DEDICACES
Je dédie ce travail à tous les membres de ma
famille notamment à :
· Mes parents : Joseph et
Marie KINGA, la preuve de votre amour a été de
me soutenir matériellement, financièrement et moralement. C'est
grâce à vos prières, vos encouragements et vos sages
conseils tout au long de ces années d'études, que j'ai pu en
arriver là en ce jour.
· Mes frères et leurs
épouses :
Ø William Fred et
Magalie Lucette TONI, à Ericson Junior
et Nathalie Armelle MOUAYA ainsi qu'à leur
fillette Miriam Gloire de Shékina MOUAYA
pour leur soutien moral et leur affection manifestée chaque
jour.
· Mes soeurs Ó
Ø TONI KINGA Nancy
Béril, KINGA TSOHO Emmanuelle Josema
et MATSANGA TONI Mercia Jocelle pour le respect et
l'amour que des soeurs manifestent à l'égard de leur
frère.
· A ma fiancée Ó
Ø N'GANONGO- PO Fanny Belgonde
pour tout l'amour, le soutient et la confiance qu'elle ne
cesse de manifester à mon égard.
Que Dieu vous bénisses et qu'il vous rende au
centuple chacun selon les désirs de son coeur.
Ce travail est le fruit des efforts qui contribueront
à l'avancement et à l'édification d'un droit du
contentieux administratif au Congo. Le chemin a été long et
jonché d'embuches mais les fruits n'en sont point amers.
Que tout le monde s'y retrouve à travers cet oeuvre
REMERCIEMENTS
Je remercie chaleureusement mon Dieu, le Tout Puissant qui
m'a donné la force, la bonne santé, le dévouement et la
patience d'arriver à terme de ce document.
J'exprime mes remerciements à mon Directeur de
mémoire, Monsieur NDAYI Thaddée Avocat
général près la Cour Suprême pour avoir
accepté de sacrifier son temps malgré ses multiples occupations,
il n'a ménagé aucun effort pour la direction de ce travail.
A tout le corps des formateurs de l'Ecole Nationale de
l'Administration et de Magistrature (E.N.A.M) de la filière Magistrature
particulièrement Ó
· Monsieur Placide LENGA, Premier
Président de la Cour Suprême.
· Monsieur Auguste ILOKI, Vice
Président de la Cour Constitutionnelle.
· Monsieur Samuel GATABANTOU,
Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême.
· Monsieur Isaac LOKO, Ancien
Magistrat à la Cour Suprême.
· Monsieur Charles Emile APESSE,
Premier Président de la Cour d'Appel de Brazzaville.
Ainsi qu'à tous ceux que je n'ai pas cités,
mais dont les noms et le souvenir m'accompagneront tout au long de ma
carrière. Du fond de mon coeur je vous remercie tous, pour vos conseils
et le partage de vos expériences.
J'adresse mes remerciements à certains de mes
Professeurs de la Faculté de Droit de l'Université Marien
N'GOUABI notamment Ó
· Monsieur Placide MOUDOUDOU,
Professeur Agrégé de Droit public, Doyen de la Faculté de
Droit
· Monsieur Guy Clément
MEBIAMA, Maître Assistant CAMES de Droit public
Mes remerciements vont à l' endroit
de :
· Mes amis de la Faculté de Droit et dont
certains sont aujourd'hui des collègues dans la profession, je pense
à Ó
Leger Evrard BENANTADIDI,
Roland Romaric N'GOMA, Noriel Christain
MOUFOUTA, Eric PANDI MOUKOKO, Kardec KIBITI
BAVOUEZA, Paul Claver KIMINOU, Yan MOUKIAMA
M'BERI, Aude Trésor ONDONDA, Estelle MINZELET., Bijou
N'KIE, Dorelle OKISSAKOSSI
· A ceux qui ont opté pour le
barreauÓ
Rommel N'DZABA NODJITOLOM,
Franc Darnaud N'GUIMBI MBENDZE, Marc Leger
TOYO.
· Mes remerciements au Cabinet d'Avocat
G.HOMBESSA
Particulièrement à Maitre Gabriel
HOMBESSA Avocat à la Cour
· A mes frères et soeurs dans la foi en
Jésus Christ Ó
Marcelin M'VILA MBEMBA,
Nadin MAVOUNGOU, Emile MOUKOUDZI,
Franc Jerry M'VOUNDI MABIKA, Vince
ELAT, Herman MOUELE, Abel
MBATSIMBA, Mr et Mme N'DZON, Tonny
EYENI, Jean KITEMBO, Christie NGOTENI, Didine
MOUTOU, Grace N'GOULOU
Je tiens à exprimer ma vive gratitude aux
membres du jury. Veuillez trouver ici le témoignage de
ma reconnaissance pour votre temps et l'attention que vous avez apporté
à ce travail.
A tous ceux là qui n'ont pas été
cités nommément et dont le soutien moral et la présence
à mes côtés ont été d'un grand apport dans la
réalisation de ce travail
Que Dieu vous Bénisses, car vous avez cru à
la réalisation de cet oeuvre.
Liste des abréviations
Adm. Administrative
A.E.F. Afrique Equatoriale
Française
A.J.D.A. Actualité
Juridique, Droit Administratif
Ass. Arrêt
d'Assemblé
C.A. Cour d'Appel
C.A.A Cour d'Appel
Administrative
C.E Conseil d'Etat
C.E.M.A.C Communauté
Economique et Monétaire d'Afrique Centrale
CJCE Cour de Justice de la
Communauté Européenne
CO.B.A.C. Commission Bancaire
d'Afrique Centrale
C.P.C.C.A.F Code de Procédure
Civile, Commerciale, Administrative et
Financière
C.S. Cour
Suprême
E.N.A Ecole Nationale
d'Administration
E.N.A.M Ecole Nationale
d'Administration et de Magistrature
E.N.M Ecole Nationale de Magistrature
O.H.A.D.A Organisation pour
l'Harmonisation du Droit des Affaires en
Afrique
R.D.P. Revue de Droit
Public
Rec. Recueil Lebon
REP. Recours pour
excès de pouvoir
S. Sirey (recueil de
jurisprudence)
T.A Tribunal
Administratif
T.G.I Tribunal de Grande
Instance
SOMMAIRE
DEDICACES 1
REMERCIEMENTS 2
LISTE DES ABREVIATIONS 4
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 7
PREMIERE PARTIE Ó IDENTIFICATION
DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO 15
CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR
SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL
16
SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA
COMPETENCE 16
Paragraphe 1 : Présentation organique
et fonctionnelle 17
Paragraphe 2 : Les fondements
de la compétence exclusive dévolue au juge administratif
suprême 25
SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF
SUPREME EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR 31
Paragraphe 1 : Les règles
procédurales devant le juge de l'excès de pouvoir 25
Paragraphe 2 : L'étendue
et les limites des pouvoirs du juge administratif suprême en
matière d'excès de pouvoir 35
CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR
DEROGATION A LA LOI 44
SECTION I : LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE
EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR 44
Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel et
l'annulation des actes non conformes à la constitution : le
contrôle de constitutionnalité des actes administratifs
45
Paragraphe 2 : Le juge
électoral et l'annulation des actes se rapportant aux
élections 51
SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA
CEMAC, JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR 57
Paragraphe 1 : L'intégration du Droit
communautaire dans le système juridique Congolais 57
Paragraphe 2: L'annulation des actes
administratifs non conformes par le juge
CEMAC 61
DEUXIEME PARTIE Ó LES DIFFICULTES
DANS LA CONNAISSANCE DU CONTENTIEUX DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO ET LES
SUGGESTIONS POSSIBLES 66
CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU
RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO 67
SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE
ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR
67
Paragraphe 1: Une formation
composée des juges non spécialisés évoluant dans un
système mal adapté au recours pour excès de pouvoir
68
Paragraphe 2: Un juge travaillant dans
des conditions précaires et en proie à la concurrence des organes
non juridictionnels 76
SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE
L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION 85
Paragraphe 1 : Les restrictions au champ
d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de
pouvoir 85
Paragraphe 2 : Les
difficultés endogènes et exogènes au juge
communautaire 90
CHAPITRE II : LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE
D'UN RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR 95
SECTION I : RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE
POUVOIR EFFICACE 95
Paragraphe 1: Le transfert de la
connaissance des actes des autorités locales aux juridictions
inférieures 96
Paragraphe 2: L'institution d'un
véritable juge administratif plus tatillon dans la connaissance de
l'excès de pouvoir 101
SECTION II : LES AMENAGEMENTS DANS LA
REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES
JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES
DE POUVOIR 106
Paragraphe 1: La révision des
compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des
actes administratifs 107
Paragraphe 2: La repartition
équilibrée des compétences entre le juge communautaire et
le juge administratif national dans le domaine de l'annulation des actes
111
CONCLUSION 116
BIBLIOGRAPHIE 120
TABLE DE MATIERES 116
ANNEXES 120
INTRODUCTION
Lors de leur accession à l'indépendance, la
plupart des pays d'Afrique noire issus de la colonisation française
avaient opté pour un système d'unicité d'ordre de
juridiction. Ce choix avait pour corollaire, l'institution des Cours
Suprêmes polyvalentes au sommet de leur pyramide judiciaire. Ces Cours
Suprêmes comportaient en leur sein une section ou une chambre
administrative dont l'une des missions essentielles consistait à exercer
un contrôle juridictionnel de la légalité des actes de
l'administration par le biais du recours pour excès de pouvoir. Au
Congo, c'est la Chambre administrative de la Cour Suprême qui sera
pendant plus d'un demi-siècle considérée comme, juge de
l'excès de pouvoir.
Parlant des mérites de la justice administrative,
Pierre DELVOLVE affirmait : « S'il fallait chercher
aujourd'hui encore une justification de la justice administrative, elle se
trouverait dans le constat qu'elle a réussi à contrôler
l'administration par des mécanismes permettant de lui faire respecter le
droit auquel elle est soumise »1(*). Au Congo, la transposition et la compréhension
des concepts « juge » de
l' « excès de pouvoir » posent un
sérieux problème. Elles renvoient à une approche binaire
qui concilie à la fois l'organe et la matière. En effet, si le
concept « juge » désigne au sens de la loi
de 1962 une formation intégrante de la plus haute juridiction (la Cour
Suprême) dotée des compétences d'une véritable
juridiction administrative autonome, celui de « l'excès de
pouvoir » traduit la matière, un démembrement de
la classification formelle et tétralogique du contentieux administratif
établi par Edouard LAFFERIERE2(*), le Président Auguste ILOKI le définit
comme : « l'action juridictionnelle par laquelle tout
administré intéressé demande l'annulation d'un acte
administratif unilatéral exécutoire pour cause
d'illégalité »3(*). Ainsi, le recours pour excès de pouvoir
apparait comme une véritable illustration de l'Etat de droit. C'est un
moyen qui permet d'une part à tout sujet de droit, de contester la
décision d'une autorité administrative et d'autre part au juge de
rétablir l'ordre légal en sanctionnant tout acte contraire
à la légalité.
Depuis 1962, l'histoire du recours pour excès de
pouvoir au Congo est étroitement liée à celle de son juge
c'est-à-dire à celle de la chambre administrative de la Cour
Suprême.
En effet, au lendemain de l'indépendance du Congo,
la question relative à un contrôle juridictionnel de
l'administration avait été confrontée à une
difficulté organisationnelle : à quel juge fallait-il
confier ce contrôle ?
Au juge judiciaire ou, à l'exemple de
l'ex-métropole, à un juge administratif ? Compte tenu des
contraintes financières d'une part et d'autre part du manque de
personnel, la justice administrative et judiciaire ont été
confiées à un juge unique polyvalent qui statuait (au premier et
deuxième degré et au plein contentieux) sur les litiges où
l'administration est partie. En d'autres termes, l'unicité de l'organe a
été compensée par la spécialisation des fonctions.
Mais, du fait de l'importance et de la sensibilité, du contentieux de
l'excès de pouvoir sa connaissance fut confiée à un juge
spécialisé du niveau le plus élevé. Ainsi, la
chambre administrative de la Cour Suprême connaît-t-elle de
façon exclusive du recours pour excès de pouvoir en premier et
dernier ressort.
Au fil des années, malgré les
réformes qu'a connues le système juridiciaire congolais, cette
compétence exclusive sera maintenue par le législateur à
travers une série des lois notamment celle du 20 janvier 1962 (loi
n°4-62 portant création de la Cour Suprême). Cette loi
disposait en son article 2 : « La Cour Suprême se
prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir
formés contre les décisions émanant des autorités
administratives ». Plus de deux décennies plus tard, la
réforme qui intervient avec la réorganisation de la justice en
République Populaire du Congo institue un code de procédure
civile, commerciale, administrative et financière (loi n°51-83 du
21 avril 1983). Ce code, qui prévoit des règles spéciales
concernant ce recours dispose en son article 405 que : « Le
recours en annulation est recevable contre toute décision
réglementaire ou individuelle émanant d'une autorité
administrative ». Ensuite, la loi n°025-92 du 20 août
1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême et enfin,
celle du 15 août 1999 (loi n°17-99) modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Suprême reprennent toutes en
leur articles 3 la même disposition : « La Cour
Suprême se prononce sur les recours pour excès de pouvoir
formés contre les décisions émanant des diverses
autorités administratives ».
Le juge administratif suprême en assumant sa mission
a affirmé cette compétence à travers une jurisprudence
abondante.
C'est ainsi que dans le célèbre arrêt
Kayouloud Paul Dédet, il réaffirme l'option du monisme
juridictionnel et reprécise la compétence d'attribution reconnue
à la Cour Suprême en ces termes : « le
Tribunal de Grande Instance, en raison de la compétence d'exception de
la Cour Suprême en matière de recours pour excès de
pouvoir, ne connaît du contentieux administratif qu'au plein
contentieux »4(*).
Cependant, derrière cette séduction
apparente résultant d'un système qui concilie unicité de
l'organe et spécialisation des fonctions se cache des
réalités bien différentes. En effet, le Congo à
l'instar des autres pays d'Afrique noire francophone, soumis à des
impératifs de développement et de satisfaction de
l'intérêt général tend de plus en plus vers
« l'âge administratif »5(*). L'administration devient
tentaculaire, son champ d'action se densifie et se diversifie. Elle se
transforme en un bras séculier et actif du pouvoir exécutif
bénéficiant pour ce faire d'énormes prérogatives.
Pour le Professeur Placide MOUDOUDOU : « Au Congo, en
général, l'administration fonctionne fréquemment en marge
de la légalité »6(*) ; cette situation de privilégiée
laisse transparaître de graves dangers. Celui d'une puissante machine qui
à long terme écraserait les droits et libertés des
citoyens et d'une imposante institution dont les actes empiéteraient sur
la vie publique et privée de ses administrés.
Face à cette menace réelle, le juge de
l'excès de pouvoir apparaît comme un rempart, un bouclier à
triple fonction : celle de protéger les citoyens, de réguler
l'action administrative et d'éduquer les autorités auteurs des
actes administratifs. La réalisation de cette triple mission suscite
moult préoccupations.
D'abord, en l'état actuel de notre droit positif,
le domaine de protection des droits et libertés des citoyens contre
l'arbitraire administratif s'est élargi. Certains actes administratifs
pris à leur égard échappent à la seule
compétence du juge administratif suprême. Le Congo, Etat de droit,
devient un espace juridictionnel très concurrentiel mettant en
évidence à la fois le juge administratif, le juge
constitutionnel et le juge communautaire.
K.TCHAPNGA écrivait : « Si le
juge administratif n'a joué dans le passé qu'un rôle
limité au regard des droits fondamentaux, ce rôle s'est
aujourd'hui estompé au profit des juges constitutionnel et
communautaire »7(*).
Ensuite, dans la connaissance même de ce contentieux,
la Chambre administrative, juge de l'excès de pouvoir (par principe)
a un profil judiciaire, « il est essentiellement un
juge judiciaire »8(*). Il se trouve de ce fait confronté à des
problèmes de spécialisation, d'expériences pratiques,
de connaissance adéquate et approfondie de l'administration, de ses
rouages et de ses méthodes car, « Nul n'est bon juge
que de ce qu'il connaît et pour juger l'administration, il faut donc la
connaître »9(*).
Enfin, les pesanteurs socio-politiques et
économiques ne facilitent pas non plus l'activité de ce juge. Le
recours pour excès de pouvoir apparait comme un terrain sur lequel le
juge « s'engage à ses risques et
périls »10(*). En effet, « ni les autorités
publiques ni même les administrés n'aiment le droit
administratif »11(*) et encore moins son contentieux. Si les premiers
perçoivent dans ce recours un instrument pour détecter et
sanctionner les pathologies de l'administration, les seconds le
considèrent comme complexe. Du coup, le juge de l'excès de
pouvoir est ignoré et marginalisé, les administrés
préférant recourir à d'autres modes de retrait des actes
administratifs (recours gracieux ou hiérarchique) son rendement est de
ce fait maigre : « entre 1962 et 1984, soit pendant vingt
deux ans, la Chambre administrative de la Cour suprême n'a pu rendre que
treize arrêts portant sur le recours pour excès de
pouvoir »12(*).
Pourtant, il est évident que dans un Etat de droit
en pleine édification, la question du juge de l'excès de pouvoir
devait revêtir une importance indéniable. Il serait normalement
considéré comme « une clé de voute dans la
protection des administrés contre l'arbitraire
administratif »13(*).
C'est pourquoi, en jetant notre dévolu sur ce
thème, nous estimons que son objet ne consistera pas simplement
à épiloguer sur la notion du recours pour excès de pouvoir
avec ses ramifications, mais plutôt, de cerner tous les contours du juge
ayant en charge ce contentieux (sa place, son rôle, ses
difficultés) après l'avoir identifié et
déterminé ses compétences et pouvoirs. C'est ainsi que
dans l'étude de ce thème, nous nous sommes proposé
d'atteindre trois objectifs essentiels :
-Identifier le juge de l'excès de pouvoir, faire
l'état de la question (qui demeure un domaine quasi stérile) en
mentionnant les difficultés que connaît ce juge dans la
connaissance de ce contentieux.
-Suggérer le transfert d'une partie de ce
contentieux à la connaissance des juridictions inférieures pour
répondre aux exigences d'accessibilité et de rapprochement du
juge vers le justiciable.
-Amener le juge de l'excès de pouvoir à
s'inspirer des mutations que connait le contentieux de l'annulation en France
et dans les pays d'Afrique partageant avec le Congo la même tradition
juridique et renforcer ses potentialités pour qu'il s'adapte aux
incidences du droit communautaire et qu'il ne soit pas en marge des
différentes évolutions sur la question.
Il ressort donc de ces objectifs, que cette étude
tel qu'envisagée revêt une importance indéniable.
L'appréhension du recours pour excès de pouvoir et celle de son
juge au Congo reste embryonnaire, bornée aux principes empruntés
au droit administratif français souvent mal adaptés aux
réalités de la vie administrative congolaise.
Apportant ainsi notre pierre à l'édification
d'un droit du contentieux administratif congolais, la
présente étude revêt un intérêt à la
fois historique, pratique et jurisprudentiel.
Au plan historique, cette étude permet de cerner
les différentes phases dans l'évolution du contentieux de
l'annulation et celle de la jurisprudence appliquée par le juge
congolais dans ce domaine depuis la colonisation jusqu'à nos jours.
Au plan pratique, la vie administrative au Congo comporte
aujourd'hui plusieurs ramifications (décentralisation, expropriation,
contentieux de la fonction publique, intégration
sous-régionale...). Ces phénomènes administratifs
entrainent une densification du contentieux de l'excès de pouvoir. La
présente étude permet de mettre en exergue l'étendue des
compétences et des pouvoirs dévolus à la Chambre
administrative de la Cour Suprême en tant que juge de l'excès de
pouvoir ; de préciser les cas d'intervention des autres organes
juridictionnels et les contours des procédures y relatives. Dès
lors, le juge de l'excès de pouvoir peut exercer un contrôle
étendu en sanctionnant les omissions, les légèretés
dont fait preuve l'administration. De même, l'administré pourra
acquérir la conviction que l'on peut avoir raison contre
l'administration car elle n'est pas un bastion inattaquable ni une puissance
souveraine et intangible bien distante et de loin plus forte.
Au plan jurisprudentiel, la présente étude
relance la grande question du pouvoir normatif14(*) de ce juge autrement dit, « le
juge a-t-il le droit de faire du droit ? »15(*). En se référant
au modèle français, le droit administratif en
général est une construction prétorienne ce qui ne l'est
pas moins quant au recours pour excès de pouvoir. En effet, à
travers les arrêts Pariset16(*), Dame Lamotte17(*) et Association AC18(*) le Conseil d'Etat, juge de l'excès de
pouvoir a forgé ce contentieux. Il a : « par des
touches successives, non sans tâtonnements mais toujours avec
détermination -en plusieurs décennies- fait du recours pour
excès de pouvoir ce que Napoléon avait fait faire des autres
branches du droit »19(*). S'inscrivant dans ce droit fil, l'étude met
en exergue l'oeuvre du préteur congolais adaptée à la
question.
Aujourd'hui, cinquante ans après son
indépendance, le Congo vise à s'arrimer aux exigences de
démocratie, de bonne gouvernance et d'Etat de droit ; ces objectifs
ne se mesurent qu'à l'aune de l'effectivité et de
l'efficacité du contrôle exercé sur les organes de l'Etat.
Dans ce contexte, le juge de l'excès de pouvoir constitue une
épine dorsale dans l'organisation de la vie administrative, étant
une charnière entre l'administration et les administrés ; il
est saisi par ces derniers pour déceler toute illégalité
des actes leur faisant grief et les sanctionner. Cependant, la question ne
semble pas susciter l'enthousiasme des juristes congolais.
En effet, au Congo, il n'existe quasiment pas de
manuels correspondants et adaptés à la question, mis à
part les ouvrages du Président Auguste ILOKI, le recours
pour excès de pouvoir au Congo et du Professeur Placide
MOUDOUDOU, le Droit administratif Congolais tous deux
publiés aux éditions l'Harmattan en 2002 et 2003.
Nous avons recensé quelques mémoires
soutenus par certains élèves de l'Ecole Nationale
d'Administration et de Magistrature de la filière magistrature
notamment :
Ø Le mémoire de Jérôme-Patrick
MAVOUNGOU Ó le contrôle juridictionnel de
l'administration au Congo, soutenu en 2000 ;
Ø Le mémoire de Jonathan Nicaise SOUNDOU
Ó le juge administratif congolais
soutenu en 2001 ;
Ø Le mémoire d'Evrard Leger BENONTADIDI Ó
le contentieux administratif dans le système juridictionnel
congolais, soutenu en 2010.
En dehors de l'ouvrage du Président Auguste ILOKI
qui aborde de façon spécifique la question en l'adaptant aux
réalités congolaises, l'ensemble de ces travaux ne donnent qu'une
approche générale du contentieux administratif congolais en ne
réservant qu'une partie étriquée à la question du
recours pour excès de pouvoir.
Notre étude aura l'avantage d'aborder cette
question avec une approche plus organique et pratique. Nous y apportons un
regard à la fois critique et comparatif ce en nous
référant aux modèles français, marocain,
béninois et gabonais.
M.GJIDARA écrivait : « Le
véritable Etat de droit est celui dans lequel les violations de la
légalité, quel qu'en soit l'auteur, peuvent être
constatées et sanctionnées par un juge »20(*). Il en résulte
qu'exercer un contrôle juridictionnel de l'administration, en l'amenant
à rendre compte de ses actes, les annuler en cas
d'illégalité telle est la mission du juge de l'excès de
pouvoir21(*).
L'accomplissement de celle-ci nécessite plus d'indépendance,
d'impartialité et d'hardiesse.
L'échiquier du contentieux administratif congolais
connait de grandes mutations. En effet, l'exclusivité de la connaissance
du recours pour excès de pouvoir conférée à la
chambre administrative de la Cour Suprême, consacrée et
pérennisée par le législateur semble aujourd'hui
s'effriter.
Il est établit que, la Cour Constitutionnelle peut
connaître du contentieux de l'annulation des actes administratifs se
rapportant à l'élection présidentielle22(*) et ceux contraire à la
Constitution23(*). De
même, que l'annulation des actes non conformes au droit communautaire
relève du juge communautaire24(*).
De plus, placé au coeur d'un système moniste
et dans un contexte en développement, le juge de l'excès de
pouvoir éprouve des difficultés dans la connaissance de ce
contentieux. Ce sont ces difficultés qui constituent la trame de notre
problématique et qui se traduisent par une série
d'interrogations :
-Qui est le juge de l'excès de pouvoir au Congo,
est-ce uniquement la Chambre administrative de la Cour suprême comme le
prévoit le législateur ?
-Cette exclusivité conférée par
principe au juge administratif suprême cadre t-elle avec les mutations
actuelles du contentieux administratif et partant les incidences du droit
communautaire ?
-Quelles sont les difficultés que rencontre ce juge
dans la connaissance de ce contentieux et quelles peuvent en être les
solutions ?
A travers une approche à la fois descriptive,
analytique et comparative nous nous inscrirons dans l'hypothèse
suivant laquelle : Les difficultés que connait le juge congolais
statuant en matière du contentieux de l'annulation s'expliquent
Ó D'une part, par le fait que ce contentieux en pleine mutation
devient pluridimensionnel et, celui-ci connait l'intervention des nouveaux
acteurs dit « acteurs contemporains dans le contrôle de la
légalité des actes administratifs »25(*). D'autre part, le
système juridictionnel congolais ainsi que le profil de son juge
administratif deviennent mal adapté aux réalités
actuelles du droit administratif et de son contentieux. D'où, la
nécessité d'initier des réformes devant permettre au
juge de l'excès de pouvoir de collaborer avec ces acteurs. Mais
surtout, la nécessité de réaménager le
système congolais en y apportant certaines réformes.
En ayant recours aux techniques d'investigations que
sont : la recherche documentaire traitant de la question objet de notre
recherche ; l'entretien avec des personnes ressources, il nous est apparut
concevable de retenir une démarche simple, précise et concise
axée essentiellement sur deux points à savoir :
L'identification du juge de l'excès de pouvoir au Congo (Première
partie). Les difficultés dans la connaissance du contentieux de
l'excès de pouvoir au Congo et les suggestions possibles
(Deuxième partie).
.
Une action administrative canalisée par la
règle de droit et la sanction juridictionnelle, tel est l'idéal
auquel aspirent la majorité des Etats africains. Aussi, pour chaque
citoyen, la saisine d'un juge dont la mission serait d'assurer la soumission de
l'administration au droit est considérée comme une garantie de
ses libertés contre l'arbitraire administratif.
De tout temps, le constituant congolais a veillé
à la protection des droits et libertés des citoyens face aux
dérives de l'administration. Pour ce faire, il a confié au
pouvoir judiciaire la mission de rendre la justice au nom du peuple
congolais26(*) et a
institué une Cour Suprême au sommet de sa
hiérarchie27(*).
Le législateur, prenant le relais a organisé une
répartition des compétences au sein de cette haute juridiction.
Il résulte de cette répartition que la chambre administrative de
la Cour Suprême est juge du recours pour excès de pouvoir en
premier et dernier ressort.
C'est pour autant dire que depuis plus de cinq
décennies, la chambre administrative de la Cour Suprême exerce de
façon exclusive un contrôle juridictionnel des actes
administratifs pour cause d'excès de pouvoir (Chapitre I).
Mais aujourd'hui, l'activité administrative se
diversifie et son champ s'élargi de sorte que certains de ses actes
échappent à la compétence du juge administratif
suprême. La connaissance de ces actes relève exceptionnellement
d'autres juridictions. On parle alors des juges de l'excès de pouvoir
par dérogation à la loi (Chapitre II).
CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR
SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL.
Selon le juge administratif suprême :
« en matière administrative la règle de la
répartition des compétences au sein de l'ordre unique congolais
des juridictions est que le Tribunal de Grande Instance est le juge naturel de
tout litige relevant du contentieux administratif sauf (...) au cas d'une
attribution exceptionnelle de la compétence administrative à
certaines juridictions comme notamment la Cour
Suprême »28(*). Par cette interprétation jurisprudentielle
de l'article 1ér de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962, il
confirme l'attribution faite à la chambre administrative de la Cour
Suprême de connaître du recours pour excès de pouvoir d'une
manière exclusive.
