REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON
Paik-Travail-Patrie Peace-Work-fatherland
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT MINISTRY OF HIGHER
EDUCATION
SUPERIEUR
UNIVERSITE DE YAOUNDE II-SOA UNIVERSITY OF YAOUNDE
II-SOA
FACULTES DES SCIENCES JURIDIQUES ET FACULTY OF LAW AND
POLITICAL
POLITIQUES SCIENCES
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC PUBLIC INTERNATIONAL
LAW
INTERNATIONAL DEPARTEMENT
MEMOIRE DE MASTER II
EN DROIT PUBLIC INTERNATIONAL ET
COMMUNAUTAIRE
THEME : RECHERCHES SUR L'ETAT MEMBRE DE
LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE
Mémoire
Présenté et soutenu par :
EKO MENGUE Arsène Silvère
Titulaire d'une Licence en droit et administration
publique
Sous la direction du :
Pr. Alain ONDOUA
Agrégé des facultés de
droit Professeur titulaire à l'université de Yaoundé
II
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère i
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Avertissement sur les opinions
L`université de Yaoundé II n`entend donner aucune
approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à
leur auteur
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère ii
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
IN MEMORIAM
A mon feu petit frère Gérard Faguet,
Qui jamais ne partagera cette expérience avec
moi
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère iii
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
DEDICACE
A mes parents Jean-Marc et Beatrice, Pour leur soutien
dans ma poursuite des études.
A Arnaud, Astride, Sandra, Rita et Marie-Pierre Pour
leurs encouragements et leurs affections.
A Mitspa
Pour son amour, sa compréhension et sa patience qui
sont mes meilleurs garde-fous
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère iv
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
REMERCIEMENTS
Je tiens d`abord à exprimer ma plus haute
reconnaissance et ma profonde gratitude à mon directeur de
mémoire, le Professeur Alain ONDOUA, qui a accepté de guider mes
premiers pas dans la recherche et a permis au novice que je suis de
découvrir le droit de la CEMAC dans son aspect le plus passionnant. La
rigueur dont il a toujours fait preuve, les précieux conseils et les
éclairantes observations qu`il m`a prodigué, ont
été déterminants dans ma
volonté d`entreprendre ce travail et de le mener à
bien.
Je remercie grandement mon père EKO ONDO Jean-Marc, ma
mère EKO AVOMO Beatrice et mon grand frère EKO EKO Arnaud pour
leur dévouement avec qualité afin je fasse un parcours de
master sérieux, dans la plus grande insouciance matérielle,
qu`ils voient dans ce mémoire le fruit d`un lien familial
admirable.
J`adresse également mes sincères remerciements
à mon ainé académique MANDENG NYOBE Jacques pour sa
disponibilité, ses conseils et les relectures de notre tapuscrit. Et
à mon meilleur ami NDOUMBE NDONGO Rosier tout simplement.
Enfin je remercie tous ceux qui par leur confiance m`ont
encouragés, et également à ceux qui auraient pu
empêcher l`existence de ce mémoire. Les uns m`ont entouré
par-delà les distances le temps d`une bienveillante affection qui a
maintenu intacte la flamme de la passion ; les autres ont constitués
l`aiguillon qui pousse le néo chercheur à mettre en action
sa méditation contemplative. Qu`ils soient tous, pour ses raisons,
remerciés.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère V
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
RESUME
L`appartenance d`un Etat souverain à une organisation
supranationale telle que la Communauté Economique et Monétaire de
l`Afrique Centrale (CEMAC) - dont la construction tend à dépasser
radicalement l`inter étatisme, pour une nouvelle forme d`organisation
plus enclin dans ses relations avec ses membres à des rapports
d`influence et de subordination - met en exergue les implications de la
qualité de membre de la CEMAC. Les implications de la qualité de
membre, soulève l`importance des injonctions de l`ordre juridique
communautaire sur l`Etat souverain. Celui-ci subissant des implications
normatives et institutionnelles. Faisant ainsi des Etats membres des
instruments d`intégration sous régionale et inversement ceux-ci
faisant de la communauté une plateforme de rapprochement des
intérêts nationaux.
Abstract
A sovereign state`s membership to supranational organization
such as Economic and Monetary Community of Central Africa (EMCCA), whose
construction tends to radically out stand inter-etatism, for a new form of
political organization inclined to subordinate links towards its members, puts
forward the effects of the status of member of the Economic and Monetary
Community of Central Africa (EMCCA). This status brings out the economic
importance of the sovereign state`s new status, because the new cohesion
implies or imposes a subordination, both legally prescribed by internal laws of
member states, and the institutional structure of their state to community
project rendering them sub regional integration instrument on one hand and the
another hand making them instruments of national interests
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère vi
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
AEF Afrique Equatoriale Française
AFDC Association français de droit
constitutionnel
aff. Affaire
AJDA Actualité juridique, droit
administratif
BCEAEC Banque des Etats de l`Afrique
équatoriale et du Cameroun
BDEAC Banque de développement des
Etats de l`Afrique centrale
BEAC Banque des Etat de l`Afrique centrale
CE Communautés Européennes
CE Conseil d`Etat français
CEBEVIRH Commission économique du
bétail, de la viande et des ressources
Halieutiques
CEMAC Communauté économique et
monétaire de l`Afrique centrale
CICOS Commission internationale du bassin du
Congo-Oubangui-sangha
CIJ Cour internationale de justice
CJCE Cour de justice des communautés
européennes
COBAC Commission bancaire de l`Afrique
centrale
Coll. Collection
Comm. Commentaire
CPJI Cour permanente de justice
internationale
Dir. Sous la direction de
EIED Ecole inter Etats des douanes
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère vii
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Fasc. Fascicule
ibid. ibidem ( au même endroit)
IEF Institut de l`économie et des
finances
IHT-CEMAC Ecole
d`hôtellerie et de tourisme de la CEMAC
ISSEA Institut sous régional de
statistique et d`économie appliqué
ISTA Institut sous régional
multisectoriel de technologie appliquée,
de planification et d`évaluation de projets
JO Journal officiel de la république
du Cameroun
JOCE Journal officiel des Communautés
européennes
JORF Journal officiel de la République
française
LGDJ Librairie générale de
droit et de jurisprudence
N° Numéro
OCEAC Organe de coordination pour la lutte
contre les endémies en
Afrique centrale
OHADA Organisation pour l`harmonisation en
Afrique du droit des affaires
ONU Organisation des nations unies
op. cit. Opere citato (dans l`ouvrage
cité)
p. Page
Par. Paragraphe
pp. de la page ... à la page ...
PUF Presses universitaires de France
RADSP Revue africaine de droit et de science
politique
(devenu revue juridique des Etats d`Afrique francophone)
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère viii
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
RCADE Recueil des cours de l`académie
Européenne
RCADI Recueil des cours de l`académie
de droit international
Rec. Recueil
Rep Répertoire
RFDA Revue française de droit
administratif
RFDC Revue française de droit
constitutionnel
RJPIC Revue juridique et politique
Indépendance et coopération
SDN Société des nations
Sect. Section
spéc. Spécialement
suiv. Suivantes
UCAD Université Cheik ANTA DIOP
UDE Union douanière
équatoriale
UDEAC Union douanière et
économique de l`Afrique centrale
UE Union Européenne
UEAC Union économique de l`Afrique
centrale
UEMOA Union économique et
monétaire ouest africain
UMAC Union monétaire de l`Afrique
centrale
UMOA Union monétaire ouest africain
Vol. Volume
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère ix
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT IN MEMORIAM DEDICACE
REMERCIEMENT RESUME/ ABSTRAT
INTRODUCTION GENERALE
I. La Notion d'Etat membre et la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique centrale
II. La communauté des Etats et les Etats de la
communauté d'intégration
PREMIERE PARTIE LE STATUT D'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DU STATUT D'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC
SECTION I . L'acquisition du statut d'Etat membre de la
CEMAC
SECTION II . La caractérisation de l'Etat membre de la
CEMAC
CHAPITRE II : LES POUVOIRS DE L'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC
SECTION I : Le pouvoir « constituant » de
l'Etat membre de la CEMAC
SECTION II . Les pouvoirs constitués de l'Etat membre
de la CEMAC : législatif et exécutif.
DEUXIEME PARTIE LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE DE MEMBRE
DE LA CEMAC POUR L'ETAT SOUVERAIN
CHAPITRE 3 : LES IMPLICATIONS NORMATIVES DE LA QUALITE DE
MEMBRE DE LA CEMAC POUR UN ETAT SOUVERAIN
SECTION 1 . La normalisation communautaire de l'ordre
juridique interne de l'Etat membre de la CEMAC
SECTION 2 . L'hypothèse de la violation de la norme
communautaire : la responsabilité de l'Etat membre de la CEMAC
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère X
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CHAPITRE 4 : LES IMPLICATIONS INSTITUTIONNELLES DE LA
QUALITE DE MEMBRE DE LA CEMAC POUR L'ETAT SOUVERAIN
SECTION 1 : Les implications de la qualité d'Etat
membre de la CEMAC sur les institutions nationales
SECTION 2 : L'évaluation des rapports entre les
institutions symétriques communautaires et étatiques
CONCLUSION GENERALE BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES ANNEXES
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
INTRODUCTION GENERALE
Dans le contexte actuel de mondialisation, il n`est point
surprenant de constater à quelle vitesse le monde s`organise selon les
logiques régionales. Le regroupement plus ou moins formalisé au
plan institutionnel de plusieurs Etats appartenant à une aire
géographique délimitée, à des fins de
coopération économique, monétaire et/ ou politique,
intrigue et soulève des questions. Parce que dans ce jeu de rapports et
de relations interétatiques imprégnés de consensualisme et
de volonté souveraine, les implications et la force transformatrice du
droit issu des projets intégratifs devraient être pris au
sérieux, bien qu`elles semblent être confondues avec celles du
droit international et de ce fait relativisée. L`impératif des
projets intégratifs bouscule les normes préétablies dans
les différents ordres juridiques des Etats membres, et du même
coup les conceptions les plus absolutistes de la souveraineté. Ceci
étant dû premièrement au fait de la
spécificité de l`organisation d`intégration et
deuxièmement au caractère contraignant de la norme communautaire.
L`impact du processus d`intégration interpelle à plus d`un titre.
Parce que de ce droit, matériellement distant du droit international,
l`on relève des éléments de fonctionnement des Etats, des
organisations internationales et même des fédérations
d`Etats1. L`un des pères fondateurs des études sur
l`intégration2 considérait la dynamique de
l`intégration régionale comme un « processus par lequel
les acteurs politiques dans plusieurs ensembles nationaux sont persuadés
de modifier leur loyauté, leurs attentes, et leurs activités
politiques vers un nouveau centre dont les institutions possèdent ou
demandent autorité sur les Etats nationaux préexistants
»3. Cette appréhension concerne autant le processus
politique que social, dans la mesure où elle met en avant le transfert
de loyauté, du processus décisionnel, et de négociation
pour l`établissement de nouvelles institutions supranationales
influençant les Etats, que ce soit sur un plan politique, institutionnel
ou normatif. Grosso modo l`action corrosive du processus communautaire
dans la majeure partie des projets d`intégration exerce une force qui
met en exergue un triptyque :
? Une intégration verticale renvoyant à des
interactions structurées qui émergent entre acteurs au niveau
communautaire, national et local.
? Une intégration sectorielle s`intéressant
à la réglementation partielle ou totale des différentes
politiques publiques.
1 SAURUGGER (S), Théories
et concepts de l'intégration européenne, sciences po. Les
presses, 2009, p 1
2 Ernst Haas Bernard (1924 - 6
Mars 2003) était un politologue américain d'origine allemande qui
a fait de nombreuses contributions à des discussions théoriques
dans le domaine des relations internationales. Il est le fondateur du
néo fonctionnalisme comme une approche à l'étude de
l`intégration. Néo fonctionnalisme reconnaît l'importance
des États nationaux, mais souligne également le rôle des
groupes d'intérêts régionaux et la bureaucratie des
organisations régionales.
3 . SAURUGGER (S), Théories et concepts de
l'intégration européenne, op cit, p16.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 1
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
? Et une intégration horizontale mettant en relief les
rapports entre Etats membres.
Comme toutes les organisations d`intégration ayant pour
but la création d`une communauté, la Communauté
économique et monétaire de l`Afrique centrale (CEMAC) se conforme
à ce triptyque suscité. Ses textes ne s`écartent pas du
principe fondamental inhérent (la primauté) aux règles
intégratives, comme mis en exergue par l`arrêt Costa contre
Enel4. Tout au contraire ils mettent un point d`honneur sur
l`action contraignante qu`exerce le projet intégratif sur l`Etat membre
de la CEMAC (I). La dialectique des rapports entre l`Etat
membre et le projet de construction communautaire apparaît ici
nécessaire pour présenter les implications transformatrices du
projet communautaire sur les Etats (II).
I) LA NOTION D'ETAT MEMBRE ET LA CEMAC.
Nous présenterons d`une part la notion d`Etat membre
(A) comme acteur du projet communautaire, et d`autre part,
l`organisation supranationale qu`est la CEMAC (B).
A/ L'ETAT MEMBRE.
Pour mieux appréhender la notion de l`Etat membre il
faudra définir l`Etat (1) avant de présenter le
qualificatif de membre à lui reconnu (2).
1) LA DEFINITION DE L'ETAT.
Tant au plan international que communautaire, l`Etat est
l`acteur principal de la construction d`un nouvel ordre juridique
supranational, tel que la communauté d`intégration. En droit
international, il est rarement défini de manière
conceptuelle5. Sa caractérisation univoque se borne à
fournir, les éléments de son identification. Il s`agit là
en particulier de son aspect organique (phénomène sociologique,
de force ou de puissance). La définition la plus à même de
renseigner sur la consistance internationale de l`Etat n`est autre que son
appréhension juridique, parce qu`elle nous permet de cerner
l`entité juridique, et les attributs qui lui sont reconnus, dans la
perspective d`agir sur le plan international. C`est dans ce sens qu`il faut
signaler que, la réception du phénomène communautaire au
niveau des Etats, est la résultante de l`exercice d`un attribut
juridique de l`Etat : la souveraineté. De même que le transfert de
compétence de l`Etat à la communauté est la
prérogative de l`exercice de la souveraineté par
4 CJCE 15 juil. 1964, Costa c/ Enel, Aff. 6/64,
Rec. 1141. « Il découle de la jurisprudence de la cour
de justice que la primauté du droit communautaire est un principe
fondamental dudit droit. Selon la cour, ce principe est inhérent
à la nature particulière de la communauté
européenne » Cite par Joël MOLINIER dans son fascicule
« Primauté du droit de l'union Européenne
», Rep communautaire Dalloz, sept 2011. P2-3.
5 Kamto (M), La volonté de l'Etat en
droit international, cours de l`Académie de droit international de
la Haye, tome 310, 2004, p 24.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 2
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
l`Etat. Ce rappel est nécessaire, pour comprendre le
statut de sujet principal qui est le sien au niveau communautaire. On peut
alors définir l`Etat «... comme une collectivité qui se
compose d'un territoire et d'une population soumis à un pouvoir
politique organisé » et qui « se caractérise
par la souveraineté »6. Cette définition
descriptive permet d`identifier cet être -Etat, mais elle n`est pas
opératoire pour expliquer comment cet être juridique agit. La
référence à l`aptitude à agir en droit renvoie
à la capacité juridique qui est propre à la
personnalité juridique d`un sujet de droit7. La
personnalité juridique permet de reconnaître à une
entité la capacité d`exercer le droit et de subir des
obligations. En d`autres termes, la personnalité juridique est le
prédicat de l`Etat, et le concept Etat n`aurait pas de sens sans cet
élément fondamental qu`est la personnalité juridique qui
l`institue comme être juridique8. Comme on l`a noté
à juste titre « [l'] Etat existe en tant que personne morale et
c'est à ce titre que [ses] attributs légaux lui sont
attachés »9. C`est de cette aptitude
d`être titulaire de droits et d`obligations, ou à se voir
reconnaître ou attribuer des pouvoirs que l`Etat se trouve être le
sujet principal des constructions communautaires. Dans le même sens et
pour mieux cerner juridiquement l`Etat, le professeur Maurice KAMTO affirmera
que « l'Etat est une personne morale c'est-à-dire un être
juridique construit, mais reposant sur des éléments physiques
constitutifs, apte à être titulaire de droits et des obligations
ou à se voir reconnaître ou attribuer des pouvoirs lui permettant
de participer, en tant que sujet de droit, à la formulation et à
l'application des règles de droit dans l'ordre juridique international
»10. La personnalité juridique est donc l`attribut,
qui permet l`adhésion de l`Etat à un projet communautaire, tel
que la CEMAC. Sauf que cet acte d`adhésion qui donne à l`Etat la
qualité de membre d`une organisation supranationale telle que la CEMAC,
implique bien plus que la personnalité juridique de l`Etat. Elle exige
davantage un effort de limitation de sa souveraineté pour l`atteinte des
objectifs de la communauté.
2) L'ETAT MEMBRE.
Parler de l`Etat membre revient vraisemblablement à
analyser la qualité de membre et sa portée pour l`Etat. Le statut
de membre implique l`appartenance et la participation de l`Etat à une
association ou à un regroupement supranational ayant pour but la
convergence de certains intérêts.
6 La commission d`arbitrage pour la Yougoslavie
dans son avis N°1 du 29 novembre 1991, cité par NGUYEN QUOC DINH,
DAILLIER (P) ; PELLET (A) ; et FORTEAU (M), Droit international
public, LGDJ, 2009, 8e édition p 450.
7 KAMTO (M), La volonté de l'Etat en
droit international, cours de l`Académie de droit international de
la Haye, tome 310, 2004, p 25.
8 Ibid. p 27.
9 COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international
public, 3e édition, Paris, Montchrestien, 2009, p
221.
10 KAMTO (M), La volonté de l'Etat en
droit international, cours de l`académie de droit international de
la Haye, tome 310, 2004, p 27.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 3
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
La qualité de membre dans les projets
intégratifs est reconnue généralement, et exclusivement
aux Etats, dès lors qu`ils adhèrent à un traité
établissant un ordre juridique11 supranational à
l`instar de la CEMAC. Ce statut est précédé d`un certain
nombre de conditions que l`Etat candidat à l`adhésion devra
remplir pour accéder au traité institutif. Etre membre
entraîne de facto certaines conséquences pour l`Etat : la
reconnaissance d`un nouveau pole de décisions sur des domaines bien
précis, et l`appartenance de la population nationale à une
communauté d`intégration. De jure, le statut d`Etat
membre implique une nouvelle identité juridique liée, à la
réception au sein de l`ordre normatif interne des Etats des
règles de droit communautaire. Des conséquences de la
reconnaissance à l`Etat du statut de membre, l`on peut déceler
des droits et des obligations, inhérents à la qualité de
membre de la communauté d`intégration. Les obligations
liées aux projets intégratifs sont généralement
contraignantes, bien plus qu`au niveau international. Parce que le droit de
l`intégration est plus un droit de subordination qu`un droit de
coordination. C`est dans ce sens que la cour de justice, dans l`arrêt
Costa contre Enel précisera que « [l']
intégration au droit de chaque pays membre, de dispositions qui
proviennent de sources communautaires , et plus généralement, les
termes et l'esprit du traité, ont pour corolaire l'impossibilité
pour les Etats de faire prévaloir contre un ordre juridique
accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure
unilatérale ultérieure qui ne saurait lui être
opposable[...] issue d'une source autonome, le droit né du traité
ne pourrait donc en raison de sa nature spécifique originale, se voir
judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son
caractère communautaire.... »12. Cet arrêt
suscite des interrogations allant au-delà de la primauté de
l`ordre juridique communautaire. Des interrogations sur ce qui reste de
l`identité de l`Etat, membre de la Communauté
d`intégration13. Autrement dit, que devient l`Etat nation
souverain dès lors qu`il adhère à un projet communautaire
? La force juridique du droit communautaire impose une certaine
réadaptation, non négligeable, transformant autant
l`institutionnel que le normatif de l`Etat. Il nous revient alors, de prendre
avec plus de sérieux l`article 44 du traité révisé
de la CEMAC qui stipule que «les actes adoptés par les
Institutions, Organes et Institutions Spécialisées de la
Communauté pour la réalisation des objectifs du présent
Traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale
11 L`on peut entendre par ordre juridique «
l`organisation d`un système plus ou moins complexe de normes et
d`institutions destinées à s`appliquer effectivement aux sujets
constitutifs d`une communauté déterminée »
cité par DUPUY (P-M), « L'unité de l'ordre juridique
international », cours général de droit international
public(2000), recueil des cours de l`Académie de droit international de
la Haye, tome 297, 2002, P66.
12 Cité par PELLET (A), Les fondements
juridiques internationaux du droit communautaire, cours de
l`académie du droit européen, volume 5, livre 2, 1997,
P193-271.
13 MARTIN (S), « L'identité de
l'Etat dans l'union européenne : entre « identité nationale
» et « identité constitutionnelle », RFDC,
2012/3 N°91, P 13-44.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 4
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
contraire, antérieure ou postérieure
»14. On aurait pu s`attendre à la modification des
constitutions au sein des Etat membres de la CEMAC, pour recevoir la norme
communautaire et aussi dans le but d`organiser les rapports qui naîtront
entre certaines institutions étatiques et communautaires. De toute
évidence, l`appartenance et la participation à la
Communauté ouvrent la voie au questionnement classique sur la fin de
l`Etat-nation et sur l`entrée à l`ère de l`Etat
post-souverain15. Cependant obligation est faite à la
communauté de respecter l`identité nationale des Etats
membres.
De ce qui précède, l`on peut dire que l`Etat
membre est une entité structuro-juridique souveraine, membre d`une
organisation d`intégration. Cela ne signifie pas l`existence de deux
ordres juridiques au sein de l`Etat, mais au contraire, une réception,
une insertion et une accommodation des normes communautaires dans l`ordre
juridique interne des Etats. Grosso modo, l`Etat membre est une
entité juridique souveraine, une nation et un membre d`une organisation
supranationale à l`instar de la CEMAC. Comment se présente alors
la CEMAC ?
B/ LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE
CENTRALE (CEMAC).
La CEMAC est l`héritière d`une histoire
lointaine, et dans un espace géographique bien plus grand
(1). C`est également une organisation qui se veut
véritablement d`intégration sous régionale
(2).
1) L'APERCU HISTORIQUE DU MOUVEMENT D'INTEGRATION EN
AFRIQUE CENTRALE.
La recherche pour les Etats des conditions favorables au
développement économique et politique, et à l`instauration
d`une paix durable est identifiée comme une des causes de l`inflation
des phénomènes d`intégration régionale. L`Afrique
n`en est pas étrangère. Tout au contraire elle apparaît
même selon l`histoire comme une des plus anciennes communautés
d`intégration, mais paradoxalement la moins avancée de toutes. La
CEMAC, communauté économique et monétaire de l`Afrique
centrale regroupe en son sein six Etats (le Cameroun, le Tchad, le Congo, le
Gabon, la Guinée équatoriale, et la république
Centrafricaine). La CEMAC se trouve être l`héritière de
l`UDEAC (Union Douanière des Etats de l`Afrique Centrale)
créée en 1963, qui fait suite à l`UDE (Union
Douanière Equatoriale) créée le 29 juin 1959. Et avant
elle l`AEF (Afrique Equatoriale Française), entité
géoéconomique intégrée créée
dès 1910. Et à ce titre, le processus de la CEMAC a un
enracinement plus lointain que la majorité des communautés
14 Le traité révisé de la CEMAC
signé à Yaoundé au Cameroun le 25 juin 2008 et
également révisé le 30 janvier 2009 a Libreville au
Gabon.
15 NABLI (B), « L'union des Etats et les
Etats de l'union », Revue pouvoirs-n°121 le rugby,
2007, P 113-120.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 5
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
d`intégration régionale dans le monde.
L`historique de la communauté (l`AEF en 1910 puis l`union
Française en 1946 et la communauté française
établie en 1958) atteste l`idée selon laquelle le processus
remonte à la première moitié du siècle
dernier16. L`élément de partage reste sans aucun
doute, la proximité géographique, culturelle, et linguistique que
la majorité de ses Etats partage ensemble, et qui contribue à
solidifier leurs liens17. Le processus d`intégration
régionale en Afrique centrale va être soumis à une double
influence, tout d`abord celle de la France et enfin celle de la construction
communautaire européenne.
L`influence de la France, puissance colonisatrice pour
certains Etats va être importante. Parce que c`est elle qui organisera la
gestion administrative et économique de ses possessions territoriales en
Afrique à la manière d`une fédération18,
et qui posera les bases d`une communauté intégrée. Enfin
l`influence de la construction communautaire européenne, qui va se
ressentir sur l`appellation des organes les plus importants de la CEMAC, et
également sur les principes qui structurent son mode de fonctionnement.
Toutes ces influences vont être reprises par les Etats africains de
successions coloniales françaises lors de la mise en oeuvre des
institutions communautaires telles que UDEAC, et la CEMAC ou encore UMOA et
UEMOA19. Il faut aussi noter qu`au plan monétaire,
l`évolution mise en exergue sur le plan économique a
été suivi par la création du Franc CFA (francs des
colonies françaises d`Afrique) devenue plus tard francs de la
communauté financière d`Afrique. Sa gestion sera confiée
le 14 avril 1959 à une institution nouvelle, la banque centrale des
Etats de l`Afrique équatoriale et du Cameroun (BCEAEC)20.
L`on peut donc dire que la CEMAC ou plutôt la communauté
intégrative de l`Afrique centrale porte en elle, un lourd
héritage et une expérience d`intégration qui aurait fait
d`elle, l`une des communautés d`intégration régionale au
monde la plus achevée. Malheureusement, la maturité de la CEMAC
n`est pas égale à sa longue histoire sus présentée.
Tout de même, celle-ci demeure selon l`esprit des textes institutifs, une
organisation d`intégration sous régionale.
16 TCHUENTE (J), l'application effective du
droit communautaire en Afrique centrale, thèse de doctorat en droit
public, université de Cergy pontoise, 2011, P 9.
17 Ibid. P 12
18 Des 6 Etats qui constituent la CEMAC seule 4
étaient des colonies françaises (Congo ; Gabon ; Tchad ; et la
Centrafrique). Le Cameroun était administré par la France par
mandat de la SDN à partir de 1922 puis sous tutelle de l`ONU des 1946.
Seule la Guinée équatoriale était une colonie
espagnole.
19 UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine,
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
20 Bien plus tard la banque centrale des Etats de
l`Afrique équatoriale et du Cameroun (BCEAEC) sera remplacée par
la Banque des Etats de l`Afrique centrale (BEAC).
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 6
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
2) LA CEMAC, UNE ORGANISATION D'INTEGRATION SOUS
REGIONALE.
La création de la CEMAC correspond au passage d`une
union douanière (UDEAC) vers un marché commun. Comme le
traité institutif de la CEMAC l`indique si bien, il s`agit pour la CEMAC
de parachever le processus d`intégration économique et
monétaire21. La CEMAC est une organisation
d`intégration sous régionale instituée par le
traité du 16 mars 1994 à N`djamena au Tchad, révisé
le 25 juin 2008 à Yaoundé au Cameroun et également le 30
janvier 2009 à Libreville au Gabon. Elle a pour mission « de
promouvoir la paix et le développement harmonieux des Etats membres,
dans le cadre de l'institution de deux unions : une union économique et
une union monétaire »22. La finalité
étant « dans chacun de ses deux domaines, les Etats membres
entendent passer d'une situation de coopération qui existe
déjà entre eux à une situation d'union susceptible de
parachever le processus d'intégration économique et
monétaire »23.
Les objectifs mis en exergue par le traité sont les
suivants : Créer un marché commun basé sur la libre
circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services ; assurer
une gestion stable de la monnaie commune ; sécuriser l`environnement des
activités économiques et des affaires en général et
enfin harmoniser les réglementations des politiques sectorielles. Pour
atteindre les objectifs visés, la CEMAC dispose des institutions telles
que : L`Union économique de l`Afrique
centrale (UEAC) ; l`Union monétaire de l`Afrique
centrale (UMAC) ; le Parlement communautaire et la Cour de justice
communautaire.
Les organes de la CEMAC sont au nombre de sept : la
Conférence des Chefs d`Etat ; le Conseil des ministres (UEAC), le
Comité des ministériel (UMAC), Commission de la CEMAC, Banques
des Etats de l`Afrique Centrale (BEAC), Banque de développement des
Etats de l`Afrique centrale (BDEAC), et la Commission Bancaire de l`Afrique
Centrale (COBAC).
Les activités de la CEMAC s`articulent aujourd`hui
autour du programme économique régional qui vise à «
faire de la CEMAC un espace économique intégré
émergent, ou règnent la sécurité, la
solidarité et la bonne gouvernance, au service du développement
humain ». À cet égard, la CEMAC est aussi
constituée, des institutions spécialisées. l`on peut citer
entre autres : la Carte rose CEMAC qui est un service d`assurance de
responsabilité civile auto mobile, de la Commission économique du
bétail , de la viande et des ressources halieutiques ( CEBEVIRHA), de la
Commission internationale du bassin du Congo-Oubangui-sangha ( CICOS), de
l`école inter Etats
21 Article 1 du traité révisé
de la CEMAC du 25 juin 2008 à Yaoundé révisé
également le 30 janvier 2009 à Libreville au Gabon « [...]
les Etats membres entendent passer d'une situation de coopération
qui existe déjà entre eux, à une situation susceptible de
parachever le processus d'intégration économique et
monétaire ».
22 Ibid.
23 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 7
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
des douanes (EIED), de l`Institut de l`économie et des
finances (IEF), de l`école d`hôtellerie et de tourisme de la CEMAC
(IHT-CEMAC), de l`Institut sous régional de statistique et
d`économie appliquée (ISSEA), de l`Institut sous régional
multisectoriel de technologie appliquée, de planification et
d`évaluation de projets (ISTA), de l`Organe de coordination pour la
lutte contre les endémies en Afrique centrale (OCEAC) et enfin du
Pôle régional de recherches appliquées. Comme l`a si bien
indiqué le Professeur Alain Pellet, les communautés sont des
organisations24. Et la CEMAC ne fait pas l`exception.
Les communautés sont des organisations d`un type
particulier qui ne sont « ni un, ni des Etats
»25, du moins pas pour le moment, bien que l`action et
l`activité de celles-ci soient assez comparables à celle des
Etats. Et l`exemple marquant est la nature « constitutionnelle
» du traité institutif. Cette illustration emporte
l`organisation de la primauté des normes primaires, vis-à-vis
d`autres traités conclus soit par les Etats membres, soit par
l`organisation elle-même26. Il s`en suit une obligation pour
les Etats membres de recevoir l`intégralité du traité
instituant la CEMAC, c`est dire que la technique de réserve est
inacceptable en ce qui concerne la structuration et le fonctionnement de
l`organisation27. Evidement, la révision de l`acte
constitutif est opposable à tous. La communauté
intégrative est particulière, de par le principe de
primauté et de ses corollaires que sont l`effet direct et
l`applicabilité immédiate, source de comparaison de la
communauté intégrative à l`Etat. Dans ce sens le
traité CEMAC révisé énonce dans son article 44
cité plus haut, le dit principe. Il implique que les normes
communautaires doivent être appliquées dès leur
entrée en vigueur, malgré l`éventuelle préexistence
ou adoption ultérieure d`une loi nationale incompatible.
Également cette primauté impose au juge national de situer le
droit communautaire au premier rang des normes nationales applicables «
en tant qu'elle fait partie intégrante avec rang de priorité,
de l'ordre juridique applicable sur le territoire de chacun des Etats membres
»28. Il importe tout de même de signaler que toutes
les normes communautaires ne bénéficient pas cette
primauté. Il s`agit principalement comme l`arrêt Costa
l`indique si bien du « droit né du traité
». Plus explicitement des actes primaires et des actes
dérivés (les règlements, les décisions et les
directives)29. Sur ce point le traité révisé
CEMAC stipule que « les actes additionnels sont annexés au
traité de la CEMAC et complètent celui-ci, sans le modifier, leur
respect s'impose aux institutions, aux organes et aux institutions
spécialisées de la communauté ainsi qu'aux
autorités des Etats
24 PELLET (A), « Les fondements
internationaux du droit communautaire », collected course of the
Academy of european law, Volume 5, Book 2, P 193-271.
25 Ibid.
26 NGUYEN QUOC DINH, PELLET (A), DAILLIER (P), et
FORTEAU (M), Droit International Public, LGDJ, 8e
éditions, 2009, P 647.
27 Ibid.
28 MOLINIER (J), « Primauté du droit
de l'union européenne », Rep communautaire Dalloz,
sept 2011.
29 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 8
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
membres »30. Cela traduit la valeur
et la force obligatoire des normes communautaires sur les ordres juridiques
nationaux. Cette spécificité soulève de nombreuses
interrogations dans la mesure où l`Etat détenteur de la
compétence de la compétence est confronté à
l`autorité de la norme communautaire.
II) LA COMMUNAUTE DES ETATS ET LES ETATS DE LA
COMMUNAUTE D'INTEGRATION.
L`effet de subordination et la force contraignante de la norme
communautaire appellent à s`interroger sur l`impact de celle-ci sur les
Etats membres. Pour comprendre l`éventuelle conciliation entre les deux
ordres juridiques qui semblent a priori différents, il est
impératif de confronter la qualité de membre avec l`Etat. L`Etat
comme précisé plus haut se trouve être à la fois, un
Etat nation souverain et membre de la Communauté (A).
Pour plus d`efficacité dans notre travail, la méthode
d`appréhension du thème et la problématique doivent tenir
compte de cette réalité (B), c`est-à-dire
la difficile conciliation entre l`Etat nation souverain et la qualité de
membre d`une organisation d`intégration.
A/ L'ETAT NATION SOUVERAIN ET LA QUALITE DE MEMBRE DE LA
COMMUNAUTE.
On évoquera d`une part l`Etat nation et la
qualité de membre de la Communauté (1) et de
l`autre, la relation entre l`Etat souverain et la qualité de membre de
la Communauté (2).
1) L'ETAT NATION ET LA QUALITE DE MEMBRE DE LA
COMMUNAUTE.
Jacques Delors affirmait que la communauté «
se constitue progressivement par l'intégration d'Etat nation qui se
sont solidement constitués [...] et dont la permanence est têtue
»31. Cette essence historique, culturelle et politique
qu`est la nation est heurtée par les implications de l`appartenance de
l`Etat à la CEMAC. Malgré la subjectivité et
l`objectivité32 de l`appréhension de la nation, le
concept d`Etat se conjugue avec elle. Bien que la symbiose de l`Etat
30 Article 41 traité révisé de la
CEMAC en 2009.
31 DELORS (J), « Ou va l'union
européenne ? », 9 mars 2001, cycle de conférence aux
Etats unis, cité par NABLI (B), « L'union des Etats et les
Etats de l'union », op cit.
32« De la nation il existe deux définitions
principales, conçues à partir des expériences nationales
françaises et allemandes, la première est issue de la philosophie
allemande du début du 19e siècle, défendue par
exemple par Johann Gottlieb Fichte, selon laquelle les membres d'une nation ont
en commun des caractéristiques telles que la langue, la religion, la
culture, l'histoire, voire les origines ethniques tout cela les
différenciant de membres des autres nations. La seconde, liée
à la révolution française provient de la philosophie
française du 18e siècle et des lumières et
insiste par contre sur la volonté du « vivre ensemble », la
nation étant alors le résultat d'un acte d'autodéfinition.
La première définition est parfois nommée « objective
» et la deuxième « subjective ». Tiré
à wikipedia : nation.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 9
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
et de la nation soit une source d`interrogation pour les pays
africains, la nation est définie en 1789 par l`abbé Sieyès
comme « un corps d'associés vivant sous une loi commune et
représenté par la même législature
»33. En Afrique, dans presque tous les instruments
juridiques communautaires, l`expression de peuple est
préférée à celle de nation ou d`Etat. Ainsi dans le
traité révisé de la CEMAC de 2008, il est stipulé
que les Etats membres sont: « désireux de renforcer la
solidarité entre leurs peuples dans le respect de leurs identités
nationales respectives »34. Par peuple, faut-il entendre
l`Etat ou simplement un groupe, ou une population ayant une origine commune ?
Le préambule du traité CEMAC fait également
référence à l`identité nationale. Ce texte place
l`identité nationale au coeur des rapports entre la communauté et
l`Etat membre, et fait de celle-ci un principe constituant et garantissant la
diversité des traditions culturelles nationales des Etats membres.
L`identité nationale de l`Etat membre doit s`articuler avec
l`identité communautaire de la sous région Afrique centrale.
C`est-à-dire l`Etat nation, membre de la Communauté doit se
considérer comme une composante de la communauté et de ce fait
rajouter à la spécificité des éléments qui
font d`elle une nation, l`identité communautaire. L`identité
communautaire de l`Afrique centrale repose sur un héritage culturel,
historique et ethnolinguistique commun. Et la réussite du processus
communautaire doit passer impérativement par les populations des Etats,
qui composent la CEMAC. Ce point est très important notamment pour
l`évolution du projet communautaire parce que le peuple ou les
populations doivent s`accaparer ce projet intégratif au point d`en
former un peuple communautaire pour l`effectivité d`un réel
marché commun propice à la réussite des politiques
communautaires.
Au demeurant, et malgré la force de la
communautarisation de l`Etat membre, celui-ci demeure un Etat « nations
» ou plutôt selon les textes africains un peuple constitué en
Etat dont l`obligation est faite à la communauté de respecter
l`identité. Cela revient à sauvegarder l`identité
constitutionnelle, également les fonctions régaliennes et
politico-sociales de l`Etat. Alors, la reconnaissance de l`identité
nationale de l`Etat permet de reconnaître les critères fondateurs
de l`Etat que sont : la souveraineté nationale et les valeurs
constitutionnelles35. Il serait permis d`affirmer que le rapport
Etat nation et qualité de membre ne peut être réduit
à « des configurations conflictuelles et simplistes »
telle que la CEMAC contre les Etats souverains. Il faut y voir une logique
utilitaire et instrumentale où les deux parties (Etat et la
communauté) s=imbriquent et se complètent tout en respectant la
particularité de chaque ordre juridique. En fin de compte, la
33 SIEYES (E), Qu'est ce que le tiers Etat
?, éd. R Zappeti, 1970, P126 cité par NABLI (B), «
l'état membre : l'« hydre » du droit constitutionnel
européen » contribution au 6eme congrès de
l`AFDC, Atelier 3 : Europe et constitution, Juin 2005,p 8.
34 Préambule du traité CEMAC
révisé le 25 juin 2008 à Yaoundé au Cameroun.
35 NABLI (B), « l'union des Etats et les
Etats de l'union », op cit, pp 113-120.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 10
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CEMAC est une communauté de nations ou de peuples
souverains, libres et indépendants qui ont choisis de «
regrouper » les souverainetés au service de leurs propres
intérêts et de la cause commune36.
2) L'ETAT SOUVERAIN ET LA QUALITE DE MEMBRE DE LA
COMMUNAUTE.
Dans la tradition de Max Webber, l`Etat se définit par
l`autorité et le pouvoir qu`il exerce sur un territoire donné. Il
dispose du monopole de la violence légitime. Depuis le traité de
Westphalie en 1648 jusqu`à la charte des Nations Unies de 1945, la
souveraineté des Etats et le principe de non ingérence à
l`intérieur des frontières sont reconnus par le concert des
Etats. En droit international et en droit communautaire, la souveraineté
est d`une importance capitale pour la coexistence des Etats. De ce fait, l`Etat
et la souveraineté sont indissociables.
La souveraineté a pour corolaire l`indépendance
comme l`affirme Pierre Marie Dupuy « si l'indépendance est le
critère de la souveraineté, la souveraineté est le garant
de l'indépendance »37. La souveraineté
s`apparente également à l`exclusivité d`une
autorité étatique sur son territoire. Cette exclusivité,
reconnue au niveau international est génératrice de droit et
d`égalité. La souveraineté constitue alors du fait de son
égale diffusion entre les Etats, la cause première du droit
international38. Lui-même est engendré par la
nécessité de la coexistence entre égale puissance. La
souveraineté signifie le pouvoir de l`Etat de décider
lui-même sans être soumis en droit à un pouvoir
extérieur et supérieur. D`où le premier accrochage entre
l`Etat souverain et la communauté. Parce que « toute les
collectivités humaines ne peuvent se voir reconnaitre la
souveraineté internationale. Seules celles d'entre elles qui sont
indépendantes de toutes subordinations dans l'ordre international
possèdent cette qualité ». De fait, il est
reproché à la souveraineté sa qualité fictive. Face
à cela, force est de reconnaitre que cette fiction juridique est un
« procédé de technique juridique consistant à
supposer un fait ou une situation différente de la réalité
pour en déduire des conséquences »39.
Autrement, ce procédé vise à amener ce qui est de fait une
fiction à une réalité juridique, cela afin qu`on puisse en
déduire des conséquences indispensables au commerce juridique
entre ces sujets d`un ordre juridique déterminé40. De
cette fiction juridique, l`on reconnaît à l`Etat une
personnalité juridique. Cependant la souveraineté dote
36 Paraphrasant Tony Blair, in le nouveau
débat sur le Europe, textes réunis et commentés par
MARHOLD (H), Nice, presses d`Europe, 2002, P 263 et P 266. Cité par
NABLI (B) dans « L'union des Etats et les Etats de l'union
», op cit, p 120.
37 DUPUY (P-M), L'unité de l'ordre
juridique international, cours général de droit
international (2000), recueil des cours de l'académie de droit
international de la Haye, tome 297, p 96.
38 Ibid. p 95
39 Ibid. p 98
40 Ibid. p 99
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 11
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
l`Etat d`autres attributs à l`instar de celui de
créer des sujets de droit (des organisations internationales), et de
leurs reconnaître la capacité de participer à une
organisation intégrative reposant sur la volonté souveraine
c`est-à-dire sur un acte de souveraineté générateur
de droits et d`obligations. A priori la qualité de membre
étant la conséquence inéluctable de l`acte souverain
d`adhésion de l`Etat à une organisation d`intégration, le
statut de membre de la communauté n`est donc pas contraire à la
souveraineté. En d`autres termes, l`appartenance à une
communauté « ne signe pas la disparition de la
souveraineté de l'Etat, mais conduit à l'aménagement, de
la souveraineté de l'Etat selon sa qualité de membre
»41. Il faut en effet reconnaître que, l`Etat membre
de la communauté reste maître et souverain de ses actes tant au
plan international qu`au niveau interne. Dans cette optique, les Etats membres
des organisations d`intégration régionale gardent et
préservent la capacité souveraine qui leur permet de
dénoncer un traité et de se retirer d`une communauté. La
particularité de la CEMAC est à soulever, parce que la
souveraineté occupe une place importante dans cette organisation
d`intégration. Cela est justement le fait de la jeunesse des Etats
africains, très jaloux de leur souveraineté encore fraichement
acquise. Bien qu`elle soit salutaire pour la bonne marche de la
Communauté, la prééminence de l`Etat et de la
souveraineté à la CEMAC s`avère, de plus en plus,
être au coeur de l`inertie que décrient certains auteurs. Cette
omniprésence de l`Etat est même inscrite dans les dispositions du
traité instituant la CEMAC. Le rapport final à l`origine de la
révision du traité constitutif de la CEMAC a tôt fait de le
décrier42. Mais cela n`est point surprenant parce que le
principe voudrait que l`action et l`évolution de la communauté
soit l`oeuvre des Etats souverains. Comme l`a si bien dit Beligh NABLI, l`on ne
peut penser une Communauté d`intégration sans faire allusion aux
Etats qui la composent43. Par conséquent, la subordination
des Etats à la norme communautaire n`est que le simple respect de la
règle que les Etats se sont fixés. Et le transfert des
compétences de l`Etat vers la Communauté n`est qu`une
manière d`exercer sa souveraineté. De plus, ce transfert n`est
pas une limitation mais un exercice et un exercice commun des dites
compétences par les Etats au niveau de la Communauté. A cet
effet, l`Etat qui transfère une partie de ses compétences au
niveau de la Communauté accède également à la
plénitude de celles-ci en les exerçant au niveau communautaire.
Toute norme émanant d`une organisation supranationale ne devra donc
souffrir d`aucune entorse à son application, parce que tout rejet ou
refus d`application de la norme communautaire équivaut au rejet ou au
refus d`appliquer sa propre volonté souveraine génératrice
de cette règle. Tout le
41 NABLI (B), « L'état membre :
l'« hydre » du droit constitutionnel européen »
contribution au 6eme congrès de l`AFDC, Atelier 3 : Europe et
constitution, Juin 2005, p 4.
42 Rapport final, diagnostic institutionnel,
fonctionnel et organisationnel de la CEMAC, tome i, février 2007, P
140.
43 TROPER (M), « L'Europe politique et le
concept de souveraineté » cité par NABLI (B) dans
« L'Etat membre : l' « hydre » du droit constitutionnel
européen » contribution au 6eme congrès de l`AFDC,
Atelier 3 : Europe et constitution, Juin 2005.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 12
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
processus communautaire devrait alors être mis à
l`initiative de la souveraineté des Etats membres. Alors, la
qualité d`Etat membre n`est pas susceptible de remettre
complètement en cause le caractère illimité et indivisible
de la souveraineté. Et l`appartenance à une communauté
n`est autre chose qu` « ... une limitation de l'exercice de certaines
compétences (...) cette limitation est consentie par l'Etat et (...) le
pouvoir d'y consentir est précisément la manifestation de la
souveraineté »44.
Au demeurant l`on peut dire que l`Etat membre est une
entité socio-juridique exerçant sa
souveraineté dans l`optique de défendre les
intérêts de sa population au sein de la communauté et
également dans la perspective de la construction d`un idéal
commun d`intégration sous régionale.
B/ LA PROBLEMATIQUE, L'INTERET DE L'ETUDE, LA REVUE DE
LITTERATURE ET LE CHOIX METHODOLOGIQUE.
Il sera mis en exergue la problématique que
soulèvent notre étude et également l`intérêt
que cela implique (1), et après nous
présenterons la revue de littérature et le choix
méthodologique (2).
1) LA PROBLEMATIQUE ET L'INTERET DE L'ETUDE.
« La problématique, c'est l'ensemble construit
autour d'une question principale, des hypothèses de recherche et des
lignes d'analyse qui permettront de traiter le sujet choisi
»45. « Il n'ya pas de bonne thèse sans
bonne problématique »46 et il est dit que la
problématique « ne tombe pas du ciel, elle est l'aboutissement
du double travail antérieur : choix du sujet et
débroussaillage... »47. Il convient de
présenter la question principale qui a retenu notre attention et dont la
teneur suit : Quelles sont les implications de la qualité de
membre de la CEMAC pour un Etat souverain ?
La problématique sur laquelle débouche tout
travail de recherche, doit répondre à deux exigences
fondamentales qui sont cumulatives et non alternatives. L`une porte sur la
rigueur méthodologique et l`autre sur la restitution fidèle de la
réalité du terrain. Sur ce dernier point, on peut dire que la
problématique est « une manière d'interroger les
phénomènes étudiés »48.
44 TROPER (M), « L'Europe politique et le
concept de souveraineté » cité par NABLI (B) dans
« L'Etat membre : l' « hydre » du droit constitutionnel
européen » op cit.
45 BEAUD(M), l'art de la thèse, la
découverte, nouvelle édition, 2001, p 38.
46 Ibid.
47 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 13
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
L`approche définitionnelle aurait pu être
exclusivement envisagée dans notre problématique. Elle semble
même pour certains, la plus évidente et repose sur la question
suivante : qu`est que l`Etat membre de la CEMAC ? Seulement, cette approche ne
satisfait point à l`ensemble du champ de recherche et de travail que
nous impose le sujet. Car pour épuiser notre étude, nous devons
cerner de prime abord la complexité de la qualité d`Etat membre
de la CEMAC, avant de présenter les conséquences qu`entraine ce
statut de membre pour un Etat souverain.
Une étude du statut d`Etat membre est très
importante, d`abord du fait de relever et de tenir compte des principes de
droit communautaire (primauté, effet direct et applicabilité
immédiate), ensuite du fait de l`action des organes chargés de
mettre en oeuvre les normes communautaires et enfin par l`activité de la
juridiction supranationale chargée de sanctionner la violation de ces
normes. Cette spécificité fait de ce droit, un droit d`une
communauté particulière d`Etats à la différence du
droit international encore appelé droit de la communauté
internationale. Et cela implique de prendre avec beaucoup de sérieux et
d`attention les conséquences de la qualité de membre sur l`Etat.
L`influence du droit communautaire n`est plus à démontrer mais le
résultat de ses effets sur les principaux acteurs demeure sujet à
caution. Car le droit commun est devenu un droit de subordination :
subordination des normes nationales aux normes communes ayant le même
objet (primauté), subordination des citoyens dont la situation est
directement et régulièrement influencée par les
règles communes ; et la subordination des Etats qui subissent une
contrainte bien plus forte, en comparaison à la situation qui
prévaut en droit international classique.
Les raisons sus évoquées amènent alors
à asseoir et à dépasser l`approche définitionnelle
pour scruter l`influence de la qualité d`Etat membre de la CEMAC pour
l`Etat nation souverain.
A travers cette problématique, nous nous
intéresserons à une communauté intégrative dont le
travail de recherche n`est pas une sinécure, simplement parce que des
recherches scientifiques sur la CEMAC sont moins disponibles que sur l`Union
Européenne. Grâce à cette étude, nous
soulèverons des questions dont les réponses apporteront une
pierre à l`édifice de la recherche scientifique sur la CEMAC. La
sous région Afrique centrale, en particulier la CEMAC, reste une
communauté en gestation malgré l`ancienneté de son
processus, qui date selon certains historiens communautaires de la
période des colonies françaises49, en passant par
l`UDEAC50.
49 Des six Etats qui constituent l`Afrique
centrale, quatre étaient des colonies françaises : Gabon, Congo,
Tchad, et la Centrafrique. Le Cameroun a été administré
par la France à travers le mandat de la SDN (en 1922), et la tutelle de
l`ONU (dès 1946 jusqu`à son indépendance le 1er
janvier 1960). Seule la Guinée Equatoriale était une colonie
espagnole. Dès 1946, la France, puissance colonisatrice, va organiser la
gestion administrative et économique de ses possessions territoriales en
Afrique à la manière d`une fédération d`Etats.
50 UDEAC : union douanière et
économique des Etats d`Afrique centrale. Le traité UDEAC a
été signé le 12 octobre 1964.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 14
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
2) LA REVUE DE LITTERATURE ET LES CHOIX
METHODOLOGIQUES.
D`une manière générale, l`on peut
rattacher les recherches sur l`Etat membre de la CEMAC au droit communautaire
général, et plus spécifiquement à l`impact du
phénomène communautaire sur les Etats souverains. Ce travail peut
être reparti en deux points à savoir la qualité de membre
de la CEMAC et l`influence de la CEMAC sur les Etats souverains. Sur ses deux
pans, il nous reviendra de passer en revue les travaux existants ayant un
rapport avec notre étude.
Dans la littérature consacrée au statut d`Etat
membre en droit communautaire, la majorité des travaux ont un rapport
avec la communauté européenne ou l`Union européenne.
Toutefois quelques rares travaux soulèvent la relative
spécificité de la CEMAC. C`est dans ce sens que l`on peut
accorder une attention particulière à la thèse de doctorat
de Joël TCHUINTE et les articles de Beligh NABLI.
Dans la thèse sus évoquée
consacrée à « l'application effective du droit
communautaire en Afrique centrale »51, il est question de
mettre en exergue l`effectivité du droit communautaire CEMAC et OHADA,
et le fonctionnement des institutions y relatives. Dans cette étude,
l`on constate que le projet CEMAC s`est inspiré en grande partie de
l`Union Européenne. Par conséquent des analogies peuvent
être relevées dans les implications de l`application du droit
communautaire CEMAC. C`est la raison pour laquelle que nos lectures ce sont
aussi intéressées à la situation du droit de l`union
européenne.
