1.2.2. Interactions entre satisfaction au travail,
flexibilité et sécurité de l'emploi
La relation entre la sécurité de l'emploi, la
flexibilité de l'emploi et la satisfaction au travail est
étudiée de façon approfondie dans les sciences du
comportement et a retenu l'attention dans la littérature de
l'économie et des relations industrielles. Cette relation a fait l'objet
de plusieurs études presque exclusivement dans les pays
développés et relève des compétences de
l'Organisation pour la Coopération et le Développement
Économique (OCDE). Nous exposons dans ce paragraphe les conclusions les
plus adaptées au contexte de cette étude.
Un facteur intéressant qui attire de plus en plus
l'attention dans l'analyse de la satisfaction au travail est la
stabilité de l'emploi. Cette variable,
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Chapitre 1 : Cadre conceptuel et théorique
généralement mesurée par un proxy,
à savoir « le type de contrat », peut affecter la satisfaction
au travail directement, ainsi que par son impact sur d'autres variables
relatives, comme la sécurité d'emploi par exemple.
La sécurité de l'emploi peut être
définie comme la probabilité pour un individu de garder son
emploi. Habituellement, la sécurité de l'emploi est
mesurée par l'auto-perception subjective des travailleurs quant à
leur probabilité de garder leur emploi. Cependant, certaines
caractéristiques de travail comme par exemple, la source du revenu, le
stress au travail, le temps de travail épuisant, peuvent
également servir d'indicateurs de sécurité de l'emploi.
Deux relations différentes entre la
sécurité de l'emploi et la flexibilité ont
été conjecturées ; la première soutenant la
théorie du « compromis » et le second la thèse de
«flexicurité» (MUFFELS RJA, 2005). Selon la première
hypothèse, il existe une relation négative entre la
flexibilité et la sécurité de l'emploi: les modèles
d'emploi flexible sont en conflit avec la sécurité, en
particulier pour les groupes de travailleurs peu qualifiés. Cette
hypothèse postule qu'un niveau élevé de
sécurité de l'emploi ne peut être obtenu qu'au coût
de la faible flexibilité de l'emploi. Un point de vue opposé est
l'hypothèse de «flexicurité», selon laquelle la
flexibilité et la sécurité ne sont pas en contradictions,
mais peuvent se renforcer mutuellement grâce à des institutions du
marché du travail appropriées (MADSEN K, 2002). En effet,
l'idée principale de la flexicurité est de passer de la
sécurité de l'emploi (même emploi pendant toute la vie de
travail), à la sécurité de l'emploi, dans le sens d'avoir
des possibilités d'emploi pour toute la vie (EMCO, 2006). La mise en
oeuvre d'une telle stratégie doit tenir compte de ce qui affecte la
perception de la sécurité de l'emploi et son impact sur la
satisfaction des travailleurs. Une hypothèse est de savoir comment les
différentes institutions du marché du travail et de
l'environnement macro-économique interagissent entre eux.
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Chapitre 1 : Cadre conceptuel et théorique
En s'intéressant au sujet, Clark et Postel-Vinay (2005)
utilisent les données de la Communauté Européenne
(ECHP7) et, après contrôle de la sélection dans
les types d'emplois (permanents dans le sous-secteur public, permanents dans le
sous-secteur privé et temporaires), constatent que la
sécurité d'emploi perçue des travailleurs du sous-secteur
privé est faible dans les pays dotés d'une législation
stricte de protection d'emploi. Dans le même contexte et tout en mettant
un accent particulier sur l'âge du travailleur, Trévisan (2007)
étudie l'impact sur la sécurité d'emploi de l'introduction
en Espagne en 1997 d'une réforme qui a essayé d'accroître
l'utilisation du contrat à durée indéterminée. Pour
l'analyse, l'auteur utilise les données de l'ECHP 19952000 et allie le
score de propension harmonisé avec un estimateur à effets fixes.
En accord avec les résultats obtenus par Clark et Postel-Vinay (2005),
les résultats indiquent que la réforme a produit un effet positif
et significatif sur la sécurité de l'emploi des jeunes
travailleurs de moins de 30 ans. En conséquence, le contrat à
durée indéterminée peut influencer positivement la
perception de la sécurité de l'emploi des travailleurs, si les
institutions du marché de l'emploi sont favorables à une
législation de protection de l'emploi.
