i
REMERCIIEMENTS
Nos remerciements les plus chaleureux vont à notre
directeur de mémoire,
Monsieur TSHIBANGU KALALA, professeur à la
Faculté de Droit de l'Université de
Kinshasa, qui, en dépit de ses multiples occupations, a
bien voulu nous accorder de son temps.
Nous souhaitons également remercier Monsieur KADIMA
MUKADI notre encadreur,
nos parents Monsieur TWANA PELENGAMO, Madame BODHA DZ'VA et
Pierrot
BURA, Monsieur Amos PALUKU de METELSAT, LUABEYA Pacifique de
l'UNIKIN pour
l'intérêt qu'ils ont bien voulu montrer pour nos
recherches et l'aide qu'ils ont apportée à sa
rédaction.
ii
SIIGLES ET ABREVIIATIIONS
§ CCNUCC : Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
§ CCX : Chicago Climate Exchange (Bourse de Chicago qui
regroupe des entreprises
ayant décidé de réduire volontairement
leurs émissions de gaz à effet de serre)
§ MDP : Mécanisme de Développement
Propre
§ REC : Réductions d'Emissions
Certifiées
§ CO2 : Dioxyde de carbone
§ COP : Conférence des Parties à la
Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques
§ COP/MOP : Conférence des Parties à la
Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, Parties au protocole de Kyoto
§ SQECE : Système communautaire d'échange
de quotas d'émissions
§ EUA : European Union Allowances (quotas carbone dans le
SQECE)
§ GES : Gaz à effet de serre
§ GIEC : Groupement d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat
§ MOC: Mise en oeuvre conjointe
§ JVETS: Japan's Voluntary Emission Trading Scheme (
Marché-Carbone Japonais)
§ PED : Pays en voie de développement
§ PNAQ : Plan national d'allocation des quotas
§ PNUE : Programme des Nations Unies pour
l'environnement
§ UNFCC : Secrétariat de la CCNUCC
§ UQA : Unités de quantités
attribuées
§ URCE : Unités de réductions
certifiées d'émissions
§ URE : Unités de réduction des
émissions
§ WRCAI: Western Regional Climate Action Initiative
(Marché-carbone des Etats de
l'Ouest des Etats-Unies
1
II.. IINTRODUCTIION
« Maîtriser la nature » ou « dompter la
nature ». Des expressions qui, mises au
service de la croissance économique, se sont
révélées comme des conditions essentielles de
l'essor des sociétés humaines1. En effet, par
les progrès scientifiques et leurs applications
technologiques, l'homme moderne a eu le pouvoir de transformer
son environnement et cela,
à une échelle considérable.
Cependant, cette transformation ne cesse, depuis quelques
années, de susciter
des questions tant les atteintes à l'environnement -
dues à cette volonté de maîtrise de la nature
- sont nombreuses. Les menaces pesant sur « l'espace
où vivent les êtres humains et
dont dépendent la qualité de leur vie et leur
santé, y compris pour les générations à venir
»2
sont omniprésentes. Parmi ces menaces il en est une qui
est sans doute plus importante que les
autres, touchant tous les écosystèmes et tous
les pays, susceptible de redessiner la surface de
la planète, conditionnant jusqu'à l'existence
même de la vie humaine. Il s'agit de la menace
posée par le réchauffement climatique, menace
qui semble aujourd'hui constituer « le plus
grand défi à long terme auquel notre monde est
confronté »3.
Le climat est la moyenne du temps qu'il fait en un lieu
donné, sur une période
donnée, déterminé à l'aide des
paramètres météorologiques4. Il existe une
variété de climat
sur la Terre. Le climat se définit par l'interaction de
plusieurs paramètres tels que le vent, les
températures, les précipitations ou encore les
courants marins. La Terre est une planète vivante
qui a connu de nombreuses évolutions de sorte que le
climat n'est pas une donnée invariable.
L'étude des climats du passé nous
révèle que le climat est animé par des cycles qui le
font passer de périodes chaudes à des
intervalles glaciaires. Alors que l'Europe a connu depuis
le milieu du XIVe siècle un « petit âge
glaciaire », à partir du milieu du XIXe siècle le
climat s'est progressivement réchauffé. Le
phénomène du changement climatique est donc en
soi tout à fait naturel puisque influencé par
une multitude de paramètres eux-mêmes naturels5.
1 KANTO (M.), Droit de l'environnement en Afrique,
1ère éd, Paris, EDICEF, 1996, p. 15
2 CIJ, Avis consultatif du 8 juillet 1998 sur la
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires, Rec. 1996, p.
241-242
3 KEMPF (H.), «L'accord de Montréal assure la
pérennité du protocole de Kyoto après 2012» in
Le Monde, 13
décembre 2005, p. 8.
4 DENHEZ (F.), Atlas de la menace climatique, Paris,
Autrement, 2005, p. 9
5 Idem. P.24
2
Aussi, ce qui inquiète aujourd'hui est certes, les
conséquences du phénomène
de réchauffement climatique, mais également son
origine. En effet la communauté scientifique
est de plus en plus intimement persuadée que l'homme
est susceptible d'exercer une influence
sur le climat et qu'il n'est pas étranger à
l'accélération du réchauffement climatique
observée depuis les années 1960. Comme le
souligne le Groupe Intergouvernemental
d'experts sur l'Evolution du Climat (GIEC) constitué en
1988 conjointement par
l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et
le Programme des Nations Unies pour
l'Environnement (PNUE), « de toute évidence, le
climat de la terre a évolué à l'échelle
régionale
et mondiale depuis l'époque préindustrielle, et
certains aspects de cette évolution sont
imputables aux activités humaines »6.
Si l'homme est susceptible de jouer un rôle
considérable dans ce qu'il convient
dès lors de désigner comme le
réchauffement anthropique du climat, c'est en raison de
l'augmentation des rejets de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère liés aux activités humaines.
Les gaz à effet de serre résultent de la
combustion des « énergies fossiles »7 telles
que le pétrole, le charbon ou le gaz. Les
émissions de gaz à effet de serre renforcent la concentration
de gaz déjà naturellement présent dans
l'atmosphère et seraient par conséquent en
mesure de provoquer une hausse des températures. Ce
phénomène de « Forçage anthropique
» serait à l'origine des « changements en
amplitude et rapidité sans précédent dans l'histoire
de la planète »8.
C'est ainsi que, prenant conscience que la planète
courait un réel danger de réchauffement
accéléré, la communauté
internationale a décidé de réagir. Son action autour de
la question climatique s'est consolidée - ou du moins
précisée- en deux étapes; les Etats ont
tout d'abord adopté le 9 mai 1992 la Convention cadre
des Nations Unies sur les changements
climatiques, entrée en vigueur le 21 mars 1994, qui
fixe les assises d'un régime international
des changements climatiques. L'objectif ultime de la lutte
contre les changements climatiques
est « de stabiliser [...] les concentrations de gaz
à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau
qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du
système climatique »9. Par la suite,
dans le souci « d'atteindre l'objectif ultime de la
Convention tel qu'il est énoncé à l'article 2
6 GIEC, Bilan 2001 des changements climatiques : Rapport
de synthèse, Résumé à l'intention des
décideurs,
2001, p. 9.
7 Terme désignant les combustibles de roche issus de la
fossilisation des éléments organiques.
8 VARET (J.), « Changements climatiques, le point sur
les négociations », in Futuribles, n°276, juin
2002, p. 25
9 Article 2 de la Convention cadre des nations unies sur les
changements climatiques
3
de celle-ci »10 et afin de renforcer cette lutte, les
Etats adopteront le 11 décembre 1997 le Protocole
de Kyoto, entré en vigueur le 16 février 2005,
qui prévoit une réduction des émissions
de gaz à effet de serre des pays
développés de 5% en dessous du niveau des émissions en
199011 et qui fonde la rationalité du concept «
crédit carbone » ainsi que de son marché.
En effet, le Protocole de Kyoto engage les pays
industrialisés signataires12 à
réduire leurs émissions de gaz à effet de
serre de 5% en deçà de leur niveau de 1990, durant
une période s'échelonnant de 2008 à 2012,
et prévoit la mise sur pied de « mécanismes de
flexibilité » permettant aux pays ayant
pris des engagements de réduction chiffrés d'échanger
et/ou d'acquérir des « droits
d'émission » auprès des autres Etats ayant le
même statut ou
ceux sans engagements chiffrés. Ainsi, la
dernière décennie a vu se développer dans le monde
les marchés du carbone.
Les lignes qui suivront feront une étude du
fonctionnement de ces marchéscarbone.
Nous essayerons d'analyser les règles et les
résultats afin d'en cerner le contenu et
en dégager l'impact dans la lutte contre le
réchauffement climatique et la protection de
l'environnement.
Cependant, il sied de souligner qu'il serait inconcevable
d'entamer le vif de
notre sujet sans dégager l'ensemble des questions qui
s'y rattachent ainsi que son intérêt.
I.1. PROBLEMATIQUE
L'appréhension juridique des changements climatiques,
c'est-à-dire faire correspondre
à l'élément naturel que constitue le
climat un ensemble de règles juridiques, exige
de prendre en compte toute les spécificités
propres à la menace climatique. Il s'agit d'un
phénomène
global qui n'échappe pas à problématique
du droit international (arène par excellence
de la lutte entre intérêts nationaux et
intérêts communs à tous les Etats), «... dans lequel
tous
les Etats n'ont pas la même part de
responsabilité, et face auquel une action internationale sera
nécessairement [...] coûteuse
économiquement...»13.
10 Voir le préambule du Protocole de Kyoto à la
convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
11 Article 3 §1 du Protocole de Kyoto
12 Voir l'annexe I
13 LASSUS SAINT GENIE (G.), Droit international et changements
climatiques, Master de recherche en droit international
et organisations internationales, Panthéon-Sorbonne
Paris 1, 2005-2006 p.4
4
En effet, La structure de la société
internationale, dans laquelle le principe de
souveraineté est la base de toutes les relations
interétatiques, ne s'accommode que difficilement
des impératifs d'une action universelle dans le cadre
de la lutte contre le réchauffement
climatique; l'action des Etats étant plus souvent
guidée par des considérations de politique
nationale que par le bien commun de l'ensemble de la
planète14.
En outre, l'analyse du phénomène met en
évidence la question de la responsabilité
historique et actuelle des pays industrialisés dans ce
forçage anthropique du phénomène
climatique (plus grande part d'émission de gaz à
effet de serre). Aussi, la voie choisie, dans
le cadre d'une action internationale, est celle de la
réduction des émissions de GES (seul paramètre
influençant sensiblement le climat et sur lequel
l'Homme peut agir)15. Cette option
implique une redéfinition des politiques
économiques des Etats, les industrialisés se voyant
obligés de retoucher leurs rythmes de production et de
consommation, les PED, leurs aspirations
au développement.
De ce qui précède, il apparaît clairement
que si le régime international des
changements climatiques impose des limites trop restrictives
aux Etats, ceux-ci hésiteront à
s'engager dans une action internationale dans le cadre de la
lutte contre le réchauffement.
En outre, puisque les émissions des pays
industrialisés ont été et restent encore
pour le moment largement supérieures à celles
des PED, la participation de ces derniers « à
l'effort international de réduction des
émissions dépend de la définition d'une règle de
différenciation
équitable des objectifs »16 et cet effort doit
s'inscrire dans une approche coutefficacité
pour les pays industrialisés.
Il en ressort qu'une action efficace de la communauté
des Etats dans son ensemble
procèderait d'un « ...savant et subtil dosage
entre l'assurance donnée aux Etats d'un
certain respect de leurs droits souverains... »,17
L'équitabilité de la répartition des charges de
cette action entre Etats et l'attribution de
compétences suffisamment importantes à l'action
internationale pour que celle-ci ne soit pas
inopérante.
14 Lire à ce sujet BOISSON DE CHAZOURNES (L.), «
La gestion de l'intérêt commun à l'épreuve des
enjeux économiques
: le protocole de Kyoto sur les changements climatiques
», AFDI, 1997, p. 620
15 LASSUS Saint Génie (G.), op cit, p.28
16 VALEE (A.), « La lutte contre l'effet de serre.
Equité et efficacité », AFRI, 2003, p.761
17 BOISSON DE CHAZOURNES (L.), Op cit, p.622
5
De l'analyse de la convention-cadre des Nations Unies sur les
changements
climatiques, il en résulte que celle-ci semble
maitriser cette « alchimie ».
En effet, si la réduction des GES a été
érigée en cheval de bataille de la
CCNUCC, celle-ci rappelle - dans le 8ème
considérant de son préambule - que «...
conformément
à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit
international, les États ont le
droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon
leur propre politique
d'environnement et de développement... ». D'autre
part, elle pose le substrat d'un régime différencié
de lutte contre les changements climatiques en notant que
«...la majeure partie des
gaz à effet de serre émis dans le monde par le
passé et à l'heure actuelle ont leur origine dans
les pays développés, que les émissions
par habitant dans les pays en développement sont encore
relativement faibles et que la part des émissions
totales imputable aux pays en développement
ira en augmentant pour leur permettre de satisfaire leurs
besoins sociaux et leurs besoins
de développement ». Ce souci
d'équité se précise dans son article 4§2 qui
prévoit des
engagements spécifiques à l'égard des
seuls pays industrialisés, principaux responsables de la
concentration actuelle de GES.
Cependant, la question de la réduction des GES rime
avec celle du coup économique
de cette action car les estimations des conséquences,
en termes de coût financier, de
la mise en oeuvre des mesures de réduction de GES sont
considérables. Ainsi, la question qui
demeure est de savoir comment assurer une mise en oeuvre
efficace des mesures de réduction
des GES sans incidences néfastes sur les
économies des Etats ayant des engagements.
C'est en réponse à cette question que certains
Etats parties à la convention militeront,
compte tenue du caractère global des efforts de
réduction, pour un mode opératoire
qui permettrait d'agir là où les efforts de
réduction seraient moins coûteux et les mécanismes
de flexibilité ont semblé être les outils
les mieux appropriés pour répondre à ce souci.
Définis
par les articles 6 et 12 du protocole de Kyoto, ces
mécanismes ont pour objet de permettre à
un Etat partie de l'annexe I soit de céder ou
d'acquérir des unités de réduction d'émission
auprès
d'un autre ayant le même statut, soit d'acquérir
des crédits d'émission en finançant des
projets dans les pays en transition vers une économie
de marché, soit encore, d'obtenir des
unités de réduction en finançant des
projets de développement propre, crédits qu'il peut utiliser
à domicile ou revendre sur le marché de permis
d'émission.
6
De ce qui précède, il apparaît que les
mécanismes de flexibilité créent une rareté
sur un bien (l'émission de GES) avec pour
conséquence la mise en place d'un circuit économique
dans lequel les participants peuvent céder ou
acquérir une partie des quantités
d'émissions : le marché carbone. Par
conséquent, l'étude de son impact dans une action
internationale
pour la protection de l'environnement requiert une analyse des
raisons son institution,
de son cadre juridico-institutionnel
et de son incidence dans la lutte contre le
réchauffement
climatique et la protection de
l'environnement. Tel sera l'essentiel de ce travail.
I.2. INTERET DE SUJET
Si l'avenir de la planète Terre dépend
désormais de chaque acte posé par
l'homme, ce travail doit être perçu comme une
modeste contribution pour cette sauver planète
qui va mal.
Le choix de ce sujet rencontre un double intérêt.
D'abord un intérêt théorique
ou scientifique dans le sens où il permet au juriste
et/ou à tout autre scientifique de
s'imprégner du concept « marché carbone
» dans une approche juridique de la question. Mais
au-delà de cet intérêt théorique se
trouve un intérêt pratique car comprendre l'incidence du
marché carbone sur la protection de l'environnement
permet de dégager les atouts et les
failles des stratégies actuelles de réduction
des GES mises en oeuvres par la communauté internationale,
en préconiser d'autres avec plus d'impacts que les
précédents et cela pour notre
survie et celle des générations futures.
I.3. METHODOLOGIE
La méthodologie, marche rationnelle de l'esprit pour
arriver à la connaissance
ou la démonstration d'une vérité, est une
exigence dans la recherche scientifique; elle permet
au chercheur d'élucider sa démarche et
d'atteindre le but de son travail.18
Dans son ouvrage « méthodologie du droit
international », Olivier CORTEN
expose une pluralité de méthodes scientifiques
auxquelles le chercheur « internationalistes »
18 Lire MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière
de rédaction d'un travail universitaire, Kinshasa,
CADICEC, 2004, p.21
7
peut recourir, et qui s'explique par la diversité
d'approches.19 Dans le cadre spécifique de ce
travail, deux méthodes ont particulièrement
retenues notre attention. Il s'agit de la dogmatique
juridique et de la sociologie du droit.
La dogmatique juridique vise à exposer
l'état du droit tel qu'il existe et à en
déterminer le contenu. Il s'agit donc d'établir
et d'interpréter une règle juridique, non de
l'évaluer ou de la critiquer.20 Dans le cadre de ce
travail, cette approche s'explique du fait que
l'étude du marché-carbone, et par
conséquent des mécanismes de flexibilité, nous conduira
à
l'analyse du cadre normatif qui les instituent afin d'en
dégager le contenu.
Le droit étant décrit « soit par un de ses
traits formels, soit par un fait social qui
l'explique, soit encore par une vision idéale de sa
finalité »21, la sociologie du droit, quant à
elle, a été choisie parce qu'elle permettra
d'examiner le contexte politique qui explique
l'émergence du marché-carbone.
I.4. DELIMITATION DU SUJET ET PLAN SOMMAIRE
Le droit international en général, le droit
international de l'environnement, en
particulier - et les branches voisines relatives à
notre étude - comportent des méandres susceptibles
de nous perdre si nous ne prenons pas la précaution de
la circonscrire dans un cadre
conceptuel et temporel bien déterminé. De ce
fait, cette étude consistera en une analyse du
concept « marché-carbone » et, par ricochet,
du concept « mécanismes de flexibilité », de la
période partant de l'entrée en vigueur du
protocole de Kyoto, soit de 2005 à 2011.
Ainsi, après avoir traité de la
détérioration de l'environnement par les changements
climatiques (chapitre 1re), il sera question de
cerner comment les marchés carbone
contribuent-ils à la protection de l'environnement
(chapitre 2ème) avant de chuter par une conclusion.
19 CORTEN (O.), Méthodologie du droit international
public, Bruxelles, édition de l'université de Bruxelles,
2009, p. 19
20 Idem, p.23
21 BERGEL (J-L.), Méthodologie juridique,
Paris, PUF, 2001, p.29
8
CHAPIITRE II.. LA DETERIIORATIION DE
L''ENVIIRONNEMENT
PAR LES CHANGEMENTS CLIIMATIIQUES
Les tendances actuelles de la détérioration de
l'environnement par les changements
climatiques ne font l'ombre d'aucun doute. Définis par
la Convention cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques comme «... des
changements de climat qui sont
attribués directement ou indirectement à une
activité humaine altérant la composition de
l'atmosphère mondiale et qui viennent s'ajouter
à la variabilité naturelle du climat observée
au cours de périodes comparables. »,22 ils ont
déjà des effets très mesurables sur des nombreux
systèmes naturels et humains.
Ainsi, il sera question dans ce chapitre de cerner la notion
même du réchauffement
climatique (section I) avant d'aborder la question du cadre
international de lutte contre
le réchauffement climatique (section II).
SECTION I. LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE DE LA TERRE
Phénomène d'augmentation des températures
des océans et de l'atmosphère, le
réchauffement climatique n'est que la
conséquence de la modification du climat terrestre résultant
de l'émission des gaz à effets de serre et
autres substances due aux activités humaines.
Cependant, appréhender la notion du
réchauffement climatique de la terre requiert de prime à
bord d'analyser conjointement le mécanisme du climat et
l'effet de serre.
Depuis la formation de la Terre il y a 4.6 milliards
d'années, son climat a constamment
évolué. Celui-ci résulte d'interactions
complexes essentiellement entre l'atmosphère
et les océans.23
En effet, la température du globe dépend de
l'énergie qu'il reçoit du Soleil et
qu'il émet dans l'espace. Pour l'essentiel, la Terre
reçoit de l'énergie sous forme de rayonnement
solaire et émet elle-même de l'énergie
sous forme de radiations infrarouges. Environ 30
% des rayons solaires sont directement réfléchis
vers l'espace par la surface de la Terre. De
l'ordre de 20 % sont aussi réfléchis par des gaz
et poussières présents dans l'atmosphère. Le
reste réchauffe océans et continents (cfr fig. I
infra). Le rayonnement solaire absorbé est trans-
22 Art 1 de la Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
23 BARBAULT (R.), Ecologie générale :
structure et fonctionnement de la biosphère, 5ème éd,
Paris, Dunod, 2000,
p. 39
9
formé en chaleur et la Terre devient émettrice
de rayonnement infrarouge. 95 % de cette énergie
est rabattue vers le sol par les gaz présents dans
l'atmosphère. L'effet de serre est ce phénomène
d'interception et de rabat partiel du rayonnement (cfr fig.2
infra).
La surface de la Terre se trouve ainsi
réchauffée, en plus du rayonnement solaire,
par un rayonnement infrarouge. Sur la surface terrestre, il a
pour conséquence
d'augmenter la température moyenne de la surface de la
Terre d'environ 33°C. Cette surface
est en moyenne à 15°C alors que la
température moyenne de la planète qui, elle, résulte
uniquement
du chauffage solaire est de -18°C.24
Fig. I
24 HUFTY (A.), Introduction à la climatologie,
Québec, De Boeck, 2001, P.19
10
Fig.2
Ainsi, sous l'effet du rayonnement solaire, l'ensemble des
interactions entre
l'atmosphère, les eaux de surface, la
cryosphère, la lithosphère et la biosphère terrestre,
détermine
le climat de la planète.25 L'énergie
reçue est absorbée différemment par les diverses
composantes. Les océans représentent le
principal réservoir de chaleur capturée, et d'humidité,
et ils l'échangent principalement avec
l'atmosphère. La position des courants marins et leur
température déterminent donc une grande partie
du climat. Par ailleurs, les continents et surtout
le relief introduisent des barrières physiques à
ces échanges qui modifient grandement la
distribution des précipitations, de la chaleur et de la
végétation.
Les sciences de la terre ont montré depuis longtemps
qu'au cours des derniers
millions d'années, depuis l'entrée dans le
quaternaire, des ères glaciaires ont régulièrement
alterné avec des périodes de
réchauffement interglaciaires. On pense généralement que
ces
changements climatiques sont dus à la combinaison des
variations de l'activité solaire et de la
complexité du mouvement orbital de la Terre. Les
forages de glace effectués dans
l'Antarctique ont permis de remonter des carottes emprisonnant
des bulles d'air de plusieurs
centaines de milliers d'années et l'analyse de ces
échantillons a contribué de façon importante
à l'étude du climat et de ses variations sur une
longue échelle de temps, plus de 700000 ans .
