Section II : les implications économiques
Dans cette section, nous distinguons les déterminants
favorables à la croissance des déterminants
défavorables.
Paragraphe I : l'analyse économique des
résultats de la régression
L'analyse économique nous conduit à distinguer
les déterminants qui ont un effet positif et ceux qui ont un effet
négatif sur la croissance. Les déterminants affectés d'un
coefficient positif sont favorables à la croissance. Cependant les
déterminants défavorables à la croissance sont
affectés d'un coefficient négatif. On peut recenser à
partir du tableau 3 et selon l'horizon temporel cinq variables à effets
positifs et six variables à impacts positifs respectivement à
court terme et à long terme. Les autres variables ayant un effet
négatif.
Nous analysons ensuite les implications économiques de
chaque déterminant de la croissance économique au Burkina
Faso.
? LE TAUX D'INVESTISSEMENT
Un accroissement du taux d'investissement de 10% traduit une
décélération du taux de croissance de 0,85%. La raison de
cette relation négative se justifie par le fait que dans les pays
pauvres comme le Burkina Faso, l'investissement est destiné très
souvent à l'achat de biens de consommation qui ne participent pas
ceteris paribus à la production. L'investissement étant
généralement financé par des prêts bancaires se
trouve alors improductif ; ce qui décélère la croissance.
A long terme, l'investissement devient favorable à la croissance
à hauteur de 0,2%. C'est la preuve que les agents économiques ont
une propension à consommer plus faible dans le temps s'ils satisfassent
les consommations improductives de court terme qui freinent la croissance.
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? LA POPULATION ACTIVE
Une hausse de la population active de 1% entraîne une
augmentation de la croissance économique de 1,95%. En effet,
l'accroissement de la population active a un effet favorable à
l'accroissement du produit intérieur brut par habitant. Son impact sur
la croissance s'est révélé négatif à long
terme. Cela peut se justifier par le fait qu'à long terme,
l'accroissement de la population adulte est dû à une augmentation
du taux de natalité à court terme justifiée probablement
par une moindre qualification de la population adulte de court terme. De forts
taux de natalité indiquent que beaucoup d'enfants sont soumis à
la morbidité : paludisme, diarrhée, maladie hydriques notamment.
Pour y faire face, les ménages utilisent leur épargne ; leurs
dépenses ne sont pas alors productives. Les ressources publiques sont
aussi utilisées pour les soins curatifs. Prendre soin des enfants
malades implique des coûts d'opportunités économiques
importants, notamment en temps passé dans le processus de production,
surtout pour les femmes. Toute chose qui impacte défavorablement la
croissance économique. Il convient alors de trouver les voies et moyens
visant à la mise en travail des personnes en âge de travailler
tout en veillant à réduire le sous emploi grâce notamment
à des appuis divers visant l'accroissement des cultures de
contre-saison. Pour agir sur le taux de natalité croissante, il convient
de miser sur des campagnes de sensibilisation qui éclairent les adultes
d'aujourd'hui sur l'intérêt d'une natalité
contrôlée.
? LA CONSOMMATION DU GOUVERNEMENT
Pour un accroissement de la consommation du gouvernement de
10%, la croissance est positivement affectée de 0,83%. En effet, la
consommation du gouvernement est vue comme un bon de commande à la
production de biens et de services ce qui stimule ceteris paribus la
croissance. On suppose qu'à long terme, les pouvoirs publics commencent
à payer la dette qui a alimenté la consommation de court terme.
Ce paiement est vu comme une charge financière improductive. Ce qui se
traduit toutes choses égales par ailleurs par un impact négatif
sur la croissance de 2,76%. Cet impact plus important que celui de court terme
vient corroborer l'action du désengagement de l'Etat dans la vie
économique engagée depuis les années 2000 ; ce qui
réduirait son train de vie.
? L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT
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L'aide publique a un effet positif de 0,13% sur la croissance
pour un accroissement de son niveau de 10%. Les études récentes
sur l'efficacité de l'aide indiquent que l'aide a un effet positif sur
la croissance dans les économies où le système de
gouvernance est de qualité. A long terme, l'impact d'un accroissement de
1% de l'aide publique au développement sur la croissance s'est
révélé positif et s'élève à 0,028%.
Cet impact est bien faible par rapport à l'effet de court terme. Se pose
alors la question de savoir si l'aide est utilisée à bon escient.
Les pouvoirs publics sont de ce fait pointés du doigt. L'aide publique
au développement, en permettant aux institutions publiques de
fonctionner crée un environnement propice pour le développement
des affaires. Le système de gouvernance devrait s'améliorer pour
viser notamment la lutte contre la corruption. La corruption décourage
les investisseurs privés compétents. En contrôlant la
corruption, le système de gouvernance attire et stimule les
entrepreneurs talentueux, capables de produire des biens et services à
moindre coût et de qualité. On comprendrait alors le
président américain Barack OBAMA quant il disait en 2009 que
l'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts mais d'institutions fortes.
? LES TERRES AGRICOLES
A long terme comme à court terme, les effets de
l'accroissement des terres agricoles impactent favorablement la croissance avec
un coefficient positif. L'amélioration et l'augmentation des terres
agricoles améliorent le potentiel de production agricole. Toute chose
qui accroît la croissance eu égard au poids très important
de la production agricole dans le PIB. Le coefficient de long terme s'est
révélé plus élevé que celui de court terme.
Cela peut s'interpréter comme une mise en culture des terres en
jachère et donc rendue plus propices à l'agriculture. Les
techniques de mise en jachère et l'alternance des cultures permettent la
régénérescence des sols et l'amélioration de la
productivité. Plus de terres agricoles augmente la dotation
capitalistique des travailleurs tout en freinant la décroissance de la
productivité marginale du travail. Les cultures de contre-saison sur
lesquelles les pouvoirs publics doivent maximiser augmentent les terres
agricoles et développent dans le même temps la qualité
d'exploitation des terres. Les politiques publiques qui diminuent les terres
agricoles sont alors défavorables à la croissance.