Dans les articles de Beligh NABLI, sur « l'union de
Etats et les Etats de l'union »52 et « l'Etat
membre : l' « hydre » du droit constitutionnel européen
»53. L`auteur s`interroge sur la particularité dont
fait preuve l`Etat membre européen. Il établira dans ses articles
une forme de caractérisation univoque de la qualité de membre et
de l`Etat membre européen. Il soulignera de la qualité membre de
l`UE la particularité d`être « législateur
», « exécutant » et « constituant
». Et caractérisera L`Etat, membre de l`Union
Européenne comme un « Etat national européen »
; « un Etat libéral » et « un Etat souverain
». Toutefois, Il est nécessaire de reconnaître que ses
deux travaux déblayent le chemin pour la compréhension du statut
de membre d`une communauté intégrative. Et également
à mieux cerner l`Etat membre en droit communautaire en
général, mais pas nécessairement celui de la CEMAC, bien
que des analogies puissent être faites. S`agissant des travaux sur
l`impact de la qualité de membre sur l`Etat souverain, il convient de
noter que la littérature y relative est négligeable en droit
communautaire CEMAC. Ce qui ne permet pas d`en faire une présentation
additionnelle à celles des articles de NABLI. Toutefois
51 TCHUINTE (J), L'application effective du droit
communautaire en Afrique centrale, thèse de doctorat en droit
public, université de Cergy Pontoise, 2011 P 698.
52 NABLI (B), « L'union des Etats et les
Etats de l'union » op cit.
53 NABLI (B), « L'Etat membre : l' «
hydre » du droit constitutionnel européen » op
cit.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 15
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
sur la base de ces articles, l`on peut dire que les relations
entre l`Etat membre et la communauté sont sous le prisme d`une
association réciproquement profitable entre l`Etat et la
communauté. Toutefois on constate l`influence de ce dernier sur les
fondements normativo-institutionnels de l`Etat. En d`autres termes,
l`appartenance de l`Etat à la CEMAC implique des effets d`érosion
du droit communautaire sur l`ordre normatif et sur l`appareil institutionnel de
l`Etat. L`on pourrait même dire que l`Etat subit dans ses rapports avec
la CEMAC une forme de communautarisation sur tous les pans déterminant
son identité étatique et constitutionnelle54.
Il ne s`agit bien évidemment que d`un essai d`analyse,
tant il est vrai que les difficultés de la recherche sont nombreuses. Et
un des premiers facteurs déterminants de la difficulté de cette
recherche reste et demeure l`absence d`étude de fond sur le membre du
droit de la CEMAC, sans vouloir sous estimer la littérature somme toute
abondante sur l`Union Européenne. La seconde difficulté à
laquelle nous nous heurtons est l`insuffisance et l`absence de documentation au
Cameroun, particulièrement à Yaoundé, concernant le droit
communautaire. La troisième difficulté est la quasi inexistence
des décisions de la cour de justice communautaire de la CEMAC. Ce qui
fait preuve de l`inertie de cette illustre juridiction, la cour de justice
communautaire. Il faut rajouter à cela le quasi silence des juridictions
nationales sur les questions relatives à l`intégration
régionale.
L`objet de cette recherche n`est pas de reprendre tous les
débats doctrinaux sur le droit communautaire et le droit international,
ni de présenter la CEMAC. Il s`agit, à la lumière des
textes et des pratiques de la CEMAC et quelques fois de l`UE, de montrer et de
présenter les aléas de l`appartenance de l`Etat à la CEMAC
et de l`impact de celle-ci pour l`Etat souverain.
Ainsi, pour ne pas paraître partiel dans ce travail,
nous devons garder une neutralité axiologique pour être objectif
dans nos analyses. Ceci nous imposera premièrement un raisonnement
critique incluant une méthode analytique qui décomposera et
recomposera en mettant en évidence, les éléments
distinctifs, les caractères, la nature de l`objet étudié
à savoir l`Etat membre de la CEMAC. Et deuxièmement le rejet des
jugements de valeur qui imposera l`exégèse et la méthode
fonctionnelle qui nous permettra d`intégrer dans notre analyse juridique
communautaire, des dimensions internationales, des pratiques de
l`intégration en Europe et de l`exercice jurisprudentiel de la cour de
justice de la CEMAC et de l`union européenne.
Alors, étudier la question de l`Etat dans son
appartenance à une organisation supranationale implique pour nous une
remise en question de la théorie générale de l`Etat. Parce
qu`il nous
54 Martin (S), « l'identité de l'Etat
dans l'union européenne : entre «identité nationale »
et « identité constitutionnelle » RFDC, PUF,
n°91, 2012, p 13-44.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 16
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
revient de constater qu`une entité juridique telle que
l`Etat, dotée de l`indépendance et de la souveraineté,
peut appartenir à une organisation supranationale
caractérisée par un droit de subordination.
La question, quoique sujette à caution, monopolise
l`attention. Car la réflexion sur la dialectique relative à
l`Etat et son appartenance à la communauté révèle
une remise en cause de beaucoup de ses fondements, du moins à
l`évidence de l`implication de la qualité de membre. C`est la
raison pour laquelle nous avons décidé de compléter nos
analyses purement textuelles par des éléments des
décisions de la cour de justice de l`union européenne et du
fonctionnement des organes et des institutions de la CEMAC. Cela paraît
plus adéquat, parce que la question situe l`Etat membre de la CEMAC dans
son environnement et dans sa spécificité.
En effet le droit international, la pratique européenne
de l`intégration et la jurisprudence de la cour de justice de l`union
européenne permettront dans une approche logico-déductive de
d`abord rendre compte de la nature et de l`essence de l`Etat membre de la CEMAC
parce que l`organisation supranationale de l`Afrique centrale s`est largement
inspirée de l`union européenne, ensuite de soulever sa
spécificité parce que l`inspiration n`est pas synonyme de
mimétisme et enfin de présenter le rapport de la qualité
de membre de la CEMAC avec l`Etat souverain.
Dans ce cas notre tâche ne se réduira pas
à « une connaissance de nombreuse règles de droit
» CEMAC, règles dont la diversité, les trajectoires et
le rythme de production peuvent échapper à notre vigilance. Nous
dégagerons du droit produit ou entrain de l`être et mis en forme
par les autorités établies la signification et la portée
de l`appartenance d`un Etat à la CEMAC. Nous ferons souvent des
intrusions dans le passé pour mesurer le niveau de communautarisation
atteint par le projet CEMAC pour cerner l`Etat membre de la CEMAC.
L`empirisme nous imposera de décrire le droit
communautaire non pas de manière idéale mais comme un ensemble de
faits empiriquement observables dans l`objectif de produire des propositions
descriptives. Ainsi on ne se limitera pas à l`étude de la norme
pour la norme mais bien plus de la norme dans son rapport au système et
à l`environnement dans lequel il doit s`insérer et doit agir.
Les développements qui précédent,
témoignent de deux préoccupations constantes de notre travail :
l`appréhension du statut ou de la qualité de membre de la CEMAC,
et de la force transformatrice et influente que subit l`Etat dans son ensemble
face au phénomène d`intégration.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 17
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Dans un premier temps, pour appréhender la
qualité de membre de la CEMAC en passant par les prérogatives que
cela entraine pour l`adhérant, nous analyserons le statut de
l'Etat membre de la communauté économique et monétaire de
l'Afrique centrale. (Première partie)
Dans un deuxième temps, on se posera la question de
savoir, si l`Etat souverain subit une adaptation, une influence modificatrice
particulière du fait de la réception du droit et de la pratique
de l`intégration sous régionale de l`Afrique centrale. C`est la
question de l'implication de la qualité de membre pour un Etat
souverain (deuxième partie). La réponse à cette
question nous permettra d`analyser les conséquences ou les
résultats de l`appartenance de l`Etat à la communauté
économique et monétaire de l`Afrique centrale.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 18
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 19
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
PREMIERE PARTIE
LE STATUT D'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 20
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
La qualité de membre en droit communautaire est un
statut reconnu à des entités juridiques étatique qui ont
adhérés et partagent les droits et les obligations
inhérentes à une communauté intégrative. La CEMAC
ne fait pas l`exception, tout au contraire, elle s`arrime à la norme qui
voudrait que l`acquisition de la qualité de membre soit au
préalable conditionnée à l`exigence et au respect des
conditions de forme et de fond. Cette qualité qui crée des droits
et des obligations en faveur des entités juridiques, ayant
accepté et reconnu le traité constitutif de la communauté
intégrative, se traduit par la création de nouvelles
entités membre, Etat fondateur ou pas, bien que dans notre étude
la distinction ne soit pas opportune, pour la détermination de la
consistance du statut d`Etat membre de la CEMAC (chapitre 1)
et même pour dégager les pouvoirs inhérents à la
qualité de membre (chapitre2).
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 21
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DU STATUT D'ETAT MEMBRE
DE
LA CEMAC.
Génératrice d`effets de droit,
l`appréhension de la qualité de membre de la CEMAC permet une
caractérisation univoque de l`Etat appartenant à la CEMAC
(section2). L`acquisition de la qualité de membre de la
CEMAC met en exergue un ensemble de conditions qui soulèvent dans le
processus un certain nombre d`impératifs et de prise en compte des
principes structurant la CEMAC. Cette procédure met ainsi l`accent sur
un ensemble de choix et de sélections réciproques
s`opérant entre d`une part, l`Etat désirant le statut de membre,
ensuite la communauté, et enfin les Etats fondateurs, membres de la
communauté (section1).
SECTION I : L'ACQUISITION DU STATUT D'ETAT MEMBRE DE
LA CEMAC
L`adhésion d`un Etat à la CEMAC nécessite
au préalable le respect d`un certain nombre de conditions qui sont
propres aux Etats (Paragraphe I) nécessitant le statut
de membre. Même après l`adhésion, des conditions
spécifiques sont prévues pour recevoir le nouvel Etat membre de
la CEMAC (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : Les conditions préliminaire à
l'acquisition du statut de membre de la CEMAC
Bien que le traité CEMAC55 ne soit pas
exactement ordonné dans l`énoncé des conditions
préalables à l`admission d`un Etat dans la communauté,
nous avons trouvé opportun de présenter les
éléments disponibles, en conditions de fond(A)
et de forme(B).
A/ Les conditions de fond pour une éventuelle
acquisition de la qualité de membre de la CEMAC
Compte tenu de la nature de l`entreprise communautaire, le
traité CEMAC56 a réservé l`adhésion aux
Etats appartenant à la région Afrique(1) et
aussi aux candidats partageant les idéaux des Etats
fondateurs(2).
55 Traité instituant la Communauté
Economique et Monétaire de l`Afrique Central (CEMAC) Fait à
Ndjamena au Tchad, le 16 Mars 1994, révisé le 25 Juin 2008
à Yaoundé au Cameroun et également revisé le 30
janvier 2009 à Libreville au Gabon.
56 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 22
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
1) La condition ambigüe d'appartenance à
la région Afrique
Il faut tout de suite dire que l`article 55 du traité
CEMAC57 est plutôt laconique dans l`énoncé des
conditions d`admission d`un nouvel Etat à la CEMAC. Et en plus, il
n`existe aucune disposition qui prévoit comme dans le cas de
l`UEAC58 ou de l`UMAC59, une convention additionnelle
pour organiser l`adhésion de nouveaux membres de la CEMAC. Cependant
quelques questions nécessitent des réponses que les dispositions
du traité n`apportent pas. C`est la question de savoir : pourquoi
étendre la possibilité d`adhésion à la CEMAC, aux
Etats Africains en général, pour une entreprise qui se veut sous
régionale60 ? De plus, dans l`hypothèse que cela soit
véritablement possible n`aurons nous pas une organisation concurrente
à l`Union Africaine61 ?
Il faut dire que la région Afrique est une certitude
car nous pouvons délimiter l`aire géographique qui est reconnue
comme Afrique. Il faut également dire qu`une telle initiative est
novatrice. Il s`agit peut être pour la CEMAC de se vouloir avant tout non
seulement africaine mais également panafricaine. Cependant le sigle
CEMAC, restreint le champ d`Etats concernés par cette organisation
supranationale. Il est paradoxal de créer une organisation sous
régionale et en même temps qui se veut régionale. Soit le
sigle de l`organisation intégrative, est en totale contradiction avec
les objectifs que veut atteindre le traité CEMAC, soit c`est l`article
55 du traité constituant de la CEMAC révisé le 30 janvier
2009, qui trahit les termes du préambule Du même
traité62. On constate que le projet intégratif est
avant tout et uniquement destiné à l`Afrique Centrale, parce que
la CEMAC n`est pas d`abord une vision commune économique et
monétaire, mais c`est avant tout une histoire communautaire commune.
L`on peut dire de ce qui suit que l`article 55 du traité
révisé CEMAC, bien qu`ayant une perspective globalisante marque
une contradiction avec l`esprit du texte
57 L`article 55 du traité
révisé CEMAC stipule que « Tout autre Etat africain,
partageant les mêmes idéaux que ceux auxquels les Etats fondateurs
se déclarent solennellement attachés, pourra solliciter son
adhésion à la Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale ».
58 Union Economique de l`Afrique Centrale. Elle est
régit par une convention signé a Yaoundé au Cameroun le 25
Juin 2008.
59 Union Monétaire de l`Afrique Centrale.
Régit par la convention signée le 25 Juin 2008 à
Yaoundé au Cameroun.
60 Voir a ce sujet l`article 55 du traité
CEMAC qui stipule que « Tout autre Etat africain (...) pourra
solliciter son adhésion à la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale »
61 Union Africaine (UA) est une organisation
d`Etats africains créée en 2002 à Durban en Afrique du
Sud, en application de la déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. Elle
remplace l`Organisation de l`Unité Africaine (OUA) créée
25 mai 1963 et dissoute le 9 Juillet 2002.
62 Le préambule du traité est clair
la dessus la CEMAC « est une impulsion nouvelle et décisive au
processus d'intégration en Afrique Centrale » de plus elle
vient parachever une idée intégrative portée par l`Union
Douanière et Economique de l`Afrique Centrale. Grosso modo le
projet intégratif en Afrique centrale s`est toujours voulu sous
régional et non régional.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 23
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
constitutif .Il est donc exagéré
d`étendre le champ de possibilité de candidature à
l`acquisition du statut de membre de la CEMAC à tout les Etats
Africains. Car, ne peuvent véritablement être membre de cette
organisation que les Etats de l`Afrique Centrale partageant tout au moins la
proximité des frontières, comme le préconise les textes de
l`UEMOA63. L`article 55 doit s`en tenir à l`appartenance
à la sous région Afrique centrale. De plus une organisation sous
régionale qui se veut africaine dans sa composition risquerait, si les
Etats d`autres régions de l`Afrique adhèrent effectivement au
projet, de créer une forme de concurrence à l`organisation
panafricaine qu`est l`Union Africaine. Le risque serait de se trouver dans une
hypothèse d`une organisation bis qui rivalisera avec l`Union Africaine.
Alors même que la CEMAC tire relativement sa légitimité
existentielle des textes de base de l`Union Africaine64.
En somme, le manque de logique conditionnant la qualité
d`Etat Africain, pourrait à terme poser un quiproquo. Certainement l`on
tiendra compte de la condition politique : le partage des idéaux des
Etats fondateurs.
2) La condition politique : Le partage des
idéaux des Etats fondateurs.
Toujours sous le prisme de l`article 55 du traité
révisé, il est stipulé que : « tout autre Etat
Africain partageant les même idéaux que ceux auxquels les Etats
fondateurs se déclarent solennellement attachés, pourra
solliciter son adhésion à la communauté économique
et monétaire de l'Afrique Centrale... ».
De quels idéaux s`agit-il ? Dans un premier temps nous
tiendrons aux idéaux énoncés dans le préambule du
traité révisé de la CEMAC. C`est -à-dire
«(...) de développer ensemble toutes les ressources humaines et
naturelles de leurs Etats membres et de mettre celles-ci au service du bien
être général de leurs peuples dans tous les domaines
», «(...)de renforcer la solidarité entre leurs peuples dans
le respect de leurs identités nationales respectives », et
enfin le « (...) respect des principes de démocratie, des
droits de l'homme, de l'Etat de droit, de la bonne gouvernance, du dialogue
social et des questions de genre ». Ses idéaux sont clairement
énoncés et l`idéal qu`est la démocratie
représentative, le respect des droits de l`homme, des libertés
politiques, et les principes inhérents à l`Etat de droit y sont
également présents. Très convoités par les Etats
des organisations intégratives sous régionales Africaines, ils
sont brandis de plus en plus comme une carte de légitimation des
63 Article 103 du traité modifié de
l`UEMOA du 29 Janvier 2003 à Dakar au Sénégal «
Tout Etat ouest africain peut demander à devenir membre de l'Union
»
64 Le préambule indique si bien le fondement
de la CEMAC « approche d'intégration proposée en UDEAC
telle qu'inspirée par les Chefs d'Etat de l'OUA lors de la
Conférence d'Abuja en juillet 1991 ».
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 24
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
gouvernements. Les principes de démocratie et de l`Etat
de droit65 n`étant véritablement pas une
préoccupation de la majorité des Etats Africains, il est
surprenant qu`ils soient cités, parmi les idéaux que proclament
les membres fondateurs dans le traité constitutif de la CEMAC. On peut
même se demander si le partage de cet idéal ne parait pas
déjà problématique ? On comprend aisément qu`il
s`agit d`une proclamation sans valeur. La CEMAC n`a pas pris la pleine mesure
de l`ampleur des conditions politiques à voir respecter par les
candidats pour une éventuelle adhésion à la CEMAC. On peut
même aller plus loin dans notre analyse en affirmant qu`il s`agit d`une
condition qui accorde un pouvoir relativement discrétionnaire dans le
choix des candidats à l`adhésion.
Après cette analyse systématique du partage des
idéaux des Etats fondateurs, nous pouvons tirer la conclusion selon
laquelle la première condition de fond paraît peu
représentative de la réalité des textes CEMAC. Ensuite
quant à la seconde condition sur le partage des idéaux des Etats
fondateurs, si elle s`appuie sur l`esprit du préambule, celle-ci est
très utopique et ne cadre pas avec la réalité politique
des Etats fondateurs en question. Faut dire que ces conditions sont loin de la
réalité sociale en Afrique centrale. Devons nous alors dire que
la condition du partage des idéaux des Etats fondateurs n`est qu`une
condition fictive ? La réalité est que la condition de fond
relative au partage de l`idéal des Etats membres fondateurs
établit un pouvoir discrétionnaire dans le choix des futurs
membres de la CEMAC. Quid des conditions de forme ?
B/ Les conditions de forme : procédure
d'attribution de la qualité de membre de la CEMAC
Le traité révisé CEMAC énonce une
procédure spécifique en son article 55, « ...cette
adhésion ne pourra intervenir qu'après accord unanime des membres
fondateurs(1). Toute adhésion ultérieure d'un
nouvel Etat sera subordonné à l'accord unanime des Etats membres
de la communauté(2) ». Cette précision
ou plutôt ce distinguo entre « membres fondateurs » et
« Etats membres de la communauté » mérite une
attention particulière.
1) L'accord unanime des membres fondateurs de la
CEMAC : un accord veto.
On aurait pu s`attendre dans le texte constitutif de la CEMAC
à ce que la procédure d`adhésion à la CEMAC soit
détaillée, ou tout au plus qu`elle renvoie l`organisation des
conditions et de la procédure d`adhésion d`un nouvel Etat dans la
CEMAC
65 Voir CHEVALLIER (J), L'Etat de droit,
Montchrestien, Paris, 4e édition, 2003, pp 160
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 25
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
à une convention additionnelle. Mais ce n`est pas le
cas, la procédure d`adhésion a été autant
simplifiée que rendue ambigüe. On peut par analogie imaginer,
à la lumière de sa soeur inspiratrice, l`Union Européenne,
que la procédure d`adhésion de la CEMAC soit formulée et
adressée comme suit : l`Etat qui souhaiterait devenir membre adresserait
sa demande à la communauté. Et la décision finale
d`adhésion reviendrait en dernier ressort aux membres originels
c`est-à-dire des « membres fondateurs »66.
A l`évidence, le traité CEMAC met en exergue premièrement
les Etats membres fondateurs. Cela démontre la prééminence
des membres fondateurs de la CEMAC. L`on peut aisément comprendre cette
posture, dans le sens où ce sont les Etats dits « fondateurs
» qui ont oeuvré à la mise sur pied de la CEMAC et en
conséquence connaissent véritablement ce qui convient le mieux
pour la communauté, y compris dans le choix des candidats à
l`adhésion. En effet dans la procédure laconiquement
énoncée par le traité révisé de la CEMAC, il
n`est aucunement fait mention du rôle de la communauté dans le
processus d`adhésion. Cela augure inéluctablement une
procédure d`adhésion, essentiellement étatique. Il ne sera
pas surprenant que la procédure de choix débouche sur des
positions discrétionnaires. D`où l`importance pour le
traité d`accorder aux Etats fondateurs une position
prééminente dans la décision finale. Ainsi à la
lecture du traité CEMAC, la sélection des potentiels membres de
la CEMAC s`effectuera en deux phases. Premièrement, la phase de
contrôle et de prise de décision des membres fondateurs et
deuxièmement, le contrôle et la proposition d`avis de tous les
membres de la CEMAC y compris les membres fondateurs. Le texte constitutif de
la CEMAC aurait simplement pu stipuler que cette adhésion
n`interviendrait qu`après un accord unanime des Etats membres de la
CEMAC. Dans ce cas, on comprendrait qu`il s`agit au préalable d`un
accord unanime des Etats membres fondateurs et éventuellement des
membres non fondateurs. Cependant, la réalité est tout autre, le
traité CEMAC instaure une inégalitaire représentation dans
la prise de la décision finale lors de l`adhésion d`un nouvel
Etat. On finit par comprendre que la qualité d`Etat membre fondateur est
assimilable à la fonction de membre permanent du conseil de
sécurité de l`ONU qui dispose du droit de veto67. Car
on s`imagine difficilement une adhésion dans la CEMAC si les membres
fondateurs n`approuvent pas. Dans le cas ou la décision des membres non
fondateurs est en totale contradiction avec la décision des membres
fondateurs, quelle serait l`issue ? C`est à ce moment que la
qualité de membre fondateur prend tout son
66 Le terme est employé dans le
traité CEMAC pour établir un distinguo entre les fondateurs et
les membres qui ont adhéré plus tard. Un distinguo
évidement pas anodin parce qu`elle traduit un classement par importance
des membres de la CEMAC.
67 Le droit de veto du conseil de
sécurité des Nations Unies est un droit accordé uniquement
aux cinq membres permanents du conseil qui leur permet de bloquer toute
résolution ou décision, quelle que soit l`opinion majoritaire au
conseil.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 26
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
sens car on voit mal la balance pencher en faveur des membres
non fondateurs. Toutefois, pour plus d`équité, Il serait
judicieux pour la Communauté de revoir ses textes pour faire jouer un
rôle à la commission dans le choix des nouveaux membres de la
CEMAC, même si il s`agit d`un rôle d`arbitre ou de simple avis.
Ainsi comme dans l`adhésion à l`UE, la négociation peut
être menée « du côté des communautés
par le conseil , le rôle de la commission consiste à
présenter des propositions en vue d'établir , entre les Etats
membres une base commune de négociations et ensuite, à jouer l'
« honnête courtier » entre les membres et les candidats
»68
De ce qui précède, l`on ne peut que se rendre
compte que l`adhésion des nouveaux Etats membres est difficilement
concevable parce que la législation communautaire en l`état
actuel pose des difficultés d`application.
2) L'accord unanime des Etats membres de la
communauté : une formalité
, en instituant deux phases dans la procédure
d`adhésion d`un Etat au statut de membre de la CEMAC, et en
commençant par les membres fondateurs, l`article 55 du traité
révisé CEMAC de 2009 met en exergue l`importance des membres
fondateurs et surtout le fait qu`on les retrouve encore parmi les Etats membres
qui se prononceront à l`unanimité pour l`adhésion du
nouvel Etat. Cela démontre la prééminence des membres
fondateurs. Et nous laisse penser que la seconde phase relative aux Etats
membres n`est qu`une formalité pour associer les autres membres non
fondateurs à la décision d`adhésion. Tout de même
quelques interrogations subsistent, à l`énoncé suivant
« toute adhésion ultérieure ... ». A
première vue l`article 55 s`adresse au premier Etat candidat à
l`adhésion. Par conséquent, les autres Etats désirant la
qualité de membre se verront appliquer la seconde phase qui subordonne
l`acquisition du statut de membre de la CEMAC à l`accord unanime des
deux groupes d`Etat membre. Cela est difficilement acceptable car il
reviendrait à reconnaître qu`à un moment donné, une
partie de l`article 55 est appelé à être
désuète après la première adhésion. En
d`autre terme, en cas d`adhésion d`autres Etats, les Etats membres non
fondateurs se prononceront comme les Etats membres fondateurs. La
qualité de membre de la CEMAC est subordonnée à un double
accord unanime de ses membres à savoir les membres fondateurs et non
fondateurs.
68 ISSAC (G) et BLANQUET (M), Droit
général de l'union européenne, Sirey
université, 9eme édition, 2006, p33.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 27
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
De l`article 55 du traité révisé de la
CEMAC et de la pratique communautaire dans l`Union Européenne, il sera
opportun de revoir la procédure d`adhésion à la CEMAC
comme il suit : l`Etat demandeur doit adresser sa demande d`adhésion
à la communauté c`est-à-dire à la commission CEMAC
ou à l`Etat dépositaire du traité constituant la CEMAC,
à charge pour lui de la transmettre à la commission. Une fois la
commission saisie de la demande d`adhésion à la CEMAC, celle-ci
vérifie sa conformité avec les conditions de fond à savoir
la nature africaine de l`Etat demandeur, et le respect de certains
idéaux proclamés par le traité révisé de la
CEMAC. La demande d`adhésion sera notifiée aux Etats membres,
à savoir membres fondateurs et éventuellement non fondateurs, et
transmise lors de leur réunion, à charge pour eux de se prononcer
définitivement sur l`adhésion de l`Etat demandeur, la
priorité dans la décision finale revenant aux membres fondateurs
en relation avec le parlement communautaire qui détient un droit de
consultation obligatoire en ce qui concerne l`adhésion d`un nouvel Etat
membre69. Après cette phase procédurale le
traité révisé CEMAC prévoit un ensemble de
conditions techniques relatives à l`acquisition par le nouvel Etat de la
qualité de membre de la communauté.
PARAGRAPHE II : Les conditions ultérieures à
l'acquisition du statut de membre de la CEMAC.
Il s`agit essentiellement des conditions liées au
traité révisé de la CEMAC, à savoir des adaptations
du traité constitutif (A) et de l`obligation
d`association aux acquis communautaires(B) par le nouvel Etat
membre de la CEMAC.
A / Les adaptations du traité instituant la
CEMAC pour l'admission du nouvel Etat membre
On parlera de l`adaptation du traité CEMAC à la
langue officielle du nouvel Etat membre (1) et des
prérogatives inhérentes à sa qualité de membre
telle que la dénonciation du traité institutif CEMAC
c`est-à-dire le principe de non appartenance définitive à
la CEMAC(2)
69 Article 25 de la convention
régissant le parlement communautaire signé a Yaoundé au
Cameroun le 25 Juin 2008 « le parlement peut être
consulté sur les projets d'actes additionnels, de règlements et
de directives. Cette consultation est obligatoire dans les domaines suivants
:
- Adhésion de nouveaux Etats
membres... »
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 28
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
1) L'adaptation à l'adhésion :
l'adaptation linguistique des instruments communautaires au nouvel Etat membre.
C`est généralement un aménagement
communautaire consistant à insérer la langue ou les langues
officielles du nouvel Etat ayant adhéré la communauté.
Elle se manifeste par une insertion textuelle c`est-à-dire une
reconnaissance solennelle de la langue du nouvel Etat membre de la
communauté comme une langue parmi tant d`autres de travail de la
communauté. Le traité révisé CEMAC est clair en son
article 59 qui stipule que « les langues de travail dans la
communauté sont le français, l'anglais, l'espagnol et l'arabe
». L`insertion de la nouvelle langue peut aussi être faite pour
permettre que le traité instituant la CEMAC soit traduit dans la
nouvelle langue. Cependant la reconnaissance et l`insertion de nouvelles
langues officielles comme langues de travail dans la communauté
soulèvent la question de l`éventuelle égalité des
différentes langues manifestées comme langues de travail dans la
communauté. Il est évident qu`aucun texte ne reconnaît
explicitement une égalité entre les différentes langues de
travail dans la communauté. Cependant, en reconnaissant dans l`article
59 du traité instituant la CEMAC le français, l`anglais,
l`espagnol et l`arabe comme langues de travail dans la communauté, l`on
peut tirer de cette disposition une proclamation implicite de
l`égalité des différentes langues composant les langues
d`exercice de la CEMAC. Mais il s`agit d`une proclamation
rédhibitoire70 dans la mesure où l`article 64 en
stipulant que « le présent traité est
rédigé en exemplaire unique en langue française,
espagnole, arabe, et anglaise ; le texte français faisant foi en cas de
divergence d'interprétation » met explicitement le
français en exergue par rapport aux autres langues de travail de la
communauté et annule implicitement l`égalité entre les
différentes langues d`exercice de la CEMAC. A cet effet on peut oser,
à la lecture de cet article, affirmer que le français est en
quelque sorte prééminente sur les autres langues de travail de la
CEMAC. Cela est constaté dans l`énoncé de l`article 64.
L`adaptation linguistique du nouvel Etat à la
communauté fait partie des prérogatives inhérentes
à la qualité de membre, comme c`est le cas du droit de
dénonciation du traité instituant la CEMAC.
70 « Le constitutionnalisme
rédhibitoire...commence quand certaines dispositions d'une loi
fondamentale réduisent a néant d'autres dispositions explicite ou
implicite. » voir J. OWONA, « l'essor du constitutionnalisme
rédhibitoire en Afrique noire : études de quelques «
constitutions Janus », mélanges offerts à P-F GONIDEC,
LGDJ, 1985, PP 235-243.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 29
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
2) L'adaptation au retrait : le droit de
dénonciation du traité instituant la CEMAC : le principe de non
appartenance définitive à la CEMAC.
Le principe de l`appartenance définitive à la
communauté signifie, que le traité constitutif n`aborde pas dans
ses dispositions des possibilités de retrait71de la
communauté. Mais exceptionnellement la seule possibilité est
l`exclusion de la communauté. Dans le cas de la CEMAC, l`article 58 du
traité révisé stipule que « le traité de
la CEMAC peut être dénoncé par tout Etat membre ».
Le droit communautaire CEMAC reconnaît un droit de retrait à
tout Etat membre désirant mettre fin à son appartenance à
la communauté. Le traité constitutif de la CEMAC organise
à la suite du retrait d`un Etat membre la cessation des
prérogatives s`appliquant à sa qualité de membre. Et cet
article 58 précise qu`il « cesse d'avoir effet à
l'égard de celui-ci le dernier jour du sixième mois suivant la
date de notification à la conférence des Chefs d'Etats. Ce
délai peut cependant être abrégé d'un commun accord
entre les Etats signataires ».
Le droit de dénonciation est reconnu à tout Etat
membre désirant se retirer de la CEMAC. Pour que ce retrait soit
effectif le traité constitutif de la CEMAC prévoit une
procédure dite normale qui revient à ce que des normes
communautaires cessent définitivement d`avoir effet sur celui-ci le
dernier jour du sixième mois suivant la date de notification à la
conférence des Chefs d`Etats. Cependant la procédure normale peut
être abrégée d`un commun accord entre les Etats
signataires. Il faut également signaler que le traité instituant
la CEMAC ne prévoit pas dans ses dispositions une exclusion d`un Etat
membre de la CEMAC. Par conséquent, une appartenance définitive
est exclue dans le traité révisé de la CEMAC. Le droit de
dénoncer le traité CEMAC est reconnu à tout Etat membre
désirant se retirer de la communauté, Toutefois dans le strict
respect de l`article 58 du traité révisé
CEMAC72. Il est de notre intérêt de tirer la conclusion
qui s`impose, à savoir que le traité constitutif CEMAC rend
possible le retrait unilatéral pour tout Etat membre. Uniquement dans le
but de permettre la continuité du projet intégratif. Cette
précision est nécessaire par ce qu`auparavant au sein de l`union
européenne, l`interdiction juridique du retrait
unilatéral73 d`un Etat membre (principe d`appartenance
définitif) était généralement
71 ISAAC (G) et BLANQUET, Droit
général de l'union européenne, Sirey
université, 9e édition, 2006, P 33.
72 L`article 58 du traité
révisé CEMAC signé en 2008 stipule que : « Le
Traité de la CEMAC peut être dénoncé par tout Etat
membre. Il cesse d'avoir effet à l'égard de celui-ci le dernier
jour du sixième mois suivant la date de notification à la
Conférence des Chefs d'Etat. Ce délai peut cependant être
abrégé d'un commun accord entre les Etats signataires
».
73 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit
général de l'Union Européenne, Sirey
Université, 9e édition, 2006, p34.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 30
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
source d`obstacle au fonctionnement des communautés
européennes. Car, comme l`affirme Guy ISAAC et Marc BLANQUET, un Etat
qui veut se retirer mais se trouve empêché, peut faire obstacle au
fonctionnement de celles-ci par la pratique de la « politique de la
chaise vide »74. La posture des textes constitutifs de
l`union européenne peut se justifier, comme une envie d`éviter
l`éternel retour à la case départ dans le processus
d`intégration européenne. Ainsi pour résoudre le
problème de l`éventuel blocage d`un Etat membre, l`Union
Européenne a préfère une intégration
différentielle. « Schématiquement ces dérogations
correspondent aux concepts de l'Europe à plusieurs vitesses
»75, ou de l` « Europe à
géométrie variables »76. Et depuis
l`entré en vigueur du traité de Lisbonne, il a été
inséré une clause de retrait volontaire dans le TUE.
L`intégration différentielle n`est pas reconnue au sein de la
CEMAC. Il est mis en avant dans le processus de communautarisation les
principes d`unanimité, c`est-à-dire le consensus dans la prise de
décision. Mais cela entraine inéluctablement une évolution
lente et subordonnée à l`humeur des Etats membres77.
autrement dit un Etat membre, pas en phase avec la CEMAC, ralentira
l`évolution significative du processus d`intégration ou pire, la
bloquera. Il est louable l`initiative du traité CEMAC de permettre un
retrait unilatéral de tout Etat membre désirant se retirer. Cela
démontre la volonté des législateurs communautaires
d`éviter des blocages dans le fonctionnement de la CEMAC. L`on peut tout
de même reprocher au traité CEMAC de n`avoir pas prévu dans
ses énoncés la possibilité d`exclure un membre de la
communauté pour entrave au processus évolutif communautaire, ou
bien la possibilité, comme dans l`Union Européenne, d`avoir une
différenciation dérogatoire entre les Etats membres. quid de
l`obligation de l`association du nouvel Etat aux acquis communautaire.
74 C`est la politique consistant à refuser
de siéger dans les institutions et en particulier au conseil comme ca
été le cas de l`Etat français entre juin 1965 et
février 1966 qui entraina la communauté européenne dans
une léthargie proche de l`asphyxie. Citez par ISAAC (G) et BLANQUET (M),
Droit général de l'union européenne, op cit
p34.
75 « Plusieurs vitesse »
c`est-à-dire que la « dérogation est passagère et
limitée, d'entré de jeu, dans le temps : ainsi des
périodes de transition consenties dans les traités
d'adhésion pour permettre aux nouveaux membres de reprendre
progressivement l'acquis communautaire » ou encore du statut d`
« Etats membres faisant l'objet d'une dérogation
organisé » par les textes constitutifs de l`union
européenne. Citer par ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit
général de l'union européenne, op cit pp 35-36.
76 Il s`agit d`une volonté de certains Etats
membres de bénéficier d`une réglementation
dérogatoire qui leur permet de laisser inappliquée la
règle commune.
77 Comme cela a été le cas lors de la
mise en oeuvre de la libre circulation des personnes prévue normalement
le 1er janvier 2014, qui fut rejeté sans véritable raison
valable, par le Gabon et la Guinée Equatoriale.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 31
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
B/ L'obligation d'association du nouvel Etat membre aux
acquis communautaires.
La CEMAC s`est construite sur les acquis d`une quarantaine
d`années d`intégration en Afrique Centrale78. En outre
de cette intégration héritée, et celle établie par
la jeune expérience de la CEMAC, nous pourrons à la suite de
cela, ressortir des acquis relevant des politiques économiques
communes(1) et des politiques
sectorielles(2).
1) L'obligation d'association aux acquis des
politiques économiques communes.
Mise en oeuvre au niveau communautaire par l`Union Economique
de l`Afrique Centrale (UEAC), il faut dire que les politiques
économiques nationales manquent véritablement d`une harmonisation
pour « établir en commun les conditions d'un
développement économique et social harmonieux dans le cadre d'un
marché ouvert... »79. Pour ainsi atteindre cet
objectif, la CEMAC a dû se fixer des points bien précis que l`on
peut citer comme suit : « renforcer la compétitivité des
activités économiques et financières en harmonisant les
règles qui contribuent à l'harmonisation des affaires et qui
régissent leur fonctionnement , · assurer la convergence vers
des performances soutenables par la coordination des politiques
économiques et une mise en cohérence des politiques
budgétaires nationales avec la politique monétaire commune
, · créer un marché commun fondé sur la libre
circulation des biens, des services, des capitaux, et des personnes
»80.
La réalisation de ces objectifs devrait ainsi se faire
nonobstant les difficultés liées à la faiblesse des
ressources, des avances réelles ont pu être obtenues et reconnues
comme des acquis durant cette première étape. « Le
dispositif institutionnel a été fortement renforcé : cour
de justice, commissions interparlementaires, relance de la BDEAC, nouvelles
institutions spécialisées. L'UEAC est officiellement une zone de
libre échange(ZLE), depuis décembre 2000. Par ailleurs le
règlement financier de toutes les institutions s'harmonise
progressivement. L'union douanière a été mise en place, le
tarif extérieur commun(TEC), adopté en juin 1993 a
été révisé en 2001, puis en 2002. Les codes des
douanes ont été révisés ; des règles
communes ont été adoptées en matière
d'investissement et de concurrence. Afin de faciliter la libre circulation un
passeport communautaire a été adopté
78 L`UDEAC avait permis quelques avancées
dans la marche vers l`intégration. Dès 1965 la naissance de la
convention commune sur les investissements dans les pays de l`UDEAC (qui se
trouve être le fondement des codes des investissements) ; l`harmonisation
de plusieurs disposition fiscales à l`instar de l`impôt sur le
chiffre d`affaire intérieur en 1969 ; l`impôt sur les
sociétés en 1972 ; l`impôt sur les revenus des personnes
physiques. Cité par le rapport final au diagnostic institutionnel et
organisationnel de la CEMAC, tome 1, février 2006, pp 18-19.
79 Article 1 de la convention régissant l`Union
Economique de l`Afrique Centrale signé en 2005.
80 Ibid. article 2.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 32
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
en 2000 et un règlement portant sur les
facilités accordées aux voyageurs a été
adoptés en 2003 et également depuis le 1er janvier
2014, il a été conclu à l'ouverture des frontières
et par conséquent à la libre circulation des personnes
»81
Cependant ce bilan marquant les acquis au plan
économique de la CEMAC apparaît de nos jours comme mitigé
« notamment du fait de la faible application des décisions et
du retard pris dans la mise en oeuvre des projets communautaires
»82. C`est dans ce sens que le secrétariat
exécutif, aujourd`hui la commission affirmera que « les
entorses à l'application des codes et règlements
fiscalo-douaniers, les entraves tarifaires et non tarifaires au commerce intra
régional, l'observation insuffisante des règles d'origine et des
dispositions communautaires sur la réglementation de la concurrence
constituent des dérives dangereuses qui, si l'on ne prend garde peuvent
entrainer l'effondrement de tout l'édifice en construction
»83. L`on peut citer quelques décisions non
appliquées ou projets en retard : acte additionnel N°03/00-CEMAC
046-CM05 instituant un mécanisme autonome de financement de la
communauté ; acte additionnel N°01/00-CEMAC-046-CE-03 portant
modification de l`acte additionnel N°3/00/CEMAC-046-CE-03 du 14
décembre 2000 instituant un mécanisme autonome de financement de
la communauté ; acte additionnel N°02/01-CEMAC-066-CE-03 portant
création d`une compagnie communautaire de transports aériens en
zone CEMAC84.
2) L'obligation d'association aux acquis des
politiques sectorielles
La convergence des politiques sectorielles revient, selon la
convention régissant l`Union Economique de l`Afrique centrale, à
la coordination des politiques nationales. Il s`agit du quatrième
objectif assigné à la commission par la convention à
savoir, « instituer une coordination des politiques sectorielles
nationales, mettre en oeuvre des actions communes et adopter des politiques
communes, notamment dans les domaines suivants : l'agriculture,
l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les
transports, l'aménagement du territoire communautaire, et les grands
projets d'infrastructures, les télécommunications, les
technologies de l'information et de la communication, le dialogue social, les
questions de genres, la bonne gouvernance et les droits de l'homme,
l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles, la recherche,
l'enseignement et la formation
81 Voir le rapport final du diagnostic institutionnel
et organisationnel de la CEMAC, op cit p20.
82Nous remarquons qu`il ressort que le champ des
décisions non appliquées couvre un large spectre des instruments
d`intégration dont se sont doté les Etats mettant en péril
le processus
83 Affirmation du secrétaire exécutif
de la CEMAC, Jean NKUETE, lors d`une interview, cité par le rapport
final de diagnostic institutionnel et organisationnel, op cit p22.
84 Ibid. p22
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 33
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
professionnelle »85. Ceci correspond
à la seconde étape, qui comme sa devancière durera trois
ans à compter de la fin de la première et celle-ci consistera :
« mise en oeuvre d'un processus de coordination des politiques
nationales dans les secteurs suivant : l'agriculture, l'élevage, la
pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les transports, les
technologies de l'information et de la communication » ;
l'engagement d'un processus de coordination des politiques sectorielles
nationales en matière d'environnement et d'énergie ; renforcement
et à l'amélioration en vue de leur inter connexion, les
infrastructures de transport et de télécommunication des Etats
membres »86.
De prime abord et du premier constat, la seconde étape
est loin d`être mise en place. Car la première étape
nécessitant encore un peu plus de temps pour atteindre son but, à
cause essentiellement de la difficulté de mise en oeuvre de
décisions d`application de la première étape. Ensuite pour
éviter la stagnation du projet communautaire, la communauté a
décidé de lancer la mise sur pied de la seconde étape par
la coordination de quelques politiques nationales dans les secteurs tels que
l`agriculture, l`élevage, la pêche, le tourisme, le transport par
les institutions spécialisées telles que Carte Rose CEMAC qui est
un service d`assurance responsabilité civile automobile ; CEBEVIRHA
(commission économique du bétail, de la viande, et des ressources
halieutiques), IHT-CEMAC (l`école de tourisme et d`hôtellerie de
la CEMAC).
Au demeurant, se basant sur les acquis de l`UDEAC, en termes
de structures et de politiques (y compris la réforme
fiscalo-douanière de 1994), la CEMAC a connu plusieurs avancées
significatives à savoir, la nouvelle impulsion politique visant à
l`harmonisation des politiques et législations nationales et par la
délégation d`une parcelle de souveraineté des Etats
membres au niveau sous régional, notamment avec la création de
nouvelles institutions communautaires, tels le parlement et la cour de justice
communautaires. Avec l`immédiateté de l`acte communautaire et
l`application directe des normes, pouvons-nous alors, à la
lumière de ce qui précède, apporter une
caractérisation de l`Etat membre ?
SECTION II : LA CARACTERISATION DE L'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC.
Il serait manquer de discernement que de ne point voir que
l`appartenance de l`Etat à une communauté, bien qu`étant
subjective, permet de ressortir une spécification propre à la
reconnaissance de l`Etat membre. Ainsi une analyse cohérente et
rigoureuse nous permet de
85 Voir article 6 de la convention régissant
l`Union des Etats de l`Afrique Centrale.
86 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 34
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
ressortir les caractéristiques propres à
l`entité juridique que nous nommons Etat membre. Par conséquent,
une caractérisation univoque de l`Etat membre de la CEMAC reviendrait
d`abord à présenter l`Etat membre comme une composante
sociologique de la communauté (paragraphe I) et enfin
de poser le problème de la conception juridique de l`Etat membre de la
CEMAC (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : La caractérisation sociologique de
l'Etat membre de la CEMAC.
L`Etat membre de la CEMAC peut se prévaloir d`un
territoire(B), et d`une population ou d`un
peuple(A). Ces éléments physiques marquent la
matérialisation effective de l`Etat membre dans la sphère
sociologique Communautaire, et nous amène après notre
développement à une remise en question des fondamentaux de l`Etat
et à une réadaptation de la théorie de l`Etat à la
suite de l`avènement des communautés
intégratives87.
A/ La consistance de la population communautaire.
On a généralement reproché à la
colonisation, d`avoir morcelé le continent Africain en se basant
beaucoup plus sur les caractéristiques géographiques tels que les
fleuves, les montagnes, les tracés méridiens et des
parallèles88, tout en minimisant tout ce qui était
susceptible de les unir à savoir : la culture et la tradition des
peuples africains89. En fait, il a toujours existé une
intégration africaine malgré les barrières linguistiques
et les frontières artificielles coloniales. Il aurait été
bénéfique pour les organisations intégratives, d`user de
cet état de choses pour que les nations héritées des
colonisations forment au bout du compte une communauté humaine sous
régionale que l`on peut appeler population
communautaire(1). Et ceci est nécessaire pour la
réussite du projet communautaire car la population communautaire, est le
destinataire par excellence des normes communautaires(2).
1) Des peuples à une population communautaire
identifiée.
Dans la nécessité d`une véritable
intégration régionale, les peuples composant chaque Etat membre
de la communauté doivent être impliqués dans le projet
communautaire. Car la réussite véritable d`un processus
intégratif se trouve dans l`accaparement et le brassage
87 Voir à ce sujet l`article de CHALTIEL
(F), « Droit constitutionnel européen2004-2006 »,
RFDC, n° 69, 2007, p 161-173.
88 Seydou DIOUF, « Contribution à
l'analyse historique de l'intégration africaine », revue
de la faculté des sciences juridiques et politique de UCAD,
Sénégal, nouvelles annales, tome 1, 27 et 28 Avril 2006, pp 10-17
spec. p 9.
89 Ibid. p 10.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 35
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
des peuples au point d`en créer une population commune
susceptible d`être aussi appelé peuple communautaire.
Il faut préciser que la culture et la tradition des
peuples africains constituent un ferment à l`intégration
politique et économique du continent90, autrement dit «
il a toujours existé une intégration africaine malgré
les barrières linguistiques et les frontières
artificielles»91
De ce fait, il apparaît essentiel dans le cadre de
l`intégration de remettre en question «la forme moderne
conventionnelle de l'organisation de la communauté politique qu'est
l'Etat national territorialisé »92. Les Etats
africains après les indépendances ont voulu se former à un
peuple uni à l`intérieur de leurs frontières
héritées de l`impérialisme occidental. On a tôt fait
de parler en Afrique des Etats -nations. Parce que l`idée moderne de
nation93 fournit un substrat normatif permettant de légitimer
des frontières qui ne sont ni naturelles, ni justifiées
normalement. A tous égards, « l'idée moderne de nation
sert donc à la fois à la mobilisation politique et à la
justification normative d'un découpage territorial délimitant des
Etats souverains »94. De toute évidence, la
formation des nations apparaît comme un frein au mouvement
d`intégration, simplement parce qu`elle confine les nations dans un auto
développement au sein de leurs frontières. Pourtant l`Etat membre
d`une communauté implique un sentiment d`appartenance et
d`identification à une communauté, sentiment qui fonde le
postulat des obligations associatives des nations composant la
communauté en question. A ce niveau, il s`agit d`une population
communautaire identifiée, qui est un élément
incontournable dans la mise en place d`un véritable marché commun
et d`une union. Alors, il faut au préalable une formation d`un peuple
capable de s`identifier à l`action entreprise au niveau de
l`exécutif communautaire. Parce que la population communautaire traduit
une homogénéité des peuples composant la
communauté. Le peuple étant consubstantielle à
l`idée de nation, le terme population convient le mieux ici parce
qu`il
90 Ibid.
91 Ibid.
92 NOOTENS (G), « Etat et nations : fin d'un
isomorphisme », politique et société, vol 21,
n°1, 2002, p 2.
93 Au XIXe siècle deux conceptions vont
justifiées l`identification de l`Etat et de la population.
- La dimension politique de la nation impliquant un ensemble
indivisible de citoyens participant ensemble à la communauté
politique à travers leurs représentants. Cette approche rejette
l`approche éthique, religieuse ou idéologique de sa
communauté pour privilégier. L`approche volontariste c`est
également la conception française à partir de la
révolution de 1789.
- La dimension éthique et ses composantes (l`espace, la
langue, la religion, voire la race) pour proposer une vision
déterministe de la nation qui sera utilisée par les courants
nationaliste les plus radicaux et invoqués pour justifier un
nationalisme expansionniste ou d`exclusion, conduisant aux génocides du
XXe siècle. En paraphrasant PORTELLI (H), Droit
constitutionnel, Dalloz, 5e édition, 2003, p 8.
94 Ibid. p 6.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 36
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
met en relief la convergence des intérêts et
même des biens. De plus dans les Jus et coutumes africaines,
« l'idée d'intégration est préparée et
inscrite pour ainsi dire, dans la solidarité familiale et tribale, dans
la culture du groupe et dans les organes religieux »95.
Ainsi grâce à l`intégration, c`est-à-dire «
au progrès spectaculaire des moyens de transports et d'informations, les
africains ont découvert qu'ils sont tous des frères et qu'ils
doivent se retrouver »96.
Le cas de la CEMAC est paradoxal et compréhensible de
par le manque de volonté manifeste de ses dirigeants, qui malgré
les flux transfrontaliers des populations de part et d`autre des Etats membres
brandissent un refus catégorique de libéraliser la circulation
des personnes. En plus de cela, l`on a l`impression que le projet
intégratif CEMAC est une affaire qui concerne uniquement
l`exécutif communautaire. Pourtant le projet CEMAC doit s`imposer
« comme une évolution dictée par des besoins
convergents, puisque les acteurs économiques demandent aux gouvernements
de trouver des solutions aux défis qu'ils rencontrent. Elle entraine peu
à peu une intégration politique. Les élites
gouvernementales, les fonctionnaires des administrations nationales, les
experts de toutes sortes, mais aussi les dirigeants des entreprises sont les
instruments de cette mutation »97. Grosso modo
l`intégration doit toucher et concerner toutes les couches sociales
des Etats membres. Il est à cet effet, surprenant de constater
l`ignorance des individus en ce qui concerne l`importance de la CEMAC.
L`inertie de la CEMAC est de ce fait la résultante d`un esprit
communautaire peu développé, traduit par une attitude
marquée de suspicion et de méfiance, qui conduit à une
faible application des décisions communautaires et à un manque
d`appropriation de la communauté par les États membres et leurs
citoyens98. Il serait peut être précoce au niveau de la
CEMAC de parler d`une population communautaire au vu des difficultés
d`intégration que rencontre cette sous région et au manque
d`intérêt dont fait preuve les peuples. Toutefois si l`on prend en
compte l`histoire des populations africaines et des flux migratoires qui l`ont
composés, l`on peut affirmer sans hésitation que «
l'idée d'intégration est bien d'origine africaine comme en
atteste l'antériorité de l'empire ouest africain à celui
de Charlemagne »99. L`esprit d`intégration
communautaire étant un acquis consubstantiel au
95 Seydou DIOUF, « Contribution à
l'analyse historique de l'intégration africaine », op cit
p 11.
96 Ibid.
97 DE SENARCLENS (P), La mondialisation,
théories, enjeux et débats, Armand colin, 4e
édition, 2005, p 42.
98 Voir à ce sujet le rapport final du
diagnostic institutionnel et organisationnel de la CEMAC, op cit, p
9.
99 Cheik ANTA DIOP, Les fondements
économiques et culturels d'un Etat fédéral d'Afrique,
1974, p 15, cité par Seydou DIOUF, « Contribution à
l'analyse historique de l'intégration africaine », op cit
p 12.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 37
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
peuple africain, celui-ci doit également être le
destinataire par excellence des normes communautaires.
2) La population communautaire: le destinataire par
excellence des normes communautaires.