Nous sommes actuellement dans une période
interglaciaire, commencée il y a 13000ans. Elle
25 HUFTY (A.), op cit, p.19
11
se distingue de la période glaciaire
précédente par une fonte des calottes de glace des hautes
latitudes assortie d'une augmentation du niveau des
océans (130m entre 13000 et 8000ans).26
De ce qui précède, il apparait clairement que
l'effet de serre et le réchauffement
climatique ne sont ni une calamité, ni un risque
naturel, mais des phénomènes physiques
rendant la vie sur Terre plus agréable à l'homme
dans les conditions climatiques générales
actuelles. Favoriser par les gaz à effet de serre qui
se trouvent naturellement dans
l'atmosphère, il convient de s'interroger sur l'ampleur
de l'intensification ou de la concentration
de ceux-ci sous l'influence des activités humaines,
situation qui inquiète actuellement le
monde : l'effet de serre additionnel (§1) d'une part et,
d'autre part, nous verrons les conséquences
du réchauffement climatique sur l'environnement pour
arriver à cerner l'intervention
du droit international dans ce domaine précis
(§2).
§1. Les gaz à effet de serre
L'augmentation des gaz à effet de serre dans
l'atmosphère est un fait observé et
indéniable. De caractéristiques très
diverses, ils ont des origines, capacités de réchauffement
ainsi que des durées de résistance dans
l'atmosphère, différentes. S'il en existe ceux qui sont
non-exclusivement générés par l'homme tel
que la vapeur d'eau ou le dioxyde de carbone, il
en existe aussi ceux que l'homme peut crées ou, par ses
activités, générés.
1. Les gaz à effet de serre naturellement
présent dans l'atmosphère
Les principaux gaz à effet de serre qui existent
naturellement dans
l'atmosphère sont :
- La vapeur d'eau ;
- Le dioxyde de carbone ;
- Le méthane ;
- Le protoxyde d'azote ;
- L'ozone.
26 BARBAULT (R.), op cit, p. 40
12
La vapeur d'eau
Principal GES naturel, la vapeur d'eau est la plus abondante
et sa capacité
d'absorption d'infrarouges est la plus élevée de
tous les GES (70% de l'effet de serre global).
Toutefois, elle est assez souvent oubliée dans
l'énumération des GES et ceci du fait que
l'action de l'homme sur le cycle global de l'eau est faible en
raison du rôle joué par les mers
et océans. En outre, il a été
établi que la quantité de vapeur d'eau accumulée dans
l'atmosphère était relativement stable pour peu
que la température ne varie pas trop.27
Le dioxyde de carbone
Communément appelé « gaz carbonique »,
le dioxyde de carbone est un composé
chimique formé d'un atome de carbone et de deux atomes
d'oxygène (CO2). C'est un
gaz incolore, inodore et à la saveur piquante. Il est
produit lors de la fermentation aérobie ou
de la combustion des composés organiques et lors de la
respiration des animaux et végétaux.
L'intensification de l'effet de serre due à son
accumulation anthropique est estimée à 60% et
d'après le GIEC, le dioxyde de carbone et la vapeur
d'eau contribueraient approximativement
à 85% de l'effet de serre.28
Le méthane
Comme le gaz carbonique, le méthane peut être
d'origine naturelle, par
exemple lorsqu'il se dégage des zones humides
naturelles (sols et océans), ou d'origine animale
(fermentation entérique) ou bien d'origine humaine,
lorsqu'il provient de l'agriculture
(rizières inondées), de l'extraction de gaz ou
des prairies. Il est considéré que plus de la moitié
des émissions de méthane sont d'origine
anthropique.
Si l'influence du méthane sur le climat est moins
importante que celle du
dioxyde du carbone, elle est quand même
préoccupante car une molécule de méthane absorbe
en moyenne 25 fois plus de rayonnement qu'une molécule
de dioxyde de carbone sur une période
de 100 ans. C'est en considération de ce potentiel de
réchauffement qu'il est classé
comme le 3ème gaz responsable du
dérèglement climatique.29
27 DENEUX (M.), Rapport sur l'évaluation de
l'ampleur des changements climatiques sur la géographie de la
France à l'horizon 2025, 2050, 2100, Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
Assemblée nationale française, session ordinaire
2001-2002, p. 36
28 Idem
29 DENEUX (M.), Op cit, p.37
13
Le protoxyde d'azote
Le protoxyde d'azote (N2O) est un composant du cycle de
l'azote (N). L'azote
est présent dans le sol, les végétaux et
dans l'atmosphère principalement en forme de gaz.
Les micro-organismes qui réalisent la nitrification et
la dénitrification de
l'azote dans les sols et les fumiers sont responsables des
émissions de N2O en milieu agricole.
Ces émissions sont stimulées par
l'épandage d'engrais minéraux azotés et d'engrais
organiques,
et par l'excès d'azote minéral provenant des
engrais organiques et de synthèse dans un
milieu faible en oxygène, tel que les sols compacts et
mal drainés.30
Le protoxyde d'azote a aussi été
classifié comme polluant. Son potentiel de réchauffement
global a été estimé à 298 fois que
celui du CO2 et sa contribution est de 6% de
l'effet de serre total. Ces sources d'émission
naturelles sont les sols et océans.31
L'ozone
Ce gaz joue un rôle essentiel pour le maintien de la vie
sur la Terre. Sa présence
dans la haute atmosphère absorbe l'essentiel du
rayonnement solaire ultra-violet de très
courte longueur d'onde (UV-B) qui est nocif pour les
êtres vivants (cancers de la peau pour
les hommes et les animaux, inhibition de la
photosynthèse, mutations génétiques...)
Quant à l'ozone troposphérique, qui
résulte de l'émission de méthane et de divers
polluants, sa concentration réagit rapidement aux
variations des émissions polluantes. Sa
présence, liée aux émissions des gaz
précurseurs, est donc particulièrement prononcée
audessus
de l'Amérique du Nord et de l'Europe, ainsi
qu'au-dessus de l'est de l'Asie. Cependant,
une incertitude provient de l'absence ou de la rareté
des informations antérieures à 1960,
ce qui rend impossible une comparaison des zones de
présence actuelles de l'ozone avec sa
répartition antérieure.32
2. Les causes additionnelles de concentration de GES
dans l'atmosphère : le
forçage anthropiques
Si des incertitudes demeurent encore concernant le lien entre
l'augmentation
constatée de GES et le réchauffement climatique
actuel (et il existe des fortes présomptions de
30 « Gaz à effet de serre et influence des
activités humaines » in http://www.notre-planete.info/ Gaz
à effet de
serre et influence des activités humaines -
notre-planete_info.html
31 Idem
32 Ibid.
14
l'existence d'une causalité entre ces deux
phénomènes), la corrélation entre l'augmentation de
la concentration actuelle des GES et activités humaines
ne fait l'ombre d'aucun doute.
En effet, l'accroissement de la production de GES, qui serait
à l'origine des
changements climatiques, aurait une origine anthropique, et
serait directement lié au développement
économique et à l'évolution des modes de
vie : le dioxyde de carbone produit par la
combustion du pétrole, du charbon et des gaz naturels ;
le méthane et l'oxyde nitreux par rejets
de l'agriculture et conséquences des changements dans
l'utilisation des terres ; l'ozone
troposphérique, par les chlorofluorocarbones...
Dans le cas du carbone par exemple, l'ère industrielle
a marqué l'accélération
des émissions de gaz carbonique dans l'air. Cela
résulte tant de la combustion des combustibles
fossiles que de la déforestation. Il peut être
même considéré, comme l'estime le GIEC,
dans son dernier rapport en 2001, que l'accroissement de
l'émission de dioxyde de carbone
durant l'ère industrielle est dramatique. En effet, ces
experts ont noté que le taux annuel
d'accroissement des émissions de CO2 depuis 1980 est de
0,4 % par an. Au cours des vingt
dernières années, 70 % à 90 % des
émissions de dioxyde de carbone proviendraient de la
combustion des carburants d'origine fossile, et entre 10 %
à 30 % seraient issus du changement
d'usage des terres, essentiellement de la
déforestation. La variation annuelle du niveau
des émissions est parfois importante puisqu'elle
oscille du simple au triple, et il a été relevé
que les plus grands taux d'augmentation ont correspondu aux
années où le phénomène El Niño
s'est manifesté avec le plus d'acuité.33
Quant au méthane, plus de la moitié des ses
émissions proviennent de sources
anthropiques. A partir de l'année 1983, début
des mesures précises de la concentration de ce
gaz dans l'atmosphère, celui-ci a continué
à augmenter en passant de 1,610 ppbv34 en 1983 à
1,745 ppbv en 1998.
Cependant, l'augmentation annuelle s'est réduite durant
cette période. De
grandes variations dans les émissions annuelles ont
été observées au cours des années 1990.
33 DENEUX (M.), Op cit, p.40
34 Le Partie par milliard en volume est l'unité de
concentration de GES
15
Ainsi, en 1992, les émissions étaient proches de
zéro, alors qu'elles dépassaient 13 ppbv en
1998. Il s'agit là d'une source d'interrogation pour
les experts.35
Dans la mesure où l'accroissement dans
l'atmosphère de la présence du CH4
résulte de l'équilibre entre les sources et les
puits, toute prévision des taux futurs de concentration
est difficile à établir. En effet, même si
les principales sources ont été identifiées, elles
sont difficiles à quantifier, étant toujours
largement sujettes à variation, et ce déjà en fonction
du changement climatique lui-même.36
Il doit être rappelé qu'une importante part des
émissions de méthane provient
de la culture du riz, et de la fermentation entérique
chez les ruminants, c'est-à-dire des vents
émis par ceux-ci lors de leur digestion. Curieusement,
le résumé technique du dernier rapport
du GIEC ne dit rien sur ce dernier point, tandis que la
riziculture est à peine évoquée.
Concernant l'oxyde nitreux, ses sources anthropiques sont
l'agriculture intensive
(décomposition des engrais, déjections), la
combustion de la biomasse, procédés industriels
chimiques (production d'acide nitrique et d'acide adipique) et
combustion des carburants
pour l'aviation et aérosols.37
La production d'ozone est fortement liée au trafic
automobile dans des conditions
de températures supérieures à 25°C.
L'ozone troposphérique représenterait 17 à 20% de
l'effet de serre additionnel.38
Il convient de noter qu'outre ces gaz naturellement
présent dans l'atmosphère,
il en existe d'autres, généralement
d'émanation anthropique. Tels est le cas des halocarbures
qui - quand bien même influençant
quasi-indirectement les changements climatiques - représentent
néanmoins 14% de l'effet de serre additionnel.
Ces gaz sont, par exemple, utilisés comme propulseurs
dans les bombes aérosols,
liquides réfrigérants (fréons), agents de
fabrication des mousses de polymères, solvants
pour l'électronique. Pour la plupart de ces
halocarbures ou de ces composés du carbone, qui
contiennent du fluor, du chlore, du brome ou de l'iode, les
activités humaines en sont les
35 DENEUX (M.), Op cit
36 Idem, p.41
37 « Gaz à effet de serre et influence des
activités humaines » in http://www.notre-planete.info/ Op
cit
38 Idem
16
seules sources. Ceux d'entre eux qui contiennent du chlore ou
du brome sont à l'origine du
trou dans la couche d'ozone stratosphérique, et sont
juridiquement contrôlés par les dispositions
du Protocole de Montréal de 1987. De ce fait,
après avoir culminé en 1994, ces gaz sont
en lent déclin. En revanche, les concentrations des
substituts aux CFC sont en augmentation
et certains d'entre eux sont des gaz à effet de serre.
Ainsi, la concentration de HFC-23 a triplé
entre 1978 et 1995. Par ailleurs, les perfluorocarbures
(PFCs), notamment le CF4 et F6, et
l'hexafluorure de soufre (SF6) sont des gaz à effet de
serre puissants qui demeurent très longtemps
dans l'atmosphère. Il faut y prendre garde, car
quoiqu'émis en très faibles quantités, ils
risquent d'influer sur le climat futur. Ainsi, le
perfluorométhane (CF4) possède un temps de
résidence dans l'atmosphère d'au moins 50.000
ans, et les émissions dues à l'homme étant
mille fois supérieures aux émissions naturelles,
elles sont totalement responsables de
l'accroissement observé. L'hexafluorure de soufre (SF6)
est 22.200 fois plus puissant, par unité
émise, que le dioxyde de carbone, comme gaz à
effet de serre. En conséquence, même une
très petite concentration, mais avec un taux de
croissance important, peut entraîner des répercussions.
39
Il faudra aussi noter que si le rapport du GIEC ne mentionne
pas moins de 42
GES, il convient, eu égard du rôle jouer par
ceux-ci dans l'intensification de l'effet de serre,
d'établir une liste limitative des GES d'origine
anthropique qu'il faudrait d'encadrer. C'est
dans ce contexte que le Protocole de Kyoto ne retiendra que
six GES. Il s'agit du dioxyde de
carbone (CO2), du méthane (CH4), de l'oxyde nitreux
(N2O), des hydrofluorocarbones (HFC),
des hydrocarbures perfluorés (PFC), de l'hexafluorure
de soufre (SF6).
§2. Les conséquences du réchauffement
climatique
Le réchauffement climatique est susceptible d'affecter
de façon radicale le
monde. Si certains de ses impact sont déjà
perçus, tels que la fonte des glaciers polaires, les
modèles climatiques projettent des conséquences
encore plus « hard » pour l'avenir, conséquences
qui auront aussi une influence sur le droit international.
39 DENEUX (M.), op cit, p.43
17
1. Les effets liés à la hausse moyenne
des températures
Parmi les principales conséquences possibles d'une
hausse des températures,
figurent en premier lieu la préoccupation liée
à la montée du niveau des eaux. Sous l'effet de
l'accroissement de la température atmosphérique,
la température de la surface des mers et des
océans augmente. Or ces importantes masses d'eau sont
sujettes à un effet de dilatation thermique
conduisant ainsi à une élévation du
niveau des eaux. Ce phénomène est d'autant plus
important que la couche d'eau réchauffée est
importante. Quand la température de surface
croît de 0,1 °C, le niveau de la mer
s'élève de 1 cm.40
La fonte des glaciers est également responsable de ce
phénomène de « rehaussement
contemporain du niveau moyen des océans » mais
dans une moindre mesure puisque
les glaciers de l'Antarctique en raison de leur âge et
de leur inertie sont moins sensibles aux
évolutions actuelles de notre planète.41
Bien que l'élévation moyenne soit variable selon
les régions du globe cette
montée des eaux suscite des inquiétudes de la
part de certains Etats qui craignent de subir
d'importantes modifications de leurs aires littorales. Cette
montée des eaux risque également
de s'accompagner de la disparition de certains
écosystèmes, de la dégradation des sols et donc
de pénuries alimentaires ainsi que de problèmes
sanitaires entraînant une augmentation des
épidémies.
Parallèlement à cette montée des eaux,
l'altération anthropique du climat risque
de conduire à l'augmentation de la fréquence et
de l'intensité des phénomènes climatiques
extrêmes marquée par une progression de la
fréquence des précipitations extrêmes et des
périodes
de sécheresse. Toutes ces modifications du climat
risquent donc de rendre certaines
zones de la planète difficilement habitables, et peut
être de façon irréversible.
A travers la résolution 43/53, l'Assemblée
générale des Nations Unies s'est
dite : « convaincue que l'évolution du climat a
des effets sur le développement ».42 Si la
hausse moyenne des températures risque
d'entraîner des conséquences importantes, l'action
40 DENHEZ (F.), Op cit, p. 38.
41 VANNEY (J- R.), « Le rehaussement contemporain du
niveau moyen de l'océan », in ADM, 2000, p. 295.
42 Assemblée générale des Nations Unies,
Protection du climat mondial pour les générations
présentes et futures,
A/RES/43/53 du 6 décembre 1988, Nations Unies, New
York, 1988, p.137.
18
internationale, pour y faire face, risque de
représenter un coût humain et financier tout aussi
considérable.
En effet l'action internationale pour la lutte contre le
réchauffement climatique
passe par la réduction des émissions de gaz
à effet de serre, parmi lequel le CO2. Or ces gaz à
effet de serre sont le résultat, comme nous l'avions
noté ci-haut, de la combustion des énergies
fossiles. Ainsi, la réduction des émissions de
gaz à effet de serre prévu par l'article 3 du
Protocole de Kyoto comporte des implications
considérables pour les Etats compte tenu de la
place qu'occupent ces sources d'énergies dans nos
sociétés actuelles. Cet objectif de réduction
risque donc d'entraîner d'importantes
conséquences sur le fonctionnement des économies, sur
les modes de vie des individus mais également sur les
relations internationales. C'est donc à
travers les divers effets résultant d'une modification
anthropique du climat que le droit international
se trouve concerné et qu'apparaissent ainsi des
problèmes au regard du droit international.
2. Les problèmes de droit international que pose
la hausse des températures.
A la lumière de ce qui précède, il n'est
pas difficile de constater que la hausse
moyenne des températures, ainsi que les
conséquences qui vont avec, pourraient avoir des implications
tant politiques qu'économiques qui affecteront les
relations interétatiques. Cependant,
elles pourraient aussi avoir des implications concernant
directement le droit international.
A titre d'exemple, l'élévation du niveau moyen
des eaux fait peser une menace
sur l'existence même des Etats. En effet, la
première conséquence juridique de ce phénomène
serait la perte partielle ou totale d'un élément
constitutif de l'Etat, le territoire. Nombre
d'Etats possédant des deltas tropicaux ou subtropicaux
sont effectivement menacés par la disparition
d'une partie de leur territoire.
Alors que la perte partielle n'est que peu
problématique, puisque l'Etat conserve
une assise territoriale, en revanche la perte totale poserait
un nouveau problème de droit
international. En effet qu'adviendrait-il de l'Etat dont le
territoire disparaîtrait ?
Cette question n'est pas une hypothèse d'école
dans la mesure où elle concerne
de nombreux groupes récifaux des océans
Pacifique et Indien. Les scientifiques estiment que
80% des atolls risquent d'être engloutis sous la mer
dans l'hypothèse moyenne d'une montée
19
d'un demi mètre, tels que les Maldives ou certaines
îles de la Polynésie. Comment le droit international
appréhendera t-il la disparition de l'assise
territoriale d'un Etat dans ce contexte
précis ?
En outre ces modifications physiques du territoire
entraînent des conséquences
sur un autre élément constitutif de l'Etat,
la population. En effet la disparition de territoires,
de même que la dégradation des conditions de vie
dans certaines régions de la planète, risquent
de générer d'importants flux migratoires.
Le PNUE, dès 1985, a évoqué la notion de
« réfugié de l'environnement » pour
désigner : « des personnes qui ont
été forcées de quitter leurs habitations traditionnelles
de
façon temporaire ou permanente, en raison d'un
dérangement environnemental majeur (naturel
et/ou engendré par les humains) qui a mis en danger
leur existence et/ou qui a endommagé
sérieusement la qualité de leur vie ».43
Comme le note Hervé Raimana Lallemant : «
...l'apparition de cette notion
de réfugié climatique pose un problème de
droit international. Faut-il aller vers un élargissement
des catégories de personnes déplacées
susceptibles de recevoir une aide internationale et
pouvant bénéficier du statut de
réfugié dans les pays d'accueil ? »44
Se pose également la question de savoir si certains
Etats ont une responsabilité
et par conséquent, l'obligation d'accueillir les
réfugiés climatiques. Cette question est apparue
tout récemment à l'occasion de la revendication
d'une ONG samoane à l'égard de l'Australie.
En raison de son importante production de gaz à effet
de serre, l'Australie s'est vue demander
la reconnaissance du statut de réfugié de
l'environnement aux ressortissants des îles Samoanes
présents sur son territoire, au motif que ceux-ci
auraient été victimes du réchauffement
climatique.
Enfin, ces questions posent également des
problèmes de relations internationales
et de sécurité internationale, dans la mesure
où les territoires aux conditions climatiques
favorables risquent de devenir un nouvel enjeu de luttes
armées.
43 EL -HINNAWI (E.), Environnemental
refugiées, UNEP, Nairobi, cité par ALLARD (P.), «
Malaise dans la climatisation,
le changement climatique et la sécurité des
Etats », in AFRI, p. 948.
44 RAIMANA LALLEMANT (H.), « l'apatride climatique et
la disparition de l'Etat dans le Pacifique Sud », in
Revue
juridique polynésienne, n°15, 2009, p.
83
20
Il semble donc qu'en raison de la dimension planétaire
de la menace climatique,
mais aussi parce qu'elle a fait surgir des problèmes de
droit international, la communauté
internationale se devait de s'intéresser aux
conséquences que la modification du temps
peut exercer sur le plan international.
SECTION II. DES DONNES SCIENTIFIQUES AU CADRE
JURIDIQUE
DE LA LUTTE CONTRE LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Jusqu'aux années 70, dates des premières
manifestations d'intérêt sur les questions
climatiques de la part des Etats, les cris alarmistes sur les
changements climatiques seront
scientifiques (§1). Sur bases des ces mises en garde, la
communauté internationale se
penchera sur la question climatique pour déboucher sur
deux instruments juridiques - la Convention
des Nations Unies sur les changements climatiques et le
Protocole de Kyoto - qui
constitueront le cadre juridique international de lutte contre
les changements climatiques (§2).
Il s'agira, dans le cadre de cette deuxième section, de
retracer l'apparition de la question climatique
en droit international.
§1. Le monde scientifique comme facteur incitatif de
la prise de conscience internationale
du problème du réchauffement climatique.
Tout commence en 1895 lorsque Svante Arrhénius
analyse le mécanisme de
l'effet de serre à l'Académie des Sciences de
Suède. Après avoir décrit le mécanisme tel que
développé ci-haut (cfr. Section I supra), il met
en garde contre le développement de l'usage
des combustibles fossiles, estimant qu'il devrait se traduire
par une augmentation de la température
moyenne de la Terre.
La théorie d'Arrhénius ne sera pas
prise au sérieux et il faudra attendre 1956
pour qu'un autre scientifique américain, Gilbert
Plass, reprenne cet argument d'un réchauffement
climatique dont l'homme serait responsable.45 Ainsi
débuteront, en 1957, les premières
mesures systématiques du CO2, à Hawaï et en
Alaska. Pratiquement à la même période
Charles Kelling utilisa les technologies les plus
modernes pour produire des courbes de con-
45 CORNUT (P.), « Petite historique de la convention
climat et des négociations climat », in Les cahiers de
globales
chances n°8, Paris, juillet 1997, p.53
21
centration du CO2 dans l'antarctique et à Mauna Loa.
Ces courbes serviront de référence pour
toutes les modélisations climatiques qui suivront.
En 1967, deux scientifiques, Syukuro Manabe et
Richard Wetherald, prédisent
un doublement de la concentration de CO2 d'ici le début
du XXIème siècle et une élévation
de la température moyenne de l'ordre de 2,5°C.46
C'est ainsi que la communauté internationale
commencera à se pencher sur la question.
