elle a consisté à recueillir les opinions, les
attitudes, les perceptions diverses et les réactions individuelles et
collectives des enquêtés en rapport avec le
phénomène étudié. Pour ce faire, elle s'est
appuyée sur l'approche phénoménologique et l'analyse
culturaliste.
· Phénoménologie
La phénoménologie privilégie le point de
vue des sujets de l'action. Elle accorde l'importance à
l'interprétation que le sujet donne des évènements qu'il
vit (N'DA, 2015).
Elle a certes consisté à recueillir les
opinions, les perceptions et les expériences des enquêtés
par rapport au phénomène étudié mais
au-delà, elle a permis de faire une attention particulière
à la gestuelle, au regard, à la communication corporelle, aux
hésitations et aux commentaires de ces personnes ressources.
· Culturalisme
Selon Besnard, Boudon, Cherkaoui et Lecuyer (1999),
« le culturalisme est un système de pensée
anthropologique qui tend à expliquer la culture comme système de
comportement appris et transmis dans un système
social. »
Son intérêt dans cette étude s'est
principalement situé dans l'analyse du système culturel à
Sinfra, dans la transmission de l'héritage culturel, dans le rôle
des divers rituels d'invocation d'ancêtres dans la gestion
coutumière des conflits fonciers.
Aussi, a-t-il permis de comprendre la cohabitation mutuelle de
deux systèmes culturels différents (celui des autochtones et
celui des allochtones).
4.2.Analyse quantitative
Cette méthode qui permet de quantifier les
informations diversifiées relatives aux données du terrain, nous
a intéressé dans le regroupement, l'organisation et le classement
des informations selon leur degré de convergence.
Elle nous a aussi été significative à
travers l'usage des tableaux de distributions statistiques de type descriptif
et de pourcentages et du traitement inférentiel des données pour
mettre les hypothèses d'étude à l'épreuve des
faits.
V. Conditions sociales de l'étude
Pendant le déroulement de nos investigations, nous
avons été confrontés à deux difficultés. Ce
sont :
· L'indisponibilité des
enquêtés : quelques autorités du
département (Préfet, Sous-préfets, Président du
tribunal, Directeur départemental de l'agriculture), avaient du mal
à s'ouvrir vu la délicatesse du sujet et ce, en dépit des
autorisations de recherche. Cette difficulté a été
contournée par l'insistance et la mise en rapport des liens
familiaux.
· L'inaccessibilité à la
documentation : Des informations ont été
tenues au secret professionnel. Les informations sur la gestion des conflits
fonciers (procès-verbaux de décisions de justice, statistiques
sur les conflits fonciers gérés, ceux stagnants,...) ont
été difficilement traitées faute de supports
informationnels. Des témoignages et l'observation de quelques situations
nous ont permis de contourner cette insuffisance.
· Difficultés liés aux
déplacements : Le terrain d'étude est un champ
géographique constitué de six tribus (Bindin : sept
villages ; Gohi : six villages ; Nanan : huit
villages ; Progouri : quatre villages ; Sian : seize
villages et Vinan : quatre villages), soit un ensemble de quarante-cinq
villages explorés dans les quatre sous-préfectures (Sinfra,
Kononfla, Bazré et Progouri). Les pistes villageoises menant à
ces localités souvent reculées, sont inaccessibles aux
véhicules et reconnues que par le truchement d'anciens de villages.Cette
difficulté a été contournée par l'usage de
bicyclettes et de guide durant ces voyages.
DEUXIEME PARTIE :
RESULTATS, ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS, ET
DISCUSSION
CHAPITRE III : RESULTATS
I. MODALITES D'ACQUISITION DES TERRES A
SINFRA
Les principales conventions à propos du droit d'usage
sur la terre peuvent être considérées comme des accords
institués entre les individus ou groupes d'individus relativement
à l'exploitation des propriétés foncières et de
leur contrôle, mais concomitamment du profil social du nouvel
acquéreur du bien foncier et aux conditions de gestion de ce bien.
Evoquer des différentes modalités d'acquisition
de la terre à Sinfra, reviendrait dans notre travail à nous
intéresser aux pratiques dites ancestrales (1), aux pratiques
actuelles (2), aux critères de choix du concessionnaire (3) et à
ses pouvoirs en matière de gestion du bien foncier collectif (4)
à Sinfra.
1.Pratiques ancestrales
Les principales modalités ancestrales d'acquisition des
terres à Sinfra concernent la transmission par héritage (1), la
transmission par distribution utérine des terres familiales (2), le
tutorat (3) et les arrangements par compensation (4).
1.1Transmission parhéritage
Il se fonde sur la conception originale suivant laquelle,
la terre a un caractère essentiellement familial, lignager. Ainsi,
à la mort d'un parent, ses terres sont partagées entre ses
frères et ses fils ; les filles en sont exclues car elles seront
appelées à quitter le domicile familial en vue d'un
éventuel mariage(Propos recueillis auprès du vieux D.
Proniani, un cultivateur de70 ans(entretien effectué en Février,
2015). Autrement, l'héritage est un mode de transmission à
caractère exclusivement utérin avec une exclusion de la
descendance féminine en raison de la probabilité d'un mariage
avenir.
Mais dans certains cas, lorsque le défunt n'a pas de
descendants masculins, les sages du village statuent et envisagent la
possibilité d'attribuer à titre exceptionnel des terres à
ses filles qui désirent les cultiver.
Par ailleurs, selon ce même enquêté,
« la société kwênin de Sinfra est
régie par le patriarcat ». La parenté
s'établit donc en ligne masculine d'où la prédominance de
la descendance paternelle. Ainsi, les frères et les descendants directs
du défunt sont privilégiés dans l'attribution et le
partage des biens en général et des terres en particulier.
C'est seulement, lorsque ceux-ci font défaut que les
biens reviennent aux collaborateurs, aux cousins du défunt et à
leur descendance. Dans tous les cas, les parents de l'épouse et les
gendres sont exclus et le partage est fonction de certains critères tels
que l'âge, l'influence familiale et lignagère, le sens de la
responsabilité et l'engagement dans les activités
champêtres. Le partage des richesses est fonction de ces critères
à moins que le défunt ait, de façon confidentielle ou par
testament, laissé des instructions différentes.
1.2. Transmission par distribution utérinedes
terres familiales
Les données obtenues sur le terrain
révèlent que la transmission des terres à Sinfra respecte
le principe de l'endo-transmissibilité de la terre. Cela
signifie que la donation s'établit en ligne exclusivement
utérine, c'est-à-dire entre les membres d'une même famille,
d'une même lignée (caractère endo-lignager de la
transmission).
Ce mode de transmission s'apparente au mode
précédent (héritage) sauf que cette fois-ci, le donateur
des terres est vivant et procède lui-même au partage des biens
fonciers aux ayants droits (fils, neveux, frères,...)
Une telle conception des choses s'expliquerait par le souci
binominal qui consiste à la fois pour le donateur, à
procéder lui-même au partage des biens fonciers en dehors de tout
testament et aussi pour éviter que les générations
lignagères futures viennent à manquer de terres. Celles-ci,
étant une richesse importante dans la civilisation agraire en
général et chez les gouro en particulier.
Cependant, un planteur à Djamandji (32 ans, entretiens
en Mars, 2015) affirme qu' « à titre exceptionnel, cette
transmission peut se faire en faveur d'un nouveau résident
(considéré comme un membre de la famille), soit en signe de
solidarité, soit pour consolider une amitié ».
Mais dans ce cas, cette donation s'effectue contre un cadeau symbolique ou des
services particuliers rendus aux autochtones
« kwênins ».
Généralement, elle se double d'un mariage ou
d'une promesse de mariage d'un membre du lignage hôte avec une personne
du groupe allochtone, dans le but de perpétuer l'alliance, la
solidarité ou l'amitié.
1.3. Tutorat
Dans notre zone d'étude, l'enquêtéS. (de
Béliata, 40 ans, planteur) révèle que le
« tutorat est une sorte d'institution traditionnelle rurale qui
gouverne les relations sociales,caractérisé par des
délégations de biens fonciers à des allochtones
nécessiteux, contre un droit de reconnaissance permanent envers le
tuteur. Cette reconnaissance bien qu'établissant une relation verticale
entre ces acteurs, se matérialise par des civilités
régulières qui peuvent consister en des assistances
financières au tuteur et /ou en des dons de revenus
champêtres ».
Dans la pratique, l'établissement de cette relation de
tutorat se séquence en deux phases :
- Dans un premier temps,le tuteur ou
« tèrèzan » effectue des libations
et incantations sur la terre en question en vue de confier la vie et les
activités champêtres de l'allochtoneaux ancêtres, garants de
la protection mystique.Dès lors, l'allochtonedevient comme un
« wouobin » dontle nom et la
crédibilité sont fonction de sa promptitude et de ses prestations
auprès de sa famille d'accueil.
- Dans un second temps, l'allochtone effectue des travaux
champêtres dont les prémices reviennent au tuteur au-delà
des civilités régulières et des versements trimestriels ou
semestriels de revenus équivalents au dixième de chaque
récolte (riz, maïs, manioc et légumes).
Toutefois, il reste à préciser selon ce
même enquêté que « l'allochtone est
autorisé dans le cadre de cette transmission, à cultiver
uniquement des cultures vivrières et à exploiter les palmiers
à huiles souvent existants sur l'espace en vue de la commercialisation
de vin de palme ».Cette prescription exclut l'allochtone de
toute culture de rente sur la terre vu que les clauses du tutorat ne sont
généralement pas délimitées de façon
temporelle et donc, pourraient s'estomper subitement si l'un des acteurs n'y
trouve plus son intérêt.
1.4.Arrangements par compensation
Ils constituent pour l'enquêté G. (Huafla,
64ans, retraité)« une forme controversée du tutorat
qui consistait pour le migrant, en la remise d'une somme symbolique comme
compensation à l'utilisation temporaire de la portion de terre d'un
autochtone gouro. Cette somme étant relativement faible par rapport au
coût de l'utilisation temporairede l'espace foncier, s'apparente à
un échange déséquilibré (terre / somme) et
conditionné par des prestations morales et sociales vis-à-vis du
tuteur ». Autrement, cette forme de transmission emprunte au
tutorat certaines civilités sociales et morales, mais va plus loin pour
dépendre intrinsèquement de la somme compensatoire remise au
tuteur en contrepartie au droit d'usage périodique.
Mais, selon d'autres enquêtés tels que TH.
(Sanégourifla, déscolarisé, 32ans)
« Contrairement au tutorat où l'autochtone-tuteur est
plus rigoureux sur la question des prestations matérielles,
l'arrangement par compensation prescrit plutôt une certaine souplesse
à cet effet ». Ainsi, l'allochtone peut oublier sans
conséquences dommageables, de présenter des revenus de certaines
cultures moins prisées telles que le maïs, les légumes et
des fruits issus de l'extraction du vin de palme. Quant au riz et à
l'igname dont la récolte est annuelle, l'allochtone se devra de ne pas
faillir à ce devoir de reconnaissance, sous peine de stigmatisation et
éventuellement de rupture du contrat (les liant).
Ces modalités d'acquisitions des terres dites
ancestrales ont été pour certaines, rejetées dans le
contexte évolutif de Sinfra (tutorat, arrangements par compensation) et
pour d'autres, conservées (héritage, distribution utérine
des terres familiales).
Toutefois, dans un souci de concision, nous n'aborderons pas
les points déjà évoqués plus haut (héritage,
distribution utérine des terres familiales).
2. Pratiques actuelles
Les modalités d'acquisition actuelles des terres
à Sinfra s'articulent autour de l'héritage, de la distribution
utérine des terres (déjà évoqués plus haut),
du prêt(1), de l'achat / vente(2),de la mise en gage(3)et du
métayage ou « zépa »(4).
2.1. Prêt
Le prêt est un système à travers lequel,
le propriétaire d'une terre met à la disposition d'un tiers, une
partie ou la totalité de sa propriété pour en tirer profit
avant que le besoin ne s'impose à lui.
Ainsi,selon le chef Z.de
Baléfla(rétraité, 66 ans, Mars, 2015) « le
bénéficiaire de ce droit de gestion, exerce comme le
propriétaire de la terre, les mêmes fonctions d'occupation,
d'exercice, de gestion notamment sur la portion de terre qui lui a
été attribuée. Ce droit de propriété
qu'exerce le bénéficiaire est différent du droit de
propriété exclusif en ce sens qu'il est tenu de rendre compte de
sa gestion au propriétaire ». Autrement, à travers
une convention de prêt, le bénéficiaire jouit des
bénéfices de la ressource foncière qu'il a
sollicitée et obtenue auprès de son propriétaire
légitime, mais cette jouissance implique en contrepartie, le respect de
certaines clauses auprès desquelles, il a obtenu le droit d'exercice.
Ces clauses peuvent être sociales ou
foncières.
· Clauses sociales
Elles sont de nature relationnelle et prescrivent très
peu de lignes de conduite que le bénéficiaire devra avoir envers
son « têrêzan » et
octroient plutôt une primauté au respect des valeurs et normes
culturelles.
Cette pratique dite ancestrale par certains
enquêtés s'observe dans les villages assez reculés de la
ville, presque coupées des nouvelles réalités capitalistes
du marché actuel, où les populations jusque-là sont
restés fidèles aux pratiques culturelles ancestrales.
· Clauses foncières
Cette typologie plus ou moins récente et
régulièrement adoptée par les populations rurales, est
prescriptive : c'est un système qui met l'accent sur la
contrepartie financière ou matérielle équivalente au don,
c'est-à-dire que le « têrêzan »
attend du bénéficiaire, des gestes en nature de façon
régulière (trimestriellement ou annuellement) selon les
conventions définies dans le cadre du contrat. Ainsi, en cas de
non-respect de ces contrats, l'on peut assister à des conflits entre ces
acteurs ruraux.
2.2. Achat / Vente
Elle entre selon les enquêtes, en ligne de compte des
pratiques dites coutumières du département et s'établit
le plus souvent sur un papier non moins important qui sera visé par les
parties en présence et ci-possible des témoins.
Toutefois, vu la récurrence des conflits de non-respect
des clauses des contrats de ventes foncières établis à
Sinfra, le collectif des chefs traditionnels qui tendent de plus en plus
à être des anciens cadres et fonctionnaires retraités, a
interdit les ventes sournoises de terre. Elles doivent désormais
être effectuées en présence du bureau du tribunal
coutumier, qui aura pris soin, avec le chef de terre, de faire une
enquête préalable dont l'objectif serait de déterminer
si :
- La propriété devant faire l'objet de vente est
familiale ou personnelle
- Le vendeur est le seul héritier ou s'il a des
frères dans d'autres villes du pays ; ce qui suppose que
ceux-là doivent être informés et acceptent la vente.
C'est pourquoi, un chapelet de conditions de transaction a
été élaboré par la chefferie traditionnelle afin de
suivre et valider les ventes de terres si elles se conforment aux conditions
préétablies. Ceci permettrait aux élus villageois de
procéder à la pose de bornages traditionnels pouvant servir de
délimitations temporaires avant que les propriétaires ne se
fassent établir de certificats fonciers définitifs.
Pendant nos enquêtes, les différents chefs des
tribus du département disent « avoir entrepris de vastes
campagnes d'information et de sensibilisation sur l'interdiction formelle
d'élaborer des transactions sournoises, des marchandisations
imparfaites, sous peine d'annulation de contrat et de ses
effets » (Propos recueilli auprès du porte-parole du
collectif des chefs de tribus de Sinfra, Juin, 2016 à Djamandji).
2.3. Mise en gage
Elle est définie par l'enquêté G. de
Manoufla (cultivateur, 28 ans, entretien en Juin 2016) comme « un
contrat par lequel un propriétaire remet sa terre à un
créancier et lui donne le droit de garder et d'exploiter cette terre
jusqu'au remboursement de sa dette ». En d'autres termes, la
mise en gage est un mode de consolidation foncière qui accorde une
jouissance totale au nouvel acquéreur durant la durée du contrat
et ne prescrit aucune forme de reconnaissance ou de civilités du
créancier à l'égard du propriétaire et
vis-versa.
Toutefois, celui-ci reste tenu d'effectuer des
culturesexclusivement vivrières sur la portion de terre en raison de
l'incertitude de la date de remboursement. Dans certains cas peu
fréquents, les conventions entre ces acteurs peuvent prescrire la
conservation de l'espace par le créancier en cas de non-respect du
chronogramme de remboursement arrêté par ces acteurs.
2.4. Métayage ou
« zépa »
Cette pratique assez fréquente dans le
Département de Sinfra, peut être perçue comme
« un contrat entre un propriétaire terrien et un migrant,
spécialisé dans les activités champêtres, qui
consiste pour le propriétaire à céder une partie ou la
totalité de son espace foncier à ce migrant qui, devra dans une
période déterminée, valoriser l'espace de sorte à
en faire un champ productif ; une sorte de
planter-partager » (enquêté de la direction
départementale de l'agriculture ; Avril, 2015) ;
Cette durée de mise en valeur qui
régulièrementvarie entre 5 et 8 ans, est
rémunérée selon des conventions départementales, au
1/3 de l'espace cultivé pour le métayeur.
Toutefois, avec cette pression foncière observée
depuis quelques temps à Sinfra, il n'est pas rare d'observer des
conflits multiples entre ces nouveaux partenaires fonciers. De nombreuses
causes y sont parfois évoquées :
- Non-respect de la période de production convenue
dans le contrat.
- Décès du donateur et la tentative de
redéfinition du contrat par les descendants.
- Nature du contrat qui pose la question de savoir si le
métayage s'exerce seulement sur les cultures ou à la fois sur la
portion de terre et les cultures.
- Maladies de cacaoyers telles que « le
swoollen shoot » qui déciment la plantation de cacaoyers
avant le partage (enquêtés de la direction départementale
de l'agriculture et certains ruraux ; Avril, 2016).
De ce fait, l'on note de nombreuses divergences entre ces
acteurs (nouveaux partenaires), qui se métamorphosent assez rapidement
en violencesphysiques, avec une tendance mutuelle d'engloutissement ou de
phagocytage de la résistance de l'adversaire par la mise en
évidence du réseau social ou des liens socio-affinitaires avec
les autorités locales.
Une enquête-interrogation effectuée auprès
d'une sous-population de 123 individus de notre échantillon
d'enquête (dans le souci de noter les modes d'accès
fréquemment observés à Sinfra) a permis d'obtenir les
résultats suivants :
Tableau 8 : Fréquence des
modalités d'accès fonciers à Sinfra
Modes d'accès
à la terre
Sous
Préfectures
|
Héritage et autres donations
|
Prêt
|
Achat/Mise en gage
|
Métayage
|
Total
|
Sinfra
|
24 36%
|
9 13%
|
15 23%
|
19 28%
|
67 100%
|
Bazré
|
8 45%
|
4 22%
|
2 11%
|
4 22%
|
18 100%
|
Kononfla
|
11 48%
|
2 9%
|
2 9%
|
8 35%
|
23 100%
|
Kouêtinfla
|
10 67%
|
1 7%
|
1 7%
|
3 20%
|
15 100%
|
Total
|
49 40%
|
19 15%
|
20 16%
|
35 29%
|
123100%
|
Source : Terrain
· Sur les 123 enquêtés du département
de Sinfra, 49 personnes ont reçu leur bien foncier par héritage
et autres donations, soit 40% de l'effectif total.
· 35 individus sur les 123, ont obtenu leur portion de
terre par métayage, soit 29% de la population totale.
· 20 enquêtés sur 123 ont acheté leur
potion de terre, ce qui correspond à 16% de la population totale.
· 19 personnes sur 123, ont obtenu leur
propriété foncière par prêt, soit 15% de l'effectif
total.
A l'analyse, l'héritage prédomine les
modalités d'accès à la terre, ce qui est lié au
fait que dans la coutume gouro, les terres ont été reparties
selon les familles, les lignages et tribus par les ancêtres. Chaque
village ou lignage était affecté sur des terres sectorielles de
sorte à éviter les effets de dispersion des membres, de
désordre ou de litiges entre autochtones eux-mêmes. C'est pourquoi
dans le département de Sinfra, l'appellation d'un village donne
implicitement des informations sur la situation géographique et les
limites des différentes portions de terre appartenant aux habitants de
cette lignée autochtone.
A titre illustratif, nous pouvons mentionner que dans le
village Digliblanfla, selon les distributions et redistributions des
ancêtres, les autochtones disposent des forêts
« plaplowouo »,
« voêagloudji »,
« valsigoêwi », « zablagoli »,
« goazi », « gloutaplô » que
chaque autochtone est censé connaitre (noms, emplacements et limites) de
sorte à mieux les transmettre des descendants aux descendants.
L'héritage est donc le moyen de transmission le plus
utilisé par la population rurale. Les prêts, mises en gage et
ventes que l'on observait depuis quelques temps à Sinfra, ont
été progressivement substitués par le métayage qui
semble être au confluent de ces deux types de transactions, en ce sens
que pour nombre d'enquêtés, il profite autant au
propriétaire terrien qu'au métayeur.
Cette pratique relativement nouvelle connait un grand
succès dans le département de Sinfra vu que certains autochtones,
même infirmes, physiquement affaiblis ou régulièrement
absents, peuvent par ce biais, valoriser leur portion de terre sans toutefois
s'investir eux-mêmes dans les activités champêtres.
La représentation graphique des différents modes
d'acquisition des terres à Sinfra, pourrait donnerla
schématisation suivante.
Droit du premier autochtone occupant et ses
héritiers : propriétaires originels : Droit
perpétuel
Acquisition des terres en milieu rural à
Sinfra : propriétaires secondaires
`
Prêt / Mise en gage : Droit d'usage
momentané sans droit de propriété
Métayage : Droit de mise en valeur
contre une rémunération foncière
Achat: occupation permanente moyennant une contrepartie
financière ou matérielle
Figure 2 :
Modalités d'acquisition des terres à Sinfra
Source : Terrain
Dans la conception traditionnelle gouro, la terre appartient
aux ancêtres (propriétaires originels). Elle est
léguée (en héritage) exclusivement aux descendants.
Sacrée, la terre dans la coutume kwênin permet l'affirmation de
l'identité culturelle et sociale ; elle constitue le
préalable pour contracter un mariage ou avoir la possibilité de
s'exprimer dans les assemblées villageoises. Les
générations se fidélisent à cette consigne
ancestrale et la transmettent aux descendants. Cette pratiquebien
qu'ancrée dans les valeurs culturelles kwênins,s'effectuait sans
aucune prévision migratoire future de certaines populations
allogènes en quête d'espaces de cultures ou de refuge.
A partir de la seconde décennie après
l'accession à l'indépendance ivoirienne, l'on va assister
à des vagues croissantes de migrations des populations allogènes
vers les terres nationales en général et des terres du sud-ouest
(Sinfra) en particulier, usant de méthodes multiformes pour consolider
des droits de propriété foncière à
Sinfra :propositions financières (achat, vente), amicale (demande
de prêt), protectionniste (métayage) et
dépendantiste(tutorat). Ceux-ci constituent désormais des
propriétaires secondaires.
3. Critères de choix du nouvel
acquéreur
« Pour désigner un successeur dans la
gestion des terres de la famille dans nos coutumes ici, celui qui est choisi
doit être quelqu'un qui s'investit beaucoup dans les travaux du champ, un
rassembleur des membres de la familleet un homme honnête dans la gestion
des terres ».(Propos recueillis auprès de
l'enquêté B. 59 ans, planteur à Djamandjilors d'entretien
effectué en Mai, 2016).
Ces propos traduisent que l'acquéreur des biens
fonciers familiaux doit être un cultivateur (1) et un rassembleur (2) qui
se distingue par son honnêteté (3).
3.1. Cultivateur
La désignation du successeur des biens fonciers
familiaux dans les contrées rurales de Sinfra s'effectue en faveur d'un
membre utérin (oncle, cousin, ainé ou cadet) ayant en amont fait
ses preuves dans les activités champêtres.Ceci suppose une
certaine omniprésence dans les activités champêtres,
matérialisée par la possession de cultures de rente (café,
cacao). En d'autres termes, il faille que le successeur puisse se vanter
à l'égard des autres membres de la famille, de la
détention de champs de cacao, café assez vastes,
caractéristiques de la richesse en pays gouro.
Pour Z.un enquête de kouêtinfla (67 ans,
planteur), « selon les instructions ancestrales que nous suivons
depuis des générations, les terres de la famille ne peuvent
être confiées à un paresseux puisque qu'il va vendre pour
sacrifier la vie des membres de la famille. On ne peut pas aussi les donner
à un aventurier car il va les laisser sans les cultiver pour aller
à l'aventure. Donc, celui qui travaille beaucoup au champ et a des
plantations de cacao et de café est plus apte à gérer la
richesse de la famille dans la mesure la nourriture ne va pas manquer à
la maison ».
De ce fait, cette position de détenteur de plantations
confère au successeur la responsabilité de la subsistance des
membres de la famille lors des périodes de famine
généralisée « klata » qui
s'étend de janvier à Mai, c'est-à-dire durant la
période de semence au sarclage du riz.
3.2. Rassembleur
Dans le milieu rural de Sinfra, le successeur au père
donateur des terres, dans le registre familial, doit présenter un
profil de rassembleur. Pour cela, il doit autant que faire se peut, veiller
à l'homogénéité des membres pour éviter les
effets de dispersion liés à l'indigence alimentaire et
financière caractéristique du monde rural ivoirien.
Outre ce fait, il doit rétablir ou préserver le
cadre familial d'échange (réunions hebdomadaires, mensuelles et
situationnelles) et circonscrire ses actions dans la préservation de
l'unité familiale, condition indispensable pour éviter les
conflits internes dont la dégénérescence pourrait
désagréger le tissu familial. Cette idée est soutenue par
l'enquêté B. de Béliata (31 ans, maçon du village)
en ces termes «le successeurdes terres chez nous, doit pouvoir
rassembler tous les membres de sa famille pour régler les
problèmes en interne. Ce sera à cette condition que les membres
constituerons un groupe homogène dont les liens sont
soudésà l'intérieur de la cellule
familiale ».Autrement, pour l'enquêté, le cadre
d'échange familiale que devra instaurer ou préserver
l'héritier des terres, sera essentiel au renforcement des relations au
sein de l'institution familiale.
3.3. Honnête
« Lorsque un fils hérite des terres, il
ne doit pas les vendre et doit empêcher que ses frères aussi les
vendent ces terres ». Ces propos recueillis auprès de K.
chef de terre à Tricata (cultivateur, 53 ans, lors de l'entretien
effectué en Décembre 2015) montrent d'une part que le successeur
des terres familiales ne doit en aucun cas, brader les terres et d'autre part,
que celui-ci a le devoir d'empêcher que les autres membres
(frères, cousins, oncles) vendent aussi les terres quelque soit la
difficulté sociale ou financière à laquelle ils sont
confrontés.
Durant nos investigations, un enquêté nous
racontait que dans le village Zéménafla, un chef de famille a,
quelques mois avant sa mort, attribué la gestion des terres
familialesà sonfils cadet en raison de la disponibilité de
celui-ci à ses soins pendant une longue période de maladie.Ainsi,
trouvant les travaux champêtres assez difficiles et la
responsabilité familiale colossale, le nouvel héritier se mit
à brader les terres familiales à des prix dérisoires dans
le but de fournir la nourriture à la famille pendant la période
de famine
généralisée« Klata » et ce,
à l'insu des autres membres de la famille.
Après donc de nombreuses ventes successives, la famille
se retrouva avec trois hectares sur un ensemble de vingt hectares au
départ, à partager aux quinze membres. Dès lors, un
conflit intrafamilial « désordonné »
s'engagea entre les membres qui s'accusaient les uns les autres comme
étant complices de ces ventes de terres familiales.
Toutefois, il reste à préciser que, même
si l'héritier a bradé les terres familiales dans le but de
procurer la nourriture pendant ces périodes de disette, cette attitude
reste désormais condamnée par les
« kwênins » qui ont fait de
l'honnêteté, un critère déterminant dans le choix du
successeur des terres familiales.
4. Pouvoirs et limites du nouvel acquéreur dans
la gestion du bien foncier collectif
4.1.Pouvoirs du concessionnaire
4.1.1. Pouvoir discrétionnaire
Selon 90% des enquêtés, le nouveau
concessionnaire des terres familiales dispose d'un pouvoir
discrétionnaire quant à la mise en valeur collective des terres,
au partage, à la mise en jachère ou en
« zépa ».Autrement, c'est au nouveau
concessionnaire que revient le pouvoir de décision quant au mode
d'utilisation des terres familiales.
En ce qui concerne la mise en valeur collective, le
concessionnaire peut user de sa notoriété dans la
hiérarchie familiale pour exiger que les terres soient cultivées
collectivement pour ainsi revêtir la dénomination
« plantation de la famille A. ». De ce fait, les
produits issus de cette plantation au fil des années sont cueillis
collectivement, vendus et partagés soit équitablement, soit par
rapport à l'âge ou encore selon le degré d'investissement
physique de chaque membre dans les travaux champêtres. Ce type de
plantation est fréquent dans les villages de la tribu Bindin et les
villages de la sous-préfecture de Bazré.
En ce qui concerne le partage des terres familiales à
des usages personnels, le nouvel héritier peut décider de
repartir les terres aux ayants droits pour permettre à chacun
d'effectuer les cultures de son choix (cultures vivrières ou de rente).
A ce niveau, il dispose d'un pouvoir discrétionnaire et peut ajouter
deux ou trois hectares supplémentaires sur sa portion dans le but
d'assurer la nourriture quotidienne durant la période de
« klata » ou encore partager à part
égale les terres et laisser le soin à chacun de se prendre en
charge pendant les périodes d'abondance et d'indigence alimentaire. Il
faut préciser qu'à ce stade, le partage tient principalement
compte des liens utérins avec le parent donateur. Autrement, les fils
directs sont davantage privilégiés dans le partage des terres que
les cousins ou neveux du donateur, selon la portion générale
disponible.
Concernant la mise en jachère, le nouvel
héritier peut demander ou exiger aux autres membres de la famille, que
certaines portions restent en jachère pour des raisons
d'infertilité ou de conflit avec d'autres autochtones se disant
propriétaires par legs. Ainsi, cette portion demeurera en jachère
durant toute la période d'investigations foncièresafin de situer
le véritable propriétaire et simultanément de permettre
à la terre de se reconstituer en matières organiques.
Outre ces différents pouvoirs qui relèvent de la
compétence du nouveau concessionnaire, se greffe la possibilité
de mettre certaines portions sous le
« zépa »s'il constate un faible engagement
des autres membres de la famille dans les activités champêtres.
4.1.2. Droit de regard sur les
récoltes
Pour l'enquêté M. de Blontifla (60 ans, planteur,
entretien effectué en Mai, 2016) «le rôle de
l'héritier des terres familiales s'apparente à celui d'un
véritable chef de famille, il reçoit en permanence les
prémices des récoltes de ses frères et des gens qui
travaillent sous le zépa pour lui et sa famille. S'il ne reçoit
pas ce qu'on devait lui donner, il peut se plaindre ou prendre des mesures
sévères allant jusqu'à refuser la nourriture à ses
frères pendant le klata ou rompre le contrat de
zépa ». Ces propos de ce chef montrent que le nouvel
héritier assume les mêmes responsabilités et
bénéficie des mêmes privilèges que le père
donateur, mais plus loin caril dispose de pouvoirs pluriels
caractérisant sa position hégémonique au sein de
l'institution familiale.
Le nouvel acquéreur aurait droit à une part des
récoltes des autres membres de la famille et du métayeur, mieux
ceux-ci seraient contraints de lui verser des prémices de leurs
récoltes sous peine de stigmatisation et de privation future de
nourriture pendant les moments de disette ou encore de rupture de contrat de
zépa.
Ce pouvoir est d'autant plus affirmé dans certains
lignages « Djahanénin et
Péhinénin » de Kouêtinfla où le
nouvel acquéreur peut même exclure un membre de la famille des
activités champêtres ou le rendre dépendant des
récoltes de ses frères pendant une période relativement
longue.
Schématiquement, les actions sociales du nouvel
acquéreur envers les autres membres de la famille pourraient donner
succinctement la figure suivante.
Nouvel acquéreur
Activités champêtres
supplémentaires
Nourriture durant le klata
Funérailles et autres dépenses
Autres membres de la famille
Figure 3 : Actions du nouvel
acquéreur en faveur des membres de sa famille
SOURCE : Terrain
Il ressort de cette figure que le nouvel acquéreur a
une triple responsabilité vis-à-vis de ses parents (soutien en
temps de deuil, nourriture durant le moment de klata et activités
champêtres supplémentaires).
Au niveau du soutien en temps de deuil, il faut noter que la
crédibilité d'un époux en pays gouro s'évalue en
fonction de sa promptitude et de la nature de ses dons lorsque sa femme est en
deuil, faute de quoi, il pourrait l'objet de regards méprisants au sein
de la communauté villageoise. Ainsi, en cette période
délicate où le frère ou l'oncle en quête d'argent,
pourrait être tenté par des ventes clandestines d'espaces
familiaux, l'acquéreur des biens familiaux est implicitement contraint
de lui venir en aide. Cette aide peut provenir d'une mise en gage collective
d'une portion de terre familiale, d'un prêt ou de l'utilisation
d'économies familiales car, au-delà de l'individu, c'est la
réputation de la famille qui est mise à l'épreuve.
Outre cette responsabilité enverguée, le nouvel
acquéreur doit assurer la subsistance de la famille pendant la
période de famine villageoise (de Février à Juin) pour
éviter les propos dénigrants lors des réunions au sein de
la communauté villageoise.L'ensemble de ces activités sociales
effectuées pour le bien-être de la famille nécessite un
investissement régulier de celui-ci dans les activités
champêtres, seule source de revenu des kwênins.
Toutefois, ces actions nécessitent une contrepartie
qui concerne principalement le don de prémices des récoltes et
une assistance permanente du nouveau concessionnaire dans la gestion du bien
collectif. La figure ci-dessous nous en donne les détails.
Membres de la famille
Assistancedans la gestion
Prémices des récoltes
Nouvel acquéreur
Figure 4 : Actions des membres de famille
en faveur du nouvel acquéreur
SOURCE : Terrain
A partir de cette figure, il apparait que les membres de la
famille, eu égard aux efforts qu'effectue le nouveau chef de
famille,font preuve de reconnaissance, même si dans le fond,celle-ci
parait obligatoire. Cette reconnaissance
« obligatoire » se manifeste par des dons de
prémices de récoltes et une assistance permanente à ce
nouveau chef de famille dans la gestion de la famille et de ses terres.De ce
fait, les décisions prises par celui-ci ne sont pas exclusivement le
résultat d'une réflexion personnelle, mais plutôt le fruit
d'une concertation générale pour l'intérêt
général.
Cependant, le nouveau concessionnaire, même s'il dispose
depouvoirs quant à la gestion des terres familiales, ceux-ci connaissent
quelques limites.
4.2. Limites du concessionnaire
4.2.1. Bradage des terres familiales
« Mon fils, quand un père désigne
un de ses fils pour le succéder, il ne doit jamais vendre les terres, il
doit les garder, les partager à ses frères (frères de sang
et cousins) et ses papas (oncles). Parce que s'il gère mal et vend les
terres à cause de problème qui ne finit jamais, nous, on va
encourager et aider ses parents à prendre leurs terres et il va
rembourser l'argent qu'il a pris avec eux ». Ces propos
recueillis auprès du sage de Djamandji (planteur, 72 ans), montrent que
certes celui qui hérite des terres familiales, a en charge la gestion
des terres, mais doit en faire bon usage (partage aux ayants droits,
cultured'ensemble ou jachère). Il ne doit en aucun cas les vendre,
encore moins les mettre en gage personnellement pour des besoins financiers.
Ses actions doivent se circonscrire dans la préservation de ce
patrimoine familial en vue d'un profit collectif.
Relativement au mode de gestion des terres familiales,
l'enquêté G. (38 ans, cultivateur à Béliata ;
entretien de Juillet, 2015) nous racontait que dans le village Digliblanfa, le
père Zouogouli, à sa mort n'avait qu'un seul fils Gooré,
mineur (10 ans). La gestion de ses terres a donc été
confiée à son oncle qui les brada les unes après les
autres et ce, au moindre problème financier.
A l'âge de vingt-un, âge supposé de la
stabilité psychologique chez les kwênins, l'oncle tardait
à montrer les terres au jeune Gooré qui errait de plus en plus
dans le village. Ainsi, de rencontres en rencontres, les sages
demandèrent à l'oncle de restituer quelques portions de terres
à l'enfant afin que celui-ci puisse se fonder une famille puisque la
tradition recommande d'avoir une terre à cultiver avant d'être
apte à concéder un mariage. Mais, la restitution paraissait
quasi-impossible puisque d'une part, ceux qui avaient acheté les terres
y avaient planté des cultures de rente et d'autre part, qu'il ne restait
que les trois hectares de forêts que l'oncle avait
réservées à son usage personnel.
Le jeune Gooré intenta une série de
procédures coutumière, administrative et pénale contre son
oncle qui s'avéraient longues et exposant le jeune à des
récupérations ou interprétations fétichistes.
Toutefois, il faut préciser que revendiquer sans cesse les terres
à ses parents dans le contexte actuel de Sinfra, peut donner lieu
à des attaques aux provenances bizarroïdes.
Durant cette série de procédures aux
interventions administratives multiples et aux questionnaires sans fin,
Gooré sentit des malaises à répétition qui l'ont
poussé à négocier de façon sournoise le transport,
auprès de bonnes volontés et regagner la capitale
économique, en espérant y acquérir une meilleure situation
de vie.
4.2.2. Prise de décisions sans consultations
préalables
Le nouveau chef de famille, dans l'exercice de son pouvoir
familial doit préalablement consulter ses parents faute de quoi, il
pourrait faire l'objet de destitution par une réunion entre la famille
et le collège des anciens.En effet, même si ses actions
s'érigent dans le sens du bien-être de la famille, celles-ci
doivent faire l'objet d'approbation préalable par la majorité des
membres de la famille.
Dans la plupart des contrées du département, les
enquêtés révèlent que de nombreux
« nouveaux chefs de famille » sont démis au
quotidien de leur fonction paternaliste pour des raisons tenant en des actes
autocratiques de ceux-ci et à l'assujettissement foncier des autres
membres.
Ainsi, selon 75% des enquêtés, les
autorités coutumières ont désormais un oeil plus regardant
sur la gestion des biens familiaux par l'héritier
désignéafin de prévenir de potentiels conflits
intrafamiliaux ou d'expropriation d'allochtones.Ce faisant, le dirigeant de la
famille est de plus en plus suivi dans ses actes tant par les acteurs de la
chefferie traditionnelle que par ses parents, afin d'éviter le bradage
des terres familiales pour des questions financières telles que
constatées dans la plupart des villages de la tribu Vinan et Bindin,
pendant nos enquêtes.
II. DEROULEMENT DES CONFLITS FONCIERS A
SINFRA
Pour A. (29 ans, un planteur de Kayéta),
« les conflits fonciers sont récurrents, meurtriers dans
les localités de Sinfra et minent les rapports entre les
communautés villageoises avec des conséquences parfois
dramatiques ». Ces conflits basés sur les ressources
naturelles seraient en augmentation croissante aussi bien en fréquence
qu'en intensité.
Ainsi, même s'ils sont causés par avidité
ou injustice, ces litiges observés dans les zones spécifiques de
Sinfra causent selon B. (32 ans, cultivateur à
Koumoudji),« de sérieux bouleversements sociaux, mettent
en suspens ou détruisent les opportunités de revenus,
créent l'insécurité alimentaire, nuisent à
l'environnement et fréquemment causent des pertes humaines et
matérielles ».Les ménages villageois
caractérisés par une paupérisation
généralisée, supportent la charge la plus lourde de ces
litiges du fait que leurs besoins journaliers et leurs moyens de subsistance
seraient directement en rapport avec leur droit de propriété.
Dans ce contexte, évoquer le déroulement de ces
litiges fonciers à Sinfra, reviendrait selon nous, à aborder
succinctement la typologie des conflits fonciers(1), les acteurs de ces
litiges fonciers(2), les moyens utilisés (3) et les lieux (4).
1. Typologie des conflits fonciers à
Sinfra
1.1. Conflits intrafamiliaux
Les verbatim obtenus sur le terrain d'étude,
révèlent que ce type de conflit survient
généralement dans la communauté autochtone. Ces conflits
dits intrafamiliaux sont plus fréquents au sein de l'institution
familiale où héritiers légitimes, oncles, cousins
s'entrechoquent, se heurtent pour s'approprier des portions importantes des
terres familiales après le décès du père
donateur.
Des divergences qui, au départ se manifestent par des
murmures, des querelles, se métamorphosent assez rapidement en violences
physiques avec par moment et par endroit la formation des groupes
isolés, un clanisme au sein de la famille et des risques de
positionnement juvénile dans théâtre foncier familial, avec
une remise en question du droit d'ainesse et tous les privilèges
liés.
Selon l'enquêté K.(50 ans, cultivateur
àDigliblanfla) « ce type de conflit est régulier et
les interventions répétées de la chefferie ne donnent pas
les résultats escomptés puisque les individus en conflit sont des
parents proches, habitent la même maison et donc, sont
régulièrement en contact. ». Mais
au-delà, ce type de conflit révèle une absence ou une
désorganisation du cadre d'expression familial. Les différends
intrafamiliaux observés à Sinfra transcenderaient donc le cadre
inégalitaire, revendicatif pour traduire un manque d'espaces lignagers
d'échanges, de gestion de conflits intrafamiliaux. Une telle conception
semble être partagée par certains enquêtés de
Progouri tels que G. (34 ans, électricien) pour
qui « les réunions hebdomadaires, mensuelles que l'on
faisait avant au sein de la grande famille, ont été
délaissées parce que les membres disent ne pas avoir le
temps ».
D'autres y voient une focalisation sans mesure des fonts
pionniers sur la recherche du gain quotidien et personnel, mettant ainsi au
second plan l'intérêt de la lignée (Propos recueillis
auprès d'un élu gouro, 49 ans, entretiens de Juillet 2015).
1.2. Conflits interfamiliaux
Les conflits entre familles sont fréquents à
Sinfra et s'observent aussi bien chez les autochtones que chez les allochtones.
Ils ont, selon les propos du chef G. (planteur, 69 ans, Gonfla)
« plusieurs origines : vieilles rancunes stimulées
par des étincelles, non- reconnaissance des contrats de vente et de
prêt des lopins de terre entre ruraux, empiètement des limites des
champs et se particularisent à la fois par
l'élargissement du réseau de relations sociales et des violences
remarquables».
Dans la pratique, ces conflits font intervenir de nombreuses
personnes issues des familles, des lignées et se caractérisent
par une escalade assez rapide de la violence provoquant des cas de blessures
sévères, d'infirmités partielles ou totales chez les
belligérants.
Pendant nos investigations, nous avons visité le champ
d'un autochtone de kouêtinfla qui présentait des limites
imprécises.Ainsi, lors de cette expédition, il apparaissait clair
que faute de moyens modernes, les champs des ruraux ont des
délimitations naturelles (bas-fonds, termitières, fromagers,
palmiers à huile,....) qui, elles-mêmes disparaissent avec le
temps. Conséquemment, cette disparition (des limites naturelles)
provoque une incertitude relative chez les ruraux, une imprécision
totale des limites qui l'étaient déjà partiellement et une
confusion des droits caractérisés par des empiètements
multiples, des consolidations violentes d'espaces, et le tout, dans un
environnement socio-rural politiquement enrhumé.
A cette situation, tandis que certains ruraux espèrent
en un plan d'aide étatique de délimitation foncière,
d'autres y voient comme solution, une consultation régulière des
ancêtres à travers rituels et sacrifices comme le
témoignent les propos d'un sage de Digliblanfla (70 ans,
propriétaire terrien) « en cas de conflit sur les limites,
on invoque les ancêtres qui viennent nous montrer les limites. Dans ce
cas, on ne se trompe pas, puisque ce sont les ancêtres qui ont
parlé ».
Pour un diplômé de ce village tels que K. (42
ans, conseiller siégeant au conseil de la notabilité)
« cette procédure est trop mythique pour être
appliquée avec tous les risques d'erreurs, d'ajouts,
d'interprétation occultes des supposés
ancêtres ».
1.3. Conflits intercommunautaires
Les conflits entre communautés autochtones et
allochtones paraissent pour de nombreux ruraux (focus group effectué
auprès des jeunes de Djamandji, Février, 2016) comme
« les moins fréquents dans le département mais
lorsqu'ils surviennent, provoquent de nombreux dégâts humains et
matériels. De petites mésententes entre agriculteurs
eux-mêmes ou entre agriculteurs et éleveurs peuvent se transformer
rapidement entre conflits sérieux». Partant de ces propos, il
parait évident que les causes et enchainements de ces contradictions
foncières dans le contexte de Sinfra, n'obéissent pas à
des règles mécaniques, mais s'inscrivent dans un processus
mouvant dont l'orientation est alimentée à la sève des
objectifs des acteurs en interaction.
Un enquêté nous racontait qu'en 2010, un conflit
de ce type avait opposé les autochtones Gouro aux ressortissants
nordistes du département. De petites mésententes foncières
suivies de bagarres entre adolescents (autochtones et allochtones), ont assez
rapidement débouché sur des litiges sanglants entre les
principales communautés sédentarisées (autochtone et
allochtone). Cette dégénérescence abrupte de la violence
s'est présentée succinctement en trois phases. D'abord au stade
familial avec des disputes et bagarres entre parents ; ensuite au stade
lignager avec soutien des parents proches ou lointains et enfin, au niveau
communautaire avec en opposition, les principales communautés
sédentarisés de Sinfra (autochtone et allochtone).
Les dégâts multiformes enregistrés
pendant ces six (6) jours de conflits témoignaient d'une telle
brutalité que les autorités ont alerté leurs
supérieurs hiérarchiques en vue de trouver une solution
partiellement acceptable aux deux parties.
Aussi, il est à remarquer selon les autorités
locales (SG de la préfecture, entretiens de Mars 2016), que
« dans certains cas de conflit de ce type, les tentatives de
gestion se soldent fréquemment par des échecs, puisque ces
décisions de justice se heurtent à la résistance des
individus en conflit. Ils semblent a priori avoir une attitude de
rejet ». En d'autres termes, les populations rurales, loin de
se pencher sur l'intérêt social des décisions prises par
les autorités locales, s'attardent plutôt sur l'appartenance
ethnique, religieuse, politique et communautaire de l'autorité de
jugement. Il s'en suit donc une application partielle des décisions ou
le cas échéant, un rejet formel.
1.4. Conflits entre agriculteurs et
transhumants
Ce sont de loin les conflits les plus fréquents et les
plus violents dans le département qui, selon le chef B. (67 ans,
cultivateur, Manoufla ; Mars, 2015)« sont
généralement consécutifs à des dégâts
de cultures mais peuvent porter sur des droits d'accès à l'eau,
à la nourriture et aux pâturages et au nombre augmentant des
transhumants».
Ces propos traduisent que les conflits sont en augmentation
croissante du fait de l'intéressement supplémentaire d'une
catégorie nouvelle d'acteurs : « autorités
locales » qui viennent à la fois grossir le nombre de
transhumants, de bêtes à surveiller et conséquemment,
favoriser des conflits entre ces transhumants et les cultivateurs, aspirant
constamment à étendre leurs espaces de culture.
L'augmentation de ces espaces de cultures en effet, se
matérialise par une réduction des parcelles traditionnellement
utilisés pour les pâturages créant de ce fait un cadre
propice à des velléités professionnelles des
éleveurs, voir leur exclusion à travers l'occupation des verges,
des bas-fonds, des points d'eau, des alentours immédiats des pistes de
passage et des parcs à bétails. Ce qui entraine logiquement des
dégâts de cultures lors du passage des bêtes qui traversent
de façon désordonnée les pistes pour entrer et
détruire les cultures de riz et de maïs environnants.