? LES EMMISSIONS DE CO2
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Les émissions de CO2 sont introduites dans le
modèle pour représenter le changement climatique. Il ressort des
résultats de la régression que l'effet du changement climatique
est négatif à court (-0,29%) comme à long terme (-0,04%)
sur la croissance. Ce résultat indique les dangers du
réchauffement climatique sur la croissance économique du pays et
sur le bien-être de sa population. Les inondations du premier septembre
2009 sont un exemple concret du danger du changement climatique. En effet, les
inondations ravagent les cultures agricoles, détruisent les
infrastructures routières entre autres destructions. Toute chose qui
impacte négativement la production et partant la croissance. Un rapport
de la Banque Mondiale en 2009 indique que le réchauffement climatique
dû à un accroissement de la concentration de dioxyde de carbone
dans l'atmosphère, a augmenté de 0,75% tout au long du
siècle passé ; les conséquences attendues sont les
sécheresses, les inondations, les variations des saisons. Ces
conséquences identifiées constituent une menace pour
l'économie burkinabè dont la croissance est tributaire des
activités du secteur agricole.
Pour permettre le rééquilibrage de
l'écosystème, les pouvoirs publics centraux et locaux doivent
encourager la reforestation avec des campagnes régulières de
reboisement et permettre que les plants mis à terre soient entretenus.
Dans cette logique, on arrive à réduire significativement l'effet
négatif sur la croissance du changement climatique en obtenant un «
PIB vert » croissant.
? LE CREDIT AU SECTEUR PRIVE
L'effet du crédit à l'économie sur la
croissance économique est négatif et est de - 0,008% à
court terme. Cela se traduit par le fait que les agents économiques font
des prêts bancaires pour l'achat de biens de consommation improductive
à court terme (mariage, achat de moto, voiture) ; ce qui constitue pour
eux une dépense ostentatoire. A long terme, l'effet sur la croissance
s'améliore et devient de +0,028%. Le crédit fourni au secteur
privé stimule alors la croissance économique à long terme.
En effet, les agents économiques changent la structure de leur
consommation et achètent plus de biens de consommation
intermédiaire nécessaires à la production. Ceci implique
que le secteur privé utilise efficacement les crédits fournis par
le système financier à long terme. Faciliter alors l'accès
du secteur privé au
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crédit, notamment grâce à des fonds de
soutien ou de bonification et à l'assouplissement des conditions de
crédits stimule la croissance.
? LE NIVEAU GENERAL DES PRIX
Une accélération de l'inflation à court
terme de 1% est défavorable à la croissance à hauteur de
0,134% car l'inflation diminue le pouvoir d'achat des consommateurs et donc
leur demande de biens et services adressée à la production. La
croissance, indexée à la production se trouve alors
réduite. Par contre, à long terme, l'impact d'un accroissement de
l'inflation de 1% provoque une augmentation de la croissance de 0,0017%. Cela
peut provenir de la crédibilité des institutions
monétaires qui se caractérise par deux faits essentiels. Le pays
n'a jamais connu d'hyperinflation et les taux d'inflation brusques
résultant de chocs extérieurs ont été
jugulés de sorte que l'inflation revienne à son niveau naturel.
Cela a été le cas en 2005(6,41% suivi de 2,33% d'inflation en
2006) et de 2008(10,65% suivi de 2,6% d'inflation en 2009). Ce relatif
succès montre l'importance de la crédibilité des
politiques de désinflation dans la gestion macroéconomique.
L'expérience de la gestion de la désinflation ne permet pas aux
agents économiques d'avoir des doutes sur la capacité des
autorités monétaires à prendre les mesures idoines
à sa résorption. Il est remarqué que toutes les
économies qui voient leur croissance s'accélérer
enregistrent également une augmentation de leur niveau de prix, laquelle
stimule la production de biens et services. Autrement dit, la croissance
économique s'accompagne toujours d'un coût qui représente
un surcroît d'inflation.
Une politique favorable à la consommation, notamment en
termes d'accroissement des salaires réels constituerait une source
d'incitation à l'accroissement du pouvoir d'achat des agents
économiques.
? LE TAUX DE CHANGE EFFECTIF REEL
A court terme, un accroissement du taux de change de 1%
traduit une baisse de la croissance de 0,02%. Cela correspond à une
dépréciation de la monnaie au plan interne. En effet, une
dépréciation traduit selon la théorie de la parité
des pouvoirs d'achat, une perte de pouvoir d'achat due à une inflation
plus importante11. La perte de pouvoir d'achat à son tour
réduit la commande de biens et de services adressée
11 Selon l'annexe sur inflation le Burkina Faso a
enregistré périodiquement une inflation plus élevée
que ses partenaires commerciaux
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aux producteurs ; ce qui réduit la production et
partant la croissance. A long terme les autorités monétaires
arrivent à maîtriser l'inflation et la monnaie nationale
s'apprécie. Cette appréciation correspond à un gain de
pouvoir d'achat des agents économiques qui accroissent leur demande de
biens. Toute chose qui élève la production et partant stimule la
croissance. D'où la justification de l'impact positif (+0,04%) du taux
de change sur la croissance à long terme. La crédibilité
des autorités monétaires est alors favorable à la
croissance.
Au regard de ce qui précède, quelles
recommandations conviennent pour permettre d'avoir une croissance soutenue au
Burkina Faso ? Nous examinons cette problématique dans le paragraphe qui
suit.
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