C.PERERA affirmait : « qu'aucune autre
juridiction ne peut annuler un acte administratif »29(*). Cette consécration
pérennisée par le législateur a fait de la chambre
administrative de la Cour suprême, juge exclusif du recours pour
excès de pouvoir.
Comment se présente cette chambre et quels sont les
fondements de sa compétence ? (Section 1). Ces questions
méritent un examen minutieux avant d'analyser tous les contours de son
office en tant que juge de l'excès de pouvoir (Section 2).
SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA
COMPETENCE.
L' article 83 de la loi n°19-99 du 15 aout 1999
modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92
du 20 aout 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire dispose :
« Le Tribunal Administratif est, en matière
administrative, juge de Droit commun en premier ressort, et au plein
contentieux, il est au cours des Instances dont il est saisi, compétent
pour interpréter les décisions des diverses autorités
administratives et apprécier leur régularité juridique,
à la demande de l'une des parties, sans pouvoir en prononcer
l'annulation qui est de la compétence de la Cour
Suprême ».
A défaut d'existence des Tribunaux administratifs,
les Tribunaux de Grande Instance sont juges de droit commun en toute
matière sauf dans les cas où la loi attribue une
compétence exclusive à une autre formation.
C'est ainsi que, depuis 1962, le législateur a
conféré à la Cour Suprême et plus
précisément à sa chambre administrative une
compétence exclusive dans l'annulation des actes administratifs pour
cause d'illégalité. Il convient d'examiner son organisation et
son fonctionnement (§1) avant d'analyser les fondements de cette
compétence exclusive (§2).
Paragraphe 1 : Présentation organique et
fonctionnelle.
La chambre administrative de la Cour Suprême est la
plus haute formation spécialisée en matière
administrative. En tant que composante de l'institution placée au sommet
de la hiérarchie du pouvoir judiciaire, son organisation et son
fonctionnement sont comme ceux de toutes les formations de la Cour
Suprême fixés par la loi portant organisation et fonctionnement
de cette Cour.
Tel qu'il résulte des dispositions
constitutionnelles (article 129 alinéa 6 de la constitution du 15 mars
1992 qui a quasiment été repris par l'article 134 de la
constitution du 20 janvier 2002) : « la loi fixe
l'organisation, la composition et le fonctionnement de la Cour
Suprême ». Les lois de 1962 à 1999 en fixant de
façon générale l'organisation et le fonctionnement de la
Cour Suprême ont défini la composition, le mode de
désignation des juges (A) et les compétences de la chambre
administrative qui est l'une des formations de cette haute juridiction (B).
A)- Présentation organique : composition et
désignation des juges de la Chambre administrative.
La chambre administrative de la Cour Suprême est la
seule formation administrative ayant reçue une attribution légale
pour connaitre du recours pour excès de pouvoir, le législateur
n'ayant pas maintenu le principe du double degré de juridiction dans ce
domaine. Il conviendra de présenter d'abord sa composition (1) et
ensuite, le mode de désignation des magistrats qui la compose (2).
1- La composition.
Depuis la loi de 1962, la chambre administrative, comme
toutes les formations de la Cour Suprême (à l'exception des
chambres mixtes et des chambres réunies) est composée de trois
magistrats du siège dont un Président.
En ce sens, l'article 22 de la loi du 15 avril 1999 qui
reprend l'article 23 de la loi de 1992 dispose : « A
l'exception des chambres réunies, chaque chambre comprend le
Président de chambre et deux (2) magistrats ».
Toutefois, lorsqu'elle ne peut être valablement
constituée, le Président ou le vice président de la Cour
Suprême fait recours de façon provisoire à un juge
intérimaire désigné parmi les magistrats du siège
de la Cour d'appel.
Le siège du Ministère public est
occupé par un magistrat relevant du Parquet général de la
Cour Suprême. Cette règle de l'unicité ou de
l'indivisibilité du Ministère public est prévue par
l'article 33 de la loi précitée.
Cependant, il convient de préciser que sous
l'empire de la constitution du 8 juillet 1979 et de la loi du n°53/83 du
21 avril 1983 portant réorganisation de la justice en République
populaire du Congo, il est institué le principe de la justice
populaire. Cette réforme aura pour conséquence l'institution des
juges non professionnels appelés à siéger à tous
les niveaux, y compris au sein de la Cour Suprême. C'est ainsi qu'au sein
de la chambre administrative comme dans les autres formations, deux juges non
professionnels siégeaient aux cotés du Président et des
deux magistrats30(*). La
loi n°025-92 du 20 août 1992 portant organisation et fonctionnement
de la Cour Suprême a mis fin à cette pratique et a rétabli
la chambre administrative comme les autres formations de la Cour Suprême
dans leur composition initiale.
Deux observations peuvent être apportées sur
la qualité et le nombre des magistrats qui composent l'instance
habilitée à connaître du recours pour excès de
pouvoir.
Sur leur qualité, force est de relever qu'à
raison du système moniste, les juges de la chambre administrative sont
choisis parmi les magistrats de l'ordre judiciaire. La
spécificité fonctionnelle minimale de cette chambre se trouve
encore plus atténuée
du fait de « l'absence de spécialisation
des magistrats qui y siègent ; ils sont essentiellement issus du
cadre judiciaire et ne font l'objet d'aucune spécialisation, ni dans
leur formation, ni dans leur affectation, ni dans leur
statut »31(*).
Sur le nombre des magistrats, il peut être
considéré comme insuffisant au regard du nombre de dossier que la
chambre est amenée à traiter. En effet, en dehors des recours en
annulation, elle connaît aussi des recours en cassation des
décisions administratives émanant de l'ensemble des juridictions
sur tout le territoire national.
Ce défaut en terme quantitatif peut poser de
sérieux problèmes de célérité et de
rapidité dans le traitement des dossiers sans cesse croissant en
matière d'excès de pouvoir.
Le législateur a prévu aussi les modes de
nomination des magistrats composant la chambre administrative de la Cour
Suprême qu'en est-il ?
2- Les modes de désignation des magistrats de
la chambre ? Nomination du Président de la chambre et
affectation des juges.
Le Président Robert BADINTER affirmait que Ó
« la légitimité d'une institution ne saurait
dépendre des conditions de désignation de ses membres, mais bien
de son acceptation par le souverain qui a voté la Constitution (en
l'occurrence le peuple) »32(*). Comment sont désignés les magistrats
qui siègent au sein de la chambre administrative de la Cour
Suprême ?
Dans toutes les lois portant organisation de la Cour
Suprême (la loi de 1962, de 1992 ou de 1999), la lecture de
l'alinéa 2 de l'article 9 semble distinguer les conditions de
désignation des magistrats à la chambre administrative et celles
des autres formations au sein de la Cour Suprême. En effet l'article 9
alinéa 2 de toutes ces lois dispose Ó « Toutefois,
peuvent être nommés à la chambre administrative et
constitutionnelle de la Cour Suprême les magistrats qui remplissent les
conditions de grade, d'ancienneté et de présence effective dans
leur administration d'origine ».
En réalité, cette distinction était
liée au fait que pendant longtemps, cette chambre a cumulé les
compétences de juridiction constitutionnelle et financière en sus
de ses compétences administratives contentieuses.
Depuis la mise en place des institutions issues la
constitution de 2002, la chambre administrative de la Cour Suprême a
été rétablie dans ses compétences traditionnelles
(recours pour excès de pouvoir et recours en cassation).
Dorénavant, cette chambre est constituée de
trois magistrats professionnels. Seul le Président de chambre est
nommé par décret du Président de la République pris
au Conseil supérieur de la Magistrature. Les deux autres juges, sont
comme tous les autres magistrats, nommés à la Cour Suprême
ensuite, affectés à cette chambre.
Cependant, il faut relever que dans le fonctionnement de
la Cour Suprême et partant dans celui de sa chambre administrative la
pratique s'écarte de la théorie telle que posée par le
législateur. En effet, mis à part le Président de la
chambre, aucun magistrat du siège n'est expressément
affecté à cette chambre.
Après cette présentation organique, il
convient d'examiner ses compétences contentieuses. Pour ce faire, nous
analyserons sa compétence comme juge de l'excès de pouvoir
ensuite nous établirons une distinction entre cette dernière et
la cassation.
B)- Une formation dotée de plusieurs
compétences.
Depuis plusieurs décennies, la chambre
administrative de la Cour Suprême a reçu du législateur une
compétence pour connaître du recours en annulation pour
excès de pouvoir, par cette attribution exclusive, elle est la seule
juridiction administrative qui connaît du recours pour excès de
pouvoir en premier et dernier ressort (1).
Mais en tant que juridiction administrative la plus
élevée, outre la connaissance de l'excès de
pouvoir, cette chambre est juge de cassation contre les
décisions rendues en dernier ressort et en matière administrative
par les juridictions et par des organismes administratifs à
caractère juridictionnel (2).
1- La connaissance exclusive du recours pour
excès de pouvoir.
L'organisation juridictionnelle en ce qui intéresse
le contentieux administratif au Congo a été
déterminé par une succession de textes législatifs
datés de 1962 à 1999. Ces textes ont les uns après les
autres remaniés le cadre juridictionnel en la matière sans pour
autant remettre en cause la dévolution et le contenu des
compétences contentieuses de la chambre administrative de la Cour
Suprême.
C'est ainsi que le principe du double degré de
juridiction n'a été retenu que pour le plein contentieux.
Si aujourd'hui, il est totalement admis que cette
compétence exclusive dans la connaissance de l'excès de pouvoir
est une attribution classique qui est considérée comme
« une compétence jubilaire »33(*). Il est important de rappeler
qu'elle a résisté à l'usure des textes législatifs,
des réformes et de ses détracteurs.
En effet, cela n'a toujours pas été le cas
car pendant longtemps, l'attribution d'une compétence exclusive reconnue
à cette chambre comme juge de l'excès de pouvoir a fait l'objet
de controverse tant en doctrine qu'en jurisprudence. Au coeur de ce
débat, une question qui se présentait comme suit :
« En se fondant sur la compétence générale
du Tribunal de Grande Instance sur l'ensemble du contentieux administratif
selon les termes de l'article 1er de la loi n°6-62 du 20
août 1962 ; il est de ce fait compétent pour apprécier
et interpréter la légalité des décisions
administratives. Mais, cette compétence générale
conduit-elle automatiquement à l'annulation de ces
actes ? »34(*).
Comme pour prendre part à cette polémique la
chambre administrative a, dans ses motifs de l'arrêt KAYOULOUD,
disposé d'une argumentation textuelle dont l'importance sera
indéniable par la suite. Celle-ci est constituée par les
articles 2 et 49 de la loi 4-62 du 20 janvier 1962 relative à la Cour
Suprême qui disposent : « La Cour Suprême se
prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir
formés contre les décisions émanant des autorités
administratives » et « La chambre administrative
(...) connaît en outre des recours en annulation pour excès de
pouvoir ».
Le mot annulation, ainsi employé par le
législateur, exprime clairement la volonté de ce dernier et une
telle disposition ne peut être interprétée autrement que
dans le sens où on l'entend habituellement. C'est-à-dire que
l'annulation des actes administratifs est une attribution reconnue
exclusivement à la chambre administrative de la Cour Suprême
malgré la compétence de droit commun des Tribunaux de Grandes
Instances.
Par ailleurs, l'appréciation et
l'interprétation constituent au Congo un contentieux de la
légalité mais à titre incident et par voie
d'exception35(*). Ce ne
sont pas des questions préjudicielles susceptibles de conduire à
surseoir à statuer et à renvoyer devant le juge de la
légalité.
L'article 62 alinéa 3 de la loi du 20 aout 1992 qui
reprend les termes de l'article 2 de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962
dispose : « au cours des instances dont elle est saisie, la
chambre civile est compétente pour interpréter les
décisions des diverses autorités administratives et
apprécier leur régularité juridique, lorsqu'elles sont
invoquées à l'appui de la demande ou comme moyen de
défense ».
Cette plénitude de la compétence des
Tribunaux de Grandes Instances est plus étendue que celle
attribuée au juge judiciaire français statuant en matière
civile et correspond à celle du juge répressif français.
En effet, alors que l'article 111-5 du nouveau code pénal
français dispose : « Les juridictions pénales
sont compétentes pour interpréter les actes administratifs
réglementaires ou individuels et pour en apprécier la
légalité, lorsque, de cet examen, dépend la solution
du procès pénal qui leur est soumis »,
la jurisprudence Septfond quant à elle,
limite les pouvoirs du juge civil à la seule interprétation en
ces termes : « L'interprétation lui est permise en ce
qui concerne les actes réglementaires, mais celle des actes individuels
- à moins qu'ils soient parfaitement clairs - constituent une question
préjudicielle de la compétence de la juridiction
administrative »36(*).
Il convient de préciser que cette vision consistant
à faire de la chambre administrative des Cours Suprêmes juge
exclusif du recours pour excès de pouvoir, a été
adoptée par la plupart des Etats d'inspiration juridique et judiciaire
française.
Aujourd'hui, plusieurs décennies après leur
indépendance, certains pays ont comme le Congo maintenu cette
compétence exclusive reconnue à la chambre en matière du
contentieux de l'annulation.
C'est le cas de la République du Tchad dont
l'article 7 de la loi 004/PR/98 du 13 novembre 1997, s'agissant de la chambre
administrative de la Cour Suprême, dispose à son alinéa
3 : « Elle statue seule sur les recours pour excès
de pouvoir contre les décrets et arrêtés ».
Il en est de même pour la Côte d'Ivoire à propos de la loi
du 25 avril 1997 modifiant celle du 16 août 1994 portant composition,
organisation, attribution et fonctionnement de la Cour Suprême.
Par contre, d'autres pays ont réorganisé
leur système en instituant un double degré de juridiction dans la
connaissance du recours pour excès de pouvoir par la création des
Tribunaux et Cours d'Appels administratifs.
Au nombre de ces pays, on pourra citer le Gabon dont les
lois n°7/94 du 16 septembre 1994 et n°10/94 du 17 septembre 1994
portant respectivement sur l'organisation de la justice en République du
Gabon et sur la Cour administrative.
Ces lois ont consacré l'éclatement de l'ancienne
Cour Suprême en quatre cours autonomes dont la Cour administrative
(équivalent du Conseil d'Etat). L'article 35 de la seconde loi fixe
les compétences de la Cour administrative en précisant à
son alinéa 2 qu' « Elle connaît en premier et
dernier ressort des recours dirigés contre les actes administratifs
unilatéraux, individuels ou réglementaires dont le champ
d'application s'étend au-delà du ressort d'une cour d'appel
statuant en matière administrative ».
Il en est de même pour le Maroc où, en 1957 le
Dahir n°1-57-223 du 27 septembre relatif à la Cour Suprême
attribuait la connaissance des actes administratifs à la seule
compétence de la Cour Suprême et d'ailleurs à ce
propos,
le Professeur A. BENABDALLAH écrit Ó
« C'est à elle seule que revenait cette compétence,
elle était compétente en premier et dernier
ressort »37(*). Avec la mise en place des Tribunaux et Cours
d'appels administratives par les Dahirs de 1994 et celui du 14 février
2006, « Ces juridictions sont devenues territorialement
compétentes pour connaitre, entre autres, des recours en annulation pour
excès de pouvoir. Leurs jugements sont susceptibles d'appel devant la
Cour suprême »38(*).
Revenons sur la chambre administrative de la Cour
Suprême du Congo pour souligner qu'outre cette compétence
exclusive qui lui est reconnue en matière d'excès de pouvoir,
elle dispose d'autres compétences contentieuses prévues par le
législateur.
2- La connaissance des autres recours en tant que juge
de cassation.
Notre étude se basant sur le juge de l'excès
de pouvoir, il serait inopportun de consacrer une partie à l'examen des
compétences de ce juge en matière de cassation. Aussi, l'examen
de cette rubrique ne pourra revêtir un intérêt que dans la
mesure où nous allons établir une distinction entre la chambre
administrative, juge de cassation (connaissant de la légalité des
décisions juridictionnelles) et juge de l'excès de pouvoir
(connaissant des décisions administratives).
Au plan jurisprudentiel, la question avait
été abordée tant par le Conseil d'Etat français
(C.E. Ass. 7 février 1947, D'Aillières)39(*) que par la
chambre administrative de la Cour Suprême du Congo (C.S Adm, 17
décembre 1976, Maurice BAZE)40(*).
Dans l'espèce D'Ailières, un ancien
sénateur et quatre anciens députés s'étant vus
frapper d'inéligibilité pour avoir voté en faveur du
Marechal Pétain au cours de la séance de l'Assemblée
nationale du 10 juillet 1940. Cette inéligibilité étant
étendue en 1945 et en 1946 il était permis aux parlementaires
visés par cette sanction de s'en faire relever par un jury d'honneur
spécialement institué à cet effet. Ce jury refusant de
relever l'inéligibilité du Sieur D'Ailières et autres, la
décision fut déférée au Conseil d'Etat.
Le problème qui se posait au Conseil d'Etat
était celui de savoir si la décision du jury d'honneur
était ou non juridictionnelle ? Par l'affirmative, le
contrôle du Conseil d'Etat n'était qu'un contrôle qu'il
exerce comme juge de cassation.
Par la négative -si elle n'était qu'une simple
décision administrative- le contrôle s'exerçant sur elle
était celui du juge de l'excès de pouvoir.
Dans sa solution, le juge administratif établit un
faisceau d'indices lui permettant de déceler la volonté du
législateur, il s'agit : « de la composition de
l'organisme, de l'indépendance de ses membres, du caractère de
la procédure, de la nature des litiges dont il est
saisi ».
Dans l'espèce M. BAZE, la chambre
administrative de la Cour Suprême a tranché une question
similaire. En effet, par requête du 27 décembre 1975, le sieur
M.BAZE intente tout à la fois un pourvoi en cassation et un recours en
annulation pour excès de pouvoir contre une décision de
l'Assemblée générale de la Cour d'Appel de Brazzaville.
« Il fonde ces actions respectivement sur l'article 2 de la loi
n°4-62 du 20 janvier 1962, qui concerne la compétence de la Cour
Suprême pour connaitre des recours en annulation pour excès de
pouvoir et sur l'article 3 de la même loi, qui donne compétence
à la Cour Suprême pour connaître des pourvois en cassation
contre les décisions juridictionnelles ». La question qui
se posait au juge administratif suprême était de savoir :
« si le cumul du pourvoi en cassation et du recours en annulation
pour excès de pouvoir contenus dans une même requête et
dirigés contre un même acte peut et dans quelle mesure saisir
utilement la Cour Suprême ? ».
Mieux que le Conseil d'Etat, la chambre administrative
précisant la nette distinction entre les deux recours, soulève
l'interdiction de les cumuler : « Attendu, après ces
précisions, qu'il convient de relever que la loi n°4-62 du 20
janvier 1962, dans ses articles 2 et 3, distingue nettement deux sortes de
recours en annulation, qui peuvent être présentés devant la
Cour Suprême : le pourvoir en cassation dirigé contre les
décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort, et le recours en
annulation pour excès de pouvoir, qui est le recours en annulation
dirigé contre les actes administratifs ; Que le principe de la
distinction des deux contentieux de la légalité, interdit
d'intenter autrement que séparément le procès portant sur
la légalité de ces actes ».
Dans sa législation postérieure à
cette jurisprudence, le législateur a veillé à
établir une distinction claire et précise dans les fonctions
contentieuses de la chambre administrative de la Cour Suprême. Tel est le
cas dans les articles 3 et 4 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999.
Ainsi, bien qu'il s'agit du même juge de la
légalité, il statu selon le cas en sa qualité de juge de
l'excès de pourvoir et de juge de cassation.
La connaissance du recours pour excès de pouvoir par
la seule chambre administrative de la Cour Suprême au Congo est une
compétence exclusive qui s'appuie sur des fondements anciens.
Paragraphe 2 : Les fondements de la compétence
exclusive dévolue au juge administratif suprême.
La connaissance du recours pour excès de pouvoir
par un juge placé au niveau le plus élevé dans la
hiérarchie de la justice administrative est avant tout l'oeuvre du
législateur qui malgré plusieurs réformes a
pérennisé cette compétence. La chambre administrative a
joué aussi un rôle sans précédent à travers
ses applications jurisprudentielles dans l'affirmation de cette
compétence (B).
Mais la solidité des fondements historiques de cette
compétence sont si évidentes que même cinquante ans
après l'indépendance, « l'ombre du Conseil d'Etat
français plane encore au-dessus »41(*) de la chambre administrative
de notre Cour Suprême (A).
A)- Les fondements historiques : la connaissance
exclusive du recours pour excès de pourvoir, un legs du Conseil d'Etat
français.
Avant 1960, le Congo est une colonie française.
Quelle est alors la juridiction compétente pour connaître du
contentieux de l'annulation pour excès de pouvoir ? Que se
passe t-il après son accession à l'indépendance ?
Pour répondre à ces questions, il conviendra
d'examiner le Conseil d'Etat comme juge de l'excès de pouvoir sous la
colonisation (1) et le transfert de cette compétence à la chambre
administrative après l'indépendance (2).
1- Le Conseil d'Etat, juge de l'excès de
pouvoir avant l'indépendance.
Au début du XVIème siècle,
François RABELAIS affirmait dans
Pantagruel : « On ne retient les pays nouvellement
conquis ni par la contrainte, ni par l'exploitation, mais en leur donnant des
lois et des édits, en propageant des religions, en rendant la
justice »42(*).
Appliquant strictement ce sage conseil, la France puissance
métropolitaine, ne pouvait confier le règlement juridictionnel
des litiges dans lesquels l'administration était en cause au seul
Conseil d'Etat. Il fut mis en place des juridictions locales pour mieux
appréhender les litiges coloniaux. C'est ainsi que sous la restauration,
les ordonnances royales de 1825 créèrent et organisèrent
les Conseils du contentieux administratifs. Les décrets du 05 août
et 07 septembre 1889 fixaient les compétences et les règles
applicable devant eux.
Le conseil du contentieux administratif de l'Afrique
Equatoriale Française (A.E.F) ayant son siège à
Brazzaville avait juridiction à l'égard de tous les territoires
regroupés dans l'A.E.F (Gabon, Moyen Congo, Oubangui-Chari et Tchad).
En sa qualité de juge ordinaire du contentieux
local, il ne statuait que sur le plein contentieux (ses décisions
étant susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat). En matière
du contentieux de l'annulation, il ne statuait que sur les actes des
autorités locales, le recours pour excès de pouvoir
étant de la compétence spéciale du Conseil d'Etat.
Cette compétence exclusive trouvait son assise dans
les lois révolutionnaires (loi des 16-24 août 1790 et 16 fructidor
an 3) qui interdisaient aux tribunaux judiciaires de
« connaître des actes d'administration, de quelque
espèce qu'ils soient » et l'article 9 de la loi du 27 mai
1872 qui dispose que : « Le conseil d'Etat statue
souverainement sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir
formées contre les actes des diverses autorités
administratives ».
De même, il résultait de
l'interprétation des ordonnances de 1825 et 1827 :
« que les recours en annulation, même s'ils sont
formés contre les actes des autorités coloniales, ne peuvent pas
être portés devant le conseil du contentieux, mais seulement
devant le conseil d'Etat, juge de l'excès de pouvoir de toutes les
autorités administratives »43(*).
Cette position fut affirmée par les conseils du
contentieux administratifs de l'A.E.F et de la Guyane dans une jurisprudence
constante. C'est ainsi que dans son arrêt du 16 février 1899 ce
dernier affirme : « si le conseil du contentieux est
chargé de juger d'une manière générale tout le
contentieux administratif, il est de doctrine que sa compétence se borne
uniquement au contentieux de pleine juridiction »44(*).
Dans une espèce du 8 avril 1959 le conseil du
contentieux de l'A.E.F s'exprimait en ces termes : « Attendu
que la décision du 1er juillet 1958 constitue un acte
administratif dont l'annulation échappe à la compétence du
conseil qui ne peut connaitre du recours pour excès de pouvoir, sauf
exceptions prévues par les lois »45(*).
Il en résulte de ce qui précède, que
malgré la mise en place des conseils du contentieux dans ses colonies,
la France avait attribué au Conseil d'Etat une compétence
exclusive dans la connaissance de la brûlante question du recours pour
excès de pouvoir. Cette organisation a été maintenue
jusqu'à l'accession du Congo à l'indépendance. Certains
auteurs ont même affirmé que le Conseil d'Etat est :
« le juge aîné de la chambre administrative de la
Cour suprême, juge de l'excès de pouvoir au
Congo »46(*).
2- Le transfert de compétence à
l'indépendance entre le Conseil d'Etat et la Chambre
Administrative.
En 1960, l'accession du Congo à
l'indépendance l'obligeait à remplacer les juridictions
«communautaires» par des instances nationales. C'est ainsi
que sa nouvelle constitution en confia l'organisation au législateur.
Dans cette entreprise d'édification d'un système juridictionnel,
le législateur fut confronté à des problèmes forts
complexes notamment, celui relatif à l'organisation d'une justice
administrative.
En ce sens, A.BOCKEL
soulignait : « la question de la justice administrative
était d'actualité dans les Etats d'Afrique noire francophone au
lendemain des indépendances (...) En réalité, ce
problème ne s'est posé avec acuité que lors de
l'indépendance vite acquise »47(*). Comment le législateur
allait-il résoudre ce problème ?
Dans la pratique et particulièrement en ce qui
concerne le recours pour excès de pouvoir ; deux
éléments poussaient à la réforme des solutions
issues de l'époque coloniale : d'abord la suppression de la
compétence exclusive du Conseil d'Etat, ensuite la recherche des
principes de simplification et d'unification.
Aussi, dans sa réforme, le législateur
congolais confia le contentieux administratif au juge judiciaire ordinaire sous
réserve de certaines affaires relevant de la compétence de la
chambre administrative de la Cour Suprême. Tel fut le cas du recours pour
excès de pouvoir dont la connaissance lui fut attribué de
façon exclusive.
Dans son cours du contentieux administratif, B.BOUMAKANI
affirme : « Cela est évidemment net quant au recours
pour excès de pouvoir. Les particularités techniques de ce
recours, directement reprises de la règlementation française
supposent certes un traitement particulier mais surtout, semble t-il, la prise
en considération de l'aspect «politique» de ce contentieux qui
met directement en cause la puissance publique dans l'expression de ses
privilèges les plus importants. C'est pourquoi, l'on a pris soin de
confier le jugement de ce recours à un juge de niveau
élevé et le plus souvent spécialisé
c'est-à-dire, la Chambre Administrative de la Cour
Suprême »48(*).
Ce fondement se rapporte essentiellement sur un legs
colonial. Ce dernier a été transposé dans le
système juridictionnel congolais lors de son accession à
l'indépendance.
Cependant, cette historicité qui est similaire
à celle des autres pays d'Afrique noire francophone ne constitue qu'un
précédent. Encore faut-il qu'il y ait un cadre légal qui
déterminerait l'étendue et les limites de la compétence
reconnue à ce juge de l'excès de pouvoir.
B)- Fondement légal et applications
jurisprudentielles.
Bénéficiant d'une compétence
exclusive dans l'exercice d'un contrôle de légalité des
actes administratifs à travers une attribution légale, le
juge de l'excès de pouvoir s'est évertué au cours de ces
décennies à construire une jurisprudence constante et abondante
dans ce domaine.
Cette consécration législative a
été maintenue voir pérennisée (1) et la
jurisprudence s'y rapportant n'a fait qu'entériner la volonté du
législateur (2).
1- Une consécration pérenne faite par
le législateur.
En cinquante ans, le législateur a mis en place un
véritable corpus juridicum ou un arsenal juridique qui fonde la
compétence de la chambre administrative de la Cour Suprême en
matière du recours pour excès de pouvoir. Ces textes ont dans le
temps attribué la compétence et défini les règles
des procédures y afférant.
Le premier texte légal remonte en 1962 (loi
n°4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la Cour
Suprême). En effet, son article 2 dispose : « La Cour
Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de
pouvoir formés contre les décisions émanant des
autorités administratives », plus loin, son article 49
alinéas 3 appuyait : « Elle connait en outre des
recours en annulation pour excès de pouvoir. ».