Ainsi, tels que présentés, les conflits entre
agriculteurs et transhumants apparaissent simplement comme un problème
d'aménagement technique de l'arène foncière. Or le
problème, dans la pratique semble plus complexe et sa qualification peut
contribuer à en masquer la nature réelle.
Dans la plupart des cas de destructions de cultures
observés entre ces acteurs, un enquêté (23 ans,
élève vivant à Douafla) affirme que
« l'identité du propriétaire des animaux
détermine la voie (judiciaire ou amicale) empruntée par la
victime. Ainsi, tandis que les dégâts provoqués par les
bêtes des élus locaux sont réglés à l'amiable
c'est-à-dire à l'échelle du village, ceux provoqués
par les animaux des peulhs, guinéens, maliens ont tendance à
remonter à l'échelle administrative ou
dégénérer en conflit violent avec des coups et blessures
entre individus et éventuellement sur les animaux ».
Les agriculteurs de Sinfra ne contestent pas cette
différence établie dans le traitement des conflits, ils la
justifient au contraire par les rancunes liées au refus permanent des
transhumants d'indemniser les victimes en cas de destructions de cultures.
Outre ce fait, certains agriculteurs disent avoir le sentiment d'être
perçus par les transhumants allogènes, comme des hommes de
catégorie sociale inférieure comme les traduisent les propos de
certains agriculteurs « lorsque les boeufs gâtent ton
champ et tu appelles le propriétaire au champ, il ne t'écoute pas
et s'en va. Ils n'ont aucun respect, aucune considération pour nous.
C'est pourquoi, nous les amenons devant les autorités pour qu'ils nous
dédommagent » (Propos recueillis auprès d'un
membre du lignage Djahanénin, Avril, 2015).
Aussi, est-il à noter que les victimes ont des
préférences quant aux instances de jugement
(Sous-préfecture, Préfecture, Direction départementale de
l'agriculture, tribunal coutumier ou pénal de Sinfra) et leur choix
répond à des critères souvent peu explicités. Les
conflits entre cultivateurs et transhumants apparaissent donc à la fois
ceux, gérés par des autorités sus-cités (chiffre
apparent) et ceux gérés à l'amiable entre acteurs ruraux
eux-mêmes (chiffre noir). La connaissance des chiffres réels de
ces conflits résiderait dans la conjugaison (calcul) des
différents cas traités par l'ensemble de ces instances.
Toutefois, faute de données archivistiques liées
aux litiges gérés dans les autres services, nous nous sommes
contentés des chiffres obtenus à la direction cadastrale du
département de l'agriculture à Sinfra. Ces chiffres,
regroupés par Sous-préfectures, loin de prétendre
paraître exhaustifs, tentent seulement d'attirer l'attention sur
l'ampleur du phénomène de destruction des plantations à
Sinfra.
Années
|
SINFRA
|
KOUETINFLA
|
KONONFLA
|
BAZRE
|
TOTAL
|
Nombre
|
Superficie ( (ha)
|
Nombre
|
Superficie
(ha)
|
Nombre
|
Superficie (ha)
|
Nombre
|
Superficie (ha)
|
Nombre
|
Superficie (ha)
|
2009
|
2
|
3,5 ha
|
1
|
2,3 ha
|
2
|
3 ha
|
0
|
0
|
3
|
8,8 ha
|
2010
|
1
|
3,4 ha
|
0
|
0
|
1
|
2,8 ha
|
1
|
2,8 ha
|
3
|
9 ha
|
2011
|
5
|
7,98 ha
|
1
|
1,25ha
|
1
|
1,5 ha
|
0
|
0
|
7
|
10,73ha
|
2012
|
1
|
1,80ha
|
2
|
2,92ha
|
1
|
0,54 ha
|
1
|
1,72 ha
|
5
|
6,98 ha
|
2013
|
2
|
3 ha
|
1
|
1,9 ha
|
1
|
1,90 ha
|
2
|
4,3 ha
|
6
|
11,10ha
|
2014
|
6
|
8,39ha
|
2
|
3,4 ha
|
3
|
0,75 ha
|
1
|
1,6 ha
|
12
|
14,14ha
|
TOTAL
|
17
|
28,07ha
|
7
|
12,77ha
|
9
|
9,49 ha
|
5
|
10,42ha
|
36
|
60,75ha
|
S/P
Tableau n°9 :
Conflits liés à la destruction des plantations à
Sinfra de 2009 à 2014.
Source : Direction cadastrale de
l'agriculture de Sinfra, 2016
· De 2009 à 2014, les services cadastraux de
Sinfra ont enregistré dans la sous-préfecture de Sinfra, 17 cas
de destruction de plantations d'une superficie totale de 28,07 hectares.
· Dans ce même intervalle, 7 cas d'une superficie
de 12,77 hectares ont été observés à
Kouêtinfla.
· Toujours, dans cet intervalle, 9 cas de destructions
d'une superficie de 9,49 hectares ont été enregistrés
à Kononfla.
· Enfin, 5 cas d'une superficie de 10,42 hectares ont
été constatés à Bazré.
· En 2009 et 2010, les services cadastraux ont
simultanément enregistré 3 cas de destructions de plantations.
· En 2011, on note 7 cas puis 5 et 6 cas respectivement
en 2012 et 2013.
· En 2014, ces services constatent 12 cas de destructions
de plantations.
Le nombre remarquable de cas de destructions de plantations
dans la sous-préfecture de Sinfra s'explique par le fait que la
sous-préfecture de Sinfra est la sous-préfecture centrale du
département de Sinfra. Elle est caractérisée par sa
densité de la population (115 hab /km2) selon le rapport diagnostic
du BNETD, le nombre élevé de ses villages (16), la
variété des sols (ferralitiques et ferrugineux),
l'hospitalité des peuples autochtones (plus du tiers de la population
est allogène). Les cultivateurs et transhumants exercent
désormais sur des espaces de plus en plus réduits, créant
ainsi des collisions fréquentes entre ces acteurs aux activités
antinomiques.
Les proportions assez faibles dans les sous-préfectures
de Kouêtinfla, Kononfla et Bazré traduisent que ces
localités (moins de 10 villages chacune) sont moins exposées
aux effets néfastes de la saturation foncière et de ses impacts
sur la nature des relations inter-rurales.
De plus, la croissance des dégâts de plantations
relevés en 2010 et 2011(3 et 7 cas) montre que tandis que le nombre de
cultivateurs à Sinfra (migrants allochtones et non-ivoiriens, jeunes
déscolarisés et citadins) augmente, le nombre de transhumants
aussi augmente. Certains cadres et élus locaux y ont vu une
activité fluorescente et rentable. Dès lors, les espaces sont de
plus en plus réduits, la marge d'expression, de manoeuvre des ruraux
devient faible et ces ruraux se voient confondre leurs droits, violer des
espaces, interpréter maladroitement et partiellement les textes ou, par
méconnaissance, en créer.
Mais au-delà, un regard microscopique de la situation
sociale de Sinfra, révèle que lors des violences post-crise, la
plupart des transhumants allogènes sont rentrés dans leurs pays,
attendant que la situation socio-politique ivoirienne se pacifie. Ce qui semble
expliquer ce faible taux de 5 et 6 cas enregistrés respectivement en
2012 et 2013.
La fin de l'année 2013 ou le début de
l'année suivante a certes vu revenir tous ces transhumants, mais
au-delà, l'arrivée de nouveaux, dans ce secteur complexifiant
davantage le climat socio-rural de Sinfra, déjà
confligène. Ce qui explique ce taux élevé en 2014 (12
cas).
2. Acteurs des conflits fonciers à
Sinfra
Les acteurs des conflits fonciers à Sinfra sont divers.
Nous comptons parmi eux, les autochtones(1), les allochtones(2), les
exploitants forestiers(3) et les agents de lotissement(4).
2.1. Autochtones
Les résultats obtenus sur le terrain d'étude
montrent que les différends entre autochtones sont fréquents dans
le département de Sinfra et sont le plus souvent le fait d'une
revendication des cadets à l'égard des ainés, des droits
de propriété.
Mais au-delà, un enquêté de Djamandji
(B., 31 ans, planteur) affirme que « certains facteurs subjectifs
ont autant d'impacts dans le déclenchement de ces conflits
intracommunautaires. Ces facteurs concernent les vieilles rancunes, la
non-reconnaissance de certains contrats tacites de prêt, de vente, de
mise en gage et des litiges d'empiètement des limites des champs qui
particularisent le contexte rural actuel de Sinfra ».
Tels que présentés, ces facteurs dits objectifs
et subjectifs, par le processus conjoint de sollicitation des parents proches
ou éloignés et concomitamment de l'extension du réseau de
relations sociales, font intervenir de nombreuses personnes issues de la
famille nucléaire, de la famille élargie, de la lignée ou
des lignées soeurs, des cadres locaux. Il s'en suit une escalade
assez rapide de la violence, avec par moment et par endroit la formation de
clans au sein de la famille.Ces entités ainsi formées vont tenter
de se positionner dans l'arène foncière en remettant en cause
tout droit d'ainesse au sein de la famille et les contrats d'antan
établis avec certains migrants.
Toutefois,un enquêté (T., 50 ans, cultivateur
à Paabénéfla) affirme que« la gestion de ce
type de conflit s'avère problématique puisque les individus en
conflit sont des parents proches, habitent les mêmes maisons ou sont des
voisins proches, et de ce fait, sont régulièrement en
contact ».
Outre ce fait, M.,un enquêté de Yanantinfla(32
ans, déscolarisé) affirme qu' « un facteur
non moins évoqué reste la polygamie, qui constitueune
caractéristique majeure des ménages traditionnels gouro, avec un
nombre remarquable de concubines et de descendants qui, parfois entrent en
conflit lors de l'organisation et le partage de l'héritage
foncier ». On assiste dès lors à des ventes
anarchiques des espaces familiaux par certains membres de la famille, à
des tentatives d'expropriation par d'autres, à des ventes plurielles de
la même parcelle, à des bagarres sur l'héritage, à
des jets de sorts mystiques,à des destructions de plantations et
à des consolidations violentes des espaces restants par les
« citadins oubliés », les «
frustrés » de la famille.
A titre illustratif, un enquêté nous racontait
que quelques semaines avant notre arrivée sur le terrain, un conflit
foncier avait opposé deux frères consanguins qui avaient par
héritage, reçu 10 hectares de forêt.
Ainsi, à l'insu du cadet « artiste en
herbe » à Abidjan, l'ainé a vendu quatre (4)
hectares de ces forêts et en cultivatrois (3) hectares pour
lui-même.
De retour de l'aventure (musicale), le cadet qui s'est vu plus
ou moins contraint d'accepter les trois (3) hectares restants, tenta d'abord
par des voies coutumières et administratives, qui avec le temps se sont
avérées vaines, de récupérer les terres à
l'acheteur avant de s'en prendre à son ainé.
De bagarres en bagarres, ces deux frères se sont
maintes fois retrouvés chez les autorités locales, qui tentaient
çà et là de trouver des approches de solutions que l'un ou
l'autre trouvait inacceptable, créant ainsi des murmures, des opinions
contradictoires, une forme de clanisme au sein de la communauté
kwênin.
2.2. Allochtones
Pour Z.(37 ans, étudiant ; entretiens de
Février 2016) « les allochtones de Sinfra sont des
peuples sédentarisés depuis les premières décennies
après l'accession à l'indépendance ivoirienne.Dans la
plupart des villages de la zone, ces populations (allochtones) sont
installées en grand nombre et disposent d'une position de domination
financière par rapport aux autochtones.Ils usent de cette position
pour consolider des droits de propriété foncière,
étendre leur réseau de relations sociales par des dons, des
promesses de dons à ceux qui ont le pouvoir de décider. Il peut
s'agir des propriétaires terriens, des chefs de terres ou même des
élus locaux ».
Ces propos traduisentla dépossession foncière
sans cesse croissante des autochtones au profit de ces allochtones pour cause
d'achat, de remise amicale, de prêt, de confiscation politique des
terres. Ceux-ci s'étant établis des relations solides avec
certains propriétaires terriens et autorités locales, se voient
épauler sous une forme voilée en contrepartie de dons
« souterrains ». Dès lors,
l'enquêté T. de Blontifla (40 ans, diplômé) affirme
que « les natifs essaient de plus en plus deredéfinir les
rapports avecces nouveaux venus, en vue de contenir cette
consolidation plurielle des terres », même si ce
résultat n'est parfois obtenu que dans l'imaginaire.
Relativement, l'arène rurale de Sinfra apparait donc
comme un champ âprement disputé où s'entrechoquent des
intérêts variés et divergents d'un ensemble d'acteurs
sédentarisés (autochtones et allochtones).
Cette rivalité « permanente »
influence l'atmosphère rurale qui s'insécurise au fil du temps
avec par moment et par endroit le refus des allochtones de se conformer aux
valeurs culturelles gouro, la remise en cause des rituels villageois et par
voie de conséquence, des tentatives régulières
d'expropriations des allochtones (Discours recueilli auprès d'un
cadre gouro, entretien effectué en Mai, 2015).
Ainsi, tandis que certains allochtones semblent se complaire
dans cette situation, d'autres migrent vers les forêts les plus
reculés du département pour y créer de nouvelles
plantations, de nouveaux campements qui, bien que bordant le
département, prennent aujourd'hui l'allure de grands villages
(Sud : Brunokro, Nord : Yaokro, Ouest : Carrefour campement,
Est : N'driko).
2.3 Exploitants forestiers
Selon la loi n°2014- 427 du 14 Juillet 2014 portant code
forestier ivoirien, les exploitants forestiers constituent « des
personnes morales ou physiques, agréées par l'administration pour
assurer l'exploitation forestière, conformément aux dispositions
réglementaires en vigueur ».Sur notre champ
d'investigations, ces acteurs de l'administration se trouvent
régulièrement confrontés à la résistance des
populations rurales lors de l'abattage des essences forestières
situées dans leurs propriétés. Ceux-ci évoquent
tantôt l'idée de probable destruction de plantations, tantôt
l'idée de ventede ces essences pour satisfaire les besoins vitaux
élémentaires.
Ce type de différend est certes récurent mais
paraît peu violent puisqu'il oppose l'Etat à des particuliers et
se solde fréquemment par des indemnisations ou des promesses
d'indemnisation.
2.4. Agents de lotissement
Ce sont des fonctionnaires de la direction
départementale de la construction qui procèdent
fréquemment à des découpages parcellaires (lotissement des
terrains) en milieu rural et urbain de Sinfra.
Ainsi, consistant en une opération d'aménagement
visant à diviser volontairement un espace en lots(habitations, jardins,
établissements industriels ou commerciaux), le lotissement des espaces
fonciers à Sinfra provoque des tensions multiformes entre
propriétaires terriens et agents chargés de lotir (agents
cadastraux, experts géomètres). Certaines zones du
département ont été, selon les prévisions de
l'Etat, exclusivement destinées à l'usage industriel et donc,
compensées en numéraire aux
« tèrèzans ». Toutefois, les
procédures de compensation financière, même si
entamées sont lentes (caractéristique de l'administration
ivoirienne) et les supposés bénéficiaires gisent parfois
dans une attente longue et intenable.
C'est pourquoi, les propriétaires terriens exigent
désormais cette compensation financière avant toute entreprise de
lotissement, générant ainsi des mésententes entre eux et
les agents du terrain, dont l'exercice de la mission est circonscrit dans le
tempset l'espace.
Par ailleurs, tandis que cette opposition des
propriétaires terriens est perçue par certains administrateurs
comme « une entrave au fonctionnement des institutions de
l'Etat », d'autres ruraux y voient une
« volonté improbe des élus locaux de confisquer
leur dû »(Propos recueillis auprès d'un agent de
lotissement et un propriétaire terrien en Juillet, 2016).
3. Moyens utilisés
Les acteurs ruraux font usage de moyens à la fois
physiques (1), mystiques (2) et relationnels (3) lors des conflits fonciers
à sinfra.
3.1. Moyens physiques
Les investigations sur le terrain d'étude ont
révélé quedans l'ensemble des contrées de la
localité,de nombreux moyens physiques étaient utilisés par
les belligérants lors des litiges de terre.
Ainsi, dans le village Zéménafla, T. (29 ans,
fermier) affirme que « les litiges de terre sont réguliers
chez nous ici et les armes de combats qu'utilisent les populations sont
nombreuses et sont aussi dangereuses les unes que les autres. On peut souvent
voir des armes blanches telles que les machettes qui sont nos outils de
travail, mais au-delà, des fusils de chasse calibre 12 et des
flèches traditionnellement empoisonnées dont une petite blessure
est suffisante pour provoquer la mort de la victime ».
Partant de là, il apparait que ces ruraux qui
associent à la fois armes blanches, fusils de chasse et flèches
empoisonnées, utilisent tout ce qui leur tombe sur la main en vue
d'affaiblir leurs adversaires. Ces conflits dans leur déroulement,
traduisent par ailleursune absence de règlementation locale quant aux
moyens de défense homologués.Le terrain d'étude se
présente de ce fait comme le théâtre où tous les
moyens sont recommandés dans les litiges pour affaiblir la
résistance de l'autre.
Il estaussià remarquer dans ces propos,une
dysproportionnalité notable souvent constatée dans l'utilisation
des armes lors de ces litiges. Ainsi, tandis certains ruraux utilisent des
armes blanches, d'autres peuvent riposter par des armes à feu ou
des flèches empoisonnées.
3.2. Moyens mystiques
Les conflits fonciers fréquemment observés
à Sinfra sont multiples, violents et revêtent par moment et par
endroit, des dimensions métaphysiques. En effet, les propos de G. (35
ans, planteur à Progouri) relatifs aux moyens mystiques utilisés
pendant ces conflits, sont poignants « pendant ces litiges de
terre, de nombreux canaris cassés contenant des objets bizarres sont
exhibés sur les carrefours, les champs, les abords de domiciles de
nombreux ruraux. Ces objets censés investis de puissances ou de forces,
sont posés, cassés, attachés ou plantés par
certains acteurs dans les espaces fonciers de leurs
adversaires ». Cette pratique parait récurrente dans le
département, et même dans lesvillages environnants où cette
constellation de féticheurs (Béninois, dozos, burkinabé,
maliens, ou nordistes) baguenaudent dans toutes les contrées rurales.
Pour Bakari (28 ans, cultivateur et transhumant à
Porabénéfla)« A Sinfra, presque chaque tas de
sable, de gravier, de fagots, de briques, lot de matériaux de
construction sur les chantiers, ou même d'écorce d'arbre sont
utilisés par certains ruraux, pour faire
fétiche ».
Il s'agit généralement pour ces
enquêtés de coquilles d'escargot, de petites bouteilles ou
même des canaris dans lesquels ces féticheurs font une mixture ou
un cocktail d'ingrédients mystiques censés investis de
puissances ou de forces issues de divinités. Ces fétiches sont le
plus souvent exposés de façon ostentatoire à l'effet de
déclencher un sentiment de peur chez les adversaires et de les faire
plier si cela ne l'était déjà, physiquement.
Ainsi, depuis un certain temps, les acteurs ruraux semblent
avoir pris goût à cette pratique de sorte qu'avant ou pendant ces
litiges fonciers, on note une course, un empressement de cette pléiade
d'acteurs en conflit vers ces féticheurs en vue de solliciter leur appui
mystique.
A ce niveau, les propos du chef G.de Bégouafla (67
ans, retraité) sont révélateurs « les
pratiques occultes effectuées par ceux-ci aux abords des domiciles, des
plantations sont si intenses que de nombreux ruraux remarquent, au-delà
des fétiches, l'apparition d'êtres aux allures bizarroïdes
qui harcèlent certains paysans dans leurs champs ».
Conséquemment, ceux-ci ressentent des malaises aussi subits que brutaux
provoquant de ce fait, une mort assez rapide.
Pour l'enquêté S. de Bégonéta (36
ans, cultivateur) « ce qui est effrayant lors des conflits,
c'est les pratiques mystiques car elles occasionnent plus de morts que les
violences physiques. Certains accrochent des fétiches dans les champs ou
cassent des canaris à côté des plantations, de sorte que
tout le monde courre pour trouver protection auprès de
féticheurs. Contre ce genre d'attaque difficile à prouver, les
populations sont contraintes d'annuler ce pouvoir mystique par un autre pouvoir
mystique.
De plus, dans certains cas, des planteurs se font
poursuivre par des génies en brousse ; donc ils sont obligés
de partir chez les féticheurs en vue de faire des rituels de
protection ».
Toutefois, même si cette pratique occasionne de
nombreuses pertes en vies humaines, force est de savoir que ces acteurs ruraux
tendent à mystifier, à suspecter le moindre objet nouveau, peu
douteux devant leurs habitations, leurs plantations pendant les conflits. Ce
qui pollue davantage l'atmosphère rurale déjà
insécurisée. Dans ce contexte de désordre social
caractérisé par cet empressement vers les mystiques, de nombreux
individus revêtent des costumes de féticheurs et, par des
pratiques spirito-démagogiques, inventent des cérémonies
supposées expiatoires en vue de marauder le maximum de biens chez ces
acteurs en quête de protection spirituelle.
3.3. Moyens relationnels
«Quand les paysans se battent sur la terre, chacun
appelle ses parents proches et éloignés, sa communauté,
leurs élus, amis et connaissances afin que chacun, à son niveau
puisse aider à affaiblir les
adversaires ». Ces propos recueillis auprès du
président de la jeunesse de Porabénéfla traduisent que,
bien que les conflits fonciers soient physiques, ils revêtent
également un caractère relationnel.
En effet, lors des conflits de terre à Sinfra, les
acteurs font appel de façon permanente à leurs parents,
élus, amis et connaissances, mais au-delà, ils sollicitent
l'appui d'élus locaux, gouvernementaux pour soutiens plurielsen
contrepartie de dons, promesses de dons, d'électorat dans cet
environnement où le réseau relationnel fiable détermine
l'issu des hostilités.
Ces nouvelles entités ingérées, usent
à bien d'égards, de leur hégémonie et réseau
de relations sociales pour faire obliquer les décisions de justice en
faveur de leurs protégés lors de la situation des
différentes responsabilités pénales.
Pour G. (42 ans, ex-étudiant de
Béliata)« les autorités locales et gouvernementales
se trouvent régulièrement impliquéesdans les litiges de
terre comme ce fut le cas à Digliblanfla dans la cas Gatta Bi blanc et
parfois se contredisent dans les décisions. Mais dans tous les cas, la
décision de l'autorité supérieure est celle
appliquée en dernier recours ».
Il ressort de ces propos que les autorités locales et
gouvernementales, dans leur stratification hiérarchique, se trouvent
parfois toutes impliquées, à travers une dynamique locale
d'extension du réseau de relations sociales. Celles-ci prennent parfois
des décisions qui s'avèrent contradictoires les unes des autres
à travers l'interprétation des différents textes (code
civil, code pénal et code foncier), selon l'échelonnement
pyramidal de la hiérarchie ivoirienne.
Dans la pratique, tandis que certaines autorités se
fondent sur le code civil et/ou pénal pour justifier les agissements
d'une certaine communauté, d'autres, se basent sur le code foncier pour
donner tort à cette communauté. Mais, dans tous les cas, la
décision de l'autorité supérieure est celle
régulièrement appliquée dans le contexte de Sinfra
même si elle choisit un texte inapproprié au détriment d'un
autre plus indiqué pour la circonstance.
4.Lieux
Les conflits fonciers à Sinfra se déroulent
aussi bien dans les plantations des ruraux (1), en milieu rural (2), qu'en
milieu urbain (3).
4.1.Dans les plantations
Les différentes plantations des ruraux de Sinfra se
présentent de plus en plus comme le théâtre où l'on
observe fréquemment les litiges fonciers à caractère
violent dans les contrées rurales de la localité. En effet, les
acteurs en conflit disposent de leurs outils de travail(machettes, daba) qui
constituent en amont, des armes inquiétantes et susceptibles de
générer des blessures mortelles.
Dans le village Digliblanfla, P. une enquêtée
nous relatait le récit d'une violente bagarre foncière entre son
frère J. et un burkinabé exerçant sous le système
« zépa » en 2004.
Selon ses propos, le burkinabé avait obtenu
auprès de J. son tuteur, quelques hectares de forêt par le
système de « zépa » et de ce fait,
était devenu le voisin de champ de celui-ci. Quelques temps plus tard,
le burkinabé fait des plants de cacaoà la limite des deux pendant
que J. était à la maison pour cause de maladie.
Après son rétablissement, J., qui se rendit au
champ, s'aperçut des plants de cacao excédant la limite, puis les
coupa avant de rentrer au village ; et ce, à l'insu du
burkinabé qui les avait planté.
Un mois plus tard, J. se rend compte de la présence de
nouveaux plants de cacao excédant une fois de plus la limite convenue.
Mais lorsqu'il se mit à les couper à nouveau, le burkinabé
qui était présent sur les lieux voulut l'en empêcher et une
bagarre s'engagea entre ces individus armés de machettes.
Cette bagarre assez violente s'est soldée par un coup
de machette reçu au bras du burkinabé, provoquantde ce fait, la
section de veines et artères. La quantité importante de sang qui
s'écoulait a affaibli le burkinabé qui s'est évanouie
quelques minutes plus tard.
L'état de santé critique du burkinabé a
fait fuir J. du champ qui a trouvé refuge auprès de ses
frères autochtones du village.
Toutefois, il est à préciser que les
différents rituels que tout tuteur établit sur la terre avant de
l'accorder avec son « étranger » à
Sinfra, constituent une sorte de pacte ancestral qui interdit
simultanément aux deux acteurs de s'exercer conjointement des
violences sous peine d'ingérence des ancêtres.
Le blessé a été transféré
à la clinique la plus proche dans un état d'inconscience et
était peu disponible pour participer aux rituels expiatoires à
l'effet de permettre à Joachim d'échapper aux sévices
occultes des ancêtres.
Une semaine plus tard, Joachim sentit des malaises
répétitifset la mort qui a suivi quelques temps, pendant la
convalescence du burkinabé.
4.2. Milieu rural
Les différents villages du département de
Sinfra apparaissent depuis quelques temps comme étant le
théâtre d'affrontements fonciers violents et protéiformes.
En effet, les contradictions foncières qui, pourtant débutent
dans les plantations, semblent se métamorphiser progressivement par un
processus complexe d'interventions suspectes, corrélé par des
soutiens familiaux et extrafamiliaux pour générer des conflits
violents entre acteurs ruraux dans l'arène rurale de Sinfra.
Ce culbutage des relations inter-ruralesa été
sans ambages mentionné par D. (40 ans, planteur, entretiens
effectués en Juin, 2016), un enquêté de Bérita en
ces termes « chez nous ici, de nombreux problèmes de terre se
règlent par des bagarres au sein du village. Ces bagarres se font
souvent entre cultivateurs eux-mêmes, entre familles, entre
lignées et quelques fois entre communautés car chacun appelle
ceux qu'il peut appeler pour le soutenir. L'année passée,
Bouèzan et un baoulé se sont disputés une portion de terre
au champ, puis sont venus de façon dispersée du champ. La dispute
s'est échauffée au village à cause du nombre
considérable d'autochtones et d'allochtones qui intervenaient
beaucoup ; ce qui a provoqué une bagarre de deux groupes de
personnes.D'un côté, les autochtones et d'un autre, les
allochtones qui sont arrivés en masse, soutenir leurs frères. De
nombreuses personnes ont été blessées dans cette bagarre
et il était difficile de savoir, qui sont ceux qui ont vraiment
blessé ? La chefferie du village a réglé le
problème en demandant au chef de terre, de déterminer le
propriétaire de la portion avant d'entamer des négociations pour
calmer les coeurs ».
De ces propos, il ressort que le milieu rural à Sinfra
est le théâtre où se manifestent âprement les
revendications foncières entre acteurs ruraux.
4.3. Milieu urbain
Pour K. (22 ans, entretien de Septembre, 2015), un
enquêté de Bazré «on voit beaucoup des paysans se
battre en ville ; les paysans vivant du côté de la ville se
font agresser dans la rue et dans leurs maisons ; les administrateurs
voulant intervenir sont aussi pris souvent dans le coup de la violenceet les
locaux des services administratifs n'échappent pas à des
envahissements momentanés ». Autrement, le milieu urbain de
Sinfra est un lieu de prédilection de ces litiges fonciers où des
ruraux y vivants font souvent l'objet d'attaques sectorielles dans les rues ou
dans leurs habitations. Ce qui provoque une psychose
générale et entraine souvent un ralentissement des
activités administratives locales.
A cela, s'ajoutent les envahissements fréquents de
locaux des services administratifs pour cause de partialité de certains
administrateurs locaux. Relativement ceux-ci, pris dans l'embûche,
semblent ne pas échapper à des cas de lynchage qui sont dans la
plupart du temps, l'oeuvre non collégialement
préméditée, mais l'action de personnes isolées. Le
théâtre urbain apparait comme le lieu où les violences
foncières sont multiples, fréquentes et variées comme le
témoignent les propos de S.de Blontifla (43 ans, Novembre,
2016)« En 2005, le conflit qui a opposé les gouro au
nordistes de la localité, a été très dramatique.
Les gens se sont affrontés en plein centre-ville et les autorités
ont aussi été lynchées car certains n'ont pas eu le temps
de fuir leurs bureaux. Le préfet d'alors a instruit les forces de
l'ordre de Sinfra qui se sont vus aussitôt débordées par la
foule et l'escalade de la violence. Ceux-ci ont demandé un appui des
forces de l'ordre de Gagnoa et Yamoussoukro avant que les hostilités ne
cessent ».
5. Processus de dégénérescence
des conflits fonciers
Les enquêtes effectuées sur le terrain
d'étude ont révélé que le processus de
dégénérescence de litiges fonciers à Sinfra
s'apparente à une combinaison complexe et non stratifiée
d'étapes où des acteurs hétéroclites agissent de
façon individuelle ou collégiale selon des enchainements
variables.En d'autres termes, ce processus de métamorphisme des
relations sociales à Sinfra ne répond pas à des
règles mécaniques qui supposeraient que telle cause X produit
inéluctablement tel effet Y mais plutôt que le processus de
dégénérescence est caractérisé par des
inactions, des enchainements voir des cumuls d'actions de ces acteurs
à des degrés variables. Ceux-ci n'adoptent pas des actions
fixées à l'avance mais réagissent en raison de leur
attachement ou de l'intérêt porté à telle ou telle
question sociale ou foncière.
Dans la pratique, l'enquêté V. (30 ans,
cordonnier à Djamandji, Novembre, 2016)affirme
que « la plupart des conflits opposant les principales
communautés autochtone et allochtone commencent sur des
mésententes entre deux ruraux ; puis chacun appelle ses
frères et connaissances. Quelques temps plus tard, on voit de petits
groupes se former en posant des actions sur le terrain. A partir de là,
on a plus affaire à un petit problème entre deux personnes qu'on
peut régler facilement, mais plutôt entre deux communautés
qui exercent dans le même coin ».
Ce faisant, il semble que les petites mésententes
foncières observées fréquemment entre ruraux dans la
localité constituent la niche d'une constellation de conflits à
caractère communautaire. Les conflits fonciers apparaissent de ce fait,
comme étant la résultante des effets conjugués du choc
entre acteurs ruraux auxquelles se greffent des implications fraternalistes
affichées avec ostentation par ces acteurs belligérants,
provoquant par ricochet un clanisme de part et d'autre, un repli identitaire
et des actions collégiales catalysant les antagonismes.
Ce processus tel que présenté, pourrait donner
la schématisation suivante :
Dispute inter-ruraux
Implication d'acteurs collatéraux
C
Clanisme
Repli identitaire
Interventions plurielles
Conflit généralisé
Figure 5 : Processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra
Source : Terrain
III. IMPACTS DES CONFLITS FONCIERS A
SINFRA
1. Dans le département de Sinfra
1.1. Dégâts matériels et
humains
Les conséquences des conflits fonciers à Sinfra
sont nombreuses et se perçoivent tant au niveau des dégâts
matériels, qu'humains enregistrés lors de ces litiges. Ces
conséquences qui tiennent pour la plupart en des violences
physico-matérielles se séquencent de façon binominale.
Au niveau des peuples sédentaires, c'est-à-dire
dans le tandem autochtones-allochtones, l'on observe fréquemment des
destructions de cultures, de plantations et dans les cas les plus graves, des
atteintes à l'intégrité physique des acteurs ruraux.
En effet, pendant les conflits, on observe des attaques
sectorielles de part et d'autres des acteurs en conflit. Les paysans ou
acteurs ruraux de la localité sont contraints de marcher, exercer, se
promener en nombre important faute de quoi, ils font l'objet d'agression
physique par des membres d'une autre communauté.
Selon S. B.(19 ans, footballeur à Djamandji, entretien
enJuillet, 2016) « les conflits entre nous et les allochtones
provoquent souvent de nombreuses pertes. Pendant le conflit qui nous a
opposé en 2010, les deux camps ont enregistrés de nombreuses
pertes, à telle enseigne que les autorités n'ont jusque
-là, pas pu donner des chiffres exacts. De nombreux corps non
identifiables et putréfiés ont été retrouvés
aux abords des pistes villageoises. On ne savait pas s'il s'agissait de gouro
ou d'étrangers. La majorité des pâturages ont
été détruits avec les bêtes, les marchés
sectoriels ont été saccagés, la nourriture manquait et la
peur s'est emparé de l'ensemble des acteurs en conflit. Il y a eu des
destructions multiples de cultures, de plantations ; des
dépôts de canaris, de fétiches dans de nombreux champs
».
De plus, tandis que l'on observe menaces, guet-apens et
agressions physiques entre ces populations sédentaires, les
autorités locales semblent eux-aussi, ne pas être
épargnées par cette extension de la violence. Ils sont dans de
nombreux cas, lynchés, menacés directement ou
indirectement ; c'est-à-dire à travers leurs familles, leurs
proches.
Selon Chef S. Z.(58 ans, adjoint du chef de village de
Baléfla, Mai, 2016) « Les autorités
coutumières et administratives ont, à ma connaissance, toujours
payé un lourd tribut dans l'ensemble des conflits qui se sont
déroulés sous nos yeux. J'ai moi-même été
menacé en 2008 puis lynché en 2010 par des individus dont je ne
connaissais la provenance. J'ai été secouru par les forces de
l'ordre lors de ce lynchage. Mais jusqu'à ce jour, les coupables n'ont
véritablement pas pu être identifiés ».
Aussi, faut-il remarquer que, pendant que de nombreuses habitations
d'autochtones, d'allochtones ou encore d'autorités locales font l'objet
de maraudage, de pillage et de saccage, les services administratifs locaux sont
pris d'assaut par des sit-in, des envahissements, ouvrant ainsi la voie
à toute forme de vandalisme juvénile. Cette agression des
autorités locales est tributaire des pratiques démagogiques,
partisanes de ceux-ci, qui ayant conscience des clivages ethniques et
communautaires, privilégient certaines catégories au
détriment d'autres. On assiste à un arrêt momentané
des activités professionnelles administratives, coutumières et
agricoles pour cause d'insécurité avec des escapades
régulières de ces acteurs ruraux et administratifs ;
cherchant par-ci et là des refuges.
Pour A. (43 ans, agent du trésor, entretien de Janvier
2016) « les violences foncières de 2002 ont
occasionné de nombreux dégâts ; les ruraux de tout
bord ethnique étaient pris pour cible les uns par les autres. Les
autorités même n'ont pas été
épargnées, de nombreux bureaux ont été
pillés puis saccagés ; les populations couraient de partout,
fuyaient pour se réfugier dans les campements ou villages
environnants ; et le tout, avec les rumeurs quotidiennes qui circulaient.
Ainsi, des forces de l'ordre extérieures au département ont
été sollicitées pour renforcer l'interposition entre les
communautés gouro et allochtones de la
localité ».
1.2. Politisation de l'atmosphère rurale et
insécurité
« Avec l'indépendance, le système
foncier en Côte d'Ivoire n'a pas subi de transformation radicale. On a
toujours eu affaire à un Etat, caractérisé par la
combinaison de pouvoirsau sein des sociétés paysannes
locales ». Ces propos recueillis auprès de Mr D.,
directeur départemental de la construction de Sinfra (entretien de Mai
2015)montrent que les acteurs de l'Etat dans leur majorité(élites
politiques locales) ont conservé de fortes relationsavec le monde rural
pour des raisons qui, loin d'être uniquement culturelles, tiennent aussi
aux conditions d'exercice des activités régaliennes de l'Etat.
À partir de 1994, la crise politique nationale est
marquée par une ethnicisation politique contenue dans le concept de
« l'ivoirité »qui, bien que culturel, s'est
cristallisé dans les consciences rurales comme le concentré d'une
politique d'exclusion ethnique, communautaire et religieuse.
Pour un enquêté de Blontifla (27 ans,
cultivateur, entretien de Janvier 2016)« les problèmes de terre
ici, sont interprétés par les uns et les autres comme en
termes de politique. Une simple mésentente entre deux personnes de
communautés différentes est vue comme un problème
politique et le règlement provoque toujours des murmures dans toute la
ville ».
Dès lors, il s'ensuit que les acteurs ruraux,
administratifs et politiques de Sinfra sont charriés dans ce courant de
politisation de la question foncière avec des implications plurielles,
des dysfonctionnements récurrents des instances de gestion
foncières dans le contexte actuel de Sinfra.
Ces propos de l'enquêté mettent également
en avantune ignorance des ruraux en matière de connaissance de la loi
foncière actuelle (loi n°98-750 du 23 décembre 1998).Ce
faisant, en absence des droits clairement établis pour les populations
paysannes locales sur le foncier rural (la terre appartient à
l'Etat et seuls les ivoiriens peuvent en être propriétaires:
art 1 du code foncier ivoirien ; les non-ivoiriens peuvent
bénéficier de titres fonciers sur des terres acquises : art
26 ; les acteurs ont obligation de mettre en valeur leurs terres sous
peine de réquisition foncière par l'Etat : art 18), les
responsables politiques locales de Sinfra ont et exploitent toujours à
profit cette nébulosité pour instrumentaliser les groupes qu'ils
classifient en foyers antagonistes. Ces catégories socio-rurales
organisées et instrumentalisées sous le couvert politique, se
retrouvent permanemment en conflit sous l'arbitrage de l'administration locale,
qui tente d'établir les bases d'une réconciliation de
façade. Le cycle de violences et d'interventions partisanes reprend et
continue, laissant place à des réconciliations superficielles et
passagères ; qui elles-mêmes sont régulièrement
suivies de conflits successifs dans la localité de Sinfra. Ces conflits
ressurgissant, précèdent de longues rencontres de
réconciliation, qui se terminent par des échecs de
règlement, de nouvelles frustrations et de nouveaux conflits.
Ainsi, le terrain d'étude apparaît âprement
comme le théâtre où les acteurs politiques, administratifs,
ruraux instrumentalisent les marques de frontières entre
identités pour atteindre leurs objectifs.
Toutefois, à côté de ces acteurs
administratifs aux attitudes opportunistes, quelques rentiers profitent de
cette situation d'insécurité foncière. Et les populations
sédentaires se voient se culpabiliser les uns les autres comme
responsables de cette instabilité sociale, de cette
dégénérescence de la situation ; rendant de ce fait
l'équilibre social précaire et politiquement pollué dans
la localité de Sinfra.
Selon enquêté L. (51 ans, planteur à
Brunokro lors d'entretiens effectués en Mai, 2015) « la
politique s'est ingérée dans nos rapports au village ; les
cadres de la ville font des entretiens cachés avec d'autres
personnes ; ce qui ne favorise pas notre cohabitation. Les conflits entre
nous deviennent plus violents et la peur, la méfiance s'installe dans
chaque groupe ethnique, communautaire. A cela s'ajoute les rumeurs
quotidiennes, les tentatives de règlement qui sont toujours
contestées par les parties ; laissant place à des vagues de
violences plus sérieuses que les
précédentes ».
Une position que semble partager Maître B. (interview
effectuée en Fevrier, 2015), greffier du tribunal de Sinfra, pour qui,
« les relations entre ruraux sont de plus
en plus antagoniques. Les populations rurales en conflit accusent
régulièrement le système administratif d'inaction ou
encore d'aggravation de ces litiges. Ainsi, ces ruraux remettent en question de
nombreuses décisions prises par certains administrateurs de la
localité pour apaiser les tensions rurales. Dans ce cas, l'option
violente, c'est-à-dire l'usage des autorités répressives,
se solde toujours par des échecs ».
2. Au plan extra-départemental
2.1. Exode rural et tares sociales
urbaines
« La récurrence des litiges fonciers
observés depuis quelques temps à Sinfra, engendre des vagues de
migrations sans cesse croissantes de populations rurales de la localité
vers les grandes agglomérations telles qu'Abidjan. En effet, les
évictions foncières répétées de certaines
populations locales, les frustrations familiales et communautaires,
l'incertitude foncière, la réduction permanente des espaces de
culture, la savanisation du département, la variation, l'oscillation
permanente de pluviométrie, le déséquilibre du ratio
efforts champêtres / résultats obtenus, la
paupérisation rurale généralisée à Sinfra,
la conviction d'une situation meilleure à Abidjan, sont autant de
facteurs énumérés par les ruraux de Sinfra pour expliquer
ces vagues de migration croissantes sur Abidjan ». Cette
affirmation du Secrétaire Général de la Préfecture
(Avril, 2016) traduit que ce sont essentiellement les difficultés de la
vie paysanne (faiblesse de revenus, l'insuffisance et inadéquation des
services Etatiques en milieu rural) qui expliquent cette ruée de ces
populations locales vers Abidjan.
Les ruraux de Sinfra semblent ne plus se contenter de leur
situation de vie morose et restent attirés par le mirage dans cette
agglomération et de ce fait, y accourent en grand nombre,
espérant acquérir un mieux-être, de nouvelles conditions
de vie.
Cependant, si l'exode rural à Sinfra est l'une des
conséquences de la saturation foncière et de la présence
exubérante des autorités locales dans l'arène
foncière, force serait de savoir que cette désertion des bras
valides villageois entraine un engorgement des centres urbains.
Pour l'enquêté B. (26 ans, Douafla, Mars,
2016)« bon nombre de ces aventuriers pensent que l'unique voie
prometteuse, envisageable demeure l'exode rural en vue d'apporter un soutien
à la fois économique et matériel aux parents restés
sur place. Ainsi, chaque année, chaque mois ou même chaque
semaine, de nombreux ruraux désertent les campagnes de Sinfra, se
dirigeant, pour la plupart, vers la capitale économique (Abidjan) et les
quelques agglomérations (Yamoussoukro) ». Ils y
nourrissent l'espoir illusoire d'emplois faciles et parfaitement
rémunérés dans le milieu urbain et plus
précisément abidjanais. Mais dans la pratique, ces aventuriers se
heurtent à une insertion professionnelle quasi-impossible pour ces
analphabètes, qui consciemment ou pas, contribuent à
accroître et alimenter les bidonvilles, lieux de référence
de la pauvreté abidjanaise.
La croissance démographique de cette
agglomération s'accompagne de problèmes nouveaux (saturation
urbaine et désurbanisation; en plus de celui de l'aménagement
technique du territoire).
Face à cette ruée des populations de Sinfra vers
cette grande agglomération nationale (Abidjan), il n'est pas rare
d'observer un surpeuplement du milieu abidjanais, des problèmes
d'organisation administrative et technique, l'habitation, l'hygiène, la
communication, l'approvisionnement en eau et en électricité ainsi
qu'en denrées alimentaires, l'évacuation des matières
usées. Bref, une surcharge des lieux et services publics.
Mais au-delà (des risques mentionnés), se
trouvent tares sociales fréquemment observées chez ces migrants
en quête de stabilité socio-financière. Ceux-ci
baguenaudent, maraudent, errent, chôment, cherchant par-ci et là
des petites activités licites ou le cas échéant,
illicites afin de satisfaire les besoins vitaux. De ce fait, on observe le plus
souvent une augmentation importante du taux de criminalité urbaine,
l'apparition de bidonvilles, de quartiers précaires, des lieux de
fortune où pourraient résider ces ruraux de plus en plus enclins
au commerce du sexe (prostitution), à l'homosexualité, à
la consommation des stupéfiants, aux agressions, etc.
Ce faisant, on assiste à une dénudation de
cette jeunesse aventurière du monde rural (Sinfra), un ralentissement
des activités agricoles locales (activité réservée
désormais aux vieillards ou aux femmes) et conséquemment une
baisse de la production agricole locale.
Selon B. (39 ans, Mai, 2016), président de la jeunesse
de Djamandji « les jeunes des différents villages de
Sinfra désertent au quotidien les villages laissant les activités
champêtres à ces êtres vulnérables que sont les vieux
et les femmes. Ils pensent qu'Abidjan, ils peuvent réaliser tous leurs
voeux et y accourent de façon quotidienne. Mais lorsqu'ils n'y trouvent
pas un travail à la mesure de leur espérance, ils errent,
s'adonnent à des actes peu recommandables faute de transport pour
retourner au village ».
2.2. Réduction de la production agricole
nationale
La Côte d'Ivoire est un pays dont l'économie
repose principalement sur l'agriculture. Ainsi, les conflits fonciers
situés dans les zones à prédominance forestière et
agricole telles que Sinfra,ont un impact direct sur la rentabilité
nationale des cultures d'exportations (café, cacao, anacarde,
hévéa,...).
Selon le chef de la tribu Sian Mr Z.(71 ans, retraité,
entretiens effectués en Mai, 2016) « pendant les
périodes de conflit à Sinfra, les acteurs ruraux sont plus
occupés aux confrontations physiques, mystiques plutôt qu'aux
activités champêtres. Le sarclage des différentes cultures
ne s'effectue pas au moment opportun et les plantes ou cultures restent
submergées par les mauvaises herbes ». En d'autres
termes, ces plantes restent submergées en raison du climat
d'insécurité. Les ruraux ne pouvant courir le risque de se rendre
dans leurs plantations individuellement pour couper les fruits à
maturité, restent dans la patience d'une solution au litige.
Par ailleurs, vu la lenteur et la lourdeur administrative
locale, caractéristique de l'administration ivoirienne, les
procédures de gestion lassantes et amollissantes, engagées par
les autorités de Sinfra s'éternisent, clouant de ce fait ces
ruraux dans une attente interminable et exaspérante avant de vaquer
à leurs occupations champêtres. Les plantes non submergées
par les mauvaises herbes produisent des fruits qui se décomposent et se
putréfient dans les plantations pendant ces moments de conflit ou
d'attente solutionniste. Les conséquences qui en résultent
s'articulent principalement autour de la réduction production agricole
individuelle, communautaire et locale ; ce qui, par ricochet impacte sur
la production nationale en raison de la position géographique de Sinfra
(zone cacaoyère, caféière et désormais
anacardière).
Pour un enquêté(T., 33 ans, planteur à
Kouêtinfla ; entretien de Juillet 2016) « les conflits
fonciers à Sinfra ont un impact sur la production des cultures de rentes
nationales. Pendant les périodes de conflit et de résolution, les
paysans ne peuvent se rendre au champ pour récolter les cultures
à cause de l'insécurité relative au conflit. Ainsi, la
production locale et nationale baisse puisqu'au moment indiqué, les
paysans ne sont pas partis couper les fruits de cacao et de café qui
sont pourris sur les arbres. La récolte devient faible avec tout
l'impact négatif sur la sécurité alimentaire des ruraux et
la production agricole nationale ».
Selon le chef de Béliata, J. (72 ans, retraité,
entretiens effectués en Avril, 2016) « les conflits
fonciers observés à Sinfra ont toujours eu une influence directe
ou indirecte sur la production agricole de Sinfra. Ainsi, vu la position
géographique du département, il est évident que cette
influence remonte à l'échelle nationale ».
