La mesure de l'impact est devenue à la mode. Elle
répond à un véritable besoin. Les mutuelles sont
anciennes, mais elles sont des IMF un peu spéciales puisqu'elles
reçoivent des dépôts plus qu'elles n'accordent des
crédits. La plupart des autres institutions sont récentes, et
elles doivent se gérer sans disposer de beaucoup de repères.
Depuis que la lutte contre la pauvreté est retenue dans les objectifs du
Millénaire, elle est entrée dans les politiques de
développement et il est normal que les Autorités se
préoccupent d'en apprécier les résultats. Les bailleurs de
fonds ont aussi besoin de savoir si le soutien qu'ils apportent à ces
institutions atteint bien le but qu'ils se sont donné, surtout
lorsqu'ils veulent, comme l'USAID, que 50% au moins des crédits soient
accordés aux plus pauvres.
Quels sont les plus pauvres ?
La mesure précise d'un degré ou d'un seuil de
pauvreté ne peut se faire que par l'intermédiaire
d'enquêtes, qui sont nécessairement ponctuelles. Celles qui ont
été effectuées tendent généralement à
montrer deux choses. D'une part, les résultats sont très
différents selon les institutions qui, même si elles appartiennent
au même groupe - des ONG par exemple, peuvent avoir des clientèles
très particulières. D'autre part, elles s'adressent toutes aux
pauvres, mais pas toujours et pas seulement aux plus pauvres. Parmi les
multiples définitions de l'impact, celle-ci fait bien ressortir la
complexité de cette notion : « Un changement positif en profondeur
dans les croyances, les valeurs, les attitudes, les actions, les relations et
les structures qui se traduit par un niveau d'existence supérieur pour
l'individu et/ou la communauté ».
Les IMF ne prêtent pas toutes, ni
systématiquement, aux plus pauvres peut être expliqué de
plusieurs façons. Il y a d'abord des institutions dont ce n'est pas la
finalité, en particulier les mutuelles qui collectent d'abord des
dépôts et ne prêtent donc qu'aux membres qui ont pu
épargner : ils ne sont pas les plus pauvres. Ensuite des institutions
peuvent ne pas exclure les clients un peu plus aisés et accepter de leur
prêter à eux aussi,
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d'autant plus qu'ils empruntent sans doute davantage, et que
de ce fait la gestion de ces crédits est moins coûteuse. Enfin il
n'est pas impossible que ces clients aient emprunté quelques
années plus tôt, que ce crédit leur ait permis
d'améliorer leur situation, et qu'ils continuent tout naturellement
d'utiliser les services de cette institution. Il en est sans doute ainsi quand
l'emprunteur gère une petite ou une micro-entreprise, et que ses
affaires marchent de mieux en mieux.
L'impact des IMF sur la pauvreté ne se mesure pas
seulement par le pourcentage de leurs clients pauvres ou par le degré de
pauvreté de leurs clients. Ce sont surtout les changements qui comptent
: leurs clients sont-ils de moins en moins pauvres ? Il faut ici encore des
enquêtes et, bien qu'elles soient toujours coûteuses, elles doivent
être multipliées.
Pour qu'elles soient significatives, il faut que l'on puisse
comparer des résultats. Cela ne peut se faire que de deux façons
: dans le temps, avant que l'institution ait commencé à
prêter et quelques années plus tard, ou dans l'espace,
auprès de personnes qui sont clientes de l'institution et auprès
d'autres qui ne le sont pas. Mais, dans le temps comme dans l'espace, bien
d'autres facteurs que le microcrédit accordé peut avoir une
incidence sur les conditions de vie des personnes interrogées. Et que
dire des choix méthodologiques, comme des questions posées qui
dépendent naturellement de ce que l'on veut savoir, alors que les
institutions elles-mêmes, les autorités locales, les bailleurs de
fonds... les chercheurs qui font aussi ce genre d'enquêtes n'ont pas
forcément les mêmes préoccupations, ni peut-être le
même concept de la pauvreté.