Le second texte est celui du 21 avril 1983 (loi
n°51-83 portant code de procédure civile, commerciale,
administrative et financière). Sans pour autant apporter des
modifications, cette réforme a surtout consacré une
procédure spécificique dans l'exercice du recours pour
excès de pouvoir. Son chapitre II (des articles 405 à 415)
étant intitulé : « Règles
spéciales concernant le recours en annulation ». C'est
cette procédure qui est restée en vigueur jusqu'à nos
jours.
Les réformes qui interviennent en 1992 et en 1999
ne feront que réconforter cette compétence exclusive. Dans son
article 3, la loi n°025-92 du 20 Aout 1992 portant organisation et
fonctionnement de la Cour Suprême dispose : « La Cour
Suprême se prononce sur les recours pour excès de pouvoir
formés contre les décisions émanant des diverses
autorités réglementaires. ». Cette disposition
sera reprise dans l'article 3 (nouveau) de la loi n°17-99 du 15 avril 1999
modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92
du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant
organisation et fonctionnement de la Cour Suprême.
En appui de ces dispositions, la chambre administrative
de la Cour Suprême n'a cessé de construire une jurisprudence en la
matière en faisant application de ces dispositions.
2- Les applications jurisprudentielles.
Depuis sa création par la loi de 1962, la Cour
Suprême et plus précisément, sa chambre administrative
s'est évertuée à travers sa jurisprudence à
appliquer les dispositions légales lui attribuant compétence en
matière d'excès de pouvoir.
Si dans certains arrêts, elle se bornait
simplement à mentionner ces dispositions, dans d'autres, elle allait
jusqu'à repréciser l'organisation des compétences entre
les formations administratives. Il en est ainsi dans l'arrêt
M'BARGHA au terme du quel, le juge affirme Ó
« Attendu que la Cour se trouve compétente par application
de l'article 2 de la loi du 20 janvier 1962 (...) pour connaître de la
demande du Sieur M'BARGAH tendant à l'annulation de la décision
contenue dans la lettre 621 du 17 octobre 1961 du Ministre de la Fonction
publique »49(*).
De même dans l'arrêt N'DIAYE50(*) où elle se
déclare incompétente pour apprécier une décision
n'émanant pas d'une autorité congolaise.
Dans l'arrêt KAYOULOUD elle
affirme : « que le Tribunal de Grande Instance de
Brazzaville, en annulant l'acte administratif constitué par le
précédent classement administratif a exercé une
compétence réservée à la seule Cour Suprême
statuant sur la légalité des actes
administratifs »51(*).
Cependant, cette union entre un législateur
omniprésent et un juge de l'excès de pouvoir timoré
suscite plusieurs interrogations : Les dispositions législatives
sur l'excès de pouvoir limitent- elles le pouvoir normatif de ce
juge ? Le réduisent t-il en un simple automate de sorte qu'il ne
devienne « qu'une simple bouche dont la mission essentielle ne
consisterait qu'à prononcer les paroles de la
loi » ?52(*)
PORTALIS, rédacteur du code civil devait
lui-même le reconnaître : « ce serait une erreur
de penser qu'il pût exister un corps de lois, qui eût d'avance
pourvu à tous les cas possibles (...) on voit bien qu'il n'est pas de
texte, fut-il en apparence le plus simple et le plus précis, qui
n'appelle une interprétation des juges chargés de son
application »53(*).
Sans nul doute que la chambre administrative n'avait-
elle pas saisi le message du législateur car, il est claire que celui-ci
en lui attribuant cette compétence, n'avait pas prévu tous les
cas de figures ni toutes les formes de réclamations pouvant faire
l'objet d'un recours. Il appartenait donc à la chambre administrative
d'élargir son champ d'action en adaptant cette compétence et en
l'appliquant à chaque espèce.
Il ne peut en être autrement car, le recours pour
excès de pouvoir n'est nullement une construction légale mais
plutôt prétorienne. Dans son pays d'origine, le Conseil d'Etat l'a
forgé à travers des applications jurisprudentielles
(Pariset, Dame Lamote, Lafage54(*)...).
Mais, quelques fois, il arrive que le juge de
l'excès de pouvoir prenne position en posant des principes contribuant
ainsi à l'édification du droit administratif au Congo. Parmi ces
rares cas, on peut relever :
L'arrêt OSSENI Raimatou (CS.adm. 10
février 2005, arrêt n°04/GCS-2005), dans cette espèce,
la chambre administrative de la Cour Suprême a retenu
« qu'un courrier ordinaire informatif ne constituant qu'un acte
unilatéral dépourvu de tout caractère décisoire ne
peut valoir décision administrative susceptible d'un recours en
annulation ».
De même, dans l'espèce LECKALY Jean
Michel et autres (CS.adm. 29 avril 2005, arrêt n°
09/GCS-2005), le juge de l'excès de pouvoir a retenu :
« qu'en présence de deux dispositions inconciliables d'une
même loi, le juge ne doit pas se borner à faire une application
servile du texte de l'une ou de l'autre des dispositions à l'origine de
la controverse, mais au contraire, doit rechercher quelle est celle des deux
dispositions qui prime sur l'autre ; que pour ce faire, il doit rechercher
l'esprit général du texte de loi et le but poursuivi par le
législateur ».
Après avoir cerné l'organisation, la
composition et les fondements de sa compétence, il paraît
nécessaire de s'interroger sur l'office de juge.
SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF
SUPREME EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR.
En conférant la connaissance du recours pour
excès de pouvoir à un juge spécifique, le
législateur congolais a, dans ce droit fil consacré une
procédure particulière applicable dans ce domaine (§1). De
même, dans l'exercice de ce contentieux, il a doté ce juge de
certains pouvoirs dont l'étendue connaît cependant des limites
qu'il conviendra de préciser (§2).
Paragraphe1 : Les règles procédurales
devant le juge de l'excès de pouvoir.
Le régime formel du recours pour excès de
pouvoir n'a pas été bouleversé depuis 1962. Sa
spécificité fonctionnelle est maintenue par la loi n° 51/83
du 21 avril 1983 qui a consacré à cet égard des
dispositions particulières en ses articles 405 à 415. L'ensemble
de ces articles qui constituent le chapitre II du titre XI du CPCCAF forment
les « Règles spéciales concernant le recours pour
excès de pouvoirs ». Dans l'examen de chaque recours, le
juge administratif suprême examine les règles de forme, ce sont
les conditions de recevabilités (A) et les règles de fond que
sont les moyens invoqués devant lui (B).
A)- Les conditions de recevabilité du
recours.
Lorsqu'on examine ensemble les articles 105 à 108
et 405 à 415 du CPCCAF, les conditions de recevabilité du recours
en annulation peuvent être regroupées en deux blocs : les
conditions relatives à la nature de l'acte et à la
qualité du requérant (1) et celles se rapportant aux
délais et aux formes dans lesquelles le recours doit être
introduit (2).
1-Les conditions relatives à la nature de
l'acte et à la qualité du requérant.
a-La nature de l'acte attaqué devant le juge de
l'excès de pouvoir.
Selon les termes de l'article 405 du CPCCAF :
« Le recours en annulation est recevable contre toute
décision réglementaire ou individuelle émanant d'une
autorité administrative ». Bien que le
législateur n'ait pas donné une définition des notions
de décision réglementaire et de décision
individuelle, nous pouvons au regard de l'article 403 les assimiler
à une notion plus générale d'acte administratif.
Cette absence de définition est même constatée dans la
jurisprudence de la chambre administrative par le Président A. ILOKI en
ces termes Ó « Dans sa jurisprudence relative au recours pour
excès de pouvoir, la Cour suprême ne se préoccupe
guère de définir le terme «décision»
utilisé à l'article 405 du CPCCAF »55(*).
Ainsi, pour être susceptible d'un recours en
annulation devant la chambre administrative, l'acte administratif en cause doit
présenter les caractères ci-après :
-Il doit émaner d'une autorité
administrative Ó Sur ce point, le juge administratif
suprême peut examiner le régime juridique de l'institution dont
émane l'acte pour en déterminer la nature publique ou
privée. Cependant, certains organismes quoiqu'étant de nature
privées peuvent voir leurs actes faire l'objet d'un recours pour
excès de pouvoir. Cette position a été adoptée
par le juge administratif suprême à propos des décisions du
Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats du Congo en ces termes : «
Attendu qu'ainsi, les décisions objet du recours, bien que
revêtant le caractère d'acte émanant d'un organisme
privé, sont en réalité, eu égard à la
volonté clairement exprimée par le législateur, des actes
administratifs individuels susceptibles de recours en
annulation ; »56(*). De même, l'acte doit émaner d'une
autorité nationale57(*).
-Il doit avoir un caractère décisoire et
doit faire grief Ó Sur ce point, la chambre administrative de la
Cour Suprême a opté pour une interprétation restrictive de
la notion d'acte décisoire faisant grief. C'est ainsi que dans
son arrêt n° 04/GCS-2005 du 10 février 2005, Osseni RAIMATOU
c/ Ordre national des avocats du Congo, elle a
considéré : « que la lettre du 3 novembre 1999
de monsieur le Bâtonnier National (...) n'est qu'un courrier ordinaire
informatif de la solution retenue par le conseil de l'ordre ; qu'une telle
lettre, qui n'est qu'un acte unilatéral dépourvu de tout
caractère décisoire, ne peut valoir décision
administrative susceptible d'un recours en annulation »58(*).
De même dans son arrêt n° 011/GCS-2007 du 12
juillet 2007, BOUKANGOUMA MONTELE Anatole c/ Ministre du commerce, la
Cour a considéré : « que le procès
verbal (...) n'est qu'un simple compte rendu écrit des travaux(...)
qu'il n'a qu'un rôle constatatif en ce sens qu'il retrace et restitue
fidèlement les étapes du déroulement des opérations
qu'il ne peut être pris comme un acte administratif décisoire
susceptible de recours en annulation ».
b-La qualité du requérant.
L'article 481 du CPCCAF dispose :
« Nul ne peut ester en justice s'il n'a qualité,
capacité et intérêt à le faire ». Le
législateur de 1983 n'ayant donné aucune précision
particulière sur ces points, le juge administratif suprême a fait
application de ces conditions dans sa jurisprudence.
En effet, s'agissant de la qualité, elle a
affirmé dans un arrêt n° 07/GCS-05 du 14 avril 2005,
Confédération africaine des travailleurs croyants :
« Mais attendu que la confédération africaine des
croyants, dite CATC, qui n'a pas justifié de son existence légale
par la production du récépissé prévu à
l'article 186 nouveau susvisé n'a pas qualité pour
agir ;d'où il suit que le recours en annulation est
irrecevable »59(*).
En ce qui concerne l'intérêt à agir la
Cour Suprême a commencé à examiner cette condition depuis
1974. C'est ainsi que dans l'espèce Sometima, elle
affirme : « Attendu que la Sometima, à laquelle la
décision attaquée fait grief en plaçant sous
séquestre l'ensemble de ses biens, a le plus grand intérêt
à l'annulation de ladite décision »60(*). Il en est de même des
espèces Baze ; Bouboutou M'bemba61(*) et autres.
2-Les conditions relatives aux délais et aux
formes dans lesquelles le recours doit être introduit.
a-Les délais de recours.
Le législateur a fixé les
délais de recours aux articles 407 à 410 du CPCCAF, ce recours
doit être intenté dans un délai de deux mois, il court pour
les décisions réglementaires à compté du jour de
leur publication et du jour de leur notification pour les décisions
individuelles (article 408). En cas de silence gardé pendant quatre mois
sur une réclamation par l'autorité administrative (ce silence
valant décision de rejet), le délai commence à courir
à l'expiration de cette période (article 409).
Toutefois, au terme de l'article 410, avant de se pouvoir
en annulation d'une décision administrative, les
intéressés peuvent présenter, dans le délai de
deux mois, un recours administratif hiérarchique ou gracieux tendant
à faire rapporter ladite décision. En réalité
cette formalité est obligatoire puisque l'article 397 du CPCCAF dispose
que Ó « Toute action ne peut être portée en
justice si elle n'a été précédée d'un
recours gracieux ou hiérarchique, ou d'une demande préalable
». Cependant, dans sa jurisprudence, la chambre administrative de la Cour
Suprême a tempéré cette obligation en donnant une
interprétation souple de l'article 410 du CPCCAF. C'est ainsi que dans
son arrêt n° 013/GSC-2000 du 15 septembre 2000, Niamakassi et
autres, elle affirme Ó « S'agissant du recours gracieux
qui n'a été engagé en l'espèce, qu'il suffit de
constater, pour ne pas retenir ce fait comme cause d'irrecevabilité, que
ledit recours gracieux n'a qu'un caractère facultatif ; que
l'article 410 du CPCCAF dispose en effet Ó avant de se pourvoir
en annulation les intéressés peuvent présenter un recours
administratif hiérarchique ».
Si le juge administratif est souple dans l'exigence d'un
recours préalable, sa jurisprudence est cependant rigide quant au
respect des délais de recours. En cas de non respect de ces
délais, le juge déclare le recours irrecevable pour forclusion,
c'est le cas dans l'espèce Filankembo Florent (arrêt n°
003/GCS-2000 du 10 février 2000), le juge déclare Ó
« Attendu que le recours en annulation examiné a
été formé le 13 avril 1994, tandis que le certificat de
travail délivré au requérant date du 15 janvier
1993 ; que cette date de la prise de connaissance effective de la
décision administrative attaquée à celle où le
recours en annulation a été engagé, le délai de
l'article 406 était depuis longtemps écoulé (...)
déclare irrecevable pour forclusion ».
Mais, lorsqu'une décision objet du recours n'a fait
l'objet d'aucune notification ou d'une publication, le délai de deux
mois prévu dans l'article 407 du CPCCAF est considéré
comme n'ayant pas encore commencé à courir (voire en ce sens les
arrêts Sometima62(*) et Baze63(*)).
b-Les formes dans lesquelles le recours doit
être introduit
De façon constante, la chambre administratif
déclare irrecevable le recours lorsque le requérant s'abstient de
recourir au ministère d'un avocat. Elle considère le recours au
ministère de l'avocat comme une obligation en se fondant sur les
dispositions de l'article 2 de la loi n°022-92 du 20 août 1992
portant organisation du pouvoir judiciaire qui est ainsi libellé
Ó « Ils peuvent agir et se défendre eux-mêmes
verbalement ou sur mémoire devant toutes les juridictions à
l'exception de la Cour Suprême ». Cependant, cette
disposition semble être en contradiction avec l'article 105 du
CPCCAF : « Sauf si la partie ne sait ni lire, ni
écrire le pourvoi est formé par requête écrite et
signée, déposée au Greffe de la Cour Suprême. Le
Ministère de l'Avocat n'est pas obligatoire devant la Cour Suprême
en toutes matières. ». Cette obligation de recourir au
ministère d'un avocat en matière d'excès de pouvoir
dénote un caractère particulier de ce contentieux.
Le juge examine aussi le recours quant à sa
conformité aux exigences posées par les articles 106 et 108 du
CPCCAF. Si en amont, l'article 106 fixe à peine d'irrecevabilité
les conditions auxquelles la requête doit se conformer ; en avale,
à son article 108, il prévoit à peine de
déchéance l'obligation pour le requérant de déposer
une consigne de dix mille francs au Greffe de la Cour Suprême. Dans son
arrêt n° 06/GCS-05 du 13 janvier 2005, Patrice NGOLALI, le juge
a déclaré le recours irrecevable pour non respect de l'article
106 du CPCCAF : « Attendu qu'en l'espèce, les
requêtes de recours en annulation et de surséance n'indiquent pas
l'adresse de l'ordre des avocats du Congo qu'il échet de les
déclarer irrecevables ».
Dans la connaissance des recours, le juge administratif
suprême, après avoir examiné la conformité du
recours aux règles de forme, procède par un examen au fond. Il
statue sur les moyens invoqués devant lui, ces moyens peuvent aussi
être appelés cas d'ouverture.
B)-Les moyens susceptibles d'être invoqués
devant le juge administratif suprême.
Les moyens susceptibles d'être
invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir peuvent être
définis comme : « les différentes
catégories de moyens pouvant être avancés à l'appui
d'une requête, et, corrélativement, les motifs sur lesquels peut
s'appuyer le juge pour y faire droit, c'est-à-dire pour prononcer
l'annulation de l'acte litigieux »64(*). Dans la pratique, la chambre
administrative de la Cour Suprême succédant au Conseil d'Etat
après l'indépendance a hérité de la gamme des cas
d'ouvertures, largement vulgarisés depuis plus d'un siècle par
ce dernier. Ainsi, selon le classement chronologique fait par le Conseil d'Etat
français, on distingue les illégalités externes (1)
et les illégalités internes (2).
1-Les illégalités externes :
incompétence et vice de forme.
a- L'incompétence.
Dans ce cas d'ouverture, l'auteur de la décision
attaquée n'est pas investi de la compétence nécessaire
à la prise de l'acte administratif. Il peut se présenter sous
plusieurs formes entrainant de nombreuses situations dont il est parfois
difficile de retenir comme moyen d'annulation. C'est ainsi que le Professeur
B.BOUMAKANI qualifie ce cas d'ouverture d'un «vice
rédhibitoire»65(*).
En effet, il peut s'agir d'une usurpation de pouvoir,
l'acte étant pris par une personne qui n'est pas une autorité
administrative. Cette hypothèse avait été envisagée
par le Conseil d'Etat dans une jurisprudence d'avant l'indépendance
(CE, section, 5 mars 1948, Sieur Marion et autres.).
Mais les hypothèses les plus fréquentes
concernent les empiétements de fonction, l'acte étant pris par
une personne qui, bien qu'étant une autorité administrative,
déborde de sa sphère de compétence.
Ces hypothèses peuvent entrainer trois situations
à savoir Ó
-Une incompétence se rapportant à l'objet ou
à la nature de l'acte dite Ó « ratione
materiae »66(*).
Dans cette situation, l'autorité administrative
en prenant l'acte empiète sur la sphère de compétence
dévolue à une autre autorité. La chambre administrative
de la Cour Suprême a statué sur une telle situation à
maintes reprises.
C'est ainsi que dans son arrêt n° 08/GCS-2006 du
11 mai 2006, NGANGUIA-ENGAMBE Anguios, elle a annulé l'acte
administratif n°00001/MEFB/DGDDI/CAB du 2 janvier 2004 par lequel, le
Directeur Général des douanes prononçait la suspension du
requérant alors qu'aux termes de l'article 16 de la loi n°01/82 du
7 janvier 1992 sur les règles disciplinaires applicables aux agents de
l'Etat cette sanction relevait de la compétence du Ministre des
Finances.
Dans le même sens, par arrêt n°009/GCS-2001 du
13 juillet 2001, LASCONI Jean Frédéric, elle a
annulé la note de service n°81-DGCRF du 3 août 2000 du
Directeur général du crédit et des relations
financières l'ayant relevé des fonctions alors que cette
compétence relevait du Ministre des Finances et du Budget.
-Une incompétence se rapportant au moment où
l'acte est pris dite Ó « ratione
temporis »67(*).
-Une incompétence se rapportant au ressort
territorial dans lequel l'acte s'applique dite Ó
« ratione loci »68(*).
Tous ces moyens, lorsqu'ils sont clairement
soulevés devant le juge administratif suprême, conduisent
à l'annulation de l'acte contesté. L'incompétence
étant un moyen d'ordre public, le juge peut la soulever
d'office69(*).
b- Le vice de forme.
Ce cas d'ouverture englobe les omissions,
les irrégularités de forme qui affectent l'acte dans son
élaboration ou qui portent atteinte à sa substance entrainant de
ce fait une illégalité que le requérant peut invoquer
devant le juge de l'excès de pouvoir.
Le juge administratif distingue cependant entre les
formalités substantielles et les formalités accessoires. Seule la
violation des premières entraîne l'annulation de l'acte, le
non-respect des secondes n'ayant pas de conséquence sur la valeur
juridique de celui-ci.
Les formalités substantielles se définissent
comme celles permettant le respect des droits des administrés ou celles
qui peuvent changer la nature d'une décision.
Dans nos recherches, nous n'avons pas trouvé des
arrêts rendus par la chambre administrative de la Cour Suprême en
matière d'annulation pour vice de forme.
Mais, à coté de ces moyens qui constituent
des illégalités externes, le juge de l'excès de pouvoir
peut aussi être saisi des moyens formant des illégalités
internes.
2-Les illégalités internes : le
détournement de pouvoir et la violation de la loi.
a-Le détournement de pouvoir.
Près d'un siècle avant l'indépendance
du Congo, le Conseil d'Etat, juge aîné de la chambre
administrative en matière d'excès de pouvoir, examinait ce cas
d'ouverture de façon détaillée. En effet, dans sa
jurisprudence Pariset (CE 26 novembre 1875), le Conseil
d'Etat rapproche le détournement de pouvoir de la théorie
civiliste de l'abus de droit et le défini comme :
« l'exercice d'un pouvoir pour un but autre que celui en vu
duquel il a été conféré par la
loi »70(*).
Le détournement de pouvoir revêt plusieurs
formes, c'est ainsi que nous pouvons avoir Ó
-L'hypothèse où, l'acte administratif est
« étranger à tout intérêt
public »71(*), l'autorité administrative usant de ses
pouvoirs dans un but autre que celui pour lesquels ils lui ont
été conférés comme par exemple, la satisfaction
d'un intérêt personnel ou d'un désir de vengeance. A ce
sujet, le Président A. ILOKI considère l'administration comme
Ó «le refuge de la vengeance dans lequel s'abriterait les
règlements de compte dont seraient auteurs les autorités
administratives qui disposent légalement du pouvoir de décider
unilatéralement »72(*).
Le détournement de pouvoir peut s'avérer
difficile à établir par celui qui l'invoque, lorsqu'il est
fondé sur des intentions inavouées, réelles ou
supposées de l'auteur de l'acte administratif contesté.
Le Conseil d'Etat a examiné plusieurs affaires de
cette nature. Comme par exemple, celle dans laquelle un maire avait interdit
le fonctionnement d'un dancing dans le but de protéger son propre bar
(CE, 14 mars 1937, D'Rault)73(*), ou cette autre dans laquelle, un autre maire avait
suspendu un garde champêtre parce qu'il ne s'entendait plus avec lui
(CE, 23 juillet 1909, Fabrègue)74(*).
Au Congo, la chambre administrative a examiné une
affaire allant dans le même sens. En effet, statuant sur la
requête du sieur N'ZONZA René tendant à l'annulation pour
excès de pouvoir d'un arrêté du 3 septembre 1965 par lequel
le Ministre de la Fonction publique l'a admis d'office à faire valoir
ses droits à une pension de retraite. Au soutient de son pourvoi, le
requérant allègue qu'il s'était endormi parce qu'il avait
avalé ce jour là quelques comprimés d'Equanil qui font
dormir profondément le malade et que la sanction de mise à la
retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs
retenus.
La cour a estimé dans l'un de ses considérant
Ó « qu'il est de règle qu'un fonctionnaire demeure
responsable de ses actes et commet une faute grave de nature à justifier
une sanction disciplinaire lorsque les actes ainsi accomplis sont d'une
gravité certaine et que l'agent n'a pu ignorer les circonstances
exceptionnelles de l'heure -en l'espèce l'état d'alerte
générale- qui ne pouvait tolérer un relâchement dans
la vigilance ; qu'il s'ensuit que ne peut être retenu le moyen
tiré par le requérant de ce que la sanction de mise à la
retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs
retenus ; qu'est donc justifiée la sanction disciplinaire prise
à l'encontre de N'ZONZA René »75(*).
-L'hypothèse où l'acte administratif est pris
dans un intérêt public, mais qui n'est pas celui pour lequel les
pouvoirs nécessaires pour prendre l'acte ont été
conférés à son auteur. Cela apparait par exemple lorsqu'un
maire limite les représentations cinématographiques dans sa
commune afin que les enfants préparent plus assidûment leurs
devoirs d'école (CE, ass. 14 mai 1954, Sieur De
Pischof)76(*).
b-La violation de la loi.
La violation de la loi, qui regroupe les situations
d'illégalité correspondant en particulier à l'erreur de
droit et à l'erreur de fait, constitue le cas le plus fréquemment
rencontré dans la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour
Suprême.
L'erreur de droit apparaît lorsque l'autorité
administrative se fonde sur un texte qui n'est pas applicable à la
situation en cause ou qu'elle interprète de manière
erronée.
Tel était le cas dans l'affaire ayant opposé
le sieur LOKO BALOSSA Elie Joseph à l'Ordre national des Avocats du
Congo. En effet, dans son arrêt n°06/GCS-2008 du 10 avril 2008,
la chambre administrative a annulé la décision n° 138 du 27
septembre 2003 portant refus d'inscription au tableau de l'ordre national des
Avocats du Congo aux motifs qu'elle était prise en violation des
articles 32 alinéa 2 et 55 alinéa 2 de la loi n° 26/92 du 20
août 1992 portant organisation de la profession d'avocat.
En l'espèce, le requérant étant
maître assistant de droit privé à l'Université
Marien NGOUABI avait été à sa demande inscrit au tableau
de l'ordre national des avocats du Congo. En 1994, il prête serment
d'avocat. Suite à une omission, il a sollicité sa
réinscription au tableau de l'ordre mais celle-ci lui sera
refusée en raison de son lien de subordination juridique avec
l'Université. Le juge administratif a considéré que ladite
décision était prise en violation des articles 32 alinéa 2
et 55 alinéa 2 de la loi 26/92 du 20 août 1992 portant
organisation de la profession d'avocat qui permettait au requérant de
cumuler l'enseignement ou la recherche et la profession d'avocat.
L'erreur de fait apparait quand l'autorité
administrative se trompe dans l'analyse des faits de la cause.
Dans cette hypothèse, on peut se
référer à l'arrêt DIAMBANGOUAYA Rémy
(CS. Adm. 18 juin 1976). Dans cette espèce, il apparait clairement
que l'autorité administrative a par son arrêté n°
1179 du 13 mars 1973 fait une mauvaise interprétation de la
durée de la période de stage professionnel. En effet, les
sieurs DIAMBANGOUAYA Rémy et MOUYEKE Jean ayant subi un stage de
formation professionnelle à l'école de l'aéronautique de
Tunis et obtenu leur diplôme de fin de stage, ils ont été
intégrés, de retour au Congo comme tous les camarades issus
d'autres écoles étrangères, dans les cadres de la
catégorie B II. Cependant, en application d'un décret 72/272 du 5
août 1972 modifiant la hiérarchie des cadres catégories A
et B, ils ont été par arrêté n° 1179 du 13 mars
1973, reclassés en catégorie B I et nommés adjoints
techniques principaux de l'aviation civile alors que leurs camarades issus des
écoles autres que celle de Tunis étaient quant à eux,
reclassés en catégorie A II et nommé techniciens
d'aviation civile. L'autorité administrative fondait cette
discrimination sur le seul critère de la prétendue notion de
durée de période professionnel de stage.
Au regard de tout ce qui précède, on peut
affirmer que, lorsque la violation de la loi, le détournement de
pouvoir, le vice de forme ou l'incompétence sont avérés,
la chambre administrative, annule l'acte administratif illégal. Mais,
elle ne peut aller au-delà de cette sanction car ses pouvoirs sont
limités.
Paragraphe2 : L'étendue et les limites des
pouvoirs du juge administratif suprême en matière d'excès
de pouvoir.
Max Stirner affirmait : « Une
administration trop puissante ne poursuit qu'un but : borner, limiter,
enchainer, assujettir l'individu, le subordonner à une quelconque
généralité »77(*). Au Congo comme dans tout
autre pays d'Afrique noire, l'administration est souvent perçue comme
une construction extérieure et ses représentants comme des
éléments imposés auxquels il faut accepter de se
soumettre.
Dans cette « vision pathologique et
arbitraire »78(*) de l'administration, le législateur a d'une
part conféré au juge administratif suprême des pouvoirs (A)
et d'autre part, il a fixé des limites à ces pouvoirs (B).
A)- L'étendue des pouvoirs du juge de
l'excès de pouvoir.
Le caractère exécutoire des
actes administratifs constitue « une règle fondamentale de
droit public »79(*). Dans de nombreux pays, cette règle a
favorisé l'émergence du dogme de l'infaillibilité des
autorités administratives dans la prise de leurs actes.