Avant d'aborder la question des modes de gestion des conflits
fonciers, il est important de rappeler que la plupart des conflits fonciers
à Sinfra naissent du processus d'acquisition des terres (transmission
par héritage, transmission par distribution utérine des terres
familiales, tutorat, arrangements par compensation, prêt, vente, mise
en gage et métayage ou « zépa »)et
des conventions y afférents. Ces conflits observés autant
à l'intérieur de la structure familiale, au niveau extrafamiliale
que communautaire ne répond pas à un enchainement fixé
d'étapes mais plutôt à des actions non prévisibles
liées à ce que la terre représente pour ces acteurs. De ce
fait, différents moyens sont dégagés par les acteurs
(physiques, mystiques et relationnels) qui, fréquemment s'affrontent
sur l'ensemble de l'espace géographique départemental
(plantations, milieu rural et milieu urbain). Les conséquences qui en
résultent concernent respectivement les impacts internes au
département (violences physiques, matérielles,....) et ceux,
externes au département (exode rural et difficultés d'insertion
professionnelle dans les agglomérations, baissede la production agricole
locale en termes de cultures d'exportation).
IV. MODES DE GESTION DES CONFLITS FONCIERS A
SINFRA
1 Présentation des acteurs
On distingue parmi lesentités qui interviennent dans la
gestion des conflits fonciers à Sinfra, les acteursextra-judiciaires (1)
des acteurs judiciaires (2).
1.1. Acteurs extra-judiciaires
Ce sont entre autres la chefferie traditionnelle (1), le
comité de gestion foncière rurale (2) et les autorités
administratives (3).
1.1.1. Chefferie traditionnelle
L'article 31 de la loi n°2014-451 du 05 Août 2014
portant orientation et organisation générale de l'administration
territoriale dispose que « le village est l'entité
administrative de base qui est dirigé par une chefferie traditionnelle
dont les compétences s'apparentent à celles d'un magistrat
local ».
Pour mieux appréhender ces compétences, il
serait judicieux d'évoquer succinctement le fondement juridique (1), les
attributions (2) et l'organisation (3) de cette chefferie traditionnelle.
1.1.1.1. Statut juridique
Selon l'article 2 de la loi n°2014-428 du 14 Juillet 2014
portant statut des rois et chefs traditionnels « ont la
qualité de chef traditionnel, les autorités traditionnelles
ci-après : les rois, les chefs de province, les chefs de canton,
les chefs de tribu et les chefs de village ». Ils sont
désignés selon les us et coutumes de leurs différentes
localités (art 3) et bénéficient de privilèges
portant sur la possession d'une carte identificatoire, la décoration en
cas de mérite et un rang protocolaire lors des cérémonies
publiques (art 4). A cela, s'ajoute la protection dont ils font l'objet, contre
toute forme de menaces, d'outrages, d'injures et de violences dans l'exercice
de leurs fonctions (art 5).
Les chefs traditionnels appartiennent à la famille de
la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels qui disposent d'un
chapelet de missions dont les principales, restent l'élaboration du
répertoire des chefs traditionnels ivoiriens, le respect du statut des
chefs, la favorisation des échanges culturels, la protection du
patrimoine culturel ivoirien et la prévention, la médiation et la
gestion des crises et conflits inter-ruraux(art 9).
1.1.1.2. Attributions
Les chefs traditionnels, selon la loi n°2014-451 du 05
Août 2014 portant orientation et organisation générale de
l'administration territoriale, disposent de compétences
plurielles :
· En matière de Police
Générale : Ils doivent maintenir l'ordre,
empêcher tous les rixes et les disputes ainsi que tout tumulte dans les
lieux d'assemblée publique. Ils doivent également rendre compte
au sous-préfet de leurs actions et de tout fait tendant à
troubler l'ordre public.
· En matière de Police
rurale : Les chefs traditionnels doivent veiller à la
protection des cultures, des plantations et des récoltes notamment en
empêchant qu'elles soient détruites par les feux de brousse et les
bétails en transhumance. Ils doivent aussi empêcher la divagation
des animaux.
· En matière de voirie : Les
chefs traditionnels doivent maintenir le village et ses environs
immédiats en état de propriété. Ils doivent en
outre veiller à la conservation et au bon entretien des pistes
villageoises.
· En matière
d'hygiène : Les chefs traditionnels doivent veiller
à la santé publique des populations et doivent signaler tous les
cas de maladies contagieuses ou d'épidémie.
· En matière de justice :
Les chefs traditionnels doivent concilier les parties en cas de litige. Leur
mandat n'est assorti d'aucune durée et l'exerce donc à vie.
Toutefois, ils pourraient l'objet de destitution pour des prises de
décisions arbitraires frisant des abus de pouvoir, empêchement
absolu d'exercice du pouvoir pour cause de maladie et délit portant
à l'honneur de la communauté et aux bonnes moeurs. A cela
s'ajoute la neutralité politique dont ils doivent preuve,
l'impartialité dans les décisions et la priorisation des
intérêts villageois au détriment de ceux, personnels et
partisans.
Dans une dynamique ascendante et descendante, les chefs
traditionnels constituent le relais entre l'administration et les
administrés. A ce titre, ils doivent conjointement faire remonter les
préoccupations des administrés auprès des administrateurs
et faire appliquer les décisions gouvernementales dans le village dont
ils ont la responsabilité.
Ils doivent enfin être soutenus dans leurs tâches
par les jeunes ruraux, les femmes, les cadres et élus ainsi que toutes
les communautés présentes dans le village, dans le respect de la
tradition, le rassemblement, l'humilité à l'égard des
administrés et la disponibilité dans la collaboration avec
l'administration locale.
1.1.1.3. Organisation
Sur le plan organisationnel, le chef T.de Blontifla (61 ans,
retraité)affirme que« la chefferie traditionnelle de
Sinfra se compose du chef du village et de la notabilité. Cette
notabilité prend en compte le 1er notable (suppléant
du chef), le secrétariat général, la trésorerie
générale, les représentants des différents lignages
fondateurs du village (conseillers), les personnes influentes du village qui
peuvent être des anciens cadres, fonctionnaires (membres) et le garant
des délimitations foncières locales (chef de
terre) ».
Ces acteurs agissent tous à différents niveaux
de la procédure de gestion des questions villageoises et la
décision du chef de village est souvent le fruit d'une concertation
avec ce collège de collaborateurs.
L'organigramme ci-dessous spécifie la position
hiérarchique et le rôle de ces acteurs dans l'échelonnement
hiérarchique villageois.
Président du tribunal
Chef du village
Suppléant du chef
Premier notable
Secrétariat chargé de la rédaction des
procès-verbaux
Secrétariat général
Secrétariat chargé de la collecte des fonds de
lachefferie
Trésorerie générale
Agents du CGFR, griot et les proches collaborateurs du
chef
Conseillers
Représentants des lignages fondateurs du
village
Membres
Personne censée connaître l'ensemble des
forêts et leurs propriétaires respectifs
Chef de terre
Figure 6 : Organigramme de la chefferie
traditionnelle à Sinfra
Source : Terrain
1.1.2. Comité de gestion foncière rurale
(CGFR)
Evoquer le comité de gestion foncière rurale
dans notre travail, suppose évoquer succinctement sa composition (1),
ses attributions (2) et son fonctionnement (3).
1.1.2.1. Composition
On dénombre selon le décret n°99-593 du 13
Octobre 1999 portant organisation et attributions des comités de gestion
foncière rurale (CGFR), plusieurs catégories d'acteurs
intervenant au sein de ce comité :
· Les acteurs du Ministère de
l'intérieur : Préfet du département et
Sous-préfet
· Les représentants des Ministères
liés à la terre (Agriculture, Environnement et forêt,
logement et urbanisme, infrastructures économiques.
· Les directeurs régionaux et
départementaux de l'agriculture et les commissaires-enquêteurs.
· Les Organes Villageois de Gestion Foncière
Rurale (CGFR, CVGFR)
· Les Opérateurs Techniques Agréés
(OTA) qui appartiennent au Bureau National d'Etudes Techniques et de
Développement et les experts géomètres
agréés.
Toutefois, dans cette composition, il faille distinguer ceux
qui interviennent promptement (experts géomètres et les OTA du
BNETD) de ceux qui siègent permanemment dans ce comité
(administrateurs locaux et villageois).
Dans la composition, les OTA et les
experts-géomètres qui interviennent promptement (Acteurs
débout), sont sollicités en vue de certaines délimitations
foncières (individualisation des parcelles) et de la pose de bornes.
A côté de cette catégorie d'acteurs, les
membres siégeant (Acteurs assis) en permanence au sein de ce
comité, se composent de :
v Ceux qui ont le droit de voter :
- Représentants des Ministères
liés à la terre (Agriculture, Environnement et forêt,
logement et urbanisme, infrastructures économiques,...).
- Représentant des services du cadastre de la direction
départementale de l'agriculture.
- Six représentants des communautés rurales, des
villages et des chefs coutumiers désignés sur proposition pour
une durée de trois ans renouvelables.
v Ceux qui ont le droit de donner leur
avis :
- Gestionnaire du Plan Foncier Rural
- Personnes concernées par les questions qui doivent
faire l'objet de vote du comité.
- Représentants des comités villageois.
- Toute personne utile à la bonne fin des travaux du
comité
Dans la pratique, le Sous-préfet, président du
CGFR mobilise les différentes entités (ministérielles,
départementales et villageoises) de ce comité, puis les dote
d'outils nécessaires à l'étude, à la
prévention et à la gestion de l'ensemble des dossiers fonciers
sur son territoire d'exercice.
La matérialisation de la composition du CGFR, selon
les enquêtés,pourrait donner la schématisation
suivante :
Sous-préfet
Acteurs assis
Acteurs débout
Représentants des Ministères
Opérateurs Techniques Agrées
Experts géomètres
Chefferie traditionnelle
Agents cadastraux
Figure 7 : Organigramme du Comité de
Gestion Foncière Rurale de Sinfra
Source : Terrain
1.1.2.2. Attribution
Selon l'article 3 du décret n°99-593 du 13 octobre
1999, « le comité est l'organe de gestion foncière
rurale ».A ce titre, il délibère
obligatoirement :
v Sous forme d'avis conforme qu'il rend:
- Pour valider les enquêtes officielles de constat des
droits fonciers coutumiers.
- Pour se prononcer sur les oppositions ou réclamations
qui subviennent au cours des procédures d'immatriculation des terres du
domaine foncier concédé.
- Pour résoudre les conflits les conflits
non-gérés au cours des enquêtes foncières.
- Pour implanter des opérations de reboisement.
- Pour implanter les projets d'urbanisation.
v Sous forme d'avis simples sur les implications
foncières des différents projets de développement
rural
- Il peut être saisi pour avis simple, par les
autorités compétentes de toute question relative au domaine
foncier rural.
- Il peut prendre unilatéralement la décision
d'étudier toute question relevant de sa compétence aux fins de
propositions aux autorités compétentes.
- Il est obligatoirement informé de
l'établissement des certificats fonciers et des actes de gestion les
concernant.
1.1.2.3. Fonctionnement
Ce comité fonctionne de façon
hétérodoxe et ne peut délibérer valablement qu'en
présence des ¾ des membres lors de la première convocation
du Sous-préfet. Ce ne sera qu'après une seconde convocation sur
le même ordre du jour que ce comité délibèrera sans
condition de quorum.
Les dossiers de délibérations y compris les avis
et propositions du comité, sont communiqués au Préfet du
département afin que celui-ci donne suite aux propositions
formulées, dans un délai de deux semaines.
1.1.3. Autorités administratives
Les autorités collatérales intervenant
fréquemment dans la gestion des questions foncières concernent le
Préfet (1) et le Sous-préfet (2).
1.1.3.1. Préfet
Par l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant
organisation générale de l'administration territoriale de l'Etat,
le Préfet du département de Sinfra est nommé par
décret pris en Conseil des Ministres (Art 22).A ce titre, ses
responsabilités sont nombreuses et s'étendent aux limites du
département. Il doit donc veiller à l'exécution des lois,
des règlements et des décisions du pouvoir exécutif,
diriger, animer, coordonner et contrôler les activités des
services administratifs et techniques du département et, d'une
manière générale, de l'ensemble des services
administratifs civils de l'Etat intervenant dans le département.
Outre cette responsabilité, le préfet doit
assurer la gestion des personnels de l'Etat placés sous son
autorité pour tous les actes de gestion courante relevant des
attributions déléguées aux Ministres.
De plus, responsable de l'ordre, de la sécurité
et de la salubrité publics dans le département, il reçoit,
centralise et exploite toutes les informations relatives à la
sureté de l'Etat, à l'exercice des libertés publiques, aux
catastrophes de toute nature ainsi qu'à tout évènement
troublant ou susceptible de troubler l'ordre, la sécurité, la
tranquillité et la salubrité publics (Art 4).
1.1.3.2. Sous-préfet
Selon l'ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011
portant organisation générale de l'administration territoriale
de l'Etat, le Sous-Préfet est le représentant de l'Etat dans la
Sous-Préfecture et agit sous la subordination hiérarchique du
Préfet de département (art 29). A ce titre, il contrôle,
coordonne et supervise l'action des chefs de villages du territoire de la
Sous-Préfecture et les activités des agents des services
administratifs et techniques de sa circonscription.
Le Sous-Préfet est responsable du maintien de l'ordre
public sur l'ensemble du territoire de sa circonscription administrative et
peut requérir l'aide des Forces de l'ordre de sa localité si
nécessaire (Art 33).
A ces tâches, se greffent celles de la convocation, de
la présidence de sa sous-préfecture et de la transmission des
délibérationsau préfet de département (Art 32).
1.2. Acteurs judiciaires
Les acteurs intervenant dans l'échelonnement
procédural du tribunal pénal de Sinfra sont regroupés au
sein du siège (1), du parquet (2) et du greffe (3).
1.2.1. Siège
Le siège de la section détachée de Sinfra
comprend selon maître B.(Greffier au tribunal pénal de Sinfra,
entretien de Janvier 2016 hors des locaux du tribunal) « le
président du tribunal et le juge en charge de l'instruction qui ont tous
deux, des profils de poste distincts ».
v Président du
tribunal :Magistrat du siège assurant la direction et la
gestion administrative du tribunal. Dès lors, il dispose de fonctions
juridictionnelles propres en matière de requêtes ou de
référés. C'est lui
qui préside l'audience, c'est-à-dire qu'il gère
le déroulement du procès et les débats. Il peut
siéger seul ou se faire assister par le substitut résident
(Procureur de la République) selon le principe de
collégialité juridictionnelle.
v Juge d'instruction :Le juge
d'instruction est un magistrat qui intervient avant l'éventuel
procès pénal. Son rôle se situe en milieu
pré-procès, il a à charge d'effectuer toutes les
diligences et investigations dans le but de révéler ce qui se
rapproche le plus de la vérité dans une question pénale,
civile ou foncière. En d'autres termes, il se doit de réunir tous
les éléments permettant de déterminer si les charges
à l'encontre de personnes poursuivies sont suffisantes, recevables afin
que celles-ci soient jugées.Aussi, vu qu'il instruit à charge et
à décharge, le juge d'instruction doit donc procéder
à tous les actes d'information utiles, vu que ceux-ci soient de nature
à démontrer la culpabilité ou l'innocence d'une
personne.
Dans le cadre de ses fonctions, il peut notamment
procéder à l'
audition de
témoins, ordonner des
perquisitions,
des saisis ou des écoutes téléphoniques, effectuer des
confrontations, prescrire des examens médicaux ou psychologiques, ... Il
possède également la faculté de recourir à la force
publique et de délivrer des mandats d'arrêt, de
dépôt, d'amener et de comparution. A l'encontre de la personne
suspectée d'avoir commis l'infraction, il peut prendre un certain nombre
de mesures et notamment une
mise
en examen.
1.2.2. Parquet
Relativement au siège, le parquet du tribunal de Sinfra
comprend exclusivement le substitut résident (Procureur de la
République).
Selon le maître B. (Greffier au tribunal pénal de
Sinfra, entretien en Janvier 2016 hors des locaux du tribunal),
« le procureur de la République intervient sur information
des services de police, de gendarmerie, mais également des services de
l'Etat ou à la suite d'une plainte d'un particulier, lorsqu'une
infraction est commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans
lequel il exerce ses fonctions. Il procède ou fait procéder
à tous les actes nécessaires à la recherche et à la
poursuite des auteurs d'infractions pénales. A cette fin, il dirige
l'activité des agents de la police judiciaire au sein du commissariat de
Sinfra et contrôle de ce fait, les placements et les prolongations de
garde à vue, les interpellations... »Autrement, le
procureur a l'opportunité des poursuites. Il peut, s'il estime cette
solution opportune, engager les poursuites lorsque l'infraction est
établie. A ce stade, plusieurs possibilités s'offrent à
lui:
- Il peut classer l'affaire sans suite, notamment quand
l'auteur de l'infraction n'est pas identifié ou est irresponsable
(minorité ou démence).
- Préalablement à sa décision,il peut
déclencher l'action publique et mettre en oeuvre des mesures
alternatives aux poursuites : rappel à la loi, composition
pénale, mesure de réparation des dommages ou médiation
pénale entre l'auteur des faits et la victime, orientation de l'auteur
des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle.
En matière de contravention ou de délit, il peut
renvoyer l'auteur devant un tribunal (tribunal pour enfant, juridiction de
proximité, tribunal de police, tribunal correctionnel).
- En matière de crime ou de délit complexe, il
peut ouvrir une information par la saisine du juge d'instruction qui est alors
chargé de l'enquête.
Au procès, le procureur présente oralement ses
réquisitions devant les tribunaux et la cours mais n'assiste pas au
délibéré. Outre ces compétences, le procureur met
en oeuvre localement la politique pénale définie par le Garde des
sceaux, dirige et coordonne l'application des contrats locaux de
sécurité mis en oeuvre par les collectivités
territoriales.
1.2.3. Greffe
Le greffe du tribunal de Sinfra se compose selon Maître
P. (Magistrat au tribunal pénal de Sinfra, entretien effectué en
Mars, 2016) «de 09 greffiers, de 03 interministériels, de 02
éducateurs spécialisés et d'un assistant social dont les
compétences sont spécifiques à leurs
postes ».
v Greffiers : Le greffier
est l'auxiliaire de justice le plus proche du juge puisqu'il
est chargé tout au long de l'instance judiciaire, de
garantir le respect et l'authenticité de la procédure.Les
greffiers sont divisés en deux corps :les greffiers et les
greffiers en chef.
En ce qui concerne les 07 greffiers du tribunal de Sinfra, ils
sont responsables du bon déroulement de la procédure et de
l'authenticité des actes établis par les magistrats au cours
du procès. A ce titre, ils informent les parties, contrôlent
l'écoulement des délais, dressent les procès-verbaux,
rédigent certaines décisions et s'assurent du respect par le juge
du formalisme des actes juridictionnels. Leur présence est obligatoire
à l'audience, de même que leur signature sur les décisions
juridictionnelles du juge.Ils sont également chargés de la
tenue de certains registres du tribunal, comme le
répertoire général qui comprend
l'intégralité des affaires enrôlées, ou le registre
d'audience appelé aussi « plumitif ».
Outre ces compétences communes, le greffier en
chef et son adjoint possèdentcertaines attributions
particulières, comme la délivrance de certificats de
nationalité ou
le contrôle des comptes de tutelle ainsi qu'une fonction fondamentale
d'encadrement et de gestion de la juridiction. Ils sont en effet responsables
du fonctionnement des services du greffe, de la gestion de son personnel, et du
budget de fonctionnement de la juridiction dont ils assurent la
préparation.
v Interministériels : Ils ne
constituent pas des agents à part entière de la justice de
Sinfra. Ce sont des fonctionnaires affectés par l'Etat qui vacillent
concomitamment dans la plupart des services administratifs de la
localité (tribunal, préfecture, sous-préfecture, mairie,
trésor, ...).Ils sont exclusivement habilités à des
tâches administratives au sein du tribunal et sont à la fois
exclus de la procédure pénale et de la participation aux
audiences.
v Educateurs
spécialisés :Ce sont des agents de la structure
dont le profil de poste concerne la prise en compte des mineurs
délinquants. Dans la pratique, ils effectuent des enquêtes
sociales auprès de la famille, des amis, des voisins en vue de
connaître la personnalité du mineur pour mieux le resocialiser.
Après investigations, ils peuvent décider d'admonester le mineur,
le placer dans un centre de réinsertion ou même en
détention préventive.
v Assistant social :Il est selon
maître B., (greffier au tribunal de Sinfra, entretiens de Août
2016)« le médiateur entre les personnes en demande et les
instances sociales, politiques et
juridiques ».A cet effet, il épaule les
personnes vulnérables (enfant, personnes du 3e âge,
femmes) en difficultés économiques, sociales ou psychologiques
(endettement, violence conjugale, enfant en danger, violences
injustifiées sur enfant, demande de logement) afin de favoriser
à la fois leur bien-être, leur insertion sociale et leur
autonomie.
Pour ce faire, il écoute, soutient, accompagne,
conseille ou oriente les personnes en fonction de leurs demandes et de leurs
besoins. Son travail repose sur la notion de relation d'aide et sur
une méthode précise lui permettant de recueillir les
données nécessaires à la compréhension de la
situation, d'analyser la demande, d'établir un plan d'action et
d'évaluer le résultat de ses interventions.
En somme, relativement aux propos des enquêtés,
la composition du tribunal de Sinfra pourrait s'apparenter à
l'organigramme ci-dessous :
Siège
Juge d'instruction
Président
Parquet
Procureur de laRépublique
Greffe
Assistant social
Educateurs spécialisés
Interministériels
Greffiers
Figure 8 : Organigramme du tribunal
pénal de Sinfra
Source : Terrain
2. Présentation des différentes
procédures de gestion
2.1. Procédure coutumière
2.1.1. Fondement ancestral
La procédure de gestion des conflits fonciers à
Sinfra se fonde, selon un chef traditionnel (entretiens effectués de
Janvier 2015 à Mai2016 dans la tribu Vinan) « sur des
rites et rituels sacrés que nous effectuons depuis des
générations. Ces rituels et libations que nous établissons
sur la terre, servent de ciment à nos communautés,
conformément aux sens d'associer, relier et se recueillir. Pour nous,
il faut associer les ancêtres dans nos activités, notre quotidien,
notre vie car nous estimons qu'ils nous voient, sont attentifs à nos
besoins et prennent soin de nous.Donc, nous les appelons quand on manque de
pluie, en cas d'épidémie, d'initiation des adolescents au masque
Djê, d'intronisation d'un chef et pour régler les palabres de
terre ».
Partant de ces propos, il apparait que la population
sédentaire rurale de Sinfra accorde une place
prépondérante aux rituels et libations en vue d'ingérer
les ancêtres dans la gestion des questions villageoises en
général et des questions foncières en particulier.Dans
cette mesure, les ancêtres se voient attribuer des rôles d'acteurs
de gestion au sommet de la hiérarchie pyramidale. Ils transcendent le
cadre de la passivité pour se présenter comme de
véritables acteurs actifs de la gestion, une sorte de juridiction
coutumière suprême (les points suivants donneront les
détails de leur intervention).
2.1.2.Procédurede gestion
La procédure de gestion des conflits fonciers à
Sinfra varie selon le type de conflit en présence : conflits
intrafamiliaux (1), conflits interfamiliaux et intercommunautaires (2) et
conflits agriculteurs et transhumants (3).
2.1.2.1. Procédure de gestion des conflits
intrafamiliaux
Dans le contexte intrafamilial, deux cas de figures se
présentent. Les belligérants peuvent solliciter l'aide d'un oncle
pour la gestion du différend (1) ou s'en remettre au tribunal
coutumier (2).
2.1.2.1.1. Procédure de gestion par
l'oncle
2.1.2.1.1.1.
Plainte
La plainte se fait selon Z. (35 ans, planteur de djamandji)
« par appel ou sollicitation d'un oncle proche qui a connaissance
de l'histoire de la famille, qui a eu des liens étroits avec le
père donateur avant sa mort et qui a toujours eu une attitude
paternaliste envers les descendants de son défunt
frère ». De ces propos, il ressort que la plainte
concernant la gestion d'un conflit intrafamilial est déposé chez
un oncle assez proche du défunt père et qui a suivi avec
attention le processus d'attribution des terres à ces descendants.
Après réception verbale de la plainte par
téléphone ou par un vaguemestre, l'oncle après
consultation de son emploi du temps professionnel et/ou familial, propose une
date à ses « fils » pour une séance
d'écoute et ci-possible de règlement.
Dans la plupart des cas observés,
l'enquêté L. affirme que la convention sur la date de la
séance familiale d'écoute « dure environcinq jours
à une semaine pour deux ».
Après avoir fixé collégialement cette
date, les « fils », par le biais de
l'héritier désigné, reçoivent instruction de
créer un cadre de paix avant la date convenue.
2.1.2.1.1.2.
Séance d'écoute et tentative de règlement
« L'oncle peut venir seul ou appeler des
ainés et frères pour l'aider à résoudre la
question ». Ces propos recueillis auprès de
l'enquêté K. (planteur à progouri, entretien de Novembre
2016) montrent que l'oncle a le choix en matière de gestion de la
gestion. Il peut venir seul s'il estime être en mesure de la
régler la question ou solliciter l'aide de frères s'il note
d'autres implications traditionnelles ou sent la nécessité
d'associer toute la famille afin d'éviter un conflit qui peut
désagréger le tissu familial.
A une séance ouverte qui voit participer tous les
membres de la famille, le conseil familial se réunit pour écouter
les belligérants, les femmes, enfants et autres frères. Ainsi,
après avoir écouté les acteurs du conflit familial,
l'oncle ou le conseil familial donne la parole aux autres membres de la famille
pour leur part de vérité concernant la situation qui
prévaut à la maison.
Après avoir écouté les différents
intervenants, l'oncle ou le conseil de famille essaie de situer les choses
concernant l'ordre hiérarchique et hégémonique des choses
dans la tradition gouro, les confidences du défunt père et les
souhaits en son absence avant de décider d'une solution qui
privilégie l'intérêt de la famille et qui préserve
l'unité des membres du groupe.
Une ou deux personnes sont désignées dans le
groupe pour veiller ou suivre l'application de la décision et faire des
rapports verbaux (appels téléphoniques, déplacements et
explication de l'évolution des choses à ou aux oncles).
Il est également à noter que dans la tradition
gouro, l'oncle est considéré comme ayant les mêmes droits
que le père géniteur et ses décisions ne font et ne
doivent aucunement faire l'objet de contestation par les fils.
Dans le second cas, les membres de la famille rejettent cette
esquisse familiale et sollicitent directement le tribunal coutumier.
2.1.2.1.2. Procédure de gestion
par le tribunal coutumier
Dans le cadre familial, lagestion des conflits de terre se
structure exclusivement autour de la plainte (1), de la séance
d'écoute et de la décision du tribunal sur la base des
interventions d'oncles (2).
2.1.2.1.2.1 Plainte
Le dépôt de la plainte ou
« tôla tchi »se fait à deux mille
(2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de sa déposition
parmi les questions à résoudre. Le tribunal coutumier programme
une séance d'écoute et l'urgence de la question est
évaluée selon deux thématiques bien précises :
ordre des questions à résoudre et leur importance sociale.
2.1.2.1.3Séance d'écoute et association
des oncles pour la gestion
Selon I. (déscolarisé à Blontifla,
entretien de Juin, 2016) « quand il y a un problème de
terre au sein d'une même famille, la question est sensible puisque les
individus habitent la même maison et si le jugement n'est pas bon, ils
peuvent se faire mal à la maison ». Il apparait donc que
vu la sensibilité et la délicatesse des conflits fonciers
intrafamiliaux, les chefs coutumiers dressent une oreille attentive à
cette séance d'écoute et font intervenir succinctement
accusateur, accusé, sachants de la famille et oncles pour avoir de
nombreux outils pouvant permettre de comprendre et d'élucider la
question tout en évitant les prises de position figées
susceptibles de provoquer des regains de violences intrafamiliales.
Dans cette dynamique, l'intervention des oncles est cruciale
dans l'issue à trouver au conflit : ils sont comme des pères
au sens strict du terme et doivent peser les mots tout en insistant et plaidant
pour le maintien des liens fraternels et la grandeur d'esprit face à ce
genre de problème.
Après avoir écouté les protagonistes, les
observateurs directs et indirects, les chefs coutumiers donnent un verdict
amiable pour à la fois réunir, consolider les liens familiaux et
préserver l'unité du groupe catalyseur de la paix familiale.
2.1.2.2. Procédure de gestion des conflits
interfamiliaux, intercommunautaires
La procédure de gestion des conflits fonciers
interfamiliaux et intercommunautairespar les différents tribunaux
coutumiers de Sinfra répond selon 90% des chefs traditionnels
(interviews réalisées de Février 2015 à Avril
2015), à un processus linéaire qui part de la plainte (1), au
verdict (5) en passant succinctement par la convocation des parties (2), le
déplacement sur l'espace (3) et la séance de jurement (4).
2.1.2.2.1. Plainte
Dans les contrées rurales de Sinfra, le chef T. (61
ans, retraité à Djamandji) affirme que « processus
de gestion des conflits fonciers part de la déposition d'une plainte de
l'une ou l'autre partie des belligérants ».
Cette déposition « tôla
tchi » consiste en la saisine des autorités
traditionnelles par un acteur rural se disant propriétaire d'une portion
de terre litigieuse. A cet effet, l'accusation ou l'accusateur s'acquitte d'une
somme de deux mille (2.000) francs CFA en vue de permettre l'enregistrement de
sa déposition parmi les questions à résoudre.
Dès lors, l'information de la déposition est
portée à la connaissance de l'accusé par le biais du
griot, pour lui permettre à la fois de verser également la
somme de deux mille(2.000) francs CFA dont le délai d'exécution
n'excède pas trois jours et de s'apprêter pour la première
séance d'écoute et ci-possible, de règlement.
Après acquittement de ce montant par les deux parties,
la chefferie procède à l'information de l'ensemble de la
communauté villageoise par le canal de ce mêmegriot qui, avec une
cloche artisanale et un bâtonnet métallique, sillonne les grandes
artères du village pour informerles administrés, à voix
audible.
Cette séance d'information permet à tous les
sachants de la répartition foncière ancestrale et de ce litige
foncier spécifique, de se prononcer lors de la prochaine convocation des
parties.
Selon le même chef T. (61 ans, retraité à
Djamandji) « Une à deux semaines après la
déposition de la plainte, la chefferie convoque les parties ainsi que
tous les sachants, à une séance d'écoute qui se tient
régulièrement les mercredis ».
2.1.2.2.2 Convocation des parties
A cette première étape de la gestion
coutumière des litiges fonciers, le tribunal traditionnel, après
avoir informé l'ensemble de la communauté villageoise de la tenue
d'une première séance d'écoute, fait comparaître les
deux parties, dans une séance publique sous les arbres prévus
à cet effet (arbres à palabre).
Lors de cette séance, la chefferie écoute
successivement l'accusateur, l'accusé, les sachants avant d'en venir aux
témoins. A ce niveau, le tribunal intente une transaction amiable pour
estomper le cours de la procédure. Mais si l'une ou l'autre des parties
refuse, la procédure suit son cours normal et la séance est
ajournée à une semaine avant le déplacement du bureau de
la chefferie, des protagonistes, le comité de gestion foncière,
des sachants, parents, amis sur l'espace faisant l'objet du conflit.
2.1.2.2.3. Déplacement sur l'espace
conflictuel
Pour le chef de Tricata (chef S., 69 ans)« le
déplacement de la chefferie, des protagonistes et des sachant sur la
terre qui fait l'objet de litige, est une phase délicate et purement
mystique où les ancêtres agissent sévèrement envers
celui qui a tort. Les protagonistes reprennent les explications en illustrant
leurs propos par soit les activités champêtres menées dans
le champ, soit tout ce qu'il faut pour attester leurs propos. Ils se munissent
donc de nid d'écureuil, d'un coq blanc ou rouge chacun et de 10 litres
de vin de palme».
Cette phase apparait assez délicate car elle ouvre la
voie à une implication des ancêtres et semble ne pas
épargner le protagoniste qui, à tort, s'approprie l'espace
d'autres ruraux.
La charge financière du déplacement de ce
comité de gestion revient aux belligérants qui se munissent
à la fois de tout le nécessaire pour la séance de
jurement.Concrètement, il s'agira pour chacun des protagonistes, avant
cette première expédition sur la terre conflictuelle, de
débourser la somme de cinq mille (5.000) francs en plus de pot de dix
(10) litres de vin de palme, d'un coq blanc ou rouge et d'un nid
d'écureuil. Puis, le comité en séance
plénière donne encore la possibilité aux deux parties de
désister puisque cette prochaine étape se soldera
inéluctablement par la mort d'une des parties.
Cette phase réflexive s'étend sur une ou
plusieurs semaines ; période pendant laquelle, les formules
occultes d'interruption de la procédure par une partie, en raison de la
conscience de leurs erreurs d'appropriation foncière par maraudage, sont
tolérées par la chefferie. Ainsi, le bureau de la chefferie se
charge de la restitution de l'espace au véritable
propriétaire ; et ce, de façon sournoise pour éviter
les effets ignominieux chez le repenti-actif, puisqu'il pourrait s'agir d'un
acteur villageois dont la réputation ne doit être salie ou d'un
père de famille.
Toutefois, en cas d'insistance des deux parties à aller
à la séance de jurement, la chefferie traditionnelle,
après des semaines d'attente, convoque uniquement protagonistes et
témoins ainsi que son comité de gestion pour se rendre
secrètement sur l'espace conflictuel en vue de passer à la
séance de jurement.
2.1.2.2.4. Séance de jurement
C'est une séance tenue à huis clos entre le
bureau de la chefferie, les belligérants et un témoin de chaque
protagoniste.
A ce niveau, le plaignant est le premier à prendre la
parole et à marcher le long de la limite de son champ, suivi de son
témoin. Mon monologue doit exclusivement se circonscrire sur
l'indication des limites de son champ et l'invocation de ses ancêtres qui
lui ont légué cette portion de terre.
Ainsi, suivi de son témoin, il marche le long de sa
propriété foncière, tout en indiquant les
termitières, bas-fonds, palmiers à huile ou fromagers qui bordent
cette propriété et simultanément, celui-ci invoque ses
ancêtres en vue de les associer à la gestion de la question.
Pendant qu'il marche le long sa portion de terre, le plaignant
se fait frotter le dos avec le nid d'écureuil préparé
à cet effet, par son témoin.
Pour le chefT. (61 ans, retraité à Djamandji)
« l'accusateur puis l'accusé doivent chacun à son
tour, faire le tour de leurs propriétés respectives; peu importe
qu'il s'agisse d'1, 2 ou 100 hectares ».
Ensuite, la chefferie fait intervenir l'accusé qui suit
la même procédure en invoquant lui aussi, ses ancêtres
donateurs.
Après cette phase, les coqs sont tués sur le
champ, le sang est relativement éparpillé sur l'espace
conflictuel. Puisà la hâte, on coupe du bois de chauffe pour y
mettre du feu, les coqs sont préparés, consommés par tout
le collège des participants à la séance, puis les os sont
distillés sur l'espace en question avant de revenir au village.
De retour au village, la chefferie ajourne la séance
à une, deux voire trois (1, 2 voire 3) semaines afin de donner le temps
aux ancêtres d'agir et de punir celui qui a tort.
2.1.2.2.5.Verdict ancestral
C'est la phase terminale de cette procédure lanternante
qui s'étend fréquemment surdeux ou trois (2 ou 3) mois. Au
bout d'un intervalle d'une à trois semaines, l'un des protagonistes
trouve la mort de façon mystérieuse et le sang s'écoule de
son nez comme marque du passage des ancêtres.
Après la mort de l'un des acteurs en conflit, la
chefferie en séance publique, autorise
au« survivant » de récupérer sa
portion de terre, parce qu'il a été jugévéritable
propriétaire selon les ancêtres.
Toutefois, il est à préciser selon ce collectif
des chefs traditionnels de « Sian »(entretien de
Mai, 2016) que « cette phase de jurement, jusque-là n'a
encore jamais laissé impuni celui qui a tort lors d'un différend
foncier. C'est pourquoi, avant d'y arriver, nous prévenons les parties
du danger de cette étape et les encourageons à arrêter la
procédure ».
2.1.2.3. Procédure de gestion des conflits
entre agriculteurs et transhumants
2.1.2.3.1. Plainte
« Elle se fait comme toutes les autres plaintes
avec une somme de 2000 f et une date pour régler le problème.
Mais c'est souvent difficile puisque c'est difficile de savoir si ce sont les
boeufs de tel ou tel transhumant ». En d'autres termes, la
procédure concernant la plainte reste intacte : dépôt
de la plainte contre paiement d'une somme de deux mille francs (2000f), mais
celle de la détermination des boeufs destructeurs et de leur
propriétaire parait plus problématique.
Dans ce cas d'espèce, en l'absence de preuves formelles
prouvant l'implication directe des boeufs d'un transhumant dans la destruction
ou le saccage de plantations, il reste difficile d'établir la
responsabilité et par ricochet, d'engager une procédure de
dédommagement.
Dans la plupart des cas, S. (cultivateur à
Sanégourifla, Novembre 2016) affirme « Tu es au village le
soir et matin, quand tu vas au champ, tu trouves ton champ
dévasté avec des boeufs à l'intérieur. Donc ce sont
eux ». De ces propos, il revient qu'il est difficile de
déterminer les boeufs dévastateurs vu que les planteurs
dès dix-huit (18) heures du soir, sont à la maison et le constat
se fait le matin avec un intervalle de temps assez considérable pour
permettre à n'importe quel transhumant de promener ses boeufs,
dévaster la plantation et s'éclipser.
Ainsi, à défaut de prendre des positions
partiales, les plaignants planteurs sont sommés dans bien des cas par le
tribunal traditionnel, de prouver le lien entre les boeufs trouvés sur
place et le saccage des plantations.
2.1.2.3.2Transaction amiable et
indemnisation
A cette étape, le tribunal intente une transaction
amiable sur la basedes preuves traduisant l'intentioncriminelle du transhumant
et sa responsabilité directe dans le saccage de plantations.
Ce type de transaction n'aboutit que par l'acceptation des
deux parties sur les clauses de la transaction ; ce qui n'est pas le cas
dans la plupart des situations observées sur le terrain.
Le cas de figure ci-contre exprime mieux cette
complexité à trouver une solution amiable lorsqu'il s'agit des
conflits entre agriculteurs et transhumants.
Un enquêté (K., 46 ans, planteur à
Kouêtinfla, entretiens d'Août 2015) nous racontait que trois mois
avant notre arrivée sur le terrain d'étude, la gestion d'un
conflit foncier avait provoqué des murmures au sein de la
communauté villageoise. Il s'agit d'un conflit qui a opposé G.,
une autochtone du village Kouêtinfla à K., un jeune
transhumant.
En effet, G. qui était partie effectuer des travaux
dans son champ de maïs, constata que son champ avait été
dévasté par des boeufs. Ainsi, dans la recherche
d'éventuels coupables, retrouva le transhumant K., suivi de son troupeau
aux abords de son champ. Elle prit donc sa machette puis blessa une bête
avant de rentrer au village pour entamer une procédure d'indemnisation.
La chefferie traditionnelle gouro, dans la gestion du conflit, donna raison
à G. et exigea une indemnisation immédiate en tenant compte des
dimensions du champ de maïs et de sa valeur pécuniaire. Une
décision qui a été fortement contestée par la
communauté allochtone qui l'a trouvée purement affinitaire, avant
de remonter à l'échelle administrative.
A ce niveau, la plaignante du village devenue
l'accusée de cette nouvelle procédure et le plaignant se
retrouvèrent face à un juge qui avait des
antécédents fonciers avec certains autochtones de la
localité. De ce fait, la décision rendue de cette juridiction fut
qu'au lieu de prétendre vouloir se faire indemniser par le transhumant,
ce serait plutôt G. qui devait dans un bref délai, indemniser le
transhumant K. pour la bête blessée. Cette nouvelle
décision a créé un choc social au sein de la
communauté gouro et attisé la stigmatisation des allochtones
(décideurs, transhumants et cultivateurs) de la localité.
2.2. Procédure pénale de
gestion
2.2.1. Fondement normatif
La gestion du domaine foncier rural ivoirien s'appuyait
principalement sur un ensemble clivé de démarches qui cumulaient
pratiques coutumières, décrets et arrêtés de
l'époque coloniale. Dès lors, tandis que les détenteurs
coutumiers cédaient ou louaient des terres aux migrants en dehors de
tout contexte légal, l'administration s'efforçait
d'établir des bases textuelles de ces transactions.
Relativement, de nombreux textes ont été
élaborés et ceux-ci se sont vus amendés au fil des
années jusqu'à déboucher sur la loi foncière
actuelle (loi n°98-750 du 23 Décembre 1998).
Quelles sont ces normes qui ont permis de règlementer
le foncier national avant et après l'indépendance
ivoirienne ?
2.2.1.1. Mesures en vigueur avant
l'indépendance
2.2.1.1.1. Décret du 25 Novembre
1930
Ce décret règlemente l'exploitation pour cause
d'utilité et l'occupation temporaire des espaces en Afrique occidentale
française promulguée par arrêté 2980 AP du
19Décembre 1930. Ce texte prévoit que les indigènes
s'approprient les terres à des fins exclusivement d'exploitation
agricole. En ce sens, les terres ne pouvaient être consolidées
pour une exploitation future, elles devaient être mises à profit
dans l'immédiat et dans l'intérêt public.
Aussi, ce décret fixe-t-il les conditions
d'expropriation des indigènes pour cause de non-exploitation des espaces
consolidés. En son article 1, il dispose « l'exploitation
pour cause de nullité publique, s'opère en Afrique occidentale
française par l'autorité de justice. En d'autres termes,
l'exploitation à des fins personnelles constatées par
l'autorité de justice, entrainait inéluctablement l'expropriation
de l'indigène.
Par ailleurs, ce texte mentionne que les tribunaux ne peuvent
prononcer l'exploitation qu'autant que l'utilité publique en a
déclaré et constaté dans les formes prescrites.
Toutefois, les terres formant la propriété
collective des indigènes ou que les chefs indigènes
détiennent comme représentants des collectivités
indigènes conformément aux règles de droit coutumier
local, restent soumises aux dispositions de la règlementation domaniale
qui les concerne.
Les conditions d'expropriation des indigènes pour cause
de travaux publics se trouvent précisées aux termes de l'article
3 de ce décret qui dispose que«le droit d'expropriation
résulte :
- De l'acte qui autorise les opérations telles que
la construction des routes, chemins de fer ou ponts, travaux urbains, travaux
militaires,...
- De l'action qui autorise les travaux ou
opérations par une loi, un décret ou un arrêté du
gouverneur général en conseil de gouvernement.».
Concernant les formalités et modalités
d'indemnisation des personnes expropriées, ce décret
prévoit que les propriétaires intéressés (chefs des
travaux) disposent d'un délai de 2 mois à dater des publications
et notifications pour faire connaître les personnes concernées
(fermiers, locataires ou détenteurs de droits réels) faute de
quoi, ils resteraient seuls chargés envers ces derniers, des
indemnités que ceux-ci pourraient réclamer.
2.2.1.1.2. Arrêté n°83 du 31 Janvier
1938
Cet arrêté règlemente l'aliénation
des terrains domaniaux en Côte d'Ivoire ; autrement la mise
à disposition des terrains domaniaux à des fins d'utilisation
industrielles ou de travaux publics.Il désigne sous le vocable de
« concessions rurales », les terrains
situés en dehors des centres urbains et réservés ou
utilisés en principe pour des entreprises agricoles et industrielles.
Relativement, les investisseurs bénéficient de
certains avantages liés à la mise en valeur des espaces, dont le
principal reste prescrit en l'article 2 du présent arrêté
« les terrains ruraux sont attribués à titre
onéreux à des clauses et à des conditions spéciales
qui sont insérées dans un cahier de charges annexé par
l'activité d'octroi ».
Aussi, la libre concurrence de structures
spécialisées dans les travaux publics et industriels
était-elleautorisée par l'administration coloniale qui
évaluait les propositions faites dans un délai de 2 mois. Cette
mise en adjudication se présentait comme une forme d'évaluation
de propositions lorsque l'administration se trouvait saisie par deux ou
plusieurs demandes concurrentes.
L'article 3 fixe la stratification procédurale pour
l'obtention d'une concession provisoire, qui prend en compte les acteurs
administratifs et la souscription à certaines modalités
administratives. Il dispose que « quiconque veut obtenir une
concession provisoire d'un terrain doit, par l'intermédiaire et
sous-couvert de l'administration du cercle, adresser au lieutenant-gouverneur
une demande timbrée énonçant nom, prénoms,
qualités, régime matrimoniale et
nationalité,... ».
2.2.1.2. Mesures en vigueur après
l'indépendance
Au lendemain de l'indépendance, la Côte d'Ivoire
amorce un développement grâce à la mise en valeur des
espaces ruraux (développement des cultures d'exportations et d'essences
forestières) provoquant des vagues de migrations internes et externes
vers les terres nationales en général et forestières en
particulier.
Dès lors, il s'est avéré
nécessaire de repenser la question foncière dans la perspective
d'adapter ces textes aux réalités démographiques nouvelles
de ce pays.
De nombreux décrets et arrêtés y ont
été élaborés dans le cadre du domaine foncier.
v Arrêté n°673 MFAEP-CAB du 20 Avril
1962 portant création du service du cadastre ivoirien (J.O du
10-05-1962 p516)
v Rapport du 29 Mars 1962 sur le projet de
loi portant code domanial (J.O du 13-06-1962).
v Loi n°71-338 du 12 Juillet 1971
relative à l'exploitation rationnelle des terrains détenus en
pleine propriété.
v Loi 71-338 du 12 Juillet 1971 relative
à l'exploitation des terrains ruraux pour insuffisance de mise en valeur
(J.O du 5-08-1971).
v Décret de 1971 sur les procédures
domaniales : reconnaissance limitée des droits
coutumiers.
v Loi de 1984 rendant l'enregistrement
obligatoire pour les baux conduisant à l'appropriation des terres.
v Loi n°98-750 du 23 Décembre
1998 portant organisation et règlementation du foncier
rural.
Dans un souci de concision, nous ne proposerons que le texte
de 1971(1) et la loi de 1998 (2) en raison de leur correspondance aux
réalités socio-rurales actuelles.
2.2.1.2.1. Loi n°71-338 de Juillet
1971
Cette loi dispose en son article 1 que « tout
propriétaire des terrains ruraux est tenu de mettre en culture et de
maintenir en bon état, la production, l'intégrité des
terres qu'il exploite ».Autrement, cette loi s'apparente
à une forme d'incitation des ruraux au développement des
activités agricoles émergentes (cultures de rentes).
Cette mise en valeur s'appliquait à l'exploitation des
produits agricoles, à l'élevage et à l'usage industriel.
Les terrains ruraux acquis en pleine propriété à quelque
titre que ce soit et dont la mise en valeur n'a pas été
assurée par les conditions fixées, peuvent faire l'objet d'un
retour en totalité ou en partie du domaine de l'Etat en vue de leur
utilisation à des fins économiques et sociales.
Aussi, cette loi précise-t-elle que le défaut de
mise en culture, de tout entretien et de toute production qu'il s'agisse des
cultures ou des produits de l'élevage, sur une période de 10 ans
sur les terres consolidées, entraine une appropriation des terres par
l'Etat.
2.2.1.2.2. Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998
et la procédure
de délivrance du certificat foncier
2.2.1.2.3. Loi n°98-750 du 23 Décembre
1998
Cette loi constitue l'instrument juridique à partir
duquel les droits fonciers coutumiers peuvent être transformés en
droit de propriété. Elle se caractérise par trois
innovations majeures : l'encouragement des ruraux à mettre en
valeur les terres (art 18), la résolution conjointe des questions
liées aux expropriations répétées de certaines
populations (art 4) et l'identité foncière des allogènes
sédentarisés (art 26).
