La décentralisation territoriale sous la constitution du 18 février 2006. Bilan d'une décennie d'application.( Télécharger le fichier original )par Jordy Panza Université Protestante au Congo - Licence en Droit public 2016 |
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
- Art. : Article - ASBL : Association Sans But Lucratif - Av. J-C : Avant Jésus-Christ - CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante - CNP : Caisse Nationale de Péréquation - Coll. : Collection - CSMOD : Cadre Stratégique de Mise en OEuvre de la Décentralisation - CTAD : Cellule Technique d'Appui à la Décentralisation - DGDA : Direction Générale des Douanes et Accises - DGI : Direction Générale des Impôts - DGRAD : Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participations - EAD : Entité Administrative Décentralisée - EDUPC : Editions de l'Université Protestante au Congo - éd. : Edition - EIC : Etat Indépendant du Congo - EPSP : Enseignement Primaire Secondaire et Professionnel - etc. : Et cetera - ETD : Entité Territoriale Décentralisée - ETR : Entité Territoriale Régionalisée - E.U.A.: Editions Universitaires Africaines - G : Groupe - Ibidem : Identique au niveau de la source et de la page - Idem : Identique sur la source mais à de différentes pages - JORDC : Journal Officiel de la République Démocratique du Congo - Km² : Kilomètre carré - Loc. cit. : A l'endroit cité - MDAT : Ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire - MISDAC : Ministère de l'Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires Coutumières - ONGD : Organisation Non Gouvernementale de Développement - Op. cit. : Livre déjà cité - p. : Page - PME : Petite et Moyenne Entreprise - PMI : Petite et Moyenne Industrie - pp. : Pages - PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement - Pt. : Point - RDC : République Démocratique du Congo - s. : Suivant - t. : Tome - TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée - UPC : Université Protestante au Congo - vol. : Volume - VTP : Vunduawe te Pemako INTRODUCTIONI. ESQUISSE NOTIONNELLEAu sein de toute société traditionnelle, le pouvoir politique peut être exercé par un homme, dirigeant de sa tribu. Dans un groupe social, il peut y avoir un président de comité à la tête et dans une entreprise, un directeur général ou un gérant. Dès l'instant où le groupe social prend de la taille, l'exercice du pouvoir devient complexe. Pour des raisons d'efficacité, il est impérieux de le structurer, de l'organiser, voire le répartir entre plusieurs acteurs. A cette obligation d'efficacité l'on doit à tout prix adjoindre une dimension philosophique, comme l'a déclaré le Professeur Jacques Djoli : « La théorie de la liberté politique qui ne peut être garantie que par une certaine distribution des pouvoirs ».1(*) Montesquieu ne disait-il pas que : « la liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté ; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le Gouvernement soit tel que qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen ».2(*) Ainsi, la séparation des pouvoirs fait figure de principe d'organisation politique d'après lequel une même autorité publique ne doit pas exercer toutes les fonctions.3(*) Comme le soulignait Thucydide : « tout homme tend à aller jusqu'au bout de son pouvoir ». Cela est simple à saisir car, selon Lord Acton : « le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou ».4(*) Universellement parlant, il est admis que la puissance étatique est une, mais celle-ci doit s'exprimer par plusieurs canaux ou par diverses instances. Voilà pourquoi au sein des systèmes politiques en vigueur dans le monde, il existe plusieurs modes d'organisation administrative de l'Etat. Ils varient selon les contextes politiques, économiques, géographiques et culturels. Le 18 février 2006, la République Démocratique du Congo s'est dotée d'une nouvelle Constitution qui fut adoptée les 18 et 19 décembre 2005 par le souverain primaire. Ce texte, qui date de dix ans maintenant, a marqué l'avènement de la Troisième République. D'une manière non