Pour protéger les droits des citoyens contre les actes illégaux
et leur permettre de demander l'adoption des mesures temporaires dans l'attente
d'une décision au fond, la loi a doté le juge d'un pouvoir
d'annuler les actes administratifs avec effet erga omnes (article 412 et 414 du
CPCCAF) et celui de faire surseoir l'acte querellé avant le
prononcé de la décision au fond (articles 411 du CPCCAF).
1-Le pouvoir d'ordonner un sursis à
exécution.
Au Congo, dans son ancienne loi (article 89 de la loi du
20 janvier 1962), le législateur avait prévu le sursis
à exécution. Il reprend cette disposition
dans la loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de
procédure civile, commerciale, administrative et financière en
son article 411 : « Sur demande expresse du
requérant, la Cour Suprême peut, exceptionnellement, ordonner le
sursis à exécution de la décision attaquée si les
moyens invoqués paraissent sérieux et si le préjudice
encouru par le requérant est irréparable. ».
L'analyse de cet article révèle deux
conditions quant à la recevabilité d'une demande de sursis
à exécution Ó
Ø S'agissant de la première
condition : (si les moyens invoqués paraissent
sérieux)80(*).
Celle-ci peut soulever un problème délicat dans la mesure
où, le juge de l'excès de pouvoir examinant le
caractère sérieux des moyens invoqués peut
être tenté de se prononcer en avance sur le fond du litige.
Ø S'agissant de la seconde condition :
« si le préjudice encouru par le requérant est
irréparable »81(*). Cette condition laisse une grande place à
l'intime conviction du juge de l'excès de pouvoir. Son
appréciation subjective entraine une inconstance de sa jurisprudence
puisqu'il procède par une étude au cas par cas.
En réalité, ces deux conditions ne sont que
la transposition d'une jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat
(C.E. 12 novembre 1938, Chambre syndicale des constructeurs de moteurs
d'avion) qui affirmait que le sursis ne peut être ordonné
que : « si l'exécution de la décision
attaquée risque d'entrainer des conséquences difficilement
réparables et si les moyens énoncés dans la requête
paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature
à justifier l'annulation de la décision
attaquée ».
C'est ainsi que dans la connaissance du sursis à
exécution, la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour
Suprême peut faire l'objet de plusieurs observations tant sur le fond que
sur la forme Ó
Sur le fond, le juge astreint le demandeur du sursis
à exécution de démontrer par son argumentation le
caractère sérieux ou irréparable du préjudice
causé. Cette démonstration constitue la preuve susceptible
d'emporter l'intime conviction du juge.
En ce sens, il affirme dans l'espèce BAZE
Maurice82(*) Ó
« Qu'ainsi, le requérant ne démontrant ni le
caractère évidemment sérieux de son argumentation sur
l'irrégularité juridique de la décision
réglementaire contestée, ni de l'existence du préjudice
que lui a causé cette décision ni a fortiori son caractère
irréparable, il convient de rejeter la demande de sursis à
exécution ».
De même, dans l'espèce Koffi AMEGA83(*), le juge a affirmé
que : « Mais attendu que les moyens exposés par M.
Louis Koffi AMEGA ne répondent pas aux stipulations de l'article 89 de
la loi du 20 janvier 1962, en ce qu'il ne rapporte pas la preuve du
caractère irréparable du préjudice
allégué ».
Sur la forme, la demande de sursis à
exécution doit être présentée sous forme d'une
requête introduite à titre accessoire et séparée de
la requête principale, le législateur établit ainsi une
similitude entre l'article 411 du CPCCAF sur le sursis en matière
administrative et l'article 113 du CPCCAF en matière civile et
commerciale.
Pour s'en convaincre, la juge administratif l'a
affirmé dans sa jurisprudence. En effet, dans son arrêt n°
014/GCS-2002 du 13 septembre 2002 GANGA, née NZAMA-MBAYA
Jacqueline et autre, il pose Ó «Attendu qu'accessoirement
au recours en annulation, les requérants ont introduit une requête
aux fins de sursis à exécution de la note de service
querellée en application de l'article 411 du CPCCAF ».
De même dans l'arrêt LASCONY Jean
Frédéric84(*), elle pose : « Attendu que le
recours en annulation et la requête aux fins de sursis à
exécution ont été notifiés à la partie
adverse ; que cette dernière a déposé son
mémoire en réponse (...) qu'en définitive, le recours en
annulation est recevable en la forme ; qu'il en est de même de la
requête en surséance son accessoire ».
Apparemment, la chambre administrative de la Cour
Suprême s'inscrit dans la même optique que celle adoptée par
le Conseil d'Etat qui affirmait dans son arrêt de 1976 (CE, ass. 13
février 1976, Assoc. De sauvegarde du quartier Notre-Dame à
Versailles) : « même lorsque les conditions sont
remplies, il appartient au juge administratif d'apprécier dans chacun
des cas qui lui sont soumis s'il y a lieu d'ordonner le sursis à
l'exécution de la décision attaquée ».
Il ne peut en être autrement car, au regard de
l'article 411 du CPCCAF, la décision d'ordonner un sursis à
exécution relève du pouvoir discrétionnaire que la loi
attribue au juge. Il ne suffit donc pas pour le requérant d'apporter la
preuve du caractère sérieux ou de la crainte d'un
préjudice irréparable mais, encore faut-il que cette preuve
emporte la conviction du juge.
A titre principal, le juge de l'excès de pouvoir est
compétent pour annuler l'acte administratif. Il tient du
législateur un pourvoir d'annulation totale ou partielle.
2-Le pouvoir d'annulation avec effet erga
omnes.
L'article 412 du CPCCAF qui dispose
que : « Si elle estime que le recours est fondé, la
Cour Suprême annule l'acte attaqué, pour la totalité ou
pour partie », pose une règle suivant laquelle Ó
Le juge administratif suprême tient de la loi un
pouvoir d'annuler la décision réglementaire ou individuelle de
toute autorité administrative. Il peut donc arrêter
l'administration dans son action. Cette annulation peut être totale
(l'acte cesse alors d'exister dans l'ordonnancement juridique) ou partielle
(certains effets de l'acte disparaissent dans l'ordonnancement juridique).
De plus, l'annulation est ordonnée erga omnes,
c'est-à-dire qu'elle produit ses effets à l'égard de tous
(article 414), l'acte est donc considéré comme n'ayant jamais
existé.
Mais comment le juge apprécie t-il le
caractère bien ou mal fondé du recours ? Autrement dit, sur
quelles bases s'appuie t-il pour apprécier la légalité
d'un acte administratif soumis à son examen ?
Il peut exercer un contrôle classique en se fondant
sur l'un des quatre cas d'ouvertures invoqués par le demandeur en
annulation, dans ce cas, il procède par la vérification des
moyens invoqués.
Mais aujourd'hui, il est établi que le juge peut
exercer un contrôle sur les motifs de l'acte attaqué, ce
contrôle s'exerce sur les éléments de droit ou de faits
antérieurs à l'acte, qui ont conduit l'administration à
agir.
En ce sens, A. De LAUBADERE écrit :
« alors que les illégalités concernant les autres
cas d'ouvertures du recours doivent entraîner l'annulation de l'acte
attaqué de façon automatique, l'illégalité relative
aux motifs n'entraine pas nécessairement un tel
résultat »85(*).
En effet, en cas de pluralité de motifs, le juge
distingue entre motifs déterminants et motifs surabondants. Les motifs
illégaux n'entrainent l'annulation que s'ils sont déterminants.
Mais la recherche du motif déterminant conduit le juge à se
demander si l'autorité administrative aurait pris la même
décision en se fondant uniquement sur les motifs légitimes.
A ce titre, la chambre administrative de la Cour
Suprême s'est inscrite sur la droite ligne du Conseil d'Etat qui
dès 1914 avait étendu les pouvoirs du juge administratif dans
l'exercice du contrôle des actes de l'administration. Dans les
arrêts Gomel (CE 4 avril 1914) et Camino
(CE 14 janvier 1916), le juge pose : « Le
contrôle de la qualification juridique des faits porte sur la question
de savoir si les faits, tels qu'ils existent, présentent les
caractéristiques permettant de prendre la décision, s'ils sont de
nature à justifier celle-ci »86(*).
Faisant bon emprunt de ces jurisprudences, la chambre
administrative de la Cour Suprême les a appliquées dans plusieurs
domaines.
Ainsi, dans le domaine de la répression
administrative, la chambre administrative suivant en cela le Conseil d'Etat
a reconnu que les faits évoqués par l'administration à
l'appui de sa décision de révocation de Monsieur NZONZA
René avaient une existence matérielle. En effet, NZONZA
René sous-brigadier de police était mis à la retraite
d'office avec droit à pension aux motifs « qu'il a
été trouvé endormi en période d'alerte
générale et que n'ayant pas assuré comme il se devait son
service, il s'est en outre permis d'apostropher son gradé à
haute voix, allant même jusqu'à le menacer de coups».
Dans cette affaire, la Cour a statué en ces termes Ó «
Considérant qu'il est de règle qu'un fonctionnaire demeure
responsable de ses actes et commet une faute grave de nature à justifier
une sanction disciplinaire lorsque les actes ainsi accomplis sont d'une
gravité certaine et que l'agent ignore les circonstances exceptionnelles
de l'heure -en l'espèce l'état d'alerte générale-
qui ne pouvait tolérer un relâchement dans la vigilance ;
qu'il s'ensuit que ne peut être retenu le moyen tiré par le
requérant de ce que la sanction de mise à la retraite d'office
est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus ;
qu'est donc justifiée la sanction disciplinaire prise à
l'encontre de NZONZA René »87(*).
Mais, si le juge administratif ne cesse par sa
jurisprudence de perfectionner ses techniques de contrôle de la
légalité, il va sans dire que le législateur a
fixé des limites aux pouvoirs reconnus au juge.
B)- Les limites aux pouvoirs du juge de l'excès
de pouvoir.
Le législateur a limité les pouvoirs du juge
qui ne peut ni faire des injonctions ni reformer un acte administratif (1).
De même, il est établi que celui-ci ne peut
étendre son contrôle sur les actes de gouvernement et sur ceux
relevant du pouvoir discrétionnaire de l'administration (2).
1-L'absence d'un pouvoir d'injonction et de
réformation.
Déjà dans la doctrine, Maurice Hauriou
affirmait : « Attention, le pouvoir du juge ne saurait aller
jusque là ! De manière générale, vous le
savez, il ne lui est pas permis d'imposer à l'administration une
obligation de faire,ni,a plus forte raison de substituer sa décision
à celle qu'il a censurée (...) Dans le contentieux de
l'excès de pouvoir ,il lui est interdit d'aller au-delà de la
pure et simple annulation de l'acte (...) Où irions-nous si le juge
administratif tirait de l'annulation les conséquences
nécessaires, dictait à l'administration la conduite à
tenir pour rétablir le droit, ou osait substituer lui-même,
à la décision annulée, une décision juridiquement
correcte ? »88(*).
Au Congo, la loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 dans ses
dispositions relatives au recours pour excès de pouvoir (articles 88
à 92) ne prévoyait pas les limites des pouvoirs du juge en la
matière. Ce vide juridique a été pallié par le
législateur de 1983 (loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de
procédure civile, commerciale, administrative et financière). En
effet, il dispose à son article 413 à propos de la Cour
Suprême : « Elle ne peut en aucun cas le modifier ou
le remplacer -l'acte attaqué - ». C'est donc une
interdiction formelle faite au juge de l'excès de pouvoir de modifier ou
remplacer l'acte administratif, son pouvoir ne s'arrêtant qu'à
l'annulation.
C'est ainsi que dans sa jurisprudence, le juge
administratif suprême a rappelé ces limites. Il affirme dans
l'espèce KAYOULOUD que : « Attendu que le
Procureur Général soutient que le principe de la
séparation des autorités administratives et judiciaires interdit
au juge d'accomplir un acte administratif, même sous la forme de la
substitution d'un autre acte à un acte administratif annulé
à la suite d'un recours pour excès de pouvoir et lui interdit
également de faire des injonctions à
l'administration »89(*).
S'il est vrai que le Congo en optant pour une
unicité d'ordre de juridiction avait
« répudié le principe de la séparation des
autorités administratives et judiciaires pris sous la forme du principe
de la séparation des juridictions administratives et
judiciaires »90(*), il n'en demeure pas moins vrai que la
séparation entre l'exécutif (administration qui prend les
décisions) et le judiciaire (le juge qui les annule) est un principe
constitutionnel que le Congo à maintenu.
Mais, les pouvoirs de ce juge peuvent aussi se heurter aux
actes de gouvernement qui sont insusceptibles de recours et aux pouvoir
discrétionnaire de l'administration.
2-Les actes de gouvernement et le pouvoir
discrétionnaire de l'administration : deux cas limitant les
pouvoirs du juge.
Nonobstant le volontarisme avéré de
l'administration de se soumettre au droit, une partie, bien que limitée
de l'action administrative, doit rester étrangère au droit et
donc échapper au juge, particulièrement dans les domaines du
pouvoir discrétionnaire, des circonstances exceptionnelles (b) et des
actes de gouvernement (a). Le recours pour excès de pouvoir ne saurait
donc les concerner.
a-Les actes de gouvernement.
Il faut certainement remonter depuis la colonisation pour
justifier une prise en compte de la théorie des actes de gouvernement
comme limite des pouvoirs du juge administratif. En effet, dans son arrêt
du 19 février 1875, Prince Napoléon, le Conseil d'Etat
juge de l'excès de pouvoir affirmait : « Il est, en
effet, de principe, d'après la jurisprudence du Conseil, que, de
même que les actes législatifs, les actes de gouvernement ne
peuvent donner lieu à aucun recours contentieux, alors même qu'ils
statuent sur des droits individuels »91(*).
Au fil des années, le Conseil d'Etat s'est
évertué à limiter le domaine des actes de gouvernement,
mais, il ne l'a pas supprimé complètement. Il s'est donc
borné à « en éliminer le critère
ancien, excessivement large, tiré du mobile
politique »92(*).
Cependant, ce critère n'a pas été
remplacé de telle sorte que les actes de gouvernement ne peuvent faire
aujourd'hui l'objet d'une définition générale et
théorique, mais seulement d'une liste établie d'après la
jurisprudence.
C'est là tout le problème en droit
congolais, car ni le législateur et encore moins le juge administratif
suprême n'a établi une liste des actes de gouvernement. On se pose
alors la question de savoir si les actes accomplis par le Chef de l'Etat
dans le cadre de ses pouvoirs découlant de la constitution du 20
janvier 2002 tels que Ó
-Le droit de grâce (article 80 de la
constitution) ;
-Les décisions prises dans des circonstances
exceptionnelles (article 84) ;
-Les décisions prises dans des circonstances
d'état d'urgence (article 131) ;
Ces actes, font-ils partie des actes de gouvernement
?
A défaut d'une réponse du législateur
ou du juge (par sa jurisprudence), vaut-il mieux se référer
à l'énumération établie par la jurisprudence
française ? Dans ce cas, seront considérés comme actes
de gouvernement insusceptibles de recours pour excès de pouvoir
Ó
-Les actes concernant les rapports de l'exécutif
avec le parlement ;
-Les actes se rattachant directement aux relations (entre
le Congo et) les puissances étrangères ou les organismes
internationaux.
En ce qui concerne les pouvoirs exceptionnels du
Président de la République prévus à l'article 84,
la Chambre administrative devrait s'arrimer à la jurisprudence
établie par le Conseil d'Etat en 1962 (CE.ass. 2 mars 1962, Rubin
Servens)93(*).
En effet, le Conseil d'Etat a établi à cet
égard une distinction capitale entre d'une part, la décision
initiale de recourir à l'article 16 (Constitution française du 4
octobre 1958), d'autre part, les décisions prises en vertu de cet
article au cours de sa période d'application.
Si la première présente le
« caractère d'un acte de gouvernement, dont il ne lui
appartient ni d'apprécier la légalité, ni de
contrôler la durée d'application »94(*), les secondes, qui sont
prises en vertu des pouvoirs propres du Président de la
République ne sont pas nécessairement qualifiables d'actes de
gouvernement et le Conseil d'Etat sera donc compétent pour en
apprécier la légalité.
b-Le pouvoir discrétionnaire de
l'administration.
Parlant de l'intervention du juge de
l'excès de pouvoir dans les rapports entre l'administration et
l'administré, Alexis GABOU affirmait que ce juge :
« facilite et rend régulière leurs relations en
mettant en oeuvre le principe de la
légalité »95(*).
Cependant, il est une zone de l'action administrative qui
semblerait échapper à la légalité : le pouvoir
discrétionnaire de l'administration.
Selon la définition classique de Mickoud,
« Il y a pouvoir discrétionnaire toutes les fois qu'une
autorité agit librement sans que la conduite à tenir lui soit
dictée à l'avance par une règle de
droit »96(*). Le Conseil d'Etat a donné une
définition plus pratique en ces termes Ó « C'est le
pouvoir reconnu à l'administration d'apprécier sans
contrôle du juge l'adéquation du fait à la règle de
droit »97(*). Il ressort de ces définitions que le pouvoir
discrétionnaire constitue le domaine réservé de
l'administration qui échappe au contrôle du juge car, il ne
relèverait plus du domaine de la légalité mais de celui
de l'opportunité.
Au Congo, cette anomalie juridique
a été renforcée par le principe de
l'élasticité du domaine règlementaire posé à
l'article 113 de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose :
« Les matières, autres que celles qui sont du domaine de
la loi, sont du domaine du règlement ». En effet, alors
qu'il énumère précisément les matières
relevant du domaine de la loi à son article 111, le constituant reste
très vague et imprécis sur celles du domaine règlementaire
qui devient un fourre-tout. Cette imprécision a pour conséquence,
l'élargissement du pouvoir discrétionnaire et le
rétrécissement du contrôle juridictionnel puisque le juge
ne peut exercer son contrôle que dans un cadre défini. Il est vrai
qu'une administration enchaînée par la loi, sans aucune marge
de liberté dans l'appréciation des faits et dans la prise des
décisions, entrainerait une sorte de
robotisation de l'action administrative car pour reprendre les
mots de Romieu, « quand la maison brûle, on ne va pas
demander au juge l'autorisation d'y envoyer les
pompiers »98(*).
Mais liberté ne signifie pas libertinage de
l'administration. Il appartient donc au juge de l'excès de pouvoir
d'annuler les actes des autorités administratives en cas
d'illégalité.
CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR
DEROGATION A LA LOI.
Au Congo, l'interventionnisme accru de l'Etat (sans nul
doute avatar de l'Etat-providence) se caractérise par une
omniprésence de l'administration dans tous les secteurs de la vie
sociale. Cette situation n'est pas atypique à réalité
congolaise, dans le cas de la France, A. De TOCQUEVILLE remarquait
déjà en son temps : « De quelque
côté qu'il se tourne, l'administré rencontre presque
toujours l'Administration, la puissante machine administrative avec ses
importantes prérogatives. Dès lors, le risque de l'arbitraire
est bien grand. Ce n'est même pas un risque, c'est une
réalité, sauf que l'arbitraire administratif est plus
caché et vécu de façon plus
individuelle »99(*).
Puisque le Congo vise à s'arrimer aux exigences
d'un Etat de droit, alors le domaine de protection des droits et
libertés des citoyens a été élargi et pour cela,
l'action administrative doit être encadrée par la
règle de droit. C'est ainsi que, le bloc de légalité a
été renforcé par un bloc de constitutionnalité.
Au-delà de cet aspect, on dénote des mutations
considérables du droit de l'administration sous l'effet des normes
communautaires, on parle ainsi du « bloc de la légalité
communautaire »100(*).
Aussi, dans cette quête vers l'édification
d'un Etat de droit, deux juges interviennent de façon exceptionnelle
dans la protection des administrés face à l'arbitraire
administratif. Il s'agit du juge constitutionnel d'une part (Section1) et du
juge communautaire d'autre part (Section2). Ce sont des juges de l'excès
de pouvoir par dérogation au principe posé par la loi.
SECTION IÓ LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE
EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR.
Depuis le retour du multipartisme au Congo (issu de la
conférence nationale de 1991), la justice constitutionnelle a pris un
nouveau sens avec la volonté affirmée des constituants de faire
respecter les droits fondamentaux. Aussi, le juge constitutionnel s'est vu
attribuer de nouvelles fonctions administratives contentieuses.
Désormais, il est appelé à intervenir dans des domaines
où les décisions administratives sont en cause.
Cette consécration, si elle est clairement
exprimée par les textes en ce qui concerne l'annulation des actes se
rapportant aux élections -à titre exceptionnel- (§2), elle
n'est quasiment pas affirmée pour l'annulation des actes administratifs
contraires à la constitution et sur ce domaine il faut se
référer au modèle gabonais et béninois
(§1).
Paragraphe1 : Le juge constitutionnel et l'annulation
des actes non conformes à la constitution : le contrôle de la
constitutionnalité des actes administratifs.
A l'image des grandes démocraties occidentales
déjà accoutumées à la culture constitutionnelle, le
juge constitutionnel dans les Etats d'Afrique noire francophone est parvenu
à occuper une place centrale et à jouer un rôle d'acteur
à part entière au sein des institutions de la République.
Il est donc passé d'un simple « canon braqué sur le
parlement »101(*) à celui d'un garant de l'Etat de droit et
d'un gardien des libertés fondamentales. C'est en ce sens que les
constituants gabonais et béninois de la fin des années 1990 ont
attribué compétence au juge constitutionnel dans l'annulation
des actes administratifs, lorsqu'ils portent directement atteinte à la
constitution et qu'aucune loi ne s'interpose entre les deux (A).
Au Congo cependant, bien que la constitution du 15 mars
1992 reconnaissait cette compétence au Conseil Constitutionnel dans
son préambule, celle du 20 janvier 2002 a quant à elle
optée pour un rôle indirecte de ce juge en instituant un recours
en inconstitutionnalité (B).
A)- Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs au Gabon et au Benin.
La justice constitutionnelle au Gabon
tout comme au Benin a dépassé le simple rôle de juge de la
conformité de la loi à la constitution qui lui était
attribuée auparavant pour se mêler
désormais des droits et libertés fondamentaux.
Le professeur Francis DELPEREE a su expliquer ce nouveau
phénomène de protection des droits des citoyens contre
l'arbitraire administratif par le juge constitutionnel en ces termes :
« C'est le contentieux de l'excès de pouvoir, bien connu
des habitués du contentieux administratif, qui se trouve
transposé dans le domaine constitutionnel. C'est, pour reprendre une
expression connue, le procès fait à un acte : C'est cet acte
qui est au coeur du débat constitutionnel. C'est lui qui risque de
disparaître de l'ordre juridique si les prétentions
d'inconstitutionnalité se trouvent vérifiées. Il ne s'agit
pas pour le juge constitutionnel de reconnaître que le requérant
est titulaire d'un droit à l'encontre de l'administration mais de
décider du sort de la décision contre laquelle le recours est
dirigé »102(*).
Pour mieux cerner cette transposition dans les
systèmes gabonais et béninois, il conviendra d'en examiner les
fondements (1) et les applications jurisprudentielles (2).
1-Les fondements de ce contentieux en Droit gabonais
et béninois.
Grâce aux dispositions des textes constitutionnels
du 26 mars 1991 au Gabon et du 11 décembre 1990 au Benin, le juge
constitutionnel devient le gardien des valeurs fondamentales proclamées
par le peuple souverain dans la constitution.
Il est donc révolu le temps où le
contrôle de constitutionnalité des actes administratifs ne
pouvait être exercé au Gabon et au Benin que par les seuls juges
ordinaires (judiciaires et administratifs), le juge constitutionnel
étant désormais également compétent dans la
protection des droits fondamentaux contre les atteintes émanant des
actes de l'administration. En cela, les constituants béninois et
gabonais se sont fortement inspirés de leurs homologues allemand et
autrichien.
Cette dévolution de compétence
résulte, pour le cas du Gabon des articles 84 et 85 de la constitution
du 26 mars 1991 qui disposent :
-Article 84 Ó « La Cour
constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des
actes réglementaires censés porter atteinte aux droits
fondamentaux de la personne humaine et aux libertés
publiques » ;
- Article 85 : « (...) peuvent
être déférés à la Cour constitutionnelle
(...) par tout citoyen ou toute personne lésée par l'acte
attaqué ».
La constitution béninoise est allée plus
loin que celle du Gabon. Aux termes de son article 3 alinéa 3, elle
dispose : « toute loi, tout texte réglementaire et
tout acte administratif contraire à ces dispositions sont nuls et non
avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la
Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés
inconstitutionnels ». Cet article doit être combiné
avec l'article 117 alinéa 3 qui précise que la Cour
constitutionnelle statue obligatoirement sur « la
constitutionnalité des actes réglementaires censés porter
atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés
publiques et en général, sur les droits de la personne
humaine » et l'alinéa 2 de l'article 121 qui
prévoit : « qu' elle se prononce d'office sur la
constitutionnalité de tout texte réglementaire censé
porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux
libertés publiques. Elle statue plus généralement sur les
violations des droits de la personne humaine ».
Le juge constitutionnel est donc appelé à
jouer un rôle de plus en plus important dans le contrôle
juridictionnel de l'administration. Il est même dans certaines situations
considéré comme un juge administratif
spécial.
2-Les applications jurisprudentielles.
Les juges constitutionnels béninois et gabonais
à la suite de plusieurs recours dont-ils ont été
saisi, ont fait application des dispositions constitutionnelles
rapportées au paragraphe précédent et
édifié une jurisprudence abondante.
Au Benin, dans une décision relative à la
liberté d'association, la Cour constitutionnelle a estimé que
les conditions et les modalités d'exercice de cette liberté,
décidées par arrêté du ministre de
l'intérieur, devraient se conformer aux prescriptions de la
constitution. Elle a, dès lors, déclaré contraire
à la constitution cet arrêté édictant, par
rapport à la loi en vigueur des restrictions supplémentaires
(DCC 16-94 du 27 mai 1994, Moïse Bossou). Cette jurisprudence
sera confirmée par le juge constitutionnel dans une autre
décision (DCC 33-94 du 24 novembre 1994) rendue à
l'issue du contrôle d'un décret interdisant à Mme ou MM.
les Conseillers à la Cour l'appartenance ou l'adhésion à
un parti politique, pendant la durée de leur fonctions.
Dans le cas du Gabon, comme l'a si bien souligné le
professeur Mengue : « Dans les domaines de droits de
l'homme, la Cour constitutionnelle a rendu quelques décisions dignes
d'intérêt »103(*), deux exemples particulièrement
explicites suffisent pour illustrer le propos. Le 29 juin 2001, la Cour
constitutionnelle a fait droit à la requête de la
Confédération syndicale gabonaise (COSYGA) qui sollicitait d'elle
la sanction de la violation du principe constitutionnel de la hiérarchie
des normes par l'article 26 de l'arrêté du 26 avril 2001
réglementant l'institution des délégués du
personnel. De même, saisie d'une requête en date du 11 septembre
2002, par laquelle le Sieur Benoît HOUSSOU et consorts demandent
à la Haute juridiction de déclarer contraire à la
constitution, les opérations de démolition, de
déguerpissement et de remise en cause des lotissements du quartier
Enango. Le juge constitutionnel rappelant les principes constitutionnels
relatifs au droit de propriété et les conditions de
l'expropriation pour cause d'utilité publique a annulé l'acte
autorisant lesdites opérations pour inconstitutionnalité.
B)- Le modèle congolais du contrôle de la
constitutionnalité des actes administratifs.
En remplaçant la formule trop timorée
d'une fonction constitutionnelle conférée à la chambre
administrative de la Cour Suprême104(*) par la création d'une véritable
juridiction constitutionnelle à part entière,
institutionnellement indépendante des rouages de la justice
ordinaire, le constituant du 20 janvier 2002 a fait une avancée
considérable vers l'encrage de l'Etat de droit.
Nonobstant ce bond vers un véritable Etat de droit,
il ne s'est pas inscrit dans le droit fil de ses homologues béninois et
gabonais. Si le préambule de la constitution du 15 mars 1992 avait
ouvert une brèche en ce sens (1), celle du 20 janvier 2002 a
opté pour une autre démarche en instituant le recours en
inconstitutionnalité (2).