La CEMAC comme toute communauté d`intégration,
du point de vue juridique est un ordre juridique autonome. C`est sans doute un
projet politique menant à un marché commun, mais c`est d`abord un
ensemble de règles juridiques assez complexes parce que touchant
plusieurs disciplines. Même dans sa dimension économique, la
communauté intégrative d`Afrique centrale se définit sous
l`angle du droit moins par ses politiques communes que par les normes et
procédures destinées à mettre en place et à
garantir la libre circulation des personnes, des biens et des services. En une
phrase, la communauté s`est bâtie en ayant comme instrument le
droit100 . Pour l`effectivité de ce droit, il est
impératif qu`il soit en vigueur et qu`il soit appliqué par les
Etats membres à travers leurs populations. Et pour ce faire, il est
urgent que les Etats appliquent les décisions, règlements et
traités communautaires, dans leur quotidien. Et de plus, les populations
destinataires prioritaires doivent être au courant de l`existence des
dites lois et de leurs significations. Ce qui introduit le rôle de la
cour de justice communautaire, pour une vulgarisation du droit communautaire.
Toutefois, le droit communautaire demeure un instrument hermétique,
connu seulement des spécialistes101. En plus, « le
droit communautaire reste encore, pour une large part un droit caché
(certain actes ne sont pas connu), [...] il n'y a pas de codification
synthétique du droit. »102. La CEMAC ne se fera pas
d`un coup, ni dans une construction d`ensemble. Elle se fera par des
réalisations concrètes créant d`abord, une
solidarité de fait. Pour cette raison les peuples composant la
communauté doivent impérativement s`intéresser au projet
et faire vivre le projet intégratif par l`application des normes
communautaires. On ne niera pas que la volonté d`intégration
moderne et originelle est née des dirigeants de l`Afrique Centrale,
marquée certainement en 1994 par la crise économique et la
dévaluation du francs CFA, et par l`échec de l`UDEAC. Cependant,
pour être une véritable réussite, la CEMAC a besoin de
renvoyer au peuple, une autre chose que l`image d`une organisation
intergouvernementale,
100 En paraphrasant le conseil d`Etat français dans
« les considérations générales sur le droit
communautaire », rapport public 1992, la documentation
française, 1993, cité par MATHIEU ( J-L), L'union
Européenne, PUF, 4e édition, 2002, p 25.
101 Commentaire du président de la commission de l`UE en
1968, ibid. p 25.
102 Conseil d`Etat français dans « Les
considération générales sur le droit communautaire
», op cit
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 38
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
dont les dirigeants ne semblent pas appréhender le bien
fondée. Quid du territoire communautaire comme élément
sociologique de l`Etat membre de la CEMAC ?
B/ Le territoire communautaire : l'Afrique Centrale
Le territoire de l`Etat est la sphère spatiale à
l`intérieur de laquelle il exerce la plénitude de sa
compétence et également sa souveraineté. Le territoire
communautaire
apparaît alors comme la sphère de la
validité territoriale de l`ordre
juridique communautaire103. Dans cette perspective, c`est
l`espace à l`intérieur duquel l`organisation intégrative
(c'est-à-dire ses organes) est autorisée par le droit
communautaire à exécuter l`ordre juridique
communautaire104. Le fait que l`ordre juridique soit valide sur le
territoire communautaire marque un rapport relationnel entre l`Etat membre
instrument de communautarisation et le territoire espace de validité de
cet ordre juridique (2). Cependant, il importe bien avant, de
délimiter le territoire communautaire sur lequel l`Etat membre exerce
ses prérogatives(1).
1) la consistance du territoire communautaire : les
différentes composantes et la délimitation du territoire
communautaire
Il est de constat que le processus de création de
marché commun avec pour corollaire le libre échange que cela
entraîne, ne règle pas le problème de la
délimitation des frontières étatiques post
indépendance. Il est plutôt source, d`incertitude dans le
tracé des frontières en Afrique. Surtout les tracés des
frontières s`avèrent être une source des
contentieux105. La délimitation et la démarcation du
territoire communautaire106 nécessite au préalable un
exercice similaire au niveau des Etats. Il est important de savoir que la
création d`un marché commun commande une libéralisation
des échanges entre les Etats membres. Une libéralisation synonyme
d`ouverture de barrière tarifaire, autrement dit une disparition des
frontières dans l`espace de validité de l`ordre juridique
communautaire c`est-à-dire du territoire communautaire. La tâche
devient plus ardue pour le projet communautaire tant que les Etats, membres de
la communauté n`ont pas encore délimité,
démarqué et aborné leurs territoires respectifs car,
l`instauration d`une véritable union dans la sous région
Afrique
103 En paraphrasant Hans KELSEN, théorie
général du droit et de l'Etat, bruyant LGDJ, 1997, p 261.
104 Ibid. p 262.
105 Voir entre autres les contentieux Cameroun/Nigeria ;
Burkina Faso/ Mali ; Tchad/ Libye ; Guinée Bissau/
Sénégal.
106 Selon le dictionnaire de la terminologie du droit
international, la frontière est la « ligne déterminant, ou
commence et ou finisse les territoires relevant respectivement de deux Etats
voisins. Cité par NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU
(M), Droit international public, op cit p 516.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Centrale, respectueuse de tous les principes inhérents
au marché commun, rendra inéluctablement les frontières de
ces Etats membres poreuses. Autrement dit à l`instar des Etats
fédéré des Etats fédéraux, l`Etat membre de
la CEMAC, dans la même configuration verra ses frontières
considérées comme des délimitations administratives
nécessaires pour une plus grande intégration. Aucune
intégration de se nom ne peut être réalisée si le
Cameroun et la Guinée Equatoriale n`ont pas résolu le
problème de sa frontière maritime entravée par l`île
de Bioko territoire équato-guinéen107. Il serait
peut-être préjudiciable pour l`évolution du processus
d`intégration que ces problèmes de frontières trouvent des
solutions. Parce que les délimitations coloniales n`ont pas toujours
été d`une grande précision, quelque fois elles
étaient en contradiction avec les données géographiques et
naturelles. Ou parfois, elles n`existaient même pas. Entrainant la
résurgence des contentieux territoriaux. L`on constate la
récurrence en Afrique des recours à l`arbitrage ou à une
juridiction internationale à l`instar du différend
Cameroun/Nigéria (arrêt du 10 octobre 2002). L`on peut paraphraser
la Cour International de Justice (CIJ) en affirmant que définir le
territoire communautaire revient à définir les frontières
des Etats membres de la CEMAC108. Car comme l`avait si bien
rappelé le tribunal arbitral sur la frontière maritime de la
Guinée-Bissau et du Sénégal, « une
frontière internationale est la ligne formée par la succession
des points extrême du domaine de validité spatiale des normes de
l'ordre juridique d'un Etat »109. De plus il est clair que
l`union que devra parachever le processus d`intégration de l`Afrique
Centrale s`affirmera vraisemblablement sur une disparition des
frontières étatiques. Cela est d`autant plus important que la
connaissance des frontières est fondamentale, puisque le territoire
étatique est le domaine de compétence spatiale de validité
de l`ordre juridique communautaire.
2) Le domaine de compétence spatiale de l'Etat
membre de la CEMAC : le rapport Etat et son territoire.
Comme l`affirme si bien Dominique TURPIN110
« s'il peut exister des territoires sans Etats111, il n'y a pas
d'Etats sans territoire ». Il s`agit d`une évidence, on ne
peut parler
107 L'article 3 de la constitution de la Guinée
Equatoriale dispose que : « Le territoire de la
Guinée Équatoriale
se compose de la zone continentale dénommée Rio
Muni et les îles de Bioko, Annobon, Corisco, Elobey Grande, Elobey Chico
et les îlots adjacents, les eaux fluviales, la zone maritime, la
plate-forme continentale que détermine la loi et l'espace aérien
qu'elle couvre ».
108 Décision du 25 juillet 1991, Rec., p 91,
cité par NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU ( M),
Droit international public, op cit p 520.
109 Ibid.
110 TURPIN (D), Droit constitutionnel, PUF,
4e édition, 1999, p 29.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
d`Etat, qu`à l`appréhension d`une
capacité d`exercer sa souveraineté sur un territoire. Autrement
dit le territoire est un moyen de l`Etat d`exercer ses compétences et de
mettre en pratique le principe d`exclusivité de la compétence
territoriale. De ce fait, aussi petit que soit un Etat, le territoire demeure
le point d`adjonction des deux autres éléments constitutifs de
l`Etat à savoir le gouvernement et la population. Le territoire est
alors comme l`affirmait le grand maître autrichien Hans KELSEN, la
sphère de validité de l`ordre juridique
étatique112. L`Etat membre de la CEMAC est avant tout un
Etat, avant d`être membre de la CEMAC, par conséquent, dispose
d`un territoire, domaine de compétence exclusif de son autorité.
Le territoire détermine également les biens juridiques des
populations y vivant. De ce fait, il en découle certains principes qui
permettent l`exercice de la souveraineté de l`Etat sur son territoire.
Il s`agit du principe sus cité d`exclusivité de compétence
territoriale, avec pour corolaire le principe de l`interdiction de
l`application extra territoriale du droit. En d`autres termes, un Etat n`est
pas tenu en vertu de l`exclusivité législative, de faire
exécuter des lois, règlements et dispositions
étrangères. En retour, il est exclu à l`Etat toute
compétence d`exécution extra territoriale forcée. Cette
explication est d`autant plus importante qu`elle soulève la question de
l`applicabilité du droit communautaire de source extra territoriale sur
le territoire de l`Etat membre.
Il faut dire que la qualité de membre de la
communauté remet en question le sacro saint principe de
l`intangibilité des frontières. Remise en question à sans
doute relativiser parce qu`elle ne modifie en rien les frontières des
Etats membres de la CEMAC, ou bien n`en fait pas disparaître. Dans ce
sens le conseil constitutionnel français avait précisé
dans sa décision du 25 juillet 1991, relative à la loi autorisant
la ratification de la convention de Schengen, que « le franchissement
des frontières (à l'intérieur de cet espace sans
contrôle douanier) n'est pas assimilable à une suppression des
frontières, qui sur le plan juridique délimitent la
compétence territoriale de l'Etat 113». Toutefois
en transférant à la communauté une partie des
compétences souveraines, l`Etat accepte selon les accords qui ont
conduit au transfert de compétences de se voir appliquer des normes
venant d`organes114 autres que les
111 Encore nommé « territoire sans
maître » jadis terre vierge autarcique pour des raisons
scientifiques, espace extra atmosphérique et corps célestes qui,
en vertu de traités, ne peuvent pas faire l`objet d`une appropriation
par un pays. Voir TURPIN (D), Droit constitutionnel, op cit p
43.
112 KELSEN (H), Théorie générale du
droit et de l'Etat, op cit p 264.
113 Voir TURPIN (D), Droit constitutionnel, op cit
p 43.
114 Les normes communautaires ont pour sources le
traité constitutif de la CEMAC ; les conventions régissant les
organes communautaires, les actes additionnels ; les règlements ; les
règlements cadre ; les directives ; et les décisions.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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parlements nationaux. Le droit communautaire, avec ses
principes fondamentaux115, limite le principe de droit international
reconnaissant à l`Etat une interdiction de l`application directe des
règles « venu d`ailleurs »116.
Corrélativement, l`adhésion d`un Etat à une
communauté, remet en question les caractères
généraux des compétences exercées par l`Etat sur
son territoire. De fait, l`Etat membre de la CEMAC n`est pas à
même d`exercer « selon sa propre appréciation
discrétionnaire, toutes les fonctions de commandement destinées
à favoriser les activités117 ». Il devra
dorénavant tenir compte des activités de la communauté
intégrative et du regard sanction des Etats membres et de la commission
de la CEMAC. La plénitude de compétence de l`Etat membre prend
ainsi un coup et marque un frein au principe d`exclusivité reconnu
à chaque Etat sur son territoire. Le principe d`exclusivité de la
souveraineté territoriale confère à son titulaire le droit
de s`opposer aux activités des autres Etats sur son
territoire118. En revanche, lorsque l`on adhère à la
communauté, l`exclusivité de souveraineté territoriale
devient relative, parce que l`Etat membre partage avec la communauté
cette exclusivité. On dira que « la souveraineté
forteresse » a fait place à la « souveraineté
partagée » au sein de la construction supranationale
»119 Par conséquent, l`exclusivité dans le
domaine de la répression est également relativisée parce
que la cour de justice communautaire est compétente pour sanctionner
tous les Etats membres qui vont à l`encontre des directives
communautaires. Toutefois, « les exceptions à
l'exclusivité de la souveraineté territoriale supposent l'accord
préalable de l'Etat120 ».
Le rapport étroit Etat-territoire doit
dorénavant être relativisé dans le but d`y introduire dans
cette relation l`impact du statut de membre. En somme, toute
détermination du domaine de compétence de l`Etat membre doit
impérativement mettre en exergue le triptyque relationnel pour l`assise
de la compétence de l`Etat. Le rapport Etat membre-territoire doit
être établi sous le prisme de la théorie territoire-titre
de compétence, parce que le territoire constitue un titre juridique
essentiel de la compétence étatique et communautaire. Son
acceptation n`exclut
115 Les principes fondamentaux du droit communautaire sont les
principes qui servent à régler les rapports entre l`ordre
juridique communautaire et les ordres juridiques nationaux. L`ensemble de ses
principes créent des obligations à la charge des Etats membres et
entrainent des conséquences pour les justiciables on en distingue trois
principe à savoir : l`applicabilité immédiate ; l`effet
direct ; et la primauté.
116 F. Mélin-Soucramanien, « La
Constitution, le juge et le droit venu d`ailleurs? », Mélanges
en l'honneur de Slobodan Milacic. Démocratie et liberté :
tension, dialogue, confrontation, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 177 et
s
117 NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M),
Droit international public, LGDJ, 9e édition, 2009, p 528.
118 Ibid. p 532.
119 Voir CHAMPAGNE (G), l'essentiel du
droit constitutionnel, tome 1 : théorie générale du droit
constitutionnel, gualino lextenso éditions, 10eme édition,
2011-2012, p 25.
120 . NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU
(M), Droit international public, op cit, p 534.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
pas la théorie du territoire limite121, car
si le territoire communautaire confère à l`Etat membre et
à la communauté un titre pour agir, il est impératif de
présenter la place des éléments juridiques qui
caractérisent l`Etat membre de la CEMAC.
PARAGRAPHE II : La caractérisation juridique de
l'Etat membre de la CEMAC
L`Etat membre est avant toute chose un sujet de droit,
suscitant un intérêt de recherche juridique. L`Etat membre de la
CEMAC soulève de nombreuses questions, relatives à sa
caractérisation juridique. Ainsi pour cerner juridiquement l`Etat
membre, il est impératif de s`interroger sur sa personnalité
juridique(A) et également sur l`état de sa
souveraineté après l`acquisition du statut de membre de la
CEMAC(B).
A/ La personnalité juridique de l'Etat membre de
la CEMAC.
L`intitulé paraît être un faux débat
ou bien une question sans intérêt. Car le membre de la CEMAC
demeure après tout un Etat par conséquent doté de
personnalité juridique. Pourtant, la question mérite d`être
posée parce que le traité instituant la CEMAC n`affirme pas
explicitement la personnalité juridique de l`Etat membre de la
communauté(1). Mais tout compte fait, l`on peut
implicitement reconnaitre à l`Etat membre, une personnalité
juridique inhérente à sa posture au sein de la
CEMAC(2).
1) La non reconnaissance textuelle et explicite de la
personnalité juridique à l'Etat membre de la CEMAC
Aucune disposition du présent traité ne
reconnaît à l`intérieur de la communauté, une autre
personnalité juridique concurrente à celle de la CEMAC, à
qui l`article 3 du traité révisé CEMAC122 admet
explicitement la personnalité juridique.
Lors de son adhésion à la communauté,
l`Etat par cet acte transfère à la communauté un certain
nombre de compétences souveraines relatives à l`économie,
à la monnaie, et à certains domaines de politique nationale. Dans
la mesure où, « la souveraineté donne à l'Etat la
plénitude de la personnalité juridique dans l'ordre
juridique
121 Ibid. p 456
122 Article 3 du traité révisé CEMAC
stipule que « La Communauté a la Personnalité Juridique.
Elle possède dans chaque Etat membre la capacité juridique la
plus large reconnue aux personnes morales par la législation nationale.
Elle est représentée, à l'égard des tiers et en
justice par le Président de la Commission, sans préjudice des
dispositions des Conventions et Statuts particuliers. Sa responsabilité
contractuelle est régie par la loi applicable au contrat en cause et
mise en oeuvre devant les juridictions nationales compétentes
».
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 43
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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international »123. Par analogie, le
transfert de compétences souveraines de l`Etat vers la communauté
entrainerait un transfert implicite de la personnalité juridique de
l`Etat sur les domaines de compétences transférées. A cet
effet sur les domaines de transfert de la compétence de l`Etat, il ne
lui est plus reconnu une personnalité juridique internationale. L`on
peut dire à la suite du traité instituant la CEMAC, qu`il n`est
pas reconnu à l`Etat membre la personnalité juridique. Mais la
communauté dispose de la personnalité juridique. Elle est
créée par les Etats et dispose de pouvoirs et de
compétences qui appartiennent habituellement à des Etats. Ainsi
« possédant une personnalité distincte de celle des
Etats, les communautés disposent d'un budget autonome, d'un patrimoine,
d'organes distincts, et d'agents ». Plus généralement,
« la personnalité juridique donne aux communautés
vocation à devenir sujets de droit dans les différents ordres
juridiques où elles sont amenées à intervenir
»124. La communauté peut posséder un
éventail de compétences autant que les Etats. Mais elle demeure
limitée dans son objectif de par le principe de spécialité
dont la CIJ a eu l`occasion de rappeler en 1996 toute
l`importance125 . Cela dit, dans une analyse approfondie, l`on peut
toutefois déduire du comportement de l`Etat membre dans la
communauté et même hors de la communauté, une
éventuelle existence de la personnalité juridique.
2) la déduction de l'exercice de la
personnalité juridique pour l'Etat membre au sein de la CEMAC
Comme l`ont si bien précisé les Professeurs
Nguyen Quoc Dinh, DAILLIER, PELLET et FORTEAU « la possession de la
personnalité est une des principales caractéristiques de toutes
institutions sociales. Elle trouve son fondement dans la convention
constitutive dans son ensemble sans qu'il soit besoin d'une disposition
l'attribuant expressément »126. Cependant tout
fonctionnement de la communauté est dépendant de la
volonté souveraine des Etats, même si les Etats membres des
organisations d`intégration ont transférés leurs
compétences. On peut appeler cela, la personnalité juridique
communautaire des Etats membres c'est-à-dire « la
fonctionnalité des organisations intégratives est
dérivée de la volonté des Etats
»127.
123 DUPUY (PM), « L'unité de l'ordre juridique
international », cours général de droit international
de la Haye, RCADI, tome 297, 2002, p 100.
124 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 43.
125 Avis consultatif du 8 Juillet 1996, licéité
de l`utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit, CIJ,
recueil 1996, par 25.
126 NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M),
Droit international public, op cit p 658.
127 Ibid. p 659.
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MENGUE Arsène Silvère 44
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Si l`on considère la personnalité juridique
in concreto comme « l'exercice de toutes compétences y
compris implicites, nécessaires à la réalisation des
objectifs impliquées par la spécialité de l'organisation
et seulement de ces compétences »128, on peut en
déduire deux conclusions : premièrement l`Etat membre
contrairement aux communautés intégratives dispose d`une
personnalité juridique aussi large que sa souveraineté, ce qui
englobe entre autre des domaines de compétences
transférées à la communauté et également
d`autres domaines de compétences lui restant liés.
Deuxièmement, si la personnalité juridique est «
l'exercice de toutes compétences y compris implicite » et
étant entendu que « la fonctionnalité des organisations
intégratives est dérivé de la volonté des Etats
» par conséquent, l`on peut affirmer que la
personnalité juridique de la communauté est assurée
concurremment avec l`Etat membre. L`Etat est au centre de tout le processus
intégratif, il est en amont et en aval de toute décision
influente dans la communauté. Dans cette perspective l`on dira que
malgré les énormes prérogatives reconnues à la
communauté, elle n`est pas pour autant un Etat, toutefois son essence
est (inter) étatique. Ainsi « Penser l'union c'est donc penser
les Etats de l'union »129.
Bien que l`Etat membre soit le visage de l`intégration,
il doit dans un but de convergence des politiques économiques,
monétaires et sectorielles, mettre en avant la communauté dans
les domaines de convergences de politiques. Mais la réalité est
toute autre, dans le sens où chaque Etat membre de la CEMAC reste
très jaloux de sa capacité de contracter avec d`autres
entités juridiques. Cela conduit à ce que l`Etat membre d`une
communauté intégrative demeure responsable de sa
personnalité juridique. Même si la personnalité juridique
internationale des organisations d`intégration donne à la
communauté, une autonomie vis-à-vis des Etats membres.
Évidement cela peut paraître dangereux, si au bout du compte, les
organisations devenaient des entités concurrentes aux
Etats130. Quid de la problématique de la souveraineté
?
B/ Le problème de la souveraineté des
Etats membres de la CEMAC
Il est incroyable de constater à quel point la doctrine
s`est intéressée à la notion de
souveraineté131. Il est désormais unanime parmi Ces
auteurs que la caractéristique
128 Ibid.
129 NABLI (B), « L'union des Etats et les Etats de
l'union », op cit P 117.
130 NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M),
Droit international public, op cit, p 661.
131 La souveraineté est entendu premièrement
comme le caractère d`une puissance (summa protestas) qui n`est
soumise à aucune autre à l`instar de la souveraineté de
l`Etat, de la loi (puissance suprême et inconditionnée dans
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 45
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
propre de l`Etat c`est d`être souverain. La
souveraineté est le critérium, le trait distinctif de l`Etat, car
seul l`Etat peut être souverain132. Mais la notion de
souveraineté est polysémique. « Rien que dans le domaine
juridique, la souveraineté revêt une dizaine de significations
différentes, ce qui fait qu'il y a autant de théories de la
souveraineté que de disciplines et cela sans compter la diversité
qui existe à ce sujet dans chaque branche du droit
»133. Tout compte fait, il est impératif de
présenter la conception de la souveraineté selon le droit
international(1) avant de démontrer l`exercice de la
souveraineté pour l`Etat membre de la CEMAC au sein de la
communauté(2).
1) La conception de la souveraineté en droit
international.
Il faut dire au préalable que le principe de
souveraineté éclaire la distinction entre la sphère
intérieure de l`Etat et celle des relations internationales. Dans ce
sens, l`on distingue dans l`appréhension de la souveraineté, une
conception interne de la souveraineté134 et
externe135. La souveraineté désigne le
caractère suprême d`une puissance pleinement indépendante.
Elle désigne également la position qu`occupe dans l`Etat le
titulaire suprême de la puissance étatique et ici la
souveraineté est encore appelé souveraineté dans
l`Etat136 , à ce sujet, Jean BODIN affirmera que «
la souveraineté est ce pouvoir de commander et de contraindre sans
être commandé ni contraint par qui que ce soit sur la terre
»137. La souveraineté arbore dans ce sens une
idée négative, dans la mesure où la souveraineté
devient la négation de toute entrave ou subordination. Sur le plan
interne la souveraineté de l`Etat fut
laquelle l`ordre international reconnait un attribut essentiel
de l`Etat mais qui est aussi reconnue, par exception, à certaines
entités). Deuxièmement c`est le caractère d`un organe qui
n`est soumis au contrôle d`aucun autre et se trouve investi des
compétences les plus élevées (la souveraineté dans
l`Etat). Voir CORNU (G), Vocabulaire juridique, PUF, dernière
édition mise à jour, 2006, p 121.
132 CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la
théorie générale de l'Etat, librairie de la
société du recueil Sirey, tome premier, 1920, P 73.
133 Lider BAL, « Le mythe de la souveraineté
en droit international, la souveraineté des Etats à
l'épreuve des mutations de l'ordre juridique international »,
thèse de doctorat en droit international, université de
Strasbourg, 2012, p 20.
134 Ici la notion de souveraineté désigne non
pas une puissance mais bien une qualité une certaine façon
d`être, un certain degré de puissance. La souveraineté est
le caractère suprême d`un pouvoir : suprême en ce sens que
le pouvoir n`en admet aucun autre ni au dessus de lui ni en concurrence avec
lui. Quand donc on dit que l`Etat est souverain il faut entendre par la que
dans la sphère ou son auto détermination est appelé
à s`exercer, il détient une puissance qui ne relève
d`aucun autre pouvoir et qui ne peut être égalée par aucun
autre pouvoir. Voir CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la
théorie générale de l'Etat, op cit p 70.
135 La souveraineté externe se manifeste dans les
rapports internationaux des Etats elle implique pour l`Etat souverain
l`exclusion de toute subordination, de toute dépendance vis-à-vis
des Etats étrangers. Dire les Etats sont souverains dans leurs relations
réciproques, cela signifie aussi qu`ils sont respectivement égaux
les uns aux autres, sans qu`aucun d`eux puisse prétendre juridiquement
à une supériorité ou autorité quelconque sur aucun
autre Etat. Voir CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la
théorie générale de l'Etat, op cit, p 71.
136 Ibid. p78.
137 BODIN (J), Les six livres de la république
1583, version numérique, les classiques des sciences sociales, la
bibliothèque Paul-Emile-Boulet de l`université du Québec
à Chicoutimi, 1993, p 76.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
considérée pendant longtemps comme absolue,
beaucoup se refusant même de reconnaître l`hypothèse de
l`existence d`une souveraineté au plan international. LE FUR l`affirmera
lorsqu`il dit qu` « il n'existe pas à proprement parler de
souveraineté extérieure138». Pourtant
DESPAGNET relativisera en disant que le terme souveraineté devrait
être réservé pour l`intérieur et remplacé
à l`extérieur par celui d`indépendance. La
souveraineté interne c`est une autorité suprême parce
qu`elle ne possède pas une puissance inférieure au sein de
l`Etat. Ici la souveraineté exprime la puissance étatique la plus
haute existant à l`intérieur de l`Etat : elle est une summa
potesta139. Dans ce cas on verra très mal une
coexistence pacifique entre les Etats. Pourtant dans l`ordre juridique
international la souveraineté dite externe n`est que la
résultante de la souveraineté interne. En d`autres termes la
souveraineté externe est l`expression de l`existence de l`Etat.
Réciproquement la souveraineté interne n`est pas possible sans la
souveraineté externe140. De toute évidence, l`Etat est
le principal sujet du droit international parce qu`il est souverain. «
L'Etat sans souveraineté c'est la situation d'un Etat dont les
compétences internationales sont exercées par un autre Etat
»141 . Pour le droit international, la souveraineté
appartient à l`Etat et caractérise sa personnalité
juridique internationale142 et la nature de son pouvoir. La
souveraineté externe en droit international signifie
indépendance. Le Professeur DUPUY dira même que « si
l'indépendance est le critère de la souveraineté, la
souveraineté est le garant de l'indépendance
»143, la souveraineté, dans l`ordre juridique
international équivaut à la plénitude des
compétences susceptibles d`être dévolues à un sujet
de droit international. La souveraineté de l`Etat, à la
différence de la souveraineté dans l`Etat, dégage une
idée positive. D`une part, à l`intérieur, la
prérogative pour l`Etat d`édicter et d`imposer tout ce qu`il juge
utile, d`autre part, puissance extérieure de faire les actes qui
répondent à l`intérêt national144 . On
peut aussi relever deux caractéristiques fondamentales de la
souveraineté de l`Etat à savoir
138 LE FUR (L), Etat fédéral et
confédération d'Etats, 1896, réédition,
éditions panthéon amas, 2000, XVII-839P, cité par Lider
BAL, « le mythe de la souveraineté en droit international, la
souveraineté des Etats à l'épreuve des mutations de
l'ordre juridique international », op cit, p 22.
139 CARRE DE MALBERG (R), contribution à la
théorie générale de l'Etat, op cit p 72.
140 CHAUMONT (C), « recherche du contenu
irréductible du concept de souveraineté internationale de l'Etat
», p 13, cité par Lider BAL, « le mythe de la
souveraineté en droit international », op cit p
21.
141 Ibid. p 72.
142 Les attributions juridiques sont attachées à
la possession de la personnalité juridique : capacité de produire
des actes juridiques, de se voir imputer des faits illicites internationaux ;de
devenir membre et de participer pleinement à la vie des organisations
internationales ; d`ester en justice devant les juridictions et tribunaux
arbitraux internationaux ; d`exercer la généralité des
compétences territoriales et la plénitude des compétences
personnelles ; d`apprécier librement ( mais de bonne foi) l`existence,
le sens et la portée des droits et des obligations dont il est
titulaire. Voir DUPUY (PM), « l'unité de l'ordre juridique
international », op cit p 100.
143 Ibid. p 95.
144 CARRE DE MALBERG (R), contribution à la
théorie de l'Etat, op cit p 80.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
- L`identique souveraineté ou l`égalité
souveraine comme fiction juridique145. Le principe de
l`égalité souveraine signifie que tous les Etats ont les
mêmes obligations au sein de l`ordre juridique international. Il exprime
également, le fait que les Etats, quelque soit leur situation naturelle,
doivent recevoir de la part de cet ordre juridique, un traitement juridiquement
identique, il s`agit bel et bien d`une fiction, cependant d`une fiction
juridique c`est-à-dire un « procédé de technique
juridique consistant à supposer un fait ou une situation
différente de la réalité pour en déduire des
conséquences juridiques »146
- La souveraineté donne à l`Etat la
plénitude de la personnalité juridique dans l`ordre juridique
international147. L`Etat dispose d`un ensemble de
prérogatives inhérentes à sa qualité
d`entité juridique souveraine. Il faut cependant signifier que l`on
reconnaît à certaines organisations internationales la
personnalité juridique internationale. Mais il s`agit d`une
personnalité juridique fonctionnelle inhérente au principe de
spécialité qui est reconnue à toute organisation
internationale148.
Toutefois, la conception de la souveraineté dans
l`ordre juridique international devient problématique lorsque l`Etat est
obligé de la limiter, ou bien de la transférer pour coexister au
niveau international. La véritable question est celle de savoir si
l`Etat reste souverain après avoir contracté ou
transféré des compétences souveraines à une
entité juridiquement créée par lui et ses pairs?
Les solutions sont nuancées, dans la mesure où
deux grandes thèses s`affrontent : la première affirme que l`on
ne peut plus parler de souveraineté quand elle est limitée dans
son exercice. Et la deuxième thèse voit dans la limitation de la
souveraineté une manifestation de l`exercice du pouvoir souverain. Avant
de présenter les différentes thèses, il nous est
obligé de constater à quel point dans la littérature de
droit public, il existe une confusion entre la limitation de la
souveraineté et celle de l`exercice de la souveraineté ou plus
exactement celle de l`exercice des compétences souveraines. Et ce niveau
se joue l`opposition entre les deux thèses.
La Professeure CHALTIEL, tout au long de son étude
portant spécifiquement sur le statut de l`Etat membre de l`union
européenne, défend clairement l`idée selon laquelle un
transfert
145 DUPUY (PM), « l'unité de l'ordre juridique
international », op cit p 98.
146 Les présomptions et les fictions en droit,
études publiées par ch. PERELMAN et P. FORIENS, Bruxelles,
bruylant, 1974, notamment P.FORIENS, « présomptions et fictions
», p 8 ss. Cité par DUPUY (PM), « l'unité de
l'ordre juridique international », op cit p 98.
147 Ibid. p 100.
148 Voir à ce sujet l`arrêt de la C.I.J, Avis du
11 avril 1949, réparations des dommages subis au service des nations
unies, Rec., p 178.
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définitif de certaines compétences
étatiques signifie une limitation de la souveraineté de
l`Etat149. Elle affirmera, qu`un Etat qui devient membre d`une
organisation internationale comme l`Union Européenne et qui lui
cède irréversiblement l`exercice de certaines compétences
souveraines, ne peut plus être considéré comme un Etat
souverain traditionnel150. C`est dans le même ordre
d`idées, que le Professeur PELLET affirmera qu`une entité
politique est souveraine ou elle ne l`est pas, mais en tout état de
cause, elle ne peut pas l`être « un peu », «
beaucoup » ou « en partie »151. Allant
également dans le même sens, KRANZ affirmera que « parler
à propos d'un Etat de l'abandon partiel de la souveraineté, du
transfert de la souveraineté, de la souveraineté limitée
ou de la nécessite de recouvrer la pleine souveraineté
témoigne d'une fausse conception de la notion de souveraineté
»152. Il est clair pour ces quelques auteurs que la
limitation, le transfert de souveraineté, revient à un abandon
par l`Etat de sa souveraineté. Sans doute, la thèse épouse
les idées absolutistes des conceptions internistes de la
souveraineté. Par conséquent proclament l`existence d`Etat sans
souveraineté du seul fait de leur adhésion à des
organisations supranationales telles que la CEMAC ou l`UEMOA.
Pourtant aucune limitation, ou transfert de
souveraineté n`est faite sans « l'animus contrahendi »
c'est-à-dire sans la volonté claire de l`Etat. Par
conséquent, il agit moins d`une limitation, ou d`un abandon de
souveraineté, mais au contraire, de l`exercice de compétences
souveraines reconnues à l`Etat. La jurisprudence de la Cour Permanente
de Justice Internationale, sur ce point soutient clairement dans l`affaire
Vapeur Wimbledon que la cour « se refuse à voir dans
la conclusion d'un traité quelconque dans lequel l'Etat s'engage
à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon de sa
souveraineté » et elle continue en disant que « sans
doute, toute convention engendrant une obligation de ce genre, apporte une
restriction à l'exercice des droits souverains de l'Etat, en ce sens
qu'elle imprime à cet exercice une direction déterminée.
Mais la faculté de contracter des engagements internationaux est
précisément un attribut de la souveraineté de l'Etat
»153. La doctrine volontariste incarnée par cet
arrêt a trouvé des adeptes à la personne d`ANZILOTTI qui
dit : « les limitations de la liberté d'un Etat qu'elles
viennent du droit international commun
149 CHALTIEL (F), la souveraineté de l'Etat et
l'union européenne, l'exemple français. Recherche sur la
souveraineté de l'Etat membre, LGDJ, 2000, p 96.
150 CHALTIEL (F), « contribution à la
théorie juridique du statut de l`Etat membre de l`union
européenne : l`exemple français » in démarche
communautaire et construction européenne, F. HERVOUET (sous dir.),
vol 1 : dynamique des objectifs, la documentation française,
2000, pp 163-178, spec. p 170.
151 PELLET (A), « cours général : le
droit international entre souveraineté et communauté
internationale », annuaro brasileiro de directo international, 2007,
vol 2, p 28.
152 KRANZ (J), « notion de souveraineté et le
droit international », archiv des völkerrechts, n° 30,
1992, p 440.
153 Arrêt Navire à vapeur de Wimbledon, 17 aout
1923, CPJI, série A n° 1, p 25.
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Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
ou d'engagements contractés n'affectent aucunement
en tant que telles son indépendance »154, synonyme
en droit international de souveraineté. Il devient évident qu`au
niveau international, l`Etat est une entité exceptionnelle «
relevant du droit international »155. A la
différence des organisations internationales, ils sont dotés de
la souveraineté, faculté qui leur confère la
capacité d`être titulaire direct des droits et obligations en
vertu du droit international156. Cependant le système
communautaire, qualifié de contraignant et d`autoritaire de par les
principes fondamentaux qui le structurent, pose un problème particulier
concernant la souveraineté. La communauté bénéficie
des Etats lors de leur adhésion, d`un transfert de compétences
souveraines dans le but d`atteindre un certain nombre d`objectifs. Peut- on
dire à la suite de ce transfert de compétences que la
souveraineté des Etats n`est pas limitée ?
2) La souveraineté des Etats membres de la
CEMAC : adéquation entre exercice de la souveraineté et transfert
des compétences souveraines.
Il est nécessaire pour mieux cerner la
problématique de cette partie de présenter d`abord la notion de
compétences, car elle est au centre du problème de la
souveraineté en droit communautaire. Il faut dire que la
compétence est une notion de droit public interne. Elle désigne
en droit communautaire, un ensemble de prérogatives anciennes
exercées par les Etats et confiées, grâce l`acte
d`adhésion, à la communauté pour une coordination et une
harmonisation des activités nationales pour un objectif commun.
L`apparition de la notion de compétences juridiques dans son sens actuel
est probablement liée au phénomène d`institutionnalisation
du pouvoir politique. Au sens de Max WEBER, il s`agit d`un type de
légitimité du pouvoir157. Autrement dit, la
compétence relève de la légitimité légale
rationnelle du pouvoir. C`est une constitutionnalisation du pouvoir,
véritablement la naissance de la notion juridique de compétence.
Pour A. LEVADE la notion de compétence d`une autorité publique
n`acquiert sa pleine signification que dans l`optique d`une séparation
fonctionnelle des autorités et prend concrètement un sens lorsque
l`autorité politique se trouve limitée par un texte
constitutionnel158. A cet effet, on peut appréhender la
compétence dans une distinction avec le pouvoir comme « le
titre juridique qui fonde un
154 Opinion dissidente d`ANZILOTTI dans l`affaire du
régime douanier Austro-allemand, CPJI, série A/B, N°41, p 57
cité par DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M), droit
international public, op cit, p 467.
155 C.I.J dans son avis sur la réparation des dommages
subis au service des Nations Unies, op cit
156 DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M), Droit
international public, op cit p 468.
157 WEBER (M), in winckelman (HRS9), wirtchaft und
Gesellshaft, grundrissdes verstehenden soziologie, 1964, Kiepenheurer&
witsch, p 157.
158 LEVADE (A), « souveraineté et
compétences des Etats », thèse de doctorat, Paris XV,
1997, p 12.
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individu à exercer un pouvoir et donc indirectement
une action »159. Dans la mesure où, « le
pouvoir(ZUSTÄNDIGKEIT) est le droit ou le devoir d'exercer une action,
tandis que la compétence(KOMPETENZ) est « le droit à ce
pouvoir ». On pourrait dire que « la compétence est
donc le titre du pouvoir, tandis que le pouvoir est l'attribution ou la somme
d'attributions autorisées par le droit de la compétence
»160. Cependant, il est difficilement envisageable de
rencontrer dans les traités instituant les communautés
d`intégration, des dispositions relatives aux compétences
(transfert, modes d`exercice et consistance des compétences
transférées). Toutefois, une étude plus minutieuse permet
de manière implicite de soulever une grille de compétences au
niveau communautaire. Si l`on prend en compte le fait que la communauté
est mise en place pour exercer et instituer certaines politiques communes,
mesures ou politiques d`intégration, afin d`atteindre les objectifs
visés par les Etats fondateurs. Il est aussi clair que les Etats
fondateurs mettront à la disposition de la communauté des
compétences fonctionnelles. Il importe avant tout de remarquer à
la lumière de ce qui suit que « les communautés [...]
n'ont pas été établies selon la logique de l'attribution,
répartition des compétences qui a prévalu dans la
formation de la plupart des Etats fédéraux, mais selon une
logique différente, celle de l'énonciation des objectifs à
atteindre ». De plus, « les communautés n'ont pas
été fondées sur une constitution adoptée selon les
exigences du droit public interne, mais sur un traité international
conclu conformément aux règles du droit international et
ratifié selon les dispositions constitutionnelles pertinentes de chaque
Etat partie »161. L`on ne peut trouver dans aucun
traité constitutif des dispositions expresses mettant en exergue les
compétences souveraines nationales transférées à la
communauté. Serait-ce véritablement question des
compétences souveraines ? La réponse à cette question ne
peut qu`être qu`affirmative ; dans la mesure où, parmi les
compétences à reconnaître à la souveraineté
sans distinction d`appréhension de cette notion, les auteurs s`accordent
à dire que certaines sont qualifiées de
«régaliennes » ou de « souveraines »
pour exprimer le fait qu`elles concernent de près l`existence
même et les missions les plus fondamentales de l`Etat162.
Cependant lorsque « certaines des compétences étatiques
les plus importantes ont été dévolues à l'union
-comme c'est le cas du fait des dispositions concernant l'union
économique et monétaire- se pose alors, dans cette
159 CONTANTINESCO (V) et MICHEL (V), «
compétences de l'Union Européenne »,
Répertoire communautaire, Dalloz, juin 2011, p 7.
160 Ibid. p7
161 Ibid. p 8. Cependant la cour de justice de la
communauté européenne a eu à qualifier les traités
constitutifs de « charte constitutionnelle d'une communauté de
droit » Voir à cet effet CJCE 23 avril 1986, les verts c/
parlement, Aff. 294/83, Rec. 1339-Avis de la cour N°1/91, 14
décembre 1991, Rec. I. 6079.
162 Ibid. p 12.
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conception « quantitative » de la
souveraineté, la question du maintien de la souveraineté des
Etats membres et donc celle de la persistance de la qualité d'Etat
»163, au sens du droit international. En d`autres termes,
Peut-on encore parler de souveraineté de l`Etat membre de la CEMAC,
suite à l`exercice de compétences souveraines des Etats par la
communauté ?
Tout transfert de compétence à une entité
quelconque constitue vraisemblablement une limitation de la souveraineté
de l`Etat. Cependant au sein de la CEMAC la situation est tout autre. Certes
les Etats membres ont dévolu certaines compétences importantes
(économiques et monétaires) à la communauté, mais
ils n`ont pas limité ou abandonné leurs compétences
souveraines, tout au contraire, ils restent maîtres et souverains de
leurs compétences transférées. On peut appeler cela un
transfert « rédhibitoire »164. C`est à dire
que les compétences transférées à la
communauté pour son fonctionnement, sont récupérées
et exercées au niveau de la communauté par ces Etats membres au
sein des organes de la communauté par conséquent le transfert de
compétence est rendu presque néant. Au sein de la CEMAC, la
communauté est soumise au diktat et aux caprices des Etats membres. De
ce fait, toute compétence nationale transférée par les
Etats membres de la CEMAC est encore exercée par ceux-ci. Par
conséquent, le transfert de compétences est une fiction juridique
parce qu`en somme il s`agit d`un exercice partagé des compétences
entre l`Etat et la communauté.
Selon la conception « qualitative », la
souveraineté ne s`exprime pas dans une énumération
additive des compétences, mais elle est quelque chose d`autre, ou d`une
autre nature, d`une autre substance, ou d`une autre
qualité165. A ce niveau la souveraineté est la source
des compétences de l`Etat et non leur somme. Autrement dit, un Etat
souverain jouit de ses compétences, et ce n`est pas parce qu`il
détient un ensemble non dénombrable de compétences qu`il
est souverain166. La souveraineté apparaît comme le
titre ou la qualité qui permet à un Etat de définir
l`étendue de sa propre compétence. Par conséquent la
souveraineté peut être définie comme la compétence
de la compétence167. Dès lors, les Etats membres
sont
163 Ibid. p 12. « La mission essentielle de
la communauté est de promouvoir la paix et le développement
harmonieux des Etats membres, dans le cadre de l'institution de deux Unions :
une Union économique et une union monétaire... ». Voir
l`article 2 du traité révisé CEMAC signé le 25 juin
2008 à Yaoundé et le préambule de la convention
régissant l`union économique de l`Afrique centrale «
convaincus que l'intégration des Etat membres en une
communauté économique et monétaire exige la mise en commun
partielle et progressive de leur souveraineté nationale au profit de la
communauté dans le cadre d'une volonté politique collective
»
164 Voir OWONA (J), « l'essor du
constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique noire : études de
quelques « constitutions Janus », op cit, p 235.
165 Vlat CONSTANTINESCO et Valérie MICHEL, «
compétences de l'union européenne », op cit
p 10.
166 Ibid.
167 Ibid. p 11.
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libres, de conférer ou de transférer certaines
de leurs compétences à l`ordre juridique communautaire par eux
créé, sans pour autant compromettre ou renoncer à leur
souveraineté, laquelle constitue précisément leur titre
à pouvoir le faire. Par analogie, l`Etat membre de la CEMAC, bien
qu`ayant transféré quelques compétences à la
communauté, n`a pas pour autant renoncé, perdu, ou
abandonné sa souveraineté. De plus il ne faudrait pas oublier que
« les compétences de l'union se développent à
l'intérieur du champ d'application défini et donc limité,
d'un point de vue territorial, personnel, matériel et fonctionnel,
tandis que, puisque la souveraineté ne définit pas les
compétences, elle ne peut donc pas être quantifiable, et demeure
nécessairement indéterminé »168.
Au demeurant, on peut dire comme l`ont affirmé Vlad
CONSTANTINESCO et Valérie MICHEL que « la souveraineté
se présente aujourd'hui, dans le cadre [communautaire], sous une forme
double : issue des gouvernements nationaux et exprimant la compétence de
la compétence selon le droit international. Elle se combinerait avec
celle des peuples des Etats membres, en tant que titulaires d'une
souveraineté d'ordre interne et d'origine constitutionnelle
»169.
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE.
De ce qui précède, il convient de rappeler que
l`acquisition de la qualité de membre de la CEMAC impose le respect d`un
certain nombre de conditions de forme, fond et technique que l`Etat
désireux d`adhérer, doit impérativement subir, bien que ce
processus de choix mêlant tout ses conditions, soit confus et
ambigüe. L`éventualité d`une adhésion respectant les
énoncés des textes instituant la CEMAC demeure
hypothétique. Toutefois l`étude de l`acquisition de la
qualité de membre de la CEMAC nous a permis de caractériser
l`Etat membre de la CEMAC. Ainsi nous avons successivement abordé la
question de la caractérisation sociologique et juridique de l`Etat
membre de la CEMAC, au point ou l`on en vient à se poser la question de
savoir quels sont les pouvoirs ou prérogatives donc dispose que lui
confèrent la communauté ?
168 Ibid.
169 Ibid.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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CHAPITRE II : LES POUVOIRS DE L'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC.
En droit interne, à l`évocation du mot pouvoir,
l`on pense directement à la séparation des
pouvoirs170. Le pouvoir est un ensemble d`attributions ou de
prérogatives propres à une entité juridique qui la rend
capable d`imposer ou de commander d`autres entités. Selon le
dictionnaire hachette c`est la faculté, le droit, le moyen de
faire quelque chose171. Dans l`ordre juridique interne des Etats,
l`on distingue, un pouvoir exécutif incarné par le chef de l`Etat
et du gouvernement, un pouvoir législatif ayant pour fonction de
légiférer au nom du peuple et dans le respect de la
constitution172, et enfin un pouvoir judiciaire ayant pour
rôle de promouvoir et de mettre en oeuvre l`idée de justice dans
la société, par le règlement des litiges. Il est
évident que l`on reste jusqu`ici curieux sur le rapport des pouvoirs
étatiques,-issus de la séparation des pouvoirs-, avec l`Etat
membre de la CEMAC. L`on a constaté dans la marche des
communautés intégratives, et dans l`étude des normes du
droit communautaire, que certains pouvoirs peuvent être reconnus à
l`Etat membre de la CEMAC, dans l`exercice de ses compétences et dans la
portée des normes issues des organes communautaires. Le pouvoir peut
s`entendre au niveau du droit communautaire comme les compétences
reconnues aux organes de gestion de la communauté. Les
compétences sont à cet effet des pouvoirs, des attributions et
des prérogatives « nécessaires à la
réalisation des objectifs des traites »173. Comme
en droit interne, les pouvoirs reconnus aux Etats membres, tirent leurs bases
juridiques des textes à l`instar du traité constituant la CEMAC
et quelque fois des constitutions nationales174. De ce qui
précède il convient de remarquer qu`il existe au sein de la CEMAC
trois types de pouvoirs à savoir, le pouvoir « constituant
» (section 1), comme prérogative de
créer des actes juridiques normatifs du système intégratif
économique et monétaire de la CEMAC, et également des
pouvoirs législatif et exécutif (section 2).
170 Elaborée par LOCKE (1632-1704) et MONTESQUIEU
(1689-1755), la séparation des pouvoirs est un principe de
répartition des différentes fonctions de l`Etat, qui sont
confiées à différents institutions.
171 Voir le dictionnaire Hachette
172 L`on est passé de la démocratie majoritaire
ou la majorité au parlement faisait la loi d`où la phrase
suivante « vous avez juridiquement tord parce que vous êtes
politiquement minoritaire », à une démocratie
constitutionnel c`est dire les lois voté par le parlement doivent
respecter la constitution. D`où l`impératif d`un contrôle
de constitutionnalité des lois.
173 Klaus-Dieter BORCHARDT, l'ABC du droit de l'union
européenne, office des publications de l`Union européenne,
2010. P 40.
174 Certaine constitutions reconnaissent aux Etats la
capacité juridique ou la faculté d`adhérer à une
communauté. D`autre modifie leur constitution pour intégrer la
dimension communautaire et la qualité de membre.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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SECTION I : LE POUVOIR « CONSTITUANT » DE
L'ETAT MEMBRE DE LA
CEMAC
Le pouvoir « constituant »175
est généralement employé en droit public interne. Il
désigne la faculté reconnue à un organe de mettre sur pied
une constitution pour un Etat. Au niveau international ou communautaire, la
question revêt une autre portée. L`Etat est avant tout souverain
et cette souveraineté lui accorde un certain nombre de
prérogatives, entre autres le pouvoir de « création
subjective »176, c'est-à-dire, de créer
lui-même d`autres sujets de droit international. Ce « treaty
making power »177 propre aux sujets de droit international
se confond avec une forme de pouvoir constituant. Bien que différent, du
constituant en droit interne, où cette prérogative est l`oeuvre
d`un pouvoir constituant originaire ou dérivé, la CEMAC,
reconnait aux Etats membres un pouvoir constituant au sein d`un organe
appelé conférence des chefs d`Etats (paragraphe
I). C`est un organe constituant partiel ou « Co-constituant
» de l`union178, à qui l`on peut reconnaître
un certain nombre d`actes collectifs constitutionnels répondant à
un régime juridique (paragraphe II) bien
précis.
PARAGRAPHE I : Un « pouvoir constituant »
reposant sur la conférence des chefs d'Etats
La volonté des Etats membres occupe une place
fondamentale dans la structuration de l`ordre juridique communautaire. NABLI
dira que l`on ne peut penser l`union sans les Etats179. L`organe
chargé d`instituer la CEMAC est un organe inter étatique
appelé conférence des chefs d`Etats. Il est constituant parce
que, le traité instituant la CEMAC et ses institutions, base
constitutionnelle180 de la communauté est l`oeuvre de cet
organe. Ces traités peuvent être dénommés «
actes constitutionnels » de la conférence des chefs
d`Etat(A). Ainsi pour les actes juridiques les plus importants
la logique d`intégration cède le pas à l`inter
175 NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P), PELLET (A) et FORTEAU (M),
Droit international public, op cit, p 478.
176 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit p 15.
177 Dans la théorie constitutionnelle classique seule
la constitution est l`oeuvre du pouvoir constituant qui s`exerce dans les
limites d`un Etat. Le caractère inconditionnel du pouvoir constituant
originaire n`a de sens que dans l`Etat. Le cadre étatique permet un
exercice unilatéral du pouvoir sans que soit exigé le
consentement des autres Etats un pouvoir d`une telle nature ne se trouve pas
dans l`ordre juridique international ou l`instrument conventionnelle est la
règle.
178 MATHIEU (B), « Réflexions sur le
pôle de l'Etat en tant qu'élément du pouvoir constituant de
l'union européenne » in annuaire de droit européen,
2004, vol II, pp 105-118 spec. p 118.
179 NABLI (B), « L'union des Etats et les Etats de
l'union », op cit, pp 113-120.
180 Dans son arrêt « les verts » la cour de
justice a convoquée en termes clair la nature constitutionnelle des
traités en considérant que « la communauté
économique européenne est une communauté de droit en ce
que ni ses Etats membres ni ses institutions n'échappent au
contrôle de la conformité de leurs actes à la charte
constitutionnelle de base qu'est le traité », voir
l`arrêt du 23 avril 1986, affaire 294/83, Rec. P 1339.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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étatisme. C`est la raison pour laquelle ces actes
à la différence de bien d`autres ont une portée
particulière(B), et constitutive des principes
fondamentaux du droit communautaire.
A/ Les « actes constitutionnels » de la
conférence des chefs d'Etats manifestant le
pouvoir constituant.
Disposant « du pouvoir et de la
légitimité propre à établir une norme juridique qui
fonde et organise un ordre juridique »181, pour ce faire
l`Etat membre use des actes juridiques pour atteindre ses objectifs. Parmi ces
actes, on distingue ceux considérés comme constitutionnels,
à savoir le traité constitutif d`une organisation
intégrative182 (1) et également les
actes additionnels (2).
1) L'acte de validité de l'ordre juridique
communautaire : le traité instituant la CEMAC.
