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L'école, un enjeu de société.

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par Vincent LE DANFF
École Supérieure du Professorat et de là¢â‚¬â„¢Éducation - Académie de Versailles - Master Métiers de là¢â‚¬â„¢Enseignement, de là¢â‚¬â„¢Éducation et de la Formation 2015
  

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Partie 1

LES VALEURS R E P U B L I C A I N E S FRANÇAISES

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Mercredi 7 janvier 2015, un attentat terroriste frappe le journal satirique français Charlie Hebdo. S'en suivent de terribles évènements. Dans Traité sur l'inégalité, Voltaire écrivait : « Le droit à l'intolérance est donc absurde et barbare ; c'est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes. » Ce texte a été écrit il y a plus de deux siècles et semble pourtant d'une évidente actualité ces dernières semaines. Cette fois-ci, des Hommes n'ont pas été assassinés pour des paragraphes, mais pour des dessins. Des dessins symboles de liberté. Le bilan humain est lourd. Le bilan moral est désastreux.

Cet évènement a engendré un élan de solidarité sans précédent ces dernières années. Des millions de personnes se sont réunies, partout en France, pour un même combat : la défense de valeurs universelles, de droits inaliénables propres à tout être humain. Ces idées sont prônées :

? au niveau national : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que la Constitution du 4 octobre 1958 indiquent respectivement « L'ignorance, l'oubli, le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et la corruption des gouvernements » et « Le peuple Français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme ».

? Au niveau européen : la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne proclamée le 7 décembre 2000 stipule que « Les peuples de l'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ».

? Au niveau mondial : dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, est inscrit « La méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité ».

Pour beaucoup, le malheur des autres a été ressenti comme un malheur personnel, engendrant un sursaut de solidarité. John Fitzgerald Kennedy, dans son discours sur les droits civiques du 11 juin 1963 abondait déjà dans ce sens : « Menacer les droits d'un seul porte atteinte aux droits de tous. » Les défenseurs des valeurs universelles ont fait front ensemble.

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Si cette mobilisation est rassurante, elle est aussi et surtout très effrayante. Derrière l'image de melting-pot qu'elle donne, d'un peuple attaché au respect de l'être humain et des droits dont ils doivent jouir, la réalité est plus sombre. Les constats de la Commission nationale consultative des droits de l'homme en 2014 l'attestent. Celle-ci note la « résurgence d'un racisme brutal, biologisant, faisant de l'étranger un bouc émissaire ». Ainsi, il aura fallu attendre l'accomplissement d'un pareil acte pour enfin réveiller les consciences des français. Renouveau certain ou simple union nationale passagère ? Difficile à dire, mais une chose est certaine : la France, pourtant nation fondatrice des droits de l'Homme, va mal. Liberté, Égalité, Fraternité... Notre devise est en danger. Inquiétant certes, mais bien réel.

Faut-il être fataliste à la lecture de ce constat ? Non, bien évidemment. Faut-il réagir ? Oui, impérativement ! Faisant un constat allant dans le même sens lors de son appel du 18 juin 1940 sur les ondes de la BBC, le général de Gaulle exhortait ainsi les français : « Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! » C'est à ce titre uniquement que la France retrouvera ses lettres de noblesse et préservera les libertés qu'elle a mis tant de temps à acquérir.

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I. La construction d'un esprit critique

L'Homme possède, en puissance, un esprit critique. Celui-ci n'est donc pas inné et doit être développé tout au long de son existence. Dans son Discours sur la servitude volontaire, Étienne de La Boétie notait que « La première raison pourquoi les hommes servent volontiers, est pour ce qu'ils naissent serfs et sont nourris tels ». Il faut donner à chaque individu les outils intellectuels leur permettant, quelles que soient leurs convictions initiales ou celles de leurs proches, de devenir des citoyens lucides, à même de raisonner par eux-mêmes.

Chaque personne doit construire son opinion personnelle et doit être capable de savoir la remettre en question, la nuancer, voire la modifier. Ainsi, chaque décision peut être prise en toute connaissance de cause, et ainsi éviter les conséquences préjudiciables comme le confirme Étienne de La Boétie, toujours dans son Discours sur la servitude volontaire : « C'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui, ayant le choix d'être serf, ou d'être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal ou plutôt le pourchasse ».