En ce qui concerne la mise en valeur des terres et gestion du
domaine foncier rural, cette loi prévoit en son article 18 que
« la mise en valeur d'une terre du domaine foncier rural
résulte de la réalisation soit d'une opération de
développement agricole, soit de toute opération
réalisée en préservant l'environnement et
conformément à la législation et la règlementation
en vigueur ».
Relativement aux expropriations de certaines personnes, cette
loi dispose que les acteurs sociaux et ruraux, dans le but d'attester leur
droit de propriété sur les espaces fonciers, se fassent
établir un certificat foncier aux termes de l'article 4 de ladite
loi.Lequel certificat foncier s'apparente à l'acte par lequel
l'administration constate l'occupation paisible et continue d'une terre du
domaine foncier rural par une personne ou groupement informel d'ayants droits
se disant détenteurs des droits coutumiers.
Concernant l'identité socio-foncière
accordée aux allogènes sédentarisés, cette loi
prévoit en son article 26 que ces acteurs ayant consolidés des
espaces fonciers à travers des contrats avec des propriétaires
terriens nationaux, soient reconnus propriétaires de ces espaces qu'ils
exploitent.
Concernant la procédure de délivrance du
certificat foncier, elle reste soumise selon termes des dispositions du
décret n° 99-594 du 13 Octobre 1999 fixant les modalités
d'application au domaine foncier rural coutumier de la loi n°98-750 du 23
Décembre 1998, à une série stratifiée de dix-neuf
étapes. Ces étapes se résument
grosso-modoà la rédaction de la demande, au
dépôt de cette demande, à l'ouverture du dossier
d'enquête, au layonnage du périmètre à
délimiter, à la désignation du
commissaire-enquêteur, au règlement des frais d'enquête,
à l'ouverture de l'enquête foncière, à la
constitution de l'équipe d'enquête officielle, au recensement des
droits coutumiers, au constat des limites de la parcelle, à
l'établissement du plan de délimitation, au contrôle du
dossier de délimitation, à l'annonce de la publicité
d'enquête, à la séance publique de présentation,
à la clôture de la publicité des résultats
d'enquête, au constat d'existence des droits de propriété,
à la validation du dossier d'enquête, à la
préparation et signature du certificat foncier, à
l'enregistrement-diffusionet enfin, à la publication du certificat
foncier.
2.3. Procès pénal
2.3.1. Saisine de la justice
Selon le maître B. (entretien effectué au
tribunal ; Mars, 2016)« En cas de litiges fonciers, la
partie plaignante saisit le tribunal par assignation d'un huissier de justice
qui cite les parties à comparaître ». En d'autres
termes, la partie plaignante ne saisit pas directement la justice mais s'en
remet à un acteur administratif entreposé (huissier de justice)
dont les compétences lui confèrent le pouvoirde saisir par
assignation, la justice et concomitamment de citer les parties
belligérantes à comparaître.
Dès lors, une date est fixée pour une
séance d'écoute non publique, permettant ainsi de constituer un
dossier qui sera remis au juge d'instruction à des fins
d'investigations.
2.3.2.Phase
d'instruction
C'est la phase qui met en scène le juge d'instruction
dont le rôle consistera, dans une impartialité relativement
totale, à procéder aux investigations qu'il juge utiles
à la manifestation de la vérité.Pour ce faire, le
maître D. (entretien de Juin, 2015) affirme que
« l'instruction peut se fonder principalement sur les avis du
comité villageois de gestion foncière, de la chefferie
traditionnelle locale et du chef de terre, mais aussi, sur de nouvelles
investigations en dehorsde tout rapport des autorités coutumières
pré-citées. A ce titre, ceux-là apparaissent comme
simples témoins, dans le cadre du jugement ». Dans cette
mesure, le juge d'instruction semble être doté de
prérogatives importantes qui le confèrent la latitudede se fonder
sur les investigations déjà menées par les instances
coutumières ou les remettre en cause et procéder personnellement
à de nouvelles disquisitions en dehors de tout pré-acquis.
Dès lors, il constitue donc une équipe de personnes
« qualifiées » sur le terrain à des
fins de nouvelles enquêtes.
Ainsi, disposant d'éléments suffisants, il peut
prendre une ordonnance de renvoi de l'affaire devant la juridiction
de jugement, s'il estime qu'il existe à l'encontre du mis en examen des
charges suffisantes portant sur des coups et blessures lors de ces litiges
fonciers. Dans le cas contraire, il rend une ordonnance de non-lieu et
sollicite l'appui du comité villageois de gestion foncière pour
une gestion coutumière.
2.3.3. Phase de jugement
« Dans le cadre de la résolution des
questions foncières, nous travaillons en étroite collaboration
avec le comité villageois de gestion foncière et les
autorités traditionnelles qui interviennent lors des jugement en tant
que témoins ». Ces propos recueillis auprès du
juge d'instruction du tribunal de Sinfra (Avril, 2016) montrent que le
président du tribunal ne rend son jugement que sur la base
d'interventions combinées d'accusateur, d'accusé, de
témoins et du rapport issu d'investigations du juge d'instruction.
Toutefois, il faut préciser que, même si les
conflits de terre constituent des questions à nomenclature civile, le
président du tribunal de Sinfra peut appliquer simultanément les
dispositions du code civil et du code pénal dans les cas de violences
foncières ; et ces décisions peuvent consister en des
dédommagements pécuniaires, des peines privatives de
liberté ou des peines avec sursis.
Après le verdict, la partie perdante du procès
dispose d'un délai de trente jours pour faire appel ou se conformer
à la décision.
2.4. Procédure de gestion par les
autorités administratives
La procédure de gestion des litiges fonciers par les
autorités administratives de Sinfra se limite
généralement à la médiation (1), à la
négociation (2) et à la conciliation (3).
2.4.1. Médiation
Selon un enquêté de la sous-préfecture de
Sinfra(49 ans, archiviste) lors d'entretiens effectués en Juin, 2016)
« les autorités préfectorales et
sous-préfectorales constituent des médiateurs, dont le rôle
consiste à aider les partiesprenantes à chaque étape du
processus de médiation. Le médiateur aide à cerner le
conflit, àétablir clairement les différents points de vue,
à rechercher les causes et les effets du conflit, àétudier
ses antécédents, à élaborer des suggestions
concrètes pour sa résolution, à parvenir àdes
accords satisfaisants et à trouver des solutions
acceptables ».Autrement, ces autorités dans la
médiation élaborent un cadre d'échanges entre les
protagonistes en vue de déterminer les points de divergence
déterminants dans la recherche de solutions satisfaisantes. Partant de
là, cette médiation des autorités locales de Sinfra,
s'apparente à un processus de concertation volontaire entre parties en
conflit initié par ces autorités locales, afin de faciliter la
communication et conduire les parties à trouver collégialement
une solution.
Le succès d'une telle méthode suppose dans bien
de cas, le rétablissement des relations inter-rurales, la
préservation de la réputation des acteurs, ou l'image des parties
prenantes et l'adhésion des parties à un ensemble de valeurs
communes.
2.4.2. Négociation
Les enquêtés tels que F. (41 ans, administrateur
à la Sous-préfecture) révèle dans notre zone
d'étude que « les autorités aident les parties
opposées, sur la base des négociations consensuelles, à
jouer le rôle majeur dans la recherche de solutions acceptables pour
tous. Les individus en conflit identifient eux-mêmes leurs besoins et
leurs intérêts, et s'entendent pour trouver des solutions
avantageuses pour tous ».Dès lors, les autorités
locales, dans le cadre de la négociation, associent les
belligérants dans la recherche de solutions consensuelles tout en
favorisant la communication entre les parties durant tout le processus.
Dans la pratique, ces autorités locales forment une
équipe (Préfet ou Sous-préfet ou encore leurs
représentants, secrétaires et les protagonistes) dont le nombre
est fonction des enjeux qu'implique ce conflit foncier. Il s'agira pour cette
équipe de mener un ensemble d'actions séquentielles qui partent
de l'identification du litige à la mise en oeuvre des solutions, en
passant succinctement par clarification des enjeux, la recherche des causes,
l'évaluation des conséquences négatives et larecherche des
solutions.
A ce niveau, les solutions les plus fréquentes sont
celles de type gagnant-gagnant ou perdant-perdant. Dans le premier cas, chaque
protagoniste se préoccupe de l'intérêt de l'autre. Il ne
s'agit donc pas de rechercher le meilleur compromis de partage des gains mais
de trouver un accord qui augmente les gains de chacun.
Dans le second cas, il s'agit d'une interaction où la
somme de décisions individuelles visant à maximiser
l'intérêt de chacun, aboutit à une combinaison de
décisions minimisant l'intérêt de tous. Ici, cette forme de
gestion s'appuie une perte relativement faible de part et d'autre des acteurs
en conflit. Dans la plupart des cas de conflits négociés, un
enquêté (B., 29 ans, policier à la préfecture)
affirme que « les solutions trouvées dans le cadre des
négociations favorisées par les autorités administratives,
sont facilementapplicables, puisque les parties en conflit élaborent
elles-mêmes leurs solutions.
2.4.3. Conciliation
Cette méthode de gestion des conflits fonciers
consiste, selon une enquêtée (Madame C., 32 ans, secrétaire
du Préfet) « à rapprocher les positions
divergentes des parties en conflit ».Ainsi, après la
négociation qui a débouché sur les formules
gagnant-gagnant ou perdant-perdant, les autorités préfectorales
et sous-préfectorales concilient les protagonistes en les tenants au
strict respect des propositionsqu'elles ont contribué à
élaborer ; lesquelles serontconsignées par écrit.
Par ailleurs, il parait important de retenir que la
procédure de gestion administrative des conflits fonciers part de la
médiation des autorités préfectorales et
sous-préfectorales qui élaborent avec les protagonistes, des
formules négociées de gagnant-gagnant ou de perdant-perdant en
tenant compte des enjeux et intérêts de tous les acteurs en
conflit. Le schéma ci-dessous donne les détails de cette
procédure administrative.
MEDIATION
NEGOCIATION
CONCILIATION
Figure 9 : Procédure de gestion par
les autorités administratives de Sinfra
Source : Terrain
V.Facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des
conflits fonciers
D'après les verbatim recueillis sur le terrain
d'étude, l'échec en matière de gestion des conflits
fonciers à Sinfra s'explique par la conjugaison des facteurs internes
aux acteurs (1) et des facteurs externes à ces acteurs (2).
5.1. Facteurs internes aux acteurs sociaux
Plusieurs facteurs internes aux acteurs expliquent
l'échec de la gestion des conflits fonciers. Les principales sont :
corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers
(1), protection tribale des ressortissants (2), stigmatisation des acteurs de
gestionet expropriation foncière des allochtones (3), acteurs de gestion
eux-mêmes acteurs de conflits (4) et diversité d'acteurs de
gestion et confusion de rôles (5).
5.1.1 Corruption des acteurs et gestion affinitaire
des conflits fonciers
Dans la plupart des villages explorés du
département de Sinfra,33% des enquêtés
révèlent que les décideurs locaux ont une attitude
partiale dans la gestion des crises foncières. Ceux-ci ont tendance
à privilégier les acteurs ruraux dont le pouvoir de corruption
est certain. A ce titre, les propos de F. (19 ans, élève en
Terminale au Lycée Henri Konan Bédié et vivant à
Djamandji) sont éloquents « pour avoir raison dans un
conflit de terre à Sinfra ici, tu dois avoir l'argent comme les
opérateurs économiques allochtones ou avoir de vastes portions de
terre comme certains propriétaires terriens. Sinon, ce n'est pas
sûr. Les autorités de Sinfra sont entrain de faire de grands
champs d'hévéa partout à Sinfra et plus de la
moitié des pâturages de Sinfra, même si ce sont les peulhs
qui gèrent, leur appartient. Alors qu'avant, ils vivaient seulement de
leurs pensions pour les retraités et de leurs salaires, pour les
fonctionnaires. Hum, en un petit temps, ils ont tous eu de nombreux champs de
cacao, d'hévéa et de pâturages ». De ces
propos, il ressort que le nombre croissant des champs de grande envergure et
pâturages des décideurs de la localité, repartis dans
l'ensemble du département, ont des provenances douteuses ; mieux
que ces biens constituent des contreparties à l'orientation volontaire
des décisions de justice (traditionnelle ou pénale) en faveur de
ceux qui ont un pouvoir pécuniaire et foncier évident.
Ainsi, ces décideurs locaux qui ne disposaient que de
leurs revenus mensuels ou de petits dons reçus pêle-mêle, se
retrouvent aujourd'hui, selon l'enquêté avec des avoirs assez
remarquables (champs, pâturages, petits et grands commerces) dont
l'atermoiement d'obtention prête à regard. Dans ce contexte,
tandis que certains expliquent cet enrichissement rapide des autorités
du département, par la conservation progressive des dons reçus au
fil du temps en oblitérant continuellement les traces de ces
arrangements souterrains dans la sphère administrative, d'autres y
voient un réseautage purement élaboré par ces praticiens
du droit local avec des acolytes (autochtones et allochtones) en vue de se
procurer des possessions remarquables pouvant leur permettre d'être
à l'abri du besoin financier.
Dans la pratique, les autochtones et allochtones,
détenteurs de pouvoirs s'inscrivant dans une dynamique de
préservation de biens fonciers pour leurs descendances futures, annexent
expressément des espaces appartenant à d'autres ruraux (peu
connus et pauvres), pour ensuite solliciter les
« autorités locales » (membres de ce
réseau) afin d'engager des procédures de résolution sans
fondement juridique, ni investigations préalables, mais paraissant
effrayant pour ces analphabètes qui préfèrent, dans de
nombreux cas, abandonner leurs espaces.
De plus, dans ce réseau qui voit uniquement
s'intégrer autorités et détenteurs de pouvoirs financiers
ou fonciers, il s'avère difficile de voir un propriétaire
terrien, un allochtone aisé, avoir tort dans la gestion d'un conflit
foncier. Les autres ruraux lésés par les appropriations massives
de leurs espaces, assistent incapables à cet enrichissement croissant de
ceux qui ont un pouvoir foncier, financier et décisionnel.
En plus de ce réseautage qui est manifeste dans
l'arène sociale et administrative de Sinfra, le vieux G. (64 ans,
retraité à Bégonéta ; entretien de Septembre
2016) affirme qu' « avec les derniers faits politiques, les gouro
et allogènes se supportent difficilement. Et puis, les cadres d'ici ont
tendance à protéger et donner raison aux individus de la
même ethnie, même s'ils n'ont pas raison dans le litige. Cette
situation rend nos rapports difficiles entre nous-mêmes et entre nous et
les cadres de Sinfra ».
Il ressort que ces rurauxobservent fréquemment
quelques cas de gestion des conflits fonciers, pipés par l'appartenance
ethnique et sectaire.
Ainsi, pour cette catégorie hétéroclite
d'acteurs ruraux repartis dans les contrées des six tribus,
l'obliquité des décisions de justice relativement aux conflits de
terre dans le département, sont fortement influencées par la
coloration de l'identité ethnique, religieuse et communautaire des
acteurs en conflit et ce ; avec tous les risques de biais
expressément orchestrés par ces geôliers de la
procédure normative.
Par ailleurs, les praticiens du droit à Sinfra, au
regard des conflits post-électoraux ethnicisés dans le
département, tendent de plus en plus à protéger les ruraux
du même groupe ethnique ou religieux, pour qui, leurs prises de position
s'apparentent plus à une question de
« tutorat » à l'égard des membres
d'une communauté, qu'à une volonté d'établir une
quelconque justice. Dans ce contexte, l'enquêté Z. (34 ans,
planteur à Kouêtifla ; entretien de Mai, 2016) affirme que
« dépuis que les gens-là ont incendié nos
villages de Koblata et Proniani, chaque ethnie a établi des liens forts
avec les gens d'en haut et à chaque problème, ils vont les voir
pour gérer sa ». En d'autres termes, chaque
communauté recours sans ambages à l'autorité, à
même de ne point considérer le problème en question et de
donner lui raison sur la simple base d'affinités ethnique, religieuse et
tribale.
Dès lors, la gestion des conflits fonciers à
Sinfra ne se fonde plus sur les textes légaux (code pénal, code
de procédure pénale, code civil, code foncier) comme le
croiraient de nombreux acteurs sociaux, mais davantage sur des textes virtuels,
affinitaires, internes à chaque communauté et encrés dans
les consciences des élus locaux, comme le concentré d'une
politique intra-ethnique ou intracommunautaire qui, de ce fait, n'en font
qu'une application littérale en cas de conflit foncier entre les peuples
sédentarisés de Sinfra.
Relativement à cette gestion affinitaire, un
enquêté (K., 46 ans, planteur à Kouêtinfla,
entretiens d'Août 2015) nous racontait que trois mois avant notre
arrivée sur le terrain d'étude, la gestion d'un conflit foncier
avait provoqué des murmures au sein de la communauté villageoise.
Il s'agit d'un conflit qui a opposé G., une autochtone du village
Kouêtinfla à K., un jeune transhumant.
En effet, G. qui était partie effectuer des travaux
dans son champ de maïs, constata que son champ avait été
dévasté par des boeufs. Ainsi, dans la recherche
d'éventuels coupables, retrouva le transhumant K., suivi de son troupeau
aux abords de son champ. Elle prit donc sa machette puis blessa une bête
avant de rentrer au village pour entamer une procédure d'indemnisation.
La chefferie traditionnelle gouro, dans la gestion du conflit, donna raison
à G. et exigea une indemnisation immédiate en tenant compte des
dimensions du champ de maïs et de sa valeur pécuniaire. Une
décision qui a été fortement contestée par la
communauté allochtone qui l'a trouvée purement affinitaire, avant
de remonter à l'échelle administrative. A ce niveau, la
plaignante du village devenue l'accusée de cette nouvelle
procédure et le plaignant se retrouvèrent face à un juge
qui avait des antécédents fonciers avec certains autochtones de
la localité. De ce fait, la décision rendue de cette juridiction
fut qu'au lieu de prétendre vouloir se faire indemniser par le
transhumant, ce serait plutôt G. qui devait dans un bref délai,
indemniser le transhumant K. pour la bête blessée. Cette nouvelle
décision a créé un choc social au sein de la
communauté gouro et attisé la stigmatisation des allochtones
(décideurs, transhumants et cultivateurs) de la localité.
5.1.2 Protection tribale des
ressortissants
Pendant le déroulement de nos investigations dans le
département de Sinfra, de nombreux enquêtés à
l'image de G. (maçon à Bégonéta, entretien de
Septembre, 2016) insistait sur le fait que « dans certains services,
beaucoup de travailleurs sont de la même ethnie ou de la même
religion ». En d'autres termes, de nombreux agents issus
des services décentralisés de l'Etat appartenaient au même
groupe ethnique, communautaire, religieux ou politique. Ainsi,
cette pression du bord ethnique et politique a, non seulement orienté
les objectifs organisationnels étatique en faveur des objectifs
partisans du groupe ethnique, mais aussi et surtout a été facteur
d'exclusion de certains groupes minoritaires. Ces minorités se sont vues
contraintes d'une certaine façon d'adhérer à cette vision
nouvelle communiquée (repli identitaire, l'adhérence vitale
à un groupe), sous peine d'étiquetage et de privation
foncière en raison de supputations sur l'appartenance communautaire.
Dès lors, ce travail professionnel exercé dans
les différents services locaux, étant donc pipé par une
volonté de protection des membres de la communauté sienne, manque
quelques fois d'objectivité et de sérieux pour ces élus.
C'est cet état de fait que l'enquêté Z. (cultivateur
à Sanégourifla) mentionnait en ces termes « il faut
que tu connaisses un cadre comme le préfet, le sous-préfet, le
commandant de brigade ou que tu sois de la même groupe avec eux sinon,
ton affaire va rester comme ça ».
Il ressort que ce protectionnisme tribal de ruraux donne non
seulement lieu à des déviations d'objectifs organisationnels,
structurels mais plus loin, à des abus de toute nature et de toute sorte
(évictions foncières arbitraires, frustrations successives).
Dans la pratique, des affrontements sectoriels surgissentdans
certaines contrées du département entre groupes ou
communautés.Ceux-ci justifient sans ambages leurs hostilités
réciproques par leur appartenance ethnique, confessionnelle ou
régionale et revêtent parfois des proportions inquiétantes.
A cette situation, il est à noter qu'en raison de la
configuration plurale de la société de Sinfra, le fonctionnement
des institutions locales se trouve fragilisé par l'instrumentalisation,
à divers égards du registre socio-identitaire (positionnement des
cadres gouro et allochtones, organisation des partis politique,
élections, accès aux privilèges matériels et
symboliques de l'Etat etc.). Une instrumentalisation qui, parce qu'elle est
très souvent génératrice d'exclusion et donc de
frustration, se révèle potentiellement confligène.
Ainsi, dans les risques liés aux effets
combinés de l'exclusion et de la frustration de minorités
sociales, certains fulminent, les émotions négatives se
cristallisent et les préjugés qui façonnent localement les
représentations sociales favorisent les logiques de crispation
identitaire qui se manifestent par un retrait social ou par des rixes et
joutes de restauration de la situation de départ.
Les interactions entre acteurs ruraux et étatiques
paraissent donc floues et fluctuantes entrainant négociations et
renégociations constantes dans une situation foncière locale
ambiguë et incertaine.
Toutefois, loin d'expliquer exclusivement cette situation
conflictuelle à Sinfra par des joutes singulières entre
communautés opposées, ces conflits sont davantage traductrices
des carences des acteurs de l'Etat en matière de gouvernance et
d'arbitrage de ces conflits ruraux. Ils révèlent combien la
société de Sinfra peut être exposée au risque de
confrontation violente dans la mesure où ceux qui apparaissent comme les
acteurs régulateurs procèdent très souvent à
l'aggravation ou à l'extrapolation des querelles de clocher par des
interventions suspectes, intéressées, démagogiques et
clientélistes.Cela est d'autant plus perceptible au sein des instances
de régulation foncière à Sinfra où l'on voit
alterner jugements arbitraires et partisans. Certaines décisions de
justice y sont prononcées en fonction de l'appartenance ethnique,
communautaire, religieuse ou politique de l'une ou l'autre des parties en
présence.
Les enquêtes foncières sont effectuées de
façon partielle, partiale et orientée selon des objectifs
partisans. Il s'en suit que certaines décisions de justice prises sont
pipées par le bord affinitaire encourageant ainsi certains ruraux
à vérifier au préalable l'appartenance ethnique ou
religieuse de l'autorité de jugement avant d'adopter une attitude
d'obéissance ou de rejet de la décision.
On assiste fréquemment à des contestations
publiques des décisions de justice, comme ce fut le cas à
Proziblanfla dans une joute entre un autochtone (Niantien) et un allochtone
(baoulé) en 2012.
En effet, l'allochtone, après avoir exercé
plusieurs années des travaux champêtres sous la coupole de
tutorat, s'appropria une portion de terre de son tuteur Niantien, estimant
être la compensation à ces années de disponibilité
et de services rendus à son tuteur. Le propriétaire terrien
Niantien, lui affirmait que ces prestations entraient en ligne de compte du
bénéfice que lui, le propriétaire devait tirer de ce
tutorat.
Quelques semaines plus tard, à travers un processus de
manipulation clientéliste, loin d'observer une joute interindividuelle,
l'on a assisté à un conflit entre communautés
sédentarisées de la localité (gouro et allochtone). Face
à cette situation de risque de dégénérescence en
violence, les autorités coutumières se sont expressément
dessaisies de cet échiquier de résolution afin de laisser le soin
au tribunal pénal de Sinfra.
Après un mois
d' « investigations », les autorités
pénales ont approuvé cette réquisition de la portion de
terre par l'allochtone baoulé. Une décision qui a mis en branle
l'ensemble de la communauté gouro qui a rejeté
énergiquement cette décision et a pris des mesures à la
fois physiques et mystiques pour sécuriser l'espace conflictuel.
Au regard de cette remise en cause de la décision par
la communauté gouro, les magistrats ont instruit quelques gendarmes pour
veiller à la matérialisation de la décision et permettre
à l'allochtone d'exercer en toute quiétude. L'accalmie sociale
apparente favorisée par la présence des forces de l'ordre, a
encouragé l'allochtone à cultiver cette terre qui avait
précédemment fait l'objet de nombreuses invocations des esprits
du marigot « sokpo », du
masque « djê », du
python « ménin san ». Il s'en est
suivi la mort brutale et rapide de l'allochtone baoulé quelques semaines
plus tard.
5.1.3 Stigmatisation des acteurs de gestion et
expropriation des allochtones des espaces fonciers
Des négociations engagées auprès des
quatre sous-préfectures (Sinfra, Bazré, Kononfla et
Kouêtinfla) ont permis de recueillir les procès -verbaux des dix
dernières affaires foncières réglées entre les
autochtones et les allochtones dans l'année 2016. Les détails se
trouvent synthétisés dans le tableau ci-dessous.
Tableau 10: Procès-verbaux des affaires
réglées
S/P
Population
|
Sinfra
|
Bazré
|
Kononfla
|
Kouêtinfla
|
Total
|
Autochtones
|
04
|
05
|
03
|
04
|
16 40 %
|
Allochtones
|
06
|
05
|
07
|
06
|
24 60%
|
Total
|
10
|
10
|
10
|
10
|
40 100%
|
Source : Terrain
Il ressort de ce tableau qu'en 2016 :
- sur 10 affaires foncières réglées par
la Sous-préfecture de Sinfra, 06 décisions, soit 60% des cas ont
été favorables aux allochtones
- dans la sous-préfecture de Bazré, 05 cas, soit
50% ont été favorables à chacun peuple
sédentaire.
- Dans les sous-préfectures de Kononfla et
Kouêtinfla, les allochtones l'emportent avec simultanément 07 et
06 décisions, soit environ 70% et 60%.
- En somme, sur un total de 40 affaires, 24, soit 60% ont
été favorables aux allochtones contre 16 ou 40% pour les
autochtones.
Ces chiffres, à première vue, semblent
révéler l'attitude pacifique et non confligène des
allochtones, mais dans la pratique ces chiffres traduisent sensiblement que
quelques décisions ont été orientées en raison en
raison du statut socio-matériel des allochtones et de leur influence
sociale.
Des entretiens effectués auprès de quelques
responsables de ces sous-préfectures ont révélé que
des décisions de justice ont été expressément
modifiées pour créer un calme social dans cet environnement ou
les rivalités politiques se transportent dans la sphère
foncière.
A partir de ces décisions, il était important
pour nous de connaitre le niveau de stigmatisation des acteurs de gestion eu
égard à leur attitude partiale dans la gestion des conflits
fonciers à Sinfra.
A cette fin, un questionnaire a été
adressé à 25 individus retenus par choix raisonné dans
chaque sous-préfecture. Les données recueillies ont
été regroupées dans le tableau ci-dessous :
Tableau 11: Niveau de stigmatisation des acteurs
de gestion
S/P
Niveau
|
Sinfra
|
Bazré
|
Kononfla
|
Kouêtinfla
|
Total
|
Faible
|
04
|
06
|
13
|
03
|
26 26%
|
Moyen
|
12
|
11
|
03
|
08
|
34 34%
|
Elevé
|
09
|
08
|
09
|
14
|
4040%
|
Total
|
25
|
25
|
25
|
25
|
100 100%
|
Source : Terrain
A l'analyse de ce tableau, il ressort que :
-Sur 100 individus dans l'ensemble des quatre (04)
sous-préfectures, 26, soit 26% ont un niveau de stigmatisation faible
des acteurs de gestion.
- 34 ou 34% des enquêtés stigmatisent moyennement
les acteurs de gestion.
- 40 individus ou 40% des enquêtés stigmatisent
fortement les acteurs de gestion.
Ce niveau élevé de stigmatisation des acteurs de
gestion (40%) est lié aux effets conjugués de l'accumulation de
frustrations (décisions arbitraires) et ce rejet social de ces acteurs
pourtant censés garantir la justice et l'égalité des
droits des citoyens. Les autochtones dans leur majorité, ont
trouvé comme moyen de contournement de ces décisions arbitraires,
l'exclusion foncière de ces allochtones privilégiés par
les acteurs de gestion. De ce fait, les autochtones, tentent des appropriations
massives de parcelles autrefois octroyées aux allochtones. Ils
procèdent donc dans cette atmosphère, par des examens et
réexamens de ces contrats en vue de débusquer des
incohérences, des imprécisions pouvant constituer un
prétexte suffisant pour redéfinir le contrat ou le cas
échéant, exproprier les allochtones de ces domaines. Ces contrats
qui figurent pour la plupart sur des « petits
papiers » sont souvent égarés, mal
conservés ou encore imprécis, occasionnant une satisfaction des
autochtones gouro qui peuvent intenter de nouvelles ventes de ces parcelles ou
encore les conserver à leur usage personnel. Ainsi, pris au
« piège » de la minorité ethnique et
communautaire, certains allochtones se voient racheter leurs propres terres ou
expropriés selon des méthodes pacifiques ou violentes. On assiste
donc à un climat dualiste entre ces peuples, dans un environnement
où chacun cherche à étendre son réseau de relations
sociales. Cette dualité, ces contradictions foncières, se soldent
fréquemment par des menaces d'exclusion, des harcèlements
permanents des allochtones sur la probabilité d'une éventuelle
expulsion.
Toutefois, un fait non moins évoqué, reste les
incendies criminelles perpétrées par certains allochtones lors
des violences post-électorales de 2011, dans les villages Koblata et
Proniani (Sinfra). Ces incendies qui ont, selon les autorités locales,
occasionné le décès de 50 autochtones, ont attisé
une stigmatisation des nordistes de la localité et par voie de
conséquence des allochtones. Les allochtones semblent désormais
de plus en plus isolés, écartés des centres de
décisions. Cet étiquetage est d'autant plus perceptible au
niveau de l'institution familiale, lignagère et intracommunautaire
autochtone où l'on assiste à des sensibilisations occultes de
certains cadres gouro sur l'isolement, la mise en quarantaine ou même
l'expulsion des allochtones dans la majorité des contrées rurales
gouro.
Toutefois, il est à noter que ces incendies sont
l'oeuvre des groupes isolés aux intentions criminelles et non l'action
conjointe de l'ensemble des allochtones vivants à Sinfra. Ceux-ci sont
désormais stigmatisés dans leur ensemble sous la
nomenclature « allochtone » et
expropriés en masse pour ceux qui ne disposent des contrats d'achats ou
de contrats douteux.
Selon des entretiens effectués dans quelques villages
à prédominance allochtone telles que Brunoko et carrefour
campement (situés à une quinze de kilomètres du
centre-ville), l'enquêté T. (34 ans, cultivateur à
Brunokro)« Depuis la crise, les gouro inventent de nombreux
arguments irréalistes pour nous chasser des
forêts ».
Pour le préfet N. (67 ans, Préfet hors grade,
entretiens d'Avril 2015) « la situation
sécuritaire entre les ruraux de Sinfra s'est principalement
dégradé depuis les violences post-électorales de
2011 ».
Certains expropriés tels que L. (ancien planteur de
Djamandji, entretien d'Avril, 2015) pensent que « ces peuples qui
étaient aussi hospitaliers ont beaucoup changé avec nous. Tout ce
qu'ils veulent aujourd'hui, c'est de nous arracher toutes les terres,
même celles que nous avons achetées ». Ce
scepticisme des propriétaires
terriens« kwênins » s'explique par une
volonté univoque d'exproprier, d'un refus de cohabitation d'avec ces
peuples allochtones.
5.1.4 Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de
conflits
Nos investigations menées à Sinfra
révèlent que dans de nombreuses contrées du
département, les « élus locaux »
autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec des portions remarquables
de terre et des champs aux dimensions étonnantes. En effet, pour
certains autochtones de la tribu Progouri, ils useraient de leur position
hégémonique pour intimider les propriétaires terriens
gouro et s'approprier une partie de leurs terres. C'est dans ce cadre que
l'enquêté F. de Djamandji (39 ans, cultivateur, entretien de
Février 2016) affirme « quand les vâ de Sinfra
demandent des terres à nos parents, ils ne peuvent pas refuser
sinon....Ne me demande pas, toi-même tu sais ce qui va arriver. Donc,
tous les planteurs leur ont donné des terres et maintenant, ils ont plus
de terres que la plupart des kwênins et des champs d'hévéa,
de cacao dans presque toutes les sous-préfectures de
Sinfra ». De ces propos, il ressort que cette réquisition
massive des terres des autochtones par les autorités, se présente
comme une forme d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire
celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui,
conscients de leur position sociale inférieure participent à leur
propre appauvrissement foncier. Ceux-ci, aspirant au quotidien à leur
protection individuelle et celle de leurs biens fonciers face à des
allochtones jugés à la fois nombreux et corrupteurs, accordent
des portions importantes de terres à ces autorités locales afin
de s'insérer sous une forme de couvert protectionniste lors
d'éventuels conflits fonciers avec d'autres ruraux allochtones.
Ainsi, à partir de cette appropriation foncière
axée sur la promotion de l'influence locale et des pouvoirs y
afférents, ces décideurs locaux ont acquis des nombreux espaces
sur lesquelles ils y ont effectué pour quelques- uns, des champs
d'hévéa, de cacao, de café, d'anacarde afin de mettre
leurs familles à l'abri des besoins vitaux élémentaires et
pour d'autres, la transhumance à grande échelle.
Par ailleurs, pour éviter les regards suspects, la
plupart de ces plantations et pâturages que nous avons visités, se
situaient sur des terrains reculés, à l'extrémité
de chaque sous-préfecture (champs d'hévéa et d'anacarde
situés sur l'axe routier Sinfra-Progouri, champs de coton, cacao et
café, sur l'axe Sinfra-Bazré, cinq pâturages de cheptel
à Zéménafla, Djamandji, tricata, Tiézankro II et
Progouri ).
A cette situation de consolidation massive des terres, tandis
que certains autochtones semblent dénoncer à voix basse et
qualifier cette forme de consolidation comme étant politique, de
nombreux ruraux semblent se complaire dans cette situation d'octroi
incontrôlé des terres et vont plus loin pour demander à
être des « gnananwouzan » ou
« tréklé » permanents de ces
élus, sans véritable contrepartie financière.
Outre ce fait, un facteur non moins évoqué reste
les possessions des chefs traditionnels en termes de cheptels, de
pâturages,... qui traduisent leur souplesse mieux leur quasi inaction
lorsque les boeufs dévastent les champs puisqu'il peut s'agir de leurs
propres animaux.
Ainsi, un enquêté affirme
« qu'avant quand un boeuf gâtait le champ de quelqu'un, les
chefs étaient sévères et beaucoup d'amendes étaient
fixées. Mais aujourd'hui, il n'y a plus rien, je dis bien rien. Prie
seulement que les boeufs ne dévastent pas ton champ ». De
là, il apparait dans un passé récent, les chefs
traditionnels infligeaient des amendes importantes et d'autres mesures de
sureté (interdiction de promener les animaux dans certaines zones
champêtres) aux transhumants. Ceci a eu pour conséquence de
réduire considérablement les cas de destruction de culture et
créé un cadre social plus ou moins pacifique.
Mais l'enquêté affirme que par un processus
corruptif bien ficelé et camouflé de dons en échanges de
décisions pipées, les chefs traditionnels sont presque tous
devenus des détenteurs de pâturages. Les décisions
désormais prises dans un conflit foncier opposant un planteur à
un pasteur sont connues d'avance (le pasteur a toujours raison) puisqu'il
pourrait s'agir des animaux de l'acteur même qui gère le
problème ou d'un collègue aussi membre de ce réseau
clientéliste.
L'enquêté affirme également que dans
quelques cas rares, les planteurs s'ils n'ont pas été soumis
à une périlleuse procédure scientifique de recherche de
preuves pour déterminer la responsabilité des transhumants, se
font indemniser avec des sommes forfaitaires qui leur sont accordées
dit-on pour estomper une procédure dans laquelle ils ne peuvent avoir
raison.
5.1.5 Diversité d'acteurs de gestion et
confusion de rôles
Les acteurs administratifs sollicités dans le cadre des
conflits fonciers à Sinfra concernent selon P. (59 ans,
commerçante à Blanfla) :
« - Les acteurs de l'administration centrale
(Préfet, Sous-préfet).
-Les acteurs de la justice (Procureur, juge,
greffiers).
-Les acteurs de la répression (Gendarmerie,
police).
-Les acteurs de la chefferie traditionnelle (Chefs de
tribus, de villages, de terre et notabilité).
- Les acteurs cadastraux de la direction
départementale de l'agriculture.
-Les acteurs des comités villageois de gestion
foncière rurale ».
Cette pluralité d'acteurs qui interviennent
concomitamment, simultanément ou succinctement dans les conflits
fonciers, pose quelques fois des problèmes de confusion des rôles,
de conflits de compétences, d'imprécision dans les actions
individuelles et collectives à poser, d'incompréhension entre ces
praticiens du droit formel et informel. Ceux-ci parfois se contredisent,
s'entrechoquent, se heurtent en interprétant les textes, créant
ou perpétuant un doute corrosif chez ces ruraux qui, pour la
majorité, sont analphabètes.
Cette contradiction se perçoit à travers les
interprétations divergentes de la loi n° 98-750 du 23 Décembre
1998 modifiée par la loi n° 2004-412 du 14 Août 2004, de ses
décrets complémentaires et mesures d'accompagnement (le
décret n°99-593 du 13 octobre 1999, le décret n°99-594
du 13 Octobre 1999, arrêté n°147 MINAGRA du 9 décembre
1999, arrêté n°0002 MINAGRA du 8 février 2000,
décret n°99-595 du 13Octobre 1999, arrêté
n°085 MINAGRA du 15 juin 2000, arrêté n°102 MINAGRA 6
Septembre 2000, arrêté n°139 MINAGRA du 6 Septembre 2000,
arrêté n°140 MINAGRA du 6 Septembre 2000, arrêté
n°033 MINAGRA du 28 Mai 2001, arrêté n°041 MEMIDI
MINAGRA du 12 Juin 2001, loi n°2001-635 du 9 octobre 2001).
La procédure de gestion des conflits fonciers à
Sinfra se trouve donc biaisée et partiellement exécutée.
Cela est d'autant plus perceptible à travers des omissions, des
enchaînements ou des cumuls que des nombreux ruraux disent constater dans
la chronologie des étapes usuelles. Autrement, cette procédure
paraît orientée au su ou à l'insu de ces praticiens du
droit local qui, intentionnellement ou non, entretiennent un flou
procédural et juridique. Ainsi, les décisions prises par
certaines autorités au bas de la stratification administrative, sont au
quotidien remises en cause par des instances supérieures.
Selon le chef K. (68 ans, planteur, Chef du village
kouêtinfla, entretien effectué en Mars 2016) « les
décisions que nous prenons sont souvent annulées par notre
hiérarchie ».
De plus, 65% des ruraux interrogés affirment que
les décideurs prennent dans beaucoup de cas, des décisions
différentes sur le même problème de terre, à telle
enseigne que même si tu n'as pas raison ici, tu peux avoir raison
ailleurs.
Cette aporie procédurale effectuée le plus
souvent de façon hétérodoxe par les autorités
locales de Sinfra est tributaire du profit que peuvent à la fois tirer
ceux qui ont le pouvoir de décider et ceux qui ont sollicité
expressément cette catégorie de décideurs au
détriment d'une autre. En d'autres termes, les litiges fonciers sont
soumis par les ruraux aux « décideurs »
susceptibles d'effectuer des investigations
« fictives »afin d'obliquer les décisions
de justice en leur faveur.
Ainsi, lorsque la décision est favorable à une
des parties en conflit, cette décision est radicalement rejetée
par la partie « perdante » dans des atermoiements
courts avec une sollicitation des instances supérieures pouvant
effectuer de nouvelles « investigations »
à même de leur donner suite favorable.
Dans cette logique de contradiction entre décideurs
locaux de Sinfra, denombreux ruraux accusent un favoritisme dans le recrutement
de certains acteurs de référence en matière
foncière. Ceux-ci présentent une
incompétence et un manque de savoir-faire relatifs à leur
fonction. Lesquelsse manifestent par des lacunes criardes aussi bien au niveau
de la connaissance de la loi foncière qu'au niveau des procédures
légales applicables en la matière.
Les investigations effectuées sur le terrain
d'étude ont révélé que nombre de ces
administrateurs locaux ne disposaient pas de la loi foncière et se
contentent jusque-là de quelques enseignements reçus lors des
séminaires de formation ou des informations reçues
pêle-mêle. De ce fait, même si la plupart des interventions
de ces décideurs s'érigent dans des transactions amiables,
celles-ci sont sans fondement juridique et paraissent inappropriées
dans le contexte socio-foncier de Sinfra. La procédure de justice qui
devait être nourrie à la sève de la loi foncière
afin d'alimenter la coloration de la décision foncière, se trouve
orientée de façon lacunaire, clientéliste,
intéressée et illogiques par ceux qui le pouvoir de
décider, même si cette décision peut faire et fait souvent
l'objet de révocation par des instances supérieures.
En somme, il faille retenir que les facteurs internes aux
consciences individuelles ont une influence évidente dans l'explication
de l'échec de la gestion des conflits fonciers à Sinfra. Le dire
ne sous-entend pas rejeter l'impact environnemental ou mieux les facteurs
externes(aux acteurs sociaux) dans l'explication de l'échec de la
gestion. Ces facteurs endogènesviennent, selon les données du
terrain se greffer aux facteurs exogènes pour rendre compte de
l'échec de la gestion des litiges fonciers à Sinfra.
5.2. Facteurs externes aux acteurs
sociaux
Ces facteurs s'articulent d'emblée autour de l'absence
de texte pour la gestion des conflits fonciers (1), Ingérence des
autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers(2) et
des facteurs démographiques (3).
5.2.1 Absence de texte pour la gestion des conflits
fonciers
La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998
relative au domaine foncier rural telle que modifiée par la loi n°
2004-412 du 14 août 2004 est l'instrument juridique à partir
duquel le constat d'existence continue et paisible de droits coutumiers donne
lieu à délivrance par l'autorité administrative d'un
Certificat Foncier collectif ou individuel (art 8).Elle est organisée
autour de cinq chapitres : définition et composition du domaine
foncier rural (chapitre 1), propriété, concession et transmission
du domaine foncier rural (chapitre 2), mise en valeur et gestion du domaine
foncier (chapitre 3), dispositions financières et fiscales (chapitre 4),
et dispositions transitoires (chapitre 5) et chaque chapitre est scindé
en deux sections.
Cette loi en effet, même s'il est vrai qu'elle reste et
demeure le seul instrument juridique pour règlementer la question du
foncier en Côte d'Ivoire, force est de reconnaître qu'elle
s'attarde sur la définition du domaine foncier, les conditions de sa
mise en vigueur et comme toujours, met en évidence les dispositions
financières pour asphyxier davantage financièrement les planteurs
désireux de se faire établir des titres de
propriété. Mais en ce qui concerne la question de la
résolution des conflits de terre, gage du développement pacifique
des interactions rurales, cette loi et ses éditeurs
démissionnent. De ce fait, les conflits fonciers naissent et
s'intensifient (104 conflits identifiés chaque année par le chef
de la tribu Sian) en opposant les principales populations sédentaires du
terroir local en général (autochtones et allochtones) ou plus
précisément celles de Sinfra et ce, sous le silence complice des
législateurs et de la loi foncière de 1998 qui ne tient pas
compte des besoins de gestion des conflits. Ainsi, loin de vouloir
régler la question des conflits fonciers en prenant en compte les
modalités d'acquisition ou d'attribution des terres, des configurations
du phénomène pour poser les bases normatives de la gestion, les
législateurs se sont limités seulement en la désignation
du foncier rurale et des conditions financières pour se faire
immatriculer les terres.
Par ailleurs, avec cette démission plurielle
(législateurs, société civile,...), les procédures
de gestion des conflits fonciers restent focalisées sur un jumelage
improvisé entre pratiques culturelles et normes jurisprudentielles,
traduisant une forte probabilité d'échec de la gestion desdits
conflits.Les populations s'en remettant aux acteurs les plus habilités
à régler leur question (acteurs coutumier, acteurs de
l'administration locale, acteurs de la justice), se retrouvent encore en
conflits pour des raisons de partialité, de frustration et de sentiment
de dépossession foncière.
Dans le cadre coutumier, les acteurs de gestion s'inscrivent
dans une dynamique culturelle et ancestrale. Mais dans le cadre administratif
ou moderne, les acteurs ne disposent d'aucun instrument de gestion et se fient
à leur intuition, instinct ou autre, immergeant l'ensemble des
protagonistes dans un vaste univers subjectif et d'interprétations
personnalisées.
5.2.2 Ingérence des autorités
gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers
Les investigations menées à Sinfra ont permis de
comprendre que les autorités extra-locales ou gouvernementales ont
tendance à s'impliquer à tort ou à raison dans le
processus de gestion des conflits fonciers.
Outre ce fait, nous pouvons noter que les conflits
post-électoraux à la fois ethnicisés et
communautarisés à Sinfra, ont attisé les divergences
sociales et surtout foncières avec une présence quasi permanente
et dans des dimensions occultes « des élus
politiques gouvernementaux» qui, intentionnellement ou
non, ont entretenu un climat de méfiance réciproque entre ces
peuples sédentaires.
Nous pouvons illustrer ces propos par un récit
relaté par R., un autochtone de Digliblanfla (entretien de Janvier,
2016) concernant un conflit foncier, qui depuis 2011 n'a encore
été solutionné.
Selon l'enquêté R., ce conflit qui remonte
à 1960, oppose le chef du village Digliblanfla G. à un
ressortissant nordiste. En effet, en 1960, le père de G. a
octroyé gratuitement 12 hectares de forêts à un ami
malinké sous le système de tutorat. Quelques années plus
tard, le malinké se suicide sous prétexte que sa femme l'aurait
cocufié en raison de ses difficultés à procurer.
En 1983, soit 23 ans plus tard, des feux de brousse ont
embrasé les cultures du défunt malinké. En 1996, le
père de G. procéda au partage de ses parcelles de terre à
ses enfants, y compris celle, anciennement octroyée au défunt
(celui n'avait pas de descendant). Aussitôt, des travaux ont
été entrepris par les fils dont G., de sorte à en faire un
champ de cacao. Mais en avril 2011, c'est-à-dire après les
violences post-électorales,des hommes armés arrivent dans le
village Digliblanfla et se saisissent de G. Ces hommes lui demandent de
restituer l'espace qu'il cultivait illégalement puisque «
le défunt était l'ami à notre père, donc il
nous a légué l'espace » (propos recueilli
auprès d'un de ces hommes au cours d'une séance d'explication
initiée par les magistrats de la cour d'appel de Daloa).
Toutefois, bien que ces hommes estimaient être les
« héritiers », ils ne connaissaient ni
l'emplacement de cette terre, encore moins la superficie ou les limites. G.
refusa de les y conduire. Donc ces hommes le battent sévèrement
et exigent une rançon de 160.000F prétextant représenter
l'amende pour utilisation illégale d'espace et un enfermement dans une
prison improvisée dans les locaux de la gendarmerie de Sinfra.
Ainsi, sous l'effet des coups et des menaces, G. conduit
ses geôliers sur l'espace en question.
L'administration locale (à travers les
différentes structures) qui avait déserté pendant la
période conflictuelle, a quelques mois plus tard été
saisie du dossier. Pendant cette période alimentée par violences
post-électorales, la majorité des autorités de la
localité se sont successivement auto-dessaisies du dossier, craignant
d'éventuelles représailles de ces hommes armés. Elles ont
porté l'information à leurs supérieurs
hiérarchiques qui l'ont eux aussi, transmise au Président de la
République actuel, qui a aussitôt ordonné la restitution de
l'espace à G.
Ce verdict présidentiel a été
célébré comme une fête dans la plupart des villages
du département.
Toutefois, les gendarmes chargés de veiller à la
matérialisation de la décision présidentielle ont, sur le
terrain, démissionné car, refusant de s'engager sur
« un espace méconnu pour eux, et contre des adversaires
armés, qui maitrisent désormais le terrain »
(Propos recueilli auprès d'un gendarme, 46 ans, MDL chef).