équivoque, l'actuelle loi fondamentale s'est inscrite dans une optique de renforcement de la décentralisation territoriale, considérée comme l'un des gages de développement de ce grand Etat à la dimension d'un sous-continent. A titre de rappel, la décentralisation est un mode de gestion de service public qui consiste à confier certaines tâches aux autorités locales et où le pouvoir central se borne à surveiller la manière dont elles pourvoient à leur bon fonctionnement.5(*) Selon le professeur Vunduawe te Pemako, la décentralisation est le système d'organisation administrative dans lequel il y a création par la loi ou en vertu de la loi, en dehors du centre, d'autres niveaux de responsabilité et de décision. Il s'agit donc d'une technique d'organisation administrative par laquelle l'exercice d'une compétence qui pourrait appartenir aux seuls organes de l'Etat est confié à plusieurs autorités. Elle a pour vocation de transformer les centres de répercussion en centres d'impulsion, de décision et de responsabilité.6(*) Le professeur Alphonse-Daniel Ntumba Luaba renchérit en disant: « l'Etat unitaire décentralisé est celui dans lequel l'exercice de certaines attributions administratives est confié à des autorités élues par les citoyens eux-mêmes ».7(*) Autrement dit, la décentralisation est un mode d'organisation et de gestion par lequel l'Etat transfère une partie des pouvoirs, des compétences, des responsabilités et des ressources aux provinces et aux entités territoriales décentralisées, dotées de la personnalité juridique distincte de la sienne et gérées par des organes élus. Pour ce qui est des formes de la décentralisation, il faut noter qu'il existe, dans la pratique des Etats, des formes classiques (décentralisation territoriale et décentralisation fonctionnelle) ainsi qu'une forme nouvelle de la décentralisation territoriale, à savoir le régionalisme constitutionnel ou politique qui dépasse la simple décentralisation administrative.8(*) Par décentralisation territoriale, il faut entendre l'attribution de la personnalité morale à des groupes locaux d'individus ou collectivités humaines. Elle correspond à l'autonomie des collectivités infra-étatiques définies dans l'espace géographique.9(*) Elle s'entend comme la création des démocraties locales, bien que non complètes en raison du caractère unitaire de l'Etat.10(*) Ici, l'Etat est subdivisé. Ses composantes deviennent des personnes morales, non pas au même stade que lui. Elle est donc un transfert des compétences en faveur des Provinces et des ETD (Ville, Commune, Secteur, Chefferie). Cette forme de décentralisation comporte deux volets à savoir, la décentralisation politique (au niveau des provinces) et la décentralisation administrative (au niveau des ETD). La décentralisation est politique au niveau des provinces. Au même moment, elle est administrative car les organes provinciaux disposent aussi de compétences qui leur sont exclusives. Elle est administrative au niveau des ETD en ce sens qu'elles ne disposent pas d'organes politiques comparables à ceux des provinces et sont soumises à un contrôle de tutelle. Pour se remémorer, il sied de noter que dans le fonctionnement de l'Administration, il existe un contrôle administratif. Ce contrôle est hiérarchique, selon que l'on est en présence d'un Etat unitaire centralisé, et il est de tutelle dans un Etat unitaire décentralisé. Dans le cas d'espèce, le contrôle de tutelle se définit comme le pouvoir reconnu à une autorité administrative de contrôler la légalité, parfois l'opportunité des conditions de fonctionnement d'une structure décentralisée. La tutelle n'est rien d'autre que le contrôle qu'exerce l'Etat ou le pouvoir central sur les entités décentralisées, en vue de veiller à ce que l'intérêt national soit préservé et pour éviter quelque abus que ce soit. Elle peut être générale ou spéciale. Elle est générale lorsqu'elle est exercée à l'égard de n'importe quel acte administratif émanant d'une autorité décentralisée (aboutit à la suspension et à l'annulation). En revanche, elle est spéciale