I. Les rapports parents-enfants en droits traditionnels
ou autochtones
congolais : période à prédominance
de l'idée de la puissance paternelle
Avant l'arrivée des colonisateurs, il s'appliquait
à l'intérieur de l'espace géographique de ce qui est
devenu le Congo indépendant en date du 30 juin 1960, une multitude des
droits coutumiers pour la plupart distincts les uns des autres selon qu'on se
situe dans telle ou telle autre aire culturelle ou linguistique.
Partant de ce constat, il serait illusoire voire inutilement
prétentieux de vouloir rendre compte de la position de tous ces droits
traditionnels des populations autochtones congolaises sur la question des
rapports parents-enfants.
4 En France où ce slogan est à la
une, les partisans des familles dites homoparentales militent en faveur de la
suppression dans le code civil des termes « père », «
mère », « mari » ou « femme », pour laisser la
place à des termes indifférenciés. Cette perspective ne va
pas sans implications sur le droit des rapports parents-enfants.
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Par contre, il serait méthodologiquement de bon aloi de
vouloir tenter de dégager les grandes tendances prédominantes.
Celles-ci pourraient se ramener à deux pôles
déterminés selon que les populations concernées
appartiennent au système patrilinéaire ou à celui
matrilinéaire.
A. Considérations sur les rapports
parents-enfants dans le système patrilinéaire
Dans le système patrilinéaire, le principe de
base était que : « la dot engendre l'enfant ». Par
conséquent, tant que le mariage n'est pas encore dissout et la dot
restituée, même après séparation de corps et
prononcé du divorce, les enfants nés de la femme étaient
réputés appartenir d'office au mari, et
faisaient partie du clan de celui-ci.
Cette appartenance des enfants à
l'homme qui a doté la mère était d'office reconnue,
même s'il est matériellement certain qu'ils sont nés des
oeuvres d'un autre homme avec lequel celle-ci a cohabité pendant la
période de la conception. Mais, une fois que le père a
reçu en retour la partie de la dot qui faisait naître en sa faveur
la présomption de paternité, l'enfant de son ancienne
épouse doit être attribué à la famille de
celle-ci5.
Or, l'idée d'appartenance de l'enfant à son
père est, dans une certaine mesure, assimilable à la
réification de l'être-enfant sur qui le père aurait
été admis à exercer tous les attributs de la
propriété au sens du droit civil des biens.
C'est probablement dans ce cadre culturel que certaines
opérations de trafic d'enfants ou de leur vente comme
esclaves6 pouvaient se dérouler dans quelques rares recoins
du pays sans que l'opinion publique traditionnelle d'alors ne s'en
émût.
La conception qui a prévalu dans le système
patrilinéaire rappelle à l'esprit, toutes proportions
gardées, le « pater familias » (père de
famille) et la « patria potestas » (puissance paternelle) de
la Rome antique.
5 J.M. PAUWELS, « Répertoire de droit
coutumier congolais », In jurisprudence et doctrine, 1954-1967,
ONRD, Kinshasa, p. 146.
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En effet, en droit romain, le père avait un pouvoir
absolu sur ses enfants : il pouvait vendre, donner à titre gratuit ou
même supprimer son enfant. Il était celui qui donnait la vie et
qui pouvait la retirer en donnant la mort7.
Le Professeur BOMPAKA NKEYI MAKANYI précise que la
« patria potestas » romaine avait une portée
très vaste. Elle exprimait la souveraineté domestique du «
pater » sur toute une famille patriarcale, et, cette souveraineté
domestique était forte par son contenu et par sa durée. La «
patria potestas » était perpétuelle. Ce
n'était pas exactement un droit du père sur ses enfants, mais un
pouvoir du plus ancien ascendant sur toute sa descendance. Le père avait
sur ses enfants le droit que le propriétaire a sur les choses qui lui
appartiennent8.
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