Afin d'élargir l'analyse au bien-être du
travailleur, un certain nombre d'études ont examiné l'effet des
contrats temporaires sur la satisfaction professionnelle (Bardasi E, 2003;
Booth A, 2002; De Graaf-Zijl, 2005; De Witte H, 2003). Ils soulignent qu'un
impact négatif émerge seulement pour des formes
spécifiques d'emploi temporaire (tels que le travail intérimaire
saisonnier occasionnel) et/ou pour des facettes d'emploi spécifiques (la
sécurité de l'emploi et les perspectives de carrière). En
général aucune différence significative dans la
satisfaction globale de l'emploi n'émerge entre les travailleurs
occupant des emplois permanents et des travailleurs sous contrat à
durée déterminée. Ferrer-i-Carbonell et van Praag (2006)
en utilisant la même source de données que Trévisan, Clark
et Postel-Vinay
7ECHP : European Community Household Panel
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Chapitre 1 : Cadre conceptuel et théorique
examinent l'influence du type de contrat sur la satisfaction
au travail en Espagne et aux Pays-Bas; leurs résultats sont en accord
avec l'hypothèse selon laquelle ce qui relève de la satisfaction
au travail n'est pas nécessairement le type de contrat. Plus
précisément, ils montrent que l'effet de la nature du contrat
varie selon les deux pays étudiés: pour l'Espagne les contrats
temporaires sont négativement et fortement corrélés avec
la satisfaction au travail ; pour les Pays-Bas, il n'existe aucune relation
entre la satisfaction professionnelle et les contrats à durée
déterminée de plus d'un an et les contrats occasionnels. Une des
explications fournies par les auteurs est la différence du niveau
d'incertitude associé aux contrats temporaires dans chaque pays. En
effet, Les Pays-Bas et le Danemark sont considérés comme des pays
où le modèle de flexicurité a été mis en
oeuvre avec succès. La relation entre la flexibilité du contrat
et la satisfaction d'emploi peut aussi dépendre des
caractéristiques des individus. En effet, dans l'étude empirique
menée sur les travailleurs espagnols, bien que le type de contrat s'est
avéré être une variable explicative importante de la
satisfaction au travail, les résultats ont perdu leur pertinence, quand
la régression a été implémentée
exclusivement pour les femmes (Buron Gamero, 2007).
Si ce qui relève de la satisfaction n'est pas
forcément le type de contrat, il en demeure de moins pour la
sécurité de l'emploi. En effet, Nikolaou et al. (2005) ont
étudié la relation entre la satisfaction au travail et la
sécurité de l'emploi mesurée en termes d'attentes de
chômage. Après contrôle de
l'endogénéité potentielle de la relation
sécurité-satisfaction d'emploi, ils constatent qu'un niveau de
sécurité de l'emploi plus élevé
génère plus de satisfaction au travail (SILLA, I. et al., 2008).
Cependant, les auteurs ne considèrent pas l'effet simultané du
type de contrat. Les études microéconomiques sur l'effet conjoint
de la flexibilité de l'emploi et de la sécurité de
l'emploi apportent des preuves empiriques démontrant l'importance de
l'autoévaluation de la flexicurité. En effet,
l'instabilité, induit par l'emploi flexible, peut être
compensée par le niveau élevé de sécurité
d'emploi. L'emploi flexible et sécurisé a été
prouvé
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Chapitre 1 : Cadre conceptuel et théorique
être privilégié sur l'emploi
précaire permanent, tandis qu'aucune différence significative n'a
été montrée entre les travailleurs ayant un emploi
temporaire et sécurisé et ceux d'un emploi permanent et
sécurisé (Origo & Pagani, 2009).
Les études citées jusqu'ici concernent le
marché de l'emploi dans son ensemble et s'insèrent dans une
approche microéconomique de l'étude de la flexicurité. Les
relations, entre le type de contrat, la sécurité et la
satisfaction au travail dans l'éducation, sont souvent abordées
dans le sens de la mise en place de type de contrat pour limiter l'attrition
des enseignants, améliorer la sécurité de leur emploi et
assurer une bonne adéquation entre l'offre et la demande d'enseignants.
Dans cette logique, il y aurait « deux modèles essentiels de
l'emploi enseignant : l'emploi «axé sur la carrière» et
celui «axé sur le poste» » (OCDE, 2006). Par ailleurs la
stabilité professionnelle et la sécurité de l'emploi sont
indispensables, aussi bien dans l'intérêt de l'enseignement que
dans celui de l'enseignant8. De plus, le régime de la
permanence, lorsqu'il existe, ou le cas échéant son
équivalent fonctionnel, devrait être préservé dans
la mesure du possible, même si des changements interviennent dans
l'organisation ou au sein de l'établissement d'enseignement
supérieur ou du système d'enseignement (UNESCO/OIT, 2006). Le
point sur ces recommandations, de l'UNESCO et de l'OIT, révèle
que les contrats à durée déterminée contribuent
à aggraver l'instabilité de l'emploi et la rotation du personnel
parmi les enseignants ; aussi, le nombre, d'enseignants
bénéficiant de contrats de courte durée ou temporaires
plutôt que de contrats de durée indéterminée ou
permanents, est particulièrement élevé dans beaucoup de
pays et régions à faible revenu d'Afrique et d'Asie (OIT, Rapport
final du Comité conjoint OIT/UNESCO d'experts sur l'application des
Recommandations concernant le personnel enseignant (CEART), 2012; 2015).
8 Cette recommandation concerne l'enseignement
primaire.
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Chapitre 1 : Cadre conceptuel et théorique
En partant de ces constats et résultats de la
littérature, il est alors important d'examiner, pour les trois ordres,
d'enseignement, non seulement, l'effet du type de contrat sur la
sécurité de l'emploi des enseignants, mais aussi l'effet de
chacune de ces variables sur leur satisfaction. Pour y parvenir, le paragraphe
suivant formule les hypothèses adéquates.
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