Cette ouverture d'esprit permet ainsi d'aller à l'encontre de tout conformisme, de tous les bien-pensants qui nous entourent et pensent pour nous. Ainsi, la pièce de théâtre d'Eugène Ionesco, Rhinocéros, en est le parfait exemple. Le protagoniste, Bérenger, pourtant qualifié d'alcoolique, de malpropre et de paresseux par ses amis au début de la pièce se voit finalement être le seul capable de penser, de suivre son propre raisonnement, lorsque les autres succombent à la facilité, en se soumettant aux usages communément admis, à savoir la transformation en pachyderme. Il résiste aux tentations, tandis que tous autour de lui rejoignent progressivement la pensée de masse en faisant preuve d'impétuosité. La pièce se termine sur les propos de celui-ci, le montrant comme seul résistant, envers et contre tous. Une expérience, réalisée en 1951 par le psychologue Salomon Asch, donne aussi une dimension concrète à ces propos. Il s'agissait d'une étude dont l'objectif était d'observer comment certains individus réagissaient au comportement des autres :

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? Des étudiants furent réunis pour un prétendu test de vision. Tous étaient complices de l'expérimentateur, sauf un, qui l'ignorait bien entendu. Des lignes étaient affichées au tableau : une ligne modèle à gauche et trois autres lignes à droite. Les étudiants devaient comparer la longueur de la ligne modèle à celles des trois autres. Les réponses s'avéraient relativement simples, la longueur entre les lignes différant de plus de 5 cm. Tous les étudiants donnaient leur réponse à l'oral. Salomon Asch observa que le sujet, situé en avant dernière position, était influencé par les réponses des autres étudiants. Ainsi, lorsque la consigne était donnée aux complices de produire à l'unanimité une réponse fausse, beaucoup des sujets donnaient aussi la même réponse fausse. Un certain nombre de sujets allaient donc à l'encontre de l'évidence de leur propre vue, pour se conformer aux autres, du fait de la pression sociale.

Albert Jacquard, dans son ouvrage intitulé Nouvelle petite philosophie, écrit l'aphorisme suivant : « Apprendre à vivre, c'est apprendre à garder les yeux ouverts ». Garder les yeux ouverts, c'est-à-dire toujours rester sur ses gardes, ne pas accepter ce que l'on nous dit sans l'avoir vérifié. Être en quête de la vérité et faire preuve de dialectique. Il s'agit de la condition nécessaire pour ne pas entrer dans le jeu des tyrans, qui cherchent à imposer certaines idées, telles que l'oppression des minorités, et pour qui les peuples ignorants sont des proies faciles. Ceci peut être observé à travers cette courte histoire de Raymond Chevalier : « Quatre hommes visitent l'Australie pour la première fois. En voyageant par train, ils aperçoivent le profil d'un mouton noir qui broute. Le premier homme en conclut que les moutons australiens sont noirs. Le second prétend que tout ce que l'on peut conclure est que certains moutons australiens sont noirs. Le troisième objecte que la seule conclusion possible est qu'en Australie, au moins un mouton est noir ! Le quatrième homme, un sceptique, conclut : il existe en Australie au moins un mouton dont au moins un des côtés est noir ! » Nous devons refuser les informations indiscutables qui nous sont assénées, résultant de comportements dogmatiques. Dans Le racisme expliqué à ma fille, Tahar Ben Jelloun écrit : « Les mots sont dangereux. Certains sont employés pour blesser et humilier, pour nourrir la méfiance et même la haine. D'autres sont détournés de leur sens profond et alimentent des intentions de hiérarchies et de discrimination. D'autres sont beaux et heureux. » Le canular d'Eric Lechner, intitulé « Le tueur invisible », illustre parfaitement bien l'importance des mots. L'endoctrinement et l'enfermement de l'esprit débouchent forcément, petit à petit, sur des conséquences graves.