Une première conférence sur l'Environnement sera
organisée en juin 1972 à
Stockholm et fera de l'environnement une question majeure sur
la scène internationale. Sous
l'égide des Nations Unies, elle réunira les pays
développés et en développement, mais l'Union
soviétique d'alors et la plupart de ses alliés
n'y participeront pas, certes la conséquence logique
du contexte géopolitique de l'époque.47
La Conférence de Stockholm a produit une
déclaration de 26 principes et un
plan d'action de 109 recommandations parmi lesquelles la
création d'un secrétariat qui centralisera
l'action en matière de l'environnement et
réalisera la coordination entre les organes des
Nations Unies. Cette recommandation se matérialisera la
même année sous le nom du Programme
des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE). En outre ,
quelques objectifs spécifiques
ont été fixés : un moratoire de 10 ans
sur la chasse commerciale à la baleine, la prévention
des rejets délibérés de pétrole en
mer au plus tard en 1975 et rapport sur les utilisations
de l'énergie, au plus tard en 1975 . La
Déclaration de Stockholm sur l'environnement et
les principes de Stockholm constituent le premier exemple de
« droit international non contraignant
» concernant l'environnement. Comme le remarquera le
professeur Mostafa Tolba,
chef de la délégation égyptienne : «
...l'une des principales responsabilités de cette conférence
est de diffuser une Déclaration internationale sur
l'environnement ; un document qui
n'aurait pas force de loi mais qui, nous l'espérons,
aurait une autorité morale, qui mettrait
dans le coeur des hommes le désir de vivre en harmonie
les uns avec les autres et avec leur environnement
».48
46 Idem
47 La conférence de Stockholm eu lieu dans un contexte
géopolitique particulier. La polarisation du monde,
caractéristique
de la guerre froide, ne favorisait pas la réunion de
tous les Etats pour une action internationale en
faveur de l'environnement. Il n'était normal que le
bloc soviétique s'abstienne d'y participer car voyant en
cette conférence un « conglomérat
capitaliste ».
48 NEBBIA (T.), Environnement et développement :
vers l'intégration 1979-2002, UNEP, Nairobi, 2002, p. 3
22
En 1974, sous l'égide du Programme des Nations Unies
pour l'Environnement
et de la Commission des Nations Unies pour le commerce et le
développement (CNUCED)
sera organisé un colloque d'expert à Cocoyoc
(Mexique). Présidé par Barbara Ward, il aura le
mérite de dresser la liste des facteurs
économiques et sociaux qui entraineraient une
détérioration
environnementale. La Déclaration de Cocoyoc,
officiellement publiée à l'issue de ce colloque,
a eu une grande influence car elle a modifié la
réflexion sur l'environnement.
Mais il faudra attendre la première Conférence
Mondiale sur le Climat, en
1979, pour voir une assemblée scientifique
internationale mettre en garde contre les changements
climatiques. Cette conférence parviendra à la
conclusion que les émissions anthropiques
de dioxyde de carbone pouvaient avoir un effet à long
terme sur le climat et la déclaration
adoptée par les participants appellera tous les
gouvernements à "prévoir et prévenir celles
des conséquences possibles de l'action de l'homme sur
le climat qui pourraient nuire au bienêtre
de l'humanité".49
Un Programme Mondial de Recherche sur le Climat est alors mis
en place sous
la responsabilité de l 'Organisation
Météorologique Mondiale (OMM), du Conseil International
des Unions Scientifiques (CIUS) et du Programme des
Nations-Unies sur l ' Environnement
(PNUE). Il sera le cadre d'une coopération
internationale à la recherche et une base pour
l'examen des grandes questions climatologiques durant les
années 80 et 90, notamment celles
de l'épuisement de la couche d'ozone et du
réchauffement mondial.
Les années 80 seront celles où la théorie
des changements climatiques aura gagné
du terrain dans l'opinion publique. Il y'a tout d'abord le
constat scientifique que les
courbes annuelles de température augmentaient de
façon inquiétante. Du coup, les ONG environnementales
commenceront à pousser les Etats à une
protection de l'environnement pour
empêcher un réchauffement planétaire
à court terme. La presse a également joué un rôle
important
dans ce lobbying en faveur de l'environnement. Les images de
fumés, de fonte de
glace, pour ne citer que ceux là, seront les grandes
vedettes de ce cirque médiatique qui se développera
et finira par convaincre l'opinion publique que nous courrions
le risque des changements
climatiques imminents et qui auront beaucoup d'impacts
négatifs.
49 CORNUT (P.), op cit
23
En 1987, la Commission « Brundtland »50,
nommée quatre ans plus tôt par les
Nations unies, publiera son rapport « Our common future
». pour l'essentiel ce document est
une étude des solutions pour des problèmes
parallèles de dégradation environnementale et de
manque de développement social et économique en
demandant d'adresser ces problèmes. Ce
rapport aura le mérite de la popularisation de concept
« développement durable » qui fut défini
comme étant un développement qui puisse
répondre aux besoins présents sans toutefois compromettre
l'habilité des générations futures
à répondre à leurs propres besoins.
Toronto, 1988. A l'occasion de la conférence sur
l'atmosphère qui y est organisée
en juin, toujours sous l'égide du Programme des
Nations-Unies sur l'Environnement
(PNUE) et de l'Organisation Météorologique
Mondiale (OMM), la communauté scientifique
alerte les responsables politiques, affirmant pour la
première fois qu'il faut absolument stabiliser
la concentration atmosphérique de CO2 et
précisant qu'à l'échelle mondiale, le premier objectif
devrait consister à réduire les émissions
de CO2 d'environ 20% de leur valeur de 1988
d'ici à l'an 2005". Les participants recommanderont,
pour la toute première fois, l'élaboration
d'une convention-cadre pour la protection de
l'atmosphère. Aussi, à la suite d'une proposition
de Malte, l'Assemblée générale des
Nations Unies se penchera pour la première fois sur la
question des changements climatiques en adoptant la
résolution 43/53, dans laquelle elle a
considéré « l'évolution du climat
comme une préoccupation commune de l'humanité, le climat
étant l'une des conditions essentielles de la vie sur
Terre » et a estimé qu'il fallait «prendre en
temps voulu les mesures nécessaires pour traiter de
l'évolution du climat dans un cadre mondial...
».51
Une plate forme scientifique intergouvernementale sera mise en
place à la
même occasion : le Groupe Intergouvernemental sur
l'Evolution du Climat, GIEC en sigle. Sa
mission est de rassembler les donnés scientifiques,
techniques et socio-économiques pertinentes
afin d'envisager les risques des changements climatiques
liés aux activités humaines,
formuler et évaluer des stratégies possibles de
prévention et d'adaptation. Cadre de confrontation
scientifique, le GIEC jouera un rôle important dans la
compréhension de la question climatique
surtout pour les pays du sud où il n'existait, à
l'époque, quasiment pas de programme
50 Du nom de sa présidente Mme. Gro Harlem
BRUNDTLAND
51 Assemblée générale des Nations Unies,
Résolution A/RES/43/53 du 6 décembre 1988, Nations Unies, New
York, 1988, op cit.
24
climatologique national. Son premier rapport de 1990 servira
de base à la Conférence de Rio
qui donnera naissance à la Convention de Rio sur les
changements climatiques.
En définitif, il faudra retenir qu'à la fin des
années 80, il fut acquis que le climat
se réchauffait. En même temps, la mobilisation
internationale se précisa. Toutes les rencontres
qui suivront ne serviront qu'à aplanir la route aux
« négociations-climat » qui aboutiront
à la Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques.
§2. Les instruments juridiques internationaux de lutte
contre les changements
climatiques
L'adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
(1) marque une nouvelle phase dans l'appréhension de la
question climatique : celle
d'une politique concertée des Etats dans la lutte
contre le réchauffement anthropique. Agissant
dans son sillage, le Protocole de Kyoto (2) viendra renforcer
ses mesures et consolider
cette action en faveur de la planète.
1. La convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques
Après avoir survolé son historique, il sera
question d'analyser ses objectifs
et principes ainsi que son cadre institutionnel.
1.1 Historique de la Convention
Au début des années 90, les gouvernements,
prenant acte des inquiétudes
scientifiques sur le réchauffement climatique et de la
responsabilité humaine dans ce dérèglement,
commencèrent à reconnaitre la
nécessité d'agir. Il faudra signaler que L'Europe
avait déjà pris le devant de la scène
avec la "Déclaration de La Haye", en mai 1989, dans laquelle
24 Chefs d'Etat et de gouvernements s'engagèrent, sur
l'initiative de la France, des
Pays-Bas et de la Norvège, à lutter contre le
renforcement de l'effet de serre. En octobre 1990,
à l'occasion du Conseil Energie - Environnement de
Luxembourg, les ministres de l'environnement
des 12 pays de la Communauté Européenne
s'engagèrent à stabiliser les émissions de
CO2 de la Communauté à leur niveau de 1990 d'ici
l'an 2000.52
52 CORNUT (P.), op cit, p.54
25
Mais le vrai pas décisif sera franchi lors de la
seconde Conférence mondiale
sur le climat, tenue à Genève en novembre 1990.
S'appuyant sur les conclusions du premier
rapport d'évaluation du GIEC, la déclaration
finale confirmera que l'évolution du climat constitue
une préoccupation commune de l'humanité et
préconisera l'instauration d'une Convention
internationale sur les changements climatiques.53
C'est dans ce contexte que l'Assemblée
générale des Nations Unies adoptera,
22 décembre 1990, la résolution 45/212 par
laquelle elle décidera : « d'établir sous ses auspices
un processus intergouvernemental unique de négociation,
appuyer par le programme des
Nations Unies pour l'environnement et l'Organisation
météorologique mondiale, sous la
forme d'un comité intergouvernemental de
négociation chargé d'élaborer une Conventioncadre
concernant les changements climatiques et comportant des
engagements appropriés et
de mettre au point tout autre instrument connexe qui pourrait
être convenu, en tenant compte
des propositions qui pourraient être formulées
par les Etats participant aux négociations, aux
travaux du groupe intergouvernementale d'experts pour
l'étude et des conclusions des réunions
internationales sur la question[...]avant la Conférence
des Nations Unies sur
l'environnement et le développement, qui aura lieu en
juin 1992... ». 54 Ce Comité, présidé par
Jean Rippert, se réunira quatre fois en 1991
et deux fois en 1992 pour enfin adopter le 9 mai
1992, le texte de la Convention.
Formée d'un préambule de 23 points, de 26
articles et deux annexes, la Convention
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques est un
instrument qui pose
les principes directeurs d'une coopération dans le
cadre de la lutte contre le réchauffement
climatique. L'article premier défini les changements
climatiques comme des « changements
de climat qui sont attribués directement ou
indirectement à une activité humaine altérant la
composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent
s'ajouter à la variabilité naturelle du
climat observée au cours de périodes comparables
». Sont aussi définis les gaz à effet de serre
qui sont « Les constituants gazeux de
l'atmosphère, tant naturels qu'anthropiques, qui absorbent
et réémettent le rayonnement infrarouge
».
53 CORNUT (P.), op cit, p.54
54 Assemblée générale des Nations Unies,
Protection du climat mondial pour les générations
présentes et Futures,
A/RES/45/212 du 21 décembre 1990, Nations Unies, New
York, 1990, p.160.
26
1.2 Objectifs et principes
Le présent point traite de l'objectif (art.2) et des
principes (art.3) énoncés par la
Convention. Il convient de noter que les termes objectif et
principes tels que donnés aux articles
précités ne figurent pas dans le texte
négocié. Ils ont été rajouté pour besoin de
commodité.
a) Objectif (art.2 de la convention)
Aux termes de l'article 2, l'objectif ultime de la Convention
est de « stabiliser
conformément aux dispositions pertinentes de la
Convention, les concentrations de gaz à effet
de serre dans l'atmosphère à un niveau qui
empêche toute perturbation anthropique [résultant
de l'activité humaine] du système climatique
». Cet objectif est précisé puisque le texte
prévoit
qu'il conviendra de l'« atteindre [...] dans un
délai suffisant pour que les écosystèmes puissent
s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la
production alimentaire ne soit
pas menacée et que le développement
économique puisse se poursuivre d'une manière durable
».
En énonçant cet objectif, la Convention traduit
la crainte de voir le système
climatique terrestre menacé par une augmentation des
concentrations de gaz à effet de serre
(GES) dans l'atmosphère, imputable à
l'accroissement des émissions de GES d'origine anthropique.
Elle ne fixe pas, s'agissant des émissions totales de
GES d'origine anthropique, de
limite à respecter pour atteindre l'objectif. Elle
n'indique pas non plus le niveau des concentrations
totales de GES au-delà duquel une « perturbation
anthropique dangereuse du système
climatique » se produirait. Les estimations de ces
niveaux ne cessent de varier avec le progrès
scientifique et la nécessité politique de tenir
compte de l'aptitude des sociétés à s'adapter aux
changements climatiques, laquelle est en constante
évolution, vient encore compliquer les
choses. Un autre point important est que pour stabiliser les
concentrations de GES dans
l'atmosphère à des niveaux proches de ceux
observés aujourd'hui, il faudrait en fait, dès à
présent, réduire fortement les émissions
car, une fois émis, les GES demeurent dans
l'atmosphère pendant longtemps: c'est le cas par
exemple du dioxyde de carbone, dont le
temps de séjour dans le système climatique est
en moyenne d'un siècle, voire plus.55
55 UNFCCC, Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques: Guide, Secrétariat de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Bonn,
2008, p. 24
27
b) Principes (art.3)
Les principes qui sous-tendent la Convention sont
énoncés à l'article 3, dans
lequel il est également précisé que
« ... Dans les mesures qu'elles prendront pour atteindre
l'objectif de la Convention et en appliquer les dispositions,
les Parties se laisseront guider,
entre autres, par ce qui suit ».
Au paragraphe 1 de l'article 3, l'accent est mis sur le
principe de l'équité et celui
des responsabilités communes mais
différenciées, lequel a été également
proclamé dans la
Déclaration de Rio de 1992 (Principe 7).
Dans le cadre de la Convention, ce principe a plusieurs
applications. Les émissions
passées et présentes de GES se
répartissent de façon inégale entre les Parties et
celles-ci
ne disposent pas des mêmes capacités ni des
mêmes ressources pour faire face aux causes et
aux effets des changements climatiques. Au paragraphe 1 de
l'article 3, il est donc demandé
aux pays industrialisés «d'être à
l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques
et leurs effets néfastes», ce qui conduit dans la
Convention à distinguer entre les Parties visées
à l'annexe I et les Parties qui ne sont pas
visées dans cette annexe (Parties non visées à
l'annexe I). À l'intérieur de ces deux grands
groupes, de nouvelles distinctions sont faites
pour tenir compte des capacités différentes des
Parties, de leur situation particulière et des facteurs
de vulnérabilité qui leur sont propres.56
En effet, si toutes les Parties ont pris des engagements au
titre de la Convention,
engagements qui pour la plupart sont énoncés au
paragraphe 1 de l'article 4, les Parties
visées à l'annexe I doivent satisfaire à
des obligations particulières pour démontrer qu'elles
sont à l'avant garde de la lutte contre les changements
climatiques. Le paragraphe 2 de
l'article 4 prévoit qu'il leur faut adopter des
politiques et prendre des mesures pour atténuer
les changements climatiques en limitant leurs émissions
de GES et en renforçant leurs puits et
réservoirs de GES. L'article 12 définit les
modalités selon lesquelles les Parties communiquent
des informations sur l'application de la Convention. La
Convention impose aux Parties
visées à l'annexe I de ramener leurs
émissions de GES aux niveaux de 1990 avant 2000, mais
elle prévoit également un réexamen de
l'adéquation de ces engagements.57
56 UNFCCC, Op cit, p. 26
57 Idem.
28
Une autre distinction est opérée entre les
Parties visées à l'annexe I. D'une
part, les Parties visées à l'annexe II de la
Convention (Parties visées à l'annexe II) sont tenues
d'apporter une aide financière aux pays en
développement et de faciliter le transfert de technologies
à destination de ces pays pour les aider à
s'acquitter des engagements pris au titre de
la Convention. D'autre part, les pays en transition sur le
plan économique (pays en transition)
se voient accorder une certaine latitude dans
l'exécution de leurs engagements en raison des
bouleversements économiques et politiques qu'ils ont
connus récemment.58
Une distinction est faite également entre les Parties
non visées à l'annexe I. Les
48 Parties classées dans la catégorie des pays
les moins avancés (PMA) par l'Organisation des
Nations Unies bénéficient d'une attention
particulière dans le cadre de la Convention, car ils
sont mal armés pour faire face aux changements
climatiques et s'adapter à leurs effets néfastes.
Les Parties sont instamment invitées à tenir
pleinement compte de la situation particulière
des PMA lorsqu'ils envisagent un financement ou le transfert
de technologies. En outre,
les règles applicables en matière de
communication d'informations sont moins strictes pour
les PMA que pour les autres Parties non visées à
l'annexe I, les PMA pouvant soumettre leur
communication nationale initiale quand ils le souhaitent.59
La Convention reconnaît aussi que certaines
catégories de pays en développement
sont particulièrement vulnérables face aux
effets néfastes des changements climatiques.
Il s'agit des pays ayant des zones côtières de
faible élévation et des pays sujets à la
désertification
et à la sécheresse. D'autres pays, dont ceux qui
sont fortement tributaires des recours
tirés des combustibles fossiles, sont plus
vulnérables aux incidences économiques potentielles
des mesures prises pour faire face aux changements
climatiques. Dans la Convention (aux paragraphes
8 et 9 de l'article 4), l'accent est mis sur les
activités susceptibles de permettre de
répondre aux besoins et préoccupations
spécifiques de ces pays vulnérables, tels que
l'investissement, l'assurance et le transfert de
technologies.60
La différenciation des responsabilités au titre
de la Convention ressort également
du paragraphe 7 de l'article 4, qui prévoit que la
mesure dans laquelle les pays en développement
parties s'acquitteront effectivement de leurs engagements
«dépendra de
l'exécution efficace par les pays
développés parties de leurs propres engagements en ce qui
58 UNFCCC, Op cit, p. 26
59 Idem, p. 27
60 Ibid., p. 28
29
concerne les ressources financières et le transfert de
technologies et tiendra pleinement
compte du fait que le développement économique
et social et l'éradication de la pauvreté sont
les priorités premières et essentielles des pays
en développement parties».
Le paragraphe 2 de l'article 3 vise à prendre en
considération le fait que les
Parties seront touchées à des degrés
différents par les changements climatiques et par les mesures
prises pour donner effet à la Convention. Il appelle
à «tenir pleinement compte des besoins
spécifiques et de la situation spéciale des pays
en développement parties, notamment de
ceux qui sont particulièrement vulnérables aux
effets néfastes des changements climatiques,
ainsi que des Parties, notamment des pays en
développement parties, auxquelles la Convention
imposerait une charge disproportionnée ou
anormale». Cette disposition se situe dans le
droit fil du Principe 6 de la Déclaration de Rio.
Dans la Convention, cette disposition est
développée au paragraphe 8 (Besoins
et préoccupations spécifiques des pays en
développement parties), au paragraphe 9 (Besoins
particuliers et situation spéciale des PMA) et au
paragraphe 10 (Situation des Parties dont
l'économie est vulnérable aux effets
néfastes des mesures de riposte) de l'article 4.
Le paragraphe 3 de l'article 3 renvoie au principe de
précaution, qui est très
présent dans le droit de l'environnement et les accords
conclus dans ce domaine: «Quand il y
a risque de perturbations graves ou irréversibles,
l'absence de certitude scientifique absolue ne
doit pas servir de prétexte pour différer
l'adoption de telles mesures» - cette disposition reprenant
largement le texte du Principe 15 de la Déclaration de
Rio.
Dans le prolongement de ce principe, l'accent est mis dans le
même paragraphe
sur la nécessité d'un bon rapport
coût-efficacité. Il s'agit d'éviter que les mesures prises
en
application de la Convention ne pénalisent
indûment l'économie. L'application conjointe
pourrait être un moyen de réduire les coûts
au minimum (voir l'article 4.2 a).
Le paragraphe 4 de l'article 3 énonce le droit et
l'obligation de promouvoir un
développement durable, dans le droit fil du
Principe 3 de la Déclaration de Rio. Il est précisé
dans le même paragraphe que les politiques et mesures
visant à protéger le système climatique
devraient être «adaptées à la
situation propre de chaque Partie et intégrées dans les
programmes
nationaux de développement, le développement
économique étant indispensable
pour adopter des mesures destinées à faire face
aux changements climatiques».
30
Le paragraphe 5 de l'article 3 défend le principe du
libre-échange, appelant les
Parties à promouvoir un «système
économique international qui soit porteur et ouvert et qui
mène à une croissance économique et
à un développement durable de toutes les Parties, en
particulier des pays en développement parties, pour
leur permettre de mieux s'attaquer aux
problèmes posés par les changements
climatiques». Dans le même paragraphe, les Parties sont
appelées également à éviter que
les mesures prises «constituent un moyen d'imposer des discriminations
arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce
international ou des entraves
déguisées à ce commerce». Cet
article est étroitement lié au Principe 12 de la
Déclaration de
Rio.
1.3 Le cadre institutionnel de la
Convention.
Plusieurs institutions et organes oeuvrent dans le cadre de la
Convention. Il
s'agit, des institutions et organes créés en
application de cet instrument, dont une brève analyse
de certains s'impose:
a) la Conférence des Parties à la Convention
(COP)
Les travaux relatifs aux changements climatiques s'ordonnent
autour des sessions
annuelles de la Conférence des Parties, qui rassemblent
tous les pays qui sont parties à
la Convention. Au paragraphe 2 de l'article 7, la
Conférence des Parties est définie comme
l'«organe suprême» de la Convention
puisqu'elle en est la plus haute instance décisionnaire.
Suivant le paragraphe 2 de l'article 7, la Conférence
des Parties est chargée de
faire le point de l'application de la Convention et de tout
instrument juridique connexe et doit
prendre les décisions nécessaires pour favoriser
l'application effective de la Convention. Son
rôle consiste, en particulier, à :
- Examiner les engagements des Parties en fonction de
l'objectif de la Convention, de
l'évolution des connaissances scientifiques et de
l'expérience acquise dans le cadre de
l'application des politiques relatives aux changements
climatiques;
- Encourager et faciliter l'échange d'informations sur
les mesures adoptées par les Parties
pour faire face aux changements climatiques et à leurs
effets;
- Faciliter, à la demande de deux Parties ou davantage,
la coordination des mesures adoptées
par celles-ci pour faire face aux changements climatiques et
à leurs effets;
31
- Encourager et guider l'élaboration et le
perfectionnement de méthodes comparables aux
fins des activités entreprises en application de la
Convention, notamment de
l'établissement des inventaires des émissions et
des absorptions de GES et de
l'évaluation de l'efficacité des mesures prises
pour limiter les émissions et renforcer les
absorptions;
- Évaluer l'application de la Convention par les
Parties, les effets des mesures prises par
celles-ci et les progrès accomplis pour se rapprocher
de l'objectif ultime de la Convention;
- Examiner et adopter des rapports sur l'application de la
Convention et en assurer la publication;
- Faire les recommandations nécessaires sur toute
question aux fins de l'application de la
Convention;
- S'efforcer de mobiliser des ressources
financières;
- Examiner les rapports soumis par ses organes subsidiaires et
leur donner des directives;
- Exercer les autres fonctions qui peuvent se
révéler nécessaires pour atteindre l'objectif
de la Convention, ainsi que toutes les autres fonctions qui
lui sont assignées au titre de
la Convention.
Entre sa première session en 1995 et sa onzième
session en 2005, la Conférence
des Parties a adopté 221 décisions
conformément au paragraphe 2 de l'article 7. Indépendamment
de l'adoption de décisions, les travaux de la
Conférence des Parties peuvent déboucher
sur d'autres résultats, tels que des
déclarations ou des résolutions. Il s'agit de
déclarations
politiques non contraignantes destinées à
orienter les travaux découlant de la Convention
ou à exprimer la volonté de la Conférence
des Parties. Ainsi, la Déclaration ministérielle de
Genève, dont la Conférence des Parties a pris
note (sans l'adopter) à sa deuxième session, a
permis de relancer les négociations en vue de
l'adoption du Protocole de Kyoto. Aux quatrième
et sixième sessions de la Conférence, les
Parties ont adopté des résolutions pour exprimer
leur solidarité avec, respectivement, les pays
d'Amérique centrale et les pays
d'Afrique australe, en particulier le Mozambique,
frappés par des phénomènes
météorologiques
extrêmes aux effets dévastateurs. Le plus
souvent, les résolutions adoptées par les Par32
ties visent à faire part de leur gratitude aux pays qui
accueillent les sessions de la Conférence.