Depuis lors, l'enquêté N. (cultivateur à
kouêtinfla, entretien de Février 2016) affirme que
« ces hommes récoltent les cabosses plantés par la
famille G. ».
En 2014, quelques élus, informés par la
communauté villageoise autochtone ont saisi la justice de Sinfra, qui
après délibération a exigé la restitution de
l'espace à G. Mais, en dépitde ce second jugement en faveur de
G., l'enquêté R. affirme que « ces hommes ont fait
appel de cette décision à la cour d'appel de
Daloa ».
Les échanges que nous avons sollicités et
obtenus auprès du magistrat en charge de l'instruction, ont
révélé un harcèlement quasi-quotidien de celui-ci
de part et d'autre des acteurs en conflit et à travers eux, des
communautés en conflit. Ce magistrat (49 ans, Juge d'instruction
à la cour d'appel de Daloa, entretien de Septembre 2016) affirme
« recevoir au quotidien des appels de ruraux, d'élus
locaux et gouvernementaux pour que l'instruction soit orientée en leur
faveur ». Jusqu'à ce jour, cette enquête est
toujours en cours.
5.2.3 Facteurs démographiques
Pour K. (planteur à Koumoudji, entretien de Mai, 2016)
« avant pour régler un problème de terre, ça
ne prenait pas beaucoup de temps parce qu'il n'y avait pas beaucoup de
personnes chez et chez les wouobin ». De ces propos, il ressort
que la gestion rencontrait moins de difficultés dans un contexte de
faible démographie et de faibles flux migratoires. Aujourd'hui, avec la
croissance démographique des populations autochtones, les migrations
allochtones et les migrations de transhumants, la gestion des conflits fonciers
n'est plus en raison le nombre d'acteurs en présence, des implications,
des enjeux économiques,....Bref, la gestion est inscrite dans un champ
social où les acteurs et les enjeux économiques et la protection
des acquis ou la consolidation des biens fonciers sont fréquents.
Comment s'est donc présentée cette
évolution démographique aux yeux des enquêtés pour
que ceci influence la gestion des conflits fonciers à Sinfra ?.
v Accroissement rapide des populations
autochtones
Selon le Dr N., (53 ans, médecin
généraliste à l'hôpital général de
Sinfra, entretien effectué en Septembre 2015) « Nous
recevons depuis quelques années, un nombre de naissances qui va
augmentant. Le taux de natalité est passée de 5 à 9
naissances/ jour dans l'intervalle 2004-2014, soit environ 3.285
naissances/an ».
Dans ces propos, il faille noter que le département de
Sinfra connait un taux de natalité important sur ce territoire aux
dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance démographique
déjà linéaire (186.864 habitants en 2001) conjugué
à ce taux de natalité sur une superficie départementale
statique de 1618km², donne un ratio habitants/ superficie de 115
habitants/km². Dès lors,le contexte rural et foncier actuel de
Sinfra serait caractérisé parune forte densité de
population (115 habitants/km².), contrainte d'exercer sur des espaces de
plus en plus réduits du fait de la demande foncière sans cesse
croissante de cette population native. La matrice du paysage, initialement
constituée de forêts denses et clairsemées, s'est
progressivement modifiée par ce nombre remarquable d'agriculteurs
autochtones, laissant ainsi place à une savanisation du paysage, une
fragmentation de l'écosystème forestier.
Ces changements sont principalement dus à des
perturbations anthropiques (constructions de villages, défrichements
abusifs). L'accroissement rapide des populations autochtones de Sinfra et les
pratiques agricoles non durables ont modifié les modalités
d'occupation du sol dans le département. Les écosystèmes
forestiers ont été substitués au fil du temps, par des
écosystèmes anthropisés menaçant alors la
biodiversité de cette zone.
Relativement, on assiste à un processus
d'avancée progressive des espaces de culture qui frisent les bordures de
pistes villageoises, un surpâturage des espaces, une savanisation
progressive des grands espaces forestiers qui caractérisaient la
région forestière de Sinfra.
Toutefois, la conséquence première de cette
augmentation rapide de la population autochtone (majoritairement agricole) sur
le même espace (superficie départementale n'augmente pas) est le
mode d'exploitation abusif de la terre, des défrichements massifs de
portions et des techniques axées sur le brulis, avec une
fréquence quasi nulle de la jachère. Cette exploitation abusive
de la terre à Sinfra a infertilisé le sol à telle enseigne
que les champs de ces occupants sont aujourd'hui de moins en moins productifs.
Relativement, un représentant local de l'Agence
Nationale d'Appui au Développement Rural (Mr S. conseiller au
développement rural et des techniques de production agricoles,
entretiens de Décembre 2015) pense que « les terres
locales sont de moins en moins fertiles en raison de leur utilisation abusive,
de la non-intégration des engrais et de l'usage des techniques sur
brûlis, peu recommandés aux usagers ruraux ».A
cette information, les ruraux de Béliata disent être conscients du
risque d'infertilisation des terres dans l'usage des méthodes
indiquées ci-dessus, mais affirment ne pas avoir le choix, puisqu'ils
devraient surexploiter le sol en vue de subvenir aux besoins de leurs familles.
En ce sens, l'enquêtée B. (35 ans, ménagère à
Djamandji ; entretiens de Mai 2016) affirme « nous avons de
petits espaces de cultures, nous sommes donc obligés de les surexploiter
pour faire nos plantations. De plus, la méthode sur brûlis est
rapide et pratique ».
Aussi, le climat de méfiance qui s'est installé
depuis peu entre autochtones, allochtones et transhumants, compromet-t-il
aujourd'hui les vieilles pratiques partenariales, amicales et tutorales entre
ces peuples sédentarisés. Lequel climat semble inquiéter
à la fois les détenteurs de biens pécuniaires
(allochtones) et les détenteurs de biens fonciers (autochtones), comme
le soulignent certains enquêtés. Ainsi, pour Z. (34 ans, planteur
à Djamandji, entretiens de Décembre 2015) « on
vivait ensemble avec les étrangers de chez nous, mais depuis moins d'une
dizaine d'années, de nombreux problèmes de terre ont
commencé à nous diviser. Parmi ces problèmes, de nombreux
ont été sanglants, alors que cela ne devait jamais arriver entre
un propriétaire et son étranger ; du coup la méfiance
s'est installée entre nous au point où l'on se demande si
c'était une bonne idée de les accepter chez
nous ».
Des propos que semblent attester certains transhumants
guinéens et maliens de la zone : « aujourd'hui, pour
avoir un petit coin pour travailler, c'est dur hein. Souvent les gouro
là refusent l'argent qu'on leur donne. Vraiment, la situation ne nous
arrange pas ». On assiste donc à un flou social entre des
actions conjointes d'expropriation des allochtones et de
récupération de ces espaces pour ceux qui disposent des terres,
et d'appropriations par méthodes souterraines, occultes sous forme de
marchandisations imparfaites, démagogiques et clientélistes pour
ceux qui ont le pouvoir d'achat.
v Migrations croissantes des allochtones
La période de colonisation ivoirienne a
été révélatrice d'énormes
potentialités naturelles en Côte d'Ivoire (richesse des sols,
pluralité d'essences forestières). De ce fait, une politique
d'exploitation agricole intensive a été mise en place par les
colons, nécessitant ainsi, une forte main-d'oeuvre sous
régionale, recrutée des espaces de l'Afrique Occidentale
Francophone. Dès son accession à l'indépendance, les
autorités d'alors se sont inscrites dans cette même logique en vue
de bâtir un Etat économiquement fort, sur des fondements
essentiellement agricoles, faisant de l'agriculteur, l'un des principaux
artisans du développement économique ivoirien.
Les efforts salutaires consentis dans ce secteur ont certes
permis de hisser la Côte d'Ivoire au premier rang en matière
d'exportation de cacao et de troisième, en matière de
café, mais au-delà, ont favorisé une politique
d'immigration interne et externe incontrôlée vers les terres
nationales pour certains (non-ivoiriens) et les terres locales, pour d'autres
(allochtones).
Cette immigration s'est à la fois manifestée par
des déplacements croissants des populations non-ivoiriennes en raison de
l'impact économique amorcée qualifié de
« miracle ivoirien » et des migrations internes de
populations allochtones vers les zones plus fertiles de l'ouest et
principalement dans les villes du sud-ouest. Ces populations (allochtones et
non-ivoiriennes), pour la majorité sans qualification professionnelle
vont se cantonner dans les zones rurales de Sinfra pour se spécialiser
dans les activités de transhumance ou d'exploitation agricole,
négociant par des méthodes multiformes (tutorat, achat,
prêt, métayage), la consolidation d'espaces fonciers.
Selon le rapport diagnostic produit par le BNETD, le
département de Sinfra a enregistré de 1975 à 1988, une
croissance démographique d'environ 4.039 habitants/ an. Ce chiffre en
constante progression est passé à environ 4.971 habitants/ an de
1988 à 1998 et à environ 5.616 habitants /an dans
l'intervalle 1998- 2001. Cette population de 186.864 habitants (en 2001)
vivante sur une superficie départementale de 1618 km²
équivaut à une densité moyenne de 115 habitants /
km². De telles données témoignent certes d'un fort taux de
naissance, mais davantage d'un taux de migration interne et externe assez
important. On assiste dès lors à une démographie
galopante, une saturation foncière avec une influence directe ou
indirecte sur la réduction des espaces individuels, la création
de plantations, de pâturages aux abords des pistes villageoises, des
contraintes de cohabitation entre cultivateurs et transhumants, quand bien
même leurs activités paraissent antinomiques.
Dans ce contexte, les interactions entre acteurs ruraux se
soldent fréquemment par des joutes singulières portant sur des
empiètements pluriels, des destructions de plantations, des confusions
sur les droits de propriété, des remises en cause de contrats,
des expropriations multiples et des consolidations violentes de portions de
terre. La terre apparait comme l'unique source de sécurité
alimentaire et par ricochet, de survie. Les décisions de justice visant
à déposséder certains, y sont officiellement
acceptées mais dans la pratique, rejetées avec une
prédisposition (de ces acteurs) à la violence (physique et
mystique) dont l'issu situerait le véritable propriétaire de
portions confligènes.
Par ailleurs, un fait non moins évoqué reste le
caractère d'hospitalité ancrée dans la coutume gouro.
Chaque kwênin se devait d'avoir un
« étranger » chez lui sous peine de
stigmatisation, de rejet et le cas échéant, de mise en
quarantaine vu que « ne pas avoir un étranger chez soi
serait signe de méchanceté selon les
ancêtres » (Discours recueilli auprès du
chef de kouêtinfla, Chef Z., plus de 60 ans, planteur à
Djamandji en Novembre 2015). Les autochtones étaient implicitement
contraints de faciliter l'arrivée et l'installation de migrants
relativement aux instructions ancestrales.
Aussi, est-il à préciser que les autochtones
disposaient de portions assez vastes à leurs yeux, à telle
enseigne qu'ils pensaient qu'en donner quelques dizaines d'hectares
n'affecteraient pas l'étendue des terres pour la
génération à venir.
Selon Mr I., secrétaire principal de la
Sous-préfecture (entretiens de Décembre 2015)« nos
parents, lorsqu'ils donnaient les terres par amitié ou contre un service
rendu, ne prévoyaient pas que ces terres, à un certain moment,
allaient manquer. Les proportions de terre sans fin qu'ils voyaient, sont
illusoires aujourd'hui du fait des dons sans mesure ».
Une position que semble partager le président de la
jeunesse de blontifla (P. 43 ans, entretiens de Décembre 2015) pour
qui « les jeunes autochtones de sinfra sont aujourd'hui
désoeuvrés, ils manquent constamment de terres dans leur propre
village et hésitent souvent entre errance et consolidation violente
d'espaces de culture ».
v Augmentation du nombre de transhumants
Dans un focus-group organisé avec la jeunesse de
Béliata, F., le président des jeunes (lors entretien de Juin,
2016) affirme que « les chasseurs de boeufs qui n'étaient
pas beaucoup il y a quelques années seulement à Sinfra, sont
devenus nombreux, trop nombreux dans nos villages ». Il ressort
de ces propos du président de la jeunesse de Béliata quela
croissance démographique actuelle de Sinfra est certes liée aux
effets conjugués des naissances autochtones et allogènes, mais
force est de reconnaitre l'importanceles flux d'arrivants allochtones et
non-ivoiriens à des fins pastorales. En effet, le paysage rural de
Sinfra dominé par un clivage végétatif (forêts
denses, forêts clairsemées et savanes arborées) semble
correspondre aux exigences de la transhumance. Ainsi, par un processus de
collaboration entre les allogènes de Sinfra et ceux, restés dans
leur ville ou pays natal, le département va assister à une
migration progressive de ces allogènes vers Sinfra, à l'effet de
développer de cette activité pastorale, prometteuse dans le
département.
De plus, selon un peulh transhumant de Djamandji (entretien de
Juin, 2015), « ici, la terre est bonne et la pluie qui ne vient
pas trop, arrangent notre travail ». Autrement, les variations
pluviométriques allant de 1.200 à 15.00 mm de pluie dans le
département, ont davantage attiré ces pasteurs vers la
localité où ils s'activent désormais à
intégrer une transhumance d'animaux venant des pays voisins (Burkina
Faso, Mali et Guinée) à la mobilité pastorale
déjà existante, saturant davantage l'espace rural de Sinfra
dominé par les activités agricoles.
De ce fait, ces pasteurs (anciens et nouveaux) vont se voir
négocier en permanence de petits espaces pour la construction de
pâturages au cheptel ou le cas échéant, créer des
enclos aux abords des pistes villageoises, des points d'eau, des verges, des
plantations de certains cultivateurs de la localité. Ce voisinage
improvisé pour des raisons de rareté d'espaces aux
activités pastorales, n'est pas sans conséquences
négatives pour ces acteurs (cultivateurs et pasteurs) aux
activités antinomiques. En effet, lorsque les pasteurs promènent
le bétail dans les pistes villageoises ou champêtres assez
étroits, les animaux font des intrusions momentanées dans les
champs des cultivateurs avant se faire ramener par ces pasteurs. Mais cette
intrusion bien que temporellement courte, laisse des dégâts qui
complexifient au quotidien la relation déjà dualiste entre
pasteurs et agriculteurs de la localité.
Dans ces conditions, les autochtones cultivateurs
mènent des campagnes de sensibilisation au sein de la communauté
native afin de durcir les modalités d'acquisition d'espaces pour la
transhumance et dans de nombreux cas, défrichent tous leurs
différentes terres afin de néantiser l'espace adéquat pour
la transhumance. A ce titre, l'enquêté G. (40 ans, cultivateur
à Djamandji, entretien de Décembre 2015) affirme que
« les propriétaires de boeufs sont devenus trop nombreux
dans notre village et ils laissent leurs animaux détruire nos
plantations. C'est pourquoi, nous avons décidé de les pousser
à partir d'eux-mêmes, en travaillant sur toutes nos
terres ».Dès lors, il ressort que les cultivateurs de
Sinfra usent de nombreux moyens (utilisation de l'ensemble de leurs terres,
refus de cession des terres) pour contenir le surpâturage de ce nombre
croissant de transhumants et la réduction des pâturages existants.
Une décision qu'ils estiment pouvoir contenir les flux migratoires de
pasteurs et de leurs animaux supposés envahir le département et
errer dans l'ensemble des contrées de la localité.
v Réduction des espaces accordés aux
transhumants et Occupation des forêts et parcs environnants le
département
Les investigations menées dans notre zone
d'étude montrent que le développement assez remarquable des
activités agricoles à Sinfra ades conséquences sur la
réduction des espaces pâturables. En effet, l'évolution
démographique de la localité a accentué la demande
locale en denrées alimentaires ; ce qui a, selon le Préfet
N. « permis à la population de développer et de
diversifier les activités de production (intégration de
l'hévéaculture, de l'anacarde et du palmier à huile) dans
le but de répondre à cette demande sans cesse
croissante » (entretien d'Octobre 2016).
Ainsi, en accordant la primauté aux activités
agricoles, les activités de transhumance ont été
rétrogradés à un niveau secondaire voir tertiaire dans le
processus de couverture alimentaire de la localité. Cela s'explique par
le fait que ces transhumants, minoritaires (par rapport aux agriculteurs)
forment des groupes sociaux distincts, souvent dispersés dans l'ensemble
des villages des différentes tribus et paraissent soumis à un
processus progressif d'exclusion à telle enseigne que les espaces qu'ils
utilisent pour des besoins de pâturage et par ricochet de transhumance,
sont continuellement réduits par ces cultivateurs majoritaires.
Pour un pasteur guinéen de la localité
(entretien d'Août, 2016) « les gouro d'ici nettoient tous
les terrains même les terrains qu'on nous a dit qu'on va nous
donner ». Il ressort donc qu'au-delà des forêts
indiquées pour des fins d'agriculture, les savanes clairsemées
(Sian, Nanan et Vinan) souvent propices au développement des
activités pastorales, semblent ne pas être épargnées
par les défrichages de masse par les agriculteurs sédentaires.
Dans cette mesure, ces éleveurs sont au quotidien
délogés de leur lieu de transhumance locale puis relogés
dans des espaces plus réduits créant chez eux des sentiments de
peur, de repli sur soi et de contestation.
Le cycle d'expulsion foncière reprend et continue de
sorte que les espaces concédés à ces éleveurs
deviennent minimes, peu utilisables pour les exigences pastorales et ces
éleveurs restent contraints d'abandonner ces espaces au profit d'autres,
même s'ils restent conscients que ces nouvelles occupations seront d'une
durée relativement courte avant de nouvelles expropriations.
Cette réduction successive des espaces
concédés aux transhumants a connu une croissance remarquable
depuis l'année 2010. Le tableau ci-dessous donne quelques détails
de l'évolution du nombre de pâturages dans l'intervalle 2010
à 2015 dans les différentes tribus du département.
Tableau 12 : Evolution des pâturages
de 2010 à 2015
Tribus
Années
|
Bindin
|
Gohi
|
Nanan
|
Progouri
|
Sian
|
Vinan
|
Total
|
2010
|
8
|
6
|
9
|
4
|
14
|
7
|
48
|
2011
|
7
|
6
|
7
|
3
|
12
|
7
|
42
|
2012
|
5
|
4
|
7
|
3
|
8
|
5
|
32
|
2013
|
4
|
3
|
5
|
2
|
6
|
4
|
24
|
2014
|
4
|
3
|
4
|
1
|
5
|
4
|
21
|
2015
|
2
|
1
|
3
|
1
|
3
|
2
|
12
|
.
Source : Terrain
Il ressort de ce tableau que :
· Dans la tribu Bindin, sur 8 pâturages
enregistrés en 2010, il ne reste que 2 en 2015
· Dans la tribu Gohi, sur les 6 pâturages
enregistrés en 2010, il ne reste qu' 1 en 2015
· Dans la tribu Nanan, sur les 9 pâturages connus
en 2010, 3 sont fonctionnels en 2015
· Dans la tribu Progouri, tandis qu'en 2010 les
pâturages étaient au nombre de 4, ce nombre a chuté
à 1 pâturage en 2015
· Dans la tribu Sian, le nombre de pâturages qui
était estimé à 14, est passé à 3 en 2015
· Dans la tribu Vinan, en 2010 le nombre de
pâturage estimé à 7, est passé à 2 en 2015
· Dans l'ensemble des tribus du département, sur
les 48 pâturages enregistrés en 2010, il n'en reste que 12 en
2015.
La baisse considérable du nombre de pâturages
durant l'intervalle 2010 à 2015 (de 48 à 12) s'explique par le
fait que la croissance démographique galopante de Sinfra (naissances et
migrations), loin de se caractériser par une certaine parité des
acteurs s'investissant dans les deux activités majeures du
département (agriculture et transhumance), a bien au contraire traduit
cette inégalité entre ces acteurs (population s'investissant en
majorité dans les activités agricoles). Ce faisant, les
transhumants ont et continuent de connaître une réduction
considérable de leur espace d'activités, voir leur expropriation
progressive de certains domaines fonciers. Ceux-ci présentant des
caractères minoritaires, se voient abandonner leurs espaces
d'activités au profit d'autres avec tous les risques de nouvelles
évictions par ces agriculteurs majoritaires. Dès lors, la
réduction continuelle des espaces de transhumance à Sinfra, ne
répond plus exclusivement à un besoin de développement des
activités agricoles par les autochtones, mais aussi et davantage
à une volonté d'affirmation sociale et de consolidation des
terres pour la descendance avenire face à des migrants jugés
trop nombreux dans la zone.
Par ailleurs, le vieux S. (plus de 80 ans, planteur à
Douafla, entretien de Mars 2016) affirme qu'« Avant, lorsque les
habitants du village devenaient beaucoup et que le village était
surpeuplé, on demandait aux nouveaux venus de créer de nouveaux
villages dans des endroits où il y a forêt. C'est le cas de
flacouanta où les nouveaux habitants sont venus vers l'actuel Djamandji
pour créer les villages Béliata, Digliblanfla,
Bégonéta et Kouêtinfla ». Autrement pour cet
enquêté, à Sinfra, les déplacements des peuples
sédentaires sont fonction de l'engorgement des villages
déjà occupés. Ainsi, lorsque les ruraux remarquent une
certaine saturation des villages, ils exigent aux nouveaux venus et aux jeunes
ayant atteint l'âge de la majorité, de faire des
expéditions et s'installer sur de nouvelles terres afin d'y fonder leurs
familles et y cultiver la terre. Conformément à cette
façon de procéder, de nombreux villages parallèles ont vu
le jour dans le département (Proziblanfla, Proniani,
Dégbesséré, Tiézankro I et II) et au-delà
des frontières du département jusqu'aux environs du parc national
de la marahoué à proximité de l'axe routier
Bouaflé-Daloa.
Cette présence des habitations et des champs de plus en
plus rapprochés du parc de la marahoué a des conséquences
tenant à des intrusions fréquentes des ruraux dans cette aire
protégée avec tous les risques de chasse des principales
espèces animalières y vivantes (éléphants,
buffles, hippopotames,...). C'est dans ce cadre qu'un agent de l'Office
Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR) (Mr B. 52 ans, agent chargé
de la planification des aires protégées, entretiens de Mars 2016)
affirme que « le parc national de la marahoué,
malgré le dispositif sécuritaire mis en place à savoir les
nombreux miradors positionnés de façon stratégique, fait
l'objet d'intrusion par des ruraux venant pour la plupart du département
de Sinfra. Cette superficie de 101. 000 ha est assez vaste pour une
surveillance efficiente de la réserve et de la population animale qui y
vit ». Partant de ces propos, il ressort que le parc national
de la marahoué fait l'objet d'intrusion fréquente par des ruraux
(en provenance de Sinfra) en quête d'espace de culture.
Et même si de nombreux facteurs sont
évoqués par les enquêtés pour expliquer cette
situation : inconséquences des décisions de l'Etat, laxisme
et corruption du personnel du parc, insuffisance des moyenshumains et
matériels destinés à la protection, ce parc reste sujet
à des défrichements agricoles et un braconnage intensifs par des
ruraux déserteurs des contrées saturées de Sinfra et
hantés par le désir pressant de développer leurs
activités agricoles pour y combler la période de
famine« klata ».
CHAPITRE IV. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS,
DISCUSSION ET SUGGESTIONS
I. ANALYSE ET INTERPRETATION DES
RESULTATS
Cette partie sera consacrée à l'identification
du lien entre la variable dépendante (échec de la gestion
conflits fonciers) et les variables indépendantes (facteurs internes aux
acteurs et facteurs externes aux acteurs) (1), des effectifs des
critères des variables indépendantes par sous-préfecture
(2) pour ainsi déboucher sur la vérification des
hypothèses de l'étude (3).
1.1 Identification du lien entre la
variable dépendante (échec de la gestion des conflits fonciers)
et les variables indépendantes (facteurs internes et facteurs externes
aux acteurs)
La présente étude veut comprendre s'il existe ou
pas un lien entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les
facteurs internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.
Pour ce faire, des questionnaires ont été
succinctement soumis à un échantillon de 317
enquêtés locaux.
Le tableau suivant synthétise la distribution
statistique des données:
Tableau n° 13 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse générale
|
Echec de la gestion
|
Pas Echec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
126
|
74
|
200
|
Facteurs externes
|
42
|
75
|
117
|
Total
|
168
|
149
|
317
|
Formule de détermination du Khi
deux:
La formule pour déterminer le Khi deux se présente
comme suit :
Avec
Formulons les
hypothèses :
- L'hypothèse H 0 postule qu'il n'existe pas de lien
entre l'échec de la gestion des conflits fonciers et les facteurs
internes et externes aux acteurs du département de Sinfra.
- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre ces
deux variables (indépendantes : facteurs internes et externes aux
acteurs; dépendante : échec de la gestion) dans le
département de Sinfra.
Calculons les effectifs
théoriques
Tableau n° 14 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse générale
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
105,99
|
94,00
|
200
|
Facteurs externes
|
62,00
|
54,99
|
117
|
Total
|
168
|
149
|
317
|
Calculons la différence entre effectifs
observés et effectifs théoriques
Tableau n° 15 : Calcul de la différence des
effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse générale
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs internes
|
126 - 105,99= 20.01,
|
74 - 94,00 = 20,00
|
Facteurs externes
|
42 - 62,00 = -20,00
|
75- 54,99 = 20,01
|
Elevons les effectifs obtenus au
carré
Tableau n° 16 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse générale
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs internes
|
(20,01)² = 400,40
|
(20,01)² = 400,40
|
Facteurs externes
|
(-20,00)² = 400
|
(20,00)² = 400,00
|
Divisons termes à termes des résultats
obtenus par les effectifs théoriques calculés
Tableau n° 17 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
générale
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs internes
|
400,40/105,99 = 3,77
|
400,40 / 94,00 = 4,25
|
Facteurs externes
|
400,00 / 62,00= 6,45
|
400,00 / 54,99= 7,27
|
Total
|
10,22
|
11,52
|
Déterminons la valeur de Khi deux
calculé
Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux
X² = 10,22 + 11,52
X² = 21, 74
Déterminons le degré de liberté (ddl)
Ddl = (nombres de lignes - 1) (nombres de colonnes - 1)
Ddl = (2 - 1) (2 - 1)
Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est
3,84(Pearson)
Khi 2 calculé (21, 74) > Khi 2 lu (3,84)
alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il
existe un lien significatif (khi 2 calculé très supérieur
à khi 2 lu) entre les obstacles liés à la gestion et la
fréquence des conflits fonciers dans le département de Sinfra.
1.2 Effectifs des critères de la variable
indépendantepar sous- préfecture
Après avoir établi ce lien entre les variables
dépendante (échec de la gestion) et indépendantes
(facteurs internes et externes aux acteurs), il parait important pour nous de
préciser d'après les données, les effectifs en termes
d'occurrence des paramètres observables (de la variable
indépendante), mais cette fois, dans chacune des quatre
sous-préfectures du département de Sinfra en lien avec les
indicateurs de la variable indépendante.
Pour rappel, les indicateurs de la variable
indépendante (échec de la gestion des conflits fonciers) se
présentent comme suit :
Variable indépendante et
critères
Tableau n° 18 : Rappel de la variable
indépendante et de ses critères
VARIABLE INDEPENDANTE
|
CRITERES
|
Echec de la gestion des conflits fonciers
|
Facteurs internes aux acteurs
|
Facteurs externes aux acteurs
|
|
Présentons les effectifs (occurrence des
paramètres) dans les quatre sous-préfectures (Sinfra, Kononfla,
Bazré et Kouêtinfla) du département de Sinfra avec le
même échantillon de 317 enquêtés.
Tableau n° 19 : Effectifs des indicateurs de la
variable indépendante dans les sous-préfectures
|
Sinfra
|
Kononfla
|
Bazré
|
Kouêtinfla
|
Total
|
Facteurs internes
|
95
43,37%
|
39
17,8%
|
40
18,26%
|
45
20,54%
|
219
69,08%
|
Facteurs externes
|
50
51, 02,%
|
22
23,15%
|
16
16,84%
|
10
10,2%
|
98
30,91%
|
Total
|
145
45,74%
|
61
19,24%
|
56
17,66%
|
55
17,35%
|
317
100%
|
A l'analyse du tableau, notons que :
Les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion
(facteurs internes et facteurs externes) se perçoivent aussi bien
à Sinfra (145 : 45,74%), à Kononfla (61 : 19,24%),
à Bazré (56 : 17,66%) qu'à Kouêtinfla
(55 : 17,35%).
Les paramètres relatifs des indicateurs de cette
variable dépendante (échec de la gestion) concernent
respectivement : Facteurs internes aux acteurs (219 : 69,08%) et facteurs
externes aux acteurs (98 : 30,91).
Ces indicateurs sont plus observés dans la
sous-préfecture de Sinfra (145 : 45,74%) que dans les
sous-préfectures de Kononfla (61 : 19,24%), Bazré (56 :
17,66%) et Kouêtinfla (55 : 17,35%).
Il faut aussi remarquer que parmi les indicateurs, les
facteurs internes aux acteurs(219 : 69,08%) restent plus affirmés
que les facteurs externes aux acteurs (98 : 30,91%).
1.3 Vérification des hypothèses de
l'étude
1.3.1 Vérification de l'hypothèse H
1
Rappelons l'hypothèse 1 :
H1 : L'échec de la gestion des conflits fonciers
à Sinfra s'explique par des facteurs internes aux acteurs.
Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre
échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux
acteurs et ce, à partir des données consignées dans le
tableau suivant :
Rappelons que N= 79 d'après le tableau
précédent (tableau des effectifs des sous-préfectures).
Tableau n° 20 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 1
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
74
|
46
|
120
|
Pas de facteurs internes
|
31
|
49
|
80
|
Total
|
105
|
95
|
200
|
Formulons les
hypothèses H0 et H1:
- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien
entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes
aux acteurs
- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre
échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux
acteurs.
Calculons les effectifs
théoriques
Tableau n° 21 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 1
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
63
|
57
|
120
|
Pas de facteurs internes
|
42
|
38
|
80
|
Total
|
105
|
95
|
200
|
Calculons la différence entre effectifs
observés et effectifs théoriques
Tableau n° 22 : Calcul de la différence des
effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse 1
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs internes
|
74 - 63 = 11
|
46 - 57 = - 11
|
Pas de facteurs internes
|
31 - 42 = - 11
|
49 - 38 = 11
|
Elevons les effectifs obtenus au
carré
Tableau n° 23 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 1
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs internes
|
(11) ² = 121
|
(-11) ² = 121
|
Pas de facteurs internes
|
(-11) ² = 121
|
(11) ² = 121
|
Divisons termes à termes des résultats
obtenus par les effectifs théoriques calculés
Tableau n° 24 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
1
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
121 / 63 = 3,36
|
121 / 57 = 2,12
|
5,48
|
Pas de facteurs internes
|
121 / 42 = 2,88
|
121 / 38 = 3,18
|
6,06
|
Total
|
6,24
|
5,3
|
11,54
|
Déterminons la valeur de Khi deux
calculé
Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux
X² = 6,24 + 5,3
X² = 11, 54
Déterminons le degré de liberté (ddl)
Ddl = (nombres de lignes - 1) (nombres de colonnes - 1)
Ddl = (2 - 1) (2 - 1)
Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est
3,84(Pearson)
Khi 2 calculé (11,54) > Khi 2 lu (3,84)
alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il
existe un lien significatif (khi 2 calculé supérieur à khi
2 lu) entre l'échec de la gestion et les facteurs internes aux acteurs
locaux.
1.3.2
Vérification de l'hypothèse H 2
Rappelons l'hypothèse 2:
H1 : L'échec de la gestion s'explique par des
facteurs externes aux acteurs locaux.
Etablissons test de Khi 2 pour voir s'il existe un lien entre
échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux
acteurs et ce, à partir des données à partir des
données consignées dans le tableau suivant :
Rappelons que N= 117 d'après le tableau
précédent (tableau des effectifs par sous-préfectures).
Tableau n° 25 : Distribution statistique des
données de l'hypothèse 2
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs externes
|
44
|
26
|
70
|
Pas de facteurs externes
|
14
|
33
|
47
|
Total
|
58
|
59
|
117
|
Formulons les hypothèses H 0 et
H1 :
- L'hypothèse H0 postule qu'il n'existe pas de lien
entre échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes
aux acteurs
- L'hypothèse H1 postule qu'il existe un lien entre
échec de la gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux
acteurs.
Calculons les effectifs
théoriques de H2
Tableau n° 26 : Calcul des effectifs
théoriques de l'hypothèse 2
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs externes
|
34,70
|
35,29
|
70
|
Pas de facteurs externes
|
23,29
|
23,70
|
47
|
Total
|
58
|
59
|
117
|
Calculons la différence entre effectifs
observés et effectifs théoriques
Tableau n° 27 : Calcul de la différence des
effectifs observés et des effectifs théoriques de
l'hypothèse 2
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs externes
|
(44 -34,70) = 9,3
|
(26 - 35,29) = - 9,29
|
Pas de facteurs externes
|
(14- 23,29) = - 9,29
|
(33- 23,70) = 9,3
|
Elevons les effectifs obtenus au
carré
Tableau n° 28 : Calcul des effectifs obtenus au
carré concernant l'hypothèse 2
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Facteurs externes
|
(9,3)² = 86,49
|
(- 9,29)² =86,3
|
Pas de facteurs externes
|
(- 9,29)² =86,3
|
(9,3)² = 86,49
|
Divisons termes à termes des résultats
obtenus par les effectifs théoriques calculés
Tableau n° 29 : Division des résultats
obtenus par des effectifs théoriques de l'hypothèse
2
|
Echec de la gestion
|
Pas d'échec de la gestion
|
Total
|
Facteurs internes
|
86,49 / 34,70 = 2,49
|
86,3 / 35,29 = 2,44
|
4,93
|
Pas de facteurs internes
|
86,3 / 23,29 = 3,7
|
86,49 / 23,70 = 3,64
|
7,34
|
Total
|
6,19
|
6,08
|
12,27
|
Déterminons la valeur de Khi deux
calculé
Valeur de Khi deux calculé = Somme des totaux
X² = 6,19 + 6,08
X² = 12,27
Déterminons le degré de liberté (ddl)
Ddl = (nombres de lignes - 1) (nombres de colonnes - 1)
Ddl = (2 - 1) (2 - 1)
Ddl = 1et Khi lu au seuil de 0,05est
3,84(Pearson)
Khi 2 calculé (12,27) > Khi 2 lu (3,84)
alors, nous rejetons l'hypothèse H 0 et nous affirmons qu'il
existe un lien très significatif (khi 2 calculé très
supérieur à khi 2 lu) entre l'échec de la gestion et les
facteurs externes aux acteurs locaux.
II.
DISCUSSION
Ce chapitre s'articule autour du rappel du niveau de
validation de l'objectif général, de l'hypothèse
générale, des théories de référence (1) et
de la présentation des limites de l'étude (analyse qualitative et
quantitative) avant d'ouvrir le champ d'éventuellespistes de
réflexion (2).
1. Rappel du niveau de validation de l'objectif
général, de l'hypothèse générale et des
théories de référence
1.1. Rappel du niveau de validation de l'objectif
général
Cette présente étude portant sur la gestion des
conflits fonciers à Sinfra, s'est fixée pour objectif de
rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la gestion des
conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département
de Sinfra.
Au regard donc des données obtenues sur le terrain, il
ressort que la gestion des conflits fonciers dans le département est
biaisée par des facteurs internes aux acteurs (corruption des acteurs de
gestion et gestion affinitaire des conflits fonciers, protection tribale des
ressortissants, stigmatisation des acteurs de gestion et expropriation
foncière des allochtones, acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de
conflits et diversité d'acteurs de gestion et confusion de rôles)
et des facteurs externes à ces acteurs (absence de texte pour la gestion
des conflits fonciers, Ingérence des autorités gouvernementales
dans la gestion des conflits fonciers, facteurs indirects tels que les facteurs
démographiques).
De ce fait, nous pouvons affirmer que notre objectif
général est atteint.
1.2. Rappel du niveau de validation de
l'hypothèse générale
Avant le déplacement sur le terrain, nous avons
postulé que l'échec de la gestion des conflits fonciers dans le
département de Sinfras'expliquent par des facteurs internes aux acteurs
(corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire des conflits
fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation des acteurs de
gestion et expropriation foncière des allochtones, acteurs de gestion
eux-mêmes acteurs de conflits et diversité d'acteurs de gestion et
confusion de rôles) et des facteurs externes à ces acteurs
(absence de texte pour la gestion des conflits fonciers, Ingérence des
autorités gouvernementales dans la gestion des conflits fonciers,
pesanteurs culturelles et effets de la crise post-électorale).
Après confrontation des résultats, il est
ressorti que les actions collectives ou individuelles des acteurs et les
implications externes de façon inclusive, expliquent l'échec de
la gestion des conflits fonciers dans le département de Sinfra.
Nous pouvons donc affirmer que notre hypothèse
générale est validée.
1.3. Rappel du niveau de validation des
théories de référence
L'élaboration de ce travail s'est appuyée sur la
théorie constructiviste (Delcourt, 1991 ; Vellas, 2003 ;
Bourdieu, 1972). Ces auteurs postulent en effet que le social ne se
définit ni comme une réalité objective « en
soi », ni comme un produit de rationalités subjectives
« pour soi », mais comme des
« constructions » élaborées par des
acteurs. Cette théorie qui intègre l'ensemble des facteurs
objectifs et subjectifs dans l'explication du social,englobe à la fois
les théories actionnistes et les théories multifactorielles.
En ce qui concerne les théories actionnistes, nous nous
sommes appuyés sur :
- L'individualisme méthodologique de Boudon (1970).
Boudon (1970) postule que pour expliquer un
phénomène social, il faut reconstruire les motivations des
acteurs concernés par ce phénomène.
- La théorie de l'acteur de Blumer (1969).
Blumer (1969) affirme que pour comprendre le comportement des
acteurs sociaux, il faut recourir non pas à la signification des choses
dans leur forme intrinsèque, mais plutôt à la signification
des choses, selon les acteurs spécifiques de cette
société.
- Théorie de l'analyse stratégique de Crozier et
Friedberg(1977)
Pour Crozier et Friedberg (1977), chercher à
comprendre le comportement des acteurs sociaux supposechercher en
priorité à comprendre comment se construisent les
actions collectives
à partir de comportements et d'intérêts individuels parfois
contradictoires.
Concernant les théories sociologiques du conflit, nous
avons retenu :
- La théorie des élites de Pareto (1909).
Pour Pareto (1909), la société est en permanence
traversée par des antagonismes entre les élites (catégorie
sociale disposant des pouvoirs) et les couches sociales de la base
(catégorie pauvre et lésée).
- Théorie du conflit de Freund (1965).
Freund (1965) postule que les sociétés
contemporaines ne sont pas seulement des sociétés industrielles
et démocratiques mais aussi des sociétés conflictuelles
qui nécessitent l'intervention d'un tiers dont les compétences
s'apparentent à un juge chargé de la médiation, de la
négociation et de la conciliation.
- Théorie du complot de Knight (1976)
Dans cette théorie conspirationniste, Knight (1976)
cherche à démontrer un complot entendu comme le fait qu'un petit
groupe de personnes « puissantes » se coordonne en
secret pour planifier et entreprendre une action illégale et
néfaste, affectant les intérêts de la masse.
- Théorie des systèmes de Ludwig (1993) est une
approche globale qui tend à expliquer le social comme un sous ensemble
(sous-système) intégré dans un système social.
Dès lors, nous pouvons affirmer que la théorie
constructiviste et ses démembrements (théories actionnistes et
multifactorielles) ont permis non pas exclusivement, mais inclusivement de
poser des assises théoriques au travail.
2. Limites de l'étude et pistes de
réflexion
2.1. Analyse qualitative et
quantitative
2.1.1 Analyse qualitative
La question des conflitsfonciers et leur gestion pose
d'énormes difficultés dans le tissu social ivoirien. Devant ces
difficultés, diverses explications ont pu être inventoriées
dans la littérature.Vu le nombre important des écrits sur la
question, la discussion sera segmentée autour des facteurs internes aux
acteurs, des facteurs externes aux acteurs et des propositions de
solutions.
2.1.1.1 Facteurs internes aux acteurs
Les investigations menées à Sinfra
révèlent que les « élus
locaux » autrefois sans terre, se retrouvent aujourd'hui avec
des portions remarquables de terre et des champs aux dimensions
étonnantes issues d'une réquisition des terres aux
propriétaires terriens. Et cette réquisition se présente
comme une forme d'appropriation foncière symbolique c'est-à-dire
celle s'effectuant avec la complicité de ces victimes autochtones qui,
conscients de leur position sociale inférieure participent à leur
propre appauvrissement foncier. A cela, il faut ajouter le concept
« tèrè kiniwouzan » qui traduit une
forme d'appropriation politique des terres par ce réseau
créé dans les arcanes de l'administration publique local et qui
voit s'intégrer uniquement des acteurs aux pouvoirs (foncier,
pécuniaire ou décisionnel) évidents.
Ces recherches valident donc les travaux de Koetschet et
Grosclaude (2008)qui pensent que certaines pratiques informelles et
administrativeslimitent les capacités d'interventions de la puissance
publique en matière foncière, provoquant ainsi une quasi-inaction
de celle-ci, source d'insécurité foncière dans un monde
globalisé.
Notre étude valide également les enquêtes
de Dicko (2007) au Mali. En effet, l'auteur penseque certes la
multiplicité des instances de recours en matière de
résolution des conflits, la lenteur et la lourdeur
administrative, le manque de moyens à la disposition des agents de
l'Etat sont des facteurs à prendre en compte, mais que l'exacerbation
des conflits fonciers seraient fortement liés la corruption des agents
de l'administration. Notre terrain montre à cet effet que les instances
de régulation foncière sont dotées de consommables de
première nécessité (code foncier, civil et pénal,
principes coutumiers, instauration des CVGFR, organisation du processus
d'immatriculation des terres rurales) mais que l'administration locale est
polluée par la corruption de sorte que la plupart des occasions sont
saisies de façon opportuniste par ces élites locales ; ce
qui génère frustrations et rancunes chez les ruraux.
Nos résultats confirment ceux de Keita (2012) qui
révèle que le marché foncier bamakois est
caractérisé par une opacité totale avec l'intervention
d'une multitude d'acteurs agissant chacun en fonction de ses moyens financiers,
de l'efficacité de son réseau social ou de son statut social.
Notre contribution en la matière précise que la gestion du
foncier à Sinfra fait intervenir un nombre important d'entités
locales (justice traditionnelle, administrative et pénale) presque
toutes, disponibles à toute forme de négociation
clientéliste. Et dans des cas assez fréquents, l'obliquité
de la décision de justice est fonction du réseau de relation
sociale des acteurs sédentaires, de leur pouvoir d'achat ou de leur
influence locale ou extra-locale.
Les données obtenues à Sinfra confirment les
recherches de Lavigne (2002) pour qui, les litiges fonciers sont liés
au jeu double des acteurs administratifs qui ont maintenu et durci la
prétention du monopole étatique sur la terre en créant un
espace d'indétermination sur les règles légitimes, mais
concomitamment en ont fait un espace de jeu et de manipulation, qu'ils
investissent de façon opportuniste.
Nous validons également d'autres recherches. De
ceux-ci, notons les travaux de Koffi (2010) qui mentionne que les cours et
tribunaux sont engorgés de dossiers de conflits fonciers, trahissant la
faible efficacité du système judiciaire. À cela, il faut
ajouter une justice inaccessible pour les pauvres, en raison des coûts
élevés des procédures, des lenteurs administratives et de
la faible couverture judiciaire du territoire national.Le système
judiciaire en principe chargé de régler les conflits fonciers se
révèle incapable de trouver des solutions efficaces dans le
contexte caractéristique des pays africains, où des
législations nationales et des coutumes se côtoient. Sur le
terrain d'étude, on note également de telles dissensions entre
les textes et les actions sur le terrain.
Nous validons aussi les travaux de Bourgeois (2009) qui
soutient que le village est le point de départ de la majorité des
conflits qui touchent de près ou de loin la propriété de
la terre. Etant donné que les terres rurales sont toutes sous la
propriété d'un chef coutumier, on peut tout d'abord affirmer que
les conflits sont particuliers et qu'ils ne se règlent pas toujours
selon les lois d'Etat, ainsi que par la justice des Provinces. L'échelle
du village est pour autant un angle d'analyse qui semble restreint. Sur le
terrain, le chef de terre semble ne pas participer à toutes les
séances de gestion des conflits fonciers et même lorsqu'il est
là, son impartialité fait douter selon les enquêtés
de Sinfra.
Pour Machozi, Borve, Lonzama , Kahigwa et Tobie (2010),
gérer les conflits de terre, c'est réunir certaines
qualités indispensables à cette fonction d'acteur de
gestion : Etre capable de comprendre et d'appliquer les grands principes
qui doivent guider l'action des acteurs dans la résolution des conflits
fonciers (rapidité, disponibilité, justice, acceptation,
durabilité, patience), être capable de stimuler une
réflexion au niveau local sur les possibilités de modes de
résolution des conflits fonciers et explorer des stratégies pour
renforcer le travail des structures de bases dans le monitoring et la gestion
des conflits fonciers. Sur le terrain d'étude, l'attitude partiale des
acteurs de gestion est si affirmé qu'ils sont désormais
stigmatisés dans leur ensemble et les populations semblent ne plus se
soucier de l'orientation des décisions mais plutôt de
l'appartenance ethnique, tribale ou religieuse de l'autorité de
gestion.
Dans le terroir ivoirien, Coulibaly (2006) estime que les
procédures de règlement des conflits n'aboutissent pas souvent
sur des solutions définitives malgré la compétence
relative des instances d'arbitrage en présence. Les raisons de cette
situation semblent être liées aux stratégies mises en
oeuvre par les différents acteurs lors des procédures. Notre
étude valide ces données et mentionne que la plupart des cas de
gestion, laisse des goûts amers chez certains et des rancunes qui
créent un cadre propice à des conflits avenirs.
Notre étude confirme également les travaux de
Matiru (2001) pour qui, la gestion des ressources foncières prend
exclusivement en compte la prévention, la négociation, la
médiation, l'arbitrage, le jugement et la coercition. Le rejet ou
l'omission d'une de ses composantes entraine un dysfonctionnement dans le
processus de gestion qui se matérialise par de nouvelles oppositions et
de nouveaux conflits. Nos travaux mentionnent à ce sujet qu'à
défaut de texte structurant l'action des acteurs de gestion, les actes
sont engagés de façon personnelle, subjective, sans base
textuelle matérialisée par des ratées, des omissions
plurielles.
Toutefois, nos résultats infirment quelques travaux. De
ceux-ci, notons ceux de Chauveau (2000), pour qui les conflits fonciers
intercommunautaires observés dans la plupart des contrées rurales
ivoiriennes prennent leurs sources dans la nette distinction entre la
manière dont les cas de violences foncières étaient
traités « timidement » lorsque les
violences engageaient des non-Ivoiriens ou des populations originaires du Nord
et avec fermeté lorsqu'elles concernaient des Baoulé originaires
du Centre. Nos résultats répondent par la négative et
mentionnent qu'à Sinfra, ce n'est pas la coloration ethnique ou
religieuse qui influence le traitement des violences foncière mais
plutôt l'appartenance à un réseau de relations sociales
fortes. Ainsi, si certains sont privilégiés par rapport à
d'autres, cela ne s'explique pas (sur notre terrain) par la coloration
identitaire mais par l'appartenance à ce réseau constitué
essentiellement de détenteurs de pouvoirs foncier, financier et
décisionnel.
Nos travaux infirment également d'autres recherches
(Kaboré, 2009 ; Kinanga, 2012 ; Tshimbalanga, 2015). Il
ressort de leurs recherches, la faible représentation de l'Etat surtout
dans l'administration foncière et le caractère étrange des
nouvelles lois foncières comme facteurs inhibiteurs de litiges. Notre
contribution en la matière mentionne qu'à Sinfra, l'Etat a une
forte représentation et a engagé des actions concrètes de
sensibilisation sur l'intérêt d'immatriculer les terres rurales.
Donc, les litiges ne seraient ni dépendant de la représentation
locale de l'Etat dans le terroir, encore moins du niveau de connaissance ou
d'acceptation de la loi foncière mais que certains acteurs de
l'administration procèdent à des appropriations massives de
terres et à une forme de protection des membres
intégrés dans leur réseau au détriment des autres
ruraux qui murmurent au quotidien et essaient autant que possible de changer
cet ordre.
2.1.1.2 Facteurs externes aux acteurs
Les données du terrain révèlent que
l'évolution démographique de Sinfra (croissance
démographique autochtone, migrations allochtones et l'augmentation du
nombre de transhumants) ne facilite pas véritablement la gestion des
conflits fonciers qui met désormais en jeu de nombreuses implications et
enjeux dans cette atmosphère sociale alimentée par la corruption,
le protectionnisme et l'affinité. Dans la pratique, notons que le
département de Sinfraconnait un taux de natalité important sur ce
territoire aux dimensions statiques (1618 km²). Cette croissance
démographique déjà linéaire (90.711 habitants selon
le RGPH 2014) conjugué à ce taux de natalité (5 à 9
naissances par jour)et des migrations de populations en quête d'espaces
de culture de développement d'activités pastorales, catalyse une
forme de saturation foncière propice à toute action individuelle
ou collective visant à accroître les terres personnelles au
détriment des règles coutumières instaurées (rites
culturels, interdits,...).
Ces travaux confirment les recherches deAlkassoum (2006) pour
qui, la mauvaise gestion des ressources naturelles au Burkina Faso est à
la base de nombreux heurts dans les zones d'accueil des transhumants. Lesquels
espaces seraient à la fois disputés par les agriculteurs et les
transhumants.Nos travaux étayent ces propos et mentionnent qu'à
Sinfra, le foncier est prioritairement accordéaux activités
agricoles et les défrichements massifs d'espaces au fil des
années, ont considérablement réduit les espaces autrefois
accordés aux activités de transhumance, désormais
considérée comme une activité secondaire voir tertiaire.
Dans ce contexte, les collisions entre ces entités aux professions
antinomiques (agriculteurs et pasteurs) sont fréquentes surtout lors du
passage des bêtes sur les pistes villageoises provoquant des intrusions
momentanées et des destructions de plantations des agriculteurs.
Notre travail valide également les recherches de
Tallet et Paré (1999)qui analysent le lien entre les variations
pluviométriques et la répartition spatiale des populations
rurales du Burkina Faso. Ces auteurs pensent que les migrations croissantes des
populations vers les zones fertiles et propices à l'agriculture,
favorisent la saturation sur ces espaces et corollairement, des conflits
fonciers entre les natifs et les migrants. Les données de notre terrain
montrent que la localité de Sinfra, fertile et appropriée
à l'ère culturale, s'est trouvée sujette à des
formes incontrôlées de migrations de sorte qu'aujourd'hui, le
paysage foncier se trouve saturé et surexploité par les peuples
sédentaires de la localité qui essaient mutuellement de
s'exproprier sur les quelques espaces restants, générant ainsi
litiges entre ces peuples.
Les études effectuées dans les contrées
malgaches(Rakotovao, 2011) sont aussi validées au regard de nos
résultats. Pour l'auteur, la course pour l'appropriation des terres
conduit d'une part,à des clivages et exclusion foncière de
certains groupes, et d'autre part, à un ralentissement du
développement économique national. Dans notre zone
d'étude, on assiste à une véritable course à la
consolidation des terres ; d'un côté, les autochtones
réclamant en permanence des attestations d'achat de terres aux
allochtones dans un but d'expropriation foncière et de l'autre, les
allochtones, usant de voies parfois détournées pour consolider
clandestinement des terres à des ayants droits.Il s'en suit
évidemment des conflits entre ces acteurs fréquemment en contact.
Si ces conflits comme dans la plupart des cas observés, se situent dans
la période de cueillette des cabosses de cacao ou des cerises de
café, les acteurs stagnent dans leurs domiciles craignant de faire
l'objet d'attaques sectoriels. Les fruits se putréfient dans les champs
et l'impact se ressent véritablement sur la production locale et
nationale en raison de la position géographique de la localité de
Sinfra (zone cacaoyère, caféière et désormais
anacardière).
Notre recherche étaye également les travaux de
Kouamékan, Kouadio, Komena et Ballet (2009)qui imputent la survenance
des conflits fonciers, à l'accès inéquitable des ruraux,
aux ressources. Cet accès inéquitable aux ressources s'est
traduite sur notre terrain d'étude, par l'identité des
catégories communautaires : d'un côté, les
autochtones, propriétaires de terres et de l'autre, les allochtones,
demandeurs d'espaces.
Nous approuvons aussi les travaux de Merabet (2006) qui impute
la survenance des conflits fonciers en côte d'ivoire, aux flux
migratoires successifs et incontrôlés. Les données
statistiques de notre terrain en effet, révèlent que de 1998
à 2001, soit en 3 ans, la population de Sinfra est passée de
170 .015 habitants à 186 .864 habitants, soit une croissance
de 16 .849 habitants ou encore 5.616 habitants/ an. Et de 1975 à
1998, soit en 23ans, la population de Sinfra a plus que doublé. Ces
données restent fortement attestées par l'observation des flux de
migrations croissantes vers Sinfra.
Outre ces travaux, notre étude valide également
les recherches de Zadou, Kone, Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et
Ibo(2011). Ceux-ci affirment que la Forêt des Marais
Tanoé-Ehy est sujette à de fortes pressions anthropiques qui se
traduisent par le braconnage, le prélèvement anarchique des
ressources naturelles, l'exploitation forestière et les tentatives
d'exploitation agricole des forêts classées. Notre contribution
en la matièreatteste également que la saturation foncière
actuelle de Sinfra a contraint certains ruraux à migrer et s'installer
dans les alentours du parc de la Marahoué où ils y
développent clandestinement des cultures agricoleset le braconnage.
Enfin, nos travaux valident les réflexions de Bonnecase
(2001) pour qui, les conflits fonciers apparaissent comme une opposition
récurrente, une indexation mutuelle entre autochtones et
allogènes, ivoiriens ou non ivoiriens, ceux-ci étant
accusés par ceux-là d'occuper une terre qui ne leur appartient
pas.Dans notre zone d'enquête, il ressort également des tensions
sociales et foncières fréquentes entre les peuples
sédentarisés qui s'accusent mutuellement d'utiliser des terres
qui ne leur appartiennent pas ou plus.
L'étude mentionne également que les
héritiers désignés des terres familiales dans les
différentes tribus de Sinfra disposent de nombreux pouvoirs familiaux
dont ils abusent pour brader les terres familiales aux allochtones mais
également que les autres membres de la famille, frustrés par ces
ventes illicites, bradent à leur tour, les portions restantes ou le cas
échéant, revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur
part d'héritage foncier. Cette dynamique valide les recherches de Kodjo
(2013) pour qui, la société Abouré est traversée
par des tensions autour de la distribution intrafamiliale de la ressource
foncière entre (neveu / neveu ou fils / neveu) et surtout autour de la
gestion de l'héritage.
Notre étude valide également les recherches
deOumarou (2008) pour qui, les peuples disposent d'une série de concepts
pour parler et traiter des rapports entre eux ; l'aspect spatial de leur
organisation sociale trouve une expression ouverte en paroles et en actes. Le
manque de ces espaces lignagers d'échanges auxquels s'ajoutent les
inégalités dans la répartition foncière familiale
et les revendications plurielles des jeunes, génèrent des
conflits familiaux difficilement maîtrisables. Notre contribution en la
matière, précise que le cadre coutumier de Sinfra est un espace
d'échange traditionnel qui offre la possibilité de
règlements amiables fondés sur la tradition gouro. Mais le refus
de certains allochtones de se conformer à la culture Gouro au
détriment de la leur, provoque un choc de cultures qui se
matérialise par des divergences foncières.
Notre étude valide aussi les travaux de Ibo (2012) qui
pense que le non-respect des clauses des contrats de cession de terre, le poids
des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans
le cadre du tutorat, la remise en cause des contrats de cession de terres par
les jeunes de retour dans les villages, favorisent les conflits fonciers dans
les contrées ivoiriennes. Une telle perspective est soutenue
(d'après les verbatim) dans notre travail, sous une nomenclature
d'appropriation de terres par les ayants droits et d'expropriation des
allochtones ayant égaré leur attestation de vente ou encore
présentant des contrats d'achats douteux. Ainsi, les citadins,
déscolarisés, aventuriers ou les
« frustrés » des familles gouro qui, en
raison de la difficile intégration professionnelle à Abidjan,
retournent s'investir dans des activités agricoles et procèdent
fréquemment en des examens et réexamens des contrats de vente
établis entre leurs parents et les migrants allochtones en vue d'y
déceler des incohérences pouvant constituer des prétextes
suffisants à des évictions foncières d'allochtones. Dans
ces conditions, à partir des rixes inter-rurales, on en arrive à
un conflit communautaire généralisé par un processus de
métamorphisme conflictuel (dispute inter-ruraux, implication d'acteurs
collatéraux, clanisme, repli identitaire, actions et interventions
plurielles et conflit généralisé) à Sinfra.
Ces travaux confirment également d'autres recherches
(Bologo, 2004 ; Coulibaly, 2015; Bobo, 2012 ; Mumbere,
2012 ;Soro et Colin,
2008 ; Zougouri, 2006). Il ressort de leurs recherches que le cadre
familial apparaîtcomme un « lieu » de tensions
foncières, de conflits entre parents et enfants, entre
aînés et cadets et ces conflitsintrafamiliaux entraînent
à leur tour assez souvent des conflits intercommunautaires. Notre
recherche effectuée à Sinfra mentionne à cet effet que la
gestion des terres familiales est accordée à un ayant droit
caractérisé par l'honnêteté, sa dévotion dans
les activités champêtres et sa capacité à rassembler
les membres de la famille autour d'un but commun et préserver les biens
familiaux pour le seul et unique intérêt de la famille. Toutefois,
lorsque celui-ci échoue dans cette mission en se prêtant à
des formes de bradage des terres au moindre souci financier, il se heurte
à des résistances des autres ayants droits et des oncles et
tantes, considérés dans la culture gouro comme des parents au
sens étymologique du terme.
Au niveau de la misogynie foncière, notre travail
valide celui de Tsongo et Kitakya (2006). Ceux-ci estiment que les acteurs du
foncier sont en même temps dans le système coutumier (qui est
lui-même mouvant), dans le système moderne (ensemble des lois
foncières) et dans le changement lui-même. Et c'est cette
volonté des acteurs ruraux de se conformer aux exigences de la coutume
au détriment des textes légaux, qui crée ce
stéréotype matérialisé au moyen d'une exclusion
foncière féministe sur l'échiquier foncier.
Cependant, même si notre étude confirme certaines
contributions antérieures, il n'en demeure pas moins que d'autres,
restent invalides au regard de notre terrain. Il s'agit notamment des travaux
de Kouamé (2010) qui met en évidence les rapports établis
entre les métayeurs et les tuteurs dans la région des agni-Sanwi
à Aboisso. L'auteur pense que de nombreux litiges surviennent au niveau
du « planter-partager » définit dans la
plupart des contrats. Nos travaux mentionnent à ce sujet que le
métayage (planter-partager) qui une innovation dans le tissu rural de
Sinfra, engendre très peu sinon pas de conflit dans les tribus
visitées et constitue une dynamique à laquelle les autochtones
gouro sont fortement attachés puisqu'au truchement de cette
méthode, certains aventuriers peuvent à distance, mettre leur
portion de terre en valeur.
Nos travaux infirment également les investigations de
Gnabéli (2008) qui soutient que dans plusieurs villages du pays, on note
le maintien de certains quartiers exclusivement réservés aux
autochtones, des expropriations sans motif explicite provoquant de ce fait des
frustrations de la communauté allogène qui,
manifestées dans le cadre foncier, génèrent des litiges. A
Sinfra, la donne est toute différente et révèle au
contraire, une forme d'intégration des populations
sédentarisées dans les mêmes villages et tribus. Ainsi,
dans l'ensemble des tribus visitées, les populations autochtones et
allochtones semblent cohabiter. Et c'est évidemment cette cohabitation
qui favorise des formes de collaboration intéressée entre
héritiers (nécessiteux financiers) et allochtones
(nécessiteux fonciers) créant un terrain propice à des
crises familiales et ces influences extrafamiliales.
Au niveau de la misogynie foncière, notre étude
infirme les recherches de Monimart (2004) qui impute l'exclusion
foncière des femmes par la nécessité de réajuster
ou de rechercher un équilibre social entre la ressource foncière
et les bénéficiaires potentiels. Dans notre zone d'étude,
la réalité parait tout autre et montre au contraire que la
misogynie foncière s'explique par le rôle purement ménager
attribué à la femme dans la coutume gouro, sa probabilité
à contracter un mariage et à quitter le domicile familial.
Notre recherche infirmeles travaux de Kouassi (2017)pour qui,
la croissance démographique et les migrations exercent une influence
faible sur la nature des conflits mais que ceux-ci, seraient davantage
liésaux divergences politiques qui se sont succédées
après la mort du premier président Félix Houphouët
Boigny.Notre étude révèle plutôt que la croissance
démographique du peuple Sian conjugué aux migrations
(allochtones) a ouvert la voie à une forme d'anarchie dans la
consolidation des terres et a entrainé par ricochet, des
velléités dans la résolution de ces conflits.
Notre étude infirme également les travaux de
Chauveau, Colin, Bobo, Kouamé, Kouassi et Koné (2012). Ces
auteurs en effet affirment que la crise socio-politique de 2002 à 2011
a engendré une pression foncière, des fractures sociales durant
l'ultime phase du conflit ivoirien. Nos résultats montrent plutôt
que ce n'est pas la crise de 2002 à 2011 qui a occasionné la
pression foncière constatée dans les zones forestières
notamment à Sinfra, mais au contraire la pression démographique
et les collisions foncières fréquentes entre autochtones et
allochtones qui ont favorisé une stigmatisation mutuelle (frustrations,
sentiment d'exclusion et rancunes) entre ces peuples sédentaires et le
tout, dans une atmosphère sociale politiquement polluée et
prophylactique à des conflits fonciers sectoriels.
Nos recherches invalident aussi les travaux de
Ghisalberti
(2011) pour qui, ce n'est pas parce qu'il y a saturation sociale dans
l'ensemble des villages sahéliens qu'il y a nécessairement
saturation foncière (dans ces village) et qu'il n'existe pas de lien
direct entre saturation sociale et conflit foncier. Mais que les litiges
fonciers au Sahel surviendraient lorsque des migrants négocieraient
certes leur installation dans des villages de préférence mais
au-delà, tenteraient de s'intéresser et s'investir dans les
activités foncières. Nos travaux précisent que ce n'est
pas parce que des migrants installés sur un territoire autochtones,
négocient des terres de culture qu'il y a nécessairement conflit
foncier à Sinfra. Mais que ces conflits naissent et émergent deet
dans la formulation des procédures engagées pour acquérir
les terres (corruption passive, négociation clandestine,
empiètement de la coutume,...).
Nos travaux invalident enfin les recherches de Faye (2008) qui
révèlent qu'au Sénégal, les femmes, en raison de
cette misogynie foncière, ont développédes
stratégies alternatives pour contourner la coutume. Notre terrain
d'étude mentionne que les femmes gouro éduquées et
ancrées dans la coutume locale, restent inactives, mieux contribuent
à leur propre discrimination foncière (auto-exclusion).
2.1.1.3Propositions de solutions
Au regard de la récurrence des litiges fonciers et de
l'échec fréquent des méthodes de résolution, des
propositions ont pu être inventoriées par des auteurs. Parmi ces
propositions, nous pouvons rappeler celle de Kodjo (2013) qui se singularise
par la création et le renforcement des mariages ethniques. Nos solutions
vont plus loin et proposent au-delà des mariages ethniques, de renforcer
les alliances ethniques et d'organiser des activités socioculturelles
intégratives à l'effet de réduire la stigmatisation
réciproque des peuples sédentaires entre eux et par ricochet, de
favoriser la réconciliation de ces populations qui ont de plus en plus
de mal à vivre ensemble.
D'autres solutions (Dicko, 2007 ; Keita, 2012 ;
Koetschet et Grosclaude, 2008 ; Kakai, 2014)mentionnent
également des sanctions disciplinaires contre les acteurs administratifs
coupables de corruption passive dans le traitement des litiges de terre. Notre
contribution en la matière, valide certes ces sanctions mais
au-delà, priorise la formation des agents de l'Etat sur la connaissance
de la loi foncière. Les investigations effectuées dans notre zone
d'étude,ont révélé que nombre de ces
administrateurs locaux ne disposent pas de la loi foncière et se
contentent de quelques enseignements reçus lors des séminaires de
formation ou des informations reçues pêle-mêle.Ce qui
catalyse une contradiction criante entre les différentes entités,
traduisant non pas nécessairement des décisions arbitraires en
raison de dons clandestins, mais davantage de lacunes normatives
sévères en matière foncière.
Outre la promotion des sanctions disciplinaires contre les
agents corrupteurs ou corrompus de l'arène sociale, quelques
propositions (Merabet, 2006 ; Kouakan, Kouadio, Komena et Ballet, 2009)
soutiennent le besoin de doter le secteur agricole de moyens plus efficaces. En
la matière, même si ces auteurs ont le mérite de soumettre
une idéologie positive et opportuniste visant à repositionner le
secteur agricole sous-régional, il n'en demeure pas moins que ces
auteurs ne situent véritablement les axes sur lesquels intervenir. Notre
contribution en la matière précise que même si la
distribution gratuite des engrais aux populations locales et l'octroi fortuit
d'outils utilisés dans le cadre agricole constituent un souhait
envergué, cela pourrait néanmoins permettre d'accroître la
production locale en denrées alimentaires. Outre ces suggestions, nous
proposons la construction d'usines de transformation des produits vivriers afin
d'offrir une activité complémentaire ou de substitution à
ces populations sédentaires et de réduire par conséquent
les conflits violents sur des portions de terres presqu'insignifiantes.
D'autres contributeurs (Alkassoum, 2006 ; Zongo, 2009)
émettent l'idée de sensibiliser les pasteurs sur la
nécessité de surveiller leurs troupeaux lors de leurs pistes
villageoises ou à proximité des champs. Notre contribution
adhère à cette idée mais va plus loin et souhaite la
détermination des itinéraires (artères tertiaires ou
pistes peu empruntées) pour le passage des pasteurs et leurs animaux
à l'effet de réduire les collisions fréquentes telles que
constatées pendant nos enquête et ce, entre ces acteurs ruraux aux
activités antinomiques (agriculteurs et transhumants).
2.2. Analyse quantitative
Dans le cadre de cette recherche, nous avons succinctement
utilisé les techniques suivantes : recherche documentaire,
observation, questionnaire et entretiens.
Au niveau de la recherche documentaire, les informations
recueillies sur internet manquaient de précision quant à la
spécificité foncière de Sinfra, pour les unes et
inadaptées au contexte socio-foncier actuel ivoirien, pour les autres.
C'est donc pour contourner cette insuffisance et simultanément pour
réduire les risques de biais de leurs travaux que certainsont
opté pour l'entretien sémi-directif des groupes ciblés
(Dossou, 2006) et d'autres, pour des entretiens structurés et
sémi-structurés corrélés aux discussions et
commentaires des acteurs concernés (Dicko, 2006).
Toutefois, même si la recherche documentaire dans le
cadre de notre étude, a présenté peu d'écrits
spécifiques aux conflits fonciers dans le département de Sinfra,
elle a néanmoins permis d'asseoir la conceptualisation des termes
explicites et implicites, la revue de littérature, le cadre de
référence théorique et la bibliographie contrairement
à Rokotovao (2011) qui a exclusivement mis l'emphase sur les
différents interviews.
Concernant notre observation de terrain qui s'est voulue
à la fois passive et participante, nous nous sommes heurtés
à des modifications comportementales des enquêtés du fait
de notre présence. Outre ce fait, notre subjectivité
(appartenance ethnique, tribale et religieuse) a quelque peu déteint sur
la présentation des faits (les investigations) et leur
interprétation. De plus, vu que la perception humaine reste
limitée, nous nous sommes fiés à ce que nous avons vu sur
le terrain sans nous préoccuper de voir le degré d'influence de
notre présence sur le mode d'agissement des acteurs. Cependant, bien que
notre présence et notre subjectivité semblent avoir
influencé d'une part, les agissements des ruraux et d'autre part
l'interprétation des résultats, l'observation sur le terrain a
tout de même permis de capter, suivre, comprendrede visu in
situ, les actions des acteurs ruraux au moment où ils agissaient.
Elle a aussi permis de comprendre la distance entre les actes posés par
les acteurs ruraux et les explications qu'ils en donnent plus tard,
contrairement à d'autres auteurs qui se sont exclusivement
penchés sur la documentation, l'enquête-interrogation et
l'interview (Tapé, 2000) et sur la recherche documentaire et la
participation aux festivités de réjouissance à Divo
(Bazaré, 2014).
Au niveau du questionnaire, il comporte quelques
inconvénients portant sur la difficulté d'identifier
l'enquêté qui répond aux questions, le caractère
superficiel des réponses (les enquêtés ont tendance
à donner la première réponse qui leur vient à
l'esprit, sans profondément réfléchir)et
l'impossibilité de compléter ou d'approfondir certaines
questions. Toutefois, malgré ces failles, nous avons opté pour
cette technique puisqu'elle nous a permis de travailler avec un grand
échantillon (600 personnes), d'éviter les coûts
(déplacements, appels téléphoniques) et de limiter les
effets liés à la personnalité des interviewers. Une
technique qui, relativement à ses désavantages, s'est vu
rejetée par certains auteurs (Ibo, 2011) au profit de l'observation
directe et des entretiens (individuels et focus group) et par d'autres
(Oumarou, 2008) qui ont opté pour la pré-enquête et
l'observation participante.
En ce qui concerne l'entretien, nous nous sommes
focalisés sur l'entretien individuel et les groupes focaux. Lesquels ont
mis les enquêtés dans un état de défense face
à des questions jugées sensibleset a nécessité des
moyens coûteux (déplacement, recherche du nécessaire pour
libations et rituels villageois, évitements de questions et ajournement
de rendez-vous). Toutefois, en dépit de ces failles, cette technique
nous a permis de recueillir les informations directement auprès des
enquêtés (connaissances, opinions, réactions), de tester
les hypothèses (de l'étude) à l'épreuve des faits,
de connaître la valeur symbolique de la terre chez les
« kwênins » et les allochtones en vue de
comprendre leurs comportements actuels sur le foncier. Cette technique a
été écartée de la démarche
méthodologique de certains (Kodjo, 2013) qui ont
préféré la recherche documentaire, l'observation et
l'enquête-interrogation et par d'autres (Gnabéli, 2008) dont les
travaux se sont exclusivement fondés sur trois enquêtes
préalablement effectuées (2004-2007), (2005-2007) et
(2007-2008).
Dès lors, ce présent travail portant sur la
gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le
département de Sinfra, mérite certainement une
crédibilité en ce sens qu'il s'est appuyé sur des
techniques hétéroclites dont les unes ont pu combler les failles
des autres à l'effet de rendre compte des réalités
conflictuelles autour du foncier à Sinfra.
2.3. Pistes de recherche
Dans l'analyse de la situation foncière à
Sinfra, de nombreux champs semblent n'avoir pas ou ont été
très peu explorés pour les chercheurs. Il s'agit entre autres,
des champs tels que :
- Discrimination foncière des minorités dans le
département de Sinfra.
- Risques liés aux modes d'acquisition des terres et
conflits fonciers à Sinfra.
- Conflits fonciers entre agriculteurs et exploitants
forestiers à Sinfra.
- Gestion de l'héritage foncier et conflits
intrafamiliaux dans le département de Sinfra.
En somme, de nombreux champs restent jusqu'à ce jour
très peu explorés dans le département de Sinfra.
II. SUGGESTIONS
Faire des suggestions visant à réduire les
violences foncières à Sinfra, reviendrait dans le cadre de notre
travail, à nous intéresser simultanément aux
responsabilités de l'Etat (1), aux responsabilités des ONG et
partenaires du développement rural (2) et à celles des peuples
sédentaires (3).
1.
Responsabilités de l'Etat
1.1.
Construire des usines dans la localité
Pour réduire sensiblement cette série
d'occupation massive des terres réservées à l'usage
industriel dans le Département de Sinfra, il faille que l'Etat
réalise ce plan directeur relatif à la construction des usines de
transformation du café et du cacao dans la zone. Même si les
peuples sédentarisés de Sinfra sont régulièrement
en conflit pour acquérir ou maintenir leur droit de
propriété sur les terres, l'objectif ne parait pas forcement une
haine quelconque des uns envers les autres, mais la crainte de demeurer sans
activités face aux charges personnelles et familiales quotidiennes ou
encore, errer dans le village. C'est pourquoi, la construction de ces usines de
transformation du café et cacao (usine centrale à Douafla et les
usines annexes reparties dans les différentes tribus) permettra à
ces ruraux d'avoir une activité de substitution et bien
rémunérée que celle des travaux champêtres scabreux
et nécessitant en permanence un investissement physique remarquable.
Dans ces conditions, les ruraux de Sinfra, en quête non
pas forcement de terres mais de moyens pour subvenir à leurs besoins,
seraient moins disposés à des rixes singulières ou
collectives et dédramatiseraient quelques peu, les débordements
de limites qui faisaient jusqu'à ce jour, l'objet de heurts et joutes
violents.
1.2. Distribuer gratuitement
des engrais aux agriculteurs
La croissance démographique des peuples de Sinfra a
provoqué une sorte de saturation sociale et foncière dans la
localité. Cela, bien qu'ayant catalysé la réduction des
espaces individuels et collectifs, a davantage contraint les cultivateurs
locaux à surexploiter les terres avec un ignorantisme criard des
techniques d'utilisation des engrais. Et même si, ces ruraux souhaitaient
s'en procurer, la plupart manquerait de moyens financiers pour acheter ces
engrais. Ainsi, il apparait judicieux pour l'Etat de planifier une vaste
campagne de distribution des engrais aux ruraux de Sinfra, en ayant
préalablement mené une étude sur la composition
granulométrique des sols sur lesquels exercent ces planteurs.
Dans la pratique, il serait question de confier l'étude
texturale des terres de Sinfra aux spécialistes en la matière
avant de convoyer massivement des engrais selon la spécificité de
chaque contrée et de les distribuer par le biais des autorités
(Préfet, Sous-préfet, agents cadastraux de la direction
départementale de l'agriculture, Chefs traditionnels) à ces
ruraux qui gisent constamment dans ce besoin et qui trouvent comme voie de
contournement l'expropriation des autres.
Ce sera seulement à cette condition que ces ruraux
développeraient une pluralité culturale sur leurs espaces
aujourd'hui réduits et seraient moins enclins à s'approprier les
espaces des autres par des moyens physiques, mystiques et relationnels.
1.3. Former les
autorités locales sur la loi foncière
Pour Maître B. (Greffier au tribunal pénal de
Sinfra, entretiens de Septembre 2016) « les décideurs
locaux ne suivent pas de formations spécifiques sur le foncier et ses
lois. Elles ont une formation générale qui tient compte de la
gestion administrative et non sur un problème particulier comme le
foncier ». Autrement, ces entités qui dirigent le
département ne disposent pas d'ingrédients suffisants pour rendre
des décisions foncières en dépit de leurs habilitations
relatives à cet effet.
Ainsi, il serait sans doute nécessaire pour les
décideurs nationaux, d'inclure dans la formation des
représentants des structures décentralisées de l'Etat, une
formation spécifique sur la loi foncière, les procédures
d'immatriculation et les méthodes appropriées de gestion des
litiges fonciers. Cela réduirait considérablement les jugements
sur la base des supputations et les contradictions décisionnelles telles
qu'observées pendant notre séjour, entre les différentes
entités administratives (Préfet, Sous-préfet, direction
départementale de l'agriculture, chefs traditionnels et tribunal
pénal) de Sinfra.
Aussi, cela permettra-t-il à ces décideurs, sans
concertation préalable, de circonscrire leurs visions dans le même
vecteur décisionnel, gage de crédibilisation de cette
administration locale de plus en plus critiquée à Sinfra.
1.4. Contraindre les élus locaux
à faire preuve d'impartialité
Pour réduire sensiblement les décisions
jugées arbitraires par certaines franges de la population de Sinfra, le
couvert protectionniste sous forme tribal des ressortissants, la corruption
foncière et ses effets collatéraux, il serait question pour ces
élus locaux, représentants de l'Etat, de conformer leurs
décisions de justice aux textes nationaux (code pénal, code civil
et code foncier) et non sur la base d'affinités. Ce sera l'occasion pour
l'Etat de créer une cellule de control des agents affectés de
l'Etat : une sorte de surveillance directe de ces élus à
l'effet de réduire les dérives affinitaires, corruptives et
interpersonnelles d'une catégorie bien spécifiée d'acteurs
administratifs.
Dans la pratique, il ne serait plus question d'affecter dans
d'autres localités, les élus coupables de corruption active ou
passive, comme l'on le remarque souvent dans l'administration publique, mais
plutôt de leur donner une sanction disciplinaire aussi
sévère qu'intimidante en vue de dissuader d'éventuels
décideurs qui tendraient à privilégier leurs
intérêts au détriment de ceux de la masse.
1.5. Déterminer des
itinéraires pour les transhumants
Le passage des transhumants et de leurs troupeaux aux abords
des champs des cultivateurs provoquent fréquemment des intrusions de ces
bêtes dans les plantations ; créant de ce fait des
dégâts de culture et conséquemment des litiges entre ces
transhumants et les agriculteurs, propriétaires de ces champs. Ainsi, il
serait question de déterminer des pistes villageoises à des fins
de transhumance.
Concrètement, il s'agira tout en déterminant ces
pistes villageoises, de dénommer certains itinéraires pour le
passage des pasteurs et de leurs troupeaux à l'effet de réduire
les collisions entre ces acteurs ruraux aux activités antinomiques.
Il ne s'agira pas de repartir des pistes villageoises selon
ces deux catégories d'acteurs (telle piste pour les cultivateurs et
telle autre pour les pasteurs), mais plutôt de restreindre les passages
désordonnés des troupeaux sur les artères principales et
secondaires de Sinfra. Ces pistes déterminées constitueront des
voies, non pas exclusivement réservées au passage de ces pasteurs
et de leur bétail, mais utilisées par toutes les couches sociales
tout en leur réservant la priorité. Quant aux autres pistes,
elles seraient uniquement réservées aux acteurs ruraux et
sévèrement consignées pour ces transhumants et leurs
troupeaux. Ce sera surement à cette condition que les conflits entre
agriculteurs et transhumants de Sinfra, connaîtrons une baisse
continuelle.
1.6. Réduire le
coût d'immatriculation des terres
La procédure d'immatriculation des terres
nécessite selon le chef Z. (Chef de la tribu Sian, retraité,
entretiens effectués en Mai, 2016) « une demande
(10.000f), la validation de l'enquête, les frais liés à la
collecte des consommables de première nécessité pour
l'enquête (200.000f), les honoraires de l'opérateur Technique
Agréé (150.000F) et les frais de bornage (25.000f/
hectare) ». Cette démarche qui part de la demande
d'enquête à l'immatriculation de la terre en passant succinctement
par la validation, l'établissement du certificat foncier et la gestion
du certificat, fait intervenir de nombreuses autorités gouvernementales
(Ministre de l'Agriculture, Ministre des finances), préfectorale
(Préfet), sous-préfectorale (Sous-préfet), auxquelles
s'ajoutent les agents de la direction départementale de l'agriculture et
des Opérateurs Techniques Agréés du Bureau National
d'Etudes et des Techniques de Développement dont la plupart,
accomplissent leurs missions aux frais du demandeur d'immatriculation
(c'est-à-dire le planteur). Cette procédure longue et
éreintante paraît coûteuse pour cette frange de ruraux
dominée par l'indigence économique et alimentaire,
caractéristique de la vie paysanne en Côte d'Ivoire.
Partant de ce constat, il apparait évident que pour
permettre à l'ensemble des ruraux de Sinfra de bénéficier
de titres fonciers, il faille que l'Etat subventionne ces frais trop
élevés pour ces ruraux gisant dans l'indigence financière,
matérielle et alimentaire.
Concrètement, il serait question pour l'Etat, de
prendre en charge tous les frais en excluant peut-être la demande
d'enquête (10.000f) aux frais du demandeur. Ce sera seulement à
cette condition que les ruraux de Sinfra, dans leur majorité pourront se
faire établir des titres de propriété foncière et
bénéficier de bornages autour de leurs parcelles (susceptibles de
réduire les expropriations et appropriations constatées durant
les investigations).
1.7. Mettre en pratique le
projet de création de l'AFOR
Selon le décret n° 2016-590 du 3 Août
2016 portant création de l'Agence Foncière Rurale (AFOR),
cette structure aura pour mission de simplifier significativement les
procédures d'immatriculation et de sécurisation du foncier rural,
d'en amoindrir le coût, d'élaborer des stratégies et
programmes de sécurisation du foncier rural et de mobiliser les
ressources y afférentes dans le but de réduire les conflits
fonciers récurrents dans l'ensemble du pays et plus
particulièrement à Sinfra. Elle permettra d'assurer la pleine
application des dispositions de la législation relative au domaine
foncier rural et en particulier, de la loi n° 98-750 du 23 décembre
1998 relative au domaine foncier rural en permettant par ricochet, de
réduire sensiblement les risques de conflits fonciers et de renforcer la
paix et la cohésion sociale.
Toutefois, ce projet, dans sa phase matérielle n'a pas
encore vu le jour dans l'ensemble des localités du pays et semble plus
que jamais nécessairepour réduire les conflits fonciers dans
cette atmosphère rurale actuellede Sinfra.
2. Responsabilités des ONG et
partenaires du développement rural
2.1.Allouer des fonds pour soutenir les projets de
développement local
Les ONG (Mizélé, Kavoukiva,...) et partenaires
du développement local (Centre de Recherche et d'Action pour la Paix),
dans le but d'aider indirectement à réduire les conflits fonciers
à Sinfra, doivent circonscrire les actions dans des aides
financières aux projets de développement. Il s'agira pour eux, de
s'intégrer dans le vécu des populations en vue d'allouer des
budgets conséquents pour financer au moment opportun, une partie des
futures usines de transformation des matières premières locales
(café, cacao,...). Ce projet de financement devra suivre une
procédure stratifiée composée en cinq grandes
étapes : la dimension personnelle (la démarche), la
dimension sociale (association des ruraux au projet), la dimension technique
(la maquette et les conditions de réalisation), la dimension
économique (le financement) et la dimension temporelle (le timing
imparti pour la réalisation).
Ainsi, tout en s'investissant à fond dans cette
perspective, il s'agira aussi pour ces ONG et partenaires au
développement, d'aider les agriculteurs de Sinfra dans la gestion de
leurs ressources naturelles et de leurs produits agricoles (entretien et
conservation) en vue de la commercialisation.
2.2. Organiser des activités socio-culturelles
intégratives
Les conflits post-électoraux à la fois
ethnicisés et communautarisés dans le département de
Sinfra, ont attisé une sorte de stigmatisation réciproque des
principaux peuples sédentaires (kwênins et allochtones) qui depuis
lors, s'excluent mutuellement du théâtre foncier local.
Relativement, il parait nécessaire pour les ONG et partenaires du
développement local, d'initier les activités socio-culturelles
non pas, partisanes mais intégratives pour tenter de réconcilier
ces populations qui ont du mal à cohabiter.
Il s'agira d'allouer des fonds pour organiser des foires, des
matchs de football ou autres activités socio-culturelles avec la
participation de toutes les couches sociales du département en vue
d'intégrer l'ensemble de ces populations à ce processus de
réconciliation véritable.
Il s'agira aussi d'évaluer les dégâts
humains et matérielles lors de l'incendie des villages Proniani et
Koblata lors des violences post-électorales et de dédommager les
« Kwênins » à l'effet de
réduire un tant soit peu cette rancune gardée depuis la crise
post-électorale de 2010.
Après cette réparation de préjudice, il
sera question de demander aux sages gouro de sceller cette
réconciliation par des libations et incantations avec invocation
d'ancêtres pour permettre à ces ruraux de nouer de nouvelles
relations basées sur la confiance, l'entraide et la
complémentarité. Ce sera en inscrivant les actions des ONG et
autres partenaires dans ce vecteur de réconciliation que ces peuples
sédentarisés auront moins de mal à vivre ensemble.
2.3. Aider à réduire les stigmates de la
crise post-électorale
La période de crise a été une
période où les populations autochtones et allochtones se sont
prises simultanément pour cible. De ce fait, les dégâts
multiformes causés par ces violences étaient à la fois
physiques et psychologiques. Dès lors, pour espérer retrouver la
solidarité organique qui existait entre ces populations clivées,
il serait judicieux d'initier des prises en charge psychologique et
matérielles de ces populations, dont certains gisent aujourd'hui dans le
dénuement presque total. Cette assistance psycho-matérielle
permettra à ces populations de combler quelques insuffisances
matérielles et d'avoir moins de pensées rétrospectives.
Il s'agira aussi de procéder à des campagnes de
restitution des espaces fonciers consolidés sous la menace des armes,
aux véritables propriétaires.
3. Responsabilités des peuples
sédentarisés
3.1. Renforcer les alliances
inter-ethniques
Les alliances interethniques ont longtemps été
expérimentées par la plupart des peuples de la Côte
d'Ivoire. Les problèmes d'ordre culturel, religieux, militaire et
juridique se réglaient au niveau de la famille, du clan, de la tribu ou
au niveau des groupes alliés. Cette procédure de gestion des
problèmes sociaux exclusivement circonscrite dans la sphère
familiale a permis d'entretenir un jeu d'alliances interethnique que les
acteurs ruraux de Sinfra ont entretenu depuis des décennies sous une
forme de cohésion sociale entre ces peuples. Ainsi, les conflits
fonciers à répétition avec ses résurgences
identitaires observés depuis quelques temps à Sinfra, traduisent
que la solidarité organique qui régissait la
société Gouro a laissé place à un individualisme
mécanique où les acteurs se focalisent uniquement sur leurs
intérêts. Dans ce contexte, il serait opportun de renouer avec les
alliances interethniques entre les autochtones et allochtones à l'effet
de revenir à cette solidarité organique, cette cohésion
sociale entre ces peuples et conséquemment de préserver ces
populations de conflits fonciers à répétition. Cela, tout
en permettant aux populations de retrouver un équilibre psycho-social,
renforcera cette paix si sensible à Sinfra.
3.2. Renforcer les mariages
inter-ethniques
Le renforcement de la cohésion entre peuples de Sinfra,
par le biais des mariages inter-ethniques est une condition indispensable pour
réduire quelques peu les rivalités entre ceux qui
possèdent les biens fonciers (autochtones) et ceux qui possèdent
les moyens financiers (allochtones). Cela aura des impacts à un triple
niveau :
- Au niveau du maillage des acteurs ruraux. En effet, si les
gouro se rendent compte que les allochtones de Sinfra, ne constituent pas
seulement des allochtones au sens étymologique du terme mais sont
plutôt un clivage d'acteurs composés d'allochtones et d'un nombre
important d'autochtones nés de mariages inter-ethniques, ceux-ci
seraient plus souples dans la procédure de cession de terres et moins
déterminés à exproprier ces allochtones des terres.
- Au niveau des allochtones, ces mariages inter-ethniques
encourageraient ceux-ci à éviter les voies de contournement de la
procédure d'acquisition des terres, mais seraient plutôt enclin
à suivre une démarche légale qui, qui de tout façon
n'a pas de raison d'être chinoisée (en tenant compte de ces
mariage inter-ethniques).
- Au niveau de la collaboration autochto-allochtone devenue
complexe ces derniers temps. Ces mariages favoriseraient une sorte de confiance
réciproque entre ces peuples qui deviendraient par ce processus, des
parents éloignés et excluraient simultanément cette
communication en ligne utérine, tribale ou communautaire telle que
constatée durant nos investigations.
3.3. Intégrer les allochtones dans les
CGFR
Pour réduire quelque peu les frustrations successives
des minorités de Sinfra (l'ensemble des décisions sociales et
foncières sont prises sans leur participation et leur point de vue), il
serait question de procéder à une intégration
incrémentale des allochtones de la localité dans les centres de
décisions sociales et foncières. Cette invitation des allochtones
dans ces centres de décision partirait de leur intégration dans
les comités de gestion foncière rurale et des notabilités
villageoises afin de leur permettre de se sentir impliqués dans la prise
des décisions sociale et foncière les concernant. De ce fait, ils
seraient plus disposés à respecter les décisions qui
seront non pas le résultat de la concertation exclusivement
autochto-autochtones, mais le fruit du travail d'une équipe dont ils se
sentiraient fortement représentés, c'est-à-dire un
ensemble de représentants des principales communautés
sédentarisées du département (autochtones et allochtones).
3.4. Condamner les appropriations clandestines
d'espaces
Les populations rurales de Sinfra et en particulier les
autochtones exercent les activités champêtres dans la peur
constante des allochtones qui rodent dans la plupart des contrées
rurales en vue de trouver un membre d'une famille autochtone à qui,
proposer une somme en vue d'un achat clandestin d'espace. C'est pourquoi, il
apparait judicieux de renforcer les campagnes de sensibilisation
initiées par le collège des chefs traditionnels du
département de Sinfra en vue de l'interdiction formelle de ventes ou
d'achats clandestins de terres auprès d'un membre quelconque d'une
famille donnée.
Dans la pratique, il s'agira de scinder cette période
de campagne de sensibilisation en deux phases :
- Phase 1 : Organiser des réunions villageoises et
concertations extra-villageoises en vue d'informer et de sensibiliser la
population rurale et urbaine de Sinfra sur l'interdiction des ventes illicites
des terres familiales et des risques encourus par les éventuels
contrevenants.
- Phase 2 : Traduire les contrevenants,
c'est-à-dire celui, coupables de corruption active et son acolyte,
coupable de corruption passive devant les autorités compétentes
à l'effet de leur infliger une sanction exemplaire pour eux et
intimidante pour les éventuels contrevenants.
CONCLUSION
La gestion du foncier et des conflits y afférents sont
importants pour la société ivoirienne et cruciaux pour le monde
rural. En vue de les examiner dans le contexte particulier de Sinfra, nous nous
sommes fixés les objectifs suivants :
Objectif général :
Rechercher les facteurs explicatifs de l'échec de la
gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le
département de Sinfra.
Objectifs spécifiques :
Ø Rechercher la relation entre échec de la
gestion des conflits fonciers et facteurs internes aux acteurs sociaux dans le
département de Sinfra.
Ø Rechercher la relation entre échec de la
gestion des conflits fonciers et facteurs externes aux acteurs sociaux dans le
département de Sinfra.
Pour atteindre ces objectifs, nous nous sommes posés
les questions de recherche suivantes :
Question principale :
Ø Pourquoi la gestion des conflits fonciers entre
autochtones et allochtones échoue-t-elle dans le département de
Sinfra ?
Questions secondaires
Ø Existe-t-il une relation entre l'échec de la
gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs
internes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?
Ø Existe-t-il une relation entre l'échec de la
gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones et les facteurs
externes aux acteurs sociaux dans le département de Sinfra ?
La réponse à ces questions a
nécessité la formulation des hypothèses
suivantes :
Hypothèse générale
L'échec de la gestion des conflits fonciers dans le
département de Sinfra s'expliquent par desfacteurs internes et des
facteurs externes aux acteurs sociaux.
Hypothèses spécifiques
H1. L'échec de la gestion des conflits
fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs internes aux acteurs
sociaux.
H2. L'échec de la gestion des conflits
fonciers à Sinfra s'expliquent par des facteurs externes aux acteurs
sociaux.
En vue de la vérification de ces hypothèses,
nous avons effectué le déplacement dans le département de
Sinfra, notre terrain d'étude où nous avons interrogé un
échantillon de six cent (600) enquêtés. Ces
enquêtés, regroupés sous les vocables
« autorités administratives »,
« autorités coutumières » et
« administrés » ont tantôt
répondu à un choix raisonné (autorités
administratives et coutumières), tantôt à un choix
accidentel (administrés).
La recherche documentaire, l'observation, le questionnaire et
les différents entretiens ont permis de répondre aux
questionnements de cette étude. Les méthodes dialectique et
fonctionnaliste ont constitué les paradigmes utilisés dans le
cadre de ce travail.
Au demeurant, les données issues des investigations
ont été analysées aussi bien qualitativement (analyse
phénoménologique et culturaliste) que quantitativement
(élaboration des tableaux de distribution statistique de type descriptif
et de pourcentage).
Cette étude s'est appuyée sur la théorie
constructiviste (Piaget, 1923 ; Bourdieu, 1972) dont les
démembrements concernent les théories actionnistes
(théorie de l'individualisme méthodologique de Boudon,
théorie de l'acteur de Blumer et théorie de l'analyse
stratégique de Crozier et Friedberg) et les théories
multifactorielles (théorie des élites de Paréto,
théorie du conflit de Freund, la théorie conspirationniste de
Knight et théorie des systèmes de Ludwig) utilisées.
Aux termes de notre enquête sur le terrain, nous avons
obtenu les résultats suivants :
Les gouro de Sinfra, originaires de l'ouest du pays, vont
à partir du XVIe siècle, s'installer à
« Sianfla » où ils accueilleront et
faciliteront l'installation des premiers migrants allochtones (senoufo,
malinké, baoulé, ...) qui, négociaient auprès
d'eux, la cession d'une parcelle de terre par le système de
« tutorat », créant ainsi une
dépendance vis-à-vis de leurs tuteurs à qui, ils
reversaient une partie généralement faible de leur revenu
annuel.
A cette époque, ces propriétaires
terriens « terezan »
cédaient avec une certaine facilité des portions remarquables
à ces allochtones en raison de leurs aptitudes mystiques et de leurs
possibilités à les protéger contre des invasions
fréquentes des éléphants, qui étaient en nombre
important dans la zone.
Ainsi, par le processus simultané de naissances et des
vagues de migrations, le foncier à Sinfra va connaître une
véritable saturation. Cette saturation va ouvrir la voie à toute
forme de vente ou d'achat clandestin de terres, en dehors de tout contexte
légal ou socialement admis. D'un côté, les autochtones
(vendeurs) en quête de finances et d'un autre, les allochtones
(acheteurs) en quête de terre.
A l'intérieur des familles autochtones où
l'héritier des terres familiales est désigné selon les
critères de rassemblement, d'honnêteté et de
dévotion dans les travaux champêtres, on y note une corruption
passive de ces héritiers qui se prêtent à des
négociations sournoises de portions de terres familiales auprès
d'acolytes allochtones, charriant ainsi tous les membres de la famille dans un
bradage collectif des biens familiaux ou des conflits de
récupération des espaces vendus. De ce fait, des conflits
fonciers violents naissent au sein de l'institution familiale, entre
différentes familles ou communautés. Les moyens physiques,
mystiques et relationnels sont utilisés par les belligérants
pour s'approprier des terres, objet de ces litiges.
Ces conflits que l'on observe aussi bien dans les plantations,
en milieu rural qu'urbain, ne répond pas à un enchainement
d'actions fixées à l'avance, mais d'une combinaison d'actions
d'acteurs aux sensibilités différentes qui réagissent non
pas selon la valeur intrinsèque des terres litigieuses, mais
plutôt selon leur appréhension et la valeur qu'ils accordent
personnellement à la terre.
Les procédures de gestion de ces conflits fonciers
diffèrent selon que l'on se trouve dans le cadre villageois,
administratif ou pénal.