Le traité est un engagement ou un accord entre sujets
de droit international. Sa définition ne fait intervenir à aucun
moment le caractère constitutionnel de cette source du droit
communautaire. Le conseil constitutionnel français l`a même
affirmé en ce qui concerne le traité établissant une
constitution pour l`Europe en disant qu`elle « conserve le
caractère d'un traité international souscrit par les Etats
signataires du traite instituant la communauté européenne et du
traité sur l'union européenne »183. Bien que
la forme qui revient au mécanisme ayant conduit à son
élaboration ne nous renseigne pas sur le caractère
constitutionnel du traité instituant la CEMAC, son esprit
démontre tout de même le caractère constitutif de celui-ci.
Comme en droit interne, on distingue en définissant la constitution, une
appréhension formelle liant le caractère solennel de la
procédure de conception de la constitution. Et également
matérielle, qui se borne à déterminer le caractère
constitutionnel d`un texte dans son oeuvre consistant à organiser la vie
institutionnelle et normative d`un Etat184. Alors dans cette
deuxième acception de la constitution, l`on peut déduire du
traité
181181 MATHIEU (B), « Réflexions sur le
pôle de l'Etat en tant qu'élément du pouvoir constituant de
l'union européenne in annuaire de droit européen »,
op cit, p 13.
182 « Le traité CEE, bien que conclu sous la
forme d'un accord international, n'en constitue pas moins la charte
constitutionnelle d'une communauté de droits ». Voir l`avis
relatif au projet d`accord entre la communauté européenne et les
Etats de l`association européenne de libre échange
européen (EEE) du 14 décembre 1991, N°1/91, Rec., P
I-6079.
183 Les dispositions du traité constitutionnel
relatives aux modalités de son entrée en vigueur, de sa
révision et la possibilité de le dénoncer, le range bien
dans la catégorie générique des « engagements
internationaux ». Voir Décision N° 2004-505 DC du 19
novembre 2004, traité établissant une constitution pour l`Europe,
J.O.R.F du 24 novembre 2004, p 19885.
184 « Il est convenu que toutes les constitutions
possèdent des traits communs. Elles fixent dans l'Etat le statut du
pouvoir politique et des conditions d'exercice de l'autorité publique
» voir MONJAL (P.Y), Les normes de droit communautaire,
coll. « que sais je », PUF, 2000, p 15.
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instituant la CEMAC une base constitutionnelle de l`ordre
juridique communautaire CEMAC. Il ne s`agit point de soutenir que la
communauté intégrative forme un Etat et que le traité
révisé de la CEMAC est une constitution. Une telle assimilation
ne serait pas soutenable au regard du droit constitutionnel. Toutefois on ne
saurait admettre que cette branche du droit public procède à une
appropriation de la notion de constitution, et à une «
absorption lexicale exclusive ». L`on peut, dans la perspective de
ressortir le caractère constitutionnel du traité instituant la
CEMAC, mettre en exergue les critères établissant la
constitutionnalisation de l`acte primaire de la CEMAC. Le critère formel
du caractère constitutionnel trouve sa source dans l`article
57185 relatif à la procédure de révision du
traité constitutif. En vertu de l`article précité, les
Etats membres forment le pouvoir constituant au sein de la communauté,
sur leur initiative ou celle de la commission. Il est mis en exergue ici, le
fondement démocratique nécessaire à toute constitution.
Mais le caractère étatique ne doit pas occulter la réelle
dimension démocratique car les « modifications entrent en
vigueur après avoir été ratifiées par tous les
Etats membres en conformité avec leurs règles constitutionnelles
respectives »186. Bien que la ratification sonne comme une
loi d`approbation du « droit venu d`ailleurs »187, elle
revêt également une forme de légitimation populaire du
texte soumis aux parlementaires. Par conséquent cette instance
fondatrice qui est l`adhésion du peuple par les ratifications nationales
prouve qu`il s`est indiscutablement produit un « moment
constitutionnel »188. Dans une approche analogique, l`on
peut affirmer comme dans le cas des constitutions nationales que, les
autorités élues représentant le peuple, et agissant au
niveau communautaire portent en elles une parcelle du pouvoir constituant
dérivé. On peut dès lors raisonnablement soutenir qu`une
fraction de la population communautaire CEMAC, le plus solennellement possible
a donné une légitimité populaire ou démocratique au
traité instituant la CEMAC.
En ce qui concerne le critère matériel,
c'est-à-dire « tout ce qui dans le droit primaire est de nature
ou d'origine constitutionnelle »189, on est dans
l`obligation de constater
185 Article 57 du traité constitutif de la CEMAC «
Tout Etat membre peut soumettre à la Conférence des
Chefs
d'Etat des projets tendant à la révision du
présent Traité ou des Conventions de l'UEAC et de l'UMAC. Les
modifications sont adoptées à l'unanimité des Etats
membres. Sur proposition du Président de la Commission, des premiers
responsables des Institutions et Organes de la Communauté ou du premier
responsable de toute Institution Spécialisée de la
Communauté, le Conseil des Ministres ou le Comité
Ministériel, peuvent également soumettre des projets de
révision du présent Traité à la Conférence
des Chefs d'Etat. Les modifications entrent en vigueur après avoir
été ratifiées par tous les Etats membres en
conformité avec leurs règles constitutionnelles respectives
».
186 Ibid.
187 F. Mélin-Soucramanien, « La Constitution, le juge
et le droit venu d`ailleurs? », Mélanges en l'honneur
de
Slobodan Milacic. Démocratie et liberté :
tension, dialogue, confrontation, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 177 et
s
188 MONJAL (P.Y), les normes de droit communautaire,
op cit, p 18
189 Ibid.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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en fait un double processus de constitutionnalisation du droit
primaire. Le premier est au niveau supranational, dans la prise de
décisions au niveau supranational, on assiste au respect des traditions
constitutionnelles des Etats membres, et du respect de la répartition
des compétences dans le traité révisé CEMAC. Le
respect des traditions constitutionnelles des Etats membres dans la prise de
décision se manifeste au préambule par la réaffirmation de
leur « attachement au respect des principes de démocratie, des
droits de l'homme, de l'Etat de droit, de la bonne gouvernance, du dialogue
social et des questions de genre »190. Il faut dire que la
CEMAC est fondée sur l`ensemble de ces principes dont la nature
constitutionnelle est difficilement réfutable. Et partant de cet
énoncé, les institutions communautaires voient leur action
décisionnelle prédéterminée ou encadrée par
la norme primaire.
La constitutionnalisation au niveau supranational peut
également être recherchée dans le mécanisme
d`attribution des compétences communautaires. C`est par rapport à
ce système de répartition des compétences que naît
le principe de primauté ou de la suprématie du droit
communautaire sur les droit nationaux , formulé dans l`arrêt
COSTA, et repris en d`autre termes dans l`article 44 du traité
révisé de la CEMAC « les actes adoptés par les
institutions, organes et institutions spécialisées de la
communauté pour la réalisation des objectifs du présent
traité sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute
législation nationale contraire antérieure ou postérieure
».
Le second processus de constitutionnalisation est national et
renvoi véritablement à l`intégration progressive du droit
communautaire dans les constitutions nationales. Lors de l`entrée en
vigueur du traité révisé CEMAC, une modification
substantielle du nombre de constitutions africaines191 montre une
forme de
190 Voir le préambule du traité
révisé CEMAC signé en 2008 à Yaoundé.
191 La constitution du Gabon du 26 mars 1991 consacre au titre
XI « des accords de coopération et d`association » son unique
article stipule : « la république gabonaise conclut
souverainement des accords de coopération ou d'association avec d'autres
Etats. Elle accepte de créer avec eux des organismes de gestion commune
de coordination et de libre coopération ».
La constitution Tchadienne du 31 mars 1996
révisée en mai 2004 et le 6 juin 2005 en son article 217 dispose
que « la république du Tchad peut conclure avec d'autres Etats
des accords de coopération et d'association...elle peut créer
avec d'autres Etats des organismes de gestion commune de coordination et de
coopération... ».
Le titre V de la loi fondamentale centrafricaine
reconnaît également à l`Etat la possibilité
d`établir avec ses partenaires des relations très poussées
pouvant entrainer « un abandon total ou partiel de la
souveraineté [nationale] en vue de réaliser l'unité
africaine ».
L`article 184 de la constitution congolaise stipule que «
la république peut conclure des accords
d'association...créé... des organismes inter gouvernementaux de
gestion commune de coordination... et d'intégration ».
Le cas du Cameroun et de la Guinée Equatoriale est
particulier. La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 ne comporte pas de
disposition spécifique au droit communautaire. Il en est de même
de celle de Guinée Equatoriale.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 58
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
constitutionnalisation des lois fondamentales des Etats de
l`Afrique centrale. En d`autre terme le traité révisé
CEMAC exerce un effet normalisateur sur les constitutions nationales.
En ce qui concerne le critère fonctionnel
caractéristique de la constitution, la cour de justice proclama
« non seulement que le traité de Rome forme la charte
constitutionnelle de la communauté, mais surtout que la construction
européenne a atteint le stade d'une communauté de droit
»192. Par analogie avec le concept d`Etat de droit, cette
affirmation véhicule des principes fonctionnels qui sont d`une part
juridiques et contentieux, et d`autre part politiques ou
démocratiques.
« Juridiquement, tout d'abord le principe qu'exprime
la notion de communauté de droit est que les actes des institutions ne
peuvent échapper au contrôle de conformité avec le droit
primaire »193. Cela traduit tout simplement comme dans la
théorie de l`Etat de droit que les « institutions
communautaires ne peuvent agir qu'en vertu d'une validation normative,
étant entendu que leur action est susceptible de contrôle
juridictionnel ». La communauté de droit et l`Etat de droit
semblent être convergents. Éventuellement c`est bien le
citoyen-justiciable national qui se trouve être au centre des enjeux de
la communauté de droit. Il y a lieu de se demander si elle ne favorise
pas l`émergence d`une conception différente de la
démocratie traditionnelle194. Autrement dit, « la
communauté de droit donne aux requérants-citoyens des Etats
membres de nouvelles fonctions leurs permettant de compléter le
contrôle politique traditionnel »195, de limiter ou
d`encadrer l`action de l`Etat.
Ainsi avec la notion de constitution d`une communauté,
on dispose d`un concept juridique et politique autonome qui reflète la
constitutionnalisation du droit primaire. Cependant, il faut préciser
que « les dispositions techniques réglementant les
activités économiques, commerciales ou encore sectorielles, ne
sont pas de nature constitutionnelle ». Le statut de constitution
d`une communauté de droit reconnu au droit primaire est
réservé exclusivement aux dispositions relatives aux droits
fondamentaux ou aux principes que partagent les Etats membres de la CEMAC et
qu`ils respectent, aux compétences des communautés et des
institutions. Peut-on aussi reconnaître aux actes additionnels, aux
traités institutifs le caractère de constitutionnel ?
192 Voir MONJAL (PY), les normes de droit communautaire,
op cit p 22.
193 Ibid.
194 Ibid. p 23.
195 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 59
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
2) Les actes additionnels : l'acte de
validité de l'ordre juridique communautaire.
L`article 40 du traité révisé de la CEMAC
stipule que : « la conférence des chefs d'Etats adopte des
actes additionnels au traité (...) »196 et il s`en
suit que « les actes additionnels sont annexés au traité
de la CEMAC et complètent celui-ci sans le modifier. Leur respect
s'impose aux institutions, aux organes et aux institutions
spécialisées de la communauté, ainsi qu'aux
autorités des Etats membres »197. Le traité
révisé de la CEMAC est clair dans son énoncé. Par
conséquent, il est évident qu`un acte additionnel est un acte
juridique qui acquiert le même rang et la même force juridique que
l`acte sur lequel il vient se greffer et bénéficie
automatiquement du même respect que la norme sur laquelle il se greffe. A
cet effet, les actes additionnels et le traité CEMAC constituent si tant
on peut le dire, « le bloc de constitutionalité
»198 instituant la communauté CEMAC bien que tous
ses instruments juridiques communautaires ne soient pas ratifiés par
tout les Etats membres. Ainsi, les actes additionnels et le traité
révisé CEMAC, cet ensemble normatif forme « le droit
originaire, tant d'un point de vue matériel que chronologique
»199. On met dans le cadre des actes additionnels de la
CEMAC, les conventions régissant l`UEAC, l`UMAC et la cour de justice de
la CEMAC. Comme le traité constitutif, les actes additionnels ont force
contraignante sur les autres normes communautaires qui leurs sont
inférieures, et sur le droit national. Guy ISAAC affirmera même
que « le droit communautaire n'est pas un droit étranger, ni
même un droit extérieur : il est le droit propre de chacun des
Etats membres applicable sur son territoire tout autant que son droit national,
avec cette qualité supplémentaire qu'il couronne la
hiérarchie des textes normatifs de chacun d'eux »200.
L`on peut également dire avec GUY ISAAC que la règle des
traités et actes additionnels se situent au sommet de la
hiérarchie de l`ordre juridique communautaire. « Elles
prévalent à l'égard de l'ensemble des autres sources du
droit communautaire »201. Le traité institutif et
les autres actes additionnels constituent à la fois le fondement, le
cadre et les limites de la communauté. On peut en conclure que les
normes de droit primaire ont une primauté presque absolue car elles
s`exercent autant sur les autres normes communautaires que sur le droit
national. Quels sont les effets juridiques ?
196 Chapitre IV : des actes juridiques et contrôle des
activités de la communauté, section 1 des actes juridiques de la
communauté, article 40 du traité révisé CEMAC.
197 Voir article 41 du traité révisé
CEMAC.
198 En droit français on appelle « bloc de
constitutionnalité » l`ensemble des principes et disposition
que les lois doivent respecter et dont le conseil constitutionnel est le
garant. Il n`est pas limité à la seule constitution. Elle les
articles de la constitution de 1958, la déclaration des droits de
l`homme et du citoyen de 1789, le préambule de la constitution de 1946,
la charte de l`environnement depuis 2005.
199 MONJAL (PY), Les normes de droit communautaire,
op cit p 16.
200 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européen, op cit p 261.
201 Ibid. p 197.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 60
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
B/ Les effets juridiques des « actes
constitutionnels » de la conférence des chefs d'Etats.
A la différence du système normatif
international, où l`on peut exclure a priori certaines sources
du champ de la normativité, les sources du droit communautaire se
prêtent toutes à la création des droits et obligations. A
une création spéciale des droits et obligations car du principe
fondamental de la primauté du droit communautaire évoqué
à l`article 44202 découlent les principes
d`applicabilité immédiate(1) et d`effet
direct(2) du droit issu des communautés
intégratives en l`occurrence des actes juridiques collectifs à
caractère constitutionnel.
1) L'applicabilité immédiate des «
actes constitutionnels ».
Les principes fondamentaux du droit communautaire, servent
à régler les rapports entre l`ordre communautaire et les ordres
juridiques nationaux. Ces principes, à l`instar de
l`applicabilité immédiate, sont les garants de l`application
uniforme du droit communautaire au sein des Etats. Ainsi comme souligné
plus haut, l`applicabilité immédiate crée les obligations
envers les Etats membres et entraine des conséquences pour les
justiciables qui bénéficient des droits engendrés à
leur profit par le droit communautaire.
L`applicabilité immédiate est le principe de
base de l`application du droit communautaire. A la différence du droit
international ou autre droit extérieur à l`ordre juridique
interne des Etats, le droit communautaire bénéficie d`une
réception particulière dans le droit national. Automatiquement le
droit communautaire est applicable ou devient du droit positif dans les Etats
membres. « Le traité de la CEE a institué un ordre
juridique propre, intégré au système juridique des Etats
membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose
à leurs juridictions. (Qu') En effet en instituant une communauté
à durée illimitée, dotée d'institutions propres, de
la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité
de représentation internationale et (...) crée aussi un corps de
droits applicables à leurs ressortissants et à eux mêmes
»203. L`applicabilité immédiate
des actes juridiques collectifs se présente en trois plans. Elle
confère directement des droits et des obligations non seulement aux
institutions de la communauté, aux Etats membres, mais aussi à
leurs citoyens204. L`applicabilité immédiate du droit
originaire de la communauté en comparaison à la
202 Article 44 du traité révisé CEMAC
stipule que « Sous réserve des dispositions de l'article 43 du
présent traité, les actes adoptés par les Institutions,
Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour
la réalisation des objectifs du présent Traité sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure ».
203 Arrêt du 15 juillet 1964, Costa / ENEL Aff. 6/64, Rec.,
p1141.
204 En paraphrasant Klaus-Dieter BORCHARDT, l'ABC du droit de
l'union européenne, op cit, p 124.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 61
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
constitution dans l`Etat implique l`effet direct pour les
bénéficiaires de la norme communautaire.
2) L'effet direct des « actes constitutionnels
» de la conférence des chefs d'Etat.
L`effet direct peut être défini comme
«l'aptitude d'une norme communautaire à créer par
elle-même des droits ou des obligations au bénéfice ou
à la charge des personnes privées, lesquelles jouissent de la
faculté d'invoquer de telles dispositions, plus ou moins largement et
toujours sans conditions, afin d'en obtenir à l'occasion d'un litige,
l'application directe et effective »205. L`effet direct de
ce point de vue ne devrait pas être confondu à
l`applicabilité sus évoquée, qui a été
consacrée par la jurisprudence de la cour de justice dans son
arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1963206.
Il faut dire que l`effet direct a été dégagé dans
l`arrêt SIMMENTHAL du 9 mars 1978207. C`est sur cette
base que R. LECOURT, parlant de l`effet direct ou applicabilité directe
affirmera que « c'est le droit pour toute personne de demander
à son juge de lui appliquer traités, règlements,
directives ou décisions communautaires. C'est l'obligation pour le juge
de faire usage de ces textes quelque soit la législation du pays dont il
relève »208. L`effet direct est assimilable
à la capacité d`une norme communautaire à devenir un
paramètre de la légalité. L`effet direct met en exergue
l`instantanéité autant des droits et obligations des justiciables
des Etats membres et également l`obligation pour les juridictions
nationales d`appliquer les normes communautaires dans les litiges nationaux et
cela dès l`entrée en vigueur de la règle communautaire,
dès la publication de la norme communautaire. GUY ISAAC affirmera que
l`effet direct « c'est tout simplement, mais rien de moins que la
capacité à être une source de légalité en
vigueur dans l'ordre juridique national, ou mieux, à être une
source de droit sur le territoire national »209. Faut dire
que l`intensité de l`effet direct peut varier dans la mesure où
l`on distingue l`effet direct vertical, c`est-à-dire la norme peut
être invoquée dans un litige opposant un particulier à un
Etat membre ; L`effet direct horizontal c`est-à-dire la norme peut
être invoquée dans un litige entre deux particulier ; et l`effet
direct complet qui englobe l`effet direct vertical et horizontal.
205 MEHDI (R), « Ordre juridique communautaire, effet
direct », jurisclasseur, Fasc. 195, 1er juillet 2007,
p1.
206 Arrêt du 5 février 1963, Van Gend En Loos, Aff.
26/ 62, Rec., p 3.
207 « L'applicabilité directe (...) signifie
que les règles du droit communautaire doivent déployer la
plénitude de leurs effets d'une manière uniforme dans tous les
Etats membres, à partir de leur entré en vigueur et pendant toute
la durée de leur validité » et « ces
dispositions sont une source immédiate de droit et d'obligation pour
tous ceux qu'elles concernent qu'il s'agisse des Etats membres ou des
particulières qui sont parties à des rapports juridiques relevant
du droit communautaire ». Arrêt du 9 mars 1978, Simmental, Aff.
106/77, Rec., p 629.
208 LECOURT (R), L'Europe des juges, bruyant, coll.
Droit de l`union européenne, 2007, p 248. Cité par MEHDI (R),
« l`ordre juridique communautaire », l`effet direct, op cit,
p 5.
209 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 268.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 62
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Les actes primaires instituant des communautés
intégratives, apparaissent comme les seules normes de droit
communautaires en général et droit communautaire CEMAC en
particulier à pouvoir bénéficier selon les critères
sus évoqués d`un effet direct absolu. A quoi correspondent leurs
régimes juridiques ?
PARAGRAPHE II : Le régime juridique des «
actes constitutionnels » de la conférence des chefs d'Etat.
Des actes juridiques, ayant une force comparable à
celle de la norme fondamentale en droit interne, soulèvent des
interrogations sur les fondements de la légitimité de tels actes.
On constate de fait que toute manifestation de la volonté souveraine,
comme c`est le cas dans les actes primaires des communautés
intégratives, tire leur autorité ou compétences de la
législation nationale210, qui donne acte aux
représentants des Etats de conclure traité et accord
internationaux (A). Il s`en suit inéluctablement pour
garantir le respect de l`acte primaire par les normes inferieures, un
contrôle de validité des normes inferieures aux « actes
constitutionnels » communautaires (B).
A/ Les fondements du « pouvoir constituant »
des Etats membres de la CEMAC.
Il s`agit de mettre en exergue les sources ou les bases sur
lesquelles s`appuient les Etats membres pour émettre des actes
juridiques ayant force contraignante assimilable à la constitution
nationale. Comme sus évoquée, toute manifestation de la
volonté souveraine par un Etat tire son fondement de la norme
fondamentale de chaque Etat (1) et également du
traité instituant la communauté intégrative
(2).
1) Le fondement national du « pouvoir constituant
» de l'Etat membre.
La question de l`habilitation constitutionnelle de l`Etat
membre s`est posée avec acuité lors de la découverte de la
particularité des traités instituant les communautés
intégratives. Le constat a été la modification des
constitutions pour marquer la différence qui existe entre le droit
international et le droit communautaire211. La majorité des
représentants des Etats membres de communautés
intégratives autorisées à émettre la volonté
des Etats le font d`après des bases constitutionnelles et
généralement des dispositions constitutionnelles
210 Voir KAMTO (M), « La volonté de l'Etat en
droit international », recueil des cours de l'académie de
droit international de la Haye, 2004, p 48.
211 La constitution Gabonaise du 26 mars 1991 consacre le
titre X intitulé « traités et accords internationaux »
au droit international classique alors que le titre XI « des accords de
coopération et d`association » est réservé au droit
communautaire.
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MENGUE Arsène Silvère 63
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
relatives au droit international212. Cependant le
problème qui se pose est celui des dispositions constitutionnelles
relatives à la réception du droit international, comme la
majorité des constitutions d`Afrique Centrale ont emprunté des
dispositions de la constitution française de 1958. Elle-même,
comme le texte français, marque une défiance vis-à-vis du
droit international dans la constitutionalité des engagements
internationaux des Etats et « conditionne la valeur supra
législative des normes issues de ces engagements internationaux à
l'exigence de réciprocité »213. Ce qui du
point de vue de la norme communautaire pose un problème d`habilitation
constitutionnelle de la réception du droit communautaire en amont et de
la compétence des autorités amenées à signer et
ratifier les engagements communautaires en aval. Ceci pose le problème
de la légalité constitutionnelle des engagements communautaires,
particulièrement des actes primaires. Il faut dire que certains Etats
d`Afrique Centrale, vont intégrer ces dispositions constitutionnelles
favorables à un engagement de l`Etat dans le processus
d`intégration régionale de type communautaire214, en
omettant cette fois le principe de réciprocité et en mettant en
avant sans même le savoir le principe de primauté du droit
communautaire. En d`autres termes, les Etats comme le Cameroun et la
Guinée Equatoriale qui n`ont pas trouvé important de
réviser leurs constitutions pour réceptionner le droit
communautaire, continuent à assimiler le droit communautaire au droit
international, ce qui pose inéluctablement la question de la
primauté du droit communautaire. Car contrairement au droit des gens
qui, pour avoir une pleine efficacité, doit s`appuyer sur les ordres
juridiques nationaux, le droit communautaire lui n`a nullement besoin d`une loi
d`approbation ou d`application pour être effectif et produire des effets
de droit. Il s`agit pour la règle de droit communautaire d`une
intégration respectueuse de son statut originel et de l`identité
primordiale du droit communautaire. Ceci fait de l`ordre juridique
communautaire un ordre juridique spécifique et autonome. Le conseil
constitutionnel français affirmera par la que l`article 88-1de la
constitution « a (...) consacré l'existence d'un ordre
juridique communautaire intégré à l'ordre juridique
interne et distinct de l'ordre juridique international
»215. La conséquence à en tirer au sein de
la CEMAC est la suivante : toute mesure ou engagement communautaire
signé par le Cameroun ou la Guinée Equatoriale ne trouve son
fondement ou son habilitation dans aucune disposition constitutionnelle. Ces
deux pays intègrent et appliquent une norme qui ne trouve
212 La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 et la
constitution de la Guinée Equatoriale.
213 Voir TCHUINTE (J), « l'application effective du
droit communautaire en Afrique centrale », op cit, p 68.
214 Ibid. p 69.
215 Décision N°2004-505 DC du 19 novembre 2004
portant sur le traité établissant une constitution pour l`Europe,
recueil des décisions du conseil constitutionnel, Dalloz, 2005.
Cité par TCHUINTE (J), « l'application effective du droit
communautaire en Afrique centrale », op cit, p 71.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 64
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
veritablement pas de fondement dans la
constitution216. Alors l`organe de contrôle de la
constitutionnalité doit se saisir car les normes communautaires
signées ne trouvent pas leur validité dans la constitution.
Toutefois, la seule existence dans le texte fondamental des Etats d`Afrique
Centrale des dispositions spécifiques se rapportant au droit
communautaire emporte habilitation constitutionnelle de mettre sur pied des
actes primaires à caractère constitutionnel. Quid du fondement
communautaire ?
2) Le fondement communautaire du pouvoir constituant
de l'Etat membre
Le fondement communautaire revient à présenter
la compétence expresse reconnue à l`Etat membre d`émettre
des actes juridiques avec caractère constitutionnel. L`article 40
l`énonce très bien en ces termes : « la
conférence des chefs adopte des actes additionnels au traité
»217. Fort du pouvoir constituant à lui reconnu,
l`Etat membre au sein de l`organe qu`il constitue possède
également la capacité d`effectuer des révisions du
« bloc de constitutionnalité » constituant la
communauté intégrative. L`article 57 du traité
révisé de la CEMAC l`a stipulé comme il suit : «
tout Etat membre peut soumettre à la conférence des chefs d'Etats
des projets tendant à la révision du présent traité
ou des conventions de l'UEAC et de l'UMAC. Les modifications sont
adoptées à l'unanimité des Etats membres». En
résumé, l`habilitation communautaire comporte premièrement
le pouvoir de créer des actes juridiques ayant rang de l`acte primaire,
et devant être annexés au traité constitutif de la
communauté, deuxièmement, le pouvoir de modification et de
révision du traité constitutif de la communauté
intégrative, et également de toutes conventions. Qu`en est-il du
contrôle de la validité du droit communautaire ?
216 Nous notons que toute tentative de justifier la
réception du droit communautaire dans ses pays s`appuie sur un
énoncé du préambule, de surcroit implicite, mais qui
semble plus être une habilitation constitutionnelle à
l`intégration du droit international en droit interne. En tenant compte
que le droit international n`est pas matériellement du droit
communautaire. En plus, loin d`avoir une appréciation réductrice
des intentions du constituant de 1996, précisément en ce qui
concerne le cas du Cameroun, nous discutons de la vision futuriste de celui-ci,
qui aurait pris en compte toute la complexité du droit communautaire, et
nous mettons l`énoncé du préambule de la constitution
camerounaise qui habiliterait implicitement l`intégration de la norme
communautaire et l`engagement du Cameroun à la communauté, sous
le prisme des mouvements politiques tendant à favoriser le rapprochement
et l`union des pays, des peuples, et des cultures africaines. Et
généralement ce type de regroupement donne naissance à des
organisations internationales à caractère politique à
l`instar de l`UA. Nous affirmons donc que l`énoncé du
préambule de la constitution camerounaise ne restitue pas la
spécificité et l`autonomie du droit communautaire. Par
conséquent tous les engagements communautaires au Cameroun manquent de
bases constitutionnelles, donc sont dans l`illégalité
constitutionnelle, à distinguer de l`inconstitutionnalité qui est
la résultante du non respect de la règle constitutionnelle. Dans
le cas de l`illégalité constitutionnelle, la norme
intégrée dite illégale constitutionnelle ne trouve pas un
fondement ou une base lui permettant de justifiée sa
légalité au sein de la norme fondamentale.
217 Voir l`article 40 du traité révisé CEMAC
de 2008.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 65
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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B/ Le contrôle de la validité des normes
inferieures aux « actes constitutionnels »
communautaire.
Les apparences sont nombreuses dans les relations de droit
constitutionnel et droit communautaire. Le principe de primauté en droit
communautaire exerce une pression indescriptible à la primauté
constitutionnelle en droit interne, au point où on se demande quelle
primauté prédomine ? Ou bien comment l`ordre juridique interne
organise la coexistence des primautés ? Si l`on prend en compte la
décision du 20 décembre 2007, du juge constitutionnel
français sur l`interprétation de l`article 88-1 de la
constitution française218 est sans surprise lorsqu`il affirme
que « le constituant a ainsi consacré l'existence d'un code
juridique communautaire intégré à l'ordre juridique
interne et distinct de l'ordre juridique international ». De plus
depuis cette décision, on a assisté à une «
application renforcée de la primauté du droit communautaire par
le juge constitutionnel »219. En 1998220, il
opère un contrôle de conformité de la loi organique sur le
droit de vote et d`éligibilité des citoyens européens aux
élections municipales à la directive y relatives. La
décision du 10 juin est plus décisive221 car elle
marque la véritable constitutionnalisation du droit
communautaire222. Dans le cas de la CEMAC, le contrôle de la
validité de la loi aux actes communautaires est fait en deux volets :
premièrement un contrôle de la communauté par la
commission, les institutions communautaires comme le parlement communautaire et
la cour de justice de la communauté(1), et
deuxièmement par les juridictions nationales que sont les juridictions
ordinaires(judiciaires et administratives) qui sont les juridictions de droit
commun, du droit communautaire et la juridiction
constitutionnelle(2).
218 L`article 88-1 de la constitution française dispose
que « la république participe aux communautés
européenne et à l'union constituée d'Etats qui ont choisi
librement, en vertu des traités qui les ont institués, d'exercer
en commun certaines de leurs compétences »
219 CHALTIEL (F), « Droit constitutionnel
européen 2004-2006 », RFDC, 2007/1 N°69, pp
161-173.
220 Décision N° 98-400 du 20 mai 1998, loi
organique déterminant les conditions d`application de l`article 88-3 de
la constitution française JORF, 26 mai 1998, p 8003.
221 Le conseil constitutionnel pose un principe et une
exception. Le principe est que la transposition d`une directive est une
exigence constitutionnelle. L`exception étant que la disposition
constitutionnelle expresse contraire. Voir décision N° 2004-496 DC
du 10 juin 2004, loi sur l`économie numérique.
222En paraphrasant CHALTIEL (F), « Droit
constitutionnel européen 2004-2006 », op cit, p 343.
« Le terme de constitutionnalisation est à double tranche,
signifiant à la fois l'inscription d'un texte dans la constitution, en
l'espèce les traités communautaires et la nature
constitutionnelle que les rédacteurs des traités entendent ou non
donner à la communauté d'intégration »
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
1) Le contrôle par la communauté de la
validité des normes inferieures aux « actes constitutionnels
».
Comme sus évoqué, la primauté du droit
primaire de la CEMAC se vérifie sur deux plans : au plan supranational
et au plan national223. De plus, le principe de primauté du
droit primaire et sa double mise en oeuvre met en exergue une forme de
hiérarchie des normes communautaires224, dont il en
découle une forme de hiérarchisation normative où la norme
suprême avec valeur constitutionnelle se trouve être le droit
primaire, et la norme inférieure se trouve être le droit
dérivé. Ainsi par analogie, il est évident que si les
normes dérivées ne respectent pas dans leurs
énoncés l`esprit du traité instituant la
communauté, il va de soi que, d`après l`esprit de la
hiérarchie des normes selon KELSEN, ces normes dérivées
sont illégales, simplement parce qu`elles ne tirent pas leur
légalité du droit primaire. Par conséquent, le
contrôle communautaire, devra s`atteler à les retirer de
l`ordonnancement juridique communautaire. Il s`agit vraisemblablement dans ce
cas d`un contrôle de la primauté du droit primaire par la
communauté. Ce contrôle se manifeste par trois institutions, la
commission, le parlement et la cour de justice. Le caractère
constitutionnel225 du droit primaire impose à ses
institutions de contrôler le respect du droit primaire par les actes
dérivés ou le droit national. Ainsi au niveau supranational,
lorsqu`il est dit que « les institutions, les organes, et les
institutions spécialisées de la communauté agissent dans
la limite des attributions et selon les modalités prévues par le
présent traité, les conventions de l'UEAC, et de l'UMAC et par
les statuts et autres textes respectifs de ceux-ci »226 ;
cela signifie premièrement que, l`ordre juridique de la CEMAC constitue
une hiérarchie de normes et que deuxièmement, le fonctionnement
des institutions communautaires est encadré par les textes primaires
d`où l`intérêt d`en tirer leur validité. En quelque
sorte, cet article ouvre
223 Au niveau supranational les normes de droit communautaire
forme un ordre juridique (c`est-à-dire un ensemble de règles de
droit constituant un système, présentant un certain degré
d`organisation et de cohérence) dans lequel la norme primaire exerce une
primauté sur les normes dérivées. Alors qu`au niveau
nationale, le droit primaire intègre un ordre juridique avec qui il
forme un ordre juridique commun avec pour précision la reconnaissance
par les constitutions nationale du principe de primauté de la norme
communautaire.
224 La théorie de la pyramide de Kelsen, met en exergue
une norme suprême (niveau constitutionnel) et des normes
hiérarchiquement inferieures qui tirent de la norme suprême leur
égalité, leur légitimité et leur existence. L`on
peut également établir dans l`ordre juridique communautaire une
telle hiérarchisation des normes communautaires en reconnaissant aux
normes primaires (traités et actes additionnels) le statut de norme
suprême parce que c`est elle qui organise la structure et le
fonctionnement de la communauté et adopte la législation des
actes dérivés dans le respect des textes constitutifs de la
communauté intégrative.
225 La référence à la notion de
constitution dans le contexte du droit communautaire n`a d`intérêt
que si elle a un contenu non seulement institutionnel, mais également et
surtout substantiel en ce sens qu`elle est l`incarnation de l` «
officialisation d'une idée de droit » c`est-à-dire
qu`elle exprime les fondements, les valeurs, les principes, bref
l`identité de l`union européenne. Voir la formule de ROUSSEAU
(D), Une résurrection, la notion de constitution, RDP,
1990, p 5. Cité par SIMON (D), rapport général, «
les fondements de l'autonomie du droit communautaire », op
cit, p 225.
226 Article 11 du traité révisé CEMAC de
2008 et en 2009.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 67
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
implicitement une voie à un éventuel
contrôle. L`article 34 reconnaît à la commission «
la mission de gardienne des traités de la CEMAC
»227. Le rôle de gardien implique le contrôle
du respect des traités de la CEMAC autant par les institutions
communautaires que par les Etats membres de la communauté. Le
traité révisé de la CEMAC reconnaît à la
commission la mission de contrôle du respect du traité. Parmi les
prérogatives de cette institution l`article 35 met l`accent sur la
mission de veiller « au respect et à l'application par les
Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions du présent
traité et des actes pris par les organes de la communauté
». Disposition très porteuse parce que la notion de veille est
une notion préventive et curative. Dans ce cas, le contrôle du
respect et de l`application des normes communautaires est fait en amont, dans
la création par exemple des actes dérivés ou dans
l`élaboration par les Etats des lois de transposition du droit
communautaire. Ce contrôle est également fait en aval, lors de
l`exécution des normes communautaires par les citoyens et les Etats
membres, elle veille à la stricte application par les parties du droit
communautaire. Ce contrôle lui est recommandé et même
réitéré par le même article en disant que la
commission « veille à la mise en oeuvre du présent
traité, des conventions et des décisions de la communauté
»228.
La compétence la plus évidente du contrôle
de la primauté du droit primaire revient à la cour de justice de
la CEMAC, lorsqu`elle est saisie pour des procédures de renvoi
préjudiciel et pour un recours en annulation. Cela se manifeste à
l`article 48 qui stipule que « la cour de justice assume le respect du
droit dans l'interprétation et dans l'application du présent
traité et des conventions subséquentes »229.
En ce qui concerne le parlement communautaire, il s`agit d`une
représentation selon les textes de la CEMAC, de la population de la
communauté. Le contrôle ne peut être effectué que sur
l`action de l`exécutif communautaire. Toutefois le contrôle est
purement relativisé du fait des sanctions presqu`inexistantes,
inhérentes aux questions orales et écrites, également aux
résultats des commissions d`enquête qui permet de contrôler
l`action et les actes de l`exécutif communautaire230.
227 Article 34 du traité révisé CEMAC de
2008 et en 2009.
228 Ibid.
229 Article 48 du traité révisé CEMAC de
2008 et en 2009..
230 Voir l`article 5 du traité révisé
CEMAC « le parlement contrôle l'action de l'exécutif par
voie de questions orales ou écrites, par l'audition en commission et par
la constitution des commissions d'enquêtes sur des objets
déterminés »
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 68
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Concernant le parlement communautaire ces pouvoirs de
contrôle de la primauté des actes primaires se limitent au
contrôle sans sanctions de la conformité des actions de
l`exécutif au droit primaire. Quid du contrôle national
de la primauté du droit primaire ?
2) Le contrôle national de la validité
des normes nationales aux « actes constitutionnels ».
Le contrôle du respect du droit primaire communautaire
par les juridictions nationales a connu beaucoup de retards suite aux
réticences, relatives à la portée du principe de
primauté du droit communautaire qui se heurtent à celle de la
constitution au niveau national. En France par exemple on a constaté, un
long cheminement de la jurisprudence constitutionnelle européenne vers
une reconnaissance tout au moins difficile de la primauté du droit
communautaire par le droit national et concomitamment par les juridictions
nationales. Les incidents de l`inscription du principe de primauté du
droit communautaire nous ont montré une évolution d`une
« primauté imposée à une primauté
consentie »231. Ce passage tout de même difficile
pour l`organe chargé de veiller à la constitution et à son
respect, a marqué un réel changement dans les rapports ambigus
qui existaient entre le droit primaire et les constitutions des Etats membres.
Ainsi, en réaction à l`affirmation prétorienne de la
primauté par la cour de justice dans le célèbre
arrêt COSTA232, s`est organisée une «
résistance » des cours nationales au moment de donner pleine
portée à ce principe dans l`ordre interne233.on
constate un décalage entre les prétentions de
l`interprétation communautaire de la primauté et les restrictions
de l`interprétation internes de la primauté234. Les
lois communautaire n`ayant point les moyens d`assurer elles mêmes leur
suprématie « auto proclamée », la cour de
justice s`en remet aux juridictions internes en les habilitant à
procéder à une hiérarchisation235. Le
constituant se trouva dans l`obligation de constitutionnaliser le droit
communautaire, tout au moins, cette obligation d`inscrire la primauté du
droit communautaire dans les constitutions nationales nous fait penser à
une communautarisation des constitutions nationales ou plutôt des droits
constitutionnels. En
231 DUBOUT (E), « De la primauté «
imposée » à la primauté « consentie »,
AFDC, contribution au congrès de Montpellier, atelier 3 : Europe et
constitution, 2005, p 4.
232 CJCE, Juillet 1964, F. COSTA c/ ENEL, Aff. 6/64,
Rec., P 1141, spec. p 1159 et s.
233 Voir notamment BURGORGNE-LARSER (L), « Les
résistances des Etats de droit » in J RIDEAU (dir.) de la
communauté de droit à l'union de droit, paris, LGDJ, 2000,
spec. p 448 et s. cité par DUBOUT « de la primauté
« imposée » à la primauté « consentie
», op cit, p 2.
234 Ibid. p 3.
235 Voir à cet effet l`arrêt de la CJCE, 9 mars
1978, administration des finances de l`Etat c/ SA Simmental, Aff.106/77. Rec.,
p 629 spec. Point 21 : « tout juge national saisi dans le cadre de sa
compétence, à l'obligation d'appliquer intégralement le
droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci
confère aux particulier [...] » cité par DUBOUT (E),
« De la primauté « imposée » à la
primauté « consentie », op cit, p 5.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 69
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
effet, en introduisant le droit communautaire dans la
constitution nationale, le constituant reconnaît la primauté
communautaire au sein du droit national, mais en plus il met les textes
primaires au même rang que les constitutions nationales. Par
conséquent, le droit primaire, fait partie de la constitution nationale.
Premièrement les normes originaires et dérivées de l`union
acquièrent une valeur égale aux normes constitutionnelles
nationales236. Deuxièmement et selon Edouard DUBOUT la
« suprématie de la constitution nationale » est
préservée et le conseil constitutionnel maintient ce que d`aucun
ont appelé le « règne de la constitution
»237, avec pour conséquence de sauvegarder la
valeur du droit communautaire inférieure aux normes fondamentales. Bien
plus encore, en constitutionnalisant le principe de primauté du droit
communautaire, le juge constitutionnel pourrait devenir dans le même
temps, le garant de celui-ci. Il lui incombera dès lors, de
contrôler la validité des lois selon les normes communautaires.
Dans ce cas, le contrôle de la validité des lois aux «
actes constitutionnels » communautaire est reconnu au juge de
droit commun et au juge constitutionnel lui se bornant qu`à
contrôler la constitutionnalité des « actes constitutionnels
» communautaires à la constitution nationale. Le traité
révisé CEMAC aura une valeur plus égale à la
constitution qu`a une convention. Ce qui ne semble pas être possible pour
les juges constitutionnels. Premièrement, le constituant
constitutionnalise le principe de primauté du droit primaire et
dérivé de la communauté, mais pas directement la valeur
des normes issues de ce droit, c'est-à-dire, «l'obligation
négative de ne pas violer le principe de primauté
constitutionnellement protégé et essentiellement plus directement
justiciable, que celle positive de garantir aux traités une «
autorité supérieure à celle des lois
»238. La seconde nuance est relative à la valeur du
droit primaire et dérivé matériel, qui a été
formellement reconnue par la constitution. Il sera plus judicieux que le droit
primaire et dérivé soit reconnu constitutionnellement comme supra
législatif et infra constitutionnel
De ce qui précède, un constat découle de
ce développement c`est davantage l`importance du droit primaire et du
droit dérivé. Alors qu`en est-il des pouvoirs législatifs
et exécutifs de l`Etat membre ?
236 « Tirant leur force en droit interne d'une
disposition constitutionnelle posant le principe de primauté de l'ordre
juridique de l'union européenne, les dispositions de celui-ci
revêtent elle même une valeur constitutionnelle. En cas de conflit,
il faudra alors opérer une conciliation in concreto au regard des
circonstances de chaque espèce sans qu'il n'y ait de hiérarchie
prédéterminée in abstracto entre normes de l'union
européenne et normes constitutionnelles internes » voir DUBOUT
(E), « de la primauté « imposée » à la
primauté « consentie », op cit, p 14.
237 Ibid. p14.
238 Ibid. p 17.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 70
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
SECTION II : LES POUVOIRS CONSTITUES DE L'ETAT
MEMBRE.
La manifestation du pouvoir législatif, se ressent dans
les actes dérivés de la communauté. Ces actes à qui
on peut reconnaitre un caractère législatif (paragraphe
I), « revêtent un caractère obligatoire et
normatif, c'est-à-dire général et abstrait
»239. Et c`est justement en ce moment que se manifeste le
pouvoir exécutif de l`Etat membre (paragraphe II), car
il est appelé à mettre tous les moyens étatiques en oeuvre
pour exécuter les actes communautaires.
PARAGRAPHE I : Le pouvoir législatif de l'Etat
membre de la CEMAC.
La CEMAC ne connait pas d`acte juridique ayant la force ou le
rayonnement symbolique de la loi. C`est-à-dire que, la mise en
perspective de la notion de législateur et d`acte législatif est
introuvable dans le traité révisé CEMAC et dans les actes
additionnels au traité. Les actes communautaires de nature
législative (B), qui mettent en oeuvre les
traités de base n`échappent pas à la logique
intergouvernementale (A). En cela, les Etats membres sont des
«Etats législateurs»240.
A/ Les organes et les éléments
manifestant la nature législative des actes communautaires.
Les organes et institutions de la CEMAC(1)
ont la faculté de prendre des actes collectifs et unilatéraux
dont la substance et la nature sont comparables aux actes législatifs
étatiques(2).
1) Les organes « législateurs » de la
CEMAC.
Il faut dire que la logique intergouvernementale n`est pas
écartée des procédures de la production des «
actes législatifs » communautaires. La volonté de
l`Etat membre participe à la formation de la volonté propre de la
communauté. En ce qu`elle « est un élément
constitutif du code génétique » des actes
communautaires241. La conférence des chefs d`Etats, le
conseil des ministres de l`UEAC, et le comité ministériel de
l`UMAC, sont des cadres institutionnels aménagés à
l`expression de la puissance législative des Etats. Les Etats membres
sont à cet effet les co-auteurs des actes législatifs
communautaires. Cela est d`autant plus clair que la règle de
l`unanimité est prédominante et offre précisément
la faculté négative
239 NABLI (B), « l'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 17.
240 Ibid.
241 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 71
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
à l`Etat membre c`est-à-dire un droit de veto.
«Dans la logique des conférences diplomatiques, la règle
de l'unanimité permet à l'Etat membre de bloquer l'adoption de
l'acte et la fonction gouvernementale est obligatoirement prise en
considération »242. Et ce mode de votation qui
protège également la souveraineté de l`Etat est
généralement utilisé par la conférence des chefs
d`Etats. En ce qui concerne le conseil des ministres et le comité
ministériel, ils dégagent trois modes de votation à savoir
: la majorité simple243, la majorité
qualifiée244, et l`unanimité245. En effet
la notion de pouvoir législatif doit se conjuguer sur mode participatif.
C`est l`action collective des organes dynamiques qui met en relief le
législateur communautaire. C`est le propre de la méthode
communautaire d`élaboration des actes communautaires législatifs.
La procédure législative communautaire met en exergue une
multitude d`actes selon le domaine réservé à l`acte
communautaire législatif en question. Comme illustration de l`initiative
de l`acte communautaire législatif, on peut citer : la conférence
des chefs d`Etats, le président de la commission, le président du
conseil des ministres, les directeurs des institutions communautaires.
L`initiative des actes communautaires est aussi étendue que possible, le
mode de votation et d`adoption des actes communautaires législatifs est
restreint au consensus et à l`unanimité. Alors quels sont les
éléments qui permettent de relever le caractère
législatif des actes communautaires ?
2) Les éléments caractérisant
la nature législative des actes communautaires.
Il faut dire que le critérium de détermination
de la nature législative des actes communautaires est plus une tentative
vaine de comparer la loi aux actes dérivés de la CEMAC. Pourtant,
rien que le critère formel relatif à la formation de la loi,
disqualifie automatiquement les actes dérivés du champ des actes
législatifs. Cependant, lorsqu`on étudie de plus près les
critères matériels des actes dérivés, on constate
qu`ils sont à peu près assimilables aux lois, parce qu`ils
détiennent le caractère général et impersonnel
crucial dans la détermination de l`acte législatif246.
Dans la caractérisation de la nature législative des actes
communautaires, les actes dérivés sont d`abord des actes
normatifs par excellence. En effet, il s`agit des actes dont la portée
générale est expressément reconnue par le traité
instituant la
242Ibid.
243 L`article 68 prévoit les modes de votation au sein
de la convention. La première évoquée par cette
disposition est la majorité simple, c`est-à-dire « ses
délibérations sont acquises à la majorité des
membres qui le composent dans le respect de l'article 67 » convention
régissant l`UEAC.
244 La majorité qualifiée désigne «
les délibérations acquises à la majorité des
5/6eme de ses membres dans le respect des dispositions de l'article 67...
». Voir l`article 68 de la convention régissant l`UEAC.
245 L`unanimité prévoit que « les
abstentions des membres du conseil présents ne sont pas prises en compte
». Voir l`article 68 de la convention régissant l`UEAC.
246 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 18.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 72
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CEMAC247. Comparativement, la cour
européenne de justice les a qualifiés d`actes « quasi
législatifs » et ayant un effet erga
omnes248. Le traité révisé de la CEMAC
leur attribue un caractère obligatoire pour les destinataires qu`ils
désignent. Et créant des droits et des obligations à
l`égard de leurs destinataires. Suivant la conception largement
répandue dans les systèmes romano-germaniques, un acte
dépourvu de caractère général ne pourrait
être qualifié d`acte normatif. Autant dire que le caractère
contraignant et général renvoie par définition, au
caractère de l`acte législatif ou de l`acte réglementaire.
La norme communautaire est par essence et fonction, générale et
abstraite. Par ailleurs, son caractère abstrait ainsi que sa
généralité, renvoie l`observateur à cette image
bien connue de l`acte législatif. Seuls les actes conjoints, en
particulier les règlements, et les règlements cadres, peuvent
être présentés actuellement comme des normes
législatives communautaires. A cet effet, grâce aux actes
dérivés et à leur nature législative, la
communauté exerce sur le droit des Etats membres une double action :
elle contraint et unifie249. Car en droit communautaire, les actes
ne se conçoivent pas comme les attributs de pouvoirs étanches,
qui s`équilibrent. Ce sont les instruments d`un projet
d`intégration juridique, au service d`une union économique et
monétaire. Par conséquent, la responsabilité comme la loi
de poser toutes les règles générales et
particulières nécessaires à la mise en oeuvre du
traité, dont le caractère « constitutionnel »,
a été établi par la cour de justice
européenne250. La nature législative des actes
dérivés de la communauté ne fait plus aucun doute. La
présentation de ses actes législatifs communautaires est donc
impérative.
B/ Les actes juridiques communautaires manifestant le
caractère législative.
Les actes dérivés constituent la grande
catégorie normative du droit communautaire. Ils recouvrent une
série d`actes fondés sur le traité, c'est-à-dire,
adoptés par les organes et les institutions communautaires en
application des dispositions du traité. Ils sont la conséquence
du transfert de compétences, ce qui témoigne de l`existence d`un
véritable « pouvoir législatif »,
complété par un pouvoir d`exécution. La nomenclature des
actes de droit dérivés et leurs effets respectifs est aujourd`hui
décrite par l`article 40 du traité
247 Article 41 du traité révisé de la
CEMAC « Les règlements et les règlements cadres ont une
portée générale. Les règlements sont obligatoires
dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout
Etat membre. Les règlements cadres ne sont directement applicables que
pour certains de leurs éléments ».
248 CJCE, 20 mars 1959, Nolde c/ Haute autorité
CECA, 18/57, Rec., p 89, spec. p 113. Cité par PICOD (F),
« La normativité du droit communautaire », cahiers du
conseil constitutionnel, N° 21, dossier : la normativité, janvier
2007, p 2.
249 AZOULAI (L), « La loi et le règlement vus
du droit communautaire », cahiers du droit constitutionnel,
N°19, Dossier : loi et règlement, janvier 2006, p 2.
250 CJCE, 23 Avril 1986, les verts c/ parlement, op
cit.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 73
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
révisé CEMAC, qui dispose que, « pour
l'application du présent traité [...] le conseil des ministres et
le comité ministériel adoptent des règlements et des
règlements cadres, des directives(...) ». Autrement dit, le
pouvoir de décision énoncé dans cet article s`exprime
à travers trois formes d`actes juridiques : le
règlement(1), le règlement cadre et la
directive(2).
1) La manifestation législative du
règlement CEMAC.
Le règlement est « la principale source
dérivée »251 du droit communautaire, parce
que à travers lui s`exprime véritablement le pouvoir
législatif des communautés252. Le règlement a
surtout prévalu pendant les premières décennies de la
construction communautaire européenne253. La raison en est
simple, le règlement est l`acte normatif par excellence. Il permet
d`intensifier le processus d`intégration normative au niveau des Etats.
Il laisse très peu de marge de manoeuvre aux Etats. L`article 41 du
traité révisé de la CEMAC lui confère des effets
juridiques comparables à ceux de la loi, dans l`ordre juridique interne.