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Il est un fait certain : de l'ignorance, découle la peur. Franklin D. Roosevelt, lors de son discours d'investiture à la présidence des États-Unis le 4 mars 1933 refusait ainsi la peur : « La seule chose dont il faut avoir peur, c'est de la peur elle-même, cette peur inexprimable, irraisonnée et injustifiée qui paralyse les efforts nécessaires à transformer une déroute en une avancée. » Il faut refuser la peur et donc l'ignorance. Ce fut le combat mené durant tout le XVIIIème siècle, dit siècle des lumières, par de nombreux philosophes tels que Montesquieu et Voltaire. Comme le dit l'historien Zeev Sternhell, « Les lumières voulaient libérer l'individu des contraintes de l'histoire, du joug des croyances traditionnelles et non vérifiées. » L'Encyclopédie, confectionnée par Denis Diderot et D'Alembert, en est le symbole. Elle avait pour objectif de mettre le savoir à la disposition de tous, et ainsi permettre au peuple de résister à toute forme de propagande. Les propos du Dalaï Lama, lors de la remise du prix Nobel de la paix, le 10 décembre 1989, résument bien ces deux facteurs que sont le refus de l'ignorance et l'entraide : « Nous dépendons les uns des autres à tellement d'égards qu'il n'est plus possible de vivre dans l'isolement et l'ignorance de ce qui se passe à l'extérieur. Nous devons nous entraider dans les difficultés et le malheur, et mettre en commun les privilèges dont nous jouissons. »

Télévision, radio, presse écrite, internet,... Les médias de masse s'étant développés par la suite, se former un jugement autonome, se construire un esprit libre susceptible d'aller à l'encontre de l'émotionnel de ceux-ci est devenu encore plus important. Avec l'arrivée d'internet ces dernières années, les sources d'informations se sont démultipliées. En effet, tandis que Gutenberg avait, lui, rendu accessible l'écrit au plus grand nombre, internet l'a rendu beaucoup plus rapide, voire instantané. L'ignorance n'est donc plus le vrai problème. Il a été remplacé par l'erreur, comme l'écrit Rousseau dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : « Recherchons la première source des désordres de la société, nous trouverons que tous les maux des hommes leur viennent de l'erreur bien plus que de l'ignorance, et que ce que nous ne savons point nous nuit beaucoup moins que ce que nous croyons savoir ». Savoir faire le tri dans le flot d'informations dont nous sommes assommés est primordial. Les nouveaux chiens de garde, reportage adapté de l'essai éponyme de Serge Halimi, insiste sur la méfiance et le recul que nous devons avoir vis-à-vis des médias. Pierre Bourdieu exprime aussi sa méfiance vis-à-vis des médias, à travers une conférence réalisée au collège de France, et

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retranscrite dans le livre Sur la télévision. De tous temps, la manipulation des masses fut omniprésente : George Creel à la tête du Committee on Public Information, la propagande soviétique au service de la dictature Stalinienne ou encore Joseph Goebbels, le ministre du troisième Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande. D'ailleurs, ce dernier l'expliquait très bien en tenant ces propos : « A force de répétitions et à l'aide d'une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fait possible de prouver qu'un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu'à rendre méconnaissable les idées qu'ils véhiculent. » Plus récemment, on peut citer l'affaire des couveuses Koweitiennes, qui permit, à travers le faux témoignage de « l'infirmière Nayirah », de favoriser l'entrée de l'Occident dans la seconde guerre du Golfe. Dans le documentaire de Jean-Pierre Garrabos, In democracy we trust, le journaliste conclut à juste titre : « Celui qui gagnera la prochaine guerre n'est pas celui qui aura la plus grosse bombe, mais celui qui racontera la meilleure histoire. ». C'est donc l'inertie qu'il faut combattre, pas l'hérésie.

Epicure disait « Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à philosopher et quand on est vieux, on ne doit pas se lasser de philosopher, car personne n'est trop jeune ni trop vieux pour prendre soin de son âme. » Il n'y a pas donc pas de bons moments pour se poser les bonnes questions, pour interroger le monde qui nous entoure, pour se remettre soi-même mais aussi la société en question. L'ataraxie passe par la volonté de se poser les bonnes questions et essayer de les résoudre. Ainsi, plutôt que de contenir une énergie qui peut devenir néfaste à terme, nous devons apprendre à la canaliser, à la déplacer vers des formes constructives comme l'écoute et le dialogue : l'échange tout simplement.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote