Chapitre II : Chronologie de la politique marocaine
A. Le Camp du Palais
Etudier l'histoire des Comités de Lutte contre la
Répression au Maroc, dont la section bruxelloise nécessite, de
prime abord, d'analyser la nature du système politique marocain. En
effet, ce dernier est qualifié de bicéphale, étant
représenté par le roi, d'une part, et par le Makhzen, d'autre
part. Il est, dès lors, opportun, dans ce chapitre, de survoler
l'histoire du système politique marocain précolonial
jusqu'à la veille de l'indépendance. Ensuite, tenter de
comprendre les acteurs du pouvoir politique au Maroc en mettant en relief les
fonctions du Palais, du Makhzen et des partis politiques. Et enfin, il importe
de saisir la naissance et le développement de l'appareil
sécuritaire au Maroc.
a.1 Le Roi
Anciennement sultan, le roi est le souverain de tout le
territoire qui répond à la beia7. Source de
toutes légitimités, il est le farouche symbole unificateur de
toutes les régions, qu'elles soient arabophones ou berbérophones
; il est le commandant de toutes les forces armées terrestres et
navales. Il dispose des personnes de confiance (Wasif), qui
bénéficient de sa confiance (tiqa). Il dispose d'un
pouvoir d'exception qui ne peut être remis en question, mais bien
être accordé à un nombre restreint d'agents
d'autorité.
7 La beia répond dans la politique
marocaine, à une logique de soumission politique au souverain. En
opposition de la siba, qui répond à une logique de
non-participation voire de révolte envers le souverain.
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Ces derniers sont élevés à un statut
d'exception (Ahl Al Khassa), à l'inverse de la plèbe relevant
d'un statut de droit commun (Ahl Al Amma)8.
Le roi est un maître (Moulay) qui n'interpelle ses
sujets qu'en termes de serviteurs (Khuddam). Ilsymbolise depuis plusieurs
siècles l'idée du souverain-capitale, et par conséquent,
plus que dans la ville, la réalité du chef-lieu réside
dans la cour royale. Il représente la communauté des croyants par
son titre d'Amir Al Mouminine et, en ce sens, puise son pouvoir d'un droit
divin9. Il dispose d'un droit de coercition (qama') en cas de
révolte. Il octroie la Grâce (Aman), émet des
décrets (dahirs) qui font office de lois aussitôt
prononcés10. Le roi personnifie, dans une
société où le sentiment religieux reste très vif,
le saint- patron de tout le pays. La littérature hagiographique lui
prête des pouvoirs de thaumaturgie et de fertilité
(baraka)11. Il constitue le point de convergence de toutes les
requêtes et intérêts formulés par le Makhzen et par
extension de toute la population. Après 1956, le roi demeure le
Président du Parlement et du Gouvernement, ce qui lui permet de faire et
défaire les majorités parlementaires et de décider ainsi
des référendums. Enfin, il assumera après
l'indépendance la fonction de Président de la Cour
Constitutionnelle et des Chambres Professionnelles12.
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