C`est pour cela que la cour de justice européenne évoquera la
« fonction législative du règlement
»254. Il faut dire que le règlement est devenu,
dans l`histoire des constructions communautaires, un instrument pertinent
d`uniformisation des législations nationales et du pouvoir
législatif communautaire. Il permet de mettre en oeuvre la politique
communautaire immédiatement et intégralement, au gré des
longues discussions au sein du conseil des ministres ou du comité
ministériel, parce que les Etats membres savent pertinemment que si le
règlement passe, ils n`ont plus de marge de manoeuvre par la suite. Dans
la pratique communautaire CEMAC, l`on distingue les règlements de base,
ceux pris directement sur la base des traités, et des règlements
d`exécution qui constituent des mesures d`application des
règlements de base. Certes il est vrai que cette distinction introduit
une hiérarchie entre les règlements. Toutefois, il ressort
clairement de l`article 41 du traité révisé CEMAC que, le
règlement a une portée générale ; le
règlement est obligatoire dans tous ses éléments. Il
s`applique dans tous les Etats membres, aux personnes et situations qu`il
définit. Il lie également les institutions de la CEMAC. Et toutes
les dispositions du règlement qui
251 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 203.
252 Ibid.
253 Il faut remarquer que pendant les premières
décennies de la construction communautaire européenne, ou il
fallait intensifier l`intégration européenne, le règlement
sera largement utilisé par ce qu`il est performant dans ses
applications. Tandis qu`a partir de 1980/ 1990, on a constaté un regain
d`intérêt en ce qui concerne la directive parce que des critiques
avaient émaillées la pratique des institutions communautaires en
faisant valoir que les instances communautaires se concentraient trop sur le
règlement et laissaient peu de marge de manoeuvre aux Etats membres.
254 Voir CJCE, 21 Janvier 1999, France c/ Comafrica.
Cité par ISAAC (G), et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européen, op cit, p 203.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 74
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
peuvent être défaillantes, doivent être
respectées et mises en oeuvre par les personnes qu`elles concernent,
personnes publiques ou privées. Par le règlement,
l`autorité communautaire dispose du pouvoir normatif complet. Elle
prévoit non seulement le résultat à atteindre, et de
manière précise, mais également les modalités
d`application et d`exécution de l`acte jugé opportun pour
l`autorité communautaire, qui seront intégrées par
l`autorité nationale. Le règlement est doté de
l`applicabilité directe reconnue d`emblée par les
traités255. Le règlement est auto-exécutoire,
il s`exécute par son existence même. C`est en cela que le
règlement est une méthode d`intégration extrêmement
puissante. Reconnaître l`applicabilité directe d`un
règlement signifie que, non seulement l`acte, dès sa publication
dans le bulletin officiel de la communauté, produit ses effets
immédiatement et intégralement sur le territoire national des
Etats membres mais aussi et surtout il ne doit faire l`objet d`aucune mesure de
transposition.
2) La quasi manifestation législative du
règlement cadre et de la directive.
Le règlement cadre représente dans le
traité révisé une originalité certaine, qui pousse
à la curiosité, parce qu`on ne retrouve pas dans l`organisation
supranationale qui nous a inspiré à savoir l`UE, la trace d`un
acte juridique intermédiaire entre le règlement et la directive.
La particularité est qu`il n`est point le règlement, parce qu`ils
sont différents sur le domaine de l`immédiateté des
éléments qui les constituent. En d`autre termes, le
règlement est applicable sur tous ces éléments, alors que
le règlement cadre n`est applicable que sur certains de ses
éléments. Il se distingue de la directive sur deux plans à
savoir en premier lieu la portée générale, à la
différence de la directive qui ne « lie » que les
« Etats membres destinataires »256. En second
lieu, un impératif est reconnu par le traité révisé
CEMAC à ce que la directive soit transposée, alors qu`en ce qui
concerne le règlement cadre, il est nullement imposé à
celui-ci une transposition particulière. Le règlement cadre est
certes une innovation dans le cadre communautaire, il se pose comme une
synthèse du règlement et de la directive. Au premier contact sa
dénomination évoque la loi cadre en droit constitutionnel, une
loi complétée par des décrets d`application. En cela elle
renverrait à une directive. Pourtant à la lecture de l`article
41, on se rend compte que le règlement cadre est différent de la
directive de par sa portée générale. Et il n`est
applicable et obligatoire que pour certains de ses éléments. Le
constat est le suivant, le règlement cadre est un instrument de respect
de l`autorité des Etats et de l`intégrité de leur ordre
juridique. Il permet sans aucun doute une intégration
différenciée parce que les éléments facultatifs
seront laissés à
255 Voir l`article 44 du traité révisé CEMAC
2009.
256 Voir l`article 41 du traité révisé CEMAC
2009.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 75
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
l`appréciation des Etats membres.
L`intérêt d`une réussite à tout prix du processus
intégratif CEMAC est sans doute à l`origine du règlement
cadre.
La directive quant à elle, constitue l`instrument le
plus original de l`ordre juridique communautaire. Elle est fondée sur
l`idée d`un partage des tâches et d`une collaboration entre deux
entités : l`autorité communautaire et les autorités
nationales. Aux niveaux communautaire, et national, il est mis en oeuvre une
méthode de législation à deux étapes progressives
et intimement liées. Au niveau communautaire il est «
légiféré » la directive. Et au niveau national, il
appartient aux Etats membres de traduire cette ligne politique et ce
modèle législatif dans leur ordonnancement interne au travers de
leurs catégories normatives propres. Il s`agit précisément
et subtilement d`un instrument de rapprochement normatif de l`ordre juridique
communautaire et national. Car il permet de dégager des solutions aux
difficultés que rencontre l`intégration des Etats membres du fait
de la résistance souveraine. Comme le disent Guy ISAAC et Marc
BLANQUET, « son inscription à la nomenclature correspond sans
doute à la volonté des rédacteurs des traités
d'offrir aux institutions, à coté du règlement, un
instrument d'uniformisation juridique, une formule fondée sur un partage
des taches et une collaboration entre le niveau communautaire et le niveau
national, donc plus souple et plus respectueuse des particularités
nationales spécialement adaptées à la fonction du
rapprochement des législations nationales »257. La
logique de la directive semble consister en une réalisation optimale des
objectifs visés, plutôt qu`en un quelconque équilibre entre
ces objectifs et l`intérêt propre de chaque Etat258.
Aux termes de l`article 41 du traité révisé de la CEMAC,
« Les directives lient tout Etat membre destinataire, quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales
leurs compétences en ce qui concerne la forme et les moyens ».
La directive ne lie ses destinataires qu`au regard de l`objectif à
mettre en oeuvre. En revanche, les moyens d`action, le choix de l`acte et sa
forme, sont laissés à la discrétion des autorités
nationales. La directive n`a pas de portée générale, elle
ne concerne que ses destinataires qui sont, la plupart du temps, les Etats
membres. La directive ne produit pas tous ses effets dans l`ordre juridique
interne dès son entrée en vigueur. Elle implique donc une prise
en charge au niveau national. Elle nécessite pour produire son plein
effet, d`être transposée dans l`ordre juridique interne. Les Etats
membres disposent d`une entière liberté dans le choix de l`acte
de transposition de la directive. Il pourra s`agir d`une loi, d`un
décret, d`un arrêté. En revanche, le droit communautaire
s`oppose à une transposition par voie de
257 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 205.
258 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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circulaire, car elle ne dispose pas d`effet contraignant et
n`offre pas les garanties de publicité propres à la loi, au
décret ou à l`arrêté. La transposition est
essentielle pour l`efficacité d`une directive. Le défaut de
transposition, ou bien encore une transposition insuffisante ou
incomplète expose l`Etat membre défaillant à une action en
justice de la part de la commission européenne qui peut directement
saisir la cour de justice, après une mise en demeure de
l`autorité nationale. C`est une action en manquement259. Elle
permet de faire constater la violation du droit de l`union par l`Etat membre.
Peut-on parler d`un pouvoir exécutif de l`Etat membre de la CEMAC ?
PARAGRAPHE II : Le pouvoir « exécutif » de
l'Etat membre de la CEMAC.
En s`inspirant du droit interne, le pouvoir exécutif
est l`attribution que détiennent les autorités les plus hautes
d`un Etat dont la fonction spécifique consiste
généralement «de créer des normes individuelles
(particulières) en se fondant sur les normes générales
créées par la législation et la coutume, et d'appliquer
les sanctions prévues par les normes générales et
individuelles »260. En comparaison avec la
communauté, on remarque premièrement que, le pouvoir d`assurer
l`exécution des normes de droit communautaire est partagé entre
la commission de la CEMAC et l`Etat membre de la CEMAC. Et deuxièmement,
la manifestation du pouvoir exécutif de l`Etat membre varie selon les
normes à exécuter. On distingue aussi une manifestation
particulière du pouvoir exécutif quand il s`agit des actes
primaires et additionnels (A) ou actes dérivés
(règlements cadres et des directives) (B).
A/ La réduction significative du pouvoir «
exécutif » de l'Etat membre face aux actes primaires, additionnels,
et des règlements communautaires.
Les actes primaires et additionnels représentent
généralement la manifestation de l`autorité des normes
communautaires parce qu`ils mettent en exergue véritablement les trois
principes fondamentaux de la norme communautaire que sont : la primauté,
l`applicabilité immédiat, et l`effet direct. Par
conséquent, le pouvoir exécutif qui a la faculté
d`édicter des normes pour faire appliquer des règles
générales, et les sanctions (veiller au respect et à
l`application de ses normes), se voit soustraire une prérogative celle
d`édicter des normes individuelles ou particulières. L`Etat
membre face à cette situation se transforme en un «
Etat
259 Voir l`article 4 du traité révisé de la
CEMAC.
260 KELSEN (H), Théorie générale du
droit et de l'Etat, suivi de la doctrine du positivisme juridique, bruyant
LGDJ, 1997, p 307.
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exécutant »(1), dont la
fonction exécutive se trouve limitée et partagée par la
commission de la CEMAC(2).
1) Une réduction causée par
prééminence du statut d'exécutant de l'Etat membre de la
CEMAC : les bases juridiques de la qualité d' « exécutant
»
L`Etat membre se caractérise par la manifestation de sa
volonté dans la formation des normes de droit communautaire. Ces normes
sont d`application quelque fois immédiate, en ce qui concerne les normes
primaires de droit communautaire, et d`autres normes qui nécessitent
l`action des Etats pour acquérir leur force juridique. Comme
affirmé plus haut, le droit primaire est la véritable
représentation de la force et de la spécificité de la
norme communautaire, car l`on retrouve une manifestation véritable des
principes fondamentaux du droit communautaire à savoir la
primauté, l`application immédiate et l`effet direct. C`est la
raison pour laquelle, lorsqu`elle se trouve en contact avec l`ordre juridique
interne ou communautaire, la norme communautaire réduit le pouvoir
exécutif de l`Etat membre au rôle d`exécutant. Non pas que
l`Etat membre est cantonné à exécuter la norme de droit
communautaire, mais bien plus, le pouvoir exécutif est inexistant parce
que inutile dans la mise en application de la norme communautaire. Cependant la
posture d`exécutant se manifeste et est prééminente
lorsque l`Etat membre est au contact avec le droit primaire.
L`article 4 du traité révisé de la CEMAC,
constitue la base juridique communautaire à cette qualité d`
«exécutant ». Cette obligation, au delà de
signifier l`obligation de coopération loyale ou de loyauté
communautaire, pose une obligation négative dans la mesure où,
« les Etats membres [...], s'abstiennent de prendre toute mesure
susceptible de faire obstacle à l'application du présent
traité et des actes pris pour son application »261.
Et également, une obligation positive dans le sens où, «
les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des
objectifs de la communauté en adoptant toutes mesures
générales ou particulières propres à assumer
l'exécution des obligations découlant du présent
traité »262. Il faut signifier à la lecture
du présent article du traité révisé de la CEMAC,
que l`impératif de l`intégration relègue les Etats, dans
l`application du droit primaire, à une posture d` «
exécutant ». Par conséquent, il est interdit,
« une application du droit communautaire ni coordonnée à la
volonté discrétionnaire des Etats »263.
Ainsi comme l`affirme NABLI, l`obligation d`exécution du droit
communautaire transforme les Etats
261 Voir article 4 du traité révisé
CEMAC.
262 Ibid.
263 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 21
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MENGUE Arsène Silvère 78
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membres du droit communautaire en sujets264, en
« bras séculiers »265 de la
communauté. Pour cette raison des auteurs comme lui évoquent dans
le rapport de l`Etat membre au droit primaire, de compétences
liées car « de jure la compétence laissée aux
Etats membres pour compléter ou exécuter les actes
communautaires, s'analyse en réalité comme une compétence
liée »266.
L`action d`exécution revêt plusieurs formes. On
distingue à la suite de NABLI, l`exécution normative ;
administrative ; juridictionnelle et coercitive267.
L`exécution normative se caractérise par la
prise des mesures nationales, selon les hypothèses visant à
compléter la norme communautaire, à l`instar des directives
communautaires. Grosso modo, « la portée et
l'intensité de l'exécution varient selon l'effet direct de l'acte
communautaire »268.
L`exécution administrative met en exergue
l`administration oeuvrant pour la mise en oeuvre et à l`application du
droit communautaire aux particuliers. Toutes les administrations sont mises
à contribution pour faire de l`application quotidienne du droit
communautaire une exigence. Toutefois, cette prééminence de la
qualité d`Etat exécutant ne fait point disparaître la
fonction exécutive de l`Etat membre de la CEMAC.
2) La réduction de la fonction exécutive
de l'Etat membre de la CEMAC à une fonction de contrôle et de
sanction.
La mise en oeuvre effective du droit communautaire fait
l`objet de contrôle et de sanction lors de son non respect. La fonction
exécutive en droit communautaire est une fonction partagée. Au
niveau communautaire, c`est à la commission qu`est reconnu le rôle
de veiller au respect de la norme communautaire par les Etat membres.
Toutefois, la commission ne dispose pas de prérogatives de sanction en
cas de violation. C`est à ce niveau que l`Etat membre acquiert une
posture importante dans la fonction exécutive. La carence de la
prérogative de sanction de la commission, place les autorités
nationales dans la posture
264 Ibid.
265 KOVAR (R), « L`effectivité interne du droit
communautaire », in la communauté et ses Etats membres, rapport
du colloque de l'institut d'études juridiques européen,
Nijhoff, la Haye, 1973, p 205. Cité par NABLI (B), « L'Etat
membre : l' « hydre » du droit constitutionnel européen
», op cit, p 21.
266 Voir FINES (F), « L'application uniforme du droit
communautaire dans la jurisprudence de la cour de justices des
communautés européennes », in études en
l`honneur de Jean Claude GAUTRON, paris, pedone, 2004, pp 333-348.
267 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen », op cit, p 22.
268 Ibid.
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d`exercer le pouvoir exécutif, qui revient au
contrôle et à la sanction, de nature administrative et
pénale, en cas de violation du droit communautaire.
Avant d`évoquer les prérogatives liées au
pouvoir exécutif reconnu à l`Etat membre de la CEMAC, il importe
de mettre en exergue le fondement de la fonction exécutive de l`Etat
membre. A ce sujet, deux hypothèses nous viennent à l`esprit :
premièrement, soit la fonction exécutive est expressément
reconnue à l`Etat membre de la CEMAC, soit l`Etat membre tire cette
légitimité de l`obligation générale à lui
imposée, de donner plein effet aux dispositions du droit communautaires.
Pour ce faire, il est contraint de veiller au contrôle, au respect de la
règle de droit communautaire, et éventuellement à la
sanction de quiconque la violera.
Il faut dire que, lorsque l`article 4 du traité
révisé de la CEMAC pose une obligation positive à l`Etat
membre, il s`agit implicitement de lui confier la tâche du contrôle
et de la sanction de la violation du droit communautaire. A cet effet, du
même article est assortie d`une sanction aux Etats membres « en
cas de manquement [...] aux obligations qui lui incombent, en vertu du droit
communautaire... ». Cet article pose, l`obligation du résultat
sous peine d`engager la responsabilité de l`Etat membre, pour manquement
aux obligations communautaires. En somme cet article confie aussi
implicitement, à l`Etat membre des prérogatives de contrôle
et de sanction, pour « assurer l'exécution des obligations
découlant du présent traité »269.
En ce qui concerne la fonction exécutive de l`Etat
membre, elle s`étend au contrôle et à la sanction. Le
contrôle est consécutif au stade d`application du droit
communautaire reconnu à la commission de la CEMAC, ayant une
représentation dans chaque Etat membre. Son rôle se limite
à contrôler le respect par les Etats membres des obligations qui
leur incombent. Cette tâche est partagée au niveau communautaire
avec les Etats membres. Tout Etat membre de la CEMAC peut, dans la cadre de la
violation des obligations du droit communautaire, saisir la commission pour
rétablir la légalité communautaire.
Au niveau national, la tâche est de veiller à
l`application des obligations. Cette tâche est conforme aux aspirations
des constitutions nationales. Le contrôle de l`obligation du droit
communautaire bénéficie de la même voie que celle du droit
national, car les normes de droit communautaire et l`ordre juridique interne
des Etats membres sont harmonisés, lorsque
269 Voir l`article 4 du traité révisé
CEMAC.
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le droit communautaire entre en vigueur. Seulement, la
primauté du droit communautaire sur le droit national impose le
contrôle du droit communautaire sur le droit national, si ils partagent
tous les deux un même domaine de législation.
Le pouvoir de sanction peut être administratif ou
pénal. Les sanctions administratives correspondent, comme le dit BELIGH
NABLI « un type de décisions unilatérales et sont l'une
des manifestations les plus typiques de l'acte de puissance publique
»270, et en exprime exactement « le jus prendi
qui appartient à l'Etat »271. En plus le rôle
primordial de l`administration se définit au niveau de l` «
exécution matérielle qu'au niveau de contrôle des mesures
prises »272.
Dans l`Etat, le pouvoir de sanction pénale est
congénitalement sa prérogative et son monopole, de par son
territoire et son monopole de la violence légitime. C`est un des
attributs de la souveraineté de l`Etat. Ainsi de la jurisprudence de la
cour de justice de l`UE, les sanctions pénales demeurent des
prérogatives, relevant de la compétence des Etats
membres273. Tout de même, le pouvoir exécutif de l`Etat
membre, certes limité en ses actes primaires, se trouve mis en exergue,
face aux directives communautaires.
B/ La restitution du pouvoir exécutif de l'Etat
membre face aux directives communautaires.
Le pouvoir exécutif renvoie à la prise de
mesures individuelles et particulières pour l`exécutant des
règles de portée générale, et éventuellement
la sanction de leur non respect et leur violation. La directive manifeste
totalement le pouvoir exécutif de l`Etat membre de la CEMAC, du fait de
l`obligation de transposition dans l`ordre juridique
national(1). Cette transposition permet de mettre en relief
une abondante législation nationale d`intégration
communautaire(2).
270 MODERNE (F), « La sanction administrative
(éléments d'analyses comparative) », RFDA,
mai-juin 2002, pp 483-495. Cité par NABLI (B), « L'Etat membre
: l' « hydre » du droit constitutionnel européen »,
op cit, p 24.
271 DENIZEAU (C), L'idée de puissance publique
à l'épreuve de l'union européenne, paris,
LGDJ, 2004, 684p
spec. 368. cité par NABLI (B), « L'Etat membre
: l` « hydre » du droit constitutionnel européen »,
op cit, p 24.
272 Ibid.
273 CJCE, 16 janvier 1974,
Rheinmühlen-Düsseldorf, Aff. 166-73, Rec., p 33.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 81
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1) Une restitution inhérente à
l'obligation de transposition de la directive : une compétence
liée.
Pour NABLI, « la compétence laissée aux
Etats membres pour compléter ou exécuter les actes
communautaires, s'analyse en réalité comme une compétence
liée »274. Le pouvoir de faire exécuter les
normes communautaires reconnues aux Etats membres s`analyse alors comme une
obligation, car elle peut engager la responsabilité de l`Etat membre. La
directive ne produit pas tous ces effets de droit dans l`ordre juridique
national. Pour cela elle doit d`être transposée dans l`ordre
juridique national.
Cette transposition est « l'opération par
laquelle un Etat membre destinataire d'une directive procède à
l'adoption des mesures nécessaire à sa mise en oeuvre
»275. Le choix du moyen reste libre pour l`Etat, le plus
important étant l`objectif à atteindre. Car c`est la seule et
unique obligation qui pèse sur les Etats membres.
Cette obligation paraît essentielle, car elle pose la
solution de l`efficacité de la directive. Par conséquent, tout
défaut de transposition, ou alors une transposition
légère, insuffisante, ou incomplète expose l`Etat membre
défaillant à une action en justice de la part de la commission
qui peut directement saisir la cour de justice. Ainsi, dans le droit interne,
la transposition d`une directive doit être impérativement
complète. Dans le droit communautaire de l`Union Européenne,
l`impératif d`atteindre les objectifs va plus loin parce que les Etats
membres sont obligés de notifier à la commission, la
conformité de leur droit à la directive. Cela peut créer
une inégalité entre les ressortissants des Etats membres.
L`objectif de la directive doit être la création des droits au
profit du particulier ; le ou les droits conférés doivent avoir
un contenu identifiable au regard des critères dégagés par
la directive elle-même.
La transposition reste donc une manière communautaire
de mettre véritablement en oeuvre, une norme de doit communautaire de
portée générale, et de veiller, sous la contrainte de la
communauté à son effectivité et son efficacité par
les sanctions contre tout cas de sa violation. Dans un but d`uniformisation de
l`intégration dans les différents Etats membres de la CEMAC, la
transposition devient synonyme de création d`un droit national
d`intégration, dans l`optique de rendre le droit communautaire un
élément homogène de l`ordre juridique interne.
274 NABLI (B), « L'Etat membre : l' « hydre »
du droit constitutionnel européen » op cit, p 29.
275 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit, p 207.
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MENGUE Arsène Silvère 82
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2) Une restitution entrainant développement
d'un droit national d'intégration communautaire.
Paraphrasant DUBOUT et NABLI, le droit national de
l`intégration est un ensemble de règles, de principes, de
techniques, de notions et de structures, destiné à traiter
spécifiquement de la question de la participation nationale à la
communauté d`intégration276. Il s`agit d`un «
droit relationnel, dont l'objet est d'organiser et de réguler les
rapports entre les organes et normes de droit interne et ceux découlant
des traités... »277. De l`esprit de l`article 41 du
traité révisé de la CEMAC, deux catégories de
normes communautaires participent activement à la construction du droit
national de l`intégration communautaire parce que accordant une marge de
manoeuvre aux Etats membres pour rendre effectives les normes prescrites. Il
s`agit des règlements cadres, de portée limitée, tout en
étant directement applicables pour certains éléments (plus
précisément les lignes directrices), accordent un champ de
construction normative aux Etats. Il en va de même des directives, qui
dans leur dynamique mettent en exergue deux phases à savoir : la phase
de conception communautaire, et celle d`application nationale qui constitue une
transposition des objectifs communautaires dans l`ordonnancement juridique des
Etats membres. Dans le même sillage, l`article 4 du traité de la
CEMAC stipule que « les Etats membres apportent leur concours à
la réalisation des objectifs de la communauté en adoptant toute
mesure générale ou particulière propre à assurer
l'exécution des obligations découlant du présent
traité ». Ceci signifie au fond, une possibilité
explicite de développement d`un droit national
d`intégration.
Dans son oeuvre de sanction des atteintes aux violations des
obligations de droit communautaire, certaines règles de procédure
civile des Etats membres sont présentées également comme
un droit national d`intégration. L`article 45 du traité
révisé de la CEMAC est clair là dessus, Il est
aménagé un cadre de contrôle de l`exécution
forcée par les juridictions nationales. A cet effet la mise en oeuvre du
contrôle de la régularité de l`exécution
forcée offre un champ de partition de la norme communautaire. Il en va
de même du juge communautaire, qui, lorsque le droit communautaire est
silencieux, peut se référer aux principes généraux
du droit commun aux Etats. Ainsi au sein même de la catégorie
générique « loi », il est désormais possible de
dénombrer plusieurs sous catégories de lois mobilisées par
le droit de l`intégration, et notamment celles portant «
diverses dispositions
276 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence d'un
droit français de l'intégration européenne »,
RDFA, 2010,
p 1021, spec. p1.
277 Ibid.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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d'adaptation au droit communautaire »,
créées dans le seul objectif d`améliorer les
conditions de transposition des directives. Les normes constitutionnelles des
Etats membres disposent des articles propres à l`intégration
régionale.
La participation des Etats à une organisation supra
nationale comme la CEMAC, certes contraignante dans les faits, leur
reconnaît un ensemble de prérogatives. Cela conduit à
s`interroger sur les implications de la qualité de membre de la CEMAC
sur l`Etat souverain.
CONCLUSION DU DEUXIEME CHAPITRE.
De ce qui précède, nous avons
démontré l`existence dans les prérogatives de l`Etat
membre de la CEMAC d`un certains nombres de pouvoirs qu`ils acquièrent
après leur adhésion à la Communauté. Nous avons
présenté le « pouvoir constituant » qui se manifeste
par les actes primaires communautaires qui ont d`ailleurs les mêmes
caractéristiques que la norme fondamentale en droit interne. Ensuite
nous avons présenté le caractère législatif de
certaine norme communautaire qui laisse présager un pouvoir
législatif au sein de la Communauté. Et enfin nous avons
démontré la conciliation de la fonction exécutive entre la
communauté et l`Etat membre de la CEMAC. La présentation de la
qualité de membre de la CEMAC nous a laissé voir la
complexité structurale de la qualité de membre d`une organisation
d`intégration tel que la CEMAC. On vient à se demander quels sont
les conséquences pour l`Etat souverain ? D`où
l`intérêt des implications de qualité de membre de la CEMAC
pour un Etat souverain.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 84
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE.
A ce stade de la recherche, un premier constat se
dégage. L`appartenance à la Communauté Economique et
Monétaire de l`Afrique centrale (CEMAC) diffère de celle d`une
quelconque organisation internationale. Le statut de membre est la
résultante d`un processus sélectif mêlant conditions de
forme et de fond. Deuxièmement l`accession à la qualité de
membre, confère un certain nombre de prérogatives à
l`Etat. Ce double constat permet de caractériser l`Etat membre de la
CEMAC. En somme toutes les manifestations du statut de membre de la CEMAC ou
les conséquences de sa qualité, justifient son importance, sa
complexité et la nécessité des membres de prendre
conscience de cela. On est alors en droit d`attendre une réflexion
approfondie des Etats sur les implications de ce statut en interne. Cependant,
pour certains Etats, il n`en est rien. Même l`objectif de mettre en
commun un domaine ne suffit pas à ses Etats de prendre conscience de la
force subordonnante du projet intégratif. Toutefois d`autres Etats, soit
dans un acte de conscience ou de mimétisme, accordent une attention
à ce processus qui bouleverse tant bien que mal les habitudes en droit
des relations internationales et dans la même occasion assumer
pleinement, outres des fonctions étatique, mais également
communautaire. De par les pouvoirs qui sont confiés aux membres, la
communauté devient un lieu de prise des grandes décisions d`une
partie de la politique nationale des Etats. Il serait temps de s`interroger sur
les implications autant formelles que matérielles de la qualité
de membre pour un Etat souverain. Autrement dit il s`agit de mettre en relief
d`une part, la communautarisation normative et d`autre part institutionnelle de
celui-ci.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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DEUXIEME PARTIE
LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE DE MEMBRE
DE LA CEMAC POUR L'ETAT.
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MENGUE Arsène Silvère 86
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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La nature contraignante de l`ordre juridique communautaire, du
fait de ses principes fondamentaux qui sont la primauté,
l`applicabilité immédiate et l`effet direct, exerce une pression
considérable sur l`Etat. L`adhésion à la qualité de
membre de la CEMAC augure une remise en question des fondements normatifs et
institutionnels des Etats membres, dans la mesure où
l`intégration « rassemble un ensemble de règles, de
principes, de techniques, de notions et de structures
destinés....»278 à créer une
intégration communautaire. C`est donc une reconnaissance d`un ordre
juridique spécifique autonome et contraignant autant que le droit
interne des Etats. Denys SIMON parlant du droit communautaire dira qu`en
dépit de son fondement conventionnel, « l'édifice
communautaire aurait développé un appareil institutionnel
infiniment plus sophistiqué que celui des organisation
intergouvernementales traditionnelles, un mécanisme de décision
faisant une place sans précédent à la règle
majoritaire et réduisant singulièrement la fonction du
consensualisme, (...) de surcroît ce droit entretiendrait avec le droit
national des Etats membres des rapports irréductibles aux relations du
droit international et du droit interne, à raison du rôle
joué par les principes de l'effet direct et de la primauté du
droit communautaire ainsi que par le mécanisme de renvoi
préjudiciel»279. Tout compte fait, la rencontre de
l`édifice communautaire avec l`Etat n`augure rien de paisible dans les
rapports de ces deux entités juridiques aux effets presque identique.
Parce que l`apparente dimension pré-fédérale ou
fédérale de la construction communautaire aboutit à
l`assimilation plus ou moins explicite, de l`ordre juridique communautaire
à un ordre juridique étatique280. Par
conséquent l`unité ou l`autonomie281 de l`ordre
juridique communautaire implique pour les Etats membres un ensemble de
transformations dues à l`implication de la qualité de membre pour
les Etats souverains. En d`autres termes, il convient de déterminer
quelles sont les exigences du droit communautaire dans ses rapports avec l`Etat
souverain, membre de la CEMAC. La tâche est d`autant plus ardue, dans la
mesure où l`édifice communautaire impose une normalisation
profonde de l`ordre juridique interne, car toute règle de droit est
l`expression d`une pensée souterraine282. L`édifice
communautaire nous impose une véritable normalisation de l`ordre
juridique
278 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence d'un
droit français de l'intégration européenne »,
op cit, p 1.
279 SIMON (D), « les fondements de l`autonomie du droit
communautaire », rapport général du colloque de
Bordeaux sur l'autonomie du droit communautaire, pp
208-249 spec. 210.
280 Ibid.
281 L`autonomie ne signifie pas que l`ordre juridique
constitue, selon le pléonasme Leibnizien de P. Reuter, une «
monade isolée » bien au contraire, quelque soit le
degré d`autonomie qu`on pourrait être appelé à
reconnaitre à
l`ordre juridique communautaire, il ne sera jamais
imperméable à son environnement international. Voir SIMON (D),
« Les fondements de l'autonomie du droit communautaire »,
op cit, p 215.
282 Voir BIPOUM WOUM (JM), « Recherches sur les
aspects actuels de la réception du droit administratif dans
les Etats d'Afrique noire d'expression française : le
cas du Cameroun », RJPIC, N°3, 1972, pp 398 et Ss.
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national pour atteindre l`objectif envisagé qui est
celui de créer une véritable communauté intégrative
dans la sous région CEMAC. Il s`agit de parler ici des
implications normatives de la qualité de membre de la CEMAC pour
un Etat souverain (chapitre3). A l`évidence le
processus d`intégration met en exergue une inflation d`institutions
communautaires symétrique à celle que l`on retrouve dans les
Etats membres de la CEMAC. L`on constate également dans le cadre des
Etats membres une mutation structurelle et institutionnelle à travers la
réorganisation ou la création des institutions, des directions et
des services destinés à s`occuper de l`intégration sous
régionale. Cette observation révèle une sorte
d'implication structuro-institutionnelle de la qualité de membre
de la CEMAC pour l'Etat souverain (chapitre 4).
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CHAPITRE 3 : LES IMPLICATIONS NORMATIVES DE LA QUALITE
DE MEMBRE DE LA CEMAC POUR UN ETAT SOUVERAIN.
Par ordre juridique, on entend un ensemble de règles de
droit, constituant un système, c`est-à-dire présentant un
certain degré d`organisation et de cohérence. Cette
caractéristique peut être plus ou moins accentuée. On
qualifie souvent les communautés intégratives et leurs ordres
juridiques de « sui generis ». Et on s`accorde
généralement à reconnaître, en effet, que cet ordre
juridique ne mérite ni la qualification d`ordre juridique international,
ni celle d`ordre juridique interne y compris d`ordre juridique
fédéral. A la différence de l`ordre international, l`ordre
juridique des communautés intégratives est doté d`une
force impérative toute particulière. De nombreuses normes
présentent une force contraignante. Elles obligent les Etats membres,
les acteurs économiques, les personnes physiques ou morales, à
les mettre en oeuvre. L`ordre juridique communautaire est un « ordre
juridique propre intégré au système juridique des Etats
membres qui s'impose à leurs juridictions »283. Le
droit communautaire crée des droits et obligations à
l'égard des États mais aussi des particuliers, ce qui lui
confère un attribut fondamental de la normativité284.
La norme contraignante communautaire bénéficie au niveau national
d`un traitement particulier. On assiste à une véritable
normalisation communautaire de l`ordre juridique interne des Etats membres
(Section 1) imposée du fait du principe de
primauté de la norme communautaire. L`obligation de communautarisation
des Etats implique, en cas de défaillance venant de celui-ci,
l`engagement de la responsabilité de l`Etat membre (Section
2).
SECTION 1 : LA NORMALISATION COMMUNAUTAIRE DE
L'ORDRE
JURIDIQUE INTERNE DE L'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC.
Ce qui se dessine lors de l`entrée de la norme
communautaire dans l`ordre juridique interne des Etats n`est autre chose que le
résultat de la force contraignante que possède cette norme sur
les Etats membres. L`on est donc en droit d`interroger la réception de
ce droit spécifique et autonome qu`est le droit communautaire dans
l`ordre juridique national. Une chose est certaine à la lumière
du résultat attendu, l`aménagement normatif interne de la
réception de la norme de droit communautaire (Paragraphe
1) est palpable dans les Etats. Et elle est à l`origine de la
création d`un droit relationnel produit par l`impératif de la
norme de droit communautaire d`organiser et de réguler les rapports
entre les
283 Voir l`arrêt COSTA c/ ENEL du 15 juillet
1964.
284 Voir BERGEL (JL), Théorie général du
droit, Paris, Dalloz, 3e édition, 1998, p 40 et 41.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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organes et les normes de droit interne et ceux
découlant des actes primaires et dérivés du droit
communautaire CEMAC285. Il s`agit d`un droit national
d`intégration communautaire, qui n`est autre chose que la
conséquence de l`aménagement normatif interne de la
réception de la norme de droit communautaire (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 1 : La manifestation de la normalisation de
l'ordre juridique interne par le droit communautaire.
L`ordre juridique interne, comme dans l`ordre juridique
communautaire repose, sur la hiérarchie des normes
kelsenienne286. Ainsi pour qu`une norme entre dans l`ordonnancement
juridique interne des Etats elle doit impérativement être conforme
à la norme fondamentale du dit Etat, sous peine d`être
inconstitutionnelle. Bien que dans l`ordre juridique communautaire, la norme de
droit communautaire soit dotée de la primauté, de
l`applicabilité immédiate, et de l`effet direct, tant qu`elle n`a
pas reçu une habilitation explicite ou implicite d`intégration
dans l`ordre juridique national par la constitution, elle demeure relativement
hors de portée d`application du citoyen. Par conséquent une
habilitation constitutionnelle intégrant la norme de droit communautaire
(A) est impérative dans l`ordonnancement juridique
interne des Etats. Car cela permettra d`établir les rapports de
subordination qui peuvent exister entre la loi expression de la volonté
du peuple dans le respect de la constitution287 et les normes de
droit communautaire (B).
A/ la manifestation constitutionnelle de la
normalisation : L'habilitation
constitutionnelle intégrant la norme
communautaire.
Dans les systèmes juridiques romano germaniques comme
ceux de la plupart des Etats membres de la CEMAC, l`ordre juridique interne
respecte une organisation bien précise qui met en exergue une norme
fondamentale, véritable acte de légitimation et de
285 En paraphrasant DUBOUT (E) et NABLI (B), «
L'émergence d'un droit français de l'intégration
européenne », op cit, p 2.
286 Selon l`épistémologie kelsenienne
l`ordonnancement juridique interne forme une pyramide, capable lui même
de régler sa propre création soit par la procédure en ce
sens que certaines normes comme la constitution déterminent
exclusivement la procédure selon laquelle d`autres normes devront
être créées. Ainsi pour Kelsen « une norme est
valable si et parce qu'elle a été créée d'une
certaine façon, celle que détermine une autre norme. Cette
dernière constitue ainsi le fondement immédiat de la
validité de la première », « pour exprimer la
relation en question on peut utiliser l'image spatiale de la hiérarchie
de supériorité-subordination : la norme qui règle la
création est la norme supérieure, la norme créée
conformément à ses dispositions est la norme inférieure.
L'ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques
placées toutes au même rang, mais un édifice à
plusieurs étages superposés, une pyramide ou hiérarchie
formée (pour ainsi dire) d'un certain nombre d'étages ou couches
de normes juridiques ». Voir KELSEN (H), Théorie pure du
droit, traduction française de la 2e édition par Charles
EISENMAN, Dalloz, 1962, p 299.
287 La loi est l`expression de la volonté du peuple dans
le respect de la constitution.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 90
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
validité de l`existence d`une norme dans
l`ordonnancement juridique interne. Maurice GAILLARD parlera d` « acte
juridique souverain » ou du « sommet de la hiérarchie
des normes »288. Par conséquent, l`habilitation
constitutionnelle devient une condition sine quanon à la bonne
intégration de la norme communautaire dans l`ordre juridique interne
(1). Cette intégration qui pourra peut être
répondre à la question épineuse relative à la
supériorité-subordination des normes de droit communautaire et de
la norme fondamentale dans l`ordre juridique interne des Etats membres de la
CEMAC (2).
1) L'habilitation constitutionnelle : la condition
d'intégration de la norme de droit communautaire dans l'ordonnancement
juridique des Etats membres de la CEMAC.
Il convient de dire comme Maurice GAILLARD que l`expression de
« hiérarchie des lois » désigne
l`ordonnancement des lois, au sens large, des règles produites par trois
autorités : « le peuple souverain ; le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif »289. La
hiérarchie des lois met en exergue un alignement des normes sous forme
pyramidale ou, sous forme supériorité-subordination,
destinée à mettre en lumière une norme supérieure,
véritable moteur d`organisation et de légitimité de
l`ordre juridique. De cette organisation naît l`unité de l`ordre
juridique. « Le degré suprême de ces ordres est
formé par leur constitution »290 que l`on
qualifierait également de norme fondamentale. De cette norme
fondamentale, les autres normes, quelles soient internes ou externes à
l`ordre juridique national tirent leur validité. Le droit communautaire
est un droit qui se caractérise par son autonomie sans doute relative,
cependant celui-ci constitue un ordre juridique distinct de celui de l`Etat et
du droit international, et impose aux Etats membres une attitude de respect
bien encadré par les principes fondamentaux que soutient la norme
communautaire. Le véritable problème lié à la
reconnaissance du droit communautaire et qui sera abordé dans la sous
partie suivante est celui du rapport de la primauté auto
proclamée du droit communautaire et de celle de la constitution dans
l`ordre juridique interne. Toutefois une reconnaissance et une habilitation
à intégrer l`ordre juridique des Etats augurent une
prééminence de la constitution sur le droit communautaire car la
constitution donne, selon la théorie de la pyramide des normes, une
existence nationale au droit communautaire bien qu`il bénéficie
du principe d`applicabilité immédiate et d`effet direct. La
constitution reste, malgré les grands principes qui encadrent la
288 GAILLARD (M), L'intelligence du droit, les
éditions d`organisations université, 1992, p 118.
289 Ibid.
290 KELSEN (H), Théorie pure du droit, op
cit, p 300.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 91
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
règle de droit communautaire, « le fondement
de la validité des ordres normatifs »291. Ainsi
l`obligation communautaire inhérente à toutes normes
communautaires est sujette à caution. Faut-il affirmer la primeur de la
constitution sur les normes communautaire ? Les ordres juridiques du
système romano germanique ne le réfuteront pas. La norme
fondamentale établit la validité des autres normes et de ce fait
demeure supérieure dans l`échelle normative. L`habilitation
constitutionnelle de l`intégration régionale est importante parce
que le droit communautaire bien qu`étant de fondement conventionnel, se
particularise par la force contraignante et l`obligation qui lui est «
sui generis ». Ceci dit, dans son élaboration et sa mise
en vigueur au niveau communautaire, le droit communautaire n`a nullement besoin
d`une quelconque forme d`acte législatif pour produire tous ses effets
de droit. L`arrêt Simmental est plus clair la dessus : «
les dispositions du traité et les actes des institutions directement
applicables [...] font partie intégrante, avec rang de priorité
de l'ordre juridique applicable sur le territoire de chacun des Etats
membres... »292. Le Professeur PESCATORE dira que la
primauté est le fondement ou « la condition existentielle
» du droit communautaire293. Face à un droit aussi
imposant, la constitution a l`impérative obligation de l`habiliter
à intégrer l`ordre juridique national et d`en déterminer
sa force juridique au sein de l`Etat. Ce qui suppose la disparition des Etats
nations tels qu`ils existent aujourd`hui. Bien qu`il s`agisse d`un voeu pieux,
d`un slogan que d`une volonté ferme de réaliser cette
ambition294. L`habilitation constitutionnelle est une condition
importante pour intégrer le droit communautaire dans l`ordre juridique
interne et en plus d`éclaircir la position du droit communautaire dans
l`ordonnancement juridique interne et le rapport
supériorité-subordination des normes communautaires face à
la norme fondamentale.
2) Une habilitation soulevant un problème de
conciliation de la primauté du droit communautaire et de celle de la
constitution.
La reconnaissance d`un droit communautaire par les
constitutions des Etats membres de la CEMAC bien qu`elle permet l`habilitation
à intégrer ce droit dans les ordres juridiques nationaux, n`a
pourtant pas dissipé les questions relationnelles entre cette norme et
la loi fondamentale. Le problème véritable étant la
corrélation des primautés que chaque norme se revendique dans son
ordre juridique respectif et éventuellement la place que
291 Ibid. p 255.
292 Voir arrêt SIMMENTHAL, op cit.
293 PESCATORE, « L'ordre juridique des
communautés européennes », op cit, p 21.
294 TCHUINTE (J), « L'effective du droit communautaire
en Afrique centrale », op cit, p 66.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 92
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
chaque norme devra occuper dans l`ordonnancement juridique
national. Autrement dit du droit communautaire et de la constitution quelle
norme est supérieure à l`autre ?
Ce débat s`étant déjà
déroulé sous d`autres cieux, il nous importera d`en faire une
synthèse, d`autant plus que les Etats de la sous région Afrique
centrale s`inspirent généralement des solutions des
systèmes romano germanique à l`instar de la France. Ainsi, saisi
par le Président de la République française sur le
fondement de l`article 54 de la constitution295, le conseil
constitutionnel français devait examiner la compatibilité du
Traité Constitutionnel avec la constitution française. La
solution que le conseil constitutionnel apporta à cette interrogation
procède de l`affirmation de la constitution comme la seule norme
suprême au sein de l`ordre juridique interne et de celle cantonnant le
traité sur l`Union Européenne comme traité296.
Le plus important à retenir de cette solution, est que le conseil
constitutionnel considère le droit primaire communautaire avant tout
comme un traité. « L'instrument - le traité - est
privilégié au détriment du contenu que l'instrument
instaure - la Constitution »297. Cela permet aussi
facilement que cela puisse l`être, de classer le droit communautaire au
rang de traité ou convention internationale. « La minoration
sémantique se double d'une minoration hiérarchique sur le fond
»298. Même si la norme communautaire mentionne la
primauté du droit communautaire, la conclusion reste la même : le
droit communautaire est un droit issu de la manifestation de deux ou plusieurs
volontés, par conséquent, il est un traité ou une
convention, telle est la décision du conseil constitutionnel
français. La primauté du droit communautaire trouve ses limites
face à celles de la constitution. Cette posture pose évidement
des problèmes parce que cette approche n`est pas compatible avec les
principes fondamentaux qui soutiennent le droit communautaire à savoir
la primauté et l`effet direct. En reconnaissant et en consacrant le
droit communautaire, la constitution a offert à ce droit une base
constitutionnelle. Ce qui entraine cette autre question, celle de l`importance
que la constitution accorde à la primauté du droit communautaire.
Cela relève même de l`application effective et de
l`efficacité de la norme intégrée par habilitation
constitutionnelle. L`impératif de la qualité de la norme implique
« sous peine de créer un
295 L`article 54 de la constitution française de 1958
stipule (Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992) " Si le
Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République,
par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre
assemblée ou par soixante députés ou soixante
sénateurs, a déclaré qu'un engagement international
comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de
ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir
qu'après la révision de la Constitution. "
296 MOSSLER (G), « le conseil constitutionnel est-il
souverainiste », consulté à
WWW.droitconstitutionnel.org.congresdeparis
consulté le 26 mai 2014 à 14H56, p 1.
297 CHALTIEL (F), « Droit constitutionnel
européen 2004-2006 », op cit, p 166.
298 ABANE ENGOLO (PE), « La notion de qualité
du droit », RADSP, édition le Kilimandjaro, vol 1,
N°1, janv.-juin 2013, pp 87-108, spec. p 88.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 93
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
droit qui n'est pas de qualité, l'organe de
création du droit est astreint de respecter plusieurs exigence. La
validité de la norme ne suffit pas, il faut encore qu'elle
réponde à une exigence tout au moins latente de qualité
»299. Il s`agit vraisemblablement des exigences
endogènes et exogènes à la norme en question. En ce qui
concerne le droit communautaire, les exigences de sa qualité vont de son
intégration dans l`ordonnancement juridique interne, une reconnaissance
automatique de ses principes fondamentaux. Dans le but de lui permettre de
développer toutes ses capacités juridiques nécessaires
à sa sécurité juridique. Par conséquent, Pour
atteindre un résultat prévu par les concepteurs de la norme,
à savoir l`intégration par uniformisation, la norme de droit
communautaire doit, dégager la primauté, l`applicabilité
immédiate et l`effet direct. Il serait donc faux de considérer le
droit communautaire comme le droit international, c`est-à-dire laissant
au droit constitutionnel interne, la capacité de déterminer les
conditions d`application du droit communautaire300. Le droit
communautaire détient en lui sa propre capacité juridique, il n`a
nullement besoin d`une quelconque mesure de mise en vigueur.
Si la reconnaissance par les constitutions des Etats membres
de la CEMAC, est un acte de prise en compte du caractère sui generis
de la nature juridique de la CEMAC, « le constituant a ainsi
consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire
intégré à l'ordre interne et distinct de l'ordre juridique
international »301. Il s`agit de reconnaître la
spécificité du droit communautaire et du même coup le
principe fondamental de primauté du droit communautaire. Toutefois, la
reconnaissance de la particularité de l`ordre juridique communautaire et
de sa primauté comme principe fondamental ne signifie pas la
reconnaissance de la supériorité du droit communautaire sur la
constitution en droit interne. Il est clair que la question de la conciliation
des primautés constitutionnelles et communautaires posera plus tard un
problème sérieux au sein des ordres juridiques internes. Il est
toutefois décevant que ce débat très important pour
l`harmonie normative au sein des Etats ne se soit pas encore produite. Tout de
même ce manque ne soustrait pas la question de l`implication du droit
communautaire sur les autres nomes étatiques.
299 Ibid.
300 SIMON (D), « les fondements de l'autonomie du droit
communautaire », op cit, p 217.
301 PRETOT, « la cour de cassation, la constitution, les
traités », RDP, 2000, pp 1037-1049, spec. Point 11.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 94
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
B/ La manifestation non constitutionnelle de la
normalisation : la relation loi et droit
communautaire.
Il faut entendre par droit communautaire ici, le droit
primaire, additionnel et le droit dérivé de la CEMAC. Leur
primauté impose pour les normes du droit interne inferieur à la
constitution une subordination de principe (1),
conséquence de la primauté du droit communautaire et
également des sanctions qu`implique le non respect des règles de
droit communautaire. Cependant la subordination de la loi
particulièrement et des autres normes inferieures à la norme
fondamentale pose quelques problèmes relatifs à la place de la
volonté générale dans l`élaboration des lois et des
implications de la contrainte de la norme de droit communautaire sur les normes
inferieure à la constitution (2).
1) La subordination de la loi et des normes
infra-législatives au droit communautaire de la
CEMAC.
La consécration constitutionnelle du droit
communautaire CEMAC par certains Etats n`a pas seulement servi à
introduire ce droit contraignant dans l`ordre juridique des Etats membres de la
CEMAC, mais bien plus à reconnaître dans la
spécificité du droit communautaire, la primauté de
celui-ci. De fait, les règles de droit communautaire
bénéficient d`une base constitutionnelle qui implique une
exigence de leur respect par les normes inferieures. La base et les exigences
constitutionnelles du droit communautaire imposent aux normes inferieures
à la constitution une subordination absolue et une prévalence.
Toutes les constitutions y consacrent même la prévalence du droit
international sur la loi. Cela est d`autant plus clair que le juge
constitutionnel se doit non plus seulement de contrôler la
constitutionnalité d`une loi mais également la
conventionalité communautaire de cette même loi. Car le droit
communautaire étant un système normatif spécifique et
autonome, il possède pour sa sécurité juridique et son
efficacité302, un organe juridictionnel qui veille à
son effectivité dont le juge de droit commun est le juge national. Le
juge national exerçant ainsi, une double fonction : une fonction de juge
national et une fonction de juge communautaire. La subordination est
nécessaire pour l`unité de l`ordre normatif. Sans toutefois
remettre en doute la pyramide des normes du maître de Vienne, l`ordre
juridique étatique n`est plus uniquement fondé sur la
constitution mais aussi sur le droit primaire communautaire. Car il ne
302 La sécurité juridique et
l`effectivité sont les attributs d`une norme de qualité. «
La sécurité juridique est le côté fiable de la
norme tandis que l'effectivité normative correspond davantage à
l'édiction de la norme à des fins utiles (...)
effectivité, sans quoi la qualité de la norme et des droits
créés serait mise à mal ». Voir à ce
sujet ABANE ENGOLO (PE), « La notion de la qualité du droit
», op cit, p 101.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 95
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
suffit plus seulement que la loi soit conforme à la
constitution mais également au droit primaire communautaire. Ainsi
l`imbrication hiérarchisée des normes juridiques dans le respect
de la constitution et des normes de droit communautaire constitue ce que l`on
peut appeler l`ordre juridique des Etats membres de la CEMAC.
A cet effet, peut-on encore parler de la constitution comme
seule norme supérieur ou au sommet de la pyramide des normes en droit
interne ?
Tout compte fait « l'ordre juridique est la
représentation de normes hiérarchisées qui se superposent
les unes sur les autres. Elles forment un tout cohérent parce qu'unies.
La base de l'unité verticale est la validité des normes
juridiques dont le moyen est la conformité. »303
L`exigence de conformité est la conséquence de
la subordination et elle implique une logique de superposition des normes en
forme pyramidale304. C`est aussi une implication tout au moins
latente de la présupposition de la conformité des normes
inferieures à celles supérieures305. La seule
exception demeure le rapport constitution et droit primaire communautaire. Car
l`on ne peut affirmer que le droit primaire communautaire nécessite
d`être conforme à la constitution, bien que cela soit
généralement le cas de la constitution pour réceptionner
le droit communautaire en droit interne. C`est ce qu`impose l`article 4 du
traité révisé de la CEMAC de 2008, qui pose une obligation
négative aux Etats dans leurs rapports avec le droit primaire
communautaire. Comme la constitution ne peut pas être inferieure au droit
communautaire. Logiquement le droit communautaire serait pour
l`effectivité de la primauté au même niveau que la
constitution des Etats membres de la CEMAC. La seconde implication de la
subordination des normes inferieures à la constitution est la garantie
juridique de l`unité de l`ordre normatif des Etats membres de la CEMAC,
qui est exercée par les juridictions nationale et communautaire.
Cependant la contrainte qu`exerce le droit communautaire sur la loi pose des
questions relatives à la volonté générale.
2) La volonté générale de la
loi face à la contrainte de la norme communautaire.
Déjà dans l'obiter dictum du conseil
constitutionnel français de 1985 dans lequel il affirma que «
la loi votée... n'exprime la volonté générale
que dans le respect de la
303 ABANE ENGOLO (PE), « La notion de qualité du
droit », op cit, p 105.
304 Ibid. p 106.
305 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 96
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
constitution »306, le conseil
remettait déjà en question l`esprit même de la
volonté générale émis par les
révolutionnaires de 1789307. La contrainte communautaire
n`est donc qu`une énième remise en cause de la volonté
générale de la loi. L`effet du principe de primauté du
droit communautaire nous permet d`admettre en paraphrasant Jean
MAÏA308 que la loi est créée à la CEMAC.