61
b) le secrétariat
Le Secrétariat, appelé également
Secrétariat des changements climatiques, assure
le service de la Conférence des Parties, des organes
subsidiaires, du Bureau et des autres
organes créés par la Conférence des
Parties. Il est basé à Bonn et son mandat, défini à
l'article
8 de la Convention, est le suivant:
- Organiser les sessions des organes créés en
application de la Convention, c'est-à-dire
de la Conférence des Parties et de ses organes
subsidiaires;
- Aider les Parties, en particulier les pays en
développement, à s'acquitter de leurs engagements;
- Appuyer les négociations; et
- Assurer la coordination avec les secrétariats des
autres organismes internationaux compétents,
notamment le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) et ses
agents
d'exécution (Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), Programme
des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et Banque
mondiale, le
GIEC et les autres conventions apparentées.
c) les organes subsidiaires
La Convention a prévu la création de deux
organes subsidiaires permanents, à
savoir l'Organe subsidiaire de conseil scientifique et
technologique (SBSTA) à l'article 9, et
l'Organe subsidiaire de mise en oeuvre (SBI) à
l'article 10. Ces organes donnent des avis à la
Conférence des Parties. Conformément au
paragraphe 1 de l'article 9 et au paragraphe 1 de
l'article 10, il s'agit, dans les deux cas, d'organes
multidisciplinaires ouverts à toutes les Parties
et les gouvernements s'y font représenter par des
spécialistes.
Le SBSTA et le SBI, sont les principaux organes subsidiaires
chargés
d'exécuter le programme de travail découlant de
la Convention. Ils se réunissent deux fois par
an pendant une ou deux semaines, la première fois
normalement en milieu d'année et, la seconde,
à l'occasion de la session annuelle de la
Conférence des Parties. En général, vu le ca-
61UNFCCC, Op cit, p. 31
33
ractère plus technique de leurs activités, les
personnes qui y siègent sont des spécialistes des
questions techniques plutôt que des négociateurs
politiques de haut niveau et leurs sessions
rassemblent un peu moins de participants (environ 1 500) que
celles de la Conférence des Parties.
Quant aux modalités d'organisation de leurs travaux,
elles sont comparables à celles suivies
par la Conférence des Parties dont il a
été question plus haut.62
Il convient de signaler qu'en vertu du point i du
paragraphe 2 de l'article 7 des
organes peuvent spécialement être
créés par la Conférence des Parties. Tel était le
cas du
Groupe spécial du Mandat de Berlin (AGBM) qui sera
crée à la première session de Conférence
des Parties et dont le rôle était de mener les
négociations qui ont conduit à l'adoption du
protocole de Kyoto. En outre, la convention dispose d'un
mécanisme financier assuré par le
fond mondial pour l'environnement.
Avec la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques
sont jetés les substrats d'une action juridique
internationale dans le but de les contenir. Cependant,
elle n'est qu'une Convention cadre qui, par définition,
ne fait qu' «... énoncer les
principes devant servir de fondement à la
coopération des Etats parties dans un domaine
déterminé...
», 63 la protection de l'environnement dans le cas
d'espèce. En dépit des objectifs
tant louables qu'elle s'est fixée, la Convention ne
définie pas avec pertinence les modalités de
réalisation de ces objectifs. C'est ainsi que,
dès la première conférence des parties, il a
été reconnu
l'inadéquation des engagements de la convention par
rapport aux objectifs fixés et la
nécessité d'initier un nouveau cycle de
négociation devant aboutir un instrument qui devra
renforcer la convention : le protocole de Kyoto.
62 UNFCCC, Op cit, p. 35
63 KISS (A.), « Les traités- cadres : une
technique juridique caractéristique du droit international de
l'environnement », in AFDI, 1993, p.
793.
34
2. Le protocole de Kyoto
Apres un bref aperçu la cause de sa naissance, nous
analyserons son contenu
ainsi que son mécanisme institutionnel.
2.1 Naissance du protocole de Kyoto : la question
de l'adéquation de l'alinéa a et b
du paragraphe 2 de l'article 4
La question de l'adéquation des alinéas a
et b du paragraphe 2 de l'article 4 de
la Convention découle de l'alinéa d du
paragraphe 2 de ce même article 4, qui a été
incorporé
dans le texte de l'instrument pour rassurer un certain nombre
de pays qui craignaient que
l'engagement pris par les Parties visées à
l'annexe I de ramener à l'horizon 2000 leurs émissions
de GES aux niveaux de 1990 ne soit pas suffisant.64
En effet, cette disposition prévoit que: «la
Conférence des Parties, à sa première
session, examinera les alinéas a et b
[du paragraphe 2 de l'article 4]65 pour voir s'ils
sont adéquats. Elle le fera à la lumière
des données scientifiques et évaluations les plus sûres
concernant les changements climatiques et leur impact, ainsi
que des données techniques, sociales
et économiques pertinentes. Sur la base de cet examen,
la Conférence des Parties pren-
64 UNFCCC, Op cit, p. 94
65 Art 4§2 :« Les pays développés
parties et les autres Parties figurant à l'annexe I prennent les
engagements
spécifiques prévus ci-après:
a) Chacune de ces Parties adopte des politiques nationales et
prend en conséquence les mesures voulues pour
atténuer les changements climatiques en limitant ses
émissions anthropiques de gaz à effet de serre et en
protégeant
et renforçant ses puits et réservoirs de gaz
à effet de serre. Ces politiques et mesures démontreront
que les pays développés prennent l'initiative de
modifier les tendances à long terme des émissions anthropiques
conformément à l'objectif de la Convention,
reconnaissant que le retour, d'ici à la fin de la présente
décennie,
aux niveaux antérieurs d'émissions anthropiques
de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre
non réglementés par le Protocole de
Montréal contribuerait à une telle modification et, tenant compte
des
différences entre ces Parties quant à leur point
de départ et à leur approche, à leur structure
économique et à
leur base de ressources, de la nécessité de
maintenir une croissance économique forte et durable, des
technologies
disponibles et des autres circonstances propres à
chaque cas, ainsi que de la nécessité pour chacune de
ces Parties de contribuer de façon appropriée et
équitable à l'action mondiale entreprise pour atteindre cet
objectif. Ces Parties peuvent appliquer de telles politiques
et mesures en association avec d'autres Parties et
aider d'autres Parties à contribuer à l'objectif
de la Convention, en particulier à celui du présent
alinéa;
b) Afin de favoriser le progrès dans ce sens, chacune
de ces Parties soumettra, conformément à l'article 12,
dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la
Convention à son égard, puis à intervalles
périodiques, des
informations détaillées sur ses politiques et
mesures visées à l'alinéa a, de même que
sur les projections qui en
résultent quant aux émissions anthropiques par
ses sources et à l'absorption par ses puits de gaz à effet de
serre non réglementés par le Protocole de
Montréal, pour la période visée à l'alinéa
a, en vue de ramener individuellement
ou conjointement à leurs niveaux de 1990 les
émissions anthropiques de dioxyde de carbone et
d'autres gaz à effet de serre non
réglementés par le Protocole de Montréal. La
Conférence des Parties passera
ces informations en revue, à sa première session
puis à intervalles périodiques, conformément à
l'article 7 »
35
dra les mesures voulues, qui pourront comporter l'adoption
d'amendements aux engagements
visés aux alinéas a et b...
».
La première session de la conférence des Parties
à la CCNUCC aura lieu en
mars 1995 à Berlin et, à l'occasion de celle-ci,
un premier examen des alinéas a et b. Dans sa
décision 1/CP.1, intitulée le «Mandat de
Berlin», la Conférence des Parties conclura que les
alinéas a et b du paragraphe 2 de
l'article 4 n'étaient pas adéquats et initiera un nouveau
cycle
de négociations visant à définir d'ici
1997 un protocole ou un autre instrument légal définissant
des nouveaux engagements plus spécifiques pour
après l'an 2000. Aux termes du paragraphe
4 de son point 1, le processus de négociation devrait
porter tout autant sur l'élaboration
de politiques et mesures que sur l'établissement
d'objectifs quantifiés de limitation et de réduction,
à des horizons spécifiés tels que 2005,
2010 et 2020, des émissions nettes de gaz à
effet de serre. Ces objectifs de limitation et de
réduction se situeront à un niveau inférieur à
celui de l'année de référence 1990.
Un autre point des négociations est le problème
spécifique de l'association des
pays en développement au processus. Le mandat de Berlin
spécifie que le nouveau cycle de
négociations conduirait tout au plus à
réaffirmer les engagements existants des pays en développement
(au titre de l'article 4.1 de la Convention), aucun nouvel
engagement ne devant être
introduit pour ces pays. La question de la participation
progressive des pays en développement
à l'effort collectif de prévention du risque
climatique reste néanmoins ouverte, en particulier
en ce qui concerne ceux d'entre eux qui se développent
le plus rapidement. La Convention
Climat offre en effet à ces derniers la
possibilité de rejoindre volontairement le groupe
des pays développés (article 4, §
2.g).66
L'adoption du "Mandat de Berlin" se traduira aussi par la mise
en place d'un
groupe de négociation, le Groupe ad hoc du Mandat de
Berlin ("AGBM") conformément au
point i du §2 de l'article 7. Cet organe
spécifique à composition non limitée se réunira
à plusieurs
reprises depuis, l'objectif étant de trouver un accord
permettant l'adoption d'un Protocole
ou tout autre instrument légal à l'occasion de
la troisième Conférence des Parties qui se
tiendra à Kyoto en décembre 1997.
Différents projets de protocole seront discutés, dont une
proposition formulée par la Communauté
Européenne, qui s'est prononcée pour une approche
combinant des engagements relatifs aux "politiques et mesures"
qui devront être mises en
66 CORNUT (P.), Op cit, p.56
36
place et des engagements relatifs à des "objectifs
quantifiés de limitation et de réduction" à
des horizons spécifiés. Fruit des travaux de la
huitième session de l'AGBM, le Protocole de
Kyoto sera adopté le 11 décembre 1997. Quel en
est le contenu ? Tel sera l'objet du point suivant.
2.2 Le contenu du Protocole de
Kyoto
Si le protocole de Kyoto vient en complément de la
CCNUCC, il en partage
tant les objectifs que les principes, une stabilisation des
GES, tout en renforçant de manière
significatif la convention en engageant les Parties de
l'annexe I à des objectifs individuels de
réduction légalement contraignant.
En effet, les Parties visées à l'annexe I qui
sont également parties au Protocole
ont accepté d'être juridiquement liées par
des engagements précis en matière de limitation ou
de réduction des GES. Ici encore est mis en
évidence le principe de la responsabilité commune
mais différenciée tel que défini par le
paragraphe 1 de l'article 3 de la convention. Les
objectifs que toutes ces Parties se sont engagées
à atteindre à cet égard sont consignés à
l'annexe B du Protocole.67 Les réductions
prévues ont été calculées de façon à
obtenir au total
une réduction d'au moins 5 % par rapport au niveau de
référence pour l'ensemble du groupe,
l'année de référence étant
normalement 1990.68 Toutefois, pour le choix de l'année de
référence,
une certaine latitude est accordée aux pays en
transition et pour certains types de gaz.69
Les objectifs de limitation et de réduction ne sont pas
calculés pour une année
donnée; ils correspondent à la moyenne des
réductions à opérer sur une période d'engagement
de cinq ans, de 2008 à 2012. La quantité
maximale d'unités d'émission de dioxyde de carbone
(ou de leur équivalent dans le cas d'autres GES) qu'une
Partie peut émettre pendant la période
d'engagement, si elle entend respecter pleinement l'engagement
qu'elle a pris à cet égard, est
dénommée quantité
attribuée.
67 UNFCCC, Op cit, p. 95
68 Idem.
69 Ibid.
37
Le Protocole ne fait pas de distinction entre les GES ni entre
les sources, les
considérant dans leur globalité. S'agissant des
GES, au lieu de définir des valeurs gaz par gaz,
il fixe des objectifs de réduction/limitation pour un
ensemble de quatre gaz (dioxyde de carbone,
méthane, oxyde nitreux, hexafluorure de soufre) et deux
catégories de gaz (les hydrofluorocarbones
et les hydrocarbures perfluorés),
énumérés à l'annexe A du Protocole. Figure
également dans cette l'annexe la liste des secteurs qui
sont à l'origine d'émissions de GES et
des catégories de sources correspondantes. À
certaines conditions, un pays peut prendre en
compte les absorptions de GES par les puits pour s'acquitter
de ses engagements. Même si à
chacune des Parties visées à l'annexe B
correspond un engagement de réduction ou de limitation
particulier, le Protocole renferme une série de
dispositions destinées à assurer une certaine
flexibilité. Les Parties peuvent se regrouper afin que
leurs émissions soient comptabilisées
collectivement plutôt qu'individuellement; c'est ce qu'a
choisi de faire l'Union européenne.
En outre le Protocole institue trois mécanismes de
flexibilité dont une analyse profonde
fera l'objet du deuxième chapitre.70
Il prévoit que les engagements qui y sont
énoncés seront réexaminés en vue
d'être renforcés au fil du temps. Il fixe
à 2005 le début des négociations concernant les
objectifs
à retenir pour la deuxième période
d'engagement, les Parties visées à l'annexe I de la
Convention qui sont parties au Protocole devant, d'ici
là, avoir progressé de façon manifeste
dans l'exécution de leurs engagements. En
conséquence, à sa première session, la COP/MOP
a décidé d'engager un processus afin
d'étudier les nouveaux engagements des Parties visées à
l'annexe I de la Convention pour la période
postérieure à 2012 et a créé à cet effet un
groupe
de travail spécial réunissant des Parties au
Protocole de Kyoto. Ce groupe a été chargé de diriger
les travaux et de faire rapport sur leur état
d'avancement à chaque session de la
COP/MOP (décision 1/CMP.1). Il a également
été prié d'accomplir sa mission dans les meilleurs
délais afin d'éviter tout hiatus entre la
première et la deuxième période d'engagement.71
2.3 Du système institutionnel mis en place
par le Protocole de Kyoto
Dans le but d'assurer le respect des engagements, le Protocole
de Kyoto prévoit
un système de contrôle ambivalent. Il s'agit
d'une part d'un mécanisme d'observance du
protocole en général, assuré par le
comité d'observance et d'autre part, un mécanisme
spécifique
de régulation des mécanismes de
flexibilité assuré par deux organes, le Comité
exécutif
70 UNFCCC, Op cit, p. 95
71 Idem
38
du mécanisme de développement propre et
le Comité de supervision de la mise en oeuvre conjointe
que nous analyserons dans la deuxième partie
consacrée à l'étude des mécanismes de
flexibilité.
S'agissant du comité d'observance, il convient
de retenir que celui-ci doté de
deux branches :
- une branche coercitive chargée de sanctionner le
non-respect avéré des principales
obligations du Protocole (engagements quantifiés,
obligations d'informations et
critères d'éligibilité aux
mécanismes de flexibilité cfr chap. 2) ;
- et une branche facilitatrice chargée d'aider les
Parties au Protocole à respecter leurs
engagements - et ce par un dispositif d'alerte reposant sur la
délivrance d'avis et de
recommandations - et de faciliter une assistance technique et
financière spécifique
aux pays en transition et en développement.
Le comité est composé de vingt experts, dont une
majorité auront été proposés,
sur la base de leurs compétences individuelles, par les
Parties n'ayant pas conclu d'engagements
quantifiés (c'est-à-dire aujourd'hui les pays en
développement). Le système
d'observance comprend aussi des procédures qui
garantissent les droits d'une Partie en difficulté,
l'accès du public à l'information non
confidentielle échangée devant le Comité d'observance
ainsi qu'une résolution rapide des litiges (32 semaines
devant la branche coercitive, sauf
pour les cas relatifs à la suspension du droit
d'accès aux mécanismes de flexibilité pour lesquels
existe une procédure accélérée de
22 semaines). La saisine du Comité d'Observance est
ouverte à toute Partie en difficulté, et
également à une Partie contre une autre. Aussi, une panoplie
de sanction est prévue, mettant en évidence le
caractère contraignant du protocole. A
titre d'exemple, la suspension du droit de vendre des permis
d'émission ou encore la suspension
aux mécanismes de flexibilité.
Aussi, il faudra signaler que certains organes de la
Convention ont été retenus
comme organes du Protocole. Tel est le cas de la
conférence des Parties et du Secrétariat de la
convention qui ont été retenues respectivement,
aux termes des articles 13 et 14 du protocole,
comme réunion des parties et secrétariat du
protocole.
39
De ce qui précède, il apparait clairement que si
les changements climatiques
sont un phénomène naturel, l'homme, par ses
activités, y exerce une influence non moins considérable.
Dès lors, la nécessité d'encadrer ce
forçage anthropique a élevé le climat, depuis la
fin des années 70, au rang d'objet de droit
international au même titre que la guerre, les relations
entre pays...
En dépit des hésitations dues à la
divergence des intérêts étatiques,
caractéristique
de la société internationale, les Etats sont
quand même parvenu à un compromis sur la
question climatique et la Convention cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques,
ainsi que son protocole subséquent - le Protocole de
Kyoto - en sont l'expression juridique.
Mais les objectifs de Kyoto ont un prix. Ce prix se
répercute directement sur le
rythme socio-économique des Etats qui ont des
engagements chiffrés. Dans ce contexte,
l'éventualité de son inefficacité ne fait
l'ombre d'aucun doute ; la politique interne aura toujours
raison d'une politique commune en faveur du climat. La
question qui demeure est celle
de savoir comment amortir ce « cout » qui
inquiète des Etats industrialisés (habitués à
certain
train de vie) et assurer par la même occasion
l'efficacité de cette action internationale?
La réponse à cette question est à
chercher dans l'outil économique auquel le
protocole fait appel, dans le but justement de rassurer les
Etats industrialisés et à permettre à
ceux qui, parmi eux, sont des maillons faibles dans le domaine
de la production-propre, de
tenir leur engagement : les mécanismes de
flexibilité et le marché-carbone.
40
CHAPIITRE IIII.. LA PROTECTIION DE L''ENVIIRONNEMENT
PAR LE
MARCHE--CARBONE
Le recours aux stratégies de marché comme moyen
d'assurer une protection de
l'environnement est un phénomène nouveau et la
principale innovation de Kyoto. Il se justifie
par la spécificité de la question climatique qui
appel aussi des stratégies spécifiques.
En effet, comme nous avions eu l'occasion de le faire remarque
ci-haut,
l'action climatique internationale, globale et
nécessairement couteuse économiquement,
s'inscrit dans un contexte particulier où tous les
Etats n'ont pas la même part de responsabilité.
Les Etats industrialisés, mis en avant plan dans cette
action compte tenu de leur responsabilité
dans la dégradation du climat, doivent trouver en
celle-ci (l'action) une certaine flexibilité
afin de les permettre de tenir leurs engagements respectifs
sans qu'ils en ressentent trop
l'incidence sur le plan économique. En d'autres termes,
les réductions de GES émis doivent
être les moins couteux possibles. Tel a
été l'équation de Kyoto ; comment maximiser
l'efficacité d'une action environnementale
internationale sous contrainte d'acceptabilité ?
Ainsi, l'instauration des mécanismes de
flexibilité, et du marché-carbone par
ricochet, a donc été fondamentalement
guidée par ce souci de réduire le coût des mesures (la
réduction des GES) tout en accroissant, par le recours
aux instruments économiques,
l'efficacité du Protocole.72
Il sera donc question dans ce chapitre d'analyser les
mécanismes de flexibilité
et l'émergence du marché carbone en
réponse aux exigences de Kyoto (section 1) et de cerner
leurs effets dans la protection de l'environnement
(section 2)
72 LASSUS Saint Génie (G.), Op cit, p.62
41
SECTION I. LES MECANISMES DE FLEXIBILITE ET
L'EMERGENCE
D'UN MARCHE - CARBONE EN REPONSE AUX EXIGENCES
DE KYOTO
Cette section sera consacrée à l'étude
des mécanismes de flexibilité consacrés
par le protocole (§1) ainsi que du marché qu'ils
instituent : le marché-carbone (§2)
§1. Les mécanismes de flexibilité
Si les changements climatiques ont déjà, et
auront encore, des effets sur nos
sociétés, les mesures d'atténuations de
ceux-ci en auront aussi, sur tous les secteurs de la vie
mais surtout...sur les systèmes économiques. Le
besoin de gérer cette particularité du dossier
climatique à emmener le Protocole de Kyoto a
consacré des mécanismes de flexibilité.
En effet, cette option résulte de la lecture
combinée des deux donnés essentielles
de la question climatique ; outre la prise en compte de
l'envergure du cout des mesures
de réduction de GES et la volonté d'assurer
l'efficacité du protocole (l'approche coutefficacité),
il s'agit de stabiliser la concentration de gaz à effet
de serre présent dans
l'atmosphère. De ce fait, le lieu où
s'opère la réduction de gaz à effet de serre est sans
importance
car le résultat final obtenu- un certain état du
climat- ne dépend quasiment pas de
l'endroit où les émissions de gaz à effet
de serre sont produites.
La prise en compte de ces arguments conduira certains Etats
à militer en faveur
des « ...instruments de marché assurant [...] une
flexibilité géographique... »73, permettant
ainsi d'agir là où les coûts des
réductions sont moins élevés en termes de progrès
et de croissance
économique.
Les mécanismes de flexibilité tels que
définis par les dispositions du Protocole
de Kyoto sont au nombre de trois. Il s'agit d'une part du
mécanisme d'échange qu'incarne le
permis d'émission négociable (1) et d'autre
part, des mécanismes sur base de projet : la mise
en oeuvre conjointe [MOC] et le mécanisme de
développement propre [MDP] (2).
73 FAUCHEUX (S.), JOUMNI (H.), Economie et politique des
changements climatiques, Paris, La Découverte,
2005, p. 70.
42
1. Le système international d'échange :
le mécanisme de permis d'émission négociable
(art. 6 et 17)
La possibilité de mettre en place un commerce des
droits d'émission résulte de
l'article 6 du Protocole de Kyoto qui prévoit que
«...toute partie visée à l'Annexe I peut céder
à toute autre Partie ayant le même statut, ou
acquérir auprès d'elle, des unités de réduction
des
émissions... ». L'art. 17 reconnait le droit aux
Parties de l'annexe B de «...participer à des
échanges de droits d'émission aux fins de
remplir leurs engagements au titre de l'article
3... ». A cette fin chaque pays se voit attribuer une
certaine quantité de gaz à effet de serre à
émettre, quantité fixée en fonction de
ses objectifs chiffrés de réduction d'émissions à
réaliser.
Cette unité de quantité
attribuée, évaluable en tonne de dioxyde-carbone
équivalent
(tCO2eq), est ensuite repartie entre les différentes
entreprises nationales sous forme de permis
d'émission. Chaque permis donne ainsi le droit à
son détenteur d'émettre une quantité précise
de gaz à effet de serre. Si une entreprise rejette plus
de gaz que son permis ne le lui permet,
elle devra soit réaliser des investissements pour
compenser ses émissions en surplus, soit
acheter un permis auprès d'une entreprise d'un autre
pays n'ayant pas consommé la totalité de
son quota d'émission. D'autres crédits, les
unités d'absorption, correspondent aux activités de
puits carbone.