Au niveau de la procédure villageoise, elle varie selon
le type de conflit en présence. Lorsqu'il s'agit des conflits
intrafamiliaux, la gestion s'articule autour de deux actions principales :
plainte, séance d'écoute et association d'oncles pour la
gestion.
Lorsqu'il s'agit des conflits interfamiliaux et
intercommunautaires, la procédure de gestion part de la plainte au
verdict en passant succinctement par la convocation des parties, le
déplacement sur l'espace conflictuel et la séance de jurement.
Et enfin, dans le cadre des conflits entre agriculteurs et
transhumants, la démarche de résolution se structure autour
de la: plainte, transaction amiable et indemnisation.
Concernant le cadre pénal, celui-ci répond
à une démarche tripartite composée à la fois de la
saisine de la justice par voie d'huissier, de la phase d'instruction et de
celle du jugement pénal.
Au niveau administratif, à défaut de moyens de
répression, la procédure reste exclusivement focalisée sur
la médiation, la négociation et la conciliation.
Toutefois, malgré l'implication de ces acteurs
hétéroclites, la gestion de ces conflits fonciers reste
entravée par des obstacles qui se structurent autour des facteurs
internes aux acteurs (corruption des acteurs de gestion et gestion affinitaire
des conflits fonciers, protection tribale des ressortissants, stigmatisation
des acteurs de gestion et expropriation foncière des allochtones,
acteurs de gestion eux-mêmes acteurs de conflits et diversité
d'acteurs de gestion et confusion de rôles) et des facteurs externes
à ces acteurs (absence de texte pour la gestion des conflits fonciers,
Ingérence des autorités gouvernementales dans la gestion des
conflits fonciers et facteurs indirects) internes aux acteurs et externes aux
acteurs.
En ce qui concerne le chapitre de la discussion,
l'étude au regard des données du terrain, a confirmé
l'objectif général, validé l'hypothèse
générale et les théories de référence avant
d'engager le volet de la confrontation de nos résultats avec les
résultats des auteurs recentrés dans la revue de
littérature et d'esquisser quelques pistes pour les travaux futurs.
Relativement, nous avons fait des suggestions tenant à
la responsabilité de l'Etat, des ONG et partenaires du
développement local et aux peuples sédentaires.
Concernant les suggestions visant l'Etat ivoirien, il s'agit
de :
- Construire des usines de transformation du café et du
cacao dans la localité en vue de désengorger quelque peu le
théâtre foncier local et d'octroyer à ces ruraux une
activité de substitution.
- Mener une campagne de distribution des engrais à
l'effet de fertiliser quelque peu ces sols surexploités par les
ruraux.
- Former les acteurs institutionnels sur la connaissance de la
loi foncière n°98-750 du 23 Décembre 1998 en vue
d'éviter les contradictions décisionnelles telles
qu'observées pendant nos investigations.
- Contraindre les autorités locales à faire
preuve d'impartialité entre belligérants lors des conflits
fonciers sous peine de sanctions disciplinaires ou même de
révocation.
- Déterminer des itinéraires spécifiques
aux transhumants pour réduire les conflits entre agriculteurs et
pasteurs.
- Réduire le coût d'immatriculation des terres
pour permettre à cette population paysanne caractérisée
par l'indigence économique et alimentaire de pouvoir se faire
établir des titres de propriétés foncières.
- Mettre en pratique le projet de création de l'Agence
Foncière Rurale qui a une vue panoramique et des habilitations
susceptibles de favoriser la réduction des conflits fonciers à
Sinfra.
Outre ces suggestions visant l'Etat, nous avons fait des
suggestions à l'endroit des ONG locales et des partenaires du
développement rural. Ainsi, il s'agit entre autres d':
- Allouer des fonds pour soutenir les projets de
développement social et agricole du département de Sinfra.
- Organiser des activités socio-culturelles
intégratives pour tenter de réconcilier ces populations qui ont
de plus en plus de mal à vivre ensemble.
- Aider à réduire les stigmates de la crise
post-électorale en vue d'ôter du psychisme collectif, cette
stigmatisation réciproque des peuples sédentaires de Sinfra.
Enfin, nous avons fait des suggestions tenant à la
responsabilité des peuples sédentaires. Il s'agit entre autres
de :
- Renforcer les alliances inter-ethniques
- Renforcer les mariages inter-ethniques
- Intégrer les allochtones dans les Comités de
Gestion Foncière Rurale pour leur permettre de se sentir
intégrés dans la gestion des questions communes en
général et foncières en particulier.
- Condamner les appropriations clandestines d'espaces à
l'effet d'aider les propriétaires terriens à moins vivre sous la
crainte d'une quelconque vente illégale de terres par des ayants droits.
L'originalité de cette recherche se trouve
effectuée en ce sens qu'elle a su inclure des facteurs multiples
(migrations croissantes des allochtones, revendications intrafamiliales et son
extension extrafamiliale et l'ingérence opaque et opportuniste des
agents locaux de l'Etat) dans l'explication des difficultés liées
à la gestion des conflits fonciers à Sinfra.Toute chose qui
n'était suffisamment abordée par les contributions
antérieures, qui se sont structurées autour des écrits
centrés de la saturation foncière, le positionnement des fronts
pionniers dans le théâtre foncier et l'implication des acteurs
institutionnels.
Ces informations issues de cette recherche, bien que peut
être intéressantes, mieux pratiques, ne sont pas exhaustives et ne
sauraient mettre un terme aux recherches sur le phénomène de la
gestion des conflits fonciers notamment dans le département de Sinfra.
La science se voulant révolutionnaire, nous espérons que d'autres
investigations seront menées sur la question en vue de son actualisation
et de son approfondissement.
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des états financiers dans un cabinet d'architecture : cas de
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Conservatoire des Sciences de Gestion d'Abidjan.
Ø NORMES, DECRETS ET ARRETES
ARRETE n°0002 MINAGRA du 08
Février 2000 portant modèles officiels du certificat foncier
individuel et du certificat foncier collectif
ARRETE n°99-595 du 13 Octobre 1999
fixant la procédure de consolidation des droits des concessionnaires
provisoires de terres du domaine foncier rural.
ARRETE n°085 MINAGRA du 15 Juin 2000
fixant les modalités de réalisation et de présentation des
plans des biens fonciers du domaine foncier rural coutumier.
ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre
2000 définissant le formulaire de constat d'existence continue et
paisible de droits coutumiers sur un bien foncier du domaine rural.
ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre
2000 définissant le procès-verbal de recensement des droits
coutumiers et des documents annexes.
ARRETE n°111 MINAGRA du 06 Septembre
2000 définissant les formulaires de requête d'immatriculation d'un
bien foncier rural : objet d'un certificat foncier.
ARRETE n°140 MINAGRA du 06 Septembre
2000 définissant les formulaires de demande de bail emphytéotique
sur un bien foncier, objet d'un certificat foncier.
ARRETE n°140 MINAGRA du 06 Septembre
2000 définissant les formulaires d'approbation et de validation des
enquêtes foncières rurales officielles.
ARRETE n°033 MINAGRA du 28 Mai 2001
définissant le formulaire de procès-verbal de clôture de
publicité des enquêtes foncières officielles.
ARRETE n°033 MEMIDI/MINAGRA du 21 Juin
2001 relatif à la constitution et au fonctionnement des comités
de gestion foncière rurale.
ARRETE n° 147 MINAGRA du 9
Décembre 1999 portant modèle officiel du formulaire de demande
d'enquête en vue de l'établissement du certificat foncier et
précisant les compétences du Sous-préfet
DECRET de 1971 sur les procédures
domaniales : reconnaissance limitée des droits coutumiers.
DECRET n°99-593 du 13 Octobre 1999
portant organisation et attributions des comités de gestion
foncière rurale.
DECRET n°99-594 du 13 Octobre 1999
fixant les modalités d'application au domaine foncier rural de la loi
n° 98-750 du 23 Décembre 1998.
RAPPORT du 29 mars 1962 portant
création du cadastre ivoirien (JO du 10-05-1962)
RAPPORT n° 62-71 du 5 mars 1962 sur le
projet de loi portant code domanial (JO du 13-06-1962)
RECUEIL DE TEXTES(2003) : Direction du
foncier et du cadastre ivoirien.
LOIn°71-338 du 12 juillet 1971 relative
à l'exploitation rationnelle des terrains ruraux détenus en
pleine propriété.
LOI n°71-338 du 12 Juillet 1971 relative
à l'exploitation des ruraux pour insuffisance de mise en valeur (JO du
05-08-1971).
LOI de 1984 rendant l'enregistrement
obligatoire pour les baux conduisant à l'appropriation des terres.
LOI n° 98-750 du 23 Décembre
1998 modifiée par la loi N° 2004-412 du 14 Aout 2004 portant
code foncier rural ivoirien
2. DOCUMENTS ELECTRONIQUES
DEFINITION DE CONFLIT
http://www criminologie.com
Consulté le 06 Juillet 2016.
DEFINITION DE FONCIER
www. encyclopedia universalis
Consulté le 16 Juillet 2016.
DEFINITION D'AUTOCHTONE
www. Memoireonline
Consulté les 03, 04 et 05 Août 2016.
DEFINITION D'ALLOCHTONE
www. encyclopedia universalis
Consulté le 06 Juillet 2016.
DEFINITION DE VIOLENCE
www.bibliotheque.auf.org/doc
Consulté le 13 Juillet 2016.
DEFINITION DE CRIME
http://www.cegos.fr
Consulté le 13 Août 2016.
DEFINITION DE CRISE
http://www.talentsoft.fr
Consulté le 13 septembre 2016.
DEFINITION DE DEVIANCE
www.unesco.org/csi/pub/info/seacam6
Consulté le 12 Juin 2016.
RECENSION ECRITS EMPIRIQUES
http:// www memoireonline
Consulté du 20 Août au 30 Août 2016.
PRESENTATION PHYSIQUE DU DEPARTEMENT DE
SINFRA
www. Rezo ivoire. Net
Consulté le 22 Septembre 2016
PRESENTATION FONCTIONNELLE DU DEPARTEMENT DE
SINFRA
www. La référence internet de la
Côte d'Ivoire. Consulté le 22 Septembre 2016
ANNEXES
ANNEXE 1 :CARTOGRAPHIESET COUPURES DE PRESSE
ANNEXE 2 :DOCUMENTS COUTUMIERSET
ADMINISTRATIFS
ANNEXE 3 :LOI FONCIERE ET LES NORMES
COMPLEMENTAIRES
ANNEXE 4 :QUESTIONNAIRES ET GUIDES D'ENTRETIEN
ANNEXE 5 :ARTICLE
ANNEXE 1 : Cartographies et coupures de
presse
Carte 1 : Département de Sinfra
Carte 2 : Quelques villages du département
de Sinfra
Coupure 1: Palais de justice de
Sinfra
Coupure 2 : Tribunal coutumier de la tribu
Sian
Coupure 3 : Litige foncier à
Akouédo (Décembre 2018)
ANNEXE 2
DOCUMENTS COUTUMIERS ET
ADMINISTRATIFS
Document 1 : Lettre de stage
Document 2 : Acte de vente de terre en
milieu rural à Sinfra
Document 3 : Acte de cession de terre en
milieu rural à Sinfra
Document 4 : Acte de vente de
jachère en milieu rural à Sinfra
Tableau 1 : Répartition par villages
de la tribu BINDIN
Tableau 2 : Répartition par villages
de la tribu GOHI
Tableau 3 : Répartition par villages
de la tribu NANAN
Tableau 4 : Répartition par villages
de la tribu PROGOURI
Tableau 5 : Répartition par villages
de la tribu SIAN
Tableau 6 : Répartition par villages
de la tribu VINAN
ANNEXE 3
LOI FONCIERE N°98-750 DU 23 DECEMBRE 1998 PORTANT
ORGANISATION ET REGLEMENTATION DU FONCIER RURAL IVOIRIEN
La loi n° 98-750 du 23 décembre 1998
relative au domaine foncier rural telle que modifiée par la loi n°
2004-412 du 14 août 2004
CHAPITRE
I :DEFINITION ET COMPOSITION DU DOMAINE FONCIER
RURAL
Section I. -
Définition.................................................................................
Article 1 : Le Domaine
Foncier Rural est constitué par l'ensemble des terres mises en valeur ou
non et quelle que soit la nature de mise en valeur. Il constitue un patrimoine
national auquel toute personne physique ou morale peut accéder.
Toutefois, seuls l'État, les collectivités publiques et les
personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être
propriétaires.
SectionII.-Composition..............................................................................
Article
2 : Le Domaine Foncier Rural est à la
fois..............................................: -hors du domaine
public............................................................................, -hors
des périmètres
urbains......................................................................, -
hors des zones d'aménagement différé officiellement
constituées...................., - hors du domaine forestier
classé. Le Domaine Foncier Rural est composé : à titre
permanent.......................................................................................: -
des terres propriété de
l'État......................................................................., -des
terres propriété des collectivités publiques et des
particuliers, des terres sans maître à
titretransitoire:.......................................................... -
des terres du domaine coutumier,
- des terres du domaine concédé par
l'État à des collectivités publiques et des
particuliers
Article 3 : Le
Domaine Foncier Rural coutumier est constitué par l'ensemble des terres
sur lesquelles s'exercent
:..................................................................... -
des droits coutumiers conformes aux
traditions,........................................ - des droits
coutumiers cédés à des
tiers............................................ .........
CHAPITRE
II : PROPRIETE, CONCESSION ET TRANSMISSION DU DOMAINE
FONCIER
RURAL.....................................................................................
Section I. - La propriété du
Domaine Foncier Rural..........................................
Article 4 : La propriété
d'une terre du Domaine Foncier Rural est établie à partir de
l'immatriculation de cette terre au Registre Foncier ouvert à cet effet
par l'Administration et en ce qui concerne les terres du domaine coutumier par
le
Certificat
Foncier . Le détenteur du
Certificat
Foncier doit requérir l'immatriculation de la terre
correspondante dans un délai de trois ans à compter de la date
d'acquisitionduCertificatFoncier.................................................................
Article
5 : La propriété d'une terre du Domaine Foncier
Rural se transmet par achat, succession, donation entre vifs ou testamentaire
ou par l'effet d'une obligation.
Article
6 : Les terres qui n'ont pas de maître appartiennent
à l'État et sont gérées suivant les dispositions de
l'article 21 ci-après. Ces terres sont immatriculées, aux frais
du locataire ou de l'acheteur. Outre les terres objet d'une succession ouverte
depuis plus de trois ans non réclamées, sont
considérées comme sans maître : - les terres du domaine
coutumier sur lesquelles des droits coutumiers exercés de façon
paisible et continue n'ont pas été constatés dix ans
après la publication de la présente loi, - les terres
concédées sur lesquelles les droits du concessionnaire n'ont pu
être consolidés trois ans après le délai imparti
pour réaliser la mise en valeur imposée par l'acte de concession.
Le défaut de maître est constaté par un acte
administratif.
Article 7 : Les droits coutumiers
sont constatés au terme d'une enquête officielle
réalisée par les autorités administratives ou leurs
délégués et les conseils des villages concernés
soit en exécution d'un programme d'intervention, soit à la
demande des personnes intéressées. Un décret pris en
Conseil des Ministres détermine les modalités
del'enquête.....................................................................................
Article
8 : Le constat d'existence continue et paisible de droits
coutumiers donne lieu à délivrance par l'autorité
administrative d'un Certificat Foncier collectif ou individuel permettant
d'ouvrir la procédure d'immatriculation aux clauses et conditions
fixées par
décret.................................................................................................
Article
9 : Les Certificats Fonciers collectifs sont établis au
nom d'entités publiques ou privées dotées de la
personnalité morale ou de groupements informels d'ayants droit
dûment
identifiés...............................................................................................
Article
10 : Les groupements prévus ci-dessus sont
représentés par un gestionnaire désigné par les
membres et dont l'identité est mentionnée par le Certificat
Foncier . Ils constituent des entités exerçant des droits
collectifs sur des terres communautaires. L'obtention d'un Certificat
Foncier confère au groupement la capacité juridique d'ester en
justice et d'entreprendre tous les actes de gestion foncière dès
lors que le Certificat est publié au Journal Officiel de la
République.
Section II. -
La Concession du Domaine Foncier
Rural.................................
Article 11 : Le Domaine Foncier Rural
concédé est constitué des terres concédées
par l'État à titre provisoire antérieurement à la
date de publication de la présente loi.
Article
12 : Tout concessionnaire d'une terre non immatriculée
doit en requérir l'immatriculation à ses
frais.......................................................................... La
requête d'immatriculation est publiée au Journal Officiel de la
République. Elle est affichée à la préfecture,
à la sous-préfecture, au village, à la communauté
rurale, à la région, à la commune et à la chambre
d'agriculture, concernés où les contestations sont reçues
pendant un délai de trois
mois................................................... A défaut de
contestation et après finalisation des opérations cadastrales, il
est procédé à l'immatriculation de la terre qui se trouve
ainsi purgée de tout droit d'usage. En cas de contestations,
celles-ci sont instruites par l'autorité compétente suivant les
procédures définies par décret pris en Conseil des
Ministres............................
Article 13 :
Sauf à l'autorité administrative en charge de la gestion du
Domaine Foncier Rural d'en décider autrement, l'immatriculation
prévue à l'article 12 ci-dessus est faite au nom de
l'État.............................................................................. Les
terres ainsi nouvellement immatriculées au nom de l'État sont
louées ou vendues à l'ancien concessionnaire ainsi qu'il est dit
à
l'article
21 ci-après.................
Article
14 : Tout concessionnaire d'une terre immatriculée doit
solliciter, de l'Administration, l'application à son profit
de
l'article
21 ci-après............................
Section III. - La cession et la
transmission du Domaine Foncier
Rural...............
Article 15 : Tout
contrat de location d'une terre immatriculée au nom de l'État se
transfère par l'Administration sur demande expresse du cédant et
sans que ce transfert puisse constituer une violation des droits des
tiers........................... Les concessions provisoires ne peuvent
être transférées..................................... La
cession directe du contrat par le locataire et la sous-location sont
interdites..........
Article
16 : Les propriétaires de terrains ruraux en disposent
librement dans les limites de
l'article
1 ci-dessus........................................................................................
Article
17 :
Le Certificat
Foncier peut être cédé, en tout ou en partie, par
acte authentifié par l'autorité administrative, à un tiers
ou, lorsqu'il est collectif, à un membre de la collectivité ou du
groupement dans les limites de
l'article
1 ci-dessus.
CHAPITRE III :
MISE EN VALEUR ET GESTION DU DOMAINE FONCIER
Section I. - Mise en valeur du Domaine
Foncier Rural
Article 18 : La mise en valeur d'une
terre du Domaine Foncier Rural résulte de la réalisation soit
d'une opération de développement agricole soit de toute autre
opération réalisée en préservant l'environnement et
conformément à la législation et à la
réglementation en
vigueur................................................................................. Les
opérations de développement agricole concernent notamment et sans
que cette liste soit
limitative.......................................................................................: -
les
cultures............................................................................................. -
l'élevage des animaux domestiques ou
sauvages............................................. - le maintien,
l'enrichissement ou la constitution de forêts,
-l'aquaculture................................................................................................, -les
infrastructures et aménagements à vocation
agricole.................................., - les jardins botaniques et
zoologiques......................................................,
- les établissements de stockage, de transformation et
de commercialisation des produits
agricoles..............................................................................................
Article
19 : L'autorité administrative, pour faciliter la
réalisation des programmes de développement ou
d'intérêt général peut, nonobstant le droit de
propriété des collectivités et des personnes physiques,
interdire certaines activités constituant des nuisances auxdits
programmes ou à
l'environnement......................................
Article
20 : Les propriétaires de terres du Domaine Foncier Rural
autres que l'État ont l'obligation de les mettre en valeur
conformément à l'article 18 ci-dessus. Ils peuvent y être
contraints par l'Autorité dans les conditions déterminées
par décret pris en Conseil des
Ministres...................................................................................................
Section II. - Gestion du Domaine Foncier
Rural de l'Etat.................................
Article 21 : Aux conditions
générales de la présente loi et des autres textes en
vigueur et à celles qui seront fixées par décret,
l'Administration gère librement les terres du Domaine Foncier Rural
immatriculées au nom de
l'État..........................................
Article
22 : Les actes de gestion prévus à l'article 21
ci-dessus sont des contrats conclus directement entre l'Administration et les
personnes concernées. Les contrats de location sont à
durée déterminée et comportent obligatoirement des clauses
de mise en valeur. En cas de non 'respect de ces dernières, le contrat
est purement et simplement résilié ou ramené à la
superficie effectivement mise en valeur. Le non- respect de toute autre
clause du contrat peut également être sanctionné par la
résiliation............................................................................................... Dans
ce cas, les impenses faites par le locataire sont cédées par
l'État à un nouveau locataire sélectionné par vente
des impenses aux enchères. Le produit de la vente est remis au locataire
défaillant après déduction des frais éventuels et
apurement de son compte vis-à-vis de
l'État.................................................................................
CHAPITRE IV :
DISPOSITIONS FINANCIERES ET
FISCALES........................
Article 23 : La location des terres du
Domaine Foncier Rural de l'Etat est consentie moyennant paiement d'un loyer
dont les, bases d'estimation sont fixées par la loi de
Finances. Article 24 : Les collectivités et les
particuliers propriétaires de terres rurales sont passibles de
l'impôt foncier rural tel que fixé par la
loi.......................................... Article
25 : En cas de non-paiement du loyer ou de l'impôt
prévus aux articles 23 et 24 ci-dessus et outre les poursuites
judiciaires prévues par les textes en vigueur, les impenses
réalisées par le locataire constituent le gage de l'État
dont les créances sont privilégiées même en cas
d'hypothèque prise par des
tiers............................
CHAPITRE V :
DISPOSITIONS
TRANSITOIRES..........................................
Article 26 : Les
droits de propriété de terres du Domaine Foncier Rural acquis
antérieurement à la présente loi par des personnes
physiques ou morales ne remplissant pas les conditions d'accès à
la propriété fixées par
l'article
1 ci-dessus sont maintenus à titre
personnel................................................................. Les
héritiers de ces propriétaires qui ne rempliraient pas les
conditions d'accès à la propriété fixées
par
l'article
1 ci-dessus disposent d'un délai de trois ans pour céder
les terres dans les conditions fixées par
l'article
16 ci-dessus ou déclarer à l'autorité
administrative le retour de ces terres au domaine de l'Etat sous réserve
d'en obtenir la location sous forme de bail emphytéotique
cessible..................................... Les sociétés
maintenues dans leur droit de propriété en application des
dispositions ci-dessus et qui souhaiteraient céder leurs terres à
un cessionnaire ne remplissant pas les conditions d'accès à la
propriété fixées par
l'article
1 ci-dessus déclarent à l'autorité administrative
le retour de ces terres au domaine de l'État sous réserve de
promesse de bail emphytéotique au cessionnaire
désigné.....................................................
CHAPITRE
V : Procédure de délivrance du certificat
foncier
La procédure de délivrance du certificat foncier
aux termes des dispositions du décret n° 99-594 du 13 Octobre 1999
fixant les modalités d'application au domaine foncier rural coutumier de
la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998, répond à une
série stratifiée de 19 étapes qui partent de la
rédaction de la demande à la publication du certificat foncier.
v Rédaction de la demande
Le demandeur retire contre paiement d'une somme de 10.000
francs CFA, le formulaire de demande d'enquête officielle à la
Direction Départementale de l'Agriculture qu'il remplit, signe, date et
y indique son Opérateur Technique Agrée.
Résultat 1 : la demande est
remplie
v Dépôt de la demande
Une fois remplie, la demande est déposée
à la Sous-préfecture pour vérification sur les points
suivants :
· La demande est remplie correctement, de manière
complète et lisible,
· La photocopie de la pièce d'identité est
jointe au dossier.
Après ces vérifications, il est
délivré un accusé de réception au demandeur. Le
Sous-préfet transmet la demande à la Direction
Départementale de l'Agriculture.
Résultat 2 : la demande est reçue
et remise à la DDA
v Ouverture du dossier d'enquête
Dès réception de la demande, le Directeur
Départementale de l'Agriculture ouvre un dossier d'enquête
officielle auquel, il attribue un numéro. Il inscrit ce numéro et
la date de réception sur la fiche de demande d'enquête et
celle-ci est prise en compte.
Résultat 3 : le dossier d'enquête
est ouvert
v Layonnage du périmètre de la parcelle
à délimiter
Dès le dépôt de sa demande, le demandeur
ouvre des layons d'une largeur de 2 à 3 mètres autour de sa
parcelle et pose des piquets à chaque changement de direction. Ces
piquets doivent être entretenus jusqu'au bornage de la parcelle.
Résultat 4 : le périmètre
de la parcelle est layonné
v Désignation du
commissaire-enquêteur
Le jour ouvré suivant l'ouverture du dossier
d'enquête, le Directeur Départemental de l'Agriculture propose la
désignation d'un commissaire-enquêteur par une lettre
adressée au Sous-préfet. Le Sous-préfet prend la
décision de désignation du commissaire-enquêteur dans les
jours ouvrés suivant la réception de la proposition du Directeur
Départemental de l'Agriculture.
Résultat 5 : le
commissaire-enquêteur est désigné
v Règlement des frais
d'enquête
Le demandeur achète succinctement la liasse
foncière au prix variant selon les localités et règle les
frais de déplacement du commissaire-enquêteur dont l'ensemble
équivaut à environ 200.000 francs CFA. Six (06)
déplacements sont prévus par l'enquête :
· Le déplacement relatif à la
publicité d'ouverture de l'enquête, à la constitution de
l'équipe d'enquête et au recensement
démographique ;
· Le constat de layonnage de la parcelle ;
· Le déplacement relatif au recensement des droits
coutumiers ;
· Le déplacement relatif au constat des limites
avec l'Opérateur Technique Agrée ;
· Le déplacement relatif à l'ouverture de
la publicité des résultats ;
· Le déplacement relatif à la clôture
de la publicité des résultats.
Résultat 6 : les frais de
l'enquête sont payés
v Ouverture de l'enquête
foncière
Le Sous-préfet déclare l'ouverture de
l'enquête selon le formulaire prévu. La déclaration de
l'enquête est affichée à la Sous-préfecture,
à la Direction Départementale de l'Agriculture, au village et en
tout lieu utile et annoncée par communiqué diffusé
à la radio nationale ou locale. Le Sous-préfet en informe les
représentants de l'administration au sein du CGFR.
Résultat 7 : l'enquête officielle
est ouverte
v Constitution de l'équipe d'enquête
officielle
Le commissaire-enquêteur se rend dans le village
où se trouve la parcelle et sur laquelle l'enquête est
commandée. Il constitue l'équipe d'enquête officielle
comprenant un représentant du conseil de village, un représentant
du CGFR et le chef de terre, le chef de lignage ou le chef de famille.
A l'équipe d'enquête, se joignent obligatoirement
les voisins limitrophes, le demandeur et toute personne pouvant concourir
à la bonne fin de l'enquête.
Le commissaire-enquêteur dirige cette équipe dont
la liste est affichée et communiquée à la Directeur
Départementale de l'Agriculture. Le directeur transmet cette liste au
Sous-préfet en sa qualité de président du CGFR.
Résultat 8: l'équipe d'enquête
officielle est constituée
v Recensement des droits coutumiers
Cette phase prend en compte l'établissement de la fiche
démographique et l'établissement du procès-verbal de
recensement des droits coutumiers.
· Etablissement de la fiche
démographique : La fiche démographique
établit la liste des personnes concernées par l'enquête. La
« qualité » figurant sur le formulaire
précise le lien de la personne avec la parcelle : détenteur
de droits coutumiers, locataire (avec ou sans contrat écrit),
exploitant, travailleur, gestionnaire, voisin, sachant. Aussi, convient-il de
préciser qu'outre les informations pré-cités, le lien de
parenté des déclarants avec le demandeur du certificat foncier se
trouve nécessaire.
· Etablissement du procès-verbal de
recensement des droits coutumiers : Le
commissaire-enquêteur dresse le procès-verbal de recensement en
style direct, séance tenante. A ce niveau, il est souhaitable que le
déclarant n 1 soit le demandeur :
- la personne physique, ou le représentant d'une
personne morale (entité publique ou privée) s'agissant d'un
certificat foncier individuel.
- le représentant d'un groupement de détenteurs
de droits coutumiers collectifs.
Chaque déclarant doit signer et apposer son empreinte
digitale. L'enquête permettra
- d'enregistrer les déclarations des
personnes susceptibles de donner des informations sur les prétendus
droits coutumiers du demandeur.
- d'identifier tous les occupants et en particulier
ceux avec lesquels le futur titulaire du certificat foncier conclura un contrat
de location, si un tel contrat n'a pas été déjà
conclu.
- de révéler des droits modernes
existants sur la parcelle (titres fonciers, concessions, permis d'occuper,
etc).
v Constat des limites de la parcelle
L'Opérateur Technique Agréé constate avec
le demandeur et les voisins limitrophes, les limites de la parcelle et remplit
le formulaire de constat des limites. Il y fait mention des noms de tous les
voisins limitrophes en indiquant leur identité et leur position
géographique avant de faire signer demandeur, voisins et
commissaire-enquêteur.
Résultat 9 : le constat des limites est
établi
v Etablissement du plan de
délimitation
L'opération de levée s'exécute à
la requête du demandeur après le marquage des limites et
éventuellement le rafraîchissement des layons. La pose des bornes
est faite au moins aux points d'intersection des amorces des limites.
L'Opérateur Technique Agrées doit se conformer aux normes
d'établissement définies par arrêté. Les frais
d'intervention de l'Opérateur Technique Agréé qui
s'élèvent à environ 150.000 francs CFA et les frais de
bornage à 25.000 francs/ hectare, sont à la charge du
demandeur.
Résultat 10 : le plan de bornage est
établi
v Contrôle du dossier de
délimitation
L'Opérateur Technique Agréé transmet le
plan du bien foncier au cadastre de la Direction Départementale de
l'Agriculture qui vérifie si la parcelle concernée n'a pas fait
l'objet de titre foncier ou de concession provisoire. Il effectue un
contrôle de cohérence et enfin un contrôle final en visant
ledit plan. L'Opérateur Technique Agréé remet le dossier
de délimitation validé techniquement au demandeur, qui le remet
au Commissaire-enquêteur afin qu'il engage la publicité.
Toutefois, en cas de levée non conforme, la reprise du
plan est effectuée aux frais de l'Opérateur Technique
Agréé.
Résultat 11 : le dossier de
délimitation est contrôlé et visé par le
cadastre
v Annonce de la publicité de
l'enquête
Le Commissaire-Enquêteur annonce le lieu et la date de
la séance publique de présentation des résultats de
l'enquête. Cette annonce se fait par affichage au village
concerné, c'est-à-dire celui auquel est rattachée la
parcelle, objet de l'enquête, à la Sous-préfecture,
à la Direction Régionale de l'Agriculture, à la Direction
Départementale de l'Agriculture et au Service des Affaires Domaniales
Rurales (là où il existe).
Résultat 12 : la publicité de
l'enquête est annoncée
v Séance publique de
présentation
Il s'agit de présenter les résultats à la
population du village en présence des membres du CGFR. La
présentation des résultats consiste pour le
Commissaire-Enquêteur à lire et à faire traduire en langue
locale :
· La fiche démographique ;
· Le procès-verbal de recensement des droits
coutumiers ;
· La fiche d'identification des litiges ;
· La fiche de constat des limites ;
· Un tirage du plan du bien foncier ;
· Une attestation de désignation du gestionnaire
et la liste des codétenteurs (pour un bien foncier collectif).
Résultat 13 : les résultats de
l'enquête sont présentés
v Clôture de la publicité des
résultats de l'enquête
Le Commissaire-Enquêteur en accord avec le CGFR,
organise la séance publique de clôture de la publicité.
Des remarques sont formulées sur une fiche, lues par le
secrétaire du CGFR, discutées et consignées par le
Commissaire-Enquêteur et signée par les parties présentes,
notamment le demandeur, le président et le secrétaire du CGFR,
l'autorité coutumière et le Commissaire-Enquêteur. La
publicité est close et le procès-verbal signé et remis au
président CVFR pour le compte dudit comité.
Résultat 14 : la publicité est
close
v Constat d'existence des droits de
propriété
Dans un délai de 07 jours après la clôture
de la publicité, le CGFR se réunit pour délibérer
sur l'existence et l'étendue des droits coutumiers et constate ou non
que l'exercice de ces droits se fait de façon paisible et continue.
· L'enquête est
approuvée :
Ø L'enquête ne révèle aucune
contestation, ni opposition : le président du CVGFR remplit, date
et signe l'attestation d'approbation des résultats de l'enquête et
le constat ou non que l'exercice de ces droits se fait de façon paisible
et continue.
Ø L'enquête révèle une
opposition : la procédure de constat d'existence paisible et
continue est suspendue et ajournée à une période de quinze
jours. Pendant cette période, le CVGFR essaie de régler le
différend à l'amiable. Si la tentative aboutit, une attestation
de règlement est établie par le CVGFR et dans le cas contraire,
le CVGFR transmet immédiatement le dossier litigieux au CGFR pour
incompétence.
· L'enquête n'est pas
approuvée
Ø Le CVGFR peut demander au commissaire-enquêteur
d'effectuer un complément d'enquête ou de reprendre celle-ci. Les
mêmes formalités de publicité sont observées.
Résultat 15 : le constat d'existence
continue et paisible est établi ou rejeté
v Validation du dossier d'enquête par le
CGFR
En cas de délivrance du constat d'existence continue et
paisible par le CVGFR, le CGFR délivre l'attestation de validation (dans
un délai d'un mois) qui sanctionne le respect de la procédure et
la régularité de la procédure d'Enquête Officielle.
Ceci signifie que toutes les pièces établies et recueillies au
cours de l'enquête figurent dans le dossier, qu'elles ont
été remplies correctement et signées par les parties
concernées.
En cas de litiges non réglés par le CVGFR, le
CGFR essaie de les régler à l'amiable dans un délai d'un
mois. Le CGFR peut s'appuyer sur des compétences extérieures au
village.
Le Sous-préfet notifie la validation au demandeur et
transmet le dossier au Directeur Départemental de l'Agriculture pour
préparer le Certificat Foncier. Dans le cas où le demandeur est
insatisfait, il peut introduire une ultime demande d'enquête dans un
délai maximum de six mois, à compter de la validation de
l'enquête.
Résultat 16 : le dossier est
validé et le demandeur est informé
v Préparation et signature du Certificat
Foncier
Le Directeur Départemental de l'Agriculture
contrôle la régularité formelle de l'enquête et
établit le projet de Certificat Foncier et le projet de cahier de
charges qu'il soumet sans délai à la signature du Préfet
de département.
Celui-ci signe et fais quatre autres copies conformes du
Certificat Foncier et du cahier des charges. Ensuite, il fait signer le futur
titulaire, après lecture et explication du contenu.
Résultat 17 : le certificat foncier est
établi et signé
v Enregistrement et diffusion du certificat
foncier
· Enregistrement : Le Certificat
Foncier est enregistré à la Direction Départementale de
l'Agriculture, c'est-à-dire enregistré dans le registre de
Certificats Fonciers suivant un ordre chronologique.
Il est tenu dans chaque Direction Départementale de
l'Agriculture, un registre des Certificats Fonciers, dont les pages sont
cotées, paraphées par le Directeur Régional de
l'Agriculture. Ce paraphe des pages du registre s'effectue préalablement
à sa première utilisation.
Le Certificat Foncier est timbré en un original et une
copie conforme aux frais du titulaire et cacheté à la
préfecture.
· Diffusion : Les cinq exemplaires
du Certificat Foncier sont ainsi répartis :
- le Certificat Foncier signé et
timbré, est archivé à la Direction
Départementale de l'Agriculture ;
- la copie conforme timbrée du
Certificat Foncier est remise au titulaire ou à son représentant
porteur d'un mandat, légalisé par le Sous-préfet ;
- une copie conforme est archivée
à la Sous-préfecture ;
- une copie conforme est transmise à
la Direction Régionale de l'Agriculture ;
- une copie conforme est transmise à
la Direction du Foncier Rural.
Résultat 18 : le Certificat Foncier est
enregistré et diffusé
v Publication
Le Certificat Foncier est publié au Journal Officiel de
la République de Côte d'Ivoire par le Préfet de
département dans un délai d'un mois.
4.2.2.1.3.2.3. Morcellement d'un
bien foncier entre ayant droits
Le morcellement d'un bien foncier entre ayants droits
nécessite l'intervention d'un Opérateur Technique
Agréé. Celui-ci établit les nouveaux plans du bien foncier
et les constats de limites, suivant les procédures mentionnées
dans les étapes n°11 et n°12. Le Directeur
Départemental de l'Agriculture prépare de nouveaux certificats
fonciers qu'il soumet à la signature du Préfet de
département. Le Certificat Foncier est annulé à la
diligence du Préfet.
4.2.2.1.3.2.4. Fusion
de deux ou plusieurs biens fonciers
Deux ou plusieurs biens fonciers contigus immatriculés,
peuvent faire l'objet d'établissement d'un nouveau plan par un
Opérateur Technique Agréé suivant les procédures
mentionnées dans les étapes n°11 et n°12. Le Directeur
Départemental de l'Agriculture prépare un nouveau certificat
foncier qu'il soumet à la signature du Préfet de
département. Les Certificats Fonciers sont annulés à la
diligence du Préfet.
4.2.2.1.3.2.5. Transfert de Certificat Foncier par
succession, vente ou donation
Le certificat foncier est cessible par succession, vente et
donation. Pour ce faire, les deux parties (donateur et récepteur)
déclarent la cession au Directeur Départemental de l'Agriculture
qui en prend acte. La déclaration de cession s'effectue par un acte
sous-seing, signé par les deux parties.
Ø En cas de succession :
l'héritier ou les héritiers présentent des documents
justificatifs au Directeur Départemental de l'Agriculture, notamment
l'acte de notoriété. Dès lors, le Directeur
Départemental de l'Agriculture prépare un ou plusieurs nouveaux
certificats fonciers selon le cas et fait annuler le certificat foncier initial
à la diligence du Préfet.
Ø En cas de vente : les deux
parties déclarent la vente au Directeur Départemental de
l'Agriculture. La déclaration de cession est constatée par un
acte sous-seing privé, signé par les deux parties et le DDA
prépare un nouveau certificat foncier et fait annuler l'initial à
la diligence du Préfet.
Ø En cas de donation : le
donateur déclare l'acte de donation au DDA et lui indique
l'identité et l'adresse du ou des donataires. La donation est
constatée par un acte sous-seing privé par les deux parties et
cet acte est accompagné de nouveaux plans cadastraux en cas de plusieurs
donataires. A ce niveau, chaque plan morcelé doit porter le nom du
nouveau titulaire. Le DDA prépare de nouveaux certificats fonciers et
fait annuler l'initial à la diligence du Préfet.
ANNEXE 4
QUESTIONNAIRES ET GUIDES D'ENTRETIENS
Questionnaire adressé aux chefs
traditionnels
|
Identification de l'enquêté
|
Noms et prénoms :
Age :
Statut professionnel :
Lieu d'habitation :
Autochtone ou allochtone :
US 1 Présentation de la
localité
|
1. Quelle est l'origine de Sinfra ?
2. Quelles sont les différentes phases du regroupement
des populations à Sinfra ?
3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa
distance relativement aux départements environnants et aux grandes
agglomérations du pays ?
4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?
5. Quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?
6. Quelles sont les activités principales de peuples
vivants à sinfra ?
7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants
allochtones ?
8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants
allochtones ?
9. Les modalités d'octroi ont-elles
changé ?
Oui
Non
Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?
US 2 : Description des conflits
fonciers
|
10. Quels sont les types de conflits fonciers à
Sinfra ?
11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés
dans ces conflits fonciers à Sinfra ?
12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?
13. Quel est le processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra ?
14. Quelles sont les configurations de ces conflits
fonciers à Sinfra ?
15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à
Sinfra ?
16. Quels sont les critères de choix de
l'héritier des terres familiales ?
17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?
18. Quelles sont les conséquences :
Pour les peuples sédentaires ?
Pour le Département ?
Pour la Côte d'Ivoire ?
US 3 : Mécanismes de gestion
|
19. Quels sont les modes de gestion des conflits
fonciers ?
20. Quels sont les acteurs ?
21. Quelles en sont les procédures ?
Au niveau des chefs traditionnels ?
Au niveau des acteurs de l'administration locale ?
22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles
satisfaction aux populations ?
Oui
Non
Pourquoi ?
23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée
dans les relations entre ruraux ?
Oui
Non
Pourquoi ?
24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne
Par semaine ?
Par mois ?
Par année ?
US 3 : Facteurs liés à la
fréquence des conflits fonciers
|
23. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les
conflits fonciers à Sinfra ?
24. Pensez- vous qu'il y a des obstacles à la
gestion des conflits fonciers à Sinfra ?
Si Oui, Lesquels ?
25. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion
des conflits fonciers à Sinfra ?
26. Que proposez-vous pour réduire ces conflits
fonciers à Sinfra ?
27. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers
à Sinfra, il faut prendre en compte l'Etat, les partenaires du
développement local et ruraux ?
Expliquez ?
Questionnaire adressé aux magistrats du TPI
|
Identification de l'enquêté
|
Noms et prénoms :
Age :
Statut professionnel :
Lieu d'habitation :
Autochtone ou allochtone :
US 1 Présentation de la
localité
|
1. Quelle est l'origine de Sinfra ?
2. Quelles sont les différentes phases du regroupement
des populations à Sinfra ?
3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa
distance relativement aux départements environnants et aux grandes
agglomérations du pays ?
4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?
5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?
6. Quelles sont les activités principales de peuples
vivants à sinfra ?
7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants
allochtones ?
8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants
allochtones ?
9. Les modalités d'octroi ont-elles
changé ?
Oui
Non
Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?
US 2 Description des conflits fonciers
|
10. Quels sont les types de conflits fonciers à
Sinfra ?
11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés
dans ces conflits fonciers à Sinfra ?
12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?
13. Quel est le processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra ?
14. Quelles sont les configurations de ces conflits
fonciers à Sinfra ?
15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à
Sinfra ?
16. Quels sont les critères de choix de
l'héritier des terres familiales ?
17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?
18. Quelles sont les conséquences :
Pour les peuples sédentaires ?
Pour le Département ?
Pour la Côte d'Ivoire ?
US 3 Organisation et fonctionnement du TPI
|
19. Comment le TPI est-il organisé ?
20. Comment fonctionne le TPI de Sinfra en matière de
gestion des conflits fonciers ?
21. Comment intervient-il en la matière ?
22. Quelle est la procédure de règlement des
conflits fonciers ?
23. De quel ordre relève les conflits
fonciers ?
Civil
Pénal
Autre à préciser
24. Le tribunal fonctionne-t-il différemment selon que
l'on se situe dans le cadre civil ou pénal ?
25. Comment agissez-vous lorsque deux individus
réclament la paternité d'un espace dans le terroir de
Sinfra ?
26. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles
satisfaction aux populations ?
Oui
Non
Pourquoi ?
27. Etes-vous quelques confrontés à des
pressions d'hommes politiques dans le cadre des décisions de justice?
Oui
Non
Si oui. Pourquoi ?
28. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne
Par semaine ?
Par mois ?
Par année ?
Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les conflits
fonciers à Sinfra ?
29. Pensez- vous qu'il y a des obstacles à la
gestion des conflits fonciers à Sinfra ?
Si Oui, Lesquels ?
30. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion
des conflits fonciers à Sinfra ?
31. Que proposez-vous pour réduire ces conflits
fonciers à Sinfra ?
32. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers
à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du
développement local et ruraux ?
Expliquez ?
Questionnaire adressé aux élus
locaux
|
Identification de l'enquêté
|
Noms et prénoms :
Age :
Statut professionnel :
Lieu d'habitation :
Autochtone ou allochtone :
US 1 : Présentation de la
localité
|
1. Quelle est l'origine de Sinfra ?
2. Quelles sont les différentes phases du regroupement
des populations à Sinfra ?
3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa
distance relativement aux départements environnants et aux grandes
agglomérations du pays ?
4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?
5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?
6. Quelles sont les activités principales de peuples
vivants à sinfra ?
7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants
allochtones ?
8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants
allochtones ?
9. Les modalités d'octroi ont-elles
changé ?
Oui
Non
Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?
Expliquez ?
US 2 : Description des conflits
fonciers
|
10. Quels sont les types de conflits fonciers à
Sinfra ?
11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés
dans ces conflits fonciers à Sinfra ?
12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?
13. Quel est le processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra ?
14. Quelles sont les configurations de ces conflits
fonciers à Sinfra ?
15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à
Sinfra ?
16. Quels sont les critères de choix de
l'héritier des terres familiales ?
17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?
18. Quelles sont les conséquences :
Pour les peuples sédentaires ?
Pour le Département ?
Pour la Côte d'Ivoire ?
US 3 : Modes de gestion des conflits
fonciers
|
19. Quels sont les modes de gestion des conflits
fonciers ?
20. Quels sont les acteurs ?
21. Quelles en sont les procédures ?
Au niveau des chefs traditionnels ?
Au niveau des acteurs de l'administration locale ?
22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles
satisfaction aux populations ?
Oui
Non
Pourquoi ?
23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée
dans les relations entre ruraux ?
Oui
Non
Pourquoi ?
24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne
Par semaine ?
Par mois ?
Par année ?
US 4 : Facteurs explicatifs des conflits fonciers
et des obstacles à la gestion
|
25. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les
conflits fonciers à Sinfra ?
26. Pensez- vous qu'il y a des obstacles à la
gestion des conflits fonciers à Sinfra ?
27. Pensez- vous qu'il existe un lien entre les obstacles
à la gestion et les conflits fonciers à Sinfra ?
28. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la pression
démographique et les conflits fonciers dans le département de
Sinfra ?
29. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la consolidation
clanique des espaces fonciers familiaux et les conflits fonciers dans le
département de Sinfra ?
30. Pensez-vous qu'il existe un lien entre l'implication des
acteurs institutionnels et les conflits fonciers dans le département de
Sinfra ?
31. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion
des conflits fonciers à Sinfra ?
32. Que proposez-vous pour réduire ces conflits
fonciers à Sinfra ?
33. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers
à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du
développement local et les ruraux ?
Expliquez ?
Questionnaire adressé aux ruraux
|
Identification de l'enquêté
|
Noms et prénoms :
Age :
Statut professionnel :
Lieu d'habitation :
Autochtone ou allochtone :
US 1 : Présentation de la
localité
|
1. Quelle est l'origine de Sinfra ?
2. Quelles sont les différentes phases du regroupement
des populations à Sinfra ?
3. Quelle est la superficie de Sinfra et quelle est sa
distance relativement aux départements environnants et aux grandes
agglomérations du pays ?
4. Quels sont les peuples majoritaires à Sinfra ?
5. quels sont les peuples minoritaires à Sinfra ?
6. Quelles sont les activités principales de peuples
vivants à sinfra ?
7. Comment se faisait l'accueil des premiers migrants
allochtones ?
8. Comment s'octroyait les terres aux premiers migrants
allochtones ?
9. Les modalités d'octroi ont-elles
changé ?
Oui
Non
Si oui, quelles sont les nouvelles modalités ?
Expliquez ?
US 2 : Description des conflits
fonciers
|
10. Quels sont les types de conflits fonciers à
Sinfra ?
11. Quels sont les moyens fréquemment utilisés
dans ces conflits fonciers à Sinfra ?
12. Quels sont les lieux de ces conflits fonciers ?
13. Quel est le processus de
dégénérescence des conflits fonciers à
Sinfra ?
14. Quelles sont les configurations de ces conflits
fonciers à Sinfra ?
15. Quels sont les acteurs des conflits fonciers à
Sinfra ?
16. Quels sont les critères de choix de
l'héritier des terres familiales ?
17. Quels sont ces pouvoirs et limites ?
18. Quelles sont les conséquences :
Pour les peuples sédentaires ?
Pour le Département ?