Parce que de plus en plus l`intégration du droit communautaire laisse
moins de manoeuvre à l`Etat. Si ce n`est pour les directives ou les
règlements cadres. De plus le droit communautaire dans sa politique
sectorielle d`harmonisation élargit davantage son champ de
compétence et d`action. Cela provoque des remises en cause de la
volonté générale inhérente à la loi et
affecte même les domaines de compétence de la loi tel que
stipulés par les constitutions nationales. La loi nationale subit
sérieusement la concurrence des normes communautaires. La contrainte du
droit communautaire sur la loi nationale semble donc se matérialiser et
se conforter dans les normes d`application et dans la création d`un
droit national de l`intégration communautaire. Toutefois il ne faut pas
voir uniquement l`influence du droit communautaire que sous le seul prisme de
la contrainte, car si l`on considère l`affirmation de Pierre MAZEAUD que
« la volonté générale se conforme à une
volonté populaire plus générale et plus solennelle encore,
la constitution »309. Ceci revient à dire que
l`effet qu`exerce le droit communautaire sur la loi a évidement un
fondement constitutionnel. Et qu`il s`agit d`un consentement constitutionnel de
suivre le diktat de la norme communautaire. Notre regret est de constater la
relative prise en compte du droit communautaire dans les décisions de
justice des Etats membres. Pourtant l`effet contraignant du droit communautaire
n`est que la résultante de ce processus. L`arrêt COSTA ENEL
du 15 juillet 1964 est plus expressif sur ce point lorsqu`il affirme que
«le droit communautaire né du traité ne pourrait [...]
en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement
opposer un texte interne quel qu'il soit sans perdre son caractère
communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la
Communauté elle-même». Il en résulte des
prescriptions très précises pour le juge national, juge de droit
commun du droit communautaire : il « a l'obligation d'assurer le plein
effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre
autorité, toute disposition contraire de la législation
nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou
à attendre l'élimination préalable
306 Décision 85-197 DC, 23 Août 1985, loi sur
l`évolution de la nouvelle Calédonie.
307 BRUNET (P), « Que reste-t-il de la volonté
générale ? Sur les nouvelles fictions du droit constitutionnel
français », revue Pouvoirs, N°114, pp 5-19, spec. p 6.
308 MAÏA (J), « La contrainte européenne sur
la loi » revue Pouvoirs, N°114, 2005, pp 53-71, spec. p
53.
309 Président du conseil constitutionnel lors de son
discours prononcé le 3 janvier 2005 lors de la présentation des
voeux au président de la république à l`Elysée,
consulté le 7 juin 2014 sur http:/
www.conseil-constitutionnel.fr
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 97
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
de celle-ci par voie législative ou par tout autre
procédé constitutionnel »310. La
volonté générale qui trouvait en la personne du juge son
défenseur le plus fervent lors de l`application des lois dans les
litiges, se voit remise en cause par le même juge qui officie en
qualité de juge de droit commun du droit communautaire. La
volonté générale est également dans l`ordre
juridique national victime de la nature même de la norme de droit
communautaire en ce sens ou les principes de primauté,
d`applicabilité immédiate et de l`effet direct, font en sorte que
la force contraignante de la loi, qui fut jadis de source populaire, soit
dorénavant de source communautaire dans le respect de la constitution.
La conséquence immédiate de cette oeuvre de déconstruction
de la fiction juridique de la volonté générale dans
l`essence même de la loi est la naissance d`un droit de fabrication
nationale pour l`intégration communautaire.
PARAGRAPHE 2 : la conséquence nationale de la
normalisation :Le développement d'une législation nationale de
l'intégration communautaire.
Les implications normatives de la qualité de membre de
CEMAC entraînent un développement d`une législation
nationale de l`intégration communautaire. C`est donc un ensemble de
règles de droit relationnel dont l'objet est d'organiser et de
réguler les rapports entre les organes et normes de droit interne et
ceux découlant des actes primaires, dérivés et sur le
fonctionnement de la CEMAC311. Bien que ce droit diffère d`un
Etat membre à un autre, cette législation partage tout de
même des objectifs communs qui permettent de mettre en exergue un certain
type de norme nationale d`intégration communautaire
(A). Toutefois cette législation soulève un
problème crucial à l`unité de l`ordre juridique national
celui de la place de ce droit hybride dans la hiérarchie des normes en
droit interne (B).
A/ La présentation des normes nationales de
l'intégration communautaire.
La fonction principale du droit national de
l'intégration est de mettre en relation des systèmes
juridiques312, les ordres juridiques communautaire et interne. Et
pour ce faire l`on retrouve en droit interne des normes nationales
d`habilitation du droit communautaire et des normes nationales d`application du
droit dérivé de la CEMAC(1). Autrement dit le
droit national de l`intégration communautaire est formée
premièrement d`un
310 CJCE, 9 mars 1978, 106\77, Rec., p 629. Cité par
MAÏA (J), « La contrainte européenne sur la loi
», op cit, pp 53-71 spec. p 57.
311 Ibid.
312 L`intégration juridique peut s`entendre comme «
[le] phénomène qui consiste à incorporer dans
l'ensemble
plus vaste de relations immédiates des rapports
juridiques jusque là isolés dans leur encadrement étatique
», selon la définition donnée par L.AZOULAI, «
La constitution et l'intégration, les deux sources de l'union
européenne en formation », RFDA, 2003, p 859.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 98
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
droit propre à « chaque Etat qui organise
à la fois la projection des positions nationales liées à
la construction »313 communautaire et deuxièmement
d`un droit issu de la réception des normes communautaires dans l`ordre
interne314. Toutefois ce droit se caractérise par des traits
communs à toutes les législations nationales de
l`intégration communautaire de chaque Etat membre
(2).
1) Les types de législation nationale de
l'intégration communautaire : la législation d'habilitation et
d'application du droit communautaire.
Les transformations qu`impliquent ou qu`impliqueront les
participations des Etats souverains à la communauté
d`intégration, ne doivent pas être réduites au simple
rapport du droit international au droit interne des Etats. Le constat est
frappant de remarquer que la majorité des Etats membre de la CEMAC se
sont préparés constitutionnellement à recevoir le droit
communautaire dans leurs différents ordres juridiques. L`habilitation
constitutionnelle d`association et de coopération à des projets
intégratifs est aussi implicitement un aveu de reconnaissance de la
particularité de ce droit, certes issu des conventions comme le droit
international mais qui se distingue par la force contraignante de ses
règles de droit. Les Etats souverains ont donc développé
des habilitations constitutionnelles. Ces dispositions constitutionnelles sont
généralement suivies par une abondante législation de
procédure de réception du droit communautaire. Mais des
décisions administratives et judiciaires nationales d`autant plus
qu`avec l`acquisition de la qualité de membre de la CEMAC, l`Etat assume
une forme de dédoublement lié à sa qualité d`Etat
souverain et d`Etat membre. Les décisions administratives doivent
prendre en considération la législation issue de la
communauté comme cela doit être le cas également pour
toute, les décisions judiciaires des juges nationaux. L`appartenance
à la CEMAC forge dans l`Etat une forme d`identité hybride des
Etats. Et c`est dans ce sens qu`intervient la législation
d`habilitation, elle permet d`établir une cohérence entre les
deux ordres normatifs dans l`Etat. Cette cohérence reste difficile
à obtenir du fait des similitudes des deux ordres juridiques. Cela met
en exergue une vision peut être inconsciente de l`Etat de
développer « un système autonome au sein de l'ordre
interne »315. Il s`agit de « débanaliser
» le droit communautaire qui, est confondu avec le droit
international. Dubout et Nabli diront que « L'adoption de
règles propres à l'élaboration et à la
réception du droit [communautaire] participe à la
313 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence d'un
droit français de l'intégration européenne »,
op cit, p
1024.
314 Ibid.
315 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1024.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 99
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
création d'une sorte de « régime
exorbitant de droit commun » et fournit un fondement à la
singularisation des régimes »316. La
législation d`application quant à elle est la résultante
du champ de législation reconnu par les dispositions des traités
constituants de la CEMAC, aux Etats membres pour certaines normes dites
dérivées. Elle s`apparente plus à un acte obligatoire plus
que de volonté. C`est un acte obligatoire dans la mesure où la
portée du résultat de transposition des actes
dérivés peut éventuellement engager la
responsabilité de l`Etat membre de la CEMAC. Eventuellement, les Etats
membres n`ont pas encore pris pleinement en compte le phénomène
juridique communautaire comme c`est le cas pour les pays de l`union
européenne. A l`instar de la France, la conformité des normes
nationales à l`union européenne a permis de développer une
nouvelle qualité de normes particulièrement influencées
par l`activité européenne. A titre d`exemple, il y a le
développement des décisions de justice constitutionnelle relative
à l`Europe, Florence CHALTIEL les nomment de droit constitutionnel
européen.
2) Les traits caractéristiques communs de la
législation nationale de l'intégration
communautaire.
Découlant d`une participation de l`Etat souverain
à la CEMAC, le droit national de l`intégration communautaire est
une norme juridique à double identité parce qu`elle met en
exergue deux dimensions : la dimension supranationale renvoyant à
l`intégration sous régionale développée par la
machine communautaire qu`est la CEMAC. Et également, la dimension
nationale qui montre l`intérêt de l`Etat dans l`harmonisation des
relations entre le droit communautaire et le droit nationale. De ce qui suit,
l`on dira que le droit national de l`intégration de la CEMAC est «
hybride »317. Hybride parce que la norme nationale de
l`intégration vise un objectif communautaire celui de
l`intégration communautaire de la CEMAC, mais elle est l`oeuvre de
l`Etat indépendamment de l`initiative communautaire. La
législation nationale de l`intégration communautaire
n`obéit pas à la division du droit en droit public et droit
privé. En d`autres termes le droit national de l`intégration
communautaire est un droit transversal qui touche toutes les branches du droit
dans l`Etat, car les normes nationales visent premièrement
l`harmonisation des législations entre les Etats et deuxièmement
la réception et l`intégration du droit communautaire au niveau
national. La conséquence la plus immédiate est la naissance d`un
droit éparse qui se retrouve dans tous les domaines du droit. Il faut
remarquer que les législations nationales d`intégration «
brouillent
316 Ibid.
317 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1025.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 100
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
la frontière entre le droit national et le droit
dit « supranational »318, et
également les différentes frontières entre diverses
branches du droit. Il s`agit également d`un droit qui diffère
d`un Etat membre à un autre, la différenciation étant
uniquement sur les approches et les moyens de mise en place de
l`intégration communautaire. La raison principale est la
différenciation des moyens de mise en oeuvre et de coordination du droit
communautaire avec le droit national. Cette singularité de la
législation nationale de l`intégration communautaire montre
à quel point l`intégration communautaire impacte sur l`Etat et
précisément sur ses fondements normatifs. Toutes les
règles de droit étatique sont influencées d`une
manière considérable. L`exemple pris par Dubout et Nabli est
l`influence que subissent les actes administratifs pris par les
autorités administratives au point « d'entraîner un
certain « brouillage » de la catégorie
même d'acte administratif dans l'ordre interne »319,
il en est de même de la difficile relation qu`entretiendrait la
constitution avec le droit primaire communautaire au point où la
constitution devient un document d`hébergement du droit communautaire.
On assistera de plus en plus à des « constitutions duales
» au sein des quelles coexistent : une conception traditionnelle de
la souveraineté nationale et de son exercice indivisible par les
représentants du peuple et un nouveau Titre ou article de la
Constitution qui soutient l'idée d'un exercice commun de
compétences transférées à un ensemble plus
vaste320. Le droit national de l`intégration communautaire
bénéficie également d`un contrôle renforcé,
une garantie dictée par la nature étatique de sa création
et également une garantie supranationale par l`esprit de la règle
de droit qu`est le droit communautaire. Cependant ses normes nationales
traitant de l`intégration communautaire de la CEMAC posent un
véritable problème lié spécifiquement à la
place qu`occuperait le droit national dans la pyramide des normes de l`Etat.
B/ La place de la législation nationale de
l'intégration communautaire dans l'ordre normatif interne.
La question relative à la place du droit national de
l`intégration communautaire dans l`ordonnancement juridique est
très importante dans la mesure où elle répond
automatiquement à la problématique du rapport relationnel que
devrait entretenir la loi nationale et le droit national de
l`intégration communautaire (1). De plus le droit
national
318 Ibid, p 1026.
319 DUBOUT (E) et NABLI (B),op cit p 1032.
320 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 101
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
peut-il, à la lumière du droit communautaire
bénéficier des principes fondamentaux du droit communautaire?
(2).
1) Une place controversée au sein de la
hiérarchie des normes en droit interne.
Les principes structurant le droit communautaire
présentent avant tout, une idée de suprématie une
volonté des concepteurs du droit communautaire de constituer un ordre
juridique unique constitué de l`ordre juridique interne et de l`ordre
juridique de droit communautaire. Toutefois le caractère
prééminent du droit communautaire et de la constitution des Etats
membres de la CEMAC soulève d`autres soucis parce que
L`intégration du droit communautaire dans l`Etat pose le problème
de la place de cette norme supranationale dans l`ordonnancement interne de
l`Etat. Il est clair qu`un droit tirant sa matière du droit
communautaire et étant l`oeuvre d`un Etat membre, nous interpelle
à plus d`un titre. Parce que la matière sur laquelle l`Etat
légifère est une matière qui bénéficie de
certains principes liés à sa nature même de règle de
droit communautaire. Le droit national de l`intégration communautaire
participe également à ce « régime exorbitant de
droit commun » qu`est le droit communautaire d`où la raison
d`être de la question de la place du droit national de
l`intégration qui se pose avec acuité. Le droit national de
l`intégration n`est pas seulement un droit de l`intégration
communautaire mais également d`origine national. Devrons-nous alors le
placer au même degré que la loi ou bien au même niveau que
le droit communautaire ? Le droit national de l`intégration
communautaire bien qu`il épouse la politique communautaire n`est point
l`oeuvre de l`organisation supranationale. Peut-il être
considéré au même titre qu`une loi nationale parce
qu`élaboré selon la même procédure qu`une loi
normale ? La réponse est négative dans la mesure où
même si le droit national n`est point l`oeuvre de la communauté,
il comprend tout de même dans ses énoncés l`esprit
communautaires qui peuvent se prévaloir de la primauté sur la
loi. Car l`objectif visé par la norme nationale de l`intégration
est l`harmonisation du droit communautaire et du droit national, ou bien la
réception du droit communautaire dans l`ordonnancement juridique interne
des Etats. Evidemment les lois nationales de l`intégration communautaire
bénéficient d`une forme de
prééminence321 dans l`ordre juridique interne des
Etats membres bien qu`elle soit l`oeuvre des Etats membres. Le droit
communautaire ou les actes dérivés des communautés ne sont
point contrôlées sur la logique du respect de la constitution bien
qu`elle soit réceptionnée et intégrée dans l`ordre
juridique avec le concours d`une reconnaissance et
321 DUBOUT (E) et NABLI (B), op cit, p 1032.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 102
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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d`une consécration constitutionnelle. La constitution
française, dans l`application de l`article 88-1, précise que les
normes nationales de transposition des directives se voient, en principe,
insusceptibles d'être contrôlées au regard de la
Constitution322, voire à l'aune des conventions
internationales qui ne feraient pas partie intégrante, directement ou
non, de l'ordre juridique de l'Union323. Autrement dit «
l'immunité reconnue aux dispositions internes en cause suppose dans
le même temps un contrôle juridictionnel du respect par les
autorités nationales de leur obligation de bonne transposition
internalisée dans la Constitution »324. Au sein de
l`union européenne, on peut dire qu`il y a une tentative d`abandon
progressif de la hiérarchie verticale. Pour l`instauration d`une
nouvelle hiérarchie qui respecte la nouvelle donne dans l`ordre
juridique interne des Etats membres. On assiste donc, non plus à un
conflit de norme inter systémique325, mais plus à un
conflit de normes intra systémiques. Car même au sein de la CEMAC
la directive nécessite pour son application sur le territoire nationale
un monopole des autorités étatique pour son application. Ce
fût le cas de la directive CEMAC relative au système LMD (licence
master doctorat) dans les universités de l`Afrique centrale.
Assistons-nous alors à une de-verticalisation de la hiérarchie
des normes en droit interne.
2) Une place questionnant la pertinence des
rapports verticale de la pyramide des normes.
Le rapport de force entre le droit communautaire et droit
national vient mettre en surface le problème de la hiérarchie des
normes qui selon Kelsen est une hiérarchie verticale ou chaque norme
tient une place dans la pyramide des normes et ou les normes inferieures tirent
leur validité de la norme fondamentale. Se basant sur la pureté
(Reinheit) de la norme juridique, c`est-à-dire une norme
dégagée de toute considération sociale et
économique, l`analyse des normes selon KELSEN repose sur « une
exigence de non contradiction, située au plan abstrait de la valeur, et
non à celui, concret, des faits empiriques. C'est-à-dire, Il
importe peu de savoir si les individus appliquent ou non les règles de
droit dans la réalité ; les violations de la loi, en tant que
telles, sont impuissantes à fonder une valeur générale,
même si telle est la volonté de leurs auteurs
»326. Ceci dit une étude des normes doit se
réaliser sans appréciation de leur contenu. « La
théorie kelsénienne ne
322 Ibid.
323 CE, sect., 10 avril 2008, conseil national des barreaux et
autres, req n° 312553, Lebon, AJDA 2008.
324 DUBOUT (E) et NABLI (B), « L'émergence
d'un droit français de l'intégration européenne
», op cit, p 1024.
325 C`est-à-dire entre les systèmes.
326 PINA (S), « La connaissance pure du droit et ses
limites,
WWW.droitconstitutionnel.org/congrésmtp/textes4/PINA.4.pdf
, VIe congres de l`AFDC, Montpellier, 9, 10, 11 juin 2005, Atelier
N°4, quels outils théoriques pour comprendre le droit ?
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
s'intéresse qu'au fondement de la validité
de l'ordre juridique, lequel repose sur une norme suprême fondamentale.
La seule question demeure celle de la compatibilité des normes entre
elles, de leur fondement de validité dans la norme supérieure
»327. Conformément à sa conception, le droit
en tant qu`ensemble de normes ne peut pas trouver de fondement en dehors du
droit. En gros la nécessité d`une pyramide
normative328 est obligatoire pour Hans KELSEN. Et cette pyramide
normative se fonde sur une norme fondamentale qui assure la pureté de la
norme. Cependant la pureté, dans un contexte de mondialisation, est une
utopie caractérisée parce que le mode d`émergence des
normes est dorénavant conditionné par les espaces
d`échange et de commerce plus grand que les Etats. D`où la
naissance des marchés communs structurés autour d`une
organisation supranationale. La pureté de la norme est de plus en plus
relative, par les regroupements étatiques et également par
l`existence dans la société internationale d`un critérium
de règles de droit qui s`appui sur le respect et la garantie des droits
de l`homme. La consécration de l`écran constitutionnel et sa
confirmation dans la matière communautaire329
révèlent un conflit dont l`enjeu est l`ordonnancement des normes,
une lutte des fondements de validité de l`ordre juridique. Une lutte des
normes fondamentales « d'un côté, la Constitution
nationale doit préserver sa position centrale de source ultime de la
validité juridique. De l'autre, le droit communautaire originaire doit
dominer l'ordre juridique sans obstacle possible330. De ce fait, la
Constitution est en mesure de priver le droit communautaire de ses effets et le
droit communautaire est susceptible de condamner un Etat du fait de sa
Constitution »331. La norme fondamentale est le fruit de
la conceptualisation d`une science du droit, c`est-à-dire de la
conviction que la Constitution est la dernière norme formelle du
système juridique hiérarchisé, la science du droit ne
devant pas chercher ses éléments d`analyse en dehors de la pure
sphère normative332. Le rapport et la logique kelsenienne des
normes sont remis en cause. Le droit communautaire étant à lui
même un système univoque structuré, cohérent selon
la conception du grand maître autrichien, elle rencontre une
véritable résistance dans l`ordre juridique interne
symétrique à lui. Il y a lieu de concevoir une nouvelle approche
de l`unité de l`ordre juridique interne intégrant le droit
327 Ibid.
328 Ibid. p 10.
329 CE, 3decembre 2001, SNIP, Rec. P 624 ; CE, 30 juillet
2003, assoc. Avenir de la langue française, Europe, 2004, comm. P 30.
Cité par FAVRE (J), « Le juriste entre pathologie de la
normalisation et normalité du pathologie : le cas des conflits de normes
fondamentales, VIe congrès de l`AFDC, Montpellier, 9 ;10 ;11 juin
2005, Atelier N°4 : quels outils théoriques pour comprendre le
droit ?
330 CJCE, 5 février 1963, VAN GEND EN LOOS c/
administration fiscale, Aff. 26/62, Rec. P 1. 15 Juillet 1964 COSTA c/
ENEL, Aff. 6/64, Rec. P 1141.
331 FAVRE (J), « Le juriste entre pathologie de la
normalisation et normalité de la pathologie : le cas des conflits des
normes fondamentales », op cit, p1.
332 PINA (S), « La connaissance pure du droit et ses
limites », op cit, p 11.
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MENGUE Arsène Silvère 104
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communautaire tirant sa substance de la force contraignante du
droit de la CEMAC et des rapports qu`entretient les ordres juridiques nationaux
et communautaire.
Dans la conception de la hiérarchie des normes en droit
interne que nous mettons en exergue, l`unité de l`ordre juridique
interne entretien une double hiérarchisation normative qui ne
dédouble pas cet ordre juridique ; tout au contraire l`unité est
plus consolidée et plus cohérente dans l`association d`une
hiérarchisation qui soit autant verticale que horizontale de l`ordre
interne. La hiérarchisation horizontale l`est au niveau de la norme
fondamentale nationale et du droit primaire, en ce sens où, aucune des
deux normes ne peut se prévaloir d`exercer un contrôle de
conformité sur l`autre. La constitution intègre les normes
primaires communautaires en garantissant leurs principes fondamentaux
vis-à-vis des normes inferieures, et également en organisant
l`intégration et le contrôle de la conformité des normes
inferieures à la norme primaire communautaire. Il s`agit d`une
hiérarchisation de courtoisie. La constitution nationale dans cette
hypothèse garde son autorité sur les normes de droit interne en
acceptant perdre son contrôle sur les normes de l`intégration
d`origine nationale ou communautaire. Le sommet de la pyramide est toujours
occupé par la constitution nationale jouant ainsi un double rôle :
celui de norme fondamentale nationale et communautaire. Les normes inferieures
doivent respecter une hiérarchie verticale à double
validité c`est-à-dire autant elles doivent être conformes
aux dispositions et principes constitutionnels, qu`elles se doivent
également de respecter le droit primaire communautaire. Le
contrôle de conformité a la norme fondamentale mettant plus
l`accent au respect du droit communautaire sous peine de faire engager la
responsabilité de l`Etat.
SECTION 2 : L'HYPOTHESE DE LA VIOLATION DE LA NORME
COMMUNAUTAIRE: LA RESPONSABILITE DE L'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC.
Pris à la lettre, l`article 4 du traité
révisé CEMAC stipule que : « Les Etats membres apportent
leur concours à la réalisation des objectifs de la
Communauté en adoptant toutes mesures générales ou
particulières propres à assurer l'exécution des
obligations découlant du présent Traité. A cet effet, ils
s'abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à
l'application du présent Traité et des Actes pris pour son
application. En cas de manquement par un Etat aux obligations qui lui incombent
en vertu du droit communautaire, la Cour de Justice peut être saisie en
vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par des
textes spécifiques ». L`objectif de sécurité
juridique
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 105
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
recherché par la CEMAC impose une structuration de la
sanction en cas de violation de la règle de droit communautaire par le
mécanisme de mise en oeuvre de la responsabilité de l`Etat membre
défaillant (paragraphe I). En vertu du principe
d`applicabilité immédiate et de l`effet direct du droit
communautaire de la CEMAC, les juges nationaux sont appelés à
connaitre des litiges ayant trait aux actes communautaire une fois que ceux
entrent effectivement en vigueur dans l`ordre juridique interne, sans attendre
une quelconque intervention de l`Etat, le juge national exerçant de ce
fait l`office du juge communautaire (paragraphe II).
PARAGRAPHE 1 : Les hypothèses de mise en oeuvre de
la responsabilité de l'Etat membre de la CEMAC.
Le droit de la CEMAC étant contraignant et
impératif selon les termes de l`article 44 du traité
CEMAC333 en vigueur, impose une obligation de respect de ce droit
par les Etats membres, du seul fait de leur appartenance à la
communauté et prévoit en cas de besoin de garantir la
sécurité juridique communautaire, un régime de sanction de
la violation du droit communautaire. Ce régime met en exergue, les
normes susceptibles d`entrainer la responsabilité de l`Etat membre
(A) et également les autorités potentiellement
à l` origine de la violation du droit communautaire
(B).
A/ Les normes communautaires susceptibles de mettre en
oeuvre la responsabilité de l'Etat membre de la CEMAC en cas de
violation.
Toute norme communautaire non respectée, pas
appliquée ou violé par des particuliers ou par un Etat, est
susceptible d`entrainer la responsabilité de celui qui est à
l`origine de cette entrave. Le droit communautaire ne met pas un accent
particulier sur une norme communautaire précise. Par conséquent,
autant la violation des dispositions du droit communautaire primaire et
dérivée (1) est sanctionnée par les
juridictions de droit commun, autant les principes inhérents à la
construction communautaire sont également protégés par les
juridictions (2).
333 L`article 44 du traité révisé de la
CEMAC stipule « Sous réserve des dispositions de l'article 43
du présent traité, les actes adoptés par les Institutions,
Organes et Institutions Spécialisées de la Communauté pour
la réalisation des objectifs du présent Traité sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure »
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 106
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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1) La violation des dispositions du droit
communautaire primaire et dérivé.
L`obligation de réparer les conséquences
dommageables d`une violation étatique du droit communautaire
découle directement du principe de primauté du droit
communautaire tel que stipulé par l`article 44 du traité CEMAC en
vigueur334. En effet l`exception de refuser la réparation
liée aux conséquences relatives à la violation du droit
communautaire n`est plus possible dans la mesure où la majorité
des Etats ont consacré dans leurs lois fondamentales le principe de
primauté en reconnaissant constitutionnellement le droit communautaire.
Une consécration qui impliqua immédiatement la primauté du
droit communautaire sur les réglementations et lois nationales. le
principe de primauté dont découle le droit à
réparation des violations étatiques du droit communautaire
s`applique non seulement lorsque la norme communautaire en cause est une
disposition des traités, mais aussi lorsqu`elle constitue un simple acte
de droit dérivé, qu`il s`agisse d`un règlement. Car
l`article 44 ne fait pas une distinction particulière sur la norme mise
en cause, elle parle d` « actes adoptés par les institutions,
organes et institutions spécialisés de la communauté
». Ceci revient à ne distinguer aucune norme de droit
communautaire lors de la violation. Il n`est en revanche pas exclu que le juge
de droit commun refuse d`engager la responsabilité de l`État au
titre de violation d`actes communautaires innommés ou «hors
nomenclature». Il s`agit en effet d`actes dont l`adoption n`est pas
expressément prévue par l`article 40 du traité
révisé CEMAC335. La question que l`on peut se poser
est de savoir si la responsabilité de l`Etat peut être
engagée pour la violation des dispositions communautaires comprises dans
la constitution nationale ou du fait de la violation des lois nationales de
l`intégration communautaire ? Si l`on s`inspire de la jurisprudence
européenne, la réponse en principe devrait être affirmative
« puisque le principe de primauté du droit communautaire, tel
qu'interprété par la Cour de justice[européenne], s'exerce
à l'encontre de toutes les normes nationales, même de nature
constitutionnelle »336. En d`autres termes toute
règle de nature communautaire ou nationale
334 Ibid.
335 Article 40 du traité révisé CEMAC
stipule que « Pour l'application du présent Traité et
sauf dérogations prévues par celui-ci ou par des dispositions
particulières contenues dans les Conventions de l'UEAC et de l'UMAC
:
- la Conférence des Chefs d'Etat adopte des actes
additionnels au Traité et prend des décisions ;
- le Conseil des Ministres et le Comité
Ministériel adoptent des règlements, règlements cadres,
des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations
ou des avis ;
- les premiers responsables des Institutions, Organes et
Institutions Spécialisées de la Communauté arrêtent
des règlements d'application, prennent des décisions et formulent
des recommandations ou des avis ».
336 Voir CJCE ord. , 22 juin 1965, San Michèle c/
Haute autorité, Aff. 9/65, Rec. 1967.35. Voir egal. CJCE, 11 juin
1991, commission c/ France, Aff. C.307/89, Rec. I.2903, dans lequel la
cour de justice, a dénié à la France le droit d`invoquer
ses règles constitutionnelles pour justifier ses manquements aux
obligations communautaires.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 107
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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traitant dans sa lettre du droit communautaire
bénéficie de l`exigence de la primauté de ce droit. Il
semble donc logique d`admettre que le juge national juge du droit commun du
droit communautaire soit habilité à engager la
responsabilité de l`État pour toutes les violations du droit
communautaire imputables à ce dernier, y compris celles qui
résulteraient d`une norme constitutionnelle interne337.
2) La violation de l'esprit et des principes
communautaires.
La question qui se pose est celle de savoir si les principes
et l`esprit communautaire tels qu`énoncés par le traité de
la CEMAC en vigueur, sont, comme ceux des dispositions du droit originaire ou
dérivé, susceptibles d`engager la responsabilité de
l`État membre de la CEMAC? La question mérite d`être
élucidée parce que les principes en questions sont
consacrés et défendus par les traités instituant la CEMAC.
Son traité révisé reconnaît les « principes
de démocratie, des droits de l'Homme, de l'Etat de droit, de la bonne
gouvernance, du dialogue social et des questions de genre » la
reconnaissance par le traité révisé de la CEMAC de ces
principes impliquerait pour les juridictions de contrôler leur respect et
de sanctionner leurs violations. Par conséquent, la reconnaissance par
la constitution du droit communautaire implique également la
reconnaissance et le respect des principes énoncés par le
traité révisé de la CEMAC. Cela augure une
possibilité d`engager la responsabilité de l`Etat membre pour
violation des principes de droit communautaire. Il faut relever que le juge
administratif français d`appel de bordeaux semble avoir admis
l`obligation pour les autorités administratives françaises,
« de respecter les principes généraux du droit
dégagés par la Cour de justice, tout au moins lorsqu'elles
interviennent dans une matière relevant de la compétence
communautaire »338. Il faut dire, que dans le cas de la
CEMAC, les principes généraux de son droit communautaire sont
consubstantiels a son traité révisé habilité et
intégré par la constitution dans le droit interne, De sorte que
leur violation par l`État membre de la CEMAC est susceptible
d`être sanctionnée comme celle d`une disposition du Traité
de la CEMAC lui-même.
De ce qui précède, quels sont les auteurs de la
violation du droit communautaire entrainant la responsabilité de l`Etat
membre de la CEMAC ?
Voir a cet effet HINDRE-GUEGUEN (M), «
Responsabilité (des Etats membres) », rep.
Communautaire,
Dalloz, aout 2006, p 18.
337 Ibid.
338 HINDRE-GUEGUEN (M), « Responsabilité (des
Etats membres) », op cit, p 18.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 108
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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B/ Les auteurs de la violation du droit communautaire
susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat membre de la
CEMAC.
Il faut signifier que les principes d`applicabilité
immédiate et d`effet direct de la règle de droit communautaire
exposent certaines institutions républicaines dans le viseur du juge de
droit commun du droit communautaire en cas de violation. Il s`agit
particulièrement, dans le contexte de la CEMAC, du pouvoir
exécutif (1) et des juridictions nationales
(2) des Etats membres.
1) La violation du droit communautaire imputable au
pouvoir exécutif des Etats membres de la CEMAC.
Cette violation peut être vue sur le terrain de
l`illégalité des actes pris par le pouvoir exécutif
c`est-à-dire que les autorités exécutives chargées
de prendre des actes exécutifs, en prennent des mesures qui ne
respectent pas le droit communautaire en vigueur. Dans ce cas, le juge
administratif national dans son rôle de juge de droit commun du droit
communautaire, est dans l`obligation de réparer cette violation du droit
communautaire par le pouvoir exécutif. La remarque faite, il faut
établir quel type de responsabilité peut engager la
procédure en réparation pour cause de violation du droit
communautaire. Il faut dire que la CEMAC laisse généralement le
libre choix aux Etats membres d`établir le mode de responsabilité
qui peut engager la faute de l`Etat membre de la CEMAC. Toutefois le
mécanisme d`établissement de la responsabilité de l`Etat
membre pour cause de violation du droit communautaire par un acte
illégal ne doit pas lui même soustraire le justiciable de ses
droits.
La CEMAC étant en majorité formée des
Etats de culture juridique francophone, la majorité de ses Etats
reconnaissait dans la procédure judiciaire administrative la
responsabilité pour faute. De ce fait pour établir la
responsabilité de l`Etat pour cause d`acte illégal violant le
droit communautaire, l`on doit se référer au mécanisme de
responsabilité pour faute en droit administratif. On distingue dans la
responsabilité pour faute en droit administratif, la
responsabilité pour faute de service et pour faute personnelle. En
générale en droit administratif toute illégalité
d`une mesure administrative est présumée constituer une faute de
personnelle. Ainsi, même la responsabilité de l`administration
peut être engagée lorsqu`elle omet de modifier une
réglementation devenue incompatible avec le droit communautaire. Faut-il
aussi signaler que, l`absence de mesures administratives de transposition d`une
directive pourrait d`ailleurs être assimilée au défaut
d`adoption d`actes
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 109
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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réglementaires d`exécution d`une loi interne,
une situation qui constitue une faute de nature à engager la
responsabilité de l`État. Si, aujourd`hui, le principe de la
responsabilité de l`État du fait d`une violation du droit
communautaire commise par le pouvoir réglementaire ne fait aucun doute
dans la théorie de droit communautaire européen, il n`en demeure
pas moins que cette responsabilité trouvera bien plus qu`en droit
interne une difficulté majeure au sein de la CEMAC, du fait la
protection de l`autorité de l`Etat par les juges nationaux qui doivent
généralement leur carrière à ce pouvoir
exécutif. L`autre difficulté étant la rigueur ou la
sévérité qui caractérise l`appréciation du
juge administratif lorsqu`il veille au respect de principes procéduraux
tels que celui de la distinction des contentieux ou qu`il détermine le
montant du préjudice indemnisable, voire encore lorsqu`il vérifie
l`existence du lien de causalité direct entre la faute et le
préjudice allégué339. Toutefois on peut se
poser la question de savoir si le dédommagement des préjudices
causés par la violation du droit communautaire peut amener le juge
à accorder des réparations plus onéreuses que celles issue
du droit interne ? Une réponse affirmative nous fera aboutir à la
création d`un « régime dual de responsabilité au
sein des Etats membres, selon que la faute résulte ou non d'une
violation du droit communautaire »340.
2) La violation du droit communautaire CEMAC du
fait des juridictions nationales et du législateur.
Cela peut être perçu comme un tabou en droit
interne dans la mesure où les juridictions nationales manifestent dans
leur exercice la souveraineté nationale. Car les juges nationaux rendent
la justice au nom du peuple, véritable propriétaire de la
souveraineté de l`Etat. La réalité est tout autre parce
qu`il s`agit ici de la mise en oeuvre de la responsabilité de l`Etat du
fait des activités judiciaires. Certes elle est très
théorique comme la mise en oeuvre même de la responsabilité
de l`Etat membre en droit communautaire CEMAC. Il faut dire que la
réparation des dommages qu`entraînent les faits judiciaires
incombe au juge administratif ou au juge judiciaire, selon que le service
public en cause est celui de la justice administrative ou de la justice
judiciaire. Ainsi compte tenu de l`autonomie juridictionnelle des États
membres qui a été affirmée par le droit communautaire pour
la mise en oeuvre des règles et de la réparation des
préjudices, c`est au regard de ces règles que pourra, le cas
échéant, être retenue la responsabilité de
l`État en raison des violations du droit communautaire qui seraient
339 HINDE-GUEGUEN, « Responsabilité (Etat
membre) », op cit, p 21.
340 Ibid. p 21.
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MENGUE Arsène Silvère 110
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commises par une juridiction, quelle que soit, y compris les
juridictions suprêmes341. La responsabilité de
l`État peut être engagée du fait du fonctionnement
défectueux du service public de la justice suite par exemple au principe
de durée raisonnable de la procédure. C`est dans cette
perspective que le Conseil d`État français retiendra que «
les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient
jugées dans un délai raisonnable [...] si la
méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la
validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue
de la procédure, les justiciables doivent néanmoins pouvoir en
faire assurer le respect ; qu'ainsi lorsque la méconnaissance du droit
à un délai raisonnable leur a causé un préjudice,
ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le
fonctionnement défectueux de la justice »342. On
remarque que le conseil d`Etat français considère le
fonctionnement défectueux de la justice comme une responsabilité
pour faute et ne fait nullement référence à la
responsabilité sans faute entrainant deux régimes de
responsabilité du fait de la justice, l`un subordonné à la
démonstration de l`existence d`un refus d`appliquer par exemple le droit
communautaire et l`autre fondé sur la violation, par les juridictions
des principes de procédure de justice. En droit de l`union
européenne, la cour de justice a affirmé un « principe
de responsabilité des États membres du fait des violations du
droit communautaire commises par les juridictions suprêmes nationales
»343. Néanmoins l`application en droit interne de
ce principe risque de ne pas se faire sans quelques difficultés que ce
soit dans l`union européenne ou au sein de la CEMAC. La véritable
difficulté est que la responsabilité ne peut, en vertu du
principe de l`autorité de la chose jugée, être
engagée lorsque la faute alléguée résulte du
contenu même d`une décision de justice devenue définitive.
Au niveau de l`union européenne la cour de justice a déjà
évacué cet argument « visant à contester le
principe de la responsabilité de l'État de ce fait au motif qu'il
aurait pour effet de remettre en cause le principe de l'autorité de la
chose jugée ». Ainsi avec l` appartenance à la
communauté d`intégration de l`Etat, l`autorité de la chose
jugée est remise en cause avec le principes de primauté qui
implique également la reconnaissance de la justice communautaire comme
dernière étape d`appel en cas d`insatisfaction de la
décision rendu dans les juridictions nationales qu`elles soient de
dernier ressort. En d`autre termes, les juridictions suprêmes des Etats
membres de la CEMAC ne bénéficient plus de l`autorité de
la chose jugée lors de l`adhésion de l`Etat à la CEMAC,
entrainant ipso facto la reconnaissance de la cour de justice de la
CEMAC. A la lumière de la conception européenne, on s`interroge
sur la pérennité de la
341 Ibid.
342 CJCE, 9 mars 1978, administration des finances de l'Etats
c/ SIMMENTHAL, Aff 106/77, Rec., I.629 p 31.
343 Ibid.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 111
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cour de justice de la CEMAC qui trouve actuellement la
difficulté à se faire une place au sein des organes judiciaires
nationaux. En effet, la Cour de justice européenne, en rappelant que
l`applicabilité directe du droit communautaire concerne également
tout juge qui a, en tant qu`organe d`un État membre, pour mission de
protéger les droits conférés aux particuliers par le droit
communautaire, a de longue date, dans un arrêt SIMMENTHAL du 9
mars 1978344, affirmé que le juge national «
chargé d'appliquer, dans le cadre de sa compétence, les
dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de
ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre
autorité, toute disposition contraire de la législation
nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou
à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie
législative ou par tout autre procédé constitutionnel
»345. En application de ces principes de la cour de
justice de l`union européenne, il pourrait être soutenu que le
juge national, à qui s`impose l`intégralité du droit
communautaire en sa qualité d`organe national de l`Etat membre, est tenu
d`appliquer la jurisprudence de la juridiction communautaire ou les
dispositions du droit communautaire originaire et dérivé,
à défaut, la violation de cette obligation pourrait être la
source d`une action en responsabilité de l`État membre.
Dès lors, peut-on à la suite de ce qui a été dit,
affirmer de la réalité ou de la potentialité de l`office
du juge nationale ?
PARAGRAPHE II : L'office réel ou potentiel du juge
national en matière de violation du droit communautaire.
Il est souvent considéré que les juges qui
appliquent le droit communautaire sont principalement -- sinon exclusivement --
ceux qui siègent au sein des juridictions communautaires, à
savoir les membres de la cour de justice de la CEMAC. Toutefois dans son
rôle de contrôle, et d`assurer le respect du système
juridique communautaire, la Cour joue à cet égard le rôle
de juridiction suprême dans l`interprétation et l`application des
règles de l`ordre juridique communautaire. C`est donc une «
responsabilité communautaire » du juge national que
d`exprimer le plus clairement la notion d`invocation du droit communautaire
parce qu`il est juge communautaire (A). L`office communautaire
du juge national connait toutefois quelques difficultés au sein de la
CEMAC, cela augure un caractère potentiel de l`office du juge national
en matière de violation du droit communautaire (B).
344 Ibid.
345 Voir l`article 44 du traité révisé CEMAC
de 2009 à Libreville au Gabon.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 112
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A/ Le juge national : juge de droit commun de l'ordre
juridique communautaire CEMAC.
L`office communautaire du juge national revient à lui
reconnaître la capacité de sanctionner les violations du droit
communautaire au niveau étatique. C`est ce que l`on appelle l`invocation
du droit communautaire devant le juge national (1). Cependant
au cas où il n`existe pas de législation communautaire à
cet effet, l`office communautaire du juge national est exercé dans le
cadre de ses règles nationales de procédure, en vertu d`un
principe d`autonomie procédurale. Il faut toutefois mettre en
lumière comment le droit communautaire CEMAC encadre cette autonomie
(2) en obligeant le juge national à assurer l`effet
utile du droit communautaire et, plus largement, une protection
juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit
communautaire.
1) L'invocation du droit communautaire devant le juge
national.
Invoquer le droit communautaire devant le juge national
revient à confier à ce dernier la sanction du droit
communautaire, en tant que juge de droit commun de l`ordre juridique
communautaire CEMAC. C`est bien à ce titre que les justiciables peuvent
faire valoir, devant le juge national, les droits que cet ordre juridique leur
confère. Au-delà de sa primauté en droit interne, le droit
communautaire doit se voir reconnaître une véritable
effectivité. Et celle-ci ne se vérifie pas nécessairement
par le prisme de l`effet direct, mais en termes d`invocation, la pierre
angulaire de l`effectivité du droit. L`invocabilité du droit
communautaire revêt plusieurs formes : « le juge national est
tenu d'appliquer le droit communautaire (invocabilité d'application); le
juge national doit écarter toute législation nationale contraire
au droit communautaire (invocabilité d'exclusion) ; le juge national a
l'obligation d'interpréter le droit national conformément au
droit communautaire (invocabilité d'interprétation) ; le juge
national peut, le cas échéant, condamner un État à
réparer les dommages qui résulteraient d'une violation du droit
communautaire (invocabilité de réparation)
»346. Qu`implique véritablement
l`invocabilité pour le justiciable devant une juridiction nationale ?
L`invocabilité démontre véritablement l`appartenance de
l`Etat et en particulier des nationaux, à un environnement juridique
bien plus grand que celui étatique. De fait les juridictions nationales
sont dans l`obligation d`écarter les législations nationales pour
appliquer le droit d`origine communautaire. Au-delà de
l`invocabilité d`application, d`exclusion et d`interprétation, il
est évident toutefois que la manifestation indéniablement la
346 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 113
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plus patente de l`invocabilité du droit communautaire
ressort de la responsabilité des États membres pour violation de
ce droit. Selon une jurisprudence européenne désormais constante,
les particuliers lésés par une violation du droit communautaire
de la part d`un État membre ont droit à réparation
dès lors que la règle de droit communautaire en cause a pour
objet de leur conférer des droits, que la violation est suffisamment
caractérisée et qu`il existe un lien de causalité direct
entre cette violation et le préjudice subi par les
particuliers347.
2) L'encadrement communautaire des règles
nationales de procédures.
Le droit du procès -- devant les juridictions
nationales -- relève de la compétence des États membres.
Ainsi l`organisation juridictionnelle qu`elle soit judiciaire, des comptes ou
administrative est régie par le droit interne des Etats membres en vertu
de ce que l`on appelle l`autonomie procédurale. Loin du cas
européen, où certains textes introduisent directement ou
indirectement, de nouvelles procédures, au niveau des États
membres, dans le procès civil, commercial348 ou
pénal349, au sein de la CEMAC la mise en oeuvre du droit
communautaire, devant le juge national, relève du droit national, en
application du principe dit de « l'autonomie procédurale
»350. Dans le contexte européen et même au
sein de la CEMAC, le principe est que les traités n`imposent pas une
organisation constitutionnelle, administrative ou juridictionnelle aux
États membres, car le soin d`assurer la protection juridique
découlant, pour les justiciables, de l`effet direct du droit
communautaire est attribué au juge national en application du principe
de coopération. Il revient donc pour l`intégration et
l`application des dispositions du droit communautaire originaire et
dérivé que l`Etat définisse les procédures à
suivre dans les juridictions nationales, à savoir les juridictions
compétentes et les règles et modalités de sanction des
violations pour sauvegarder les droits des justiciables que protège le
droit communautaire. Ainsi, les États membres demeurent libres de
structurer comme ils l`entendent leur système juridictionnel et de
déterminer la compétence interne de leurs juridictions pour les
différends dans lesquels interviennent des droits conférés
aux justiciables par le droit communautaire. Il s`agit d`une reconnaissance de
l`autonomie d`organisation juridictionnelle. Au-delà de l`autonomie
347 Voir arrêt 5 mars 1996, brasserie du pécheur
et factortame, C-46/93 et C-48/93, Rec. I-1029.
348 Voir règlement (CE) N°1896/2006 du parlement
européen et du conseil du 12 décembre 2006, instituant une
procédure européenne d`injonction de payer (JO L 399, P.1), et
règlement (CE) N°861/2007 du parlement européen et du
conseil du 11 juillet 2007, instituant une procédure européenne
de règlement de petits litiges (JO L 199, P.1)
349 Voir décision du conseil du 15 mars 2001, relative
au statut des victimes dans le cadre de procédure pénale (JO L
82, P.1).
350 LE BAULT-FERRARESE (B), « La communauté
européenne et l'autonomie institutionnelle et procédurale des
Etats membres », thèse de doctorat, université de Lyon
3, 1996.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 114
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d`organisation, il y a également autonomie des
procédures : ce sont les voies de droit prévues en droit interne
qui permettent la mise en oeuvre du droit communautaire devant les juridictions
nationales, y compris les règles relatives aux délais, à
la charge de la preuve, aux dépens. Par conséquent, afin que le
droit processuel des États membres ne remette pas en cause la
primauté et l`effet direct du droit communautaire, le principe de
l`autonomie procédurale est nécessairement encadré,
l`exercice de l`autonomie procédurale des États membres doit, en
effet, satisfaire aux exigences d`équivalence et d`effectivité.
Le principe d`équivalence exige que, pour les recours destinés
à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit
communautaire, l`application de la loi de procédure nationale se fasse
de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant
à trancher des litiges du même type, mais fondées sur du
droit purement national. Ce principe participe également à
l`effectivité du droit communautaire dans l`Etat. Ainsi par exemple, les
délais pour intenter une action en vue de faire valoir des droits
tirés du droit communautaire ne sauraient-ils pas être plus courts
que ceux d`actions intentées en vue de faire valoir des droits
tirés du droit national. Le principe d`équivalence sanctionne les
discriminations processuelles, c`est-à-dire les inégalités
de traitement, sur un plan procédural, des situations communautaires et
internes. Il n`en reste pas moins que le respect du principe
d`équivalence ne saurait suffire pour garantir une protection
juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit
communautaire. Les règles de procédure nationales doivent
être conformes au principe d`effectivité du droit communautaire et
le juge national doit ignorer, comme incompatible avec les exigences
inhérentes à la nature même du droit communautaire, toute
disposition nationale qui aurait pour effet de diminuer l`efficacité du
droit communautaire par le fait de refuser au juge compétent, pour
appliquer ce droit, le pouvoir de faire, au moment même de cette
application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les
dispositions législatives nationales formant éventuellement
obstacles à la pleine efficacité des normes
communautaires351. Le principe de protection juridictionnelle
effective requiert que la juridiction nationale puisse néanmoins
octroyer les mesures provisoires nécessaires pour assurer le respect des
droits des justiciables. Cependant au sein de la CEMAC l`office du juge
national, juge de droit commun de l`ordre juridique communautaire rencontre de
nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre. L`on pourrait même
dire que l`office du juge sus-évoqué n`est que potentiel à
la lumière des difficultés constatées dans la prise en
compte du droit communautaire dans la CEMAC.
351 Voir arrêt SIMMENTHAL, op cit.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 115
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B/ Le caractère potentiel de l'office du juge
national en matière de droit communautaire.
L`une des raisons de la révision du traité de la
CEMAC de 1994 a été le manque d`appropriation du projet
intégratif par les Etats membres de la CEMAC. Poussant ainsi la
régression du droit communautaire et du coup réduisant l`office
du juge communautaire à une fonction potentielle. Ainsi le manque
d`appropriation du projet Communauté par les Etats Membres se traduit,
au niveau national par un relais institutionnel insuffisant pour traiter des
questions communautaires. Les raisons principales au niveau de l`office du juge
national juge de droit commun de l`ordre juridique communautaire sont, le
caractère facultatif lié à l`application du droit
communautaire par le juge national (1), et au niveau des
justiciables, on mettra en exergue l`ignorance ou la méconnaissance de
la législation communautaire (2).
1) le caractère facultatif lié
à l'application du droit communautaire par le juge national.
Le procès communautaire au sein des juridictions
nationales est différent du procès national, parce qu`il fait
intervenir la nécessité de l`application du droit communautaire.
Les exigences de la primauté obligent les juges à appliquer le
droit issu de la CEMAC. Cependant, Les juges nationaux peuvent contourner les
exigences communautaires en refusant d`appliquer le droit communautaire par
simple mépris des lois issues des communautés intégratives
ou par confusion du droit communautaire au droit international ou par simple
ignorance ou par mauvaise foi. L`application du droit communautaire est ainsi
mal menée par les juges nationaux ; bien que cela n`augure rien de
positif pour l`effectivité du droit communautaire. Pour remédier
à cela le législateur communautaire à donc imaginé
une procédure de contrôle de l`activité des juges nationaux
pour rendre l`application du droit communautaire uniforme dans tous les Etats
membres de la CEMAC, à savoir le mécanisme de renvoi
préjudiciel. Ce mécanisme qui limite l`autonomie de
procédure des Etats membres, tient à la nécessaire
application uniforme du droit communautaire par les juges nationaux. Il faut
dire que l`efficience du droit commun serait compromise, si son
interprétation était intégralement abandonnée aux
juges nationaux. A la différence de sa réussite dans le contexte
européen, l`exemple communautaire centrafricain est plus complexe parce
qu`on ne peut valider l`importance d`un mécanisme s`il n`est pas
appliqué pas les juridictions nationales. Il faut dire que pour aborder
scientifiquement l`abandon de l`application du droit
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 116
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
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communautaire par les juges nationaux, nous devrions analyser
les décisions de justice des différentes juridictions des Etats
membres de la CEMAC pour comprendre les raisons de l`absence d`application du
droit communautaire. Mais nous butons sur une difficulté
particulière liée à toute recherche scientifique
c`est-à-dire les moyens et le temps à notre disposition sont
insuffisants. Mais les quelques éléments que nous avons à
notre dispositions nous permettent de dire que l`autonomie procédurale
de chaque Etat membre de la CEMAC créée une difficulté
à engager la responsabilité de l`Etat membre et encourage le
phénomène de non application du droit communautaire par les
juridictions nationales. L`autre élément qui rend l`office du
juge national en matière de droit communautaire potentiel est
l`ignorance des règles de droit communautaire par les protagonistes.
2) L'ignorance de la règle de droit
communautaire par les acteurs de la justice.
La société centrafricaine n`a eu cesse de
considérer le projet intégratif et le droit y relatif comme
« le droit d'une technocratie opaque ou d'une classe savante
»352. Cela du coup a été accentué par
le manque de publicité de la règle de droit communautaire. Bien
que la mise en place de juridiction supranationale centralise davantage le
rôle du juge interne, il lui est reconnu plus qu`a n`importe qu`elle
autorité de faire introduire le droit communautaire dans la
sphère interne, l`on ne doit point négliger l`ignorance
même, par les acteurs de la justice, du droit communautaire lui
même. Le juges ne peut donc pas appliquer dans ses décisions le
droit communautaire si les justiciable n`en font pas référence
dans les demandes de réparation, parce qu`étant peu enclin
à la connaissance du droit communautaire. Jadis dans la formation du
magistrat, il n`était nullement mis en exergue la prise en compte
prioritaire du droit communautaire dans la prise des décisions
judiciaires. De nos jours la nouvelle génération des auditeurs de
justice des Etats membres de la CEMAC est imprégnée à
l`intégration régionale et surtout au contentieux OHADA. Pourquoi
donc une faible activité judiciaire des juridictions nationales en ce
qui concerne le droit communautaire ? La réponse est à chercher
au niveau également des justiciables et des avocats qui interviennent
dans les procédures judiciaires. On peut invoquer
l`analphabétisme, l`inculture et « la crainte
révérencielle de l'Etat ou de toute forme d'autorité qui
symbolisent le pouvoir et devant lesquels il faut se plier à tout prix
»353. Quelque fois même c`est le coût des
procédures (d`enquête et d`ouverture du dossier) qui est à
l`origine. Les frais de déplacement à
352 Voir KENFACK (J), « Le juge camerounais à
l'épreuve de l'intégration économique »,
OHADATA D-08-012005, p 1.
353 TCHUINTE (J), « L'application effective du droit
communautaire en Afrique centrale », thèse de doctorat en
droit public, op cit, p 419.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 117
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N`djamena ne sont pas à la bourse de tout les
justiciables et également les frais pour s`attacher les services d`un
avocat. Et même les avocats constituent également un frein du
droit communautaire. Il faut signaler que la majorité des affaires
transmis aux juridictions sont jugées irrecevables par les juridictions
nationales. De toute évidence la formation d`avocat en Afrique centrale
est limitée en ce qui concerne le droit communautaire et ses exigences.
A remarquer qu`au Cameroun par exemple la formation est au niveau master 1 en
droit, ceci après un bref stage au sein d`un cabinet d`avocat. Et aucune
formation n`est prévue après l`admission au barreau.
CONCLUSION DU TROISIEME CHAPITRE.
En somme il faut retenir que autant les normes nationales sont
influencées dans leur matière autant tout l`ordonnancement
juridique des Etats est dans l`obligation d`intégrer le droit
communautaire dans leurs différents rapports et relations. Ceci
entrainant une remise en question de la hiérarchie des normes existantes
avant l`adhésion des Etats dans la CEMAC. Cet impact transformateur
implique des conséquences pour les Etats, à savoir
premièrement, le risque d`engager la responsabilité de l`Etat
membre en cas de violations du droit communautaire par n`importe quel organe
national de l`Etat, deuxièmement, la modification de l`office du juge
national qui devient immédiatement juge de droit commun de l`ordre
juridique communautaire. Toutefois, l`office du juge national dans cet exercice
demeure malgré tout insuffisant dans le cas de la CEMAC,
c`est-à-dire une fonction potentielle pour le juge national dans le
cadre de l`évolution de ce droit. Mais l`effet contraignant du processus
communautaire ne s`arrêt pas qu`aux normes, il va plus loin, au point de
toucher les institutions étatiques.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 118
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CHAPITRE 4 : LES IMPLICATIONS INSTITUTIONNELLES DE LA
QUALITE DE MEMBRE DE LA CEMAC POUR L'ETAT SOUVERAIN.
Dans l`objectif de respecter leurs engagements et obligations
liés à leur appartenance, à la CEMAC, les Etats se doivent
de prendre toutes mesures nécessaires générales ou
personnelles relative à l`exécution des obligations
inhérentes au traité de la CEMAC. C`est ce que stipule l`article
44 du traité révisé CEMAC, qui impose aux Etats membres
une obligation d`atteindre l`objectif du traité au détriment de
la législation nationale. Guy ISAAC et Marc BLANQUET le souligne
également lorsqu`il affirme que : « la collaboration de
l'État membre à l'application du droit communautaire prend des
formes et des dimensions variables : son appareil administratif est mis
à la disposition des Communautés pour l'exécution de leurs
décisions, sa force publique et son organisation judiciaire en assurent
le respect, au besoin par la contrainte... »354. Ainsi
donc, l`application du droit communautaire n`impliquerait pas uniquement la
réception normative dans l`ordre juridique interne, avec toutes les
conséquences que cela a pu entrainer, mais aussi pour les Etats membres
de préparer ou bien d`adapter les institutions nationales autant qu`ils
le peuvent, tant sur le plan organisationnel que fonctionnel, dans le but
d`atteindre les résultats, les objectifs envisagés et
fixés par le traité constitutif de la CEMAC. Cela nous permet, de
s`interroger sur l`incidence de la CEMAC sur les instituions nationales. On
entend par institution nationale tout le dispositif institutionnel de
l`appareil étatique national qui concours au fonctionnement de l`Etat
que ce soit les institutions du pouvoir exécutif, législatif ou
judiciaire. Il est donc indispensable de prendre en compte la complexité
du projet communautaire et des exigences qu`il implique pour comprendre les
conséquences que cela met en exergue. Il faut comprendre qu`une
modification ou une adaptation institutionnelle nationale traduit un minimum
d`acquis communautaire dans un Etat. Ces adaptations ont toujours
été le fruit d`une bonne perception de la nature même de la
communauté. C`est pourquoi, l`on assiste à une forme de
communautarisation des institutions des Etats membres comme des politiques
publiques spécifiquement en matière économique,
monétaire et sectorielle. Naturellement comme dans le cas des
implications des normes juridiques de l`Etat membre, le droit communautaire
intègre le tissu institutionnel étatique, et crée aussi
une forme de dédoublement organique et fonctionnel des instituions de
l`Etat et également une adaptation surprenante d`autres institutions
nationales dans leurs rapports qu`elles entretiennent ou non avec des
institutions communautaires. Notre appareil politico-
354 ISAAC (G) et BLANQUET (M), Droit général de
l'union européenne, op cit.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 119
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administratif doit à la fois défendre
correctement nos intérêts dans les instances communautaires, et
également permettre une application satisfaisante des décisions
comme des politiques communautaires355. Il serait donc impossible
d`aborder le sujet des implications de la qualité de membre de la CEMAC
sans parler de l`adaptation d`institutions nationales à la
qualité de membre (SECTION 1) et également
l`adaptation de certaines institutions dans les rapports avec les institutions
communautaires (SECTION 2).
SECTION 1 : LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE D'ETAT
MEMBRE DE LA CEMAC SUR LES INSTITUTIONS NATIONALES.
La CEMAC est avant tout une gestion commune de certains
politiques publiques nationales transférées au niveau
supranational par les Etats lors de leur adhésion. L`Etat assume ainsi
une double fonctionnalité par ses instituions représentatives. Il
s`agit de défendre les intérêts de la nation au sein de la
communauté et de mener la gestion de la cité en tenant compte des
décisions communes adoptées et consenties dans ses fonctions
d`autorité communautaire. On assiste ainsi à la naissance d`un
dualisme fonctionnel des institutions qui assument la fonction
exécutive, comme des départements ministériels
(paragraphe I), qui se trouve obligés de tenir compte
de la communauté dans la gestion de leur portefeuille. Mais cette
réception institutionnelle n`est pourtant pas au même degré
d`influence pour toute les institutions nationales, parce que les parlements
nationaux sont presque pas concernés par cette vague de
communautarisation qui frappe les Etats membres de la CEMAC (paragraphe
II).
PARAGRAPHE I : la communautarisation des instituions
exécutives de l'Etat membre
de la CEMAC.
Il s`agira ici de parler succinctement de la
communautarisation de l`exécutif bicéphale des Etats membres de
la CEMAC (A) et également le rôle des
ministères qui se trouvent aussi dans l`obligation d`arrimer le
développement de leur département ministériel au respect
et à la prise en compte du droit communautaire (B).
A/ La communautarisation de l'exécutif
bicéphale des Etats membres.
C`est surprenant peut être d`affirmer que les
institutions nationales de l`exécutif sont influencés par leur
appartenance à la CEMAC. En fait, le Président de la
355 OBERDORFF (H), « Les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises »,
revues pouvoirs, N°69, pp 95-106, spec. p 99.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 120
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république, autant que le Premier ministère
c`est-à-dire la tête de l`exécutif subissent, du fait de
leur participation aux organes de gestion commune de la CEMAC, le projet
intégratif. Ainsi le président de la
république(1) et le premier
ministre(2) subissent quelques aménagements dû
à l`appartenance de l`Etat à la CEMAC.
1) La communautarisation de la Présidence de la
république.
A la différence de la politique internationale des
Etats qui est généralement gérée essentiellement
par le Président de la république et le ministère des
affaires étrangères ou de relations extérieures, la
politique communautaire mobilise bien plus qu`une institution de l`Etat. Il
exige la participation des deux têtes de l`exécutif de chaque Etat
membre de la CEMAC. Ceci participe à l`élaboration de la
politique communautaire au sein de la conférence des chefs d`Etat. Comme
son nom l`indique si bien il s`agit de l`un des organes de gestion de la CEMAC,
le plus prééminent. Ne peuvent faire partie de cet organe que les
chefs d`Etat des pays membres de la CEMAC. « La Conférence des
Chefs d'Etat détermine la politique de la Communauté et oriente
l'action du Conseil des Ministres de l'UEAC et du Comité
Ministériel de l'UMAC. Elle fixe le siège des Institutions, des
Organes et des Institutions Spécialisées de la Communauté.
Elle nomme et révoque leurs dirigeants conformément aux
dispositions »356. La prééminence de
l`exécutif dans la conduite de la politique communautaire est
éclatante. Une concordance presque parfaite apparaît entre la
valorisation de l`exécutif, sur le plan national, et l`importance de ses
représentants dans la conférence des chefs d`Etats
conformément au texte constitutif de la CEMAC. Comme dans la
majorité des Etats membres de la CEMAC, il existe un exécutif
bicéphale. Cette dyarchie de l`Exécutif des Etats membres subit
le processus communautaire différemment. Comme se passe la gestion de
l`exécutif en droit interne des Etats. C`est-à-dire l`institution
de Président de la république définit la politique
générale de la nation et les grandes actions et le Premier
ministre l`exécute. Par conséquent, même en ce qui concerne
les implications de la qualité de membre sur l`exécutif, on
remarque une prééminence du Président de la
république sur le chef du gouvernement. Le Président, par sa
participation constante à la conférence des chefs d`Etats, par sa
présidence non moins régulière de la Communauté
dans son ensemble, a la charge de définir les grandes orientations de la
politique communautaire de son Etat. Autrement dit, il est astreint à
définir cette politique en tenant compte de la politique
356 Article 12 du traité révisé CEMAC du
25 juin 2008 signé à Yaoundé révisé
également le 30 Janvier 2009 à Libreville au Gabon «La
Conférence des Chefs d'Etat détermine la politique de la
Communauté et oriente l'action du Conseil des Ministres de l'UEAC et du
Comité Ministériel de l'UMAC ».
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commune qu`il adopte avec ses compères au niveau
supranationale. De cet effet, le Président de la république est
à la fois la tête prééminente de l`exécutif
nationale, et également au sein de la communauté. Ainsi donc
l`appartenance à la CEMAC ajoute à la fonction
présidentielle une autre à savoir celle de membre influent de
l`exécutif communautaire. Le Président de la république
devient le chef de l`exécutif national et membre de l`exécutif
communautaire. Les deux casquettes n`étant pas opposables, le chef de
l`Etat assume ses fonctions de chef de l`exécutif en tenant compte dans
des décisions et des positions de la communauté telles que
défendues par lui pour son Etat au sein de la communauté. Nous
constatons que l`appartenance de l`Etat à la CEMAC amène les
autorités nationales à s`adapter par une forme de gymnastique
institutionnelle quelque fois touchant les relations entre les deux têtes
de l`exécutif. Il faut dire que le Premier ministre ne
bénéficie pas d`autant de majesté que le Président
de la république avec qui il partage la tête de
l`exécutif.
2) La communautarisation du Premier
ministre.
Au sein de l`exécutif bicéphale, selon les
dispositions constitutionnelles des Etats membres de la CEMAC, le Premier
ministre, le chef du gouvernement est généralement chargé
de mettre en oeuvre la politique de la nation telle que décidé
par le Président de la république357 , seul ou avec le
gouvernement358. L`appartenance des Etats de l`Afrique centrale
à la CEMAC et la communautarisation de ceux-ci, ne change
véritablement pas le rapport de force existant entre le Premier ministre
et le président de la république. La communautarisation conduit
le Premier ministre, d`une part à mettre en oeuvre les orientations
présidentielles, d`autre part à veiller à la
cohérence de la position de la nation dans la gestion quotidienne de sa
politique communautaire359. C`est la situation normale de gestion de
l`exécutif national qui demeure. Parce que le Premier ministre joue son
rôle du fait de sa fonction en droit interne sauf qu`il devra maintenant
tenir compte de la politique communautaire dans la mise en oeuvre des
aspirations politiques du président de la république dans l`Etat.
La situation restera-t-elle inchangée si nous assistons à un cas
de cohabitation360 au sein de l`exécutif national ? Des Etats
comme la guinée équatoriale peuvent connaitre des
357 C`est le cas du Cameroun, de la Guinée Equatoriale, du
Gabon, du Congo et de la Centrafrique.
358 Comme c`est le cas du Tchad voire l`article 94 de sa
constitution qui stipule « Le Gouvernement définit et
exécute la politique de la Nation déterminée en Conseil
des Ministres »
359 OBERDORFF (H), « les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, pp 95-106 spec. p 100.
360 La cohabitation en droit constitutionnel est la situation
dans la quelle le parti politique du président de la république
n`étant pas majoritaire au parlement, le président se trouve dans
l`obligation de composer un gouvernement avec les membres du parti adverse pour
pouvoir gouverner. Ce sont des scenarios que l`on a généralement
coutume de voir en France.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 122
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
périodes de cohabitation361. Dans ce cas le
tandem déséquilibré formé en période normale
de gestion du pouvoir en faveur du président de la république,
doit être revu parce que la cohabitation implique une gestion à
égale prérogative entre le chef de l`Etat et le chef du
gouvernement. Cependant il n`y a qu`une seule place et une seule voix pour
chaque Etat membre au sein de la conférence des chefs d`Etats. Dans
l`hypothèse ou le Premier ministre aspire alors naturellement à
apparaître sur la scène communautaire, la
crédibilité de l`Etat en question exigerait que ce pays parle
d`une seule voix sans trop de dissonances. La CEMAC induirait alors une forme
de cohabitation consensuelle362 aux niveaux des Etats. Quid
du reste de l`équipe gouvernementale ?
B/ La communautarisation des ministères.
Dans l`équipe gouvernementale, le processus a
poussé certains Etats comme la Guinée Equatoriale à la
mise sur pied selon la directive communautaire un département
ministériel qui ne s`occupe que des questions d`intégration et de
coopération régionales, d`autres Etats par contre ont
créés dans le département ministériel existant
comme celui des relations extérieures ou des affaires
étrangères ou de l`économie et des finances, des services
techniques spécialisés sur l`intégration communautaire. Ce
constat met en exergue des départements ministériels dont le
portefeuille correspond avec les domaines de compétence de la
communauté et qui doivent siéger au sein des organes
d`élaboration et d`adoption des règles de droit communautaire
(1). Toutefois, pour faire face à l`avènement du
droit communautaire, les Etats membres ont dû spécialiser ou
restructurer certains départements ministériels
(2).
1) Les départements ministériels
participant au fonctionnement de la CEMAC.
Parmi les organes qui participent au fonctionnement de la
CEMAC, nous avons ceux qui font la part belle à la participation des
ministères chargés soit de l`économie, soit des finances
ou bien de l`intégration. Au sein de la CEMAC, il s`agit du «
Conseil des Ministres de l'UEAC »363. C`est un organe
chargé d`assurer « la direction de l'Union Economique
»364 de la CEMAC. Cet organe permet aux ministères
des Etats membres de la
361 Conformément à l`article 52 de la
constitution de la Guinée Equatoriale du 17 janvier 1995 « Le
Premier Ministre est issu du parti politique qui a obtenu la majorité
des sièges à l'Assemblée nationale »
362 OBERDORFF (H), « Les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, p 104.
363 Article 18 du traité révisé CEMAC de
2008 stipule que « Le Conseil est composé des
représentants des Etats membres, comprenant les Ministres en charge des
finances, de l'intégration et des affaires économiques
».
364 Article 17 du traité révisé CEMAC
stipule « Le Conseil des Ministres assure la direction de l'Union
Economique par l'exercice des pouvoirs que la Convention de l'UEAC lui accorde
»
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 123
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CEMAC, en charge des départements suscités de
s`accorder sur une politique commune de l`économie. Comme autre organe
communautaire regroupant les ministres des Etats membres, l`on peut citer le
comité inter ministériel. Il s`agit d`un organe communautaire
d`orientation des actions commune à entreprendre dans les Etats membres,
sur le domaine monétaire. Il regroupe, comme le texte CEMAC l`indique si
bien « ...deux Ministres, dont le Ministre chargé des
finances... »365. Cet organe a pour fonction d`examiner
« les grandes orientations des politiques économiques
respectives des Etats membres de la Communauté et en assure la
cohérence avec la politique monétaire commune
»366. Le constat fait, les ministères participant
de manière très active au développement de la
communauté sont entre autres les ministères de l`Economie, des
finances, des questions de l`intégration régionale et de
coopération. Ces ministères se transforment par l`effet de la
communauté, en des ministères de coordination de la politique
économique et monétaire des Etats membres. Raison pour laquelle,
ils ont une double feuille de route ministérielle à savoir :
d`une part communautaire, c`est-à-dire ils doivent s`accorder sur une
orientation de la politique économique et monétaire de la
communauté dans le strict respect des directives
développées par les chefs d`Etats au sein de la conférence
des chefs d`Etat de la CEMAC. Il faut signifier que s`accorder pour Ces
ministres revient à trouver un compromis, un consensus sur les grands
axes de l`action économique et monétaire communautaire. D`autre
part, la posture de ministre de l`Economie, des finances ou celui de
l`intégration impose aussi une défense absolue des
intérêts de leurs pays respectifs, un développement et une
application d`une politique économique ou monétaire nationale
respectant les mesures prises plus haut par le conseil des ministres ou le
comité interministériel. Etant doté d`un rôle
privilégié au sein de la communauté, Ces différents
ministères se trouvent dans l`obligation de se restructurer pour
respecter les exigences de la communauté. Il faudra par exemple du fait
de l`augmentation dans ses départements des compétences
communautaires, recycler le personnel ministériel aux affaires
communautaires ou en former une nouvelle caste d`élite
spécialisée sur les questions communautaires. C`est ce qui se
passe dans les Etats comme la France, ou « l'augmentation des
compétences européennes a multiplié les formations
spécialisées du Conseil des ministres européens
»367. Comme l`auteur l`affirme à la suite, «
les agendas de nos ministres font une
365 Article 22 du traité révisé CEMAC de
2008 « Chaque Etat membre est représenté au
Comité Ministériel par deux Ministres, dont le Ministre
chargé des finances, et ne dispose que d'une voix exprimée par ce
dernier »
366 Article 21 du traité révisé CEMAC de
2008 «Le Comité Ministériel examine les grandes
orientations des politiques économiques respectives des Etats membres de
la Communauté et en assure la cohérence avec la politique
monétaire commune. Les attributions du Comité Ministériel
sont précisées dans la Convention régissant l'UMAC
»
367 OBERDORFF (H), « Les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, p 100.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 124
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
part de plus en plus importante aux affaires
européennes. La participation au Conseil des ministres de la
Communauté valorise le ministre national »368.
Autrement dit la participation active des ministres nationaux augmente le
prestige de ceux-ci parce que « prendre effectivement des
décisions, négocier avec des collègues gérant le
même type de département ministériel donnent aux ministres
le sentiment d'une plus grande utilité fonctionnelle que lors des
réunions formelles du Conseil des ministres »369.
Bien plus encore, ce prestige double la responsabilité des ministres,
Autant au niveau communautaire que national elle élève la
fonction de ministre en charge de l`économie, des finances ou de
l`intégration à un statut supranational parce que les ministres
deviennent les concepteurs de l`action communautaire. Ils effectuent la grande
partie de leur travail ministériel au sein de la communauté, Pour
concevoir les actions à entreprendre dans la mise en oeuvre de la
politique économique et monétaire de la CEMAC. Au niveau
national, ils essayent de la mettre en place, selon les mesures prises plus
haut. On peut dire que les ministres font un travail d`élaboration des
actions communes économique ou monétaire nationales au sein des
organes communautaires, la nation devient alors un champ d`application des
mesures communautaires. Au sein des organes de la CEMAC, les ministres
décident parfois, et au sein des conseils des ministres ils approuvent
le plus souvent les décisions du président de la
république ou du premier ministre. Cela démontre
l`effectivité d`une communautarisation supranationale de la politique
économique et monétaire nationale, et également de la
fonction de ministre chargé de l`économie, des finances ou de
l`intégration.
2) La spécialisation et la restructuration
des autres ministères nationaux des Etats membres de la
CEMAC.
Mis à part les ministères concernés par
l`activité de la communauté, il faut dire que les autres
ministères subissent comme la société nationale, les
effets de la CEMAC. Dans certains Etats, comme la Guinée Equatoriale et
le Congo370, ont respectés l`acte additionnel
N°18/08-CEMAC-CCE-09371 en optant pour la création d`un
département ministériel spécialement compétent pour
connaitre des questions d`intégration et de coopération
régionale, ou ont ajouté au ministère existant le porte
feuille de l`intégration.
368 Ibid.
369 Ibid.
370 Le Congo a attribué au ministère de
l`économie, la gestion des questions d`intégration il s`agit du
ministère de l`économie, des finances, du plan, du porte feuille
public et de l`intégration.
371 l`acte additionnel N°18/08-CEMAC-CCE-09 portant
adoption du principe de la mise en place généralisée des
ministères chargés de l`intégration régionale au
sein des gouvernements des Etats membres de la CEMAC signé le 25 Juin
2008 à Yaoundé au Cameroun en son article 1 « les Etats
membres de la CEMAC sont invités à mettre en place une structure
nationale chargée des questions de l'intégration. »
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 125
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Cette prise au sérieux de la communautarisation
manifeste encore plus les implications de la qualité de membre de la
CEMAC sur l`Etat. Dans le même acte additionnel sus-évoqué
l`article 2 stipule la création dans le département responsable
de l`intégration une cellule interministérielle chargée du
suivi des questions de l`intégration372 D`autres ont
décidé de restructurer leurs ministères des questions
diplomatiques, en créant par exemple des directions ou des services
techniques responsables des questions d`intégration
régionale373. Les départements ministériels qui
n`ont pas de rapport direct avec la CEMAC ou des questions d`intégration
adaptent simplement leurs directives et circulaires aux mesures et
décisions communautaires. De plus la communauté n`élabore
pas des normes communautaires relatives uniquement à l`économie
et à la monnaie. Il existe également d`autres domaines de la
politique nationale qui se trouvent être communautarisés par la
CEMAC. Cela s`appelle les politiques sectorielles de la CEMAC qui concernent :
l`agriculture, l`élevage, la pêche, l`industrie, le commerce, le
tourisme, le transport, l`aménagement du territoire communautaire et les
grands projets d`infrastructure, les télécommunications, les
technologies de l`information et de la communication, les questions
d`environnement et de d`énergie374. Il faut dire que ces
domaines d`harmonisation des politiques nationales toucheront à coup
sûr plusieurs départements ministériels. La
conséquence directe serait l`obligation de Ces ministères de
prendre en compte, dans leur organisation ou leur fonctionnement, les mesures
décidées au niveau supranational. Ainsi l`élaboration de
la feuille de route des ministères concernés se fera
désormais au sein de la CEMAC et les ministres nationaux en charge de
ces domaines seront que des exécutants des décisions et des
mesures prises plus haut, du moins s`ils ne participent pas à
l`élaboration de ces mesures. Le processus d`intégration
risquerait à la longue, de toucher effectivement tous les pans de la
société nationale. On assistera incapable, à la
transformation de l`Etat souverain, en celui partageant sa souveraineté
et ses compétences nationales. L`Etat ne sera plus que le terrain
d`action et d`application des règles de droit communautaire. Une part
importante étant réservée aux institutions
exécutives qui développent et mettent en application la politique
de la nation. Ils ne la développeront plus unilatéralement selon
le principe international de l`indépendance inhérente à la
souveraineté. Mais de manière commune avec les autres Etats, au
niveau supranationale, l`Etat se cantonnera à devoir les appliquer selon
les moyens qui lui conviennent, parce que c`est à ce
372 Ibid. article 2 « la structure
nationale visée à l'article 1er du présent acte
additionnel intégré en son sein une cellule
interministérielle chargée du suivi des questions de
l'intégration »
373 C`est le cas par exemple du Cameroun qui gère les
questions d`intégration dans la direction des affaires africaines du
ministère des relations extérieures.
374 Voir a cet effet l`article 6 de la convention
régissant l`Union Economique de l`Afrique centrale.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 126
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
niveau que le principe sacro-saint d`indépendance sera
à même de faire son effet. Dans le strict contrôle national
et communautaire, par ce que la moindre application qui entrainera la violation
des droits des citoyens, sera de nature à engager la
responsabilité de l`Etat membre. L`Etat est donc phagocyté par le
droit communautaire. Malgré cela, grande est notre surprise quant
à l`impact mitigé de la communauté sur les parlements
nationaux.
PARAGRAPHE II : la communautarisation relative de la
qualité d'Etat membre sur les parlements nationaux.
Le Parlement dispose d`un rôle relativement modeste dans
les affaires communautaires de la CEMAC. La raison principale se trouve dans le
rôle même joué par les parlements nationaux dans les Etats
membres de la CEMAC qui sont cantonnés généralement au
rôle de chambre d`enregistrement. Bien qu`il existe des raisons autres
que constitutionnelles qui expliquent celles du relatif impact de
l`intégration communautaire sur les parlements nationaux
(A). Toutefois avec le temps et l`influence de plus en plus
grandissante de la CEMAC dans le fonctionnement des Etats membres, l`on
constate, une forme de regain d`intérêt de la part des parlements
nationaux pour les questions d`intégration communautaire. Les raisons
étant généralement d`ordre interne
(B).
A/ Les raisons du relatif impact de la CEMAC sur les
parlements nationaux.
Les raisons du rôle relativement modeste des parlements
nationaux, tiendraient peut être au statut de chambres d`enregistrement
de la majorité des parlements africains. Mais cela signifiera que l`on
soit superficiel dans notre recherche. Car le rôle de marionnette de
l`exécutif n`explique pas véritablement pourquoi les parlements
nationaux sont mis à l` écart dans le fonctionnement de la CEMAC.
A l`évidence les véritables raisons sont liées, au
caractère même de la règle de droit communautaire
(1), et sont également en rapport avec les
considérations tenant à l`appréhension du droit
communautaire par les parlements nationaux (2).
1) Les raisons inhérentes aux principes
fondamentaux de droit communautaires : l'applicabilité immédiate
et l'effet direct.
Le désintéressement des parlements nationaux
à la CEMAC est très visible. Et La vie politique nationale l`a
confirmé à de multiples reprises. La communauté est venue
mettre un accent particulier à cette mise à l`écart. Les
principes d`applicabilité immédiate et de l`effet direct sont en
grande partie les causes de cette absence des parlements
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 127
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
nationaux dans les activités communautaires. La CEMAC
ne développe pas véritablement dans la gestion de ses
activités, les principes démocratiques inhérentes aux
parlements, l`on peut même dire que si le déficit
démocratique existe au niveau de la construction communautaire, il se
trouve plutôt à ce niveau. Car le parlement est la manifestation
de la volonté générale dans la gestion de la cité.
Cette volonté étant au sein de la construction
démocratique, toute réserve de l`Etat à la participation
du peuple à la prise des décisions nationales est perçue
comme un manque de principe démocratique dans la gestion. La question de
l`applicabilité immédiate qui est un principe fondamental
signifiant la mise à l`écart de toute mesure législative
nationale d`entré en vigueur de la règle de droit communautaire,
contourne de façon intelligente l`activité parlementaire des
Etats. Le parlement devient spectateur de l`entrée des normes
n`étant pas de sa propre initiative. Car ces normes communautaires ne
sont pas issues de l`oeuvre du parlement communautaire. Les parlements se
trouvent doublement exclus de la chose communautaire parce que ne pouvant ni
intervenir à l`élaboration de cette norme, ni la contrôler.
Les parlements sont déclarés implicitement inexistants dans le
dispositif fonctionnel de la CEMAC. L`effet direct, confirme la posture
adoptée par la CEMAC vis-à-vis des parlements nationaux à
savoir l`inutilité de ceux-ci dans l`élaboration des
règles de droit communautaire. La philosophie Rousseauiste qui voyait en
la loi une manifestation de la volonté générale est
caduque avec l`avènement de la communauté. La communautarisation
rend les lois d`application des normes étatiques chère au
souverainiste désuètes. Peut-on légitimement dire que les
parlements nationaux comprennent effectivement ce qu`implique la CEMAC ?
Arrivent-t-ils à faire la distinction entre les questions communautaires
et les questions internationales ?
2) Les raisons tenant aux considérations
parlementaires des questions communautaires.
Les Parlements nationaux ne se sont pas à l`instant
intéressés aux
questions communautaires, car considérées,
« d'une part comme des questions internationales, d'autre part
comme le domaine réservé de l'exécutif
»375. Et l`importance de l`exécutif dans le
fonctionnement de la communauté ne le dément pas. La politique
communautaire des Etats membres échappe en grande partie aux
assemblées parlementaires. Les parlementaires ne s`intéressent
qu`aux questions internationales parce qu`elles sont soumises au parlement pour
autorisation de ratification dans l`optique de faire pénétrer
la
375 OBERDORFF (H), « Les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, p 100.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 128
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
norme en question dans l`ordonnancement juridique des Etats.
Cependant la norme de droit communautaire, à la différence de
celle de droit international, n`a nullement besoin d`une loi d`habilitation
pour entrer en vigueur dans un Etat. Il faut aussi signaler que, la
Constitution donne au gouvernement des prérogatives en matière de
relation extérieure qu`il ne partage véritablement pas avec les
assemblées. Elles peuvent éventuellement s`informer,
contrôler mais non gouverner les rapports de l`Etat avec les questions
internationales encore moins des questions communautaires. Le parlement se sent
concerné par les questions communautaires que dans le cas de la
transposition des directives communautaires en droit interne. La marge de
manoeuvre ou d`appréciation du parlement y est aussi restreinte. Les
directives, lorsqu`elles concernent le domaine législatif,
théoriquement lui permettent une adaptation nationale pour atteindre les
objectifs qu`elles posent mais la loi de transposition de doit pas chercher
à réduire l`esprit de la directive ce qui rend le travail
parlementaire très stéréotypé et
mécanisé, limitant encore plus l`intérêt du
parlement pour le droit venu de la Communauté. Au sein de l`union
européenne, les assemblées afin d`éviter une plus forte
dépossession, ont souhaité être dotées des moyens
d`améliorer leur connaissance et leur compétence
européennes. Les délégations parlementaires pour les
Communautés européennes créées en 1979,
renforcées en 1990, ont incontestablement permis une meilleure
appréhension de l`Europe communautaire par le parlement, mais restent
des institutions modestes au sein même des assemblées. Au niveau
de la CEMAC, la question des faiblesses des parlements nationaux en ce qui
concerne la communauté, pose des problèmes de la distinction par
les parlements nationaux des questions internationales et communautaires. Et
les parlements nationaux doivent comprendre la différence qui existe
entre les questions internationales et communautaires. Les parlements nationaux
doivent aussi intervenir dans le processus d`intégration. Dans l`union
européenne par exemple, le progrès de l'intégration a
entraîné une modification du rôle des parlements nationaux.
Divers instruments de coopération entre le parlement européen et
les parlements nationaux ont été créés afin de
garantir un contrôle démocratique efficace de la
législation européenne à tous les niveaux. Cette tendance
a été renforcée par les nouvelles dispositions introduites
par le traité de Lisbonne376. En transférant à
des institutions communes le pouvoir de décision, jusque-là
détenus par les États, la construction communautaire
entraîne en elle-même une diminution du rôle des parlements
nationaux, à la fois comme législateurs, comme autorités
budgétaires et comme contrôleurs des exécutifs. Le
transfert des responsabilités de l'échelon national à
l'échelon communautaire s'est effectué essentiellement en
direction de la
376 Voir a cet effet l`article 12 du traité sur l`UE.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 129
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
conférence des chefs d`Etats, et le parlement
communautaire lui même n'a pas acquis tous les pouvoirs qui lui auraient
permis de jouer un rôle parlementaire complet dans les affaires
communautaires. Il y a cet effet un "déficit
démocratique"377 structurel. Au sein de l`union
européenne, les parlements nationaux, de plus en plus
préoccupés par leur perte d'influence, en sont venus à
considérer un contrôle national plus efficace des activités
européennes de leurs gouvernements ainsi que des relations plus
étroites avec le parlement européen comme un moyen adéquat
en vue de restaurer l'influence perdue en même temps que de s'assurer que
l'Europe soit bâtie sur la base de principes démocratiques. Comme
dans le cas de l`union européenne, les parlements nationaux des Etats
membres de la CEMAC sont entrain de manifester un regain d`intérêt
sur les activités communautaires.
B/ Les raisons du regain d'intérêt sur les
activités communautaires par les parlements nationaux.
Comme au niveau de l`union européenne, la
dépossession des compétences des législateurs nationaux a
été perçue par ceux-ci comme un empiétement sur le
domaine de compétence des assemblées. Il devient tout à
fait légitime pour les parlements nationaux de s`intéresser
à l`intégration sous régionale. Ce regain
d`intérêts s`explique simplement par la perte et la
réduction du domaine de compétence du parlement en ce qui
concerne le domaine de la loi (1) et également celui du
contrôle de l`action gouvernementale (2).
1) Les raisons liée à la perte et
à la réduction du domaine de compétence législative
des parlements nationaux.
La perte ou la réduction des compétences sur des
domaines réservés à la loi par les constitutions aux
parlements nationaux inquiète ceux-ci et éveille un regain
d`intérêt sur les questions communautaires. Pour comprendre
l`intérêt naissant des parlements nationaux sur les
activités communautaires, il faut tenir compte des conflits qui
existeraient sur les domaines dans lesquels la communauté a
bénéficié du transfert de compétence. Pour en fin
se rendre compte que, plusieurs domaines de compétences des parlements
nationaux ont été perdus. Les parlements nationaux devenant, dans
ce processus de communautarisation des Etats membres, au pire des cas,
lésés par cette action, au meilleur des cas, ils deviennent des
acteurs secondaires dans les domaines de la loi sur laquelle les parlements
nationaux et la communauté sont en concurrence. L`initiative des lois
nationales revenants désormais non
377 OBERDORFF (H), « les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, p 98.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 130
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
plus seulement aux parlements nationaux (la proposition de
loi), ou à l`exécutif (projet de lois) mais également
à la CEMAC, avec la particularité que les parlements nationaux
n`ont même pas un droit de regard sur l`initiative communautaire. N`ayant
pas déjà une posture qui devrait être la sienne au sein des
Etats membres de la CEMAC, l`on constate un déclin, et les qualificatifs
ne manquent pas pour stigmatiser la position qui serait celle des parlements
nationaux sous l`effet de la CEMAC, devenant des obéissant d`une
communauté dominante et surpuissante. L`on en vient à se demander
qui fait la loi dans le contexte de communauté d`intégration ? La
question mérite d`être posée, dans la mesure où les
constitutions des Etats membres de la CEMAC sont claires en affirmant que la
loi est votée par le parlement. L`appartenance à la CEMAC est
venue réduire les pouvoirs des parlements nationaux en matière
législative par l`autorité dont elle fait preuve lors de la
conception et l`entrée en vigueur de la norme de droit communautaire
dans l`ordre juridique national. Des lors, les parlements nationaux, dans le
processus de communautarisation des Etats membres de la CEMAC, sont devenus de
plus en plus lésés et également dépouillés
d`une partie de leurs prérogatives dans ce processus
d`intégration communautaire. Il devient nécessaire
d`élaborer un compromis nécessaire pour rétablir un
parlement en décadence autant sur le plan national que communautaire,
d`où le regain d`intérêt des parlementaires sur les
domaines de compétence de la loi transférée à la
communauté. Il serait parfaitement logique de proposer que les
règles de droit devant être légiférées au
sein de la communauté, puissent être inscrites prioritairement
à l`ordre du jour dans les parlements nationaux, surtout discutés
et adoptés sans être fondamentalement modifiés, au risque
de mettre en péril la politique communautaire voulue par les
gouvernements et chefs d`Etats de la CEMAC. Dans ce cas les parlementaires
seront associés d`une façon indirecte à la prise des
décisions au sein de la CEMAC. Les parlements nationaux participeront de
leur manière au processus de communautarisation des Etats membres de la
CEMAC. En conséquence, étant généralement
responsable devant l`assemblée nationale, le gouvernement y engagera
éventuellement son existence sur le vote d`un texte qui exprime la
politique communautaire telle qu`il l`a déterminée au sein de la
communauté, le Parlement restant libre de refuser, non pas ce texte,
mais la politique communautaire qu`il incarne et le gouvernement national qui
la soutient378
378 En paraphrasant VANDENDRIESSCHE (X), « le
parlement entre déclin et modernité », revue pouvoirs,
N°99, pp 59-70, spec. p 62.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 131
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
2) La raison relative au contrôle de la
politique communautaire du gouvernement par les parlements
nationaux.
Les parlements nationaux bien qu`ils soient en marge du
processus communautaire au sein de la CEMAC, détiennent un pouvoir
limité concernant le contrôle de l`action communautaire des
gouvernements nationaux. Semblant dans la mesure où cette action n`aura
véritablement pas d`impact sur la politique communautaire telle
qu`élaborée par les Etats membres. Tout de même, elle
permet de faire passer un message aux dirigeants de la communauté, et
éventuellement de faire entendre les aspirations des populations
nationales qui constituent le peuple communautaire. Si les parlements nationaux
renoncent à interférer dans l`action de légiférer
de la communauté, il faudra se résoudre a ce que le rôle
des parlements nationaux modernes au sein des Etats membres, n`est plus de
légiférer en tant que tel, mais de porter une appréciation
éclairée sur les conditions mêmes de mise en oeuvre des
politiques communautaires déterminées par les gouvernements au
sein des organes de gestion de la communauté. Le rôle essentiel du
Parlement en matière communautaire, se situera au contrôle en
cours d`exécution du droit communautaire, entraînant
éventuellement la modification des objectifs et/ou des moyens
déployés pour les atteindre. Mais plutôt, un contrôle
a posteriori, le parlement ayant alors véritablement la
faculté de porter un jugement éclairé sur la
réalisation des politiques communautaires initiées par les
membres des gouvernements réunis au sein des organes communautaires.
Dans cette perspective, il sera important de renforcer les moyens et les
pouvoirs des commissions parlementaires, C`est-à-dire des organes
permanents au sein des chambres du parlement, qui disposent d`un
véritable potentiel pour devenir des outils permanents de contrôle
de l`action politique communautaire du gouvernement ; sans modifier leur action
dans le domaine législatif, il conviendrait alors de renforcer leur
capacité à informer le parlement tout entier des conditions de
mise en oeuvre des politiques communautaires gouvernementales. Cependant, le
constat actuel est relativement décevant : la responsabilité
politique gouvernementale organisée par les constitutions des Etats
membres de la CEMAC est une procédure parfaitement
disproportionnée dans ses effets et très largement insusceptible
d`être mise en oeuvre en raison de la force du fait majoritaire au
parlement. Ainsi, sans remettre en cause le dogme de la responsabilité
solidaire et collégiale du gouvernement, il est peut-être temps de
permettre aux parlements nationaux (et surtout peut-être à leurs
commissions) d`engager la responsabilité individuelle d`un ministre
responsable au niveau communautaire. Il serait ainsi possible de mettre en
place un mécanisme obligeant chaque année les ministres à
rendre compte de leurs
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 132
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
activités communautaires devant la commission
parlementaire compétente ; il reviendrait ensuite au chef du
gouvernement le soin d`évaluer si cette mise en cause doit affecter
l`ensemble du gouvernement et entraîner sa démission. Cela
entrainerait inéluctablement un souffle de démocratie au sein de
la CEMAC, bien que cela soit au niveau national. Toutefois l`on constate qu`au
niveau communautaire et national, des institutions joueraient a priori
le même rôle. Alors comment est organisée la relation
entre ses institutions symétriques.
SECTION 2 : L'EVALUATION DES RAPPORTS ENTRE LES
INSTITUTIONS
SYMETRIQUE COMMUNAUTAIRE ET ETATIQUE.
Le constat est qu`il existe des institutions nationales que
l`on retrouve également au niveau communautaire. Cela attire notre
attention parce qu`il pourrait se poser plus tard un problème de
coordination entre d`une part les parlements nationaux et le parlement
communautaire, et d`autre part la cour de justice de la CEMAC et les
juridictions nationales. Nous entendons montrer dans cette section les rapports
qu`entretiendraient ces institutions entre elles. En mettant en évidence
dans la relation cour de justice de la CEMAC et les juridictions nationales des
rapports de collaboration (Paragraphe I). Cela n`est pas le
cas entre le parlement communautaire et les parlements nationaux dont les
prérogatives divergentes permettent de conclure à des rapports
peu conciliants (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES RAPPORTS DE COOPERATION ENTRE LA COUR
DE
JUSTICE DE LA CEMAC ET LES JURIDICTIONS NATIONALES.
Créée par le traité CEMAC de 1994
révisé en 2008 et en 2009, la cour de justice de la CEMAC est
régie par la convention de 2009. « La cour de justice veille au
respect du droit quant à l'interprétation et à
l'application du traité de la CEMAC et des textes subséquents
»379. Elle partage ainsi avec les juridictions nationales
cette compétence. Pour éviter des éventuels conflits de
compétences entre la cour de justice de la CEMAC et les juridictions
nationales, la procédure de renvoi préjudiciel a
été développée en droit communautaire
(A) pour harmoniser les rapports entre Ces deux institutions.
Cependant persistent des difficultés dans sa mise en oeuvre au sein du
système CEMAC (B).
379 Voir l`article 2 de la convention régissant la cour de
justice de la CEMAC.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 133
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
A/ La présentation du mécanisme du
renvoi préjudiciel en droit de la CEMAC.
La procédure dont l`importance n`est plus à
démontrer au sein droit communautaire européen380,
permet autant que cela soit possible, à harmoniser ce droit. Le renvoi
préjudiciel a seulement certaines fonctions bien précises, et
concerne des organes spécifiques (1). Mais aussi et
surtout certaines normes de droit communautaire, et suit une procédure
d`examen liée aux questions préjudicielles
(2).
1) Les fonctions du renvoi préjudiciel et les
organes concernés.
Comme l`indique si bien le juge Georges TATY de la cour de
justice de la CEMAC, La procédure de renvoi préjudiciel en droit
communautaire consiste en ce qu`une juridiction nationale, qu'elle soit
judicaire, administrative ou financière, estimera qu'une question
soulevée à l'occasion d'un litige de sa compétence met en
cause l'interprétation d'une norme du traité ou d'un acte de
droit dérivé, elle pourra surseoir à statuer et renvoyer
la question à la chambre judiciaire381. La convention
régissant la cour de justice de la CEMAC stipule que « la
Chambre Judiciaire statue à titre préjudiciel sur
l'interprétation du Traité de la C.E.M.A.C. et des Textes
subséquents, sur la légalité et l'interprétation
des Statuts et des Actes des organes de la C.E.M.A.C., quand une juridiction
nationale ou un organisme à fonction juridictionnelle est appelé
à en connaître à l'occasion d'un litige
»382. Il faut dire que le mécanisme
évoqué par l`article 17 de la convention régissant la cour
de justice de la CEMAC soulève trois objectifs bien précis
à savoir : « assurer une interprétation et une
application uniforme du droit communautaire sur l'ensemble du territoire de la
Communauté ; ensuite faciliter l'intégration de ce droit dans les
systèmes juridiques nationaux et enfin assurer la protection des droits
des justiciables et garantir les libertés fondamentales
»383. La procédure de renvoi préjudiciel
dégage premièrement une fonction d`unification du droit
380 Initier par le protocole du 3 juin 1971 porte sur
l`interprétation par la cour de justice de la convention de Bruxelles de
1968 relative à la compétence judiciaire et l`exécution
des décisions de justice en matière civile et commerciale. Le
modèle de renvoi qu`il va initier sera repris par le système
judiciaire européen. Cité par TCHUINTE (J), «
L'application effective du droit communautaire en Afrique centrale
», op cit, p 412.
381 TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », revue de droit uniforme
africain/ actualité trimestrielle de droit et de jurisprudence,
N°004, 2011, pp 28-38, spec. p 29.
382 L`article 17 de la convention régissant la cour de
justice de la CEMAC stipule : « La Chambre Judiciaire statue à
titre préjudiciel sur l'interprétation du Traité de la
C.E.M.A.C. et des Textes subséquents, sur la légalité et
l'interprétation des Statuts et des Actes des organes de la C.E.M.A.C.,
quand une juridiction nationale ou un organisme à fonction
juridictionnelle est appelé à en connaître à
l'occasion d'un litige. En outre, chaque fois qu'une juridiction nationale ou
un organisme à fonction juridictionnelle saisi de questions de droit
ci-dessus doit statuer en dernier ressort, il est tenu de saisir
préalablement la Chambre Judiciaire. Cette saisine devient facultative
lorsque la juridiction nationale ou l'organisme à fonction
juridictionnelle doit statuer à charge d'appel ».
383 TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », op cit, p
29.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 134
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
communautaire, c`est-à-dire que dans le risque d`une
application ou d`une interprétation divergente du droit communautaire
dans les différentes juridictions nationales, et d`une aggravation de
cette divergence à cause des systèmes juridictionnels
différents « Ce qui pourra faire naître autant de droits
communautaires qu'il y a d'ordres juridictionnels nationaux
»384. Le renvoi préjudiciel permet une
uniformisation de l`application et de l`interprétation du droit
communautaire sur l`ensemble du territoire communautaire. C'est ce qu'exprime
R. Lecourt dans cette formule: « Il n'est pas de droit communautaire
sans une unité de jurisprudence »385.La question
préjudicielle le soulève deuxièmement une fonction
d'intégration du droit communautaire dans les systèmes juridiques
nationaux. En ce sens où, le véritable but de l`harmonisation et
de l`uniformisation du droit communautaire est principalement
l`intégration du droit communautaire dans les ordres juridiques internes
des Etats membres de la CEMAC. Il s`agit autrement dit d`un moyen efficace de
la communautarisation de l`Etat membre de la CEMAC. La troisième
fonction et l`une des plus importantes du renvoi préjudiciel est celle
qui assure la sauvegarde des droits des justiciables et des libertés
fondamentales. En effet, comme le droit européen, l`a illustré
dans de nombreux cas tirés de la jurisprudence européenne, la
question préjudicielle est préalablement posée devant la
juridiction nationale et elle permettra de savoir si le droit communautaire a
conféré aux justiciables des droits que le juge national est tenu
de reconnaître et de protéger. C`est ce qui fut fait dans la
célèbre affaire VAN GEND EN LOOS du 5 février
1963386.
Il faut dire que dans la procédure de renvoi
préjudiciel, seul les organes juridictionnels nationaux sont reconnus
comme pouvant soulever la question préjudicielle. Ainsi qu`elle soit
civile, pénale ou administrative, il s`agit des juridictions ayant le
pouvoir de juger. Toutefois l`article 17 de la convention régissant la
cour de justice de la CEMAC reconnaît également la qualité
à tout organe même s'il ne fait pas partie du système
judiciaire d'un Etat membre, pour renvoyer à la Chambre judiciaire une
question préjudicielle.
384 Voir MOLINIER (J) in « Droit du contentieux
européen », LGDJ, p 34.
385 Voir Gazette du palais, 1964, I, doctrine, pp 49-54.
Cité par TATY (G), « La procédure de renvoi
préjudiciel en droit communautaire », op cit, p
29.
386 Aff. 26/62, Rec. P 31. Dans lequel l`entreprise du
même nom avait introduit devant un tribunal des Pays Bas une action
dirigée contre l`administration des douanes néerlandaises au
motif que celle-ci avait perçu un droit de douane majoré à
l`importation en provenance de l`Allemagne. L'entreprise estimait qu'il y avait
là une violation de l'article 12 du traité CEE qui «
interdit aux Etats membres d'introduire de nouveaux droits de douane ou
d'augmenter ceux existants dans le marché commun ». La
juridiction néerlandaise a suspendu la procédure et saisi la Cour
de Justice de Luxembourg en lui demandant de clarifier la portée des
dispositions de l'article invoqué, en disant notamment si celles-ci
produisent des effets immédiats et engendrent des droits au profit des
particuliers que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Les
gouvernements des Pays-Bas, de la Belgique et de l'Allemagne estimaient que
l'article 12 ne constitue pas une règle de droit directement applicable
dans les Etats membres. La cour a jugé dans son arrêt que
l'article 12 devait être interprété en ce sens qu'il
produit des effets immédiats et engendre des droits individuels que les
juridictions nationales doivent sauvegarder.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 135
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Malheureusement cet article n`apporte pas plus
d`éclairage. Mais en ce qui concerne les organes ayant le pouvoir de
juger, la convention régissant la cour de justice de la CEMAC parle
premièrement, des juridictions des Etats membres qui statuent en
première instance c'est-à-dire les juridictions du premier
ressort. En ce qui les concerne, le recours préjudiciel est facultatif.
Dans la mesure où, il existe des juridictions de second degré et
des juridictions d`appel, ils ont également le choix de saisir pour
interprétation de la norme communautaire. Deuxièmement, nous
avons les juridictions des Etats membres qui statuent en dernier ressort,
dont le recours pour question préjudicielle est obligatoire en ce
sens ou l'article 17 précise que chaque fois qu'une juridiction
nationale doit statuer en dernier ressort sur une question relative à
l'interprétation ou la validité du droit communautaire
soulevée dans un litige qui lui est soumis, elle est tenue de saisir
préalablement la Chambre judiciaire. L`on peut donc penser que si la
juridiction inférieure interprète de façon discutable le
droit communautaire, sa décision sera frappée d'appel ou fera
l'objet d'un pourvoi devant la juridiction supérieure, laquelle sera
ainsi à même de renvoyer la question délicate à la
Chambre judiciaire. Quelle est donc la procédure du renvoi
préjudiciel ?
2) La procédure de renvoi préjudiciel en
droit communautaire CEMAC.
Cette procédure du renvoi préjudiciel permet,
comme signifié plus haut, aux juridictions nationales d'établir
un lien de coopération avec la Chambre judiciaire en mettant en oeuvre
la législation communautaire. Elle comporte trois phases : La
première se déroule devant le juge national saisi d'un litige
mettant en cause le droit communautaire. La deuxième se déroule
devant la Chambre judiciaire interrogée par le juge. - La
troisième se situe à nouveau devant le juge national qui, en
possession des réponses de la chambre aux questions qui leurs ont
été posées, reprend l'examen du litige en lui procurant
une solution. La procédure d`examen de questions préjudicielles
au niveau de la chambre judicaire est particulière. Le renvoi
préjudiciel concerne un certain nombre de norme de droit communautaire
à savoir : les normes de droit primaire c`est-à-dire le
traité révisé de la CEMAC, les différentes
conventions y afférentes. Il y a également les normes de droit
dérivé à l`exception des recommandations et des avis.
Parmi les normes susceptibles de soulever un renvoi préjudiciel, l'on
peut ajouter dans la liste les principes généraux du droit
communautaire constitués de règles non écrites comme les
principes de coopération, de solidarité, de légitime
confiance, et de proportionnalité. Toutefois le mécanisme de
renvoi préjudiciel au sein de la CEMAC trouve de nombreuses
difficultés de mise en oeuvre.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 136
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
B/ Les difficultés de mise en oeuvre du
mécanisme de renvoi préjudiciel au sein de la CEMAC.