Il s'agit donc, comme le notent Faucheux et
Joumni : «...de créer une rareté
sur un bien (les émissions de gaz à effet de
serre) avec pour conséquence la mise en place
d'un marché sur lequel les participants peuvent
céder ou acquérir une partie des quantités
d'émissions... ».74
Il convient aussi de noter que si l'art.17 reconnait aux pays
industrialisés le
droit de participer à des échanges de droits
d'émission, cette participation vient en complément
aux mesures de réductions nationales. Cette option a
été motivée par la volonté de ne
pas déboucher sur une simple transaction des droits de
polluer.
74 FAUCHEUX (S.), JOUMNI (H.), Op cit, p. 71
43
2. Les mécanismes sur base des projets : la mise
en oeuvre conjointe (art.6) et le
mécanisme de développement propre (art.12
)
A la différence des échanges de permis,
où les droits d'émission ont un prix
monétaire bien défini, les transactions sur base
des projets se font dans une logique de troc : il
s'agit de troquer ses unités de quantité
attribuée contre un projet émanant d'une entité
désireuse
de compenser ses émissions (pour atteindre ses
objectifs de Kyoto ou d'un autre instrument
ou pour des raisons d'image). Le projet peut être de
réduction d'émissions (projet énergétique
ou industriel) ou d'absorption (projet forestier).
Le Protocole de Kyoto prévoit deux mécanismes de
projets, toujours dans le
but d'aider les 38 pays industrialisés figurant
à l'annexe B d'atteindre leurs objectifs respectifs.
Il s'agit de la mise en oeuvre conjointe et du
mécanisme de développement propre.
2.1 La mise en oeuvre conjointe
A l'instar du mécanisme de permis négociables,
le mécanisme de mise en
oeuvre conjointe est aussi consacré par l'art.6 et
supposent la participation de deux pays de
l'Annexe B. l'idée est simple : par un investissement
sur un projet pouvant réduire des émissions
de GES dans un pays de l'annexe B, un autre pays, lui aussi de
l'annexe b, reçoit des
crédits d'émission qui sont ajoutés
à ses unités de quantité attribuée.
Les projets de ce type génèrent des
unités de réductions des émissions (URE)
correspondant aux réductions d'émissions de GES
; leur quantité précise est certifiée par un
vérificateur indépendant. Les projets MOC
doivent être approuvés par le pays hôte et
enregistrés
auprès du Secrétariat de la CCNUCC. Ils ne
créent pas de nouveaux crédits mais entraînent
le transfert des unités de réduction d'un pays
de l'Annexe B vers un autre : pour chaque
crédit transféré et ajouté aux
quotas du pays récipiendaire, la quantité équivalente de
quotas
est annulée dans le pays hôte.75
Une grande majorité de projets MOC sont mis en oeuvre
en Russie, en Ukraine
et dans les pays d'Europe de l'Est. Néanmoins, d'autres
pays ont commencé à développer des
projets MOC, notamment l'Allemagne et la France.76
75 DELBOSC (A.) et PERTHUIS (C.), Les marchés du
carbone expliqués, Paris, Caring for Climate Series, 2009, p.14
76 Idem
44
2.2 Le mécanisme de développement
propre
L'art. 12 du protocole établi un mécanisme de
développement « propre ». Ce
mécanisme s'appuie sur le même principe que le
MOC, mis à part le fait qu'il est mis en
oeuvre dans des pays qui ne font pas parties de l'Annexe B.
Leur financement doit être assuré
par un pays de l'Annexe B, ou un porteur de projet basé
dans un pays de l'Annexe B. Une fois
le projet approuvé et enregistré auprès
du Secrétariat de la CCNUCC et les réductions
d'émissions vérifiées par une
entité indépendante, les participants aux projets MDP
reçoivent
la quantité correspondante d'unités de
réduction certifiée des émissions (URCE, ou CER pour
Certified Emissions Reductions). Les pays non Annexe
B n'ayant pas de plafond d'UQA, les
crédits MDP sont créés ex-nihilo.77
Aux termes du §2 du même article mécanisme
pour un développement
«propre» poursuit un double objectif ; «
...aider les Parties ne figurant pas à l'annexe I à parvenir
à un développement durable ainsi qu'à
contribuer à l'objectif ultime de la Convention,
et d'aider les Parties visées à l'annexe I
à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et
de réduction de leurs émissions ». Il
s'agit en fait de promouvoir l'investissement des pays
industrialisés dans les PED et encourager le transfert
des technologies faiblement émettrices
de GES.
Si le système de Kyoto avait défini clairement
ses objectifs, il ne permettait pas
le déploiement, en son sein, d'un dispositif complet et
cohérent d'incitation au respect des engagements
ainsi que de contrôle de ce respect. Dans le cas
spécifique des mécanismes de
flexibilité, plusieurs zones d'ombre demeuraient quant
à leur mise en ouvre.
Il y'a d'abord la question de la supplémentarité
car le Protocole spécifie que les
mécanismes de flexibilité viennent en appui
à des mesures et politiques nationales de réduction.
Comment alors éviter que certains pays de l'annexe B,
sans réaliser des efforts de réduction
au plan interne, réalisent l'essentiel de leurs
réductions par les mécanismes de flexibilité?
En outre, les dispositions instituant ses mécanismes ne
se limitent qu'à définir
les critères de participation à ces
mécanismes et à la limite, à mettre sur pied un
comité de supervision.
Ni plus ni moins.
77 DELBOSC (A.) et PERTHUIS (C.), Op cit, p.14
45
Or, un dispositif d'observance serait la clé de voute
d'une bonne mise en oeuvre
des mécanismes de flexibilité et un pare-feu
à une application anarchique des articles 6, 12 et
17.
C'est dans le souci de palier à cette carence, que lors
de la COP778 (qui devait
préparer l'entrée en vigueur du Protocole),
l'essentiel des négociations porteront sur la mise
en oeuvre des mécanismes de flexibilité.
Conformément au §2 de l'art.6, à l'art.12 §7 et
à l'art
17 du Protocole, les accords de Marrakech adopteront quatre
décisions :
- 15/CP.7 portant principes, nature et champ d'application des
mécanismes prévus aux
articles 6, 12 et 17 du Protocole de Kyoto .
- 16/CP.7 portant lignes directrices pour l'application de
l'article 6 du Protocole de
Kyoto
- 17/CP.7 relative aux modalités et procédures
d'application d'un mécanisme pour un
développement propre tel que défini à
l'article 12 du Protocole de Kyoto.
- 18/CP.7 relative aux modalités, règles et
lignes directrices applicables à l'échange de
droits d'émission (art. 17 du Protocole de Kyoto).
La décision 16 /CP7 concerne essentiellement le
mécanisme de mise en oeuvre
conjointe. Après un rappel des définitions en
son paragraphe premier, elle définie le rôle de la
COP qui est de donner l'orientation concernant l'application
de l'art.6.Quant à la supervision
78 La 7ème session de la Conférence des Parties
(COP/MOP), tenue à Marrakech du 29 octobre au 10 novembre
2001 à déboucher sur les accords de
Marrakech. Les principaux enjeux des négociations de la CP 7
étaient de
permettre l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto
malgré le retrait en mars 2001 des Etats-Unis, de ne pas
renégocier l'accord de Bonn comme étaient
suspectés de vouloir le faire la Russie, le Canada, le Japon et
l'Australie et d'établir un système
contraignant. L'accord conclu à Marrakech finalise donc le Plan d'Action
de
Buenos Aires établi en 1998 en résolvant
plusieurs problèmes techniques sensibles. Les points principaux de
l'Accord de Marrakech concernent :
· le maintien de l'intégrité de l'accord
politique conclu à Bonn en juillet 200 1 ;
· la mise en place d'un système de respect des
engagements fort qui sera d'application dès l'entrée en
vigueur
du Protocole de Kyoto, mais la question de la contrainte
légale a été reportée à la prochaine CP ;
· les règles et modalités des
mécanismes prévus dans le Protocole Kyoto, ce qui permet un
départ rapide des
projets MDP et le lancement dès 2008 des projets d'AC
;
· un marché international de droit
d'émissions qui sera mis sur pied dès 2008 ;
· la définition des règles
d'éligibilité pour participer aux mécanismes de
flexibilité ;
· les procédures de surveillance et de rapport ont
été établies en ce qui concerne les mécanismes de
flexibilité
ainsi que des procédures de comptabilisation : les
unités d'émissions issues des 3 mécanismes de
flexibilité
peuvent être transférées plusieurs fois
comme des unités égales ;
· des règles pour l'utilisation de crédits
à partir d'activités de puits dans la foresterie et
l'agriculture, ce qui renforce
l'intégrité environnementale du Protocole de
Kyoto ;
· un ensemble de décisions pour les pays les moins
développés vulnérables aux effets du changement
climatique
qui prévoit l'octroi des ressources nécessaires
dans les prochaines années pour les aider à construire
leurs capacités à adapter leurs économies
aux inévitables effets des changements climatiques.
46
de ce mécanisme, il a été institué
un comité de supervision du MOC composé des
représentants
des Parties au protocole. Ses rôles et fonctions sont
définis au §3.79 Les critères de participation
et d'admissibilité des Parties au MOC sont
établis du §20 au §29. Le §30 éclaire
quant à la procédure de vérification des
projets et de leurs admissibilités au MOC.
S'agissant du mécanisme pour un développement
propre, la décision 17/CP7
en définie les modalités et procédure
d'application. Elle institue un Conseil exécutif chargé de
superviser le MDP sous l'autorité de la COP/MOP. Ses
fonctions et sa composition sont posées
respectivement par le §5 et 8.80Sont aussi
définies, les normes d'accréditation et les
79 Décision 16/CP7 §3 :
« Le comité de supervision au titre de l'article 6
supervise la vérification des URE générées par des
activités
menées dans le cadre de projets relevant de l'article
6, visée dans la section E ci-dessous. Ses fonctions sont les
suivantes:
a) Rendre compte de ses activités à chaque
session de la COP/MOP;
b) Accréditer les entités indépendantes
conformément aux normes et procédures figurant à
l'appendice A ;
c) Examiner les normes et procédures
d'accréditation des entités indépendantes visées
à l'annexe A, en prenant
en considération les travaux pertinents menés
par le conseil exécutif du mécanisme pour un
développement
propre (MDP) et, le cas échéant, en faisant des
recommandations à la COP/MOP sur la révision de ces
normes et procédures;
d) Examiner et réviser les lignes directrices en
matière de notification et les critères intéressant la
détermination
des niveaux de référence et la surveillance
visés à l'appendice B ci-après, pour examen par la
COP/MOP, en
prenant en considération les travaux pertinents
menés par le conseil exécutif du MDP, selon qu.il conviendra;
e) Élaborer le descriptif du projet relevant de
l'article 6, aux fins d'examen par la COP/MOP, en prenant en
considération
l'appendice B de l`.annexe sur les modalités et
procédures d'application d'un mécanisme pour un
développement propre et en prêtant attention aux
travaux pertinents menés par le conseil exécutif du MDP,
selon qu'il conviendra;
f) Entreprendre la procédure d'examen indiquée
aux paragraphes 35 et 39;
g) Élaborer tout règlement intérieur
complétant les dispositions de la présente annexe, aux fins
d'examen par
la COP/MOP.
80 Le Conseil exécutif supervise le MDP sous
l'autorité de la COP/MOP et suivant les orientations que celle-ci
pourra lui donner, et est pleinement responsable devant la
COP/MOP.
À cet égard, le conseil exécutif:
a) Fait des recommandations à la COP/MOP au sujet de
nouvelles modalités et procédures pour le MDP, selon
qu'il convient;
b) Fait des recommandations à la COP/MOP au sujet des
modifications ou des ajouts éventuels à apporter, s'il y
a lieu, au règlement intérieur du Conseil
exécutif figurant dans la présente annexe;
c) Fait rapport sur ses activités à la COP/MOP
à chacune des sessions de cette dernière;
d) Approuve les nouvelles méthodes concernant, entre
autres, la définition des niveaux de référence, les
plans
de surveillance et la délimitation du
périmètre des projets, conformément aux dispositions de
l'appendice C ciaprès;
e) Examine les dispositions concernant les modalités et
procédures simplifiées et la définition des
activités de
projet de faible ampleur et fait des recommandations à
la COP/MOP;
f) Est responsable de l'accréditation des
entités opérationnelles, conformément aux normes
d'accréditation
figurant dans l'appendice A ci-après, et fait des
recommandations à la COP/MOP au sujet de la désignation des
entités opérationnelles, conformément au
paragraphe 5 de l'article 12. Cette responsabilité consiste notamment
à:
i) Se prononcer sur le renouvellement, la suspension et le
retrait de l'accréditation;
ii) Mettre en oeuvre les procédures et normes
d'accréditation;
47
fonctions des entités opérationnelles
chargées de valider les activités de projets proposés.81
Le
paragraphe 28 quant à lui, concerne les critères
de participation au MDP. L'évaluation du projet,
sa validation et son enregistrement sont régis au
§35. La vérification et la certification du
projet au §61. Et enfin la procédure de
délivrance d'unités de réduction certifiées au
§64.
Quant à l'application de l'échange des droits
d'émission, c'est la décision
18/CP7 qui en établit les modalités,
règles et lignes directrices, dans la même logique que
pour les deux mécanismes précédents, mis
à part le fait que ces sont les parties prenantes qui
supervisent la cession ou l'acquisition des
crédits-carbone.82
g) Examine les normes d'accréditation figurant dans
l'appendice A ci-après et fait des recommandations à la
COP/MOP pour qu'elle les examine, selon qu'il convient;
h) Fait rapport à la COP/MOP sur la répartition
régionale et sous-régionale des activités de projet
relevant du
MDP en vue d'identifier les obstacles systématiques ou
systémiques à leur distribution équitable;
i) Rend publiques les informations pertinentes, qui lui ont
été soumises à cette fin, sur les activités de
projet
proposées au titre du MDP pour lesquelles un
financement est nécessaire et sur les investisseurs à la
recherche
de possibilités d'investissement afin d'aider à
organiser, si nécessaire, le financement d'activités de projet
relevant
du MDP;
j) Rend publics tous les rapports techniques qui auront
été commandés et prévoit une période de huit
semaines
au minimum pour permettre au public de faire des observations
sur les projets de méthodes et
d'orientations avant que la version définitive des
documents soit mise au point et que des recommandations
éventuelles soient présentées à la
COP/MOP pour qu'elle les examine;
k) Établit, gère et tient à la
disposition du public un recueil des règles, procédures,
méthodes et normes approuvées;
l) Établit et tient le registre du MDP tel que
défini à l'appendice D ci-après;
m) Met sur pied et gère une base de données
accessible au public sur les activités de projet relevant du MDP
qui contient des informations sur les descriptifs des projets
enregistrés, les observations reçues, les rapports de
vérification, ses décisions ainsi que des
informations sur toutes les URCE délivrées;
n) Examine les questions de respect des modalités et
procédures d'application du MDP par les participants aux
projets et/ou des entités opérationnelles et en
rend compte à la COP/MOP;
o) Élabore et recommande à la COP/MOP, pour
qu'elle les adopte à sa session suivante, des procédures
permettant
d'effectuer un réexamen ainsi qu.il est indiqué
aux paragraphes 41 et 65 ci-après, y compris des procédures
visant notamment à faciliter l'examen des informations
provenant des Parties, des parties prenantes
et des observateurs accrédités au titre de la
Convention. Tant qu'elles n'auront pas été adoptées par
la
COP/MOP, ces procédures seront appliquées
à titre provisoire;
p) S'acquitte de toutes les autres fonctions qui pourront lui
être dévolues en vertu de la décision 17/CP.7, de la
présente annexe et des décisions pertinentes de
la COP/MOP.
81 17/CP7 §20-27
82 18/CP7 §5
48
Schématisation simplifiée des
mécanismes de flexibilité
Avec les contraintes de Kyoto et les mécanismes de
flexibilité, les émissions de
CO2 deviennent des véritables actifs
négociables dans un lieu où l'offre (une émission
évitée)
peut rencontrer une demande (des émissions à
compenser), le marché carbone, et qui fera
l'objet du paragraphe suivant.
§2. Les marchés-carbone
Il sera question dans ce paragraphe de cerner la typologie de
ces marchés(1),
leurs acteurs(2) ainsi que leur dynamique(3), ceci
après avoir dit un mot sur l'historique de
leur apparition. Cependant, comprendre les
marché-carbone nécessite préalablement
d'appréhender la notion même du marché.
49
v Notion générale du
marché
Dans le langage courant, qui remonte sans doute à 1'
Antiquité, on utilise le
mot marché pour désigner un lieu
géographique où s'échangent des produits. On parlera
ainsi
de la place du marché où l'on ira faire ses
courses le dimanche.
En analyse économique, on s'est peut-être
inspiré de cet ancien vocabulaire,
mais on en a étendu progressivement le sens
jusqu'à faire disparaître, à la limite, les connotations
physiques d'origine. Aujourd'hui, dans son sens le plus
général, un marché est un réseau
d'échanges au sein duquel on retrouve l'ensemble des
acheteurs et des vendeurs, observés ou
potentiels, d'un produit donné.83
Augustin Cournot va plus loin quand il dit qu'
«...on sait que les économistes
entendent par marché, non pas un lieu
déterminé où se consomment les achats et les ventes,
mais tout un territoire dont les parties sont unies par des
rapports de libre commerce, en sorte
que les prix s'y nivellent avec facilité et
promptitude.»84
La lecture combinée de cette observation de Cournot
et de la définition donnée
ci-haut permet de dégager certains
éléments caractéristiques du marché qui,
confrontés à la
pratique des transactions ou d'échange des
crédits-carbone, permettent d'affirmer que ces
derniers sont véritablement des marchés :
- Un produit donné car un marché se
définit toujours par « ...référence à un bien
qui
doit être clairement identifié et homogène
...».85 Dans le cadre des transactions sous
examen, le produit est bel et bien les émissions de CO2
(unité de quantité attribuée et
crédits) et, en dépit du fait que le Protocole
de Kyoto impose des limites de réduction
concernant six GES, l'unité de mesure des quotas qui
est l'équivalent carbone assure
une homogénéité du produit.
- Des acheteurs et des vendeurs qui sont les acteurs
du marché. A l'origine de
l'essentielle de l'offre et de la demande 86, ils sont, dans
le cadre de Kyoto de nature
très diverse, partant des Etats aux simples
particuliers, en passant par les personnes
83 RAYNAULD (A.), « Observations sur la notion de
marché », in L'Actualité économique, vol. 67,
n° 2, 1991, p.
219
84 COURNOT (A.), Recherches sur les principes
mathématiques de la théorie des richesses, citées par
RAYNAULD
(A.), Op cit, p. 219
85 RAYNAULD (A.), Op cit, p.220
86
http://www.fimarkets.com/finance-carbone/introduction.html
50
morales, tant de droits publics que de droits privées,
les organisations nongouvernementales...
- Un prix qui varie selon le rapport offre-demande.
Chaque marché carbone est doté de
caractéristiques propres tant en termes d'industries et
de gaz couverts qu'en termes
d`objectifs de réduction. Ces différences
d'ambitions expliquent pourquoi le prix de la
même commodité, une tonne d'équivalent
CO2, peut varier de moins d'1 € à presque
20 € suivant le marché carbone.87
v Historique des marchés-carbone
En 1920, Arthur-Cecil Pigou (1877 - 1959),
économiste libéral britannique,
met en lumière le problème des
externalités. Ce terme recouvre les impacts, positifs ou
négatifs,
qu'une activité économique peut avoir sur
d'autres acteurs sans qu'ils soient reflétés dans
le prix final.88
Pigou prend pour exemple les escarbilles, ces
morceaux de charbon incandescents
qui sont éjectées par la cheminée des
locomotives de l'époque et qui provoque des incendies
à proximité des voies de chemins de fer. Il
s'agit d'un cas typique d'externalité négative
: l'activité ferroviaire crée un
préjudice économique et environnemental pour lequel la
société de chemin de fer ne paie pas. Pigou
suggère donc que l'Etat impose aux sociétés de
chemin de fer une taxe assise sur les risques de dommages
provoqués par les escarbilles. Cette
taxe devrait inciter les sociétés de chemins de
fer à équiper leurs locomotives de systèmes anti-
escarbilles et permettra également de dédommager
les victimes. La première écotaxe vient
de voir le jour.89
Quarante ans plus tard, un autre économiste, Ronald
Coase, critique cette solution
fiscale qui repose en grande partie sur l'intervention de
l'état et qui nuit à l'efficacité
économique du système. En effet, il implique une
augmentation du prix du billet de train.
Coase propose donc d'attribuer des droits de
propriété de l'environnement. Ensuite, ces
87 DELBOSC (A.) et PERTHUIS (C.), Op cit, p.12
88 http://www.CO2solidaire.com/ prise-conscience.html
89 http://www.CO2solidaire.com, Op cit.
51
droits sont échangeables sur un marché par
transactions privées entre les différents acteurs
concernés.90
Dès le début des années 1960, les
Etats-Unis lance un plan de lutte contre une
pollution atmosphérique persistante : le Clean air
act. En 1990, un volet y est ajouté afin
d'intégrer le problème des pluies acides,
provoquées notamment par la combustion du charbon
dans les centrales électriques thermiques, qui
émet de fortes quantités de dioxyde de
souffre (SO2) : le programme Acid Rain. Il
prévoit un véritable marché des droits à
polluer,
suivant en cela les préconisations de Coase.
En fonction d'un objectif de réduction fixé à
l'avance, le pouvoir politique attribue aux industriels ce que
l'on peut concevoir comme des
tickets de rationnement de SO2, appelés
«permis d'émissions». A la fin de
l'année,
l'exploitant est tenu de présenter aux autorités
autant de permis que de tonnes de SO2 réellement
émises. Entre les deux, le marché, qui autorise
un échange de quotas entre les acteurs,
sans droit de regard des autorités. Cette technique des
quotas échangeables, appelée Cap and
trade (attribution d'un plafond
d'émissions - cap - et échange sur un marché -
trade) constituera
le socle des mécanismes du Protocole de Kyoto. Ce sont
donc les Etats-Unis, sur la base
des résultats positifs de leur programme Acid
Rain, qui auront façonné le Protocole de Kyoto...
sans jamais le ratifier.91
Appliqués aux émissions de GES dans le cadre du
Protocole de Kyoto, puis à
différents niveaux régionaux et multinationaux,
les marchés-carbone sont en plein expansion.
Le plus développé à ce jour est le
marché européen d'échange de quotas de CO2 (EU ETS
pour European Union Emissions Trading Scheme).
1. Types de marché-carbone
Il existe deux grands types de marchés-carbone. D'une
part, les marchés régulés
(1.1) qui font intervenir des acteurs qui ont des engagements
de réduction d'émission dans
le cadre d'accords internationaux ou de politiques nationales.
D'autre part, les marchés volontaires
(1.2), qui fonctionnent en dehors d'engagements formels de
réduction.