lorsqu'elle porte sur les seuls actes énumérés par la loi qui l'institue (exercée par le procédé d'avis préalable d'autorisation et d'approbation).11(*) A côté de la décentralisation territoriale, il existe la décentralisation technique, fonctionnelle ou par service. Elle est un mode de gestion des services publics dotés de la personnalité juridique pour un secteur déterminé. Au mieux, elle est une technique d'administration par laquelle les pouvoirs publics placent certains services dans une situation d'autonomie de gestion.12(*) Qu'en est-il de la forme nouvelle de décentralisation : le régionalisme constitutionnel ou politique ? Le régionalisme est une technique d'organisation caractérisée par une reconnaissance dans la Constitution d'une autonomie politique et normative des provinces, tout en demeurant dans le caractère unitaire de l'Etat. C'est une forme d'Etat composé qui admet la combinaison de deux niveaux de pouvoir politique sans être pour autant un Etat fédéral.13(*) Un système à mi-chemin entre l'Etat unitaire décentralisé et l'Etat fédéral.14(*) Contrairement à la décentralisation classique où il n'y a qu'un seul niveau de pouvoir politique, le régionalisme institue un deuxième niveau mais sans tomber dans le fédéralisme. Il n'accorde pas de pouvoir constituant aux assemblées législatives des provinces, comme c'est le cas dans le fédéralisme. Cette modalité se veut être la forme extrême de la décentralisation d'où, l'emploi par certains doctrinaires du terme « Etat unitaire fortement décentralisé » pour désigner l'Etat régionalisé ou autonomique. Reconnaissant que la RDC a, dans le passé, connu des moments difficiles qui ont mis à mal son essor, le constituant de 2006 avait clarifié les objectifs de cette nouvelle loi fondamentale. Il était question de mettre fin à la crise chronique de légitimité et de placer le pays sur la voie de la reconstruction, dans l'optique d'instaurer un ordre politique nouveau qui soit organisé par un texte non démocratricide comme ceux ayant régi le pays auparavant. Cette démarche visait à permettre aux congolais de désigner leurs dirigeants « au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles ».15(*) De ce qui précède, il apparait que la réforme de l'organisation administrative et territoriale, composante des réformes institutionnelles voulues par le constituant, avait pour finalité d'affirmer la détermination de sauvegarder et de consolider l'indépendance et l'unité nationale, tout en respectant la diversité et les particularités des congolais. * 1 J. DJOLI ESENG'EKELI, Droit constitutionnel : principes structuraux, Tome I, Kinshasa, E.U.A, 2009, p. 198. * 2 MONTESQUIEU, cité par P. MBARAGA SEBALIMBA, La mise en oeuvre de la décentralisation territoriale consacrée par la Constitution du 18 février 2006 en RDC : Défis, contraintes et perspectives, Mémoire de Licence, Faculté de Droit, UPC, 2012-2013, p. 6. * 3 J. DJOLI ESENG'EKELI cité par P. MBARAGA SEBALIMBA, op.cit., p. 6. * 4 Ibidem. * 5 Voir J. DJOLI ESENG'EKELI, op.cit., p. 134. * 6 F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de Droit Administratif, Bruxelles, Ed. Larcier, 2007, p. 411. * 7 A. NTUMBA LUABA LUMU, Droit constitutionnel général, Kinshasa, E.U.A, 2005 p. 63. * 8 Voir F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., pp. 414-415. * 9 Ibidem. * 10 R. CHAPUS, Droit administratif général, t.I, 10ème éd., Paris, Montchrestien, 1996, p.345. * 11 Voir J.-M. MBOKO DJ'ANDIMA, Droit congolais des services publics, Louvain-la-Neuve, Academia-L'Harmattan, 2015, pp. 296-297. * 12 T. MUHINDO MALONGA, Droit administratif et institutions administratives, Butembo, Presses Universitaires du Graben, 2010, p.130. * 13 J. DJOLI ESENG'EKELI, op.cit., p. 137. * 14 F. VUNDUAWE te PEMAKO, op.cit., p. 416. * 15 Voir l'exposé des motifs de la Constitution de la R.D.C du 18 février 2006, modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution du 18 février 2006 (textes coordonnés), JORDC, numéro spécial, 5 février 2011. |
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