Le renvoi préjudiciel peut se présenter comme
« la possibilité ou l'obligation de saisir la cour de justice
communautaire, d'une demande en interprétation des traités et des
actes pris par les institutions de la communauté
»387. Comme indiqué plus haut, elle se fonde sur
l`idée de coopération entre juridictions nationales et
communautaire et ne « comporte ni hiérarchie abrupte au profit
de la juridiction communautaire, ni mécanisme imposant un alignement
automatique des jurisprudences nationales »388. En droit
communautaire CEMAC, le constat est surprenant : on a enregistré un
recours préjudiciel depuis la création de la cour de justice de
la CEMAC389. Cela interpelle et soulève le problème
des difficultés liées à la mise en oeuvre du renvoi
préjudiciel au sein de la CEMAC. Et ces difficultés peuvent se
résumer en général au niveau de l`Etat membre en deux
volets à savoir : les insuffisances du contrôle par l`Etat et les
organes communautaires de l`intégration CEMAC au sein de la
communauté (1) et également la confusion par les
protagonistes des procédures judiciaires nationales et celles du
contentieux communautaire (2).
1) Les insuffisances du contrôle exercé
par les Etats et les organes communautaires.
En général, le contrôle de
l`interprétation et de l`application du droit communautaire est de la
responsabilité autant des Etats membres que des organes de la
communauté. La mise en oeuvre du droit communautaire met en jeu les
particuliers, les organes communautaires et les Etats membres. La juridiction
communautaire intervient, lorsque le litige soulève une question
préjudicielle. La remarque d`une défaillance est faite au niveau
des entités chargées de contrôler l`applicabilité et
l`interprétation du droit communautaire. L`insuffisance du
contrôle des institutions communautaires est perceptible dans la mesure
où ce sont ses institutions qui sont en premier responsables de la bonne
applicabilité du droit communautaire, ceci indépendamment des
Etats membres. Ce contrôle met en exergue premièrement de l`action
des institutions communautaires, il s`agit généralement du
contrôle de la légalité des actes que certaines
institutions communautaires conçoivent. Car ces actes doivent
l`être selon les dispositions du traité constitutif de la CEMAC.
Et ce contrôle de légalité peut être initié
par les Etats membres et les organes
387 TCHUINTE (J), « L'effectivité du droit
communautaire en Afrique centrale », op cit, p 413.
388 POT VIN-SOLIS (L), « Le concept de dialogue entre les
juges en Europe », in le dialogue entre les juges européens et
nationaux, incantation ou réalité ? Bruxelles, Bruyant,
2004, p34.
389 Voir l`affaire Ecole inter-états des douanes c/
Djeukam Michel, jugée le 25 novembre 2010.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 137
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
communautaires seuls justiciables à même de
contester la validité des actes en question390. Ce
contentieux montre véritablement les limites de l`action des citoyens
sur ce plan et demeure très limité en droit communautaire CEMAC.
Car les organes tels que la commission n`ont par exemple jamais saisi la cour
pour un recours en annulation. C`est le cas également de l`action en
manquement des Etats membres qui sont en défaillance dans l`application
du droit communautaire. Pourtant ce sont premièrement les organes
communautaires qui doivent mettre en oeuvre la procédure en manquement
des Etats membres et deuxièmement les Etats membres. « D'une
manière générale, les Etats rechignent souvent à
l'idée d'engager des poursuites les uns contre les autres et la
commission CEMAC n'a jamais critiqué de façon officielle l'action
d'un Etat membre »391. Généralement la cour
a été saisie par des personnes de droit privé. Cette
carence montre comment il est vain de compter sur l`action des Etats membres et
des organes de la communauté pour assurer l`effectivité du droit
communautaire. Comme si les Etats membres toléraient entre eux les
infractions au droit communautaire CEMAC. Le contrôle de
l`applicabilité du droit communautaire ne peut reposer que sur les
citoyens ou bien les particuliers.
2) La familiarisation des acteurs au contentieux
communautaire aux procédures judiciaires nationales.
Généralement le citoyen reste mal informé
de l`activité communautaire, de plus il est très peu enclin
à la procédure communautaire. Il privilégie les
procédures qui lui sont familières à savoir le recours
à la diplomatie, c`est à dire que les usagers
préfèrent les arrangements à l`amiable pour
résoudre des différends qui peuvent intervenir, ceux qui sont
sous le prisme du droit communautaire. Mis à part le justiciable, il
faut également mettre en exergue les avocats dont la connaissance des
questions communautaires est limité. De plus il n`y a pas au
préalable une formation proprement dite des rouages du métier
c`est-à-dire qu`il n`existe pas véritablement une école
nationale de formation des avocats. Qui renforcera plus des stages, un apport
considérable en connaissance particulière du droit, à
l`instar du droit et des procédures communautaires. Surtout que
l`application du droit communautaire implique une connaissance d`un très
grand nombre de matières juridiques. Le constat est décevant au
niveau de la cour de justice de la CEMAC, l`ignorance des procédures
communautaire est flagrante. C`est la raison pour laquelle la majorité
des requêtes transmises au greffe de la cour sont irrecevables, pour non
respect de la procédure. Le frein au mécanisme de renvoi
390 Voir l`article 14 de la convention régissant la cour
de justice de la CEMAC.
391 Voir TCHUINTE (J), « L'application effective du
droit communautaire en Afrique Centrale », op cit, p 417.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 138
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
préjudiciel est aussi l`oeuvre des magistrats. Pourtant
le rôle du juge national est central dans la diffusion du droit
communautaire dans l`Etat. Les juges nationaux préfèrent le plus
souvent régler les litiges ayant un rapport avec le droit communautaire
en se référant au droit interne. De plus ils considèrent
le plus souvent les règles de droit communautaire comme celle de droit
international classique. La mise en oeuvre du renvoi préjudiciel
étant conditionnée à la connaissance préalable de
la distinction de la règle de droit communautaire en question.
Le parlement communautaire et les parlements nationaux ne
partagent pas dans les faits des relations particulières ce qui rend la
conciliation entre ces deux institutions difficile.
PARAGRAPHE II : Des rapports enclin au manque de
conciliation entre le parlement communautaire et les parlements nationaux.
Le parlement communautaire et les parlements nationaux sont
manifestement les institutions qui renvoient au premier constat à la
démocratisation d`un système. Pourtant le parlement
communautaire, loin d`être éminemment législateur, est
l`une des institutions les plus faiblement pourvue en prérogatives au
sein de la communauté. Son rôle dans le processus CEMAC est
très réduit et reste insuffisant dans l`activité
communautaire. Ses pouvoirs au sein de la CEMAC sont sans véritable
impact392, au vue des prérogatives des autres organes
communautaires. Contrairement aux parlements nationaux dans le système
institutionnel étatique, le parlement communautaire est un nain au sein
de la communauté. C`est peut être la raison pour laquelle, ne
partageant relativement pas les même pouvoirs, et n`ayant pas la
même prééminence au sein de leur système respectifs,
ces deux institutions ont des raisons d`être en relation de
coopération (B). Cependant la réalité
semble être tout autre parce que les relations entre le parlement
communautaire et les parlements nationaux sont enclin à la concurrence
(A).
A/ Un rapport de concurrence entre le parlement
communautaire et les parlements nationaux.
Avec le transfert des compétences des Etats vers la
communauté, les parlements nationaux ont assisté à une
réduction considérable de leur compétence, que se soit
392 L`article 4 de la convention régissant le parlement
communautaire stipule que « 1. Le Parlement exerce les pouvoirs qui
lui sont attribués par le Traité instituant la CEMAC, les textes
organiques subséquents et la présente Convention. Il
légifère par voie de directives. 2. Le Parlement peut être
saisi pour émettre des avis sur des affaires intéressant la
Communauté ».
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 139
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
en matière législative ou bien du contrôle
de l`action gouvernementale. Bien que ce transfert ne soit pas
bénéfique au parlement communautaire, La création de
celui-ci pose nécessairement un problème de conciliation, de
collaboration et de coopération entre les parlements nationaux et
l`institution soeur qui se trouve au niveau communautaire. Pourtant dans une
atmosphère ou le législateur communautaire n`a pas
organisé les rapports entre le parlement communautaire et les parlements
nationaux, la tendance est à la concurrence entre ces institutions, le
conflit étant en rapport à l`analogie organisationnelle entre le
parlement communautaire et les parlements nationaux (1) et
à la diminution du rôle des parlements nationaux
(2), à cause du transfert de la compétence de
contrôle de la politique communautaire des parlements nationaux au
parlement communautaire.
1) Le fondement populaire du parlement communautaire
et des parlements nationaux : une analogie source de conflit.
Le parlement communautaire est à l`image des parlements
nationaux. Le parlement communautaire partage la même organisation que
les parlements nationaux c`est ainsi que l`on rencontrera au sein du parlement
communautaire un fondement populaire semblable aux parlements nationaux. «
Le Parlement Communautaire est l'assemblée représentative des
populations de la CEMAC »393 et en plus « les
membres du Parlement sont chacun représentant de toutes les populations
de la Communauté »394. Le parlement communautaire
partage donc la même légitimité que les parlements
nationaux, cela est un risque de conflit dans la mesure où des
institutions peuvent se réclamer légitimement compétentes
de représenter la volonté générale
c`est-à-dire celle du peuple communautaire tout entier pour les
parlementaires communautaires, et une partie de la légitimité du
peuple communautaire pour les parlements nationaux respectifs, chacun en ce qui
concerne son territoire. Cela est d`autant plus inquiétant que les
parlementaires communautaires « les députés sont
élus aux suffrages universels direct »395 comme les
parlementaires nationaux. Ainsi comme la souveraineté nationale
appartient au peuple qui l`exerce par l`intermédiaire des membres du
parlement. De fait par les élections au suffrage universel direct du
parlement communautaire, l`on peut dire que celui-ci bénéficie
également de l`exercice exerce des souverainetés nationales
autant que les parlements nationaux. Les membres du parlement communautaire
sont dans leurs droits de se prévaloir l`exercice des
souverainetés nationales
393 Voir l`article 3 (1) de la convention régissant le
parlement communautaire.
394 Ibid. alinéa 2.
395 Voir l`article 5 de la convention régissant le
parlement communautaire.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 140
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
parce que « tout mandat impératif est nul
»396. La souveraineté nationale appartient
effectivement au peuple avec cette particularité qu`elle est
exercée par le parlement national, le président de la
république mais également par le parlement communautaire. La
revendication de la légitimité populaire des décisions et
des lois émanant des parlements nationaux n`est plus la seule
prérogative de ceux-ci. Le parlement communautaire pourrait
éventuellement avoir le droit de réclamer une part des
souverainetés nationales des Etats membres autant que les parlements
nationaux. Il s`agit bien évidemment d`un éventuel conflit qui
risquerait de surgir si le législateur communautaire ne règle pas
les questions relatives à la coopération entre ses institutions.
La situation est encore abordable parce qu`à ce jour, le parlement
communautaire et les parlements nationaux ont encore des liens organiques
puisque, les parlementaires communautaires sont désignés en leur
sein par les parlements nationaux397
2) La diminution des prérogatives des
parlements nationaux : l'effet du transfert des compétences nationales
vers la communauté.
La construction communautaire CEMAC a entrainé en elle
même une diminution du rôle des parlements nationaux, à la
fois comme contrôleur de l`exécutif conformément au
traité constitutif CEMAC qui dispose « Le contrôle du
fonctionnement et des activités de la Communauté comprend un
contrôle parlementaire assuré par le Parlement Communautaire...
». Ensuite « Il est chargé du contrôle
démocratique des Institutions, Organes et Institutions
Spécialisées participant au processus décisionnel de la
Communauté »398. En plus, on remarque une
diminution de son rôle de législateur d`autant plus que « le
Parlement Communautaire (...) légifère par voie de directives
» »399. Certes le transfert des
responsabilités de l`échelle nationale à l`échelle
communautaire s`est effectué essentiellement en direction de la
conférence des chefs d`Etats. Et le parlement communautaire n`a pas
acquis tous les pouvoirs qui lui auraient permis de jouer un rôle
parlementaire complet dans les affaires communautaires. Ainsi donc, bien que
l`on puisse dire qu`il y a un déficit démocratique structurel au
niveau du parlement communautaire, il est tout de même admis que les
pouvoirs attribués au parlement réduisent considérablement
ceux des parlements nationaux. Premièrement parce que le parlement
communautaire s`est vu attribuer
396 Ibid.
397 L`article 60 du traité révisé de la
CEMAC stipule que « En attendant la création du Parlement
Communautaire, il est institué une Commission Interparlementaire.
Celle-ci est composée de cinq (5) membres par Etat
désignés par l'organe législatif de chaque Etat membre
».
398 Voir à cet effet l`article 46 du traité
révisé CEMAC.
399 Voir l`article 47 du traité révisé
CEMAC.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
des domaines d`influence qui sont des domaines de
compétence des parlements nationaux à savoir «l'
intégration des voies de communication des Etats membres en vue
d'assurer la libre circulation des personnes et des biens ; l' interconnexion
des télécommunications pour constituer un réseau
communautaire performant ; l' interconnexion des réseaux
d'énergie , l' interconnexion des réseaux d'information , l'
intégration sociale , la politique communautaire de la santé
publique ,la politique communautaire de l'éducation , la politique
communautaire de l'environnement , la politique communautaire de la recherche
scientifique et technique ; la politique communautaire de l'agriculture , la
jeunesse et sport , la citoyenneté de la communauté ; les droits
de l'homme et libertés , la révision du Traité de la CEMAC
»400. Cela correspond aux domaines attribués
à la loi par les constitutions de certains Etats comme le Cameroun. En
plus de cela, les domaines de compétences des directives émanant
du parlement communautaire, empiéteront sur les domaines de
compétence législative des parlements nationaux. Le parlement
communautaire dispose comme les parlements nationaux du pouvoir de
contrôler l`activité démocratique des organes et des
institutions de la communauté. Bien qu`il s`agit d`une disposition
ambigüe en ce sens où l`on n`appréhende pas sur quoi peut
être basé un contrôle démocratique d`une institution
ou d`un organe communautaire. Est-ce sur la légitimité des
autorités y siégeant ?, ou est ce sur la légalité
du processus de prise de décision ? Dans tous les cas le parlement
communautaire s`est vu reconnaître une énorme prérogative,
bien que paradoxale. De plus si le parlement communautaire devait
véritablement contrôler démocratiquement les organes et les
institutions de la communauté, s`agirait-il d`un contrôle qui
aboutira à une action bien précise ? En revanche les parlements
nationaux contrôlent l`action de l`exécutif dans l`Etat, le
parlement communautaire également exerce le contrôle sur les
organes et les institutions qui jouent le rôle d`exécutif au sein
de la CEMAC, et qui se trouve généralement être à la
tête de leurs Etats respectifs. Cela est certainement embêtant pour
les parlements nationaux parce que le contrôle démocratique des
organes et institutions communautaires, coïncidera avec le contrôle
de l`activité communautaire des membres du gouvernement. Par
conséquent, les parlements nationaux se trouvent en concurrence avec le
parlement communautaire, en ce qui concerne le contrôle de l`action de
l`exécutif communautaire ou nationale.
400 Voir L`article 4 (2) de la convention régissant le
parlement communautaire.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Pourtant le législateur communautaire a l`exemple de
son homologue de l`Europe401a un intérêt urgent
d`organiser la cohabitation des parlements nationaux avec le parlement
communautaire.
B/ L'impératif d'un rapport coopération
entre le parlement communautaire et les parlements nationaux : la garantie du
contrôle démocratique de la législation communautaire
à tous les niveaux.
Bien que certains points soient de nature à
créer une forme de conflit entre le parlement communautaire et les
parlements nationaux, l`évolution de l`intégration impose une
coopération entre ses institutions. Cet impératif est important
parce qu`il permettra une participation concertée des parlements
nationaux aux activités communautaires (1) dans le but
de réduire la portée du transfert de compétence vers les
instances communautaires. L`autre impératif est lié à
l`analogie des organes et de groupes politiques existant entre les parlements
nationaux et le parlement communautaire qui constitue un véritable
instrument de coopération (2).
1) Un impératif de coordination par la
participation concertée des parlements nationaux et communautaire aux
activités de la CEMAC.
Le véritable problème que rencontrent les
parlements nationaux dans le processus communautaire est le manque
d`informations sur l`élaboration des règles communautaires.
Alors, une participation des parlements nationaux à l`élaboration
des règles de droit ne fera que combler le déficit communautaire
dont font preuve ceux-ci. Ainsi on peut par exemple mettre sur pied une forme
de transmission des documents de consultation et des propositions
législatives des organes communautaires. Pour que les parlements
nationaux puissent examiner ces propositions avant qu`une décision soit
prise par la conférence des chefs d`Etat ou par d`autres organes ou
institutions communautaires. Au sein de l`union européenne c`est
déjà le cas, la coopération se manifeste par
l`intensification des contacts, l`échange d'informations, l`organisation
de rencontres régulières, et éventuellement l`octroi de
facilités réciproques. Ainsi, il est important d`instituer une
étroite coopération et un échange permanent d`informations
entre les parlements nationaux et le parlement communautaire.
401 Voir le protocole sur le rôle des parlements
nationaux annexé au traité d`Amsterdam, ainsi que dans la
déclaration annexe du traité de Nice de 2000 et aussi celle du
conseil européen de Laeken de 2001. Le traité de Lisbonne
instaure un système d`alerte précoce c`est-à-dire un
nouveau mécanisme permettant aux parlements nationaux de veiller
à ce que les nouvelles propositions législatives respectent les
principes de subsidiarité (protocole N°1 sur le rôle des
parlements nationaux dans l`union européenne, et le protocole N°2
sur l`application des principes de subsidiarité et de
proportionnalité.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 143
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
Cela entretiendra des rapports étroits entre les
parlements. Et en plus entrainerait une implication à double niveau des
parlements dans l`oeuvre de la vulgarisation du droit communautaire : une
application autant nationale que communautaire du droit communautaire. Au sein
de l`Europe ou le processus de coopération est déjà
avancé, les parlements nationaux ont acquis un certain contrôle
sur l'action communautaire de leurs gouvernements, soit à la suite de
réformes constitutionnelles, soit en vertu d'engagements
gouvernementaux, soit grâce à des modifications de leurs propres
méthodes de fonctionnement. Leurs commissions spécialisées
dans les affaires européennes ont joué un rôle majeur dans
cette évolution, en coopération avec le parlement
européen. C`est dans cette perspective que le protocole sur le
rôle des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam
encourage une participation accrue des parlements nationaux aux
activités de l'UE et prévoit à cette fin une transmission
plus rapide des documents de consultation et des propositions
législatives de la Commission, pour que les parlements nationaux
puissent examiner ces propositions avant qu'une décision soit prise par
le Conseil. Ainsi le contrôle de l`action communautaire par les
gouvernants est coordonné autant au niveau national que communautaire.
Alors la participation concertée des parlements à
l`activité communautaire améliorera la coopération entre
ses institutions. Peut-on établir la coopération des parlements
sur la base d`autres instruments ?
2) Un impératif politique lié
à la concertation des autorités et des groupes politiques des
parlements nationaux et communautaire : autres possibles instruments de
coopération.
L`on peut, au niveau de la communauté, mettre en place
entre les
parlements, une plate forme de concertation entre les
homologues nationaux et communautaires pour une rencontre annuelle des
autorités des parlements de la zone CEMAC. Cette initiative est
déjà présente au sein de l`Europe. Après les
rencontres organisées en 1963 et 1973, ces conférences de
concertation communautaire et nationale ont été instituées
à partir de 1981. Réunissant les présidents des parlements
nationaux et celui du parlement Européen, elles ont eu lieu initialement
tous les deux ans. Préparées par des réunions des
secrétaires généraux, elles traitent de questions
précises de coopération entre ces parlements nationaux et
Européen402. Une telle initiative au sein de la CEMAC sera
porteuse d`une création des liens de coopération entre les
parlements nationaux et le parlement
402 OBERDOFF (H), « Les incidences de l'union
européenne sur les institutions françaises », op
cit, p 23.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 144
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
communautaire. L`on peut même également mettre
sur pieds une rencontre entre les différentes commissions des parlements
nationaux en charge de la question communautaire pour avoir des informations
concertées sur l`activité communautaire des membres du
gouvernement en vue de mieux contrôler l`action de leurs gouvernements
respectifs, afin d`avoir un impact important sur l`activité
communautaire. Dans l`union européenne cette idée a
été proposée par le président de l'Assemblée
nationale française, elle implique le parlement européen à
la concertation. Elle est sous forme d`une conférence qui réunit
tous les six mois, depuis 1989, les organes des parlements nationaux
spécialisés dans les affaires communautaires, et six membres du
parlement européen conduits par les deux vice-présidents
chargés des relations avec les parlements nationaux. Cette
réunion est convoquée par le parlement du pays qui a la
présidence de l'Union et préparée en commun par le
parlement européen et par les parlements, chaque conférence
traite de thèmes majeurs de l'intégration
européenne403. Pour également créer et
renforcer les relations entre les parlements de la zone CEMAC, faudra
promouvoir un contact entre groupes politiques du parlement communautaire et
les groupes correspondants des parlements nationaux. Il s`agit d`une
manière pour les parlementaires d`une même idéologie
politique, d`harmoniser leurs aspirations communautaires pour constituer un
front que ce soit au niveau national ou communautaire.
CONCLUSION DU QUATRIEME CHAPITRE.
De ce qui précède, il convient de rappeler,
qu`il a été question dans ce chapitre de démontrer
l`influence de la qualité de membre de la CEMAC sur certaines
institutions chargées de gouverner. Nous avons dans cette oeuvre
constatée une forme de dédoublement fonctionnel des institutions
étatiques qui se produit de façon naturelle par le fonctionnement
de la Communauté. Ses réadaptations de l`organigramme
institutionnel de l`exécutif, du législatif et du judiciaire sont
une exigence de la règle communautaire. Par la suite nous avons
présenté les rapports qui existeraient entre les institutions
symétriques communautaires et étatiques, à savoir le
parlement et la juridiction communautaire avec les parlements et juridictions
des Etats membres de la CEMAC. La tache a consistée à montrer
entre les parlements communautaire et étatiques il existerait des
relations difficiles. Toutefois, cela se présente d`une tout autre
façon dans le rapport entre la cour de justice communautaire et les
403 Il faut signifier que la conférence des commissions
des affaires communautaires et européennes des parlements de l`union
européenne n`est pas un organe de prise de décision mais de
consultation et de coordination parlementaire qui prend des positions par
consensus. Le protocole sur le rôle des parlements nationaux du
traité d`Amsterdam dispose que la COSAC peut soumettre toute
contributions, toutes contributions soumises par la COSAC ne lient en rien les
parlements, ni ne préjugent leur positions.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 145
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
juridictions nationales. L`élément permettant
cette conciliation et cette collaboration étant la procédure de
renvoi préjudiciel. Le constat a été de savoir que
l`appartenance à la CEMAC implique pour les institutions de l`Etat une
adaptation du dispositif institutionnel étatique, dans le but de
répondre à l`exigence qu`imposent les objectifs des
traités et conventions de la Communauté.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 146
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.
Nous avons vu que la qualité de membre de la CEMAC
implique pour l`Etat souverain, une normalisation de son ordre juridique et
institutionnel.
Il nous a été donné de constater que
l`appartenance à la CEMAC entraîne inéluctablement une
acceptation d`un certain nombre de principes fondamentaux liés à
la nature juridique des règles de droit communautaire. Cette
réception du droit communautaire impose aux normes de droit interne une
attitude consistant soit à la disparition, soit à la
métamorphose lors de l`intégration de l`aspect communautaire
qu`assume dorénavant l`Etat souverain. On assiste incontestablement
à une nouvelle architecture normative au sein de l`Etat. Ce qui
entraîne une réadaptation de la hiérarchie des normes. Tant
il est vrai, que l`appartenance de l`Etat à la CEMAC crée des
conflits de compétences, des remises en question de la primauté
de la norme fondamentale et de la complexification du rôle des juges
nationaux. Les implications normatives de la qualité de membre de la
CEMAC influencent considérablement la législation nationale au
point de créer un droit national de l`intégration sous
régionale.
Etre un Etat membre revient également à
organiser le tissu institutionnel étatique pour accueillir et à
assumer la nouvelle casquette de l`Etat. On remarque ainsi un
dédoublement fonctionnel du rôle de certaines institutions
centrales de gestions de la politique de la nation. Alors la politique
nationale de chaque Etat membre se décide au sein de la CEMAC et elle
est reprise et exécutée dans nos Etats membres. Cette perspective
accordant aux institutions les fonctions communautaires et nationales. En ce
qui concerne les départements ministériels dont le portefeuille
n`exige pas une représentation au sein de la communauté, ceux-ci
subissent en quelque sorte l`activité communautaire. Ils sont
généralement réduits au rang d`exécutant des
décisions communautaires relevant de leurs départements
respectifs. Il n`en est pas de même des institutions symétriques
à ce des Etats à savoir le parlement communautaire et la cour de
justice de la CEMAC. Bien que cette dernière bénéficie
d`une organisation de sa cohabitation avec les juridictions nationales par la
procédure de renvoi préjudiciel, le parlement communautaire, en
instance de mise en place devra bénéficier, de l`organisation de
ses relations avec les parlements nationaux. Toutefois, il est de constat que
l`appartenance à la CEMAC a des conséquences pour les Etats
souverains.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 147
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
CONCLUSION GENERALE : LA NATURE JURIDIQUE DE L'ETAT
MEMBRE DE LA CEMAC.
Il n'y a pas de véritable réflexion qui ne
finisse par poser plus de questions qu'elle n'en résout. Notre analyse
n'échappe pas à cette quasi-règle. Nous n'avons pas la
prétention d'avoir épuisé le débat, au terme de ces
quelques réflexions sur la dialectique de l'État membre de la
CEMAC.
Nous avons au début de notre analyse posé la
question des implications de la qualité de membre de la CEMAC pour un
Etat souverain. Et afin de comprendre le problème soulevé par
cette dialectique, nous avons d`abord présenté la
complexité du statut de membre de la CEMAC - étape
nécessaire pour appréhender les implications de celui-ci - en
montrant succinctement l`acquisition de cette qualité, et sa
caractérisation, au sein du chapeau intitulé la qualité de
membre de la CEMAC. Ensuite nous avons dégagé les attributs et
les prérogatives inhérentes à la qualité de membre
au sein de la communauté, dans le chapitre intitulé les pouvoirs
de l`Etat membre de la CEMAC. Enfin il nous a été permis de
démontrer les implications de la qualité de membre de la CEMAC
pour les Etats souverains. Implications qui nous ont amenées à
les présenter autant sur le plan normatif qu`institutionnel.
À la fin de notre recherche, des questions
fondamentales fusent et méritent d`être posées. Elles
peuvent se formuler de la manière suivante : qu`est ce qui ressort de
cette communautarisation de l`Etat à des fins d`intégration
communautaire ? Que devient la forme de société la plus
achevée depuis la fin du XVIIIème siècle ? Somme-nous
toujours en présence d`un Etat au sens de la théorie
générale du droit constitutionnel ? Ou bien à quelle
entité juridique correspond actuellement l`Etat membre après nos
développements ?
Sans glisser dans la manie qui voudrait que l`on qualifie un
objet juridique que l`on n`appréhende pas de sui generis, nous
essayerons de rechercher la nature juridique de l`Etat membre dans le domaine
du droit constitutionnel et de la pratique communautaire , bien que cela puisse
paraitre réducteur pour les communautaristes qui proclament la
spécificité et l`autonomie de cette science. Il faut dire que la
configuration structuro fonctionnelle de l`organisation supranationale qu`est
la CEMAC, renvoi des éléments qui coïncident avec des formes
d`Etat composé existantes dans la théorie du droit
constitutionnel. Au point ou l`on se demanderait si l`Etat membre ne serait pas
une entité juridique fédérée ou
confédérée ? En effet si l`on s`attarde sur le
traité révisé de la CEMAC il est énoncé que
:
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 148
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
« Dans chacun de ces deux domaines404, les
Etats membres entendent passer d'une situation de coopération, qui
existe déjà entre eux, à une situation d'Union susceptible
de parachever le processus d'intégration économique et
monétaire »405. En évoquant l`union en
droit, concernant les Etats, il se dégage deux cas de figure possibles
à savoir la fédération ou la confédération,
bien que cette dernière soit surannée. Nous éviterons
ainsi la pensée prosaïque, pour ne pas dire simpliste, qui voudrait
que l`on qualifie les organisations intégratives de sui
generis.
Pourtant toute organisation supranationale intégrative
vise une union bien précise. Dans ce sens et au sein de l`union
européenne, l`on s`accorde tant bien que mal à reconnaitre un
cheminement progressif vers une fédération européenne,
parce que les domaines de souverainetés unies, qui permettent de
qualifier une union de fédérale, sont sur le point d`être
atteint à savoir l`économie et la monnaie, la politique
internationale et la défense commune. Au sein de l`Union
Européenne, Il n`y a que la politique de défense commune qui
n`est pas encore atteinte. De plus, « Le fédéralisme a
de tous temps constitué une référence de base et une
source d'inspiration pour la construction européenne. De Robert Schuman
à Joschka Fischer, nombreux sont les responsables politiques qui ont
appelé de leurs voeux une évolution vers une forme d'organisation
fédérale de l'Europe »406. Ainsi l`on peut
en tirer que toute organisation supranationale telle qui soit peut d`être
classée selon l`esprit de ses fondateurs et de ses textes de base dans
l`une des deux catégories des Etats composés suscités.
Caractériser donc l`Etat membre de la CEMAC reviendrait d`abord à
cerner la nature juridique de l`organisation elle même. Et ensuite partir
de là, pour dire si l`Etat membre est une forme d`Etat
pré-fédéré ou fédéré,
pré-confédéré ou confédéré.
La fédération est la forme d`Etat composé
qui se caractérise par l`abandon de la souveraineté des Etats
fédérés au détriment d`un Etat supra
étatique autrement appelé Etat fédéral, à
qui revient l`exercice des compétences économiques,
monétaires, de politique internationale et de défense commune.
Elle se caractérise par les principes d`autonomie, de participation et
de superposition. « Le fédéralisme évoque souvent
les spectres d'une centralisation extrême, alors même que cette
forme d'organisation politique doit avant tout
404 A savoir dans une union économique et une union
monétaire.
405 Voir l`article 2 du traité révisé de la
CEMAC en 2008.
406 Voir SIDJANSKI (D), « L'approche
fédérative de l'union européenne ou la quête d'un
fédéralisme européen inédit », groupe
d`études et de recherches notre Europe, Etudes et Recherches n° 14,
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Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 149
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
son existence à la volonté de
préserver l'autonomie et la diversité des entités
fédérées »407. L`illustration la plus
appropriée est les Etats unis d`Amérique. Alors que la
confédération est une union des Etats sur un certain nombre de
domaines de gestion de la souveraineté, tout en se préservant la
capacité souveraine de se retirer unilatéralement de la dite
union408. De plus les Etats confédérés gardent
leur indépendance et l`exercice de leur souveraineté. La
confédération n`est pas très loin de l`idée d`une
appartenance à une organisation internationale classique. De ce qui
précède l`on peut déduire qu`une situation
pré-fédérale serait la phase qui précède la
fédération et une situation pré-confédérale
renverrait à la posture précédant la
confédération.
De fait, en s`accordant que la CEMAC est une
coopération d`abord économique et monétaire avant
d`être également une intégration des politiques
sectorielles, mettant en exergue le transfert de
compétences409, qui traduise une union relative sur les
domaines de compétences sus évoqués. La dynamique de
l`intégration de la CEMAC chemine vers une union, vraisemblablement une
union qui remettra en question la forme actuelle de l`Etat. Parce que les
domaines de transfert de compétences et de coopération de la
CEMAC sont semblables à ceux d`une union fédérale.
Cependant entre ce qui est inscrit dans les textes de base de la CEMAC, les
actes additionnels et protocoles y afférents, et la pratique
communautaire quotidienne, on relève une inadéquation qui traduit
soit un refus des Etats membres de voir avancer le projet communautaire, soit
une évolution lente, qui tient compte des difficultés des Etats
d`appréhender un processus devant aboutir à une union. Que ce
soit l`un ou l`autre, le constat demeure le même, le concept d`union
évoqué dans les textes communautaires est mal connu et en plus,
il suscite de la méfiance. C`est de toute évidence la raison de
son évolution lente et également de l`hostilité des Etats
de se voir communautariser. Face à cette situation qui démontre
une réticence d`intégrer réellement le projet de la CEMAC
dans les Etats, nous nous sentons relativement indécis sur la forme
actuelle de l`Etat membre de la CEMAC. Toutefois plusieurs
éléments nous permettent de cerner, en l`état actuel,
l`Etat membre de la CEMAC. Les éléments en question étant
d`abord l`extrême liberté dont bénéficient les Etats
membres de la CEMAC dans l`application des décisions communautaires.
Ensuite la fragilité des projets communautaires qui sont
généralement voués à l`échec, à
l`instar de la libre circulation de personnes qui aurait dû entrer en
vigueur le 1er janvier 2014. Et enfin l`omniprésence de la
volonté des Etats dans la prise de décisions et
407 Ibid.
408 Voir a cet égard la confédération
Sénégalo-gambienne
409 Compétences renvoie ici aux compétences
souveraines de l`Etat.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 150
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
dans la bonne marche de la CEMAC. Tous ses
éléments permettent d`affirmer prudemment que l`Etat membre de la
CEMAC est un Etat pré-confédéré c`est-à-dire
une entité juridique qui chemine vers un Etat
confédéré.
Toute fois, il ne suffit pas de dire que la nature juridique
vers laquelle chemine la CEMAC ou l`Etat membre soit une
fédération ou un Etat fédéré. Mais il s`agit
d`affirmer à la lumière de la pratique réelle de
l`intégration au sein de la CEMAC que les réticences de ses
membres à intégrer l`esprit communautaire, fait en sorte que la
CEMAC soit obliger dans son processus de passer par des étapes partant
d`une pré-confédération, ensuite à une
confédération, après aboutir à une
pré-fédération, pour enfin chuter à une union
fédérale, pour atteindre les objectifs fixés par le
traité révisé CEMAC, si tant il est vrai que l`union donc
il est question dans le traité constitutif soit la
fédération. Et ces différents étapes sont
nécessaire dans l`optique de permettre une évolution progressive
et respectueuse de tous les Etats membres, permettant ainsi à ceux-ci de
s`engager véritablement dans le projet communautaire qui devra aboutir
à une union.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 151
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
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G. TEXTES ET JURISPRUDENCES. 1.
TEXTES.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 158
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
i. TEXTES COMMUNAUTAIRES
· Acte additionnel N° 07/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02
portant statut de la chambre judiciaire de la cour de justice de la CEMAC du 14
décembre 2000.
· Acte additionnel N° 07/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02
portant statut de la chambre des comptes de la CEMAC du 14 décembre
2000.
· ACTE ADDITIONNEL N° 4/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02
Portant Règles de Procédure de la Chambre Judiciaire de la
CEMAC
· Acte additionnel N°18/08-CEMAC-CCE-09 portant
adoption du principe de la mise en place généralisée des
ministères chargés de l`intégration régionale au
sein des gouvernements des Etats membres de la CEMAC signé le 25 Juin
2008 à Yaoundé au Cameroun
· Additif au traité de la CEMAC, relatif à
la transformation du secrétariat exécutif en commission du 25
avril 2007.
· Convention régissant l`Union économique
de l`Afrique centrale du 25 juin 2008.
· Convention régissant l`Union monétaire
d`Afrique centrale du 25 juin 2008.
· Convention régissant la cour de justice de la
CEMAC du 30 Janvier 2009 à
Libreville au Gabon.
· Convention régissant le parlement communautaire 30
Janvier 2009 à Libreville au Gabon.
· Traité CEMAC du 16 mars 1994 à N`djamena au
Tchad instituant la CEMAC.
· Traité révisé de la CEMAC du 30
Janvier 2009 à Libreville au Gabon.
ii. TEXTES NATIONAUX.
· Constitution de la république de guinée
équatoriale du 17Janvier 1995
· Constitution de la république centrafricaine
· Constitution de la république du Congo
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 159
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
· Constitution de la République Gabonaise Loi
N° 3/91 du 26 Mars 1991
· Constitution de la république du Cameroun 18
janvier 1996 modifié en 2008
· Constitution de la République du Tchad du 31 mars
1996 révisée
2. JURISPRUDENCES, AVIS ET DECISIONS.
· Avis relatif au projet d`accord entre la
communauté européenne et les Etats de l`association
européenne de libre échange européen du 14 décembre
1991, N°1/91, rec.
· Arrêt Navire de Wimbledon, 17 août
1923, CPJI, série A, N°1.
· Avis du 11 avril 1949, réparations des
dommages subis au service des nations unies, CIJ, recueil.
· Arrêt du 5 février 1963, VAN GEND EN
LOOS, Aff. 26/62, Rec.
· Arrêt du 15 juillet 1964, Costa/ENEL, Aff.
6/64, Rec.
· CJCE, 9 mars 1978, administration des finances de
l'Etat c/ SIMMENTHAL, Aff. 106/77, Rec., I-629.
· CJCE, 23 Avril 1986, les verts c/ parlement,
Aff. 294/ 83, Rec. 1339- Avis de la cour N°1/91, 14 Décembre 1991,
Rec. I. 6079.
· Arrêt du 10 juillet 1990 Tétra Pak c/
commission, T-51/89, Rec., P II-309.
· Arrêt du 5 mars 1996, brasserie du
pécheur et factortame, C-646/93 et C-48/93,
Rec. I-1029.
· Avis consultatif du 8 juillet 1996
licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un
Etat dans un conflit, CIJ, recueil 1996.
· Décision N°98-400 du 20 mai 1998, loi
organique déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de
la constitution française JORF, 26 mai 1998.
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 160
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
· Décision du conseil du 15 mars 2001, relative
au statut des victimes dans le cadre procédure pénale (JO
L82, P1).
· Décision N°2004-505, DC du 19 novembre 2004,
traité établissant une constitution pour l'Europe, JORE
du 24 novembre 2004.
· CE, sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux
et autres req. n°312553, Lebon, AJDA 2008.
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Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
TABLE DES MATIERES
Pages
Avertissement i
Dédicaces ii
Remerciements . iii
Résumé/Abstract iv
Liste des principales abréviations
v
Sommaire viii
INTRODUCTION GENERALE .. 1
I. La Notion d'Etat membre et la Communauté
Economique et Monétaire
l'Afrique centrale
A. l'Etat membre
|
de
.
..
|
2
2
|
3) La Définition De l`Etat
|
|
2
|
4) L`Etat Membre
|
.
|
3
|
B. La Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale (CEMAC)
|
5
|
|
3) L`aperçu historique du mouvement
d`intégration en Afrique centrale
|
5
|
|
4) La CEMAC, une organisation
d`intégration sous régionale ..
|
6
|
|
II. La communauté des Etats et les Etats de la
communauté d'intégration
|
.
|
8
|
A. l'Etat nation souverain et la qualité de membre de
la communauté
|
8
|
|
3) L`Etat nation et la qualité de membre de La
communauté 8
4) L`Etat souverain et la qualité de membre de la
communauté 11
B. La Problématique, l'intérêt de
l'étude, la revue littéraire et le Choix
de la Méthodologie 13
3) La problématique et l`intérêt de
l`étude . 13
4) La revue littéraire et le choix de la
méthodologie 15
PREMIERE PARTIE LE STATUT D'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC ..
19
CHAPITRE I : LA CONSISTANCE DU STATUT D'ETAT
MEMBRE
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 161
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 162
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
DE LA CEMAC 21
SECTION I : L'ACQUISITION DU STATUT D'ETAT MEMBRE DE
LA
CEMAC 21
PARAGRAPHE I . Les conditions préliminaire à
l'acquisition du statut de membre de la
CEMAC 21
A. Les conditions de fond pour une éventuelle acquisition
de la qualité de membre de la
.. 22
CEMAC 21 3) Conditions ambigüe
d`appartenance à la région Afrique
4) La condition politique : le partage des idéaux des
Etats fondateurs . 23
B. Les conditions de forme : procédure d`attribution de la
qualité de membre de la
CEMAC
.
24
3) L`accord unanime des membres fondateurs de la CEMAC : un
accord veto 24
4) L`accord unanime des Etats membres de la communauté :
une formalité 26
PARAGRAPHE II . Les conditions ultérieure à
l'adhésion du statut de membre de la
CEMAC .. 27
A. Les adaptations du traité instituant la CEMAC pour
l`admission du nouvel Etat
27
3) L`adaptation à l`adhésion : l`adaptation
linguistique des instruments communautaires au
nouvel Etat membre 28
4) L`adaptation au retrait : droit de dénonciation du
traité instituant la CEMAC : le principe
de non appartenance définitif à la CEMAC
membre ..
.
29
B. L`obligation d`association du nouvel Etat membre aux acquis
communautaires 31
1. L`obligation d`association aux acquis des politiques
économiques communes 31
2.
L`obligation d`association aux acquis des
politiques sectorielles
SECTION II : LA CARACTERISATION DE L'ETAT MEMBRE
DE LA CEMAC 33 PARAGRAPHE I . La
caractérisation sociologique de l'Etat membre de la CEMAC ......
34
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 163
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
A. La consistance de la population communautaire
34
3) Des peuples à une population communautaire
identifiée 34
4) La population communautaire: le destinataire par
excellence
des normes communautaires .. 37
B. Le territoire communautaire : l`Afrique Centrale
38
1) la consistance du territoire communautaire : les
différentes composantes et
la délimitation du territoire communautaire
38
2) Le domaine de compétence spatiale de l`Etat membre de
la CEMAC :
le rapport Etat et son territoire . 39
PARAGRAPHE II . La caractérisation juridique de l'Etat
membre de la CEMAC
.42
A. La personnalité juridique de l`Etat membre de la CEMAC
42
1. La non reconnaissance textuelle et explicite de la
personnalité juridique à
l`Etat membre de la CEMAC 42
2. la déduction de l`exercice de la personnalité
juridique pour l`Etat membre au sein de la
CEMAC 43
B. Le problème de la souveraineté des Etats membres
de la CEMAC 44
3) La conception de la souveraineté en droit international
45
4) La souveraineté des Etats membres de la CEMAC :
adéquation entre
exercice de la souveraineté et transfert des
compétences souveraines 49
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE 52
CHAPITRE II : LES POUVOIRS DE L'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC.
53
SECTION I : LE POUVOIR « CONSTITUANT » DE
L'ETAT MEMBRE
DE LA CEMAC 54 PARAGRAPHE I . Un «
pouvoir constituant » reposant sur la conférence des chefs
d'Etats . 54
A. Les « actes constitutionnels » de la
conférence des chefs d`Etats manifestant le pouvoir
constituant . 55 3) L`acte de validité
de l`ordre juridique communautaire : le traité instituant la
CEMAC . .. 55
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 164
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
4) Les actes additionnels : acte de validité de l`ordre
juridique
60
3) L`applicabilité immédiate des actes
constitutionnels
.
communautaire 59 B. Les effets juridiques
des « actes constitutionnels » de la conférence des chefs
d`Etat
.
60
4) L`effet direct des « actes constitutionnels » de la
conférence des chefs
d`Etats 61
PARAGRAPHE II . Le régime juridique des actes
constitutionnels de la conférence des chefs
d'Etat 62
A. Les fondements du « pouvoir constituant » de l`Etat
membre 62
1. Le fondement national du « pouvoir constituant » de
l`Etat
membre 62
2. Le fondement communautaire du « pouvoir constituant
» de l`Etat membre
.64
B. Le contrôle de la validité des normes inferieures
aux « actes constitutionnels »
communautaires 65
3) 66
1) Le contrôle national de la validité des normes
inferieures aux « actes
constitutionnels » 68
..
Le contrôle par la communauté de la validité
des normes inferieures aux « actes constitutionnels »
SECTION II : LES POUVOIRS CONSTITUES DE L'ETAT
MEMBRE 70
A. Les organes et les éléments manifestant la
nature législative des actes
communautaires 70
3) Les organes législateurs de la CEMAC
PARAGRAPHE I . Le pouvoir « législatif » de
l'Etat membre de la CEMAC 70
.
70
4) Les éléments caractérisant la nature
législative des actes communautaires 71
B. Les actes juridiques communautaires manifestant le
caractère législatif.... 72
3) La manifestation législative du règlement CEMAC
73
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 165
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
4) La quasi manifestation législative du règlement
cadre et de la
directive 74
PARAGRAPHE II : Le pouvoir exécutif de l'Etat membre
de la CEMAC 76
A. La réduction significative du pouvoir exécutif
de l`Etat membre face aux actes primaires,
Additionnels et des règlements communautaires
76
3) La réduction causée par la
prééminence du statut d`exécutant pour l`Etat membre de
la
CEMAC : les bases juridiques de la qualité d` «
exécutant » .. 77
4) La réduction de la fonction exécutive de l`Etat
membre de la CEMAC à une fonction
de contrôle et de sanction 78
B. La restitution du pouvoir exécutif de l`Etat membre au
contact des directives
communautaires 80
3) Une restitution inhérente à l`obligation de
transposition de la directive : une compétence
liée 81
4) Une restitution entrainant un développement d`un droit
national d`intégration
communautaire 82
CONCLUSION DU DEUXIEME CHAPITRE . 83
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE . 84
DEUXIEME PARTIE LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE
DE
MEMBRE DE LA CEMAC POUR L'ETAT SOUVERAIN 85 CHAPITRE
3 : LES IMPLICATIONS NORMATIVES DE LA QUALITE
DE MEMBRE DE LA CEMAC POUR UN ETAT SOUVERAIN .
88 SECTION 1 : LA NORMALISATION COMMUNAUTAIRE DE
L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE DE L'ETAT MEMBRE DE LA CEMAC.
88
PARAGRAPHE 1 : La manifestation de la normalisation de
l'ordre juridique interne par le
droit communautaire . 89
A. La manifestation constitutionnelle de la normalisation :
l`habilitation constitutionnelle
intégrant la norme communautaire . 89 3)
L`habilitation constitutionnelle : la condition d`intégration
de la norme
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 166
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
de droit communautaire dans l`ordonnancement juridique
des Etats membres de la CEMAC 91 4) Une
habilitation soulevant le problème de conciliation de la primauté
du droit
communautaire et de celle de la constitution
92 B. La manifestation non constitutionnelle de la
normalisation : la relation loi et droit
communautaire 94
3) La subordination de la loi et des normes infra
législative au droit communautaire de la
CEMAC 94
4) La volonté générale de la loi face
à la contrainte de la norme communautaire. 95
PARAGRAPHE 2 . La conséquence nationale de la
normalisation .le développement d'une
A. La présentation de la norme nationale de
l`intégration communautaire..... 97
3) Les types de législation nationale de
l`intégration communautaire : la législation
d`habilitation et d`application du droit
communautaire
législation nationale de l'intégration
communautaire 97
. .
98
4) Les traits caractéristiques de la
législation nationale de l`intégration
communautaire 99 B. La place de la
législation nationale de l`intégration communautaire dans
101
4) Une place questionnant la pertinence du rapport vertical
de la pyramide des
normes
.
l`ordre normatif interne 100 3) Une place
controversée au sein de la hiérarchie des normes en droit
interne
. 102
SECTION 2 : L'HYPOTHESE DE LA VIOLATION DE LA NORME
COMMUNAUTAIRE : LA RESPONSABILITE DE L'ETAT MENBRE DE LA
CEMAC 104
PARAGRAPHE 1 : Les hypothèses de mise en oeuvre de la
responsabilité de l'Etat membre de
la CEMAC . 105
105
A. Les normes communautaires susceptibles de mettre en oeuvre la
responsabilité
de l`Etat membre de la CEMAC en cas de violation
.
3) La violation des dispositions du droit
communautaire primaire et dérivé...... 106
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 167
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
4) La violation de l`esprit et des principes
communautaires 107
B. Les auteurs de la violation du droit communautaire susceptible
d`engager la
responsabilité de l`Etat membre de la CEMAC
108
3) La violation du droit communautaire imputable au pouvoir
exécutif des Etats membres de
la CEMAC . 108
4) La violation du droit communautaire CEMAC du fait des
juridictions nationales. 109
PARAGRAPHE II . L'office réel ou potentiel du juge
national en matière de violation
du droit communautaire 111
A. Le juge national : juge de droit commun de l`ordre
juridique
communautaire CEMAC 112
3) L`invocation du droit communautaire devant le juge national
112
4) L`encadrement communautaire des règles nationales de
procédures . 113
B. Le caractère potentiel de l`office du juge national en
matière
de droit communautaire 115
3) le caractère facultatif lié à
l`application du droit communautaire
par le juge national 115
4) L`ignorance de la règle de droit communautaire des
acteurs de la justice. 116
CONCLUSION DU TROISIEME CHAPITRE 117
CHAPITRE 4 : LES IMPLICATIONS INSTITUTIONNELLES DE
LA
QUALITE DE MEMBRE DE LA CEMAC POUR L'ETAT SOUVERAIN
118 SECTION 1 : LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE D'ETAT MEMBRE
DE LA CEMAC SUR LES INSTITUTIONS NATIONALES
119 PARAGRAPHE I . la communautarisation des instituions
exécutives de l'Etat membre
de la CEMAC 119
A. La communautarisation de l`exécutif bicéphale de
l`Etat membre 119
3) La communautarisation de la Présidence de la
république 120
4) La communautarisation du Premier ministre
121
B. La communautarisation des Ministres 122
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 168
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
1. Les départements ministériels participant au
fonctionnement
de la communauté CEMAC 122
2. La spécialisation et la restructuration des autres
ministères nationaux
Des Etats membres de la CEMAC 124
PARAGRAPHE II : La communautarisation relative de la
qualité d'Etat membre sur les
A. Les raisons du relatif impact de la CEMAC sur les parlements
nationaux. 126
3) Les raisons inhérentes aux principes fondamentaux de
droit communautaires : l`applicabilité immédiate
et l`effet direct
parlements nationaux 126
.
126
4) Les raisons tenant aux considérations parlementaires
des questions communautaires 127 B. Les
raisons du regain d`intérêt sur les activités
communautaires
par les parlements nationaux 129
3) Les raison tenant liées à la perte et à
la réduction du domaine de compétence législative
des parlements nationaux 129
4)
... 131
La raison relative au contrôle de la politique
communautaire du gouvernement par les parlements nationaux : le moyen
parlementaire de participer à l`activité communautaire
SECTION 2 : L'EVALUATION DES RAPPORTS ENTRE LES
INSTITUTIONS
SYMETRIQUES COMMUNAUTAIRES ET NATIONALES 132
Paragraphe I : les rapports de coopération entre la
cour de justice de la CEMAC
et les juridictions nationales
A. La présentation du mécanisme du renvoi
préjudiciel en droit
CEMAC
|
132
de la
133
|
3)
|
Les fonctions du renvoi préjudiciel et les organes
concernés .
|
133
|
4)
|
La procédure de renvoi préjudiciel en droit
communautaire CEMAC.
|
135
|
|
B.
|
Les difficultés de mise en oeuvre du mécanisme de
renvoi préjudiciel
|
|
|
au sein de la CEMAC ..
|
136
|
3)
|
Les insuffisances du contrôle exercé par les Etats
et les organes communautaires.
|
136
|
4)
|
La familiarisation des acteurs du contentieux communautaire
|
|
|
|
aux procédures judiciaires nationales
|
137
|
Mémoire présenté et soutenu par EKO
MENGUE Arsène Silvère 169
Recherches sur l'Etat membre de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale
PARAGRAPHE II : le manque de conciliation entre le
parlement communautaire
et les parlements nationaux . 138
A. Un rapport de concurrence entre le parlement communautaire
et les parlements nationaux .. 138
3) Le fondement populaire du parlement communautaire
et des parlements nationaux : une analogie source de conflit
. 139
4) La diminution des prérogatives des parlements
nationaux :
l`effet du transfert des compétences nationales vers la
communauté 140
B. L`impératif d`une coopération entre le parlement
communautaire et les parlements nationaux : la garantie du contrôle
démocratique de la législation
communautaire à tous les niveaux 142
3) La participation concertée des parlements nationaux et
communautaire
aux activités de la CEMAC 142
4) La concertation des autorités et des groupes
politiques des parlements nationaux et
communautaire : autres possibles instruments de
coopération 143
CONCLUSION DE LA QUATRIEME PARTIE . 144
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 146 CONCLUSION
GENERALE : LA NATURE JURIDIQUE DE L'ETAT MEMBRE DE
LA CEMAC 147
BIBLIOGRAPHIE 151
TABLE DES MATIERES . 161
ANNEXES 170
- Traite révisé de la Communauté Economique
et Monétaire de l`Afrique Centrale(CEMAC).
- Convention régissant La cour de justice de la CEMAC
- Convention régissant le parlement communautaire
|