90 http://www.CO2solidaire.com, Op cit
91 Idem
52
1.1 Les marchés
régulés
Les marchés de carbone régulés sont ceux
où les Etats ou opérateurs économiques
sont contraints par des plans de réduction
d'émissions de carbone issus d'accord internationaux
ou régionaux.
a) Les marchés régulés du
système de Kyoto
Dans le cadre du Protocole de Kyoto, les directives
européennes (2003/87/EC
dite « quotas » et 2004/101/EC dite « projets
») ont défini un marché européen du carbone,
effectif depuis le 1er janvier 2005. Ce marché,
appelé EU ETS (European Union Emission
Trading System), est une mesure communautaire pour
réduire les émissions et atteindre les
objectifs de Kyoto. Il concerne environ 12.000 sites
industriels émetteurs de gaz à effet de
serre en Europe. Les entreprises se voient attribuer des
quotas d'émission au travers des Plans
Nationaux d'Attribution des Quotas (PNAQ) et peuvent
échanger des quotas. Une entreprise
qui ne respectera pas ses engagements se verra
attribuée une pénalité de 40 € par tonne de
CO2 émise en plus de son quota. Cette taxe est
passée à 100 € en 2008.
Le marché européen est connecté au
marché MDP. Selon la directive "projets",
les entreprises européennes peuvent également
avoir recours à des crédits issus de projets
MDP ou MOC en plus des quotas internes à l'Europe.
Toutefois, selon cette directive, seuls
les projets de réduction d'émissions (projets
énergétiques et industriels) sont concernés, les
crédits issus de projets MDP forestiers ne sont pas
utilisables. Des propositions ont été soumises
par des ONG ou des scientifiques dans le but d'étendre
le marché ETS aux crédits MDP
forestiers.92
Quant au marché-carbone anglais, il a été
mise en place d'un marché national
du carbone dès 2002. Les entreprises ont des objectifs
de réduction et peuvent s'échanger des
permis d'émission. Ce marché est
intégré dans le marché de l'Union Européenne, mais
il concerne
un éventail plus large d'entreprises.93
Le Canada et le Japon mettent également en oeuvre des
marchés nationaux pour
veiller au respect des engagements du Protocole de Kyoto. Par
exemple, dans le cadre du
92 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Les
marchés du carbone forestier : Comment un projet forestier
peut-il
vendre des crédits carbone ?, Paris, CIRAD,
2007, p.12
93 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.12
53
JVETS (Japan's Voluntary Emission Trading Scheme),
les industriels japonais s'engagent volontairement
à réduire leurs émissions et peuvent
échanger des permis.94
b) Les marchés régulés en dehors du
système de Kyoto
Aux Etats-Unis et en Australie, des marchés-carbone ont
vu le jour bien que
ces pays aient décidé de ne pas ratifier le
protocole de Kyoto. En Australie, un système de réduction
des émissions est en place depuis janvier 2003 dans
l'Etat de la Nouvelle Galles du
Sud et depuis 2005 dans l'Etat d'ACT (Territoire de la
Capitale Australienne, Canberra). Les
entreprises productrices d'énergie doivent
réduire leurs émissions et peuvent s'échanger des
permis.95
Aux Etats-Unis, malgré l'absence d'initiative du
gouvernement fédéral, les
gouvernements d'Etats se sont concertés pour la mise en
place de marchés régionaux. En Décembre
2005, l'initiative RGGI (Regional Greenhouse Gas
Initiative) a vu le jour dans sept
Etats du Nord-Est et, en Février 2007, la WRCAI
(Western Regional Climate Action Initiative)
a été décidée pour cinq Etats de
l'Ouest. Ces deux initiatives sont des systèmes de "capand-
trade", c'est à dire des systèmes
où l'on fixe un objectif de réduction d'émissions avec
possibilité d'échanger des permis, comme pour le
Protocole de Kyoto ou le marché EU
ETS.96
1.2 Les marchés
volontaires
A coté des marchés régulés, il
existe des marchés volontaires où des organisations
ou des individus cherchent à acheter des
crédits-carbone pour compenser leurs émissions,
pour des raisons éthiques ou d'image publique.97Ils se
distinguent des marchés
d'engagements par :
- Leur cadre réglementaire défini directement
l'opérateur du marché (le Chicago
Climate Exchange par exemple) ou selon une norme
spécifique (par exemple le
Voluntary Carbon Standar) ;
- Des objectifs de réduction d'émissions sur
base volontaire de l'industriel adhérent
au marché ;
94 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.12
95 Idem
96 Ibid., p.13
97 http://www.fimarkets.com, Op cit.
54
- La diversité des participants. Il n'existe en
général pas de restriction ni sur le
secteur industriel ni sur sa localisation ;
- Les produits échangés qui peuvent être
des produits carbones existants sur des
marchés régulés ou des produits carbones
standardisés, propres à ce marché là
c'est-à-dire issu d'un projet non éligible selon
les critères d'un cadre réglementé.
Aux Etats-Unis, la bourse d'échanges de Chicago (CCX,
Chicago Climate Exchange)
regroupe des entreprises ayant décidé de
réduire volontairement leurs émissions. Sur
ce marché effectif, les entreprises échangent
des permis d'émissions et des crédits issus de
projets.98
Le marché de détail concerne les particuliers ou
les entreprises qui cherchent à
compenser leurs émissions, généralement
en finançant des projets de réduction d'émissions ou
des projets de séquestration de carbone. De nombreux
intermédiaires existent et s'emparent de
niches de marchés, comme celle de la compensation des
émissions des voyages aériens.99
Les marchés volontaires peuvent quelquefois être
liés aux autres marchés. Par
exemple, certaines compagnies proposant des compensations
d'émissions, comme Atmosfair1
et MyClimate2, achètent des crédits de projets
MDP et les annulent pour qu'ils ne permettent
d'autoriser des émissions par ailleurs. D'autres
organisations permettent à des particuliers
d'acheter des crédits sur le marché
européen pour les annuler. Les crédits achetés par des
particuliers
réduiront la quantité d'émissions totales
permises pour les entreprises sur le marché
réglementé.100
2. Les acteurs des marchés-carbone
Il existe sur les marché-carbone, plusieurs acteurs qui
déterminent l'offre et la
demande. Si les Etats sont les acteurs par excellence, il y'a
aussi les entreprises (dans le cadre
des mesures nationales) ainsi que les investisseurs financiers
qui y jouent un rôle non moins
considérable.
98 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.13
99 Idem, p.14
100 Ibid.
55
2.1 Les Etats
Sujets par excellence du droit international, les Etats sont
les principaux acteurs
des marchés-carbone. Ces sont eux qui ratifient les
accords et qui, évidemment, prennent des
engagements chiffrés sur base desquelles on leur
attribue les UQA, objet des transactions en
cas de réserve ou de dépassement.
2.2 Les entreprises
Nous avions vu précédemment que les UQA acquises
par les Etats, selon leurs
engagements chiffrés respectifs, étaient
réattribuées aux entreprises nationales selon plans interne
d'attribution des quotas. Ainsi, elles peuvent vendre ou
acquérir des crédits selon
qu'elles ont pues éviter ou dépasser leurs
quotas. Cette situation fait d'elles des acteurs importants
sur les marchés-carbone.
2.3 Les autres acteurs et les
intermédiaires des marchés-carbone
A coté de ses deux acteurs, ils existent aussi des
investisseurs financiers. Cette
dernière catégorie regroupe à la fois les
grandes institutions financières, tout comme les
grandes banques, et même toute personne physique ou
morale désireuse d'acheter ou de
vendre des quotas à titre personnel. Par ailleurs,
comme dans le marché général, il existe aussi,
au sein du marché-carbone, des
intermédiaires.
En effet, la technicité et la complexité des
marchés-carbone obligent souvent
les éventuels acheteurs ou vendeurs à recourir
à des personnes ayant maîtrisé les arcanes de
ceux-ci. Ces intermédiaires sont les brokers,
les traders et les fonds-carbone.
Le broker peut être assimilé à un
courtier. Principal intermédiaire de marché
de permis, il ne fait que mettre en contact l'éventuel
acheteur et vendeur de crédits-carbone. Il
est rémunéré par une commission sur le
coût de la transaction.
Le volume des transactions où les acteurs ont
été obligés de recourir à un broker
témoigne de l'incontournabilité de ce dernier
dans le circuit commerciale du carbone.
A la différence du broker, le trader
achète des crédits ou des permis et il prend
donc un risque. Lorsqu'un trader achète des
crédits, il a tout intérêt à appuyer les projets
pour
améliorer leur attractivité sur le
marché. Ainsi, certains traders fournissent un appui technique
56
et regroupent plusieurs projets en un portefeuille pour
réduire les risques. Un exemple d'entreprise
se définissant comme trader est Ecosecurities.101
Les fonds carbone sont des partenariats entre acheteurs et
institutions privées
ou publiques. Ils centralisent une demande de crédits
de la part d'acheteurs et prospectent des
projets. Les crédits générés par
les projets sont alors distribués aux différents financeurs au
prorata de leur participation.
Les fonds peuvent apporter un appui technique pour
l'élaboration des projets.
De nombreux fonds existent actuellement. Les plus connus sont
les fonds gérés par la Banque
Mondiale : le Prototype Carbon Fund (PCF), les Fonds
MDP et MOC des Pays-Bas, le Community
Development Carbon Fund (CDCF), le Bio Carbon
Fund (BioCF) et les fonds carbone
italien, espagnol et danois.
A l'instar des brokers et des traders, l'intérêt
des fonds-carbone réside aussi
dans le fait que tous les acteurs des marché-carbone ne
sont pas forcément familiers des actifs
CO2, et peuvent considérer que leurs transactions sont
risquées, puisque les procédures
d'approbation des projets sont relativement longues et
incertaines avant que ne soient délivrés
les crédits. Les fonds d'investissement ont alors
l'avantage de pouvoir regrouper plusieurs
acheteurs et de permettre un investissement dans un
portefeuille de projets : le risque d'achat
est alors mutualisé et diminué pour les
acquéreurs.102
3. Dynamique des
marchés-carbone
Il est question, dans le cadre de ce point, de
présenter d'abord un aperçu de
l'EU ETS quant à l'évolution des volumes
échangés et des prix durant la phase pilote de sa
mise en place, à savoir de 2005 à 2007, et
ensuite de brosser les tendances actuelles.
3.1 Evolution de L'EU ETS durant la
première phase.
Il faudra noter que depuis 2005, le marché
d'échange de permis le plus actif est
le marché européen EU ETS. Au total, 322
millions de tCO2eq ont été échangées en 2005 et
1101 millions pendant le premier trimestre 2006. Ces
échanges ont représenté respectivement
101 GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit,
p.17
102 ALBEROLA (E.) & STEPHAN (N.), « Les fonds
carbone en 2010 : investissement dans les crédits Kyoto et
réductions
d'émissions », in Etude climat,
n°23, mai 2010, p.6
57
7,9 et 24,4 milliards de dollars. En 2005 et 2006, les autres
marchés de permis ont rassemblé
2,6% des échanges (1,8% pour NSW, 0,8% pour CCX et
moins de 0,1% pour UK ETS).
Pendant l'année 2005 et le début de
l'année 2006, le prix de la tonne de CO2
sur le marché européen a oscillé entre 20
et 30 €. Fin avril 2006, il a chuté à 11 € suite
à l'annonce
de quelques pays que leurs réductions
d'émissions étaient supérieures aux prévisions.
En janvier 2007, le prix comptant était de 2,30 €
pour des crédits utilisables pour la première
période du marché européen (2005-2007) et
moins de 1 € en mai 2007, ce qui montre le
manque de tension sur les réductions à
l'échéance 2007. Cependant le prix pour des permis
futurs utilisables dans la seconde période était
entre 15 et 20 € en 2006 et 2007.
Les permis sur les différents marchés-carbone
ont des prix différents. Par
exemple, en 2005-2006, le prix moyen était de 12,4 US$
sur le marché australien NSW, de
4,4 US$ sur le marché britannique UK ETS et de 2 US$
sur le marché volontaire de Chicago
(CCX).
S'agissant des mécanismes de projets, en 2005 et 2006,
les volumes de transactions
avec ont atteint respectivement 374 et 518 millions de tonnes
de CO2, principalement
avec des projets MDP (92%), les autres marchés
étant minoritaires: 3% pour la MOC, 2%
pour les marchés volontaires et 3% pour les autres
marchés d'engagements en 2006. Sept
études différentes évaluent le potentiel
total du MDP pour la période 2008-2012 entre 250 et
2.500 millions de tCO2e, avec une valeur moyenne de 1.500
millions.
La part du MDP reste importante. En février 2007,
environ 1.600 projets MDP
étaient formalisés, dont 1000 en attente de
validation, 100 en cours d'enregistrement et 500
enregistrés.
Les transactions avec des projets se répartissent entre
marchés volontaires et
marchés d'engagements (MDP et MOC principalement).
Cette répartition a fortement évolué
depuis 2000. En effet, en 2000 les marchés volontaires
étaient les plus importants et représentaient
97% du total. En 2002, les marchés volontaires et les
marchés d'engagements regroupaient
des volumes semblables avec respectivement 49% et 51%. A
partir de 2005, les transactions
se font essentiellement sur les marchés d'engagements
avec 98% du total.
58
L'échelle des projets évolue également.
Entre 2004 et 2005, l'échelle moyenne
des projets est passée de 1,24 à 1,90 millions
de t CO2eq. Ceci reflète l'émergence de grands
projets industriels de réduction de gaz
synthétiques (par exemple les HFC) et une préférence
du marché pour les grands projets qui permettent de
réduire les coûts de transaction.
Dans les transactions avec des projets, le prix de la tonne de
CO2 dépend du
type de marché. Les prix sont faibles sur les
marchés volontaires comme le CCX avec un prix
moyen d'environ 4 US$ et une faible variabilité au
cours de la période 2005-2006. Sur le marché
des petites transactions volontaires (marché de
détail), la variabilité est très grande avec
des prix compris entre 0,5 et 9,5 US$ et une moyenne de 6,5
US$. Sur ce marché, de nombreux
projets ont valorisé leur image liée aux impacts
positifs sur les communautés locales ou
la biodiversité.
Les transactions réalisées avec des projets MDP
présentent des prix très variables,
entre 2,5 et 24 US$, avec une moyenne de 7,5 US$ en 2005 et
des prix supérieurs en
2006 (de 7 a 25 US$, moyenne de 11 US$). Le prix de la tonne
de carbone négocié entre
l'acheteur et le projet dépend de nombreux facteurs.
Par exemple, si le projet n'a pas encore
été validé, les contrats d'achats de
crédits proposent des prix plus bas que pour les projets
validés.
D'autres facteurs de risques influent sur la confiance qu'a
l'acheteur en la délivrance des
crédits pendant la vie du projet. Ils dépendent
par exemple de l'expérience du développeur de
projet et de la viabilité technique ou
financière du projet. Les prix dépendent également du
type de payement (anticipé ou à la livraison),
de la responsabilité des parties en cas de non
délivrance, de la date d'émissions des
crédits et des bénéfices socio-économiques et
environnementaux.
Les prix les plus élevés sont constatés
sur le marché de revente de crédits
CERs, avec un prix moyen de 23,5 US$ en 2005 et une faible
variabilité. En 2006, les prix
sont de 18 US$ en moyenne avec une plus grande
variabilité. Dans le cas d'une revente, les
prix sont élevés car l'acheteur ne prend pas de
risque de non délivrance du crédit ou de retard,
il achète un service qu'il peut utiliser
aussitôt.103
103 Lire, au sujet de l'évolution de l'EU ETS entre
2005-2007, GARDETTE (Y-M.) & LOCATELLI (B.), Op cit, p. 20-
24
59
3.2 Les tendances actuelles du
marché-carbone
Les marchés du carbone n'ont pas été pas
épargnés par la volatilité de l'économie
mondiale, conséquence logique de la crise ayant
caractérisé cette dernière. Soumis aux
signaux toujours plus clairs d'une offre excédentaire
au sein de l'EU ETS, les prix du carbone
ont décroché vers fin 2011. La valeur totale du
marché toutefois a crû de 11% pour atteindre
176 milliards de dollars (126 milliards d'euros) en fin
d'exercice, entrainée par un volume total
de transactions record de 10.3 milliards de tonnes de CO2eq
négociées.
Les quotas européens ont constitué la
majorité de ces transactions, avec 7.9
milliards d'unités échangées, pour une
valeur estimée à 148 milliards de dollars (106 milliards
d'euros). Le marché des crédits compensatoires
du Protocole de Kyoto, emmené par la liquidité
croissante des unités de réduction
certifiées d'émissions et l'introduction des unités de
réduction d'émissions sur les plateformes
boursières, a également connu une hausse des volumes
négociés en 2011. Ainsi, 1,8 milliards de tonnes
de CO2eq ont changé de mains (croissance
annuelle de 43%), pour une valeur totale de 23 milliards de
dollars (17 milliards
d'euros). Alors même que l'Europe a pu voir, en raison
d'une faible activité industrielle, le
niveau de ses émissions annuelles de GES baisser pour
la deuxième fois en trois ans, et que
les prévisions s'accordent sur une offre
excédentaire de quotas éclipsant largement la demande,
cet accroissement des échanges a en fait
été principalement motivé par des opérations
de couverture et d'arbitrage. Dans ce contexte, les
discussions se sont recentrées autour de la
faiblesse du signal prix créé par le
marché, et de sa capacité à stimuler des investissements
sur
le long-terme. Egalement au coeur du débat, le
déséquilibre résultant d'une caractéristique
unique à ce marché: la confrontation d'une
demande reflétant la situation macroéconomique
actuelle, et d'une offre préétablie selon un
scénario différent.
Du fait de la fin imminente de la première
période d'engagement du Protocole
de Kyoto, la valeur du marché primaire des URCE
pré-2013 a à nouveau chuté en 2011. Elle a
ainsi atteint 1.0 milliards de dollars (0.7 milliards
d'euros), soit une baisse annuelle de 32%.
Les marchés des URE et des UQA ont également vu
leur taille se réduire. Le marché primaire
des URCE post-2012 a en revanche augmenté de 63% pour
atteindre 2.0 milliards de dollars
(1.4 milliards d'euros), et ce malgré la baisse
générale des prix. Bien que la Chine conserve
son rang de premier pays vendeur d'URCE, la présence de
pays d'Afrique - en marge du
marché pré-2013 - s'est renforcée en
2011, ceux-ci représentant 21% des achats sur le marché
60
primaire de crédits post-2013. Il faut malgré
tout souligner que les contrats d'achat sont devenus
bien moins contraignants, en raison des incertitudes
persistantes quant au niveau réel de
demande résiduelle et à
l'éligibilité des crédits internationaux au sein des
marchés du carbone
existants et en cours de développement.104
SECTION II. LES EFFETS DU MARCHE-CARBONE SUR LA
PROTECTION
DE L'ENVIRONNEMENT
Parler des effets du marché-carbone dans la protection
de l'environnement appelle
la question de leur efficience dans la problématique de
la réduction des GES.
En effet, la consécration par le Protocole de Kyoto des
mécanismes de flexibilité,
et des marchés-carbone par la même occasion,
résulte de la nécessité d'une réduction des
GES dans le but d'une stabilisation de la température
globale de l'atmosphère à un certain degré.
Permettre aux Etats industrialisés de respecter leurs
engagements respectifs et aux PED
de se développer de façon durable, tel
était l'esprit des dispositions du Protocole consacrant
ces mécanismes.
Mais qu'en est-il pour l'instant ? Les marchés du
carbone ont-ils permis
d'atteindre ce double objectif ? Après avoir
analysé si les marchés-carbone contribuent vraiment
à la réduction des GES (§1), il sera
question d'aborder la problématique du développement
des PED, question de voir si les marchés-carbone
permettent réellement leur développement
durable (§2).
§1. De la réduction des GES par les
marché-carbone
« Afin de remplir ses engagements au titre de l'article
3, toute Partie visée à
l'annexe I peut... ». Tel est le libellé de
l'art.6 du protocole. Dans la même optique, l'art.17
note que « ... Les Parties visées à
l'annexe B peuvent participer à des échanges de droits
d'émission aux fins de remplir leurs engagements...
», le §2 de l'art .12 va aussi dans sens
«... d'aider les Parties visées à l'annexe
I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et
de réduction de leurs émissions prévus
à l'article 3... ». La lecture combinée des ces trois
articles
nous permet d'affirmer sans équivoque que les
mécanismes de flexibilité ont été insti-
104 GUIGON (P), Etat et tendances du marché-carbone
2012 : résume analytique, Washington (DC), Banque
mondiale, 2012, p. 3
61
tués dans le but premier de permettre aux Parties de
tenir leur engagement et l'objectif des
marchés du carbone est d'inciter à
réduire les émissions de CO2.
Ces incitations peuvent influer à la fois sur les
décisions à court terme des principaux
acteurs du marché et sur celles de long terme. À
court terme, elles encouragent les industriels
des pays de l'annexe b à diminuer tout de suite leurs
émissions en utilisant les technologies
mobilisables et les réserves de capitaux disponibles.
À long terme, elles ont un impact
sur les décisions d'investissements des chefs
d'entreprise prises au fil du temps. Si les
incitations à long terme conduisent les dirigeants
à tenir compte des prix du carbone lorsqu'ils
planifient de nouveaux investissements en capital, elles
peuvent avoir des effets durables sur
l'économie.105 Mais Qu'en est-il ?
La réponse à cette question ne peut être
catégorique car s'il est vrai que le bilan
des marché-carbone reste mitigés (2), on a quand
même observé - surtout en ce qui concerne
l'EU ETS - des réductions limitées mais
significatives (1).
1. Des réductions limitées mais
significatives...
Bien que les recherches se poursuivent sur la question et que
les rapports concernant
la deuxième phase (2008-2012) du marché-carbone
européen ne sont pas encore publiés,
les premiers résultats vont dans le sens d'une
diminution modérée enregistrée entre
2005 et 2006, dans le droit fil des modestes ambitions de
plafonnement imposées pendant la
première phase. Comme le fait remarquer Barbara
BUCHNER dans une de ses analyses :
«...D'un point de vue plus général, trois
observations permettent de tirer la conclusion vraisemblable
que les émissions ont été
légèrement réduites :
- Les émissions de CO2 ont coûté aux
pollueurs en 2005-2006, ce qui aurait eu pour
conséquence de diminuer les émissions au fur et
à mesure que les entreprises
s'adaptaient à la nouvelle réalité
économique. L'expérience montre d'ailleurs que
les entreprises ont pris en compte le prix du CO2, en
particulier dans le secteur de
l'énergie.
- La production réelle a augmenté dans l'UE
à un rythme relativement soutenu en
2005-2006, ce qui laisse supposer, si l'on se
réfère à l'intensité des émissions de
CO2 qui va traditionnellement de pair avec les taux
historiques de croissance du
105 CONVERY(F), ELLERMAN(D) & DE PERTHUIS(C), Le
marche européen du carbone en action: enseignements de
la première phase, Paris, CEEPR, 2008, P.
18
62
secteur de l'énergie, que les émissions auraient
été plus élevées ou tout au moins
se seraient maintenues au même niveau que les
années précédentes.