Pour la Côte d'Ivoire ?
US 3 : Modes de gestion des conflits
fonciers
|
19. Quels sont les modes de gestion des conflits
fonciers ?
20. Quels sont les acteurs ?
21. Quelles en sont les procédures ?
Au niveau des chefs traditionnels ?
Au niveau des acteurs de l'administration locale ?
22. Pensez-vous que ces procédures donnent-elles
satisfaction aux populations ?
Oui
Non
Pourquoi ?
23. Pensez-vous que la politique s'est ingérée
dans les relations entre ruraux ?
Oui
Non
Pourquoi ?
24. Combien de conflits fonciers gérez-vous en moyenne
Par semaine ?
Par mois ?
Par année ?
US 4 : Facteurs explicatifs des conflits fonciers
et des obstacles à la gestion
|
25. Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent les
conflits fonciers à Sinfra ?
26. Pensez- vous qu'il y a des obstacles à la
gestion des conflits fonciers à Sinfra ?
27. Pensez- vous qu'il existe un lien entre les obstacles
à la gestion et les conflits fonciers à Sinfra ?
28. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la pression
démographique et les conflits fonciers dans le département de
Sinfra ?
29. Pensez-vous qu'il existe un lien entre la consolidation
clanique des espaces fonciers familiaux et les conflits fonciers dans le
département de Sinfra ?
30. Pensez-vous qu'il existe un lien entre l'implication des
acteurs institutionnels et les conflits fonciers dans le département de
Sinfra ?
31. Qu'est-ce qui expliquent ces obstacles à la gestion
des conflits fonciers à Sinfra ?
32. Que proposez-vous pour réduire ces conflits
fonciers à Sinfra ?
33. Pensez- vous que pour réduire les conflits fonciers
à Sinfra, il faut prendre les en compte l'Etat, les partenaires du
développement local et les ruraux ?
Expliquez ?
ANNEXE 5 :
ARTICLE
Année
Académique 2016-2017
VENTES ILLICITES DE TERRES ET
CONFLITS INTRAFAMILIAUX DANS LA TRIBU SIAN
KANA Jean Noel Pacôme
Doctorant en Criminologie, option : sociologie
criminelle
Université Felix Houphouët Boigny d'Abidjan
Pacomekana@gmail.com
08.66.34.11
45.94.46.63
Résumé : Cette
étude vise à rechercher le lien entre ventes illicites des terres
et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian. Elle s'appuie sur la
théorie de l'acteur de Blumer (1969) qui postule que pour comprendre le
comportement humain (relations foncières conflictuelles), il faut
recourir à la signification que les personnes donnent aux choses (terre)
et à leurs actions (ventes illicites).
Cette enquête a été effectuée
auprès d'une population de 190 individus repartis selon les
catégories (autorités coutumières, administratives,
pénales et ruraux et cultivateurs) dans les 16 villages que constitue la
tribu Sian. L'usage des techniques telles que l'observation et les
différents entretiens, a permis de répondre aux questionnements
de l'étude.
Au demeurant, les données issues du terrain ont permis
de noter que d'une part, les héritiers désignés des
terres familiales disposent de nombreux pouvoirs familiaux dont ils abusent
pour brader les terres familiales aux allochtones. D'autre part, que les
autres membres de la famille, frustrés par ces ventes illicites, bradent
à leur tour, les portions restantes ou le cas échéant,
revendiquent par des moyens physiques et mystiques leur part d'héritage
foncier.
MOTS CLES : vente - illicite - terre -
conflit - intrafamilial
Abstract: This study aims to investigate the
link between illegal land sales and intra-family conflicts in the Sian tribe.
It is based on the theory of the actor of Blumer (1969) who postulates that in
order to understand human behavior (conflicting land relationships) one must
resort to the meaning that people give to things (earth) and to their actions
Sales).
This survey was carried out among a population of 190
individuals divided into categories (customary, administrative, criminal and
rural authorities and farmers) in the 16 villages of the Sian tribe. The use of
techniques such as observation and the various interviews, allowed to answer
the questions of the study.
On the other hand, data from the field made it possible to
note that, on the one hand, designated heirs of family land have many family
powers which they abuse to sell off family land to non-natives. On the other
hand, other members of the family, frustrated by these illicit sales, brave in
their turn, the remaining portions or, if need be, claim their share of land
inheritance by physical and mystical means.
KEY WORDS: sale - illicit - land - conflict -
intrafamilial
I. Introduction
Les mouvements migratoires constituent un sujet d'étude
central qui veut comprendre les logiques de développement du monde rural
(Merabet, 2006).
Ainsi, longtemps considérée comme le
« moteur » de l'économie ouest-Africaine,
la Côte d'Ivoire a orienté dès son accession à
l'indépendance, sa politique socio-économique sur l'exploitation
forestière et la production agricole avec un accent particulier sur les
cultures de rentes telles que le café et le cacao (Club UA-CI, 2010),
favorisant ainsi des vagues d'immigration externe des populations vers les
zones forestières dans le but de construire un Etat moderne (Gnabeli,
2007). Cette ruée vers les terres nationales va créer une
certaine anarchie dans l'occupation des parcelles et générer des
conflits entre exploitants ruraux (Merabet, 2006; Gausset, 2008).
Dans cet esprit, de nombreuses populations vont
déserter leur zone d'occupation au profit de zones plus fertiles et
moins engorgées du sud-ouest (Club UA-CI, 2010) telles que Sinfra. La
terre dans cette localité constitue désormais un enjeu
économique, social et politique notable (Lasserve et Le Roy, 2012) pour
les autochtones et les migrants si bien que l'installation des allochtones, les
procédures d'octroi et de vente des terres s'est effectué selon
des procédures variantes et mitigées (Deluz, 1965 ;
Meillassoux, 1964). Ces transactions élaborées entre les
autochtones gouro et les allochtones s'effectuaient de gré à
gré ou figuraient sur des « petits
papiers » sous forme de marchandisations imparfaites (Chauveau,
1997 ; Lavigne, 1998). Cette forme d'octroi des terres à ces
premiers migrants, a provoqué des vagues de migrations croissantes de
nouveaux allochtones cherchant des terres fertiles pour l'amélioration
de leur condition de vie (Gausset, 2008 ; Kouamé, 2013).
Relativement, la localité de Sinfra a été
confrontée à de fortes pressions anthropiques (Zadou, Kone,
Kouassi, Adou, Gleanou, Kablan, Coulibaly et Ibo, 2011) et se présente
comme un lieu de tensions, de conflits entre parents et enfants, entre
aînés et cadets dans la gestion des terres familiales (Bologo,
2006) fortement recherchées par ces allochtones. Les autochtones y
seraient de plus en plus enclin à des ventes illicites des espaces
familiaux au profit de ces nouveaux migrants allochtones et
simultanément procèderaient à des retraits
systématiques des terres que leurs parents avaient cédées
aux allochtones (Ibo, 2005). C'est cette question qui sera au centre de notre
préoccupation dans cet article.
Il s'agit de rechercher et comprendre le lien qui existe
entre les ventes illicites des parcelles dans la tribu Sian et les conflits
fonciers intrafamiliaux. A cet objectif, nous postulons en amont qu'il existe
une relation causale entre ventes illicites des terres et les conflits
intrafamiliaux dans la tribu Sian.
La théorie de l'acteur de Blumer semble répondre
aux besoins de cette recherche. En effet, pour Blumer (1969), le comportement
humain ne peut se comprendre et s'expliquer qu'en relation avec les
significations que les personnes donnent aux choses et à leurs actions.
Partant de là, la signification des actions de ventes illicites des
terres familiales à Sinfra aurait une signification différente
pour l'acteur agissant, l'acteur subissant ou l'observateur parce qu'elle
s'enracinerait dans une situation unique et individuelle avec les effets de
subjectivité dans l'appréciation des situations. On ne pourra
donc comprendre la question des ventes illicites de terres et les
revendications sous forme violente au sein de l'institution familiale à
Sinfra, que par la recherche de la signification que d'une part la terre
représente pour les uns et d'autre part, que les ventes illicites des
terres familiales représentent pour les autres.
Quelle relation existe-t-elle entre ventes illicites des
terres et conflits intrafamiliaux dans la tribu Sian ? A cette question
principale, découlent des questions secondaires : Qui hérite
des terres familiales ? Quelle est la marge d'exercice de son
autorité au sein de la structure familiale ? Quelles sont les
configurations de ces ventes illicites ?.
Ce travail s'articulera donc autour d'une approche
explicative de la gestion des terres familiales et des ces conflits au sein de
l'institution familiale.
Cette contribution sera organisée autour des points
suivants : pouvoirs et limites de l'héritier des terres (1), types
de ventes illicites (2), processus de vente (3) et les moyens de revendication
utilisés par les autres membres de la famille (4).
II. Méthodologie
v Site et participants
Le cadre choisi pour abriter cette recherche est la tribu
Sian. Elle s'étend, comme la sous-préfecture de Sinfra sur une
superficie de plus de 1500 km2 et est limitée dans la partie
Nord par le Département de Bouaflé, au sud par les
départements d'Oumé et de Gagnoa, à l'est par le district
de Yamoussoukro et à l'ouest par le département d'Issia (BNETD
2005).
Centre-ville du département de Sinfra, cette tribu a
connu une croissance démographique assez rapide. Ainsi, de 67. 789
habitants en 1975, cette population est passée à 120.301
habitants en 1988, à 170.015 habitants en 1998 et à
186 .864 habitants en 2001(INS, 2003). La population locale est
majoritairement jeune et hétérogène constituée
d'autochtones « kwênins », d'allochtones et
des ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest.
L'enquête a été menée auprès
d'un échantillon de 190 individus repartis dans les 16 villages que
constitue la tribu Sian. Cet échantillon a été
regroupé en deux catégories sociales :
ï Catégorie 1 : autorités
coutumières, administratives et pénales
ï Catégorie 2 : ruraux et cultivateurs
Le choix de ces catégories d'enquête s'est
effectué tantôt de façon raisonnée (autorités
administratives et autorités coutumières), tantôt de
façon accidentel (ruraux, cultivateurs).
v Instruments de recueil des
données
Trois instruments ont été
exploités : la documentation, l'observation et les
différents entretiens (entretien individuel et groupes focaux) pour
recueillir les données du terrain.
Dans la documentation, nous avons effectué une
recension des contributions antérieures à l'effet d'avoir une
vue générale et claire sur notre objet d'étude.
Au niveau de l'observation, nous avons dans un premier temps
suivi le déroulement des ventes clandestines des espaces familiaux et
dans un second temps, les moyens utilisés par les membres des familles
pour revendiquer leur droit de propriété foncière.
Enfin, des entretiens individuels et focus group
effectués auprès des héritiers des terres et des membres
des familles ont permis d'obtenir des données sur le mode de gestion de
l'héritage foncier familial, les corruptions et tentatives de
corruptions récurrentes dont font l'objet l'héritier et les
impacts négatifs des ventes illicites sur le tissu familial.
v Méthodes d'analyse des
données
L'étude s'est appuyée sur deux méthodes
d'analyse des données : Analyses quantitative et qualitative.
Au niveau quantitatif, les données issues du terrain
ont permis de dresser un tableau de distribution statistique de type
descriptif.
Au niveau qualitatif, les méthodes
phénoménologique et culturaliste ont été
privilégiées pour mettre l'emphase à la fois sur
l'expérience vécue par les participants à
l'enquête et surl'analyse du système culturel de la tribu
« Sian » (mode de désignation de
l'héritier, transmission de l'héritage culturel, ...).
III. Résultats
Les résultats s'articulent autour de quatre axes : les
pouvoirs et limites de l'héritier des terres familiales (1), la
typologie des ventes illicites (2), le processus de vente (3) et les moyens
utilisés par les membres de la famille pour revendiquer leur droit de
propriété foncière à l'héritier (4).
1. Héritier des terres familiales : pouvoirs
et limites
La gestion des terres familiales s'effectue par le biais d'un
héritier (cultivateur, rassembleur et honnête) dont les
compétences s'apparentent certes à celle d'un véritable
chef de famille, mais aussi qui dispose de pouvoirs discrétionnaires qui
s'étendent au niveau de la gestion du patrimoine foncier familial.
En effet, selon l'enquêté B. de Djamandji (46
ans, planteur ; entretien effectué en Mai, 2016)
« Pour désigner un successeur dans la gestion des terres de la
famille dans nos coutumes ici, celui qui est choisi doit être quelqu'un
qui s'investit beaucoup dans les travaux du champ, un rassembleur des membres
de la famille et un homme honnête dans la gestion des
terres ». Autrement, la désignation du successeur des
biens fonciers familiaux dans les contrées rurales de Sinfra s'effectue
en faveur d'un membre utérin (oncle, cousin, ainé ou cadet) ayant
en amont fait ses preuves dans les activités champêtres.Ceci
suppose une certaine omniprésence dans les activités
champêtres, matérialisée par la possession de cultures de
rente (café, cacao). Outre ce fait, il doit veiller à
l'homogénéité des membres pour éviter les effets de
dispersion liés à l'indigence alimentaire et financière
caractéristique du monde rural ivoirien. Par ailleurs, il doit
rétablir ou préserver le cadre familial d'échange
(réunions hebdomadaires, mensuelles et situationnelles) et circonscrire
ses actions dans la préservation de l'unité familiale, condition
indispensable pour éviter les conflits internes dont la
dégénérescence pourrait désagréger le tissu
familial.
A cette responsabilité, se greffe la nécessite
pour le nouvel héritier d'être honnête vis-à-vis des
autres membres de la famille. Ceci suppose que le successeur des terres
familiales ne doit en aucun cas brader les terres et concomitamment,
empêcher que les autres membres (frères, cousins, oncles) vendent
aussi les terres quel que soit la difficulté sociale ou
financière à laquelle ils sont confrontés.
Les enquêtes révèlent que, le nouveau
concessionnaire des terres familiales dispose d'un pouvoir
discrétionnaire quant à la mise en valeur collective des terres,
au partage, à la mise en jachère ou en
« zépa ». Autrement, c'est à lui que
revient la décision du partage des terres qui s'élabore selon
l'âge, les liens utérins avec le défunt donateur ou la
disponibilité dans les travaux champêtres, la culture collective
ou le « zépa » (forme de remise d'une
portion de terre à un allochtone en vue d'en faire un champ productif de
culture de rente et à rémunéré l'allochtone au 1/3
de l'espace cultivé).
Dès lors, le nouvel héritier assumerait les
mêmes responsabilités et bénéficierait des
mêmes privilèges que le père donateur ; plus loin, ce
nouvel acquéreur disposerait de pouvoirs pluriels caractérisant
sa position hégémonique au sein de l'institution familiale.
Celui-ci aurait droit à une part des récoltes des autres membres
de la famille et de l'hôte (zépa) ; mieux ceux-ci seraient
contraints de lui verser des prémices de leurs récoltes sous
peine de stigmatisation et de privation future de nourriture pendant les
moments de disette (klata) ou encore de rupture de contrat de zépa.
Toutefois, selon un enquêté (K., 51 ans,
cultivateur à Blontifla), les pouvoirs du nouvel héritier
connaissent des limites et ceux-ci se particularisent à travers la
disposition unilatérale des terres familiales, au bradage et à
des prises de décisions sans consultation préalable des membres
de la famille. A ce sujet, il affirme « Mon fils, quand un
père désigne un de ses fils pour le succéder, il ne doit
jamais vendre les terres, il doit les garder, les partager à ses
frères (frères de sang et cousins) et ses papas (oncles). Parce
que s'il gère mal et vend les terres à cause de problème
qui ne finit jamais, nous, on va encourager et aider ses parents à
prendre leurs terres et il va rembourser l'argent qu'il a pris avec
eux ». Ces propos recueillis auprès de cet
enquêté montrent que celui qui hérite des terres familiales
doit en faire bon usage (partage aux ayants droits, culture d'ensemble ou
jachère). Il ne doit en aucun cas les vendre, encore moins les mettre
en gage personnellement pour des besoins financiers. Ses actions doivent se
circonscrire dans la préservation de ce patrimoine familial en vue d'un
profit collectif.
2. Typologie de ventes illicites
2.1. Ventes clandestines
Pour certains enquêtés de Blontifla à
l'image de S. (45 ans, élu gouro), « Le principe
fondamental du système foncier traditionnel
« kwênin » était que tout individu membre de
la collectivité villageoise ait accès à la terre, afin de
pouvoir assurer sa subsistance et celle de sa famille ».
Autrefois, le système rural à Sinfra était marqué
par la faible densité démographique, une abondance de terres et
le caractère largement autocentré et non monétarisé
du bien foncier. Souvent purement formel pour les habitants du village ou les
membres du lignage, le pouvoir de contrôle de l'autorité
foncière autochtone devenait effectif vis-à-vis des
étrangers au village. Pour un étranger à la
communauté, l'accès à la terre dans le cadre du
système coutumier traditionnel s'apparentait à une
dépendance caractéristique d'un processus plus large
d'intégration à cette communauté, à travers une
relation de tutorat. Cette relation était censée
perpétuer la relation uniquement verticale entre ces acteurs :
patron (autochtone) et subordonné (migrant) auquel des droits sur la
terre sont délégués sous un principe d'économie
morale qui se matérialise par des civilités, des actes de
reconnaissance envers le tuteur.
L'intégration des communautés villageoises
à l'économie de marché depuis quelques décennies
à Sinfra, s'est traduite par l'introduction, dans les systèmes de
culture du département de Sinfra, de spéculations arbustives
(caféier, cacaoyer et aujourd'hui l'hévéaculture) qui,
à la différence des cultures vivrières, occupent le sol
pendant de nombreuses années consécutives. La demande en terre,
devenue source de valeurs marchandes, a considérablement augmenté
sous les effets conjugués de la croissance démographique et
l'intéressement supplémentaire de cette constellation d'acteurs
nécessiteux, du fait des perspectives de gain procurées par
l'usage de la terre dans les contrées rurales de Sinfra. Pour les
nouveaux venus, l'accès à la terre s'est manifesté sous
forme d'attribution d'un droit de culture sur forêt noire ou sur friche,
par l'achat de forêt ou encore par l'achat d'une plantation à un
planteur allochtone ou allogène quittant la région. Cet
accès a été largement tributaire de l'hospitalité
du peuple tuteur, des prédispositions mystiques, de la prophylaxie
occulte des migrants et de la volonté des autochtones à se
conformer aux principes culturels ancestraux.
Aujourd'hui, cette propension au respect des normes
culturelles et des liens amicaux de type dépendantiste tendent à
laisser place à des actions de ventes des terres personnelles, mieux
à des ventes illicites de terres familiales. En effet, cette pratique
assez fréquente dans la région consiste à des
marchandisations imparfaites, occultes de l'héritage foncier par
certains membres de structure familiale, qui, usant de leur situation
d'hégémonie familiale, vendent des portions de terre à des
particuliers allochtones ou même non-ivoiriens. La plupart de ces
transactions s'élaborent seulement sur la base de conventions de ventes
sans certification par les autorités locales. Très peu de ces
« arrangements » font l'objet d'acte
notarié ou de certificat foncier comme l'exige la loi foncière
(Art 12 et 14 de la loi n° 98-750 du 23 Décembre 1998). Ces transactions
sont souvent arrangées par des intermédiaires locaux. Ils ont une
certaine facilité de négociation et ont des liens assez
étroits avec les paysans car, natifs de la communauté. Les
paysans, pour la majorité, analphabètes font l'objet dans
certains cas de harcèlements par des propositions d'achats quotidiens.
Ces intermédiaires font recours à de fausses promesses et des
artifices tels que les fausses rumeurs d'expropriation de leurs terres
prévues par l'Etat ; et le tout, dans le but de convaincre de
nombreux paysans de vendre leurs parcelles.
Dans ces conditions, tandis l'intermédiaire
reçoit de commission de part et d'autre des acteurs de la transaction,
les autochtones « vendeurs » justifient leurs
gestes par la faiblesse des moyens économiques. Autrement, par le
besoin d'améliorer leurs conditions financières afin de subvenir
à leurs besoins sociaux de base ou encore par la survenance de
problèmes sociaux qui nécessitent une urgence
réactionnelle tels que des cas de maladies graves, le
décès d'un parent direct ou les parents de son épouse, ou
encore compenser une dette afin d' éviter les effets de
déshonneur.
Dès lors, les ventes illicites des terres familiales
observées avec beaucoup d'acuité dans les contrées rurales
de Sinfra, ressemblent plutôt à bradage qu'à une affaire
économique pour ceux qui ont le droit d'hériter (oncles,
ainés) au sein de l'institution familiale.
2.2. Multiples cessions
Les enquêtes effectuées dans la zone
d'étude révèlent que la majorité des terres de la
tribu Sian font régulièrement l'objet de cessions multiples
à divers allochtones par les détenteurs de l'héritage
familial. De ce fait, les cadets (citadins, déscolarisés,
aventuriers) essaient de bouleverser l'ordre établi par leurs
ainés ou oncles en se positionnant au coeur du débat foncier
familial ou lignager. Dans de nombreux cas, ils rejettent tous contrats
établis sans l'accord familial et réclament des attestations
d'achats aux allochtones exerçant sur des parcelles
« achetées ».
Après de fréquentes vérifications des
contrats passés, il s'en suit des expropriations ou des tentatives
d'expropriations violentes ou pas, des appropriations de terres soit à
des fins de nouvelles ventes ou d'usage. En effet, même si les jeunes de
Sinfra s'approprient les terres anciennement vendues aux allochtones,
l'objectif ne paraît pas nécessairement l'utilisation
agricole ; ces évictions foncières traduisent le plus
souvent la volonté d'une seconde vente des terres consolidées,
à des prix plus élevés. On assiste alors à un
effritement de la structure familiale caractérisé par
l'ignorantisme du cadre de discussion familial, des remises en cause de la
hiérarchie familiale, des ventes plurielles des espaces familiaux,
l'élaboration de contrats occultes de vente, des ventes
simultanées de la même parcelle. En un mot, l'institution
familiale se désagrège et apparaît comme le
théâtre où chaque membre de la famille vend des parcelles
pour son profit personnel.
A titre illustratif, nous pouvons évoquer le cas d'une
autochtone de Digliblanfla (Philomène) qui a assisté à la
vente de la quasi-totalité des portions familiales par ses frères
(Claude, Joachim) et dont l'unique justificatif était l'indigence
économique. Ainsi, toutes ces cessions ont été
effectuées sans un retour réflexif sur la situation
foncière de leur frère cadet, venu à l'aventure à
Abidjan.
De retour au village en raison de la difficile
intégration professionnelle dans cette agglomération, Roger s'est
vu dépossédé de toute portion pouvant l'objet d'usage
agricole. Toutefois, tandis que celui-ci tentait par des voies
coutumières et administratives, de récupérer certains
espaces, les allochtones qui ont acheté ces terres, venaient
massivement porter plaintes pour double ou triple cession.
3. Processus de vente
Le processus de ventes illicites des terres familiales
s'effectue selon B. (64 ans, planteur à Béliata) à travers
« des arrangements entre un propriétaire de terre et un
payeur suivis de leurs témoins. Ces arrangements se font assez
rapidement puisque les autres ne doivent pas savoir que leur frère
est entrain de vendre une partie de leur terre». Autrement, les
transactions illicites des terres dans la majorité des contrées
de la tribu Sian, répond à une procédure non
séquentielle, mais hâtive en dehors de tout contexte légal
supposant l'inclusion d'un notaire, des parents proches et de la chefferie
traditionnelle. Ces ventes élaborées souvent dans la
précipitation, engendrent quelques fois des litiges dans la
délimitation de la parcelle ayant fait l'objet de vente, dans
l'élaboration d'un papier servant de base textuelle à la vente et
dans le processus d'après achat.
Schématiquement, le processus de vente pourrait
s'apparenter à la figure suivante :
FIGURE 1 : Processus de vente de terres
familiales
Acheteur : allochtone
Vendeur : autochtone
Terre
Témoin de l'acheteur
Témoin du vendeur
SOURCE : Terrain
4. Revendication foncière des ayants
droits
4.1. Usage de moyens physiques et mystiques
Les investigations sur le terrain d'étude ont
révélé que dans l'ensemble des contrées de la zone
d'étude, de nombreux moyens physiques et mystiques étaient
utilisés par les membres de la famille lors des litiges de terre.
Ainsi, dans le village Tricata, Z. (43 ans, planteur) affirme
que « les litiges de terre à l'intérieur des
familles sont réguliers ici et les moyens utilisés par les
frères sont aussi dangereux les uns que les autres. On peut souvent voir
l'utilisation d'armes blanches telles que les machettes qui sont nos outils de
travail, mais aussi, des fusils de chasse calibre 12 et des flèches
traditionnellement empoisonnées ».
Partant de là, il apparait que ces membres de la
famille qui associent à la fois armes blanches, fusils de chasse et
flèches empoisonnées lors des litiges fonciers, utilisent tout ce
qui leur tombe sous la main en vue d'affaiblir et générer une
certaine peur chez leurs parents en vue d'abandonner la terre à leur
profit. Ces conflits dans leur déroulement, traduisent par ailleurs une
absence de règlementation coutumière et administrative quant aux
moyens de défense homologués en matière intrafamiliale. La
majorité des familles de la tribu Sian, se présentent de ce fait
comme le théâtre où tous les moyens sont
recommandés dans les litiges pour affaiblir la résistance de
l'autre. Il est aussi à remarquer dans ces propos, une
dysproportionnalité au niveau des armes utilisées par les uns et
les autres lors de ces litiges. Ainsi, tandis certains ruraux utilisent des
armes blanches, d'autres peuvent riposter avec des armes à feu
ou des flèches empoisonnées.
A côté de ces moyens matériels, s'ajoutent
des moyens mystiques fréquemment utilisés par les
belligérants dans l'arène familiale. Il s'agirait
généralement pour ces enquêtés, de coquilles
d'escargot, de petites bouteilles ou même des canaris dans lesquels
certains membres des familles font une mixture ou un cocktail
d'ingrédients mystiques censés investis de puissances ou de
forces issues de divinités. Ces fétiches sont exposés de
façon ostentatoire devant la chambre, le champ ou la cuisine des autres
membres de la famille en vue de déclencher un sentiment de peur chez
et de les faire plier si cela ne l'était déjà,
physiquement.
Ainsi, depuis un certain temps, les acteurs semblent avoir
pris goût à cette pratique de sorte qu'avant ou pendant ces
litiges fonciers intrafamiliaux, on note une course, un empressement de cette
pléiade d'acteurs en conflit vers ces féticheurs en vue de
solliciter leur appui mystique.
Dès lors, de nombreux cas de décès sont
enregistrés au quotidien dans la sphère familiale, créant
ainsi une méfiance généralisée des uns envers les
autres et une désagrégation du tissu familial.
Relativement aux moyens physiques et mystiques
utilisés, la chefferie de la tribu affirme avoir enregistré
durant l'intervalle de Mars 2015 à Mars 2016, 83 conflits intrafamiliaux
sur l'ensemble des 16 villages de la tribu. Ces résultats sont
consignés dans le tableau ci-dessous :
TABLEAU 1 : Moyens utilisés lors des
conflits
Villages
|
Moyens physiques
|
Moyens mystiques
|
Blontifla
|
04 44,44%
|
05 55,55%
|
Douafla
|
05 62,50%
|
03 7,50%
|
Proniani
|
03 75,00%
|
01 25,00%
|
Benhuafla
|
01 50,00%
|
01 50,00%
|
Béliata
|
03 37,50%
|
05 62,50%
|
Digliblanfla
|
04 44,44%
|
05 55,55%
|
Bègoneta
|
03 42,85%
|
04 57,14%
|
Kouétinfla
|
06 42,85%
|
08 57,14%
|
Manoufla
|
01 33,33%
|
02 66,66%
|
Barata
|
01 50,50%
|
01 50,50%
|
Tricata
|
02 66,66%
|
01 33,33%
|
Bérita
|
01 33,33%
|
02 66,66%
|
Dégbesséré
|
00 00,00%
|
02 100%
|
Proziblanfla
|
00 00,00%
|
01 100%
|
Koizra
|
01 100%
|
00 00,00%
|
Koblata
|
03 42,85%
|
04 57,14%
|
Total
|
38 45,78%
|
45 54,21%
|
SOURCE : Terrain
Il ressort de ce tableau que les villages Blontifla (07
conflits), Douafla (08 conflits), Béliata (08 conflits), Digliblanfla
(09 conflits), Bègoneta (07 conflits), Kouétinfla (14 conflits)
et Koblata (07 conflits) ont enregistré plus de conflits intrafamiliaux
que les autres villages de la tribu Sian. Cela s'explique par le fait que ces
villages sont pour la plupart regroupés dans les alentours du
centre-ville où cette constellation d'allochtones au pouvoir d'achat
remarquable, vivent. Ainsi, les « kwênins »
de ces villages restent plus exposés à des risques de corruption
active des allochtones, en quête d'espaces de culture et de ventes
clandestines des espaces familiaux.
De plus, le taux relativement élevé de moyens
mystiques (54,21%) par rapport aux moyens physiques (45,78%) se traduit par le
fait que les « kwênins » qui, pour la
majorité sont animistes, restent profondément attachés aux
rituels, à l'invocation d'ancêtres et à la sollicitation
fréquente des mystiques qui errent dans ces contrées
villageoises. Cette course vers ces mystiques parait si ancrée dans les
pratiques gouro qu'en cas de conflit au sein de l'institution familiale, on
note un empressement des membres de la famille vers ces mystiques, pour
solliciter leur appui à divers égards. De ce fait, de nombreux
individus de la même famille se voient quelques fois, solliciter
l'intervention du même mystique dans le cadre d'un même conflit
familial.
4.2. Expropriation des allochtones
Le contexte rural de Sinfra, marqué par un antagonisme
permanent autochto-allochtones, est certes imputé à une
croissance démographique accélérée et une
rareté des terres cultivable, mais aussi et surtout à un clivage
identitaire et une difficile cohabitation entre ces peuples au profil
distinct.
En effet, 90% des enquêtés révèlent
que les vagues croissantes de migrations allochtones à Sinfra,
l'hospitalité de ce peuple tuteur, l'octroi incontrôlé des
terres à ces allochtones, loin de favoriser l'établissement de
relations amicales durables et une solidarité organique comme le
souhaiteraient certains ruraux, ont catalysé l'émergence d'un
climat conflictuel caractérisé par la méfiance, les
divergences foncières et des résurgences identitaires.
Ainsi, tandis que les allochtones de la localité
essaient de s'approprier le maximum d'espaces par des méthodes
plurielles (achat, tutorat, métayage), les autochtones, eux aussi,
tentent des appropriations massives de parcelles autrefois octroyées aux
allochtones. De ce fait, ils procèdent par des examens et
réexamens de ces contrats en vue de débusquer des
incohérences, des imprécisions pouvant constituer des
prétextes suffisants pour redéfinir le contrat ou le cas
échéant, exproprier les allochtones de ces domaines. Ces contrats
qui figurent pour la plupart sur des « petits
papiers » sont souvent égarés, mal
conservés ou encore imprécis, occasionnant une satisfaction des
autochtones gouro qui peuvent intenter de nouvelles ventes de ces parcelles ou
encore les conserver à leur usage personnel. Ainsi, pris au
« piège » de la minorité ethnique et
communautaire, certains allochtones se voient racheter leurs propres terres ou
expropriés selon des méthodes pacifiques ou violentes. On assiste
donc à un climat dualiste entre ces peuples, dans un environnement
où chacun cherche à étendre son réseau de relations
sociales. Cette dualité, ces contradictions foncières, se
soldent fréquemment par des menaces d'exclusion, des harcèlements
permanents des allochtones sur la probabilité d'une éventuelle
expulsion.
Mais au-delà de ce fait, les incendies criminelles
perpétrées par certains allochtones lors des violences
post-électorales de 2011 dans les villages Koblata et Proniani (Sinfra),
occasionnant le décès de 50 autochtones, ont attisé une
stigmatisation des nordistes de la localité et par voie de
conséquence des allochtones. Les allochtones semblent désormais
de plus en plus isolés, écartés des centres de
décisions. Cet étiquetage est d'autant plus perceptible au
niveau de l'institution familiale, lignagère et intracommunautaire
autochtone où l'on assiste à des sensibilisations occultes de
certains cadres gouro sur l'isolement, la mise en quarantaine ou même
l'expulsion des allochtones dans la majorité des contrées rurales
gouro.
Toutefois, il est à noter que ces incendies sont
l'oeuvre des groupes isolés aux intentions criminelles et non l'action
conjointe de l'ensemble des allochtones vivants à Sinfra. Ceux-ci sont
désormais stigmatisés dans leur ensemble sous la
nomenclature « allochtone » et
expropriés en masse pour ceux qui ne disposent des contrats d'achats ou
de contrats douteux.
Selon des entretiens effectués auprès de G. (29
ans, planteur) à Brunoko, village à prédominance
allochtone (situé à une quinze de kilomètres du
centre-ville), « Depuis la crise, les gouro inventent de nombreux
arguments irréalistes pour nous chasser des
forêts ».
Pour le préfet N. (entretiens
effectués en Avril, 2016) « La situation
sécuritaire entre les ruraux de Sinfra s'est principalement
dégradé depuis les violences post-électorales de
2011 ». Certains expropriés à l'image de K. (56
ans, cultivateur à Blontifla) pensent que « ces peuples
qui étaient aussi hospitaliers, ont beaucoup changé avec nous.
Tout ce qu'ils veulent aujourd'hui, c'est de nous arracher toutes les terres,
même celles que nous avons achetées ». Ce
scepticisme des propriétaires terriens s'explique par une volonté
univoque d'exproprier, d'un refus de cohabitation d'avec ces peuples
allochtones.
IV. Discussion et conclusion
Compte tenu de ce qui précède, il apparait que
les ventes illicites de terres dans la tribu Sian, constituent d'une part la
résultante de la mauvaise gestion des terres familiales par
l'héritier désigné et d'autre part, que les autres membres
de la famille seraient charriés dans ce courant d'hypothèque des
biens familiaux pour s'adonner à des ventes clandestines, mieux à
des ventes multiples des mêmes portions de terres. Dès lors, les
aventuriers, citadins, déscolarisés ou les
« frustrés de la famille »seraient de plus
en plus enclin à se positionner au centre du débat foncier
familial pour remettre en cause les contrats de vente ( contrats figurant sur
de petits papiers) et user de moyens à la fois pacifiques et violents
pour exproprier les allochtones (nouveaux détenteurs des droits
fonciers) des terres achetées.
Ce travail s'appuie sur la théorie de Blumer (1969)
pour qui, comprendre le comportement social d'un individu suppose comprendre
non pas, la signification des choses dans leur forme intrinsèque, mais
plutôt la signification que ces choses ont pour lui.
Notre étude confirme donc les résultats de
recherches antérieures de Coulibaly (2015), dans l'analyse des conflits
fonciers familiaux dans le système matrilinéaire de la
région de Sanwi. Ainsi, dans les conflits internes à
l'institution Agni, l'auteur noterait une propension croissante des
héritiers directs dans l'usage des moyens multiformes (armes blanches)
et des attitudes d'évitement ou de contournement du droit positif.
Toutefois, nos résultats obtenus dans la tribu Sian semblent
différer de celle du peuple Dida (Bazaré, 2014) pour qui, la
vente de terre à Divo n'est un choix du Dida, mais une stratégie
d'expropriation conçue par les allochtones, venus
bénéficier de l'hospitalité de ce peuple tuteur. Nos
enquêtes révèlent plutôt que les membres des
familles kwênin s'adonneraient individuellement à des ventes
clandestines des espaces familiaux pour intenter par la suite des
procédures villageoises d'expropriation de ces allochtones, qui seraient
à la fois pris au piège de la minorité et coupables
d'achats sournois de parcelles.
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
LISTE DESTABLEAUXET FIGURES III
LISTE DESSIGLES IV
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE :CONSIDERATIONS
THEORIQUE
ET METHODOLOGIQUE 5
CHAPITRE I :CONSIDERATIONS THEORIQUE 6
I. Justification du choix du sujet 6
1.Motivation personnelle 6
2. Pertinence sociale 7
3. Pertinence scientifique 7
II. Définition des concepts 8
1. Concepts explicites 8
1.1Gestion 8
1.2Conflit 12
1.3Foncier 17
1.4Autochtone 19
1.5Allochtone 22
2.Concepts implicites 24
2.1Système agraire 24
2.2Violence 27
2.3Crime 31
2.4Crise 32
2.5Déviance 35
III. Revue de littérature 38
3.1 Exposédes travaux 38
3.1.1Travaux centrés sur les conflits en
général 39
3.1.1.1Travaux centrés sur les conflits
psychologiques 39
3.1.1.2Travaux centrés sur les conflits en milieu
organisationnel 45
3.1.1.3Travaux centrés sur les
conflits générationnels
et communautaires 53
3.1.2Travaux centrés sur les conflits fonciers et
leur gestion 56
3.1.2.1Travaux centrés surles conflits fonciers
56
3.1.2.2Travaux centrés surla saturation
foncière 56
3.1.2.3Travaux centrés sur la revendication
foncière des jeunes 64
3.1.2.4Travauxcentrés sur la gestion des conflits
fonciers 71
3.2Critique des travaux et présentation de
notre posture scientifique 79
IV.Problème et Questions de recherche 80
V.Objectifs- Thèse et Hypothèses 84
5.1Objectifs 84
5.1.1 Objectifsgénéral 84
5.1.2 Objectifs spécifiques 84
5.2 Thèse 85
5.3 Hypothèses 85
5.3.1 Hypothèses générale
85
5.3.2 Hypothèsesspécifiques 85
5.3.3Construction du cadre opératoire
85
5.3.3.1Identification des variables 85
5.3.3.1.1Variable
dépendante 85
5.3.3.1.2Variablesindépendantes 86
5.3.3.1.2.1Variables
de la première hypothèse 86
5.3.3.1.2.2Variables
de la deuxième hypothèse 86
5.3.4Précision des indicateurs des variables
indépendantes 86
VI.Cadre de référence théorique :
La théorie constructiviste 87
6.1Théories actionnistes 87
6.1.1Théorie de l'individualisme
méthodologique de Boudon 87
6.1.2Théorie de l'acteur de Blumer 88
6.1.3Théorie de l'analyse
stratégique de Crozier et Friedberg 88
6.2Théories multifactorielles 89
6.2.1Théorie des élites de Pareto
89
6.2.2Théorie du conflit de Freund 89
6.2.3Théorie du complot de Knight 90
6.2.4Théoriedes systèmes de Ludwig(1993)
90
CHAPITRE II :CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
91
I. Terrain,Population et Echantillon 91
1. Terraind'étude 91
1.1Champ géographique, caractéristiques
socio- démographiques,
regroupement historique etactivités économiques
et raisonsdu choix 91
1.1.1Champ géographique 91
1.1.2Caractéristiques
sociodémographiques 92
1.1.3Regroupement historique et activités
socio-économiques 94
1.1.3.1Regroupement historique du peuple
« Sian » 94
1.1.3.2Activités
socio-économiques 95
1.1.3.2.1Exploitation
forestière et agricole 95
1.1.3.2.2Chasse (lupa) 96
1.1.3.2.3Pêche 97
1.1.3.2.4Elevage 97
1.1.4Raisons du choix du terrain 98
2. Populationet Echantillon 99
2.1 Population 99
2.2 Echantillon 101
II.Méthodes de recherche 107
1.Méthode dialectique 107
2.Fonctionnalisme 108
3. Méthode systémique 109
III. Techniques de recueil des données 109
3.1Recherche documentaire 110
3.2Observation 110
3.3Questionnaire 111
3.4Entretien 112
3.4.1Entretienindividuel 112
3.4.2Focus group 113
IV.Modes d'analyse des données. 113
4.1Analyse qualitative 114
4.2Analyse quantitative 114
V.Conditions sociales de l'étude 115
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS, ANALYSE ET
INTERPRETATION
DES RESULTATS ET DISCUSSION 116
CHAPITRE III :RESULTATS 117
I.MODALITES D'ACQUISITION DES TERRES A SINFRA 117
1.Pratiques ancestrales 117
1.1Transmission par héritage 117
1.2Transmission par distribution
utérine des terres familiales 118
1.3Tutorat 119
1.4Arrangements par compensation 119
2.Pratiques actuelles 120
2.1Prêt 120
2.2Achat/Vente 121
2.3Mise en gage 122
2.4Métayage ou
« zépa » 122
3.Critères de choix du nouvel
acquéreur 127
3.1Cultivateur 127
3.2Rassembleur 128
3.3Honnête 128
4.Pouvoirs et limites du nouvel
acquéreurdans la gestion du bien
foncier collectif 129
4.1Pouvoirs du concessionnaire 129
4.1.1Pouvoir discrétionnaire
129
4.1.2Droit de regard sur les
récoltes 130
4.2Limites du concessionnaire 133
4.2.1Bradage des terres familiales 133
4.2.2Prise de décisions sans
consultations préalables 134
II.DEROULEMENT DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA 135
1.Typologie des conflits fonciers à Sinfra. 135
1.1Conflits intrafamiliaux 135
1.2Conflits interfamiliaux 136
1.3Conflits intercommunautaires 137
1.4Conflits entre agriculteurs et transhumants 138
2.Acteurs des conflits fonciers à Sinfra 142
2.1Autochtones 142
2.2Allochtones 143
2.3Exploitants forestiers 144
2.4Agents de lotissement 144
3.Moyens utilisés 145
3.1Moyens physiques 145
3.2Moyensmystiques 146
3.3Moyens relationnels 147
4.Lieux 148
4.1Dans les plantations 149
4.2Milieu rural 150
4.3Milieu urbain 150
5.Processus de dégénérescence des
conflits fonciers 151
III.IMPACTS DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA. 153
1.Dans le département de Sinfra 153
1.1Dégâts matériels et humains 153
1.2Politisation de l'atmosphère rurale et
insécurité 154
2. Au plan extra-départemental 156
2.1Exode rural et tares sociales urbaines 156
2.2Réduction de la production agricole
nationale 158
IV.MODES DE GESTION DES CONFLITS FONCIERS A SINFRA.
160
1.Présentation des acteurs 160
1.1Acteurs extra-judiciaires 160
1.1.1Chefferie traditionnelle 160
1.1.1.1Statut juridique 160
1.1.1.2Attributions 161
1.1.1.3Organisation 162
1.1.2Comité de gestion
foncière rurale CGFR 163
1.1.2.1Composition 163
1.1.2.2Attribution 165
1.1.2.3Fonctionnement 166
1.1.3Autorités administratives
166
1.1.3.1Préfet 166
1.1.3.2Sous-préfet 167
1.2Acteurs judiciaires 167
1.2.1Siège 167
1.2.2Parquet 168
1.2.3Greffe 169
2.Présentation des différentes
procédures de gestion 173
2.1Procédure coutumière 173
2.1.1Fondement ancestral 173
2.1.2Procédure de gestion 173
2.1.2.1Procédure de gestion des conflits
interfamiliaux 173
2.1.2.1.1Procédure de
gestionpar l'oncle 174
2.1.2.1.1.1Plainte 174
2.1.2.1.1.2Séance d'écoute et tentative de règlement
174
2.1.2.1.2Procédure depar
le tribunal coutumier 175
2.1.2.1.2.1Plainte 175
2.1.2.1.3Séance
d'écoute et association des oncles pour la gestion 175
2.1.2.2 Procédure de gestion des conflits
interfamiliaux,
Intercommunautaires 176
2.1.2.2.1Plainte 176
2.1.2.2.2Convocation des parties
177
2.1.2.2.3Déplacement sur
l'espace conflictuel 177
2.1.2.2.4Séance de jurement
178
2.1.2.2.5Verdict ancestral 179
2.1.2.3Procédure de gestion des conflits entre
agriculteurs
et transhumants 179
2.1.2.3.1Plainte 179
2.1.2.3.2Transaction amiable et indemnisation 180
2.2Procédure pénale de gestion 181
2.2.1Fondement normatif 181
2.2.1.1Mesures en vigueur avant l'indépendance
181
2.2.1.1.1Décret du 25 Novembre 1930 181
2.2.1.1.2Arrêté n°83 du 31 Janvier 1938
182
2.2.1.2Mesures en vigueur après
l'indépendance 183
2.2.1.2.1Loi n°71-338 de Juillet 1971 183
2.2.1.2.2Loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 et
la procédure
de délivrance du certificat foncier
183
2.2.1.2.3Loi n°98-750
du 23 Décembre 1998. 183
2.3Procès pénal 186
2.3.1Saisine de la justice 186
2.3.2Phase d'instruction 186
2.3.3Phase de jugement 187
2.4Procédure de gestion par les
autorités administratives 187
2.4.1Médiation 187
2.4.2Négociation 188
2.4.3Conciliation 189
V. Facteurs explicatifs de l'échec de la gestiondes
conflits fonciers 190
5.1Facteurs internesaux acteurs sociaux 190
5.1.1Corruption des acteurs et gestion affinitaire
des conflitsfonciers 190
5.1.2Protection tribale des ressortissants
193
5.1.3Stigmatisation des acteurs de gestion et
expropriation
des allochtones des espaces fonciers 196
5.1.4Acteurs de gestion eux-mêmes acteurs
de conflits 199
5.1.5Diversité d'acteurs de gestion et
confusion de rôles 201
5.2.Facteurs externesaux acteurs sociaux 203
5.2.1Absence de texte pour la gestion des
conflits fonciers 203
5.2.2Ingérence des autorités
gouvernementales dans la gestion
des conflits fonciers 204
5.2.3Facteurs démographiques 206
CHAPITRE IV :ANALYSE ET INTERPRETATION DES
RESULTATS,
DISCUSSION ET SUGGESTIONS 216
I.Analyse et interprétation des résultats
216
1.1Identification du lien entre la variable
dépendante(échec de la gestion
desconflits fonciers)et les variablesindépendantes
(facteurs internes
et facteurs externes aux acteurs) 216
1.2Effectifs des critères de la variable
indépendante par sous-préfecture 219
1.3Vérification des hypothèses de
l'étude 220
1.3.1Vérification de l'hypothèse
H1 220
1.3.2Vérification de l'hypothèse
H2 222
II.Discussion 225
1.Rappel du niveau de validation de l'objectif
général, de l'hypothèse générale
et des théories de références
225
1.1Rappel du niveau de validation
del'objectif général 225
1.2Rappel du niveau de validation de
l'hypothèse générale 225
1.3Rappel du niveau de validation des
théories de référence 226
2.Limites de l'étude et pistes de
réflexion 227
2.1Analyse qualitative,quantitative 227
2.1.1Analyse qualitative 227
2.1.1.1Facteursinternes aux
acteurs 228
2.1.1.2Facteursexternes aux
acteurs 231
2.1.1.3Propositions de solutions 237
2.2Analyse quantitative 239
2.3Pistes de recherche 241
III.Suggestions 242
1.Responsabilités de l'Etat 242
1.1Construire des usines dans la localité 242
1.2Distribuer gratuitement des engrais aux agriculteurs
242
1.3Former les autorités locales sur la loi
foncière 243
1.4Contraindre les élus locaux à faire
preuve d'impartialité 244
1.5Déterminer des itinéraires aux
transhumants 244
1.6Réduire le coût d'immatriculation des
terres 245
1.7Mettre en pratique le projet de création de
l'AFOR 245
2.Responsabilités des ONG et partenaires du
développement rural 246
2.1Allouer des fonds pour soutenir les projets de
développement local 246
2.2Organiser des activités socio-culturelles
intégratives 246
2.3Aider à réduire les séquelles de
la crise post-électorale 247
3.Responsabilités des peuples
sédentarisés 248
3.1Renforcer les alliances inter-ethniques 248
3.2Renforcer les mariages inter-ethniques 248
3.3Intégrer les allochtones dans les CGFR 249
3.4Condamner les appropriations clandestines d'espaces
249
CONCLUSION 251
REFERENCESBIBLIOGRAPHIQUES 257
ANNEXES 281
TABLE DES MATIERES 345
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