1-Les jalons d'un contentieux de la
constitutionnalité des actes administratifs posés par le
Préambule de la Constitution du 15 mars 1992.
Le mouvement démocratique issu du
libéralisme politique au Congo a donné naissance à une
première constitution, celle du 15 mars 1992 qui en introduisant le
concept de Ó « pouvoir judiciaire » a
entrainé deux conséquences dans le domaine du contrôle
juridictionnel des actes de l'administration.
D'abord, si sous le régime monopartite,
« l'annulation d'une décision illégale prise par
l'administration contre le citoyen [apparaissait] comme une gageur, un acte
quasi exceptionnel de bravoure du juge »105(*), avec l'avènement de
la constitution de 1992, le juge semble plus hardi et plus
déterminé. En ce sens, le Président ILOKI estime que
l'introduction de cette constitution « a semblé
libéré les esprits tant du côté de
l'administration que de celui des juges (...). Le contrôle de la
légalité des actes de l'administration est en effet devenu
plus audacieux »106(*).
Mais, ce qui est plus remarquable, c'est que la
constitution du 15 mars 1992 a dans son Préambule inséré
au milieu d'une litanie des textes internationaux relatifs aux droits et
libertés fondamentaux la stipulation suivante :
« Proclamons (...) le droit de tout citoyen de
saisir le Conseil constitutionnel aux fins d'annulation de toute loi ou tout
acte contraire à la présente Constitution ».
Par cette disposition, la constitution congolaise du 15
mars 1992 avait ouvert la voie à tout un contentieux, celui du
contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs et en
confiait la connaissance au juge constitutionnel. Il répondait ainsi
à l'épineuse question que se posait le Président de la
chambre administrative de la Cour Suprême du Benin :
« lorsqu'aucune loi ne s'interpose entre l'acte attaqué et
la constitution, quel est le juge compétent pour en connaitre la
conformité ? »107(*).
Pour le constituant de 1992, l'annulation d'un tel acte
relève non pas du juge administratif suprême mais plutôt
du « Conseil constitutionnel sur saisine du citoyen
congolais ». Il fait donc du Conseil constitutionnel juge de
l'excès de pouvoir par dérogation.
La constitution du 20 janvier 2002 n'a pas repris cette
disposition, elle a plutôt institué un recours en
inconstitutionnalité et dans ce recours, le juge constitutionnel joue un
rôle indirect dans l'annulation des actes administratifs contraires
à la constitution.
2- L'option d'un rôle indirect dans l'annulation
des actes Ó l'exception
d'inconstitutionnalité.
Ni la Constitution du 20 janvier 2002, ni même
l'Acte fondamental du 24 octobre 1997 n'ont repris la disposition du
Préambule de la Constitution du 15 mars 1992 relative au
contrôle de la conformité des actes administratifs à la
Constitution.
Ce silence du nouveau constituant de 2002 soulève un
problème dont la résolution mérite une analyse.
Lorsqu'un acte administratif pris en application d'une loi
est attaqué pour inconstitutionnalité, quel est dans ce cas le
juge compétent pour statuer sur sa conformité à la
constitution?
En France, pendant longtemps le Conseil d'Etat s'est
déclaré incompétent pour connaître de la
constitutionnalité d'un tel acte. En effet, dans sa jurisprudence
Arrighi de 1936, il crée la théorie dite de la
loi-écran et affirme que Ó « Le juge administratif
est seulement serviteur de la loi et non son juge »
de ce fait, pour lui Ó «annuler un acte
administratif pour inconstitutionnalité reviendrait à dire que
la loi sur le fondement de laquelle il est pris est inconstitutionnelle. Or, le
juge administratif n'a pas à se prononcer sur la
constitutionnalité de la loi »108(*).
Mais, cette position du juge administratif
français n'épuise nullement la question car s'il se
déclare incompétent, alors de qui relève cette
compétence ? Serait-ce du juge constitutionnel garant de la
légalité constitutionnelle ?
Ce n'est qu'en 2008 que le législateur
français en instituant le principe d'inconstitutionnalité devant
les juridictions administratives a apporté une solution à
cette question. En effet, l'article 61-1 de la constitution française
issue des modifications intervenues dans le cadre de la loi constitutionnelle
n° 2008-724 du 23 juillet 2008 dispose Ó « Lorsque, à
l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et
libertés que la constitution garantis, le Conseil constitutionnel peut
être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour
de cassation qui se prononce dans un délai déterminé
».
Or, cette solution, la Constitution congolaise de 2002
l'avait déjà prévue dans son article 149 qui dispose que
Ó « Tout particulier peut soit directement, soit par la
procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée
devant une juridiction dans une affaire qui le concerne, saisir la Cour
constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois. En cas d'exception
d'inconstitutionnalité, la juridiction saisie sursoit à
statuer...».
Cette disposition a été
reprécisée par les articles 43 à 52 de la loi organique du
17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle.
Ainsi, grâce à la procédure de
l'exception d'inconstitutionnalité, le particulier peut attaquer pour
inconstitutionnalité une loi faisant écran entre l'acte
administratif en cause et la Constitution. Fort de la décision qu'aura
rendu le juge constitutionnel, il pourra alors engager une procédure
devant le juge administratif (qui aurai au préalable sursis à
statuer) au fin d'annulation de l'acte contesté.
C'est donc pour dire, qu'en constatant
l'inconstitutionnalité du « texte ou de l'une de ses
dispositions inséparables de l'ensemble du texte » et en
annulant le texte inconstitutionnel, le juge constitutionnel ouvre la voie au
juge de l'excès de pouvoir qui entérinant la position du juge
constitutionnel, annulera l'acte pris sur
le fondement d'une loi déclarée
inconstitutionnelle. Il apparaît donc que le juge constitutionnel
intervient indirectement dans l'annulation d'un tel acte administratif.
Mais, ce cas de figure ne s'applique que lorsqu'une loi
fait écran entre l'acte administratif et la disposition
constitutionnelle. Cependant, la Constitution du 20 janvier 2002 reste muette
quant à la question de savoir quel juge serait compétent pour
annuler un acte portant directement atteinte à la Constitution.
De plus en plus soucieux de l'édification d'un Etat
de droit, le constituant congolais a doté le juge constitutionnel d'une
multitude de compétences et cela, dans divers domaines. C'est ainsi
qu'il est considéré comme un juge électoral chargé
de veiller à la régularité des
élections présidentielle, législative, sénatoriale
et référendaire109(*). Mais à ce titre, peut-il être
amené à annuler des actes administratifs ?
Paragraphe2 : Le juge électoral et l'annulation
des actes se rapportant aux élections.
Aux termes des articles 146 alinéa 2 et 147
alinéas 1 et 2 de la Constitution du 20 janvier 2002, la Cour
constitutionnelle « veille à la régularité
des élections » présidentielle,
législative, sénatoriale et sur les opérations du
référendum. Selon le juge constitutionnel Ó
« l'expression veiller à la régularité de
l'élection signifie que la Cour constitutionnelle
apprécie la validité de l'ensemble des actes régissant le
processus électoral, à savoir la préparation,
l'organisation, le suivi et le déroulement du
scrutin »110(*).
Ainsi, dans sa mission d'assurer la
crédibilité et la sincérité de ces élections
aux fins de garantir l'Etat de droit et concourir au processus de
démocratisation, la Cour constitutionnelle, juge électoral sort
des limites de ses compétences traditionnelles. Elle connaît
exceptionnellement de l'annulation de tout acte se rapportant à
l'élection du Président de la République (A). De
même, elle connaît du contentieux des actes administratifs se
rapportant aux élections législative et sénatoriale
lorsqu'ils ne peuvent être détachés de l'ensemble de ces
opérations, « le juge de l'action étant juge de
l'exception »111(*) (B).
A)- La compétence exceptionnelle dans
l'annulation des actes se rapportant à l'élection du
Président de la République.
Sophie LAMOUROUX affirmait qu' « Une
élection, quelle qu'elle soit, ne sera correctement acquise et le droit
de suffrage dignement réalisé, que si les résultats du
scrutin et les actes qui concourent à sa réalisation sont
susceptibles d'être contrôlés par un juge apte à
faire sanctionner l'ensemble des règles organisant
l'élection »112(*), cette affirmation cadre bien avec notre
démarche. En effet, au Congo, l'aptitude à statuer sur
l'ensemble des actes se rapportant à l'élection
présidentielle a été exceptionnellement
conférée au juge constitutionnel (2). Cette compétence
n'est pas un phénomène ex nihilo, c'est un
mimétisme issu du modèle français (1).
1-Un mimétisme issu du modèle
français.
Pendant longtemps, le Conseil d'Etat
français a refusé de connaître des actes
préparatoires de l'élection Présidentielle et le Conseil
constitutionnel ne statuait sur ce contentieux que par voie d'exception.
Il faut attendre 1981 et la
décision Delmas113(*) pour que le Conseil constitutionnel accepte de
contrôler un acte administratif, acte qui par nature lui est
étranger. Dans cette espèce, le Conseil d'Etat ayant
rejeté son recours pour incompétence, le Sieur François
Delmas s'adresse au Conseil constitutionnel et demande l'annulation du
décret de convocation des électeurs après la dissolution
de l'Assemblée nationale. Afin de bien signifier le caractère
exceptionnel d'une telle démarche, le juge constitutionnel justifie sa
compétence, avant le scrutin, par la carence du Conseil d'Etat et en
affirmant que le contrôle des actes préparatoires ne peut
s'exercer qu' « en vue de l'accomplissement de la mission
qui lui est confiée par l'article 59 de la
Constitution »114(*). En intervenant avant le scrutin, alors qu'aucun
texte ne lui attribue cette compétence, le Conseil constitutionnel
devient donc juge de la légalité des actes préparatoires
à une élection nationale.
Cependant, en 1993, cette construction est battue en
brèche par le Conseil d'Etat qui, réaffirmant que Ó
« le seul juge de la légalité est le juge
administratif »115(*) effectue un revirement jurisprudentiel et
récupère une compétence antérieurement
abandonnée.
Mais, un tel renversement de la jurisprudence va entrainer un
risque de conflit de compétence entre le juge administratif et le juge
constitutionnel et l'existence d'un juge de l'action et d'un juge de
l'exception apparaissant comme préjudiciable à la
cohérence du contentieux préélectoral.
Dans deux de ses décisions, Bayeurte116(*) en 1995 et Mme
Richard en 1997, le Conseil constitutionnel conserve sa position et
réaffirme sa compétence quant à la connaissance
exceptionnelle des actes préparatoires à une élection.
Par la suite, ce contentieux a fait l'objet d'une
harmonisation, « d'un dialogue entre les deux
juges »117(*) ; ceci est conforté par une
jurisprudence tant du Conseil d'Etat (14 septembre 2001, Marini) que
du Conseil constitutionnel (C.C.20 septembre 2001, Hauchemaille et
Marini).
Dès lors, « le Conseil
constitutionnel est exceptionnellement compétent pour contrôler la
légalité des actes mettant en cause la régularité
d'opérations électorales lorsque l'irrecevabilité
opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement
l'efficacité de son contrôle des opérations
électorales ou référendaires, vicierait le
déroulement générale du vote ou porterait atteinte au
fonctionnement des pouvoirs publics »118(*).
C'est cette formule de compétence exceptionnelle
qu'a repris la Cour constitutionnelle dans sa délibération du 28
avril 2009 pour justifier sa compétence dans l'annulation des actes se
rapportant à l'élection Présidentielle.
2- La transposition dans le système
congolais : l'article 146 al.2 de la Constitution et la
Délibération du 28 avril 2009 relative à la
régularité de l'élection du Président de la
République.
L'alinéa 2 de l'article 146 de la Constitution du
20 janvier 2002 dispose à propos de la Cour constitutionnelle
qu' : « Elle veille à la régularité de
l'élection du Président de la République
(...) ». Aussi, en donnant une large interprétation
à l'expression Ó « veiller à la
régularité de l'élection du Président de la
République »119(*), la Cour constitutionnelle a clarifié le
contenu de cette disposition constitutionnelle.
C'est ainsi que dans l'un des considérants de sa
délibération du 28 avril 2009 relative à
régularité de l'élection du Président de la
République, elle affirme : « Considérant que,
si en règle générale, la compétence de la Cour
constitutionnelle se limite notamment au contrôle de la
constitutionnalité des lois, des traités et accords
internationaux et à statuer, en cas de contestation, sur la
régularité des élections législatives et
sénatoriales, il en est autrement en cas d'élection du
Président de la République où sa compétence
s'étend, exceptionnellement, à la connaissance de tous les textes
jusques y compris les actes réglementaires, qui en constituent le
support juridique ; qu'il en résulte que la Cour constitutionnelle
est fondée, en cas de contestation, à connaître de tous les
actes relatifs à l'élection du Président de la
République quelle qu'en soit la nature ».
Sur ce fondement, elle décide à l'article 3
de ladite délibération : « La Cour
constitutionnelle est exceptionnellement compétente pour
connaître, en matière d'élection du Président de la
République, des contestations par tout particulier, des actes
réglementaires liés tant à la phase préparatoire
qu'à l'organisation et au suivi de cette
élection ». C'est donc pour autant dire qu'en lui
conférant le contrôle de la régularité de
l'élection présidentielle, la Constitution fait (de
façon tacite) de la Cour constitutionnelle, un juge du contrôle
de la régularité des actes administratifs se rattachant auxdites
élections.
C'est ainsi donc que l'annulation de tous actes
(décrets, arrêtés, circulaires, procès-verbaux, et
autres documents officiels) concernant la préparation et l'organisation
de l'élection présidentielle relève non pas de la Chambre
administrative de la Cour Suprême, mais exceptionnellement de la Cour
constitutionnelle, juge de l'excès de pouvoir par exception.
B)-L'annulation des actes se rattachant à
l'élection législative et sénatoriale.
L'article 147 alinéa 1 de la
Constitution du 20 janvier 2002 et l'article 5 de la loi n°1-2003 du 17
janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle attribuent une compétence exclusive à la
Cour constitutionnelle pour statuer sur la régularité des
élections législatives et sénatoriales. En sa
qualité de juge électoral, il dispose d'une plénitude de
compétence en la matière de sorte qu'il peut connaitre de
l'annulation de tout acte se rattachant à l'élection
parlementaire. Ce cas de figure traduit une transposition du principe
« juge de l'action est juge de
l'exception »120(*) (1) et celui-ci a fait l'objet d'une application
jurisprudentielle (2).
1-Le principe « juge de l'action est
juge de l'exception ».
C'est un principe issu du droit
français. Il signifie que le juge qui est compétent pour juger
une action en justice est également compétent pour se prononcer
sur l'exception qui lui est opposée, même si la question
soulevée par l'exception devrait relever d'un autre juge. Il permet
d'éviter un morcellement du litige et justifie une bonne administration
de la justice car surseoir à statuer pour chaque question ralentirait
considérablement les procédures.
En droit du contentieux administratif congolais, ce principe
a été appliqué dans le cadre du contentieux de
l'interprétation et de l'appréciation de la
légalité des actes administratifs. En effet l'article 2 de la loi
n°6-62 du 20 janvier 1962 relative à la compétence et
à la procédure suivie devant les juridictions en matière
administrative dispose : « Les juridictions ont au cours des
instances dont elles sont saisies compétentes pour interpréter et
apprécier la légalité des décisions des divers
autorités administratives ». En 1983, le
législateur a maintenu ce principe puisque l'article 403 alinéa 1
du CPCCAF dispose que Ó « La légalité des actes
administratifs ne constitue jamais une question préjudicielle de sorte
que les juridictions, saisies d'une exception d'illégalité au
cours d'une instance, ont compétence pour apprécier et
interpréter la légalité des actes administratifs
versés aux débats.».
Cette absence des questions préjudicielles traduite
par une plénitude de compétence attribuée aux juridictions
de droit commun en la matière n'est que le résultat d'une
application du principe susmentionné.
Dans le cadre du contentieux électoral, l'article 63
de la loi organique du 17 janvier 2003 a reconnu au juge constitutionnel une
plénitude de compétence de sorte que ce contentieux est
appréhendé comme un « tout
indivisible »121(*). C'est ainsi : « qu'il
n'appartient pas à la Chambre administrative de la Cour suprême,
statuant en matière d'excès de pouvoir, de connaitre (...) la
régularité des actes administratifs relatifs à
l'organisation et au déroulement de l'élection des
députés et des sénateurs »122(*).
En conséquence, lorsqu'un acte administratif ne peut
être détaché de l'ensemble des opérations
électorales législatives ou sénatoriales, son annulation
ne peut être prononcée qu'à l'occasion d'un recours devant
le juge électoral qui est juge de l'excès de pouvoir par
exception. Cependant, existe-t-il une jurisprudence en la
matière ?
2- L'application jurisprudentielle :
l'arrêt n° 09/GCS-2006 de la C.S. Adm. 27 juillet 2006, Joseph
Kignoumbi et André Milongo.
D'apparence anodine, l'espèce
J.Kignoumbi et A.Milongo est certainement une décision aux
conséquences multiples dans la jurisprudence la chambre administrative
de la Cour Suprême.
En effet, saisi d'un recours aux fins d'annuler le
décret n°2005-356 du 9 septembre 2005 portant nomination des
membres des bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections
signé du Président de la République, la chambre
administrative de la Cour suprême s'est déclarée
incompétente pour connaitre de ce contentieux quoiqu'étant par
principe juge de l'excès de pouvoir. Elle motive :
« Qu'en tout état de cause, la requête
susvisée, qui tend à l'annulation du décret
n°2005-356 du 09 septembre 2005, portant nomination des membres des
bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections, ne peut
être accueillie, ce décret étant un acte non
détachable de l'ensemble des opérations électorales
susmentionnées et ne pouvant être critiqué qu'à
l'occasion d'un recours contre elles devant le juge de l'élection,
conformément aux prescriptions des articles 53 et 63 de la loi organique
n°01-2003 du 17 janvier 2003 précitée, « le
juge de l'action étant juge de l'exception » ; que
dès lors, l'exception d'incompétence soulevée par le
défendeur au recours en annulation, qui n'est pas dénuée
de pertinence, doit être accueillie ».
En se déclarant incompétente, la chambre
administrative pose les jalons d'une jurisprudence qui transpose les
théories « du tout indivisible »123(*) et « des actes
non détachables »124(*) dans le cadre d'un contentieux électoral.
Or, il est avéré que ces théories sont
aux antipodes de « la théorie des actes
détachables ». De ce fait elles restreignent
considérablement la compétence de la Chambre administrative de la
Cour Suprême. Pourtant, selon la formule du Doyen COILLARD,
« C'est par le jeu de la théorie des actes
détachables que le juge de l'excès de pouvoir a pu
pénétrer dans des régions interdites ou
réservées à d'autres contrôles
juridictionnels »125(*).
C'est là un exemple patent de l'effritement de la
compétence exclusive longtemps reconnue à la chambre
administrative de la Cour Suprême au profit de certaines juridictions.
Les exceptions à la compétence exclusive
reconnue à la chambre administrative de la Cour Suprême
s'étendent également au niveau communautaire, dans certains
cas, car le juge communautaire peut prononcer l'annulation des actes
administratifs lorsqu'ils sont contraires aux dispositions communautaires.
SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA
C.E.M.A.C, JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR.
L'avènement d'une nouvelle
ère du communautarisme en Afrique Centrale met en exergue la question de
la compétence du juge communautaire en matière
administrative. En effet, celui-ci peut être
amené à constater les manquements d'un Etat membre aux
obligations découlant des dispositions communautaires du fait des actes
de son administration.
En termes plus clairs, la Convention du 5 juillet 1996 en
créant la Cour de justice de la Communauté Economique et
Monétaire d'Afrique Centrale a donné à sa Chambre
judiciaire des compétences dans l'annulation de tout acte administratif
contraires aux normes C.E.M.A.C. Elle est à ce titre « la
gardienne de la légalité voir de l'orthodoxie
communautaire »126(*).
Mais avant d'examiner cette compétence (§2), il
conviendra de cerner comment ce nouveau droit s'intègre dans
l'ordonnancement juridique congolais (§1).
Paragraphe1 : L'intégration du Droit
communautaire dans le système juridique Congolais.
Comme l'a écrit
G.ISSAC : « Le Droit communautaire n'est pas un droit
étranger, ni même un droit extérieur : il est le droit
propre de chacun des Etats membres, applicable sur son territoire tout autant
que son droit national, avec cette qualité supplémentaire qu'elle
couronne la hiérarchie des textes normatifs de chacun
d'eux »127(*). Cet ordre juridique communautaire dont l'objectif
est de régir les rapports entre Etats membres et d'assurer la protection
de leurs ressortissants est d'une applicabilité immédiate et
directe (A). Ceci a pour conséquence, la soumission des actes
administratifs des Etats membres à la règle communautaire
car, « le communautaire tient l'interne en
l'état »128(*) (B).
A)- L'application directe et immédiate des
textes de la C.E.M.A.C dans l'ordonnancement juridique Congolais.
Le droit communautaire C.E.M.A.C est essentiellement
constitué par des règles primaires ou originaires (Traité
instituant la C.E.M.A.C et ses additifs relatifs au système
institutionnel et juridique de la Communauté, les Conventions
régissant ses institutions...), des règles dites
dérivées, constituées par des règlements et des
directives. Toutes ces règles sont d'application directe (1) et
immédiate (2).
1-Le principe d'application directe.
Ce principe signifie que les règles
du Droit C.E.M.A.C doivent déployer la plénitude de leurs effets
d'une manière uniforme dans les Etats membres dès leur
entrée en vigueur et pendant la durée de leur validité.
Les normes communautaires directement applicables ont pour effet de rendre
inapplicables de plein droit toute disposition contraire de la
législation nationale.
En ce sens, le Président LECOURT affirmait :
« l'effet direct est le droit pour toute personne de demander
à son juge de lui appliquer Traité, règlements, directives
ou décisions communautaires (...) et l'obligation pour le juge de faire
usage de ces textes, quelle que soit la législation du pays dont il
relève »129(*).
Ainsi, on peut considérer que l'applicabilité
directe est un caractère consubstantiel à la nature même de
la Communauté. Le droit communautaire de la C.E.M.A.C qui est d'effet
direct peut donc dans certaines conditions créer des droits ou des
obligations au profit ou à la charge des particuliers qui pourront
l'invoquer à l'appui d'un recours devant le juge.
2-Le principe d'application
immédiate.
Dire qu'une norme communautaire est d'application
immédiate signifie qu'elle s'intègre automatiquement dans l'ordre
juridique interne de l'Etat membre sans le secours d'une norme nationale
d'introduction, qu'elle prend sa place dans l'ordre juridique interne en tant
que Droit communautaire et le juge a l'obligation de l'appliquer.
Sur la question d'une application de la norme communautaire
par le juge administratif d'un Etat membre,
le Conseil d'Etat français s'est longtemps
confronté au délicat problème de l'interprétation
ou de la validation d'une norme communautaire. A ce titre, il a estimé
que Ó « le renvoie préjudiciel devant la
juridiction communautaire n'est pas nécessaire si l'acte en cause ne
présente aucune difficulté d'interprétation, appliquant
ainsi la théorie dite de «l'acte claire» conformément
à l'adage « in claris non fit interpretatio» (il n'y a
pas lieu d'interpréter une disposition dont la signification ne
prête pas à un doute). »130(*). Par cette
théorie, le Conseil d'Etat français a longtemps manifesté
une volonté de se soustraire abusivement à l'obligation de renvoi
devant la Cour de justice.
Or, dans le cas du Congo membre de la C.E.M.A.C, le juge
administratif doit se conformer aux missions de la Cour de justice
communautaire qui consistent entre autre à assurer l'unité de
l'interprétation et l'application du droit C.E.M.A.C dans l'ensemble des
Etats membres, « Cette mission fondamentale fait donc de la Cour
la gardienne de la légalité voire de l'orthodoxie
communautaire »131(*). A ce titre, les articles 5 du Traité portant
création de la C.E.M.A.C et 4 de la Convention du 5 avril 1996
régissant la Cour de justice de la C.E.M.A.C disposent que :
« La Chambre judiciaire assure le respect du droit dans
l'interprétation et dans l'application du Traité et des
Conventions subséquentes (...) » , l'article 18 de
la Convention dispose que : « Les interprétations
données par la Chambre judiciaire en cas de recours préjudiciel
s'impose à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles dans l'ensemble des Etats membres. L'inobservation de ces
interprétations donnent lieu au recours en appréciation de la
légalité ».
B)-La soumission des actes administratifs aux textes
communautaires.
En cas de confrontation entre un acte émanant de
l'administration d'un Etat membre et une disposition communautaire, le premier
sera écarté au profit de la seconde en vertu de la
primauté de la norme communautaire sur la norme interne. Ce principe
sous-tend la règle selon laquelle : « Le
communautaire tient l'interne en l'état »132(*) (1). En cas de non
observation de ce principe, l'acte contraire peut être annulé s'il
est attaqué (2).
1-La primauté des normes communautaires sur les
actes administratifs des Etats membres : « le communautaire
tient l'interne en l'état ».
En raison du principe de la
primauté, la norme communautaire doit prévaloir sur la norme
nationale. Ceci implique qu'en cas de conflit entre les deux normes, celle qui
relève du droit interne (acte d'une autorité administrative de
l'Etat membre) doit être écartée au profit de la norme
communautaire. Les principes d'application directe et immédiate
susmentionnés resteraient lettre morte si un Etat
membre pouvait s'y soustraire. Pourtant, le Traité et son additif ne
contiennent pas une clause expresse de primauté.
Mais, il est plus évident que la norme
communautaire doit primer, qu'elle doit prendre place avec rang de
priorité sur toutes les normes nationales, la primauté
étant une condition existentielle du Droit communautaire qui ne saurait
exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas se voir être
mis en échec par le droit des Etats membres.
Ce principe : « se fonde non pas sur une
hiérarchie entre autorités internes et communautaires, mais
plutôt sur ce que la règle communautaire doit prévaloir
sous peine de cesser d'être commune or, à défaut
d'être commune, elle cesse d'exister et, il n'y a plus de
communauté »133(*).
Ainsi, lorsque l'acte administratif pris par
l'autorité d'un Etat membre n'est pas conforme à la norme
communautaire, il y a atteinte à l'ordre public communautaire.
2-La non-conformité de l'acte
administratif : une atteinte à l'ordre public
communautaire.
Raisonnons par syllogisme, si l'ordre juridique
communautaire prime sur l'ordre légal interne et si l'atteinte à
l'ordre légal entraine au plan interne l'annulation grâce au
contrôle de la légalité exercé par le juge de
l'excès de pouvoir, qu'arrive t-il à l'acte administratif qui du
fait de sa non conformité au droit communautaire aurait porté
atteinte à l'ordre juridique communautaire ? S'il y a lieu
d'exercer un contrôle de conformité d'un tel acte à l'ordre
communautaire, à qui incomberait une telle tâche ?
L'article 15 de la Convention suscitée
répond à ces deux questions car il dispose : «
(...) La Chambre judiciaire peut prononcer la non-conformité
des actes entachés de vice de forme, d'incompétence, de
détournement de pouvoir ou de violation des règles
découlant de la présente convention ».
Paragraphe2 : L'annulation des actes administratifs
non conformes par le juge C.E.M.A.C.
En l'état actuel de notre droit
positif, il devient quasiment impossible d'étudier le droit
administratif congolais sans se référer aux normes
communautaires. En effet, considéré comme un droit en pleine
mutation, il se transforme de plus en plus un droit «
communautarisé »134(*) et cela sous l'influence des normes de la
C.E.M.A.C.
C'est en ce sens qu'il est reconnu au juge C.E.M.A.C
compétence dans l'annulation des actes contraires aux normes C.E.M.A.C.
Nos analyses porteront tant sur les fondements de cette compétence et
les modes de saisine du juge (A) que sur la quasi absence des applications
jurisprudentielles et les raisons de cette rareté (B).
A)-Fondements de la compétence et mode de
saisine du juge C.E.M.A.C dans l'annulation des actes administratifs.
C'est le Traité instituant la C.E.M.A.C (article 16
al.3.a et b) et la Convention du 05 avril 1996 régissant la Cour de
justice C.E.M.A.C (articles 4, 14 et 15) qui donnent compétence au
juge pour annuler tout acte contraire aux normes communautaires (1) et qui
fixe les modalités de la saisine du juge en la matière (2).