- Les émissions enregistrées en 2005-2006
ont été plus faibles que le niveau des
émissions indiquées par le SCEQE en 2002-2004,
même si on constate une tendance
vraisemblable à la hausse dans les données
antérieures à 2005. »106
Elle estime qu'avec le SCEQE, la réduction des
émissions de CO2 peut raisonnablement
être évaluée entre 50 et 100 Mt par an,
soit de 2,5 à 5 % de moins que si le système
n'existait pas.107
Les résultats d'une étude plus ciblée
réalisée sur les secteurs allemand et britannique
de l'électricité confortent le constat d'une
réduction modeste. En effet, en Allemagne,
on observe un changement dans la production
d'électricité : le lignite très polluant est
remplacé par le charbon plus propre, et on a davantage
recours à la biomasse. Au Royaume-
Uni, on utilise davantage le charbon dans la production
d'électricité aujourd'hui, et moins le
gaz naturel malgré le nouveau prix du carbone, en
raison d'une baisse de la production nucléaire
et des prix exorbitants atteints par le gaz naturel en 2005 et
au début de 2006. Pourtant,
il est probable que la production d'électricité
à partir du charbon eût été encore plus
importante
s'il n'y avait pas eu un prix à payer pour le CO2. De
même, on a constaté une nette amélioration
de l'efficience de la production d'électricité
dans les centrales à charbon en termes
d'émissions de CO2, qui pourrait être due
à l'utilisation accrue de la biomasse ou à un meilleur
rendement énergétique obtenu à la suite
de l'envolée des prix du charbon nécessaire pour
produire de l'électricité.108
2. ...un bilan qui reste mitigé
néanmoins
Les activistes écologiques estiment que, pour une
réduction d'au moins 5% par
rapport au niveau de 1990, le rendement des
marchés-carbone vu ci-haut laisse à désirer.
D'après « Les amis de la terre »,
une réduction de seulement 50 à 100 Mt de CO2 par an ne
peut permettre d'atteindre les objectifs de Kyoto. Le
très respecter Committee on Climate
Change va dans le même sens lorsqu'il
reconnaît que « Nous ne pouvons donc pas espérer
106 BUCHNER (B), « Première étape :
l'allocation de quotas ; Les émissions ont-elles diminué ?
», in CONVERY(F),
ELLERMAN(D), DE PERTHUIS(C), Op cit, P. 18
107 BUCHNER (B), « Première étape :
l'allocation de quotas ; Les émissions ont-elles diminué ?
», in CONVERY(F),
ELLERMAN(D), DE PERTHUIS(C), Op cit, P. 18
108 Idem, P.19
63
que le système communautaire d'échange des
quotas d'émissions garantisse les investissements
en solutions à faible émission de carbone
exigés pour la décarbonisation du secteur
ayant fait l'objet des échanges, d'ici les
années 2020. Compte tenu de ce risque, le Comité recommande
d'envisager sérieusement toute une série
d'options, telles que la règlementation ou
la taxation, afin d'intervenir sur les marchés de
l'électricité et du carbone».109
Ce bilan pas assez convaincant se justifie par plusieurs
circonstances et les impératifs
matériels de ce travail ne nous permettront pas de les
répertorier tous. Néanmoins, il
convient de noter, à titre illustratif, que l'une des
causes n'ayant pas permis l'atteinte des résultats
escomptés est liée à l'allocation des
quotas. En effet, la valeur d'un produit se définissant
par l'offre et la demande, la présence en
quantité considérable de ladite marchandise sur
le marché ne peut entrainer qu'une perte de sa valeur
et le cas du SCEQE est assez éloquent à
ce sujet.
En effet, si celui-ci a fait ses preuve en s'imposant comme le
marché le plus
important, des critiques fusent de tous les « milieux
verts » en ce qui concernent
« ...générosité dont ont fait preuve
les états membres de l'Union Européenne, lors de
l'élaboration des plans d'allocations des quotas
(PNAQ)... »110en distribuant une quantité trop
importante de quotas à leurs entreprises nationales
pour préserver leur compétitivité. En raison
d'un excès de quotas présents sur le
marché, le prix de la tonne de CO2 a chuté lors de la
phase pilote, à la fin 2007, pour atteindre un niveau
proche de zéro. En outre, le système des
quotas établi dans l'Union Européenne ne
s'adresse qu'aux grandes entreprises fortement
émettrices de carbone opérant dans les secteurs
de l'électricité, du ciment, du verre, de l'acier
et du papier. Il ne couvre dès lors, au niveau
européen, qu'à peine 50% des émissions de CO2.
Les émissions générées par
d'autres secteurs économiques, tel que l'agriculture, le transport,
le bâtiment et le traitement des déchets n'ont
pas été inclus dans le système de quotas
européens.
111
Cet état de chose n'encourage que très
faiblement la réduction, l'innovation et
l'investissement dans des technologies de productions plus
propres, éléments pourtant essentiels
dans le dossier climatique.
109 FRIENDS OF THE EARTH ENGLAND, Les marches-carbone: une
obsession dangereuse, rapport de synthèse,
Novembre 2009, p.4
110 MOZAS (M), L'après Kyoto : Etat des lieux de
l'application du Protocole de Kyoto et enjeux post-2012, Paris,
IPEMED, 2009, p. 12
111 Idem
64
Par ailleurs, le système d'observance mis sur pied par
les accords de Marrakech
laisse aux parties plusieurs façons de le contourner.
Si la question de la complémentarité
des mécanismes de flexibilité demeure, il reste
aussi la possibilité des entreprises de se délocaliser
pour des régions où le prix de CO2 est bas ou
encore dans les régions non soumis à des
objectifs quantifiés.
3. De 2009 à début 2012
S'agissant des tendances actuelles, on note une hausse
dramatique des émissions
de CO2 qui ont atteint 40% en 2010 (par rapport au niveau de
référence établi par le
Protocole de Kyoto) pour une franchise de 36 milliards de
tonnes de dioxyde de carbone.
La légère amélioration enregistrée
en 2009 (- 1,3 % d'émissions de CO2 dans
le monde) n'était qu'illusoire et liée aux
conséquences de la crise financière globale. En effet,
les émissions de CO2 sont reparties à la hausse
dès 2010, conséquence de la relance de la
croissance dans les grandes économies. Une hausse de
surcroît très significative de 5,9 %
pour 36 milliards de tonnes de CO2 ont ainsi été
libérées dans l'atmosphère en 2010, valeur
intégrant l'effet des déforestations, avec une
concentration globale en CO2 de l'atmosphère
établit à 390 ppm (parties par million) : le
niveau le plus élevé de l'histoire de l'humanité.112
Le charbon demeure une plaie environnementale, avec 41 % des
émissions
liées aux combustibles fossiles.
Sans surprise, le niveau d'émissions progresse dans les
pays émergents (+ 7,6
% au global contre 3,4 % pour les pays
développés). Les plus fortes progressions ont été
enregistrées
en Chine (+ 10,4 %) et en Inde (+ 9,4 %).
En valeur absolue, les pays qui émettent le plus de CO2
sont la Chine, les
Etats-Unis, l'Inde, la Russie et le Japon. Mais attention, le
niveau de la Chine et de l'Inde apparaissent
encore éloigné que ceux des Etats-Unis, de la
Russie et du Japon.
Dans la zone Europe, l'Allemagne a le rôle du mauvais
élève en 2010, tandis
que la France figure dans la même tranche que le
Royaume-Uni et l'Italie. Toujours dans cette
112
http://www.Planetoscope.com/261-emissions-mondiales-de-co2-dans-l-atmosphere.html
65
zone, les pays les plus vertueux en 2010 ont été
l'Espagne, la Suisse et plusieurs pays de
l'Est.113
Ce qui précède démontre qu'en
dépit des efforts consentis et de la volonté de
réduire les émissions de GES par les
marchés-carbone, ces derniers sont encore loin
d'atteindre leur but.
§2. Les pays du Sud et le développement
durable
La problématique Nord-Sud dans le dossier climatique
tire son fondement du
principe 7 de la déclaration de Rio qui consacre la
responsabilité commune mais différenciée.
Ainsi, la question qui demeure est de savoir si, le
mécanisme de développement propre, une
des incarnations de ce principe, contribue réellement
au développement durable des pays du
Sud conformément à l'art. 12 du Protocole de
Kyoto.
En effet, comme nous l'avions vu ci haut, le Protocole de
Kyoto prévoit le mécanisme
de développement propre, qui consiste à aider
les pays en développement à atteindre
leurs objectifs de développement durable, en favorisant
des investissements profitables pour
l'environnement, par l'entremise des gouvernements ou des
entités privées dans les pays industrialisés.
Les conséquences de ces mécanismes bien
pensés devraient fournir aux PED
des retombées en terme de développement durable
telles que les réductions de pollution de
l'air et de l'eau par l'utilisation réduite des
combustibles fossiles, particulièrement le charbon,
l'amélioration de la disponibilité en eau, la
réduction de l'érosion des sols et sur une meilleure
protection de la biodiversité.114
Sur le plan technique, il y'a le transfert Nord-Sud des
technologies de production
portant moins atteinte à l'environnement.
Sur le plan social, beaucoup de projets créeraient de
nouvelles opportunités
d'emploi dans les régions ciblées et
favoriseraient l'indépendance énergétique locale.115
113http://www.Planetoscope.com, op.cit
114 KOM TCHUENTE (F), « La finance carbone, les
politiques écologiques. Et l'Afrique dans tout ça ? »,
in http// :
www.finafrique.com/FINANCE CARBONE_AFRIQUE.PDF, p.5
115 Idem
66
Qu'en est-il ? La réponse à cette question,
à l'instar de celle relative à la réduction
des GES par les marchés-carbone, mérite
d'être nuancer car s'il est vrai que le cas
l'Afrique, qui peine à se retrouver dans les
marchés-carbone, est paradoxalement inquiétant
(3) certains pays émergents comme la Chine ou le
Brésil tirent réellement profits des ces aubaines
de financement. Les coûts d'élaboration des
projets MDP (1) sont sans doute à la base
de cette inégalité de répartition des
MDP(2).
1. Des coûts considérables pour le montage
d'un projet MDP...
Sur le plan opérationnel, notamment en matière
de transfert de technologie et
d'aide au développement durable, la mise en ouvre de
projets MDP n'a pas et, ne pourra vraisemblablement
pas bénéficier dans une même mesure
à tous les PED. La possibilité d'obtenir
des gains en termes d'unités de réductions
certifiées d'émissions -URCEs- ne saurait suffire à
ce qu'un investissement devienne immédiatement
rentable, dans la mesure où le poids des
coûts administratifs et de transaction correspondant au
montage des projets MDP est considérable.
En effet, le MDP reste le seul mécanisme de
flexibilité grevé par un prélèvement et les
droits d'enregistrement imposés par le comité
exécutif ainsi que les frais généraux de conception
et d'approbation du projet sont assez significatifs.116
Ces frais varient selon la quantité de
réductions d'émissions découlant du projet:
de $US 5.000 pour les projets générant des
réductions de moins de 15.000 T/CO2 par an,
jusqu'à $US 30.000 pour les projets dont les
réductions sont supérieures à 200.000 T/CO2 par
an. Dans ce contexte, les coûts d'enregistrement,
couplés aux frais logistiques propres aux
projets MDP déterminent que le montage de ce type de
projet ne soit pas une tache aisée. Ainsi
donc, la rentabilité des petits projets dans le cadre
du MDP se voit pénalisée par rapport aux
autres mécanismes de flexibilité.
Une étude du gouvernement français117, sur la
base d'une hypothèse des prix
des crédits d'émission de l'ordre de 3 €
teq CO2, affirme que :
· Un projet est «intéressant»
s'il produit des réductions d'émissions de plus de 50.000
teq
CO2 par an.
116 CALDERON (J.S), Le mécanisme de
développement propre : Quel impact sur le système global de lutte
contre
le changement climatique ?, Master de recherche en
administration publique, Paris, ENA, 2005-2007, p.32
117 Voir MINISTERE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE
L'INDUSTRIE, MISSION INTERMINISTERIELLE DE
L'EFFET DE SERRE, FONDS FRANÇAIS POUR L'ENVIRONNEMENT
MONDIAL; Guide de mécanismes des projets
prévus par le protocole de Kyoto: Le
mécanisme de développement propre, 2ème
édition. Rapport de synthèse.
67
· Pour les projets générant entre
30.000 et 50.000 teq CO2 par an de réductions
d'émissions,
le projet peut être « intéressant
», mais une étude approfondie sera souvent nécessaire
avant
d'aller plus loin.
· Pour les projets générant moins
de 30.000 teq CO2 par an, il y a une forte probabilité que
le coût de préparation du projet MDP soit
trop élevé par rapport aux revenus « carbone »
attendus. Dans ce cas il faut noter que le projet a des
chances de bénéficier d'une procédure
simplifiée, dit procédure pour des projets
à « petite échelle.»
Il est important de préciser que certains projets
bénéficient d'un traitement préférentiel
en ce qui concerne la détermination de la ligne de base
et la procédure de validation
et registre. Il s'agit pour l'essentiel des projets
d'énergie renouvelable à capacité inférieur
à 15
MW, des projets d'efficacité énergétique
et de réduction de consommation de moins de 15
GWh par an, et des activités qui émettent moins
de 15.000 T d'équivalant CO2 par an.118
2. ... D'où l'inégalité dans la
répartition des MDP dans les pays du sud
Dans ce contexte, le développement du marché des
crédits de réduction issus
des projets MDP montre clairement que la plupart des projets
s'orientent vers les pays les plus
attractifs pour les investissements étrangers, qui
d'ailleurs sont souvent les plus émetteurs de
GES et les plus développés parmi les PED.119
La répartition des projets MDP par pays est
également assez disparate. L'Inde
et le Brésil accaparent en termes de volume presque 50%
de tous les projets enregistrés, soit
200 projets sur une totalité de 411 enregistrés,
au 27 novembre 2006. En Afrique, seul 8 projets
on été enregistrés, avec une localisation
géographique correspondante aux économies les
plus performantes soit, 4 projets en Afrique du sud, 3 au
Maroc, 2 en Tunisie et 1 projet en
Egypte.120
Dans un autre ordre d'idées, en ce qui concerne la
participation au marché
MDP en termes monétaires, le marché est «
accaparé » à 80% par 4 pays : la Chine, le Brésil,
L'Inde et la Corée du Sud. Parmi ceux-ci, la Chine
domine le panorama mondial avec une
participation de 43.55% en moyenne annuelle sur la
totalité des URCEs. Durant les trois premiers
quarts de l'année 2006, la Chine dominait la vente des
URCEs avec une participation de
118 CALDERON (J.S), Op cit, p.34
119 Idem, p.34
120 Ibid, p.35
68
61 % sur la totalité des transactions
enregistrées. Ceci s'explique dans la mesure où elle accueille
des projets de taille considérable, notamment en
matière de réduction de hydro fluorocarbures
(HF3). Or, le potentiel en matière de
génération des crédits issus des projets de
réduction de HF3 est assez attractif pour les
investisseurs car chaque tonne de HCF23 abattue
est équivalant à 11.700 tonnes de CO2, donc
11.700 URCEs.121
3. L'Afrique non-émergente : un cas paradoxal et
inquiétant
Le cas de l'Afrique dans le dossier climatique est paradoxal
et inquiétant. En
effet, avec un taux d'absorption de 20% des GES, grâce
à ses forêts, et une contribution de
moins de 5% d'émissions mondiales de GES, elle reste
néanmoins le continent le plus vulnérable
sur le plan économique face aux conséquences des
changements climatiques.122
En effet, L'Afrique est l'un des continents les plus
exposés à la variabilité et
aux changements climatiques à cause de ses
caractéristiques géophysiques et socioéconomiques.
Les principaux moyens de subsistance des africains sont
l'agriculture,
l'élevage, la pêche, le tourisme et les
ressources naturelles. Ils sont donc particulièrement menacés
par l'insécurité alimentaire, la malnutrition,
un accès à l'eau restreint et des baisses de
revenus importantes (des pertes économiques pouvant
représenter jusqu'à 14% du PIB). Les
plus pauvres seront les plus affectés.123
Les températures moyennes qui augmentent, la
modification des quantités et de
la régularité des précipitations, les
sécheresses et les inondations en croissance impliquent la
dégradation des sols et donc une baisse du rendement
agricole et de l'accès à l'eau potable. La
disparition des ressources naturelles diminuent
considérablement la qualité de vie des Africains.
Le tourisme, souvent tributaire de la nature, sera
également affecté. Près de
30% de la faune des parcs nationaux d'Afrique subsaharienne
risquent l'extinction dans les 10
prochaines années selon les experts du GIEC (Groupe
d'experts intergouvernemental sur
l'évolution du climat).
121 CALDERON (J.S), Op cit, p.34
122 KOM TCHUENTE (F), op cit, p.4
123 Idem, p.5
69
Et ne l'oublions pas, près de la moitié des
africains vivent dans l'extrême pauvreté
et, parmi eux, la plupart vivent dans les zones rurales, dont
la principale source de revenue
se défini essentiellement grâce à
l'agriculture et l'élevage.
Cependant, l'Afrique qui devrait être le premier
bénéficiaire des opportunités
du MDP semble être le grand oublié. un rapport de
la Banque mondiale qui met en évidence
un fort potentiel de développement de projets dans le
cadre du Mécanisme de Développement
propre en Afrique précise néanmoins que la part
de l'Afrique représente une fraction minime
des projets développés. Actuellement elle est de
l'ordre de 2,4% soit 120 projets sur un total
de 4.900 projets soumis, sachant que 90% de ces projets en
Afrique se limitent à l'Egypte et à
l'Afrique du Sud (pays qui, paradoxalement est responsable de
50% des émissions de gaz à
effet de serre sur le continent).
Bien qu'on assiste ces deux dernières années
à la naissance d'organismes financiers
dont l'objectif est de promouvoir les projets éligibles
au de mécanismes de développement
propre telles que le Fonds Africain des Biocarburants et des
Energies renouvelables
(FABER) et le Fonds Capital Carbone Maroc qui est le premier
Fonds africain francophone
spécialement dédié à la finance
carbone au Maroc, l'Afrique qui espérait bénéficier du
faible
montant de ses émissions pour attirer les capitaux du
Mécanisme pour le développement
propre est néanmoins victime d'un manque
d'intérêt. Ce manque d'intérêt s'explique,
d'après
les experts, par les conditions généralement peu
propices aux investissements qui règnent en
Afrique, notamment la pénurie d'organismes financiers
et commerciaux performants et
l'insuffisance des moyens administratifs et de gestion du
continent.124Une excuse un peu trop
facile pour un continent qui n'abrite 13,8 % de la population
mondiale et qui ne consomme
que 2,3 % de l'énergie fossile utilisée chaque
année dans le monde.
Avec l'argument du « climat des affaires non-propice
», les objectifs des accords
de Kyoto qui étaient mettre en place un système
répressif sur base du principe Pollueur-
Payeur se défini en Afrique comme un
système de « Non-pollueur-Payeur » ; «
nonpollueur...
» Considérant la quantité minime de ses
émissions et, « ...payeur» car l'Afrique
paye de sa capacité de développement.
124 KOM TCHUENTE (F), op cit, p.5
70
De ce qui précède, il se dégage que le
marché-carbone présente des failles qu'il
convient de colmater pour après 2012, date de la fin de
la première période d'engagement. Le
point suivant sera l'occasion de mettre en exergue certains
éléments qui devront être pris en
compte pour cette réforme.
§3. De la nécessité d'une
redéfinition post-2012 du fonctionnement des marchés-
carbone
Avec la fin de la première période d'engagement,
la nécessité d'une revisite du
fonctionnement des marchés-carbone s'impose car, si la
question de leur effectivité ne fait
l'ombre d'aucun doute, celle de leur efficacité par
contre...
Il s'agit, dans le cadre de ce paragraphe, de soumettre
certaines propositions
pertinentes qui, nous estimons, devront être prises en
compte dans la structuration du marchécarbone
post-2012.
v Le marché-carbone, de par les mécanismes
de flexibilités, est un dispositif créé par le
droit international dont l'objectif est de garantir la
réduction des émissions à moindre
coût : la robustesse du signal prix est à cet
égard déterminante et doit être
préservée
En effet, Le système international d'échanges de
quotas est d'abord un instrument
de contingentement volumique des émissions de gaz
à effet de serre, avant d'être un système
d'échanges. Ce qui implique que l'objectif
environnemental doit constituer le pilier du
marché-carbone et ne le pourra que par la robustesse et
la crédibilité du signal prix, éléments
fondamentaux de l'efficacité du système
d'échange.125
Or, comme nous l'avions noté plus haut, le manque de
parcimonie dont ont fait
preuve les Etats dans l'attribution des quotas nationaux n'ont
pas permis cette émergence d'un
signal-prix fort.
Il convient dès lors de définir un prix-carbone
robuste et unique, applicable à
tous les acteurs, suffisamment crédible. En un mot, un
signal prix capable de susciter la confiance
de tous les acteurs et de jouer son rôle d'inducteur de
comportements d'investissement
et d'optimisation opérationnelle.126
125 Lire à ce sujet PRADA (M.), la
régulation des marchés du CO2, Paris, inédit, 2009,
p.21-26
126 Idem
71
v Si le principe de marché ouvert doit être
préservé dans les marchés-carbone, les
participants
au marché doivent être mieux encadrés,
afin de garantir l'intégrité et
l'efficience du marché.
Il a été établit par la CCNUCC que les
mesures de lutte contre les changements
climatiques ne doivent point constituer «...un moyen
d'imposer des discriminations arbitraires
ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou
des entraves déguisées à ce
commerce».127Comme nous avions eu à le
démontrer, les transactions-carbones sont des marchés
à part entière. De ce fait, ils ne peuvent pas
échapper aux règles et principes posés par le
droit du commerce international.
Ainsi, le marché du CO2 s'est développé
dans le cadre d'un accès totalement
ouvert qui a favorisé une diversification d'acteurs et
d'intérêts. A côté des Etats ayant des
engagements,
des entreprises assujetties et des intermédiaires, on a
vu émerger certains acteurs
agissants pour leur propre compte et, parfois à des
fins purement spéculatifs.
Si certains de ces acteurs poursuivent réellement des
objectifs environnementaux,
certains ne visent que le lucre. Dès lors, il convient,
en plus de la couverture des acteurs
traditionnels (les financiers, courtiers...), d'adopter
certaines mesures visant à réglementer
l'activité des autres intervenants (surtout ceux qui
interviennent à titre personnel), afin de
s'assurer que les transactions dans lesquelles ils
interviennent ont vraiment un objectif environnemental
et ce, toujours dans le but de protéger l'efficience du
marché-carbone.
v Corollairement, un cadre de prévention et de
sanction des abus de marché, adapté aux
spécificités du marché du CO2, doit
être mis en place pour limiter les risques de manipulation
de cours et les délits d'initiés.
Plus en amont nous avions souligné que, du fait de la
technicité et de la complexité
du marché-carbone, certains acteurs étaient
obligés de recourir à d'autres. De cette situation,
ceux d'entre eux qui sont mal intentionnés peuvent
abuser de leur position.
Le premier abus peut consister en des manipulations de cours.