1-Les fondements de la compétence.
Trois textes fixent la compétence de la Chambre
judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C dans la connaissance des actes
administratifs des Etats membres contraires aux normes communautaires il s'agit
Ó
-Du Traité portant création de la
Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale qui
crée la Cour de justice et fixe ses compétences en disposant
à son article 16 alinéa 3 et aux points a et b ce qui suit
Ó « a)- Elle contrôle la légalité des
décisions, directives et règlements des institutions de la
Communauté. b)- Elle se prononce sur les recours pour
incompétence, excès de pouvoir, violation des formes
substantielles des dispositions du présent Traité formulés
par un Etat membre ou la Conférence» ;
-De la Convention du 5 juillet 1996 relative à la
création de la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont les articles 4, 14
et 15 attribuent compétence à la Chambre judiciaire de cette
Cour pour connaitre des cas de violation du Traité et des conventions
subséquentes. En ce sens, l'article 4 alinéa 1 dispose Ó
« Dans son rôle juridictionnel, la Cour de justice rend, des
arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C et des
conventions subséquentes dont elle est saisie conformément
à ses règles de procédure», de même,
l'article 14 dispose que Ó «La Chambre judiciaire connait sur
le recours de (...) toute personne physique ou morale qui justifie d'un
intérêt certain et légitime, de tous les cas de violation
des dispositions des Traités de la C.E.M.A.C et des Conventions
subséquentes ». Enfin, l'article 15 fonde ce contrôle de
la non-conformité des actes administratifs des Etats membres sur les
mêmes cas d'ouvertures invoqués devant le juge de l'excès
de pouvoir interne en disposant queÓ « La Chambre
judiciaire peut prononcer la non-conformité des actes entachés de
vice de forme, d'incompétence, de détournement de pouvoir ou de
violation des règles de droit découlant de la présente
convention» ;
-De l'Acte additionnel n°06/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant
statut de la Chambre judiciaire de la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont
l'article 48 alinéa 3 point a, donne plus de précisions en
disposant que Ó « La Chambre connaît notamment en premier
et dernier ressort (...) des recours en contrôle de la
légalité des actes déférés à sa
censure».
2-La saisine du juge C.E.M.A.C.
Toute Etats membres, tout organe de la C.E.M.A.C ou toute
personne physique ou morale justifiant d'un intérêt certain et
légitime peut saisir la Cour de justice de la C.E.M.A.C. C'est ce qui
ressort de l'article 14 de la Convention sus-cité qui dispose que :
« sur recours de tout Etat membre, tout organe de la C.E.M.A.C,
ou de toute personne physique ou morale ». Il convient de
préciser que les termes « Etat
membre » ; « personne physique ou morale qui
s'assimile ressortissant de la communauté » sont
signifiés dans l'article 1 alinéas l et r. du Traité.
B)-La quasi absence des applications jurisprudentielles
et les raisons de cette rareté.
De nos jours les applications
jurisprudentielles portant sur l'annulation d'un acte contraire au droit
C.E.M.A.C par le juge communautaire sont quasi inexistante (1). Cette
rareté est liée à certaines raisons (2).
1-La quasi inexistence d'une jurisprudence portant sur
l'annulation des actes administratifs par le juge C.E.M.A.C.
Dans l'espace C.E.M.A.C, les relations entre le juge
communautaire et le juge national (plus précisément le juge de
l'excès de pouvoir pour notre cas) ne se sont pas encore
solidifiées. Certains auteurs dans la doctrine ont estimé que,
leurs rapports glissent de plus en plus vers un terrain des interactions
entre l'exercice d'une justice nationale autonome (gage d'une
souveraineté étatique) et la conformité à la
règle de justice communautaire (volonté manifeste de
l'adhésion au cadre sous régional).
C'est ainsi que l'annulation des actes administratifs est
souvent considérée comme un domaine sensible -même au plan
national-, l'action administrative étant la voie par excellence de la
réalisation des projets politiques. La jurisprudence de la Cour de
justice C.E.M.A.C en la matière est quasi inexistante.
Toutefois, l'affaire Calmine Bourguiba135(*) est un spécimen
qui illustre bien nos développements. En l'espèce, Dame Calmine
de nationalité tchadienne s'étant vue refuser le droit de
séjour en territoire gabonais par une décision du
Ministère de l'intérieur gabonais, a attaqué la
décision devant le juge communautaire estimant que l'acte violait les
dispositions communautaires notamment l'article 4.e du Traité instituant
la C.E.M.A.C qui supprime « entre Etats membres les obstacles
à la libre circulation des personnes (...) ». Rejetant
la requête de Dame Calmine, le juge communautaire a estimé qu'il
n'appartenait pas à la juridiction communautaire d'apprécier
l'étendu des impératifs de sécurité nationale des
Etats membres. En effet, à la lecture des faits, il était
clairement établit que le refus du Ministre de l'intérieur
gabonais était fondé sur des raisons de sécurité
intérieure car, Dame Calmine était fiché par les services
de sûreté territoriales gabonaises comme une trafiquante des
produits stupéfiants.
Toutes proportions gardées transposé dans le
cadre du droit communautaire européen, cette affaire présente
des similitudes avec l'arrêt du Conseil d'Etat Français (CE.
Ass. 22 déc. 1978, Ministère de l'intérieur c/ D.
COHN-BENDIT)136(*)
. En l'espèce, Daniel COHN-BENDIT de nationalité
allemande avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion par le
ministre de l'intérieur français le 25 mai 1968 en raison de sa
participation active aux événements de mai 1968. Ayant
demandé au ministre d'abroger cet arrêté, un refus lui fut
opposé, c'est donc ce refus qu'il déféra devant le juge
administratif au motif que ledit arrêté et le refus étaient
contraires à l'article 6 de la directive du Conseil des
Communautés européennes n°64/221 du 25 février 1964.
Le Conseil d'Etat a adopté une solution radicale en
jugeant « qu'une directive communautaire n'a pas d'effet direct
dans les Etats membres de la Communauté et qu'elle ne peut être
invoquée par un particulier à l'appui d'un recours dirigé
contre un acte administratif individuel »137(*). Cette position du Conseil
d'Etat français a été qualifiée de
« révolte, rébellion, insurrection,
hostilité à la suprématie nécessaire du droit et au
juge européen »138(*).
L'intérêt de cette comparaison est double
Ó
-D'une part elle nous permet d'établir que
contrairement au droit communautaire européen, les directives de la
C.E.M.A.C ont comme nous l'avons susmentionné un effet direct dans les
Etats membres.
-D'autre part, elle montre que c'est dans des questions de
sécurité, d'ordre public, d'environnement que souvent les normes
communautaires entrent en conflit avec les priorités des Etats membres.
2-Les raisons de l'absence des applications
jurisprudentielles.
La contrariété entre les impératifs
liés à la souveraineté nationale et les exigences
communautaires est la principale raison de la quasi absence d'une jurisprudence
uniforme émanant du juge communautaire. En effet, il est souvent
difficile pour un Etat membre d'aliéner une partie de ses fonctions
régaliennes (telle que la justice) au profit de la communauté.
A ce sujet, la position de la Cour suprême a
varié selon qu'elle était saisi pour avis s'agissant de la
conformité des traités O.H.A.D.A et C.E.M.A.C. à l'Acte
fondamental de 1997.
C'est ainsi, que dans son avis du 1er octobre
1998, elle a estimé que Ó « les articles 14 al.3, 4,5 et
16, 18, 20,25 du traité O.H.A.D.A. encourent le grief de ne pas
être conformes à l'Acte Fondamental (...) notamment en ses
articles 71 et 72 », car « la fonction de juger, qu'elle
soit exercé par les juridictions de première instance ou d'appel
ou par la Cour Suprême, est une fonction constitutionnelle en même
temps qu'elle est l'expression de la souveraineté et de
l'indépendance nationales ». Ainsi donc a conclu le juge
Ó « le pouvoir de rendre exécutoire sur le territoire
national une décision jurisprudentielle rendue par une juridiction
étrangère ou une sentence arbitrale (leur) appartient et
procède également de la souveraineté et de
l'indépendance nationales »139(*).
Mais, le juge suprême n'a pas eu le même
raisonnement lorsqu'il a été saisi sur la conformité du
traité additif C.E.M.A.C du 5 juillet 1996 à l'acte
fondamental. Il « n'a pas dit que la monnaie, les compétences
législatives et la Cour de justice communautaire prévues par ce
traité violent la norme fondamentale, car ces matières
appartiennent et procèdent également de la souveraineté et
de l'indépendance nationale »140(*).
Dans son analyse, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que la
seconde position du juge est plus compréhensive que la première
Ó « les compétences exorbitantes reconnues à [une
juridiction communautaire] par le traité ne sont pas incompatibles
à l'existence d'un pouvoir judiciaire au Congo (...), la
réalisation du processus d'intégration dans la sous région
d'Afrique centrale passe par la remise en cause de certains principes
»141(*).
Outre cette raison principale, on peut citer le fait que
les Etats membres, le Congo y compris, ne se sont pas encore
imprégné des règles communautaires, leur
expériences de la justice communautaire étant encore à
leur début.
Au regard de tout ce qui précède, il convient
de retenir qu'au Congo, l'identification du juge de l'excès de pouvoir
renvoie d'abord et avant tout à la Chambre administrative de la Cour
Suprême. Cette compétence exclusive qu'elle a
héritée du Conseil d'Etat a été consacrée et
pérennisée par le législateur durant ces décennies
post-indépendance.
Mais, un examen plus approfondi de la question relative
à l'identification du juge de l'excès de pouvoir au Congo
conduit forcément à prendre en compte d'autres organes
juridictionnels ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation de
certains actes. Tel est le cas de la Cour constitutionnelle et de la Chambre
judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C. Ces mutations sont liées
à l'extension de l'action administrative et aux incidences du droit
constitutionnel et communautaire, le contrôle juridictionnel des actes de
l'administration au Congo étant désormais à la
croisée des chemins des matières du droit public. Cependant,
l'exercice d'un tel contrôle n'est pas exempt de difficultés tous
ordres. Aussi l'objectif des lignes qui vont suivre sera de proposer des
pistes de solution après avoir relevé quelques unes de ces
difficultés.
Au Congo, bien avant l'indépendance
jusqu'à nos jours, les droits et libertés des citoyens ont
toujours été garantis contre l'arbitraire administratif par le
biais du recours pour excès de pouvoir. Ce recours a été
considéré dans la doctrine comme Ó « la
plus merveilleuse des créations des juristes, l'arme la plus efficace,
la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour
défendre les libertés »142(*).
Cependant, dans l'exercice de cette entreprise, le juge se
trouve confronté à de nombreuses difficultés. Certaines
d'entre elles sont typiques à la chambre administrative de la Cour
Suprême (juge naturel du recours pour l'excès de pouvoir) et
d'autres ont trait aux autres organes juridictionnels ayant dans des cas
exceptionnels compétence pour annuler certains actes de l'administration
(Chapitre I).
Malgré toutes ces difficultés, certains
auteurs ont présagé un avenir plein d'espoir pour le juge en
charge de ce recours. Ces mots de J. Rivero en sont
révélateur : « D'aucuns soutiendront que le
temps présent est mal choisi pour pousser plus en avant la lutte contre
l'arbitraire, et donner à l'évolution du recours pour
excès de pouvoir, un nouveau départ, sur la voie de
l'efficacité, [mais] le recours n'a pas dit son dernier mot, et l'avenir
reste ouvert : faite confiance au libéralisme du
juge »143(*). Mais, cet espoir reste tributaire d'une
amélioration ou d'un renforcement des potentialités de ce juge
dans l'exercice d'un contrôle efficace et effectif, tel sera l'objet de
nos suggestions (Chapitre II).
CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE
DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO.
Par difficultés, on entend l'ensemble des obstacles
(juridiques, sociaux, économiques...) qui empêchent le juge
d'exercer efficacement le recours pour excès de pouvoir. Elles peuvent
être endogènes ou exogènes au système judiciaire
congolais.
Certaines de ces difficultés sont propres à la
chambre administrative de la Cour Suprême (Section1), alors que d'autres
ont trait aux juges de l'excès de pouvoir par exception (Section2).
SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE
ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE NATUREL DE L'EXCES DE POUVOIR.
En 1962, le législateur congolais rejetait le
système dualiste de l'ex-métropole et instituait par deux lois
prises le même jour (20 janvier 1962) une polyvalence du juge (au
premier et au second degré) et une spécialisation du juge
administratif suprême.
Mais à bien y voir, cette spécialisation
fonctionnelle n'est que de façade, car la chambre administrative de la
Cour Suprême qui a reçu du fait de la loi, une compétence
d'attribution pour connaître du contentieux de l'excès de pouvoir
est confrontée à bien de difficultés. En
réalité, elle n'est qu'une formation composée
essentiellement des magistrats au profil judiciaire non
spécialisé, de plus elle évolue dans un
système moniste mal adapté à un exercice efficace du
recours pour excès de pouvoir (§1). Enfin, elle travaille dans des
conditions précaires et est en proie à une concurrence due
à l'émergence des organes non juridictionnels (§2).
Paragraphe1 : Une formation composée des juges
non spécialisés évoluant dans un système mal
adapté au recours pour excès de pouvoir.
Le recours pour excès de pouvoir est une
création prétorienne résultant des textes
révolutionnaires français notamment : l'article 13 de la loi
des 16-24 avril 1790, l'article 9 de la loi 24 mai 1872 et le décret du
16 Fructidor an III qui dispose « Défenses
itératives sont faites aux tribunaux de connaitre des actes
administratifs de quelqu'espèce qu'ils soient ».
Ce contentieux a été créé pour
être exercé dans un système dualiste par des juges
spécialisés dans le contentieux administratif.
Or, il apparaît que dans le domaine du contentieux
administratif en général et du recours pour excès de
pouvoir en particulier, le système congolais a fait « une
mauvaise photocopie »144(*) du modèle français. En effet, si ce
système par sa nature semble mal adapté pour l'exercice efficace
de ce recours (B), l'organe compétent en la matière est
composé des juges au profil judiciaire qui ne connaissent de ce
contentieux qu'en fin de leur carrière (A).
A)-Une formation composée de juges au profil
judiciaire qui ne connaissent de l'excès de pouvoir qu'en fin de
carrière.
La chambre administrative de la Cour Suprême est
composée, de juges «essentiellement
judiciaires »145(*) dépourvus d'une véritable formation
spécialisée en matière administrative (1) et qui ne
connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière (2).
1-Des juges essentiellement judiciaires
dépourvus d'une véritable formation
spécialisée.
Plusieurs auteurs dans la doctrine ont fustigé la
formation des magistrats dans les pays d'Afrique noire issue de la colonisation
française du fait qu'elle était essentiellement orientée
vers le droit privé. Certains se sont demandés si l'option du
monisme juridictionnel supprimait la somma division ou la
spécialisation dans la formation de ces magistrats ?
Parmi les tenants de cette doctrine, le Professeur BENOIT
estime que : « Nul n'est bon juge que de ce qu'il
connaît, et pour juger l'administration, il faut donc la connaître.
Or il est impossible de demander au même homme d'avoir, à la fois,
la connaissance des problèmes qui naissent des rapports des particuliers
entre eux, d'une part, et des rapports des particuliers et de l'administration
d'autre part. L'administration est un monde complexe dont la connaissance
requiert une étude particulière et que nul ne peut comprendre, et
donc connaître, s'il ne l'a
étudiée »146(*).
De son côté, D.Chabanol écrit :
« le contrôle de l'administration est un métier
spécialisé qui exige une formation spécifique et des
habitudes intellectuelles particulières car, le droit administratif
présente des caractéristiques qui justifient un juge
particulier »147(*).
Dés lors, que peut-on attendre des juges qui n'ont
pas une formation suffisante en contentieux administratif et qui
malheureusement se trouvent en face d'un litige administratif ?
A priori, la réponse à cette question est que
pour ces juges, la tentation sera naturellement de privatiser les litiges
administratifs. En ce sens, le Pr. BENOIT poursuit : « Si des
juges judiciaires devaient connaître des litiges administratifs, ils
plaqueraient sur les problèmes administratifs des solutions de droit
civil (...) Le risque est grand de voir disparaître le droit
administratif au profit du droit civil. Cela mènerait à la
disparition de tout contrôle juridictionnel de l'administration parce que
le juge judiciaire aura toujours en face du contentieux administratif des
réactions commandées soit par son inadaptation, soit par son
hostilité à l'administration »148(*).
Ces critiques qui peuvent paraître virulentes, sont
confortées par un examen objectif du cadre de formation des magistrats
congolais appelés un jour à connaître du recours pour
excès de pouvoir. En effet, que constatons-nous dans cette
formation ?
Avant la création de l'Ecole Nationale
d'Administration et de Magistrature (E.N.A.M) en 1980, les magistrats congolais
étaient formés à l'Ecole Nationale de Magistrature (E.N.M)
de Paris. Notons que cette école forme spécialement des
Magistrats destinés aux juridictions de l'ordre judiciaire alors que
ceux de l'ordre administratif sont formés à l'E.N.A (Ecole
Nationale d'Administration).
En 1980, il est créé une Ecole Nationale
d'Administration et de Magistrature au Congo. Cependant, cette école
locale ne prend pas en compte la volonté du législateur qui avait
en 1962 opté pour un système unitaire de juridiction autrement
dit une formation tournée vers une symbiose (droit public/droit
privé) favorisant au mieux la polyvalence. La formation des Magistrats
au sein de cette école reste axée sur le droit privé.
Aujourd'hui, plus de trois décennies après la
création de cette école, le gouvernement manifestant une
volonté de renforcer le corps de la magistrature a
procédé par la réouverture de la filière
magistrature au sein de cette école.
Cependant, bien que l'accès soit
réservé uniquement à des jeunes sortis directement
des facultés de droit, force est de noter que dans leur formation,
les mêmes erreurs du passé ont été reprises.
En effet, alors qu'une partie de ces jeunes
diplômés est formée au pays (à l'E.N.A.M), une
autre est envoyée à l'E.N.M de Bordeaux (école de
formation des Magistrats de l'ordre judiciaire), alors que le Congo ayant
opté pour un système moniste de juridiction a besoin aussi bien
des magistrats de formation judiciaire que de formation administrative.
De même, la formation des magistrats au niveau
national reste plus axée sur le droit privé et est
dépourvue d'une véritable pratique. La filière
magistrature au sein de l'E.N.A.M ressemble plus à un prolongement du
département de droit privé de la faculté de droit de
l'Université Marien N'GOUABI. Pour s'en convaincre, il suffit de voir
la grille des matières dispensé en première et en
deuxième années dans cette filière Ó
-En première année : sur près
d'une vingtaine de matières, seules deux (2) relèvent du droit
public (Contentieux administratif et Droit financier), tandis que dix huit
(18) relèvent du droit privé.
-En deuxième année : sur près de
douze matières, seules deux (2) relèvent du droit public tandis
que dix (10) relèvent du droit privé.
Il résulte donc de ce constat que les
matières du droit public ne constituent que 8% de l'ensemble des
enseignements dispensés à ces futurs magistrats appelés
à évoluer dans un système juridictionnel polyvalent. Le
reste, soit 92% de ces enseignements restent axés sur le droit
privé.
Cette analyse vient confirmer les mots du Président
Auguste ILOKI qui reconnait que : « les magistrats qui
siègent en matière administrative sont tous issus du moule
judiciaire »149(*). Il ne reste plus qu'à jouer sur la
carte de l'expérience comme le conseille le Professeur Placide
MOUDOUDOU en ces termes : « Certes, un personnel, même
non spécialisé à l'origine, peut parfaitement
acquérir le minimum de formation nécessaire pour trancher
valablement les litiges administratifs, s'il consacre toute son activité
à cette tâche »150(*).
A ce défaut de spécialisation, il faut noter
que seuls les magistrats qui auront le privilège d'être
nommés à la Cour Suprême et affectés à la
Chambre administrative pourront en fin de carrière connaître du
contentieux de l'excès de pouvoir.
2-Des juges qui ne connaissent de ce contentieux qu'en
fin de carrière.
L'ancienneté est le premier critère de
nomination à la Cour suprême en générale et partant
à la chambre administrative. En effet, l'article 3 (nouveau) de la
loi n° 15-99 du 15 avril 1999 portant statut de la magistrature, parlant des
magistrats de la Cour Suprême dispose en son alinéa 2Ó
« Ils doivent attester d'une ancienneté d'au moins quinze
années effectives passées dans les juridictions ou les
institutions centrales de l'Etat. » et l'article 9 de la loi
n°17-99 du 15 avril 1999 portant organisation et fonctionnement de la Cour
Suprême dispose : « Sont nommés à la Cour
Suprême les magistrats hors hiérarchie ou du premier grade ayant
au moins quinze années effectives dans les juridictions ou dans les
institutions centrales de l'Etat ».
Les magistrats qui sont nommés à la Cour
Suprême et affectés à la chambre administrative sont avant
tout des « magistrats hors hiérarchie ou du premier grade
remplissant en outre les critères d'ancienneté dans la
profession »151(*). Au cours de leur carrière, ils passent en
raison de leur polyvalence au minimum quinze années dans les
différentes juridictions inférieures (Tribunaux de Grande
Instance, Cours d'Appel...) et connaissent toute sorte de contentieux (civil,
pénal, commercial, social, administratif...). Ce n'est qu'en fin de
carrière et s'ils sont nommés à cette Chambre qu'ils
apprendront à statuer sur le recours pour excès de pouvoir. Par
la force des choses, ils ne deviennent potentiellement juge de l'excès
de pouvoir que le jour même de leur nomination.
Les articles 3 (nouveau) et 9 précités,
parlent de « l'expérience » comme un
critère primordial dans la nomination des magistrats à la
Cour Suprême (donc à la Chambre administrative). Pourtant en
matière d'excès de pouvoir, ces juges n'ont aucune
expérience puisqu'ils n'ont jamais connu de ce contentieux durant toute
leur carrière. De même, l'expérience ne s'acquiert
qu'avec le temps or, une question se pose : avant que ces juges qui sont
nommés n'acquièrent cette expérience, sur quelles bases
tranchent-ils les cas d'excès de pouvoir qui leur sont soumis?
B)- Le système juridictionnel congolais, un
système mal adapté au recours pour excès de pouvoir.
En matière du contrôle juridictionnel des
actes administratifs tout comme pour l'ensemble du contentieux administratif,
le système congolais semble faire application à la fois d'une
chose et de son contraire. En effet, depuis l'intervention des premiers textes
(constitution du 2 mars 1961, les lois n°4-62 et n°6-62 du 20
janvier 1962 sur la Cour Suprême et la compétence administrative
des juridictions), le système juridictionnel congolais a
répudié le principe (sur lequel se fonde tout le contentieux
administratif en France) de la séparation des autorités
administratives et judiciaires pris sous la forme du principe de la
séparation des juridictions administratives et judiciaires (1).
Pourtant, tout l'esprit, la lettre des textes et de la
jurisprudence congolaise en matière administrative s'inspirent du droit
administratif français. On serait tenté de dire que
« l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore
au-dessus de nos Palais de Justice »152(*) et que, dans ce domaine, le
système congolais est influencé par un mimétisme (2).
1-Un système répudiant les principes
fondateurs du recours pour excès de pouvoir.
Dans l'affaire KAYOULOUD, la chambre
administrative de la Cour Suprême a affirmé que le système
juridictionnel congolais a connu une mutation à la suite de la
constitution du 2 mars 1961 et des deux lois de 1962.
Ces textes, en instituant un système moniste de
juridiction, répudiaient en même temps le principe de la
séparation des autorités administratives et judiciaires, pris
sous la forme du principe de la séparation des juridictions
administratives et judiciaires. Selon le juge administratif suprême, ils
mettaient ainsi fin au système dualiste hérité de la
colonisation.
Or, tout le contentieux administratif et partant le recours
pour excès de pouvoir trouve ses fondements dans les textes
révolutionnaires qui ont consacré la séparation des
autorités administratives et judiciaires instituant ainsi la
dualité de juridiction, il s'agit entre autre de Ó
- L'Edit de Saint Germain (en février 1641) dans
lequel, Louis XIII interdisait à la
« Cour du parlement de Paris et toutes autres cours
de prendre, à l'avenir, connaissance d'aucune affaire concernant l'Etat,
l'administration et le gouvernement»153(*) ,
-La loi des 16-24 août 1790 qui proclame que :
« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront
toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne
pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce
soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leur fonction. »154(*),
-Le décret des 16 fructidor an III qui lui,
disposait que : « Défenses itératives sont
faites aux Tribunaux de connaître des actes d'administration de quelques
espèces qu'ils soient »155(*),
-La loi du 24 mai 1872 dont l'article 9 selon
lequel : « Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les
demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les
actes des divers autorités administratives »156(*) constituait le fondement
même du recours pour excès de pouvoir.
Pour le commissaire du gouvernement Sainte-rose :
« C'est le principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires qui est le fondement de la compétence de
la juridiction administrative »157(*).
Aujourd'hui, certains auteurs ont estimé que
l'exercice d'un contentieux administratif et partant contentieux de
l'excès de pourvoir conséquente ne peut se concevoir que dans un
système dualiste158(*). Or, il est établit que le Congo a
renié ce principe et ses textes fondateurs quoique paradoxalement,
lorsque la chambre administrative de la Cour Suprême rend ses
décisions, elle s'inspire des règles qui régissent le
recours pour excès de pouvoir en France.
Ces mots du Professeur Placide MOUDOUDOU trouvent tout
leur sens Ó « lorsqu'il -le juge administratif congolais-
tente d'inventer, il le fait presque toujours par rapport au droit
administratif français »159(*). C'est ce
phénomène que nous qualifierons de mimétisme.
2-Un système influencé par un
mimétisme dans la connaissance du recours pour excès de
pouvoir.
En droit, le mimétisme peut être
considéré comme une transposition du modèle juridique d'un
Etat vers un autre, une exportation plus ou moins consciente et complète
d'un modèle de justice étranger.
Au Congo ce mimétisme se caractérise par une
« mauvaise photocopie du contentieux administratif
français »160(*). En réalité, cinquante années
après l'indépendance, l'héritage colonial continu à
influencer considérablement tout le système juridique
congolais et en particulier le domaine du contentieux de l'excès de
pouvoir. En ce sens, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que Ó
« l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore
au-dessus de nos palais de justice »161(*). Abordant dans le sens
d'une influence du modèle français sur les systèmes
africains de juridiction, le Pr. Alain BOKEL affirmait :
« A partir du Droit administratif français,
appliqué dans ses grandes lignes dans les possessions françaises
d'outre-mer, les Etats indépendants concernés vont construire
progressivement un système propre, profondément influencé
par le modèle ; de ce fait, un certain nombre de problèmes
en découlent »162(*).
En effet, en matière administrative, le
mimétisme juridictionnel soulève plusieurs problèmes, et
dans le cadre particulier du recours pour excès de pouvoir, nous en
avons retenu deux :
Tout d'abord dans la transposition des règles
régissant l'office du juge l'excès de pouvoir, le juge
administratif congolais s'inspirant des principes établis par la
jurisprudence française n'est pas resté constant et ne tien
pas toujours compte des mutations actuelles que subissent ce contentieux.
A titre d'exemple, on peut citer l'arrêt
Rodière (CE 26 décembre 1925) qui constitue une
véritable théorie de la reconstitution de carrière.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat pose comme principe :
« La reconstitution doit permettre de placer l'agent dans la
position exacte qu'il occupait s'il n'avait fait l'objet de la mesure
annulée. Elle exige donc qu'une portée rétroactive soit
donnée aux mesures d'exécution de l'arrêt annulant la
décision irrégulière »163(*).
En s'inspirant de ce principe, la jurisprudence de la
Chambre administrative de la Cour Suprême a varié au fil des
années. En effet, en 2000, elle a rendu deux arrêts sur la
reconstitution de carrière. Dans la première espèce
(arrêt n°001/2000 du 10 févier 2000, Sieurs OKANA Bruno et
autres c/ ordre général n°03 du 23 juillet 1992 du Chef d'Etat
Major Général des Forces Armées Congolaise), le sieur
OKANA Bruno et six autres sous-officiers des forces armées congolaises
victimes de l'intolérance politique s'étaient vu être
nommés au grade de Sergent par ordre général n°03 du Chef
d'Etat Major Général. Estimant que cette nomination
n'était pas conforme aux articles 1, 2 et 3 de l'acte n°032/91 du 18
juin 1991 de la Conférence Nationale Souveraine, les requérants
intentèrent un recours en annulation contre ledit ordre. Cependant,
dans sa décision, le juge administratif bien que reconnaissant
fondé les moyens invoqués par les demandeurs s'est
arrêté à la simple annulation en statuant comme suit
Ó « Annule l'acte administratif intitulé Ordre
général n°03 du 23 juillet 1992 pris par Monsieur le Chef d'Etat
Major Général des Forces Armées Congolaises en date du 13
août 1992». Il en est de même dans la seconde
espèce (arrêt n°013/GCS-2000 du 15 septembre 2000, NIAMANKESSI
Vincent et autres c/ la décision intitulée Ó
Ordre général n°01 portant nomination des militaire des FAC,
victimes de l'intolérance politique, en âge de servir du 19
février 1994). Dans cette affaire dont les faits sont similaires,
le juge administratif a statué dans le même sens.
Pourtant, dans son arrêt rendu en 2005
(arrêt n°013/GCS-05 du 12 mai 2005, NGUIMBI Marcel et autres c/ Ordre
général n°15 bis du 21 février 1994 du Chef d'Etat Major
Général), le juge est allé au-delà de la
simple annulation en statuant comme suit Ó «Annule ledit
Ordre ; Ordonne la reconstitution de carrière des
intéressés conformément à l'Acte n°32/91 de la
conférence nationale souveraine ;». C'est donc pour
autant dire qu'en 2005, le juge en faisant des injonctions à
l'administration militaire a opéré une avancée et a
épousé la position du juge administratif français.
Mais, force est de noter que bien avant, dans la doctrine
congolaise, le Professeur J.M.BRETON s'appuyait sur la jurisprudence
M'barga (C.S.Adm. 26 juillet 1962) pour affirmer que :
« dans les décisions prononcées par le juge, les
annulations pour excès de pouvoir sont réputées avoir un
effet absolu, pour le passé (et donc à titre rétroactif)
comme pour l'avenir »164(*).
Cependant, on peut constater que le juge administratif
suprême n'est pas resté attaché aux mutations de la
jurisprudence administrative française. En effet, il n'a pas pris en
compte les revirements qu'ont subis les effets de l'annulation d'un acte pour
excès de pouvoir. L'arrêt Association AC et autres
(C.E Ass. 11 mai 2004) pose une dérogation à l'effet
rétroactif de l'annulation car, selon le Conseil d'Etat :
« Il appartient au juge de prévoir que tout ou partie des
effets de l'acte en cause antérieur à son annulation devront
être regardés comme définitif [de même] le juge
a la faculté de préciser que l'annulation ne prendra effet
qu'à une date ultérieure qu'il
détermine »165(*).
Ensuite, au Congo, le juge administratif ne tient pas du
législateur un pouvoir d'injonction face à l'administration
c'est ce qu'a reconnue la Chambre administrative dans l'arrêt
Kayouloud en ces termes : « en prononçant
au profit de M. Kayouloud, un reclassement différent de celui qui a
été fait précédemment par l'administration et en
ordonnant l'exécution de ce nouveau classement, a accompli un acte de
la seule compétence de l'administration (...) et a fait à
l'administration une injonction que le droit ne permet qu'exceptionnellement au
juge judiciaire et seulement en cas de voie de fait »166(*). Or en France, par la loi
n°95-125 du 8 février 1995, le législateur a introduit dans
le code des Tribunaux administratifs et Cours administratives d'appel
l'article L.8-2 et, par celle du 16 juillet 1980 (article 6-1), il a
conféré au juge administratif français un pouvoir de
faire des injonctions à l'administration.
Paragraphe2 : Un juge travaillant dans des conditions
précaires et en proie à la concurrence des organes non
juridictionnels.
Dans un Etat de droit, l'un des défis que doit
relever un juge de l'excès de pouvoir consiste à tempérer
l'autorité absolue de l'administration face aux administrés,
équilibrer et concilier les prérogatives légitimes de
l'intérêt général et les droits et libertés
des individus. Dans un article paru dans le journal le Monde, Jean RIVERO
expliquait que : « Le Conseil d'Etat, depuis plus de cent
cinquante ans, réussit ce singulier tour de force : servir à
la fois l'autorité vraie du pouvoir en le gardant contre sa naturelle
propension à l'arbitraire, et la liberté des
citoyens »167(*).
Pour relever un tel défi, le juge a besoin de
travailler dans des conditions adéquates et doit
bénéficier de la confiance des justiciables. Or, le constat au
Congo est amer, le juge de l'excès de pouvoir travaille dans des
conditions précaires,
ce qui entraine une lenteur dans le traitement des dossiers
(A). De plus, certains administrés préfèrent recourir
à des organes non juridictionnels dans le règlement des litiges
administratifs ; ce qui peut affecter le rendement du juge (B).
A)-La lenteur et la précarité des
conditions de travail du juge.
La lenteur dans le traitement des dossiers
qui pose la question des délais raisonnables dans les décisions
rendues par le juge de l'excès de pouvoir (1) n'est en
réalité que la conséquence de la précarité
des conditions dans lesquelles travaille ce juge (2).
1-La lenteur dans le traitement des dossiers : le
juge de l'excès de pouvoir et la question du délai raisonnable.
Dans la connaissance du contentieux de
l'excès de pouvoir, une question se pose Ó celle de savoir si le
juge administratif suprême rend ses décisions dans un délai
raisonnable?
La réponse à cette question n'est pas
aisée, d'autant plus que le législateur de 1983 en
réglementant la procédure devant ce juge n'a fixé que
les délais de recours (article 407 à 409) et pas ceux dans
lesquels la décision du juge peut être rendue.
En réalité, la plupart des législations
ne définissent pas cette notion du délai raisonnable, et souvent,
il n'appartient qu'aux juridictions de combler ce vide juridique en
déterminant, in concreto, au cas par cas, s'il y a violation du
délai raisonnable. Dès lors, l'appréciation du
délai raisonnable est une question de fait qui doit être
examinée pour chaque affaire.
En France, cette question est traitée
différemment grâce aux exigences communautaires. En effet,
l'article 6.1. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
Tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur des droits et obligations de
caractère civil », notons que les termes :
« droits et obligations de caractères
civils, » ont été interprétés de
manière extensive même en matière administrative.
Dans la pratique, lorsqu'on examine les arrêts rendus
par le juge de l'excès de pouvoir au Congo, il faut compter une
année au minimum et cinq à dix années au maximum entre la
date du dépôt de la requête et celle où l'arrêt
est rendu.
-Dans le premier cas, on peut citer les décisions
(l'arrêt n°04/GCS-2007, Etat congolais c/ arrêt administratif
de la Cour d'appel de Brazzaville et l'arrêt n°06/GCS-2007, Mme YAYO
née SERVICE Marie) rendues à l'audience publique du 12
avril 2007, dans le premier, le recours a été formé le 12
juin 2006, tandis que dans le second, il a été formé le 24
février 2006. Ces décisions n'ont été rendues
qu'un an après.
-Dans le deuxième cas, on peut citer l'arrêt
Dieudonné EKABA-OKOKO (arrêt n°004/GCS-2000), qui n'a
été rendu que le 13 avril 2000 alors que la requête avait
été enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 30
septembre 1994 et l'arrêt NGUIMBI Marcel (arrêt
n°013/GCS-2005) rendu le 12 mai 2005 alors que le recours avait
été formé le 12 septembre 1994, soit près de dix
(10) ans plus tôt.
Il est vrai que la notion même de délai
raisonnable est difficile à apprécier, toutes les affaires ne
présentant pas la même complexité. Mais, le juge ne
doit-il pas tenir compte du fait qu'à chaque recours intenté par
un justiciable est attaché un effet utile? La lenteur du
juge peut entrainer des conséquences lourdes pour le justiciable.
Imaginons qu'il s'agisse d'un recours en annulation contre un refus de mettre
à la disposition d'un malade des moyens nécessaires à son
évacuation sanitaire et que, dans l'attente de la décision du
juge, la maladie empire et conduit le requérant à la mort. A
quoi aurait servi son action ?
Mais, comme nous l'avons susmentionné, le juge de
l'excès de pouvoir, à l'instar de tout autre juge congolais
exerce dans des conditions précaires.
2-Un juge travaillant dans des conditions
précaires.
Ces conditions précaires sont essentiellement
d'ordre matériel. En effet, la Cour Suprême ne dispose pas d'un
siège. Elle partage les locaux de la Cour d'Appel de Brazzaville. De ce
fait, la chambre administrative comme toutes les autres chambres de cette haute
Cour ne disposent pas de compartiment qui lui est propre, on trouve juste un
bureau du Président de la chambre.
De même, en cette ère du numérique, le
juge administratif suprême ne dispose pas des outils adéquats
pour s'arrimer à la pointe de la technologie, il est même
dépourvu d'une simple salle de documentation. Il n'a ni salle de repos
ni réfectoire, en un mot, il n'a pas le confort pouvant permettre
à un juge de son rang de travailler dans des conditions
agréables.
B)-Un juge concurrencé par des organes non
juridictionnels de règlement des litiges administratifs.
Dans son cour de contentieux administratif, le Professeur
B.BOUMAKANI affirme que : « Tous les litiges administratifs ne
relèvent pas de la compétence du seul juge administratif ou tout
simplement d'autres juridictions étatiques (...) Signe des temps,
le constituant ou le législateur multiplie les cas dans lesquels la
solution du litige administratif ne passe pas, ou pas en premier lieu, par le
recours au juge »168(*).
C'est ainsi que dans la recherche des solutions aux litiges
qui les opposent à l'administration, certains citoyens
préfèrent recourir à des organes administratifs non
juridictionnels (1). L'émergence de ces organes vient fortement
concurrencer l'oeuvre du juge de l'excès de pouvoir d'où la
nécessité d'évaluer son rendement de ces cinq
dernières années (2).
1-L'émergence des organes non juridictionnels
de règlement des litiges administratifs.
Lorsqu'il est lésé du fait d'un acte
administratif, le citoyen mis à part le recours à un juge aux
fins d'annulation de cet acte, peut rechercher la solution du litige en
faisant recours à des organes non juridictionnels.
Il peut ainsi recourir soit à l'administration
elle-même (a) soit à un organe public non juridictionnel et
extérieur à l'administration tel que le médiateur de la
république (b).
a- Le règlement par l'administration
elle-même : le recours administratif.
Les litiges administratifs peuvent
être réglés par l'administration elle-même soit
d'office, soit à la demande des administrés.
L'article 410 du CPCCAF dispose :
« Toutefois, avant de se pourvoir en annulation d'une
décision administrative, les intéressés peuvent
présenter, dans un délai de 2 mois, un recours administratif
hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite
décision (...) ».
Par le terme « rapporter », le
législateur reconnaît le pouvoir de l'administration d'abroger
ou de retirer elle-même l'acte querellé et de mettre ainsi fin au
litige.
Les administrés qui sont lésés du fait
d'un acte administratif, qui ont subi un préjudice du fait de
l'administration, peuvent former des recours administratifs en s'adressant soit
à l'autorité qui a pris la décision contestée
(recours gracieux), soit à son supérieur hiérarchique
(recours hiérarchique), soit aux autorités de tutelle, lorsqu'il
s'agit d'une personne publique autre que l'Etat (recours de tutelle).
Il peut invoquer à l'appui de son recours non
seulement des moyens de droit, mais également des moyens de fait.
Il convient de retenir que même si le recours pour
excès de pouvoir et le recours hiérarchique tirent leurs
origines des mêmes textes de loi, celui des 7-14 octobre 1790
disposant : « Les réclamations d'incompétence
à l'égard des corps administratifs sont portées devant le
roi, chef de l'administration générale », au
Congo, le premier, quoique présentant plus de garantie, est cependant
délaissé au profit du second.
En effet, aujourd'hui une personnification aiguë de
l'administration par ses autorités convaincues que
« le roi (l'administration) ne peut mal
faire »169(*) entraîne chez ces derniers une acrimonie
contre les particuliers ayant intenté un procès contre leurs
décisions. Les administrés perçoivent l'administration
comme « une construction extérieure et ses
représentants comme des éléments imposés auxquels
il faut accepter de se soumettre »170(*).
Dans la recherche d'une solution au litige qui les oppose
à elle, ils préfèrent recourir à des solutions
internes où l'administration est juge et partie. Cette attitude
réduit considérablement le rendement du juge.
A côté de ce mode de règlement interne
à l'administration, l'administré peut recourir au
médiateur de la République.
b-Le recours à une autorité
administrative indépendante : le Médiateur de la
République.
L'article 165 de la constitution du 20
janvier 2002 dispose : « Toute personne, physique ou morale,
qui estime, à l'occasion d'une affaire la concernant, qu'un organisme
public n'a pas fonctionné conformément à la mission de
service public qui lui est dévolue, peut, par une requête
individuelle, saisir le médiateur de la
République ».
Le médiateur est une autorité administrative
indépendante chargée de simplifier et d'harmoniser les rapports
entre l'administration et les administrés ; c'est une sorte
d'intercesseur entre les citoyens et l'administration.
Selon la loi du 31 octobre 1998, le médiateur est
nommé pour trois ans renouvelables par un décret pris en conseil
des ministres, sa saisine est directe. Lorsqu'il est saisi par un
administré lésé du fait d'un acte administratif, le
médiateur peut, s'il estime la réclamation justifiée,
faire toute recommandation qu'il juge utile et proposer une solution à
l'administration concernée.
Mais « le médiateur ne rend pas la
justice administrative, il la sert »171(*). Son efficacité
connait des entraves car ses pouvoirs ne sont pour l'essentiel que de
persuasion et de pression, même si la publicité de son rapport et
ses recommandations les dotent d'une certaine force.
Notons aussi que la plainte au médiateur ne proroge
pas les délais du recours contentieux de sorte qu'en cas d'échec
de son intervention, la voie juridictionnelle risque d'être
fermée.
Qu'il s'agisse de l'administration elle-même ou du
Médiateur, l'action de ces autorités n'entraîne pas une
véritable sanction contre la violation de l'ordre légal. Seul le
juge de l'excès de pouvoir peut par l'annulation de l'acte rappeler
à l'administration l'obligation qui lui est faite par le
législateur de se soumettre à la règle de droit. Pourtant,
de plus en plus l'activité du juge est concurrencée par ces
organes extra judiciaires ; ce qui empiète sur le rendement de ce
dernier. Aussi avons-nous jugé nécessaire d'évaluer son
rendement.
2-Les évaluations dans le rendement du juge
de l'excès de pouvoir.
L'activité contentieuse de la
chambre administrative de la Cour Suprême intéresse à titre
premier le contentieux de l'excès de pouvoir et moins
fréquemment, celui du pourvoi en cassation, le recours pour
excès de pouvoir « est en réalité ce qui
constitue l'essentiel de l'activité menée au sein de la chambre
administrative de la Cour Suprême »172(*).
Pourtant, en vingt ans (1962-1982), cette Chambre n'a
rendu, en tout et pour tout, que treize (13) arrêts sur le recours en
annulation.
Il est vrai, comme l'affirme le Président A.ILOKI,
que : « C'est après les guerres civiles successives
des années 1993, 1997 et 1998 que le contentieux administratif s'est
développé considérablement »173(*). En réalité,
ce n'est pas tant l'effet des guerres répétitives, mais
plutôt l'avènement du nouveau constitutionnalisme des
années 1992 et plus encore les exigences des institutions
internationales qui conditionnaient leur aide au développement pour les
Etats du tiers monde par leur soumission au droit. Sur ce point, le
Président ILOKI estime que : « Chaque Etat [le Congo
en particulier] se trouve donc placé dans l'obligation de se conformer
non seulement à sa propre législation au sens le plus large de ce
terme, mais également aux grands principes communément admis qui
régissent la vie administrative des nations »174(*).
Quoiqu'il en soit, lorsqu'on examine les statistiques du
rendement de cette Chambre ces cinq (5) dernières années, on peut
affirmer que le rendement de ce juge s'est considérablement
amélioré. Pour s'en convaincre, il conviendra de faire une
représentation de son rendement entre 2005 et 2010 par un tableau et des
diagrammes.
Tableau 1: Rendement du juge de l'excès de
pouvoir entre 2005 et 2010.
Années
|
Total d'arrêts rendus en matière du
recours pour excès pouvoir
|
Arrêts déclarés
irrecevables
|
Arrêts déclarés
recevables
|
2005
|
10
|
7
|
3
|
2006
|
6
|
3
|
3
|
2007
|
14
|
8
|
6
|
2008
|
6
|
2
|
4
|
2009
|
5
|
3
|
2
|
2010
|
4
|
1
|
3
|
D'après ce premier diagramme, nous avons pris un
échantillon de cinq années dans l'ensemble de l'activité
du juge de l'excès de pouvoir de 2005 à 2010. Au cours de ces
cinq années, le juge a rendu en moyenne six (6) arrêts par an, son
activité a atteint son pic en 2007 (comme nous le montre la courbe en
vert) où, il a rendu quatorze (14) arrêts, autrement dit un nombre
supérieur à celui des vingt années susmentionnées
(1962-1982).
Les arrêts déclarés irrecevables
(représentés par une courbe bleu) avec une moyenne de quatre par
an, ont atteint leur pic en 2007 également. La plupart des
arrêts déclarés irrecevables sont fondés sur le non
respect des règles de forme.
Quant aux arrêts déclarés recevables,
leur nombre oscille entre un (1) et quatre (4) par an, le pic ayant
été atteint en 2007. On peut donc conclure que dans la
majorité des recours pour excès de pouvoir entre 2005 et 2010,
les recours déclarés recevables représentent près
de la moitié. En effet sur un total de 45 arrêts portant sur le
recours en annulation, on compte 21 arrêts déclarés
recevables contre 24 déclarés irrecevables.
Mais, il convient aussi d'évaluer l'ensemble de
l'activité du juge administratif suprême au cours de ces
années. Pour cela, nous avons à travers un autre diagramme
comparé les arrêts rendus en matière de recours pour
excès de pouvoir et les arrêts rendus en matière de
cassation.
C'est en 2005 (19 arrêts rendus dont 10 sur le
recours pour excès de pouvoir ) et en 2007 (18 arrêts rendus dont
14 sur le recours pour excès de pouvoir) que l'activité du juge
administratif suprême a eu un rendement sans précédent.
C'est en 2006 et 2010 que son rendement a baissé, il n'a rendu que dix
(10) arrêts.
Les arrêts rendus en matière de cassation
sont les moins nombreux ; ils n'ont presque jamais dépassé
les arrêts rendus en matière de recours pour excès de
pouvoir, sauf en 2009 et 2010 (courbe rouge).
En conclusion, on peut affirmer sans ambage qu'au sein de la
chambre administrative de la Cour Suprême, l'activité portant sur
le contentieux de l'excès de pouvoir est plus intense que celle relative
au pourvoi en cassation. De même qu'on peut aussi affirmer, que son
rendement dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir a
connu une croissance sans précédent. En effet, entre 1962 et
1982 ( soit vingt ans) les statistiques de l'activité juridictionnelle
de cette Chambre en matière d'excès de pouvoir ne
réprésentaient que treize (13) arrêts portant sur
l'annulation d'actes administratifs. Or au regard des statistiques de ces cinq
dernières années, il apparaît clairement que le juge de
l'excès de pouvoir est « actuellement plus hardi qu'il ne
l'était à l'époque de cet aperçu
statistique »175(*).
Ces évolutions considérables dans
l'activité du juge congolais peuvent être comparées
à celles du juge marocain.
En ce sens, le Professeur M.A.BENABDALLAH, affirmait
que : « Quantitativement et qualitativement, ce
progrès concerne non seulement le nombre de recours au juge de
l'excès de pouvoir qui a augmenté de manière remarquable
par rapport au passé, mais surtout le fait que le juge administratif a
commencé à réaliser des avancées et des
nouveautés que naguère l'on n'aurait jamais pu imaginer tant la
timidité et la réserve qu'il affichait à l'égard de
l'administration caractérisaient le plus clair de son
comportement »176(*).
Si les difficultés susmentionnées sont
propres au juge administratif suprême, il convient de relever que les
juges ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation de certains
actes administratifs rencontrent aussi des difficultés dont l'examen est
nécessaire.
SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE
L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION.
Qu'il s'agisse de la Cour constitutionnelle ou de la
chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C, ces juridictions sont
souvent confrontées à plusieures difficultés dans
l'exercice de leur compétence exceptionnelle qui consiste à
annuler certains actes administratifs.
C'est ainsi que nous examinerons en premier lieu, les
restrictions au champ d'intervention du juge constitutionnel en matière
d'excès de pouvoir (§1) et en second lieu, les difficultés
tant endogènes qu'exogènes au juge communautaire dans ce domaine
(§2).
Paragraphe1 : Les restrictions au champ d'intervention
du juge constitutionnel en matière d'excès de pouvoir.
Au Congo, le juge constitutionnel dispose
d'un champ d'intervention très large, il connaît à la fois
du contrôle de la constitutionnalité des lois, des traités
et des accords internationaux ; il connaît aussi de l'ensemble des
opérations des élections présidentielle,
législative, sénatoriale et référendaire ; il
connaît aussi à titre exceptionnel de l'annulation des actes
rattachés au contentieux électoral.
Dans l'exercice de cette plénitude de
compétence on dénote une absorption du recours pour excès
de pouvoir par le contentieux électoral (A) et l'on reproche aussi
à ce juge d'être cantonné dans l'exercice des
compétences classiques (B).
A)-La forte tendance d'une absorbtion du recours pour
excès de pouvoir par le contentieux électoral.
Au Congo, le contentieux électoral (élections
présidentielle et parlementaire) a été confié au
juge constitutionnel qui dispose des pouvoirs plus étendus. Du fait de
l'hétérogénéité de sa compétence en
matière électorale, il peut s'avérer difficile de
distinguer le recours électoral du recours en annulation pour
excès de pouvoir.
Le recours pour excès de pouvoir se trouve
imbriqué dans le recours électoral (1) et on note donc une quasi
absence de la théorie des actes détachables en matière
électorale (2).
1-L'imbrication du recours pour excès de
pouvoir dans le contentieux électoral.
L'article 110 de la loi n°9-2001 du 10 décembre
2001 portant loi électorale dispose : « Le
contentieux relatif aux élections à la Présidence de la
République et aux Assemblées parlementaires relève de la
compétence du juge constitutionnel ». Mais, le
législateur n'a pas précisé l'étendu ou le domaine
de ce contentieux. Aussi répondant à cette
préoccupation, le juge administratif suprême a affirmé
que : « ce contentieux ne saurait se limiter au contentieux
relatif à la proclamation des résultats des élections,
mais engloberait la totalité du contentieux électoral, y compris,
bien évidemment, le contentieux relatif à la
légalité des décrets et textes divers pris en application
de la loi électorale du 10 décembre
2001 »177(*).
C'est pour autant dire que tous les actes administratifs
pris en application de la loi électorale, sont considérés
comme « des actes non
détachables »178(*) de l'ensemble des opérations
électorales. Ainsi donc, tout recours en annulation contre ces actes se
trouve imbriqué dans le contentieux électoral et leur
illégalité ne peut être invoquée que devant le juge
électoral qui statuera sur l'ensemble du contentieux sans dissocier
l'un de l'autre.
L'article 63 de la loi organique n°1-2003 du 17
janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle dispose : « Pour l'examen des affaires qui
lui sont soumises, la Cour constitutionnelle a compétence pour
connaître de toutes questions posées ou exceptions
soulevées à l'occasion de la requête. En ce cas, sa
décision n'a d'effet juridique qu'en ce qui concerne
l'élection dont elle est saisie ». Par application du
principe « juge de l'action est juge de
l'exception »179(*), le recours pour excès de pouvoir se trouve
ainsi imbriqué dans le contentieux électoral et cette absorption
a tendance à faire disparaître la distinction qui devrait
exister entre ces deux recours. Or, il faut rappeler que le juge
constitutionnel n'est pas un juge naturel du recours pour excès de
pouvoir, il éprouve donc des difficultés dans la connaissance de
ce contentieux.
Cette procédure empêche l'application d'une
théorie des actes détachables dans le contentieux
électoral.
2-L'absence d'une théorie des actes
détachables dans le contentieux électoral.
D'une manière générale, la notion
d'acte détachable est utile à la détermination du juge
compétent pour connaître de certains litiges. Cette notion est
donc une clé dans la repartition des compétences entre deux
ordres de juridiction.
Dans le cas du contentieux électoral au Congo,
l'existence d'une telle notion pourrait aider à repartir les
compétences entre la Cour constitutionnelle (juge électoral) et
la chambre administrative de la Cour Suprême (juge de l'excès de
pouvoir ).
Cependant, même dans la jurisprudence française
« on ne peut pas dire qu'il se dégage de la jurisprudence
du Conseil d'Etat un critère permettant de définir de
façon certaine ce qu'il faut entendre par actes
détachables »180(*). Dans une jurisprudence d'avant les
indépendances (CE 4 août 1905, Martin), le Conseil
d'Etat a considéré comme détachable du contentieux
contractuel : « tout acte antérieur et
postérieur à la conclusion définitive du contrat pouvant
être déféré au juge administratif par la voie du
recours pour excès de pouvoir »181(*). Par la suite, le Conseil
d'Etat a étendu l'application de cette notion dans le contentieux
électoral.
En effet, la proclamation des résultats d'une
élection est précédée d'un grand nombre d'actes
qui ont pour objet de préparer le scrutin. Ces actes sont soit
matériels soit administratifs ; ce sont des actes
préparatoires. Par principe, la légalité de ces actes ne
peut être contestée que devant le juge de l'élection. Les
articles 16 et 106 de la loi électorale de 2001 énumèrent
ces actes préparatoires et précisent qu'ils « sont
exécutés par l'administration, sous l'autorité du ministre
de l'interieur » et l'article 104 dispose que Ó
« Le contentieux des opérations électorales porte
sur les actes préparatoires et les opérations de
vote ».
Cependant, une question se pose Ó qu'en est-il des
actes préliminaires à l'élection que
l'énumération de l'article 106 de la loi de 2001 n'a pas pris en
compte ? On peut citer les actes relatifs à la campagne
radiotélédiffusée ou encore des actes relatifs à
l'interdiction de l'utilisation de l'internet et des raiseaux sociaux (
facebook , tweeter, yahoo messenger...) lors des campagnes pour des
raisons de sécurité. En France, il est établi que de tels
actes sont détachables du contentieux électoral et
relèvent de la compétence du juge administratif (CE. Ass. 11 mars
1993, Union nationale écologiste ; 26 mars 1993, Parti des
travailleurs.).
L'imbrication du recours pour excès de pouvoir dans
le contentieux électoral et la non application de la théorie des
actes détachables de ce contentieux, ne permettent pas de
déterminer clairement la compétence exceptionnelle reconnue au
juge constitutionnel dans l'annulation de certains actes administratifs. De
plus, la Cour constitutionnelle reste cantonnée dans ses fonctions
classiques.
B)-Un juge cantonné dans les fonctions
classiques.
Au Congo, le juge constitutionnel est resté
cantonné à ces missions classiques (1), alors qu'à
l'instar des autres pays tels que le Benin ou le Gabon, ses compétences
pourraient s'étendre au domaine de l'annulation des actes
administratifs contraires à la Constitution (2).
1-Juge de la constitutionnalité et de
l'élection, un rôle dépassé.
Au Congo, avec la constitution du 15 mars
1992, la justice constitutionnelle a été organisée avec
une volonté affirmée de faire respecter la nouvelle loi
fondamentale étoffée d'une batterie de dispositions
destinées à faire primer les droits fondamentaux. Cette
volonté est réaffirmé avec force dans la constitution du
20 janvier 2002 et l'article 1 de la loi organique n°1-2003 du 17 janvier
2003 dispose : « La Cour constitutionnelle est l'organe
régulateur de l'activité des pouvoirs publics. Elle assure,
à travers ses missions de contrôle la protection des droits et
libertés fondamentaux du citoyen... ».