Ce sont des manoeuvres
visant à tromper les autres acteurs du marché
sur l'état de l'offre et de la demande,
127 Art.3§5
72
au bénéfice de leur auteur, qui aura pris des
positions lui permettant de profiter de l'évolution
induite du prix de marché.128
Le second abus consiste en l'utilisation par un acteur
d'informations privilégiées,
ayant une influence sur le prix de l'actif, qui n'ont pas
été portées à la connaissance des
autres acteurs. L'acteur concerné peut ainsi exploiter
à son profit une situation d'asymétrie
d'information.129
Ces deux types d'abus recouvrent des enjeux
différenciés quant à leur impact
sur le fonctionnement du marché. Des manipulations de
cours sont de nature à nuire à la robustesse
du signal-prix, en l'écartant de ses fondamentaux, et
à l'efficacité même de
l'instrument économique que constitue le marché
de quotas. Le cas de l'utilisation
d'informations privilégiées est sensiblement
différent : il ne met pas en péril la robustesse du
signal prix, mais constitue un cas d'inégalité
entre acteurs participant au marché. Néanmoins,
les deux types d'abus ont en commun qu'ils constituent des
détournements de l'instrument
environnemental, à même de nuire à la
confiance des participants et des citoyens à l'égard du
marché du CO2.130
Il faudra alors réfléchir sur
l'élaboration d'un cadre de prévention et de sanction
effective de ces abus de marché adapté au
marché du CO2, régissant l'utilisation
d'informations sensibles et d'informations
privilégiées, et couvrant l'ensemble des produits
échangés, et des modalités de
négociation.
v L'émergence de certaines puissances appelle une
remise en question du principe de la
responsabilité commune mais
différencier.
Le principe de la responsabilité commune mais
différencier dans le dossier
climatique traduit un besoin de justice et
d'équité : l'essor économique de Etats
industrialisés
ayant entrainé des concentrations de GES
considérables dans l'atmosphère, les contraintes
découlant
d'une action internationale doivent d'abord concerner ceux-ci.
Cependant, avec la
montée économique des pays tel que la Chine ou
le Brésil, devrait-on imposer des engagements
chiffrés qu'aux seuls pays industrialisés
figurant dans l'annexe B du Protocole ?
128 PRADA (M.), Op cit, p. 118
129 PRADA (M.), Op cit, p. 118
130 Idem.
73
Une réponse dans le sens de l'affirmatif remettrait en
cause le principe du pollueur-
payeur, principe sur lequel repose la rationalité du
marché-carbone.
Dès lors, il faudrait penser à revoir la
différenciation de la responsabilité des
Etats. Voir dans quelle mesure les pays émergents
peuvent rejoindre l'annexe B du protocole
ou trouver une solution intermédiaire qui permette de
les inciter à réduire leurs émissions.
v Renforcer et encrer la supplémentarité au
coeur de l'action environnementale par le
marché-carbone
Comme nous l'avions évoqué, le Protocole de
Kyoto institue les mécanismes
de flexibilité en appui à des mesures à
des politiques nationales de réduction de GES. Cependant,
en dépit du cadre d'observance de Marrakech, cette
question de la supplémentarité demeure.
Par conséquent, il semble plus que nécessaire
d'éluder cette question en renforçant les
mesures d'atténuation internes par une
définition claire et nette de la quantité exacte de GES
qu'un Etat peut réduire sur le territoire d'un
autre.
v Revoir la politique de prix des crédits carbone
dans le cadre des mécanismes de développement
propre pour orienter davantage les investissements des
compagnies énergivores
vers l'Afrique
Il serait impératif de revoir le système d'achat
des crédits carbone concernant
les mécanismes de développement propres. Car il
n'est absolument pas logique que ce soit le
même prix pour une tonne de carbone suivant qu'il
s'agisse d'un projet d'investissement en
Chine ou d'un projet d'investissement en RDC : le rapport
rendement/risque ne les met pas
sur un pied d'égalité.
Les prix des crédits carbone varient en fonction du
type des projets de mécanismes
de développement propre, de son état
d'avancement et du risque correspondant. A titre
d'exemple, en fin Août 2007 les prix des
crédits-carbone se présentaient comme suit :
- 5 à 6 € pour les projets à risque moyen
dans le futur,
- 7 à 10 € pour les projets à faible risque
dans le futur,
- 9 à 13 € pour les projets enregistrés,
- 15 à 16 € pour les crédits carbones
délivrés.
74
Cette méthodologie est intéressante mais il faut
aller plus loin. Le prix effectif
du carbone étant défini sur le marché par
un équilibre classique entre l'offre et la demande et
sachant que le but serait de trouver des solutions pour
attirer plus d'investisseurs énergivores
vers l'Afrique, pourquoi ne pas attribuer une décote
(réduction de prix) sur les crédits carbone
relatifs à des investissements en Afrique.
Décote ajustée en fonction de l'aversion au risque
des investisseurs suivant les pays et qui serait fixé
en pourcentage du prix d'équilibre défini
par le marché. Ainsi, plus d'investissements iraient
vers l'Afrique et permettrait notamment
de valoriser, par le transfert technologique, les importants
gisements d'énergie renouvelable
dont dispose l'Afrique (solaire, éolienne et
hydraulique) et ainsi de pallier progressivement au
déficit énergétique dont elle souffre.
v Dans la même optique, revoir les critères
d'éligibilité selon la nature du projet et les
capacités du pays hôte et, élargir le
champ des projets admis aux MDP
Comme nous l'avions souligné, la structure de
gouvernance internationale qui
a été retenue pour le MDP prévoit
plusieurs étapes et opérations de vérification, fait
intervenir
plusieurs acteurs et s'appuie sur des prescriptions
détaillées concernant la méthodologie et
l'additionalité.
Si ces dispositions sont nécessaires pour assurer
l'intégrité du mécanisme fondé
sur le jeu du marché qu'est le MDP, la procédure
d'approbation des projets a été critiquée
comme trop lourde et trop rigide et parce qu'elle implique des
coûts de transaction élevés
pour les pays en développement pauvres. En outre, il
faut noter que c'est le secteur de
l'utilisation des terres qui offre potentiellement le plus
important gisement de financements
carbone dans la plupart des pays d'Afrique. Cependant, les
règles actuelles limitent les activités
de projet éligibles dans le secteur de l'agriculture,
foresterie et autres usages du sol aux
activités de boisement et de reboisement
définies de façon restrictive. En plus de la complexité
des règles et modalités de
génération de crédits AFAU, le marché
européen - qui est le plus
important - exclu les activités de boisement et de
reboisement.
Il faudrait donc revoir ces dispositifs afin de permettre un
assouplissement des
procédures et des modalités et une
réduction des coûts de transaction liés au
développement
de projets MDP, simplifier les modalités de production
de crédits par les activités de boisement
et de reboisement et imposer ces derniers comme
activités éligibles aux MDP.
75
v Intégrer les pays du Sud dans le processus de
négociation des mécanismes de flexibilité,
particulièrement du MDP
Les décisions concernant les mécanismes de
flexibilité sont prises au cours des
réunions des Parties aux Protocoles, les COP/MOP, dans
lesquels les autres Parties à la
CCNUCC ne participent qu'à titre d'observateur.131 Il
en résulte une situation telle que les
Etats parties non-parties au protocole sont appelés
à se plier en aval à des décisions
arrêtées
en amont, dans des réunions auxquels ils n'ont pas
participé, sans parfois en saisir les enjeux
réels.
Dans le cas sous examen, intégrer les Etats non-Parties
au protocole ne ferait
que renforcer la confiance entre les Parties, la
crédibilité des mécanismes de flexibilité ainsi
que du marché-carbone et répondrait à un
besoin d'équité.
v Intégrer le REDD dans les
marchés-carbone
La déforestation tropicale est responsable de 15
à 20 % de l'ensemble des
émissions humaines de gaz à effet de serre. De
l'agriculture au commerce du bois, en passant
par le besoin énergétique, plusieurs facteurs,
dans un contexte socio-économique, contribuent
à ce phénomène.
En décembre 2007, lors de la Conférence
internationale de Bali, les Nations
Unies ont reconnu qu'une solution viable au changement
climatique devait intégrer un mécanisme
visant à limiter la déforestation et la
dégradation des forêts. La Conférence encourage
également les pays et les organisations et parties
concernées à entreprendre des activités pilotes
susceptibles de nourrir les négociations des
règles détaillées du futur mécanisme REDD.
C'est dans ce contexte que le Fonds Bio Carbone de la Banque
mondiale, bien que principalement
tourné vers les projets de reforestation, signera un
contrat d'achat avec trois projets (à
Madagascar, en Colombie et au Honduras) qui comportent une
composante REDD.
Décliné en REDD+ par la prise en compte des
activités de gestion durable des
forêts, le bilan de la phase pilote, bien que
mitigé en RDC (conséquence d'une mauvaise gouvernance),
semble satisfaire toutes les Parties : le montage des projets
REDD sont moins coûteux
que ceux des mécanismes de flexibilité existants
et, de ce fait, se présentent comme une
131 Art. 13 du protocole
76
aubaine tant pour les pays à forêts. Aussi, ces
derniers n'étant pas tenus à des objectifs de
réduction,
peuvent générer des crédits forestiers
ex-nihilo et bénéficier de beaucoup de financement.
Cependant, A l'heure actuelle, le seul débouché
pour les « actifs climatiques »
des initiatives REDD demeure le marché de la
compensation carbone volontaire : les émissions
réduites par ces initiatives sont financées par
des entreprises ou des particuliers qui souhaitent
volontairement compenser leurs émissions de GES. De ce
fait, l'accord post-Kyoto
devra pensée à consacrer le REDD comme
mécanisme de flexibilité à part entière car elle
est
d'une importance capitale, tant sur le plan écologique
que sur le plan économique.
v Les gouvernements du Sud en général et
ceux de l'Afrique en particulier doivent penser
à renforcer leurs capacités en
finance-carbone et à instaurer un climat d'affaire
propice aux investissements-carbone
Les capacités institutionnelles d'un pays constituent
un facteur important qui
peut favoriser ou au contraire freiner son évolution
dans le marché-carbone. En ce qui concerne
le MDP, le lancement de tels projets suppose d'évaluer
et de comprendre de nombreux
aspects juridiques, financiers, opérationnels et
techniques. Or, la plupart des pays en développement
(particulièrement ceux d'Afrique), disposant de
capacités institutionnelles limitées,
ont et auront du mal à prospérer dans la
finance-carbone. Par ailleurs, le climat d'affaire (pollué
par la corruption, la concussion, les tracasseries
administratives qui se sont érigés en système
de gouvernance), les crises politico-militaires... n'incitent
pas les investisseurs à
s'engager sur des projets-carbones en Afrique.
Les Etats africains doivent penser à mettre sur pied
des organes sérieux chargés
de la gestion de leurs actifs sur les marchés du
carbone, à renforcer les capacités de ceux existants,
à assainir le climat des affaires et à proposer
des mesures incitatives aux investisseurs
(par exemple des exonérations fiscales)...
v Les PED doivent renforcer la coopération SUD-SUD
s'ils veulent vraiment peser sur
les marchés-carbone post-2012.
La question climatique évolue dans un contexte
géopolitique particulier où la
préservation de l'environnement, chère au Nord,
doit être conciliée à la croissance économique
mondiale en générale, du Sud en particulier.
Cependant, dans cette société internatio77
nale, bordel d'intérêts, les Etats ne se font pas
des cadeaux. Chaque partie cherche à tirer son
épingle du jeu, quit à écraser,
diplomatiquement parlant, celui qui lui paraît en position de
faiblesse.
Ainsi, pour peser dans les prochaines négociations qui
aboutiront au marchécarbone
d'après Kyoto, les Etats du Sud doivent se serrer les
coudes afin de faire face à
l'occident. Ceci passe par une coopération Sud-Sud,
tant sur le plan technique que sur le plan
financier :
- Sur le plan technique, ceux d'entre eux qui ont
développés des capacités et acquis
l'expérience dans la finance carbone devront aider les
canards boiteux à évoluer et à se
mettre à la hauteur des enjeux.
- Sur le plan financier, la Chine par exemple, fort de son
économie, peut être un partenaire
financier important en ce qui concerne le montage des
projets-carbone.
Et ceci bien entendu, dans le respect mutuel de
souveraineté.
78
CONCLUSIION
L'essentiel de ce travail a consisté en l'analyse de
l'efficience des marchéscarbone,
et par conséquent des mécanismes de
flexibilité, dans la problématique de la réduction
des GES. Force est de constater qu'en dépit des efforts
déployés en ce sens, leur rendement
est encore à des années lumières des
objectifs de Rio et de Kyoto. D'où, des reformes
qui s'imposent non seulement dans le fonctionnement des
marchés-carbone, mais aussi dans
le système mondial de gouvernance environnementale.
Les accords de Kyoto, par l'entremise des
marchés-carbone, offrent des opportunités
- de financement, d'investissement et de transfert
technologique - dont l'Afrique pourrait
bénéficier pleinement grâce à son
potentiel énergétique et ses faibles émissions en
carbone.
Avec l'éventuelle intégration du REDD au
marché régulé du système de Kyoto, la RDC
se retrouve dans une situation doublement avantageuse.
Cependant, avoir du potentiel est une
chose. Convertir ce potentiel en réalité
palpable en est une autre. Ceci requiert une volonté
politique réelle et la mise en place d'un cadre
propice, reposant sur la bonne gouvernance, qui
nous permettra de tirer réellement profit de la
finance-carbone. Tel est l'un des prix de cette
émergence dont nous rêvons et notre position
actuelle dans le dossier climatique n'est pas satisfaisante
: nous devrions en être complexés.
L'émergence du concept « économie verte
», durant le Sommet de la terre tenu
en juin de cette année, ne vient que conforter
l'idée selon laquelle croissance économique et
protection de l'environnement sont des termes qui peuvent
être conciliés. Avec le renforcement
des politiques volontaristes en termes de mitigation, il
devrait être possible de « décarboniser
» les économies des pays développés
et en développement, à un niveau qui soit compatible
avec l'objectif de stabilisation, et ce sans porter atteinte
à la croissance économique.
Cependant, l'efficacité de la lutte contre le
changement climatique ne saurait dépendre exclusivement
de la mise en place d'instruments économiques dans une
logique compensatrice.
Une politique de mitigation effective requiert en effet, et
peut-être même avant tout, des
changements en termes des habitudes de consommation et de
modifications beaucoup plus
fondamentales des modes de production, de transport et de
consommation dans une perspective
de développement durable telle que le propose le
rapport Brundtland.
79
23 novembre 2012. En ce jour mémorable où nous
concluons ce travail, la partie
Est du territoire de la RDC est, depuis 2 jours, sous
contrôle des forces rebelles du M23.
Du coup, ce travail qui a d'abord suscité notre
enthousiasme, suscite en nous des interrogations.
Quelle est la pertinence de travail ? Entre crises politiques,
militaires, recherche de la
stabilité économique et de la
vérité des urnes, la question environnementale trouvera-t-elle
une place dans l'agenda de la classe politique congolaise ?
Le temps vient où les enjeux de géopolitiques
seront environnementaux. Il est
déjà venu. A nous de le comprendre et de nous
positionner car si aujourd'hui l'Est du pays est
déstabilisé pour de l'or ou du coltan, demain
c'est toute la RDC qui le sera à cause de la forêt
équatoriale, du fleuve Congo, de l'Okapi, du jardin
botanique de Kisantu ou du parc Virunga
... il est plus que temps d'y réfléchir afin de
nous éviter le ridicule des solutions « diplomatiques
», « politiques » et « militaires
».
80
BIIBLIIOGRAPHIIE
1. TEXTES ET AUTRES DOCUMENTS
A. Instruments juridiques internationaux
1. La Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, UNFCCC,
Juin 1992
2. Le Protocole de Kyoto, UNFCCC,
Décembre1997.
3. Principes, nature et champ d'application des
mécanismes prévus aux articles 6, 12 et
17 du Protocole de Kyoto, FCCC/CP/2001/13/Add.2. COP,
Décision 15/CP.7.
4. Lignes directrices pour l'application de l'article 6 du
Protocole de Kyoto,
FCCC/CP/2001/13/Add.2. COP, Décision 16/CP.7.
5. Modalités et procédures d'application
d'un mécanisme pour un développement propre
tel que défini à l'article 12 du Protocole
de Kyoto, FCCC/CP/2001/13/Add.2. COP,
Décision 17/CP.7.
6. Modalités, règles et lignes directrices
applicables à l'échange de droits d'émission
(art. 17 du Protocole de Kyoto),
FCCC/CP/2001/13/Add.2. COP, Décision 18/CP.7.
7. Le Mandat de Berlin, FCCC/CP/1995/COP,
Décision 1/CP.1.
B. Décision judiciaire internationale
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ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif
du 8 juillet 1996, Rec. 1996
C. Résolutions et déclarations des
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1. La déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, Rio de Janeiro, juin
1992
2. La Déclaration de Stockholm, Stockholm,
juin 1972
3. Résolution A/RES/43/53 du 6 décembre 1988
relative à Protection du climat mondial
pour les générations présentes et
futures
4. Résolution A/RES/45/212 du 21 décembre 1990
relative à Protection du climat mondial
pour les générations présentes et
futures
D. Rapports
1. DENEUX (M.), Rapport sur l'évaluation de
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2025, 2050, 2100, Office parlementaire
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Assemblée nationale française,
session ordinaire 2001-2002, p. 36
81
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synthèse, résumé à
l'intention des décideurs, GIEC, 2001
3. Ministère français de l'économie des
finances et de l'industrie, Mission interministérielle
de l'effet de serre, Fonds français pour
l'environnement mondial; Guide de mécanismes
des projets prévus par le Protocole de Kyoto: Le
mécanisme de développement
propre, 2ème édition. Rapport de
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l'environnement et le développement (Rio de
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dans le Pacifique Sud », in Revue juridique
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marché », in L'Actualité économique,
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19. VALLEE (A), « La lutte contre l'effet de serre.
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l'article sur le site http//:www.ifp.fr)
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développement propre : Quel impact sur le
système global de lutte contre le changement
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administration publique, ENA, 2005-2007, 64p.
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(2005-2007) : le rôle du stockage et de l'emprunt
des quotas, les fondamentaux du
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Université Paris X- Nanterre, 2008, 301p.
3. DE JESSEY (B.) & LAMY (P-M), Etude du
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carbone, Mémoire de recherche de fin
d'études, Panthéon-Sorbonne Paris 1,
2007-2008, 84p.
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spécialisées en gestion de l'environnement,
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Sorbonne Paris I, 2005-2006, 101p.
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2. http// :www.finafrique.com/FINANCE CARBONE_AFRIQUE.PDF
3. http//:www.CO2solidaire.com/ prise-conscience.html
4.
http//:www.fimarkets.com/finance-carbone/introduction.html
5. http//:www.globalcanopy.org/le REDD+
6. http//:www.ifp.fr
7. http//:www.notre-planete.info/ Gaz à effet de serre
et influence des activités humaines
- notre-planete_info.html : « Gaz à effet de
serre et influence des activités humaines »
8.
http://www.Planetoscope.com/261-emissions-mondiales-de-co2-dans-latmosphere.
html
9. http//:www. unfcc. com
85
TABLE DES MATIIERES
REMERCIEMENTS
...............................................................................................................................
i
SIGLES ET ABREVIATIONS
...............................................................................................................
ii
I. INTRODUCTION
...............................................................................................................................
1
I.1. PROBLEMATIQUE
.....................................................................................................................
3
I.2. INTERET DE SUJET
...................................................................................................................
6
I.3. METHODOLOGIE
.......................................................................................................................
6
I.4. DELIMITATION DU SUJET ET PLAN SOMMAIRE
............................................................... 7
CHAPITRE I. LA DETERIORATION DE L'ENVIRONNEMENT PAR LES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
.....................................................................................................................................
8
SECTION I. LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE DE LA
TERRE............................................... 8
§1. Les gaz à effet de serre
............................................................................................................
11
1. Les gaz à effet de serre naturellement
présent dans l'atmosphère .....................................
11
La vapeur d'eau
.....................................................................................................................
12
Le dioxyde de
carbone...........................................................................................................
12
Le méthane
............................................................................................................................
12
Le protoxyde d'azote
.............................................................................................................
13
L'ozone
.................................................................................................................................
13
2. Les causes additionnelles de concentration de GES dans
l'atmosphère : le forçage
anthropiques
..............................................................................................................................
13
§2. Les conséquences du réchauffement
climatique
..................................................................... 16
1. Les effets liés à la hausse moyenne des
températures .......................................................
17
2. Les problèmes de droit international que pose la
hausse des températures. ...................... 18
SECTION II. DES DONNES SCIENTIFIQUES AU CADRE JURIDIQUE DE
LA LUTTE CONTRE
LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE
...........................................................................................
20
§1. Le monde scientifique comme facteur incitatif de la
prise de conscience internationale du
problème du réchauffement climatique.
........................................................................................
20
§2. Les instruments juridiques internationaux de lutte
contre les changements climatiques ........ 24
1. La convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques ........................ 24
1.1 Historique de la Convention
............................................................................................
24
1.2 Objectifs et principes
.......................................................................................................
26
1.3 Le cadre institutionnel de la Convention.
.................................................................. 30
2. Le protocole de Kyoto
.......................................................................................................
34
2.1 Naissance du protocole de Kyoto : la question de
l'adéquation de l'alinéa a et b du
paragraphe 2 de l'article 4
.....................................................................................................
34
2.2 Le contenu du Protocole de Kyoto
..................................................................................
36
2.3 Du système institutionnel mis en place par le
Protocole de Kyoto ................................. 37
86
CHAPITRE II. LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT PAR LE
MARCHE-CARBONE .... 40
SECTION I. LES MECANISMES DE FLEXIBILITE ET L'EMERGENCE
D'UN MARCHE -
CARBONE EN REPONSE AUX EXIGENCES DE KYOTO
............................................................. 41
§1. Les mécanismes de flexibilité
.................................................................................................
41
1. Le système international d'échange : le
mécanisme de permis d'émission négociable (art.
6 et 17)
......................................................................................................................................
42
2. Les mécanismes sur base des projets : la mise en
oeuvre conjointe (art.6) et le mécanisme
de développement propre (art.12 )
.............................................................................................
43
2.1 La mise en oeuvre conjointe
.............................................................................................
43
2.2 Le mécanisme de développement propre
........................................................................ 44
§2. Les marchés-carbone
...............................................................................................................
48
1. Types de marché-carbone
..................................................................................................
51
1.1 Les marchés régulés
........................................................................................................
52
1.2 Les marchés volontaires
..................................................................................................
53
2. Les acteurs des marchés-carbone
......................................................................................
54
2.1 Les Etats
..........................................................................................................................
55
2.2 Les entreprises
.................................................................................................................
55
2.3 Les autres acteurs et les intermédiaires des
marchés-carbone ......................................... 55
3. Dynamique des marchés-carbone
......................................................................................
56
3.1 Evolution de L'EU ETS durant la première phase.
......................................................... 56
3.2 Les tendances actuelles du marché-carbone
.................................................................... 59
SECTION II. LES EFFETS DU MARCHE-CARBONE SUR LA PROTECTION
DE
L'ENVIRONNEMENT
.......................................................................................................................
60
§1. De la réduction des GES par les
marché-carbone
................................................................... 60
1. Des réductions limitées mais
significatives...
................................................................... 61
2. ...un bilan qui reste mitigé néanmoins
..............................................................................
62
3. De 2009 à début 2012
........................................................................................................
64
§2. Les pays du Sud et le développement durable
......................................................................... 65
1. Des coûts considérables pour le montage d'un
projet MDP... .......................................... 66
2. ... D'où l'inégalité dans la
répartition des MDP dans les pays du sud .............................
67
3. L'Afrique non-émergente : un cas paradoxal et
inquiétant ............................................... 68
§3. De la nécessité d'une
redéfinition post-2012 du fonctionnement des marchés-carbone
........ 70
CONCLUSION
....................................................................................................................................
78
BIBLIOGRAPHIE
...............................................................................................................................
80
TABLE DES MATIERES
.....................................................................................................................
85__
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