Cependant dans la pratique, cette juridiction a
été confrontée à des difficultés dans son
organisation. En effet, sous la constitution de 1992, le Conseil
constitutionnel a connu un fonctionnement difficile. Ensuite, sous l'Acte
fondamental du 24 octobre 1997, les compétences naguère
dévolues au Conseil constitutionnel ont été
transférées à la Cour Suprême, son article 73
disposant ce qui suit Ó «Pendant la période de
transition, la Cour suprême assure le contrôle de la
conformité des lois, des traités et des accords internationaux au
présent Acte fondamental». Enfin, c'est avec la Constitution
du 20 janvier 2002 et la loi n°1-2003 du 17 janvier 2003 qu'elle a
été érigée en une véritable juridiction
indépendante des pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire.
Or, dans la tendance actuelle de l'Etat de droit, le
domaine d'intervention du juge constitutionnel ne saurait se limiter au seul
contrôle de la constitutionnalité des lois et des accords
internationaux ou encore à la régularité des
élections. Il s'étend également dans le contrôle
des actes de l'administration portant atteinte aux droits et libertés
garantis par la constitution. Le juge constitutionnel devient à
l'instar des juges ordinaires (administratifs ou judiciaires), garant des
droits et libertés fondamentaux.
En adoptant cette nouvelle approche de la protection des
citoyens contre l'arbitraire administratif, de nombreux Etats d'Afrique
francophone se sont inspirés des modèles allemand et Autrichien
faisant ainsi du juge constitutionnel gardien de la légalité
constitutionnelle.
2-Un juge aux potentialités encore
inexploités
Depuis l'avènement du nouveau constitutionnalisme au
début des années 1990, la plupart des Etats d'Afrique noire ont
optés pour un renforcement des compétences du juge
constitutionnel. En effet, ce dernier est aujourd'hui considéré
comme un gardien de la légalité constitutionnelle. De ce fait, il
est tenu de s'assurer que dans l'édiction des actes administratifs par
les pouvoirs publics, la constitution est respectée. C'est donc en ce
sens, que dans la majorité des textes constitutionnels de ces pays, on a
inséré le contrôle de la constitutionnalité des
actes administratifs. En se reférant au modèle de la
République démocratique du Congo, Dieudonné KALUBA
affirme Ó « Le Droit constitutionnel moderne dans son acception
d'Etat de droit constitutionnel permet d'invoquer la violation de la
constitution comme norme principale tant devant le juge administratif que
devant le juge constitutionnel. Cependant cette dyarchie normative est de
nature à créer un conflit de compétence entre ces deux
juges »182(*).
C'est ainsi que dans certains pays tels que le Benin (
articles 3, 117 et 121 de la constitution du 11 décembre 1990), le Gabon
( articles 84 et 85 de la constitution du 26 mars 1991), la R.D.C (articles 211
et 212 de la constitution du 18 février 2006),
le juge constitutionnel exerce le contrôle de la
constitutionnalité des actes administratifs portant directement atteinte
aux droits fondamentaux prévus dans la constitution. C'est un aspect du
contentieux constitutionnel que la Cour constitutionnel du Congo n'exerce pas
encore.
Le contentieux de l'annulation des actes administratifs
n'est pas seulement affecté par le droit constitutionnel et son juge,
mais aussi par le droit communautaire et de ce fait, le juge communautaire est
aussi confronté à des difficultés dont l'examen
s'avère nécessaire.
Paragraphe2 : Les difficultés endogènes
et exogènes au juge communautaire.
Au nombre des difficultés
auxquelles est confronté le juge C.E.M.A.C dans la connaissance du
contentieux de la légalité, on peut citer les controverses dans
la répartition des compétences au sein même de cette Cour
et les contrariétés entre la supranationalité des normes
communautaires et les impératifs de la souveraineté interne des
Etats membres, ce sont là des difficultés dites endogènes
(A).
Mais, ce juge est aussi méconnu au Congo tant par
l'administration que par les administrés, telles sont les
difficultés qui lui sont exogènes (B).
A)-Controverses dans la répartition des
compétences et contrariétés entre les normes
communautaires et les impératifs internes.
Examinons successivement les controverses dans la
répartition des compétences au sein la Cour de justice CEMAC (1)
et les contrariétés entre les normes communautaires et les
impératifs de souveraineté interne (2).
1-Les controverses dans la répartition des
compétences au sein de la Cour de justice C.E.M.A.C.
Dans son cours de Droit communautaire
C.E.M.A.C, le juge G.F MBEMBA écrit : « Dans la
pratique, la répartition des compétences entre l'instance
plénière de la Cour et les deux chambres ne va pas sans soulever
des controverses »183(*). Abordant la question dans le même sens M.
Jean-Marie NTOUTOUME estime que la lecture logique et cohérente de la
Convention régissant la Cour de justice de la C.E.M.A.C permet
d'établir l'existence d'un double degré de juridiction au sein de
la Cour, avec la Chambre judiciaire et la Chambre des comptes comme juridiction
de premier ressort, et la formation plénière de la Cour de
justice comme instance de dernier ressort.
En effet, comment justifier que la Convention qui institue
la Cour de justice C.E.M.A.C envisage que celle-ci statue tantôt en
dernier ressort, tantôt en appel et en dernier ressort, tantôt
encore en premier ressort, existe-t-il deux degrés de juridiction au
sein de la Cour ou alors entre celle-ci et les juridictions des Etats
membres ? Pourtant, selon les principes de droit judiciaire cette Cour
dans son domaine de compétence devrait statuer en premier et dernier
ressort et ses arrêts devraient avoir autorité de la chose
jugée.
L'article 4 de la Convention du 05 juillet 1996 relative
à la création de la Cour de justice C.E.M.A.C dispose que :
« Dans son rôle juridictionnel, la Cour de justice rend, en
dernier ressort, des arrrêts sur les cas de violation des Traités
de la C.E.M.A.C et des conventions subséquentes dont elle est saisie
conformément à ses règles de procédures
(...) ».
Le fait que la Cour rend ainsi ses décisions en
dernier ressort sous-entend que le différend dont elle est saisie
aurait pu au préalable été jugé en premier ressort
devant une autre juridiction dans ce cas, de quelle juridiction
s'agirait-il ? Un peu plus loin dans cette même Convention,
l'article 14 dispose : « La Chambre judiciaire
connaît, sur recours de tout Etat membre, de tout organe de la C.E.M.A.C
ou de toute personne physique ou morale qui justifie d'un interêt certain
et légitime, de tous les cas de violation des dispositions des
Traités de la C.E.M.A.C et des conventions
subséquentes », à sa lecture, cet article laisse
transparaître une affirmation selon laquelle : la Chambre judiciaire
serait une juridiction de premier ressort.
Alors des deux choses l'une, soit qu'au sein de la Cour de
justice C.E.M.A.C, il y a deux ordres de juridiction dont la première
serait la Chambre judiciaire qui statue en premier ressort et la formation
plénière qui statue en dernier ressort. Soit qu'il n'existe qu'un
seul ordre, la Chambre judiciaire qui statut en premier et dernier ressort,
encore faudrait-il qu'il y est une juridiction de cassation dans ce dernier
cas.
2- Les contrariétés entre les normes
communautaires et les impératifs de souveraineté
nationale.
L' application de la formule tirée de l'arrêt
de la CJCE du 5 février 1963 ( Van Gend and Loos ) : «
La communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit
international au profit duquel les Etats ont limité bien que dans des
domaines restreints, leurs droits souverains »184(*) reste difficile dans le
cadre de la C.E.M.A.C. En effet, le systéme institutionnel et normatif
C.E.M.A.C revêt un caractère supranational qui prime sur les
normes et organes des Etats membres. C'est ainsi que lorsque l'administration
d'un Etat membre prend un acte administratif, celui-ci doit obligatoirement
être conforme au droit communautaire. Or, dans le cadre de la mise en
oeuvre de certaines politiques nationales ( sécurité
intérieure, ordre publique, lutte contre des
épidémies...), l'Etat membre, face à de tels
impératifs, peut prendre des mesures non conformes aux exigences
communautaires.
Dans ces circonstances, il apparaît une
contrariété entre les impératifs liés à la
souveraineté nationale et le respect des normes communautaires. Dans de
telles hypothèses, il est difficile pour le juge communautaire de se
prononcer sur l'annulation d'un acte de l'Etat membre violant la norme
communautaire.
Ces contrariétés empiètent sur une
harmonisation de la jurisprudence communautaire. Elles rendent aussi
difficile la saisine de la Cour par les juridictions des Etats membres à
ce sujet, on note que « La Cour n'a été saisie d'aucun
renvoi préjudiciel entre 2001 et 2005 »185(*).
A côté de ces difficultés
endogènes au juge, d'autres sont exogènes et se traduisent par
une méconnaisance de ce juge tant par les administrés que par
les autorités administratives.
B)- Un juge inconnu tant des administrés que des
autorités administratives congolaises.
La compétence exceptionnelle de la Chambre
judiciaire de la C.E.M.A.C dans l'annulation d'un acte contraire au droit
communautaire ne peut s'exercer que si celui-ci est saisi par les
ressortissants communautaires. Or au Congo, la C.E.M.A.C est plus
considérée comme une institution axée sur
l'économie et les finances. La réalité du droit C.E.M.A.C
et la prise en compte de ses instances judiciaires est assez mal connue dans la
vie sociale, (enseignements, formations et pratiques administratives ). Cette
méconnaissance a pour conséquence, le fait que le juge
communautaire est ignoré tant par les administrés (1) que par les
autorités administratives auteurs des actes qui vont parfois à
l'encontre des exigences communautaires (2). Ces difficultés
n'étant pas le fait du juge communautaire, elles lui sont donc
exogènes.
1-La méconnaissance du juge C.E.M.A.C par les
administrés.
Déjà au plan interne, les
administrés congolais pour des raisons que nous ne sauront
évoquer ici connaissent très mal le juge de l'excès de
pouvoir institué par le législateur, c'est-à-dire la
Chambre administrative de la Cour Suprême. A plus forte raison le juge
communautaire dont l'existence et les procédures de saisine ne sont
mentionnées que dans des textes communautaires.
De plus, il faut relever que le citoyen congolais n'est pas
informé sur les réalités du droit communautaire. En effet
qu'il s'agisse des enseignements au sein des facultés de droit
(publiques ou privées) ou dans des centres de formations
professionnelles, les programmes ne prennent pas en compte le droit C.E.M.A.C.
Lorsqu'un cours sur le droit communautaire est dispensé, celui-ci est
plus axé sur le droit O.H.A.D.A. En conséquence, le Congo se
retrouve avec peu de personnes spécialisées en droit
C.E.M.A.C.
Ainsi, même les professionnels du droit ( avocats,
huissiers, notaires...) semblent ne pas avoir une maîtrise de ce
droit ; ce qui fait que les administrés ne sont ni informés
ni conseillés en ce sens. Le juge communautaire ne pouvant
s'auto-saisir en cas de violation d'une norme communautaire par un acte
administratif émanant d'une autorité de l'Etat membre, cet
aspect du contentieux reste embryonnaire.
Mais l'administré n'est pas le seul à ignorer
l'existence du juge communautaire et sa compétence dans l'annulation
d'un acte contraire aux dispositions communautaires ; les autorités
administratives ignorent aussi dans la plupart des cas l'existence de ce
juge.
2-Un juge ignoré par les autorités
administratives.
Deux situations peuvent être évoquées
dans l'exercice de la compétence du juge communautaire en matière
d'annulation des actes contraires aux normes communautaires de la C.E.M.A.C.
D'abord, en amont du processus d'intervention de ce juge,
c'est-à-dire lors de la prise d'une décision par
l'autorité administrative. Celui-ci peut ou ne pas prendre en compte les
dispositions de la C.E.M.A.C. Soit parce que, cette autorité (maire,
prefet, ministre...) ignore les dispotions communautaires qui régissent
le domaine d'intervention de l'acte en cause. Soit parce que, les
impératifs de satisfaction de l'intérêt
général au niveau interne ne cadrent pas avec l'ordre
communautaire. Cette autorité privilégie alors
l'intérêt national et viole l'ordre communautaire.
De ces deux situations, il va naître un contentieux
tendant à l'annulation de l'acte dont la compétence relève
du juge communautaire en sa qualité de gardien de l'ordre légal
communautaire.
Ensuite, en aval de ce processus d'exercice de cette
compétence c'est-à-dire, lorsque l'acte contraire à
l'ordre communautaire a fait l'objet d'une annulation à la suite d'un
recours intenté par un ressortissant de la communauté devant le
juge communautaire. Dans ce cas, il appartient à l'administration de
l'Etat membre dont émane l'acte annulé d'exécuter la
décision du juge communautaire. A ce titre, l'article 5 de la
Convention du 5 juillet 1996 relative à la création de Cour de
justice de la C.E.M.A.C dispose que : « Les décisions rendues
par la Cour de Justice en application de l'article 4 ont l'autorité de
la chose jugée et force exécutoire », et l'article 16
dispose que Ó « L'Etat membre ou l'organe dont l'acte a
été jugé non conforme au droit communautaire est tenu de
prendre des mesures nécessaires à l'exécution de
l'arrêt de la Chambre judiciaire ».
Qu'il s'agisse de la Chambre administrative de la Cour
Suprême ou des juridictions ayant une compétence exceptionnelle
dans l'annulation des actes administratifs, les difficultés auxquelles
ils sont confrontés sont multiples et nous ne pouvons prétendre
avoir été exhaustif. Mais, le recours pour excès de
pouvoir étant une construction progressive, son amélioration ne
passe que par un renforcement des potentialités des juges ayant en
charge ce contentieux. Tel est l'objet de notre dernier chapitre.
CHAPITPITRE II? LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN
RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR.
Parlant de la justice administrative, le Professeur
Mohammed Amine BENABDALLAH écrivait Ó « Même en
atteignant son point culminant de perfection, la justice administrative doit
continuellement subir des retouches ; si ce ne sont des réformes
profondes, tendant à l'améliorer, à réduire autant
que possible, ses lacunes ; plus précisement, ce qui est
susceptible de constituer une entrave entre l'opprimé et le juge
»186(*).
Depuis 1962, la justice administrative et partant, la
Chambre administrative de la Cour Suprême connaît des
difficultés dans l'exercice du contrôle de la
légalité des actes administratifs.
Pour une amélioration de ce contentieux, il
convient de faire des suggestions allant dans le sens d'un renforcement des
potentialités des juridictions administratives dans ce domaine ( Section
1) et des aménagements dans le transfert des compétences entre
ces juridictions et d'autres organes ayant une compétence exceptionnelle
dans l'annulation des actes administratifs ( Section 2).
SECTION I: RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE
POUVOIR EFFICACE.
Dès son accession à l'indépendance,
le Congo, conscient de la nécessité d'instaurer les bases d'une
justice administrative, sans laquelle toute entreprise démocratique
s'effondrerait, avait institué, grâce à deux lois de
janvier 1962, une procédure administrative et une Cour Suprême
dont la chambre administrative avait reçu une attribution exclusive
dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir.
Mais, près d'un démi-siècle
après, la connaissance de ce contentieux a revélé
plusieurs défaillances et a été confronté
à de nombreuses difficultés. Pour pallier à celles-ci, de
nombreux auteurs ont proposé d'opter pour le dualisme de juridiction
considéré comme la seule garantie d'une véritable justice
administrative et partant d'un recours pour excès de pouvoir
efficace.
Or, la justice est avant tout une question de
souveraineté qui s'attache à l'histoire de chaque nation. Le
système d'unicité de juridiction pour lequel, le Congo avait
opté n'est pas mauvais en soi, il suffit qu'on y apporte certaines
réformes notamment Ó le transfert de la connaissance du recours
pour excès de pouvoir aux juridictions inferieures (§1), et
certains aménagements dans la répartition des compétences
entre ces juridictions et les organes juridictionnels ayant reçu une
compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs
(§2).
Paragraphe 1? Le transfert de la connaissance des actes des
autorités locales aux juridictions inférieures.
En abrogeant la loi n° 31/59 du 30 juin 1959 portant
institution du tribunal administratif en République du Congo, le
législateur du 20 janvier 1962 avait suprimé les Tribunaux
Administratifs et institué un véritable système moniste
juridictionnel. Cependant, dans ses articles 80 à 84, la loi n°19-99 du
15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la
loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire
au Congo, le législateur a rétabli ces Tribunaux.
Epiloguant sur ce rétablissement, certains
auteurs ont estimé que cette institution a « quelque peu
affecté le système d'unicité de juridiction
»187(*) et
d'autres ont de ce fait qualifié le système juridictionnel
congolais de « dualisme en trompe l'oeil »188(*) créant ainsi un
parallélisme avec le modèle marocain.
Cette dernière approche nous semble la plus
aisée à condition que le législateur congolais
procède à la mise en place effective de ces Tribuneaux
administratifs qui comme pour le cas du Maroc seront compétents pour
connaître de l'annulation des actes administratifs émanant des
autorités locales (A).
En créant ainsi un double degré de
juridiction dans le contentieux de l'annulation, la chambre administrative de
la Cour Suprême serait juge de cassation pour le contentieux de
l'annulation de ces actes tout en ayant une compétence exclusive pour
les actes des autorités centrales (B).
A)-Le double degré de juridiction dans
l'annulation des actes des autorités locales ? une inspiration du
modèle marocain.
Il serait pour nous plus judicieux de nous inspirer du
modèle marocain (1). En effet, le législateur marocain , bien
qu'ayant institué un système unitaire de juridiction a, par des
réformes, rendu son système de contrôle juridictionnel des
actes administratifs plus efficace grâce à un double degré
de juridiction en la matière. Puis, nous transposerons ce modèle
dans le système congolais qui possède déjà des
jalons que le législateur de 1992 avait posé (2).
1- L'exemple marocain.
Le recours pour excès de pouvoir a
vu le jour au Maroc sans emprunter la voie qu'il a suivi dans son pays
d'origine. Il a connu une évolution en trois étapes.
En effet, le Dahir du 12 août 1913 relatif à
l'organisation judiciaire du protectorat français du Maroc interdisait
l'exercice du recours pour excès de pouvoir en ces termesÓ «
Il est également interdit aux juridictions de connaître de
toutes demandes tendant à faire annuler un acte d'une administration
publique, sauf le droit pour la partie intéressée de poursuivre
par la voie gracieuse la réformation de l'acte qui lui fait grief
»189(*).
En 1928, le Dahir du 1er septembre modifiant
celui du 12 août 1913 attribue au Conseil d'Etat français la
compétence de connaître des recours pour excès de pouvoir
formés par des fonctionnaires du protectorat au Maroc contre les actes
des diverses autorités administratives relatifs à l'application
du statut de ces fonctionnaires.
En 1957, deux années après son accession
à l'indépendance, la Cour Suprême est créée
et sa Chambre administrative se voit attribuer une compétence exclusive
pour connaître en premier et dernier ressort des recours en annulation
pour excès de pouvoir190(*).
Jusqu'à cette étape de son
évolution, le modèle marocain ressemble assez à celui du
Congo.
Mais, en 1994 ( soit deux ans après la loi
créant les tribunaux administratifs au Congo ), sont entrés en
fonction les tribunaux administratifs qui sont devenus territorialement
compétents, pour connaître, entre autres, des recours en
annulation pour excès de pouvoir, leurs jugements étant
susceptibles d'appel devant la Cour Suprême.
Mieux encore, avec le Dahir du 14 février 2006 sont
mises en place des Cours d'appel administratives.
Désormais, les jugements portant sur le recours
pour excès de pouvoir rendus par les tribunaux administratifs sont
susceptibles d'appel devant les Cours d'appel et de pourvoi en cassation devant
la Cour Suprême.
Aujourd'hui, nul ne saurait contester que la
création des tribunaux administratifs a eu un effet psychologique des
plus salutaires sur une justice dans laquelle l'institution du recours pour
excès de pouvoir constitue une arme de défense des droits et
libertés.
Si l'on se réfère aux chiffres, on se rend
compte qu'en trente-sept ans, soit de 1957 à 1994, la chambre
administrative de la Cour Suprême du Maroc n'avait rendu qu'environ 1700
arrêts, alors qu'entre 1994 et 2006, le tribunal administratif de Rabbat,
à lui seul, a rendu 4039 arrêts portant sur ce recours.
Sur le plan pratique, les juridictions inférieures
dotées des compétences en matière d'excès de
pouvoir ont inauguré une nouvelle manière d'appréciation
de l'action administrative et des relations de l'administration avec ses
usagers. Sitôt mis en place, elles se sont saisies sur les
premières occasions pour fléchir une jurisprudence qui concordait
fort mal avec les réalités de la société dans
laquelle elles ont été instituées.
C'est donc ce modèle qui du fait de sa
ressemblance avec le système congolais ; devrait être
transposé au Congo pour un renforcement du contrôle de la
légalité des actes administratifs.
2- Application dans le système congolais
? fonctionnement des tribunaux administratifs et
renforcement des Chambres administratives au sein des Cours
d'appel.
Ce sont des institutions qui existent
déjà, du moins du fait de la loi. En effet les articles 80
à 84 de la loi de 1999 sur l'organisation judiciaire prévoient
la création des Tribunaux administratifs par districts ou
arrondissements et l'article 56 alinéa 3 prévoie au sein d'une
Cour d'appel « Une ou plusieurs chambres administratives
compétentes pour connaître des appels en matière
administrative».
En matière administrative, le double degré
est établi par l'article 48 de la même loi en ces termes Ó
« Les Cours d'Appels connaissent en dernier ressort des appels des
jugements rendus en premier ressort par (...), les Tribunaux
administratifs...».
Il ne manque plus que deux choses Ó D'abord la mise
en place effective des tribunaux administratifs dans chaque ressort d'une
Cour d'appel ( Brazzaville, Point-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso ) dans un
premier temps. Ensuite, une loi attribuant la compétence à ces
tribunaux (au premier degré ) et aux Cours d'Appels à travers
leurs chambres administratives ( au second degré ) dans la connaissance
des actes des autorités locales ( déconcentrées et
décentralisées ainsi que ceux des établissements publics
relevant du ressort de ces juridictions ).
En termes plus clairs, nos suggestions portent sur le fait
que la connaissance du contentieux de l'annulation des actes administratifs ne
doit plus être considérée comme l'apanage de la seule
chambre administrative de la Cour Suprême. Ce contentieux doit être
décentralisé ou libéralisé, en transférant
une grande partie aux juridictions de niveau inférieur. Mais les juges
du fond ne connaitront que de l'annulation des actes d'une certaine
catégorie notamment, ceux des autorités
déconcentrées ou décentralisées telles que les
Prefêts, les Maires, les Directeurs départementaux et les
autorités des Etablissements publics accomplissant des missions de
services publics et dont les actes sont susceptibles de recours.
L'institution d'un double degré de juridiction en
matière du contentieux de l'annulation aura un triple avantages
Ó D'abord rendre le juge de l'excès de pouvoir plus proche de
l'administré ; ensuite rapprocher ce moyen de contrôle de
l'administration déconcentrée et décentralisée et
enfin permettre aux jeunes magistrats en début de carrière
à s'imprégner de ce contentieux et d'être aguerris
à son examen.
La chambre administrative de la Cour Suprême
deviendrait ainsi juge de cassation pour l'annulation des actes émanant
des autorités locales, tout en conservant la compétence exclusive
pour les actes des autorités nationales. Ces réformes
nécessitent un amendement des règles procédurales.
B)-La Cour suprême, juge de cassation des actes
des autorités locales et la nécessité d'un amendement des
règles procédurales.
En suggérant le choix d'un système
dualiste, certains auteurs ont proposé la mise en place soit d'un
Conseil d'Etat, soit d'une Cour Suprême administrative. Notre suggestion
tendant au renforcement du système moniste avec la mise en place
effective des tribunaux administratifs et d'un double degré de
juridiction en matière d'excès de pouvoir, la Chambre
administrative de la Cour Suprême serait de ce fait juge de cassation
(1). Ces réformes nécessitent un amendement des règles
procédurales (2).
1-La Chambre administrative de la Cour Suprême,
juge de cassation du contentieux de l'annulation des actes locaux.
Avec le double degré de juridiction dans la
connaissance de l'annulation des actes des autorités
déconcentrées et décentralisées, la chambre
administrative de la Cour Suprême deviendrait juge de cassation des
arrêts rendus par les Chambres administratives des Cours d'appel.
Cette compétence pourrait ainsi être
intégrée dans une interprétation lato sensu de
l'article 4 ( nouveau) de la loi 15 avril 1999 portant organisation et
fonctionnement de la Cour Suprême qui dispose Ó « La Cour
Suprême se prononce sur les pourvois en cassation (...), dirigés
contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort et en
toutes matières par toutes les juridictions (...) ».
Cependant, force est de rappeller que la Cour
Suprême reste exclusivement compétente pour connaître des
actes des autorités administratives de premiers rang ( les
décrets du Président de la République, les
arrêtés des Ministres...) du fait de leur importance.
2-Réformes et aménagements des
règles procédurales en matière du contentieux de
l'annulation.
D'abord le législateur devrait procéder
à des réformes tendant à réorganiser les
compétences des juridictions administratives et la procédure
devant celles-ci, une formule améliorée de la loi n°06/62 du 20
janvier 1962 relative à la compétence de la cour d'appel et des
tribunaux de grande instance et à la procédure suivie devant ces
juridictions en matière administrative. Ces réformes
permettraient la mise en place des tribunaux administratifs sur toute
l'étendue du térritoire national. Ensuite, elles
établiraient une rédistribution des compétences entre les
juridictions de fond et la chambre administrative de la Cour Suprême en
matière de recours pour excès de pouvoir.
Enfin, le législateur pourrait assouplir
certaines conditions de recevabilité du recours . En effet, certaines
exigences dans la recevabilité des requêtes portant sur le recours
pour excès de pouvoir peuvent être délaissées pour
favoriser l'accès des administrés à la justice.
De même l'exigence de joindre la décision
administrative attaquée à la requête introductive
d'instance, l'expérience ayant montré que les administrations
réchignent à mettre ces décisions à la disposition
de ses administrés. Il serait intérressant de doter le juge saisi
d'un pouvoir de demander à l'administration de produire aux
débats la décision contestée.
Ces amendements ne pourront aboutir à des
véritables changements que si le juge de l'excès de pouvoir se
voit doter des moyens d'ordre matérièl.
Paragraphe 2Ó L'institution d'un véritable
juge administratif plus tatillon dans la connaissance du recours pour
excès de pouvoir.
Sans nul doute, du fait de sa complexité, le
contentieux administratif et partant le domaine du recours pour excès de
pouvoir est un univers où la spécialisation du juge est de
mise.
Au Congo, la charge de connaître un contentieux
aussi important dans la construction d'un Etat de droit doit être
confiée à un juge taillé à la mesure de
l'administration, capable de débusquer ses ruses (A). Mais pour cela,
il doit être doté de plus de pouvoirs et d'indépendance
(B).
A)- Un juge taillé à la mesure de
l'administration congolaise.
Pour exercer un contrôle de la
légalité des actes administratifs plus efficace, le juge
congolais doit subir une formation plus spécialisée (1) et pour
ceux qui sont déjà en fonction dans les juridictions
administratives, ils doivent bénéficier des stages de recyclage
axés dans le domaine du droit administratif et de son contentieux
(2).
1-Une formation plus spécialisée en
matière administrative.
Au Congo, pour une meilleure justice administrative, il
convient de réfléchir sérieusement à un
système approprié de formation des magistrats appelés
à intervenir au sein des juridictions administratives. En effet, on ne
peut jamais prétendre bien connaître une matière telle que
le contentieux administratif seulement en l'étudiant ou en
l'exerçant parmi tant d'autres, sans entrer dans ses moindres
détails pour en avoir une connaissance à la hauteur de la
fonction que l'on doit exercer.
Il est donc temps d'opter pour un système de
formation à deux options ( judiciaire et administrative ) où des
candidats titulaires d'une maîtrise de Droit public ou d'un Master en
droit public approfondi accederaient par voie de concours à l'Ecole
Nationale d'Administration et de Magistrature dans la filière
magistrature (option administrative).
Enfin de formation, ils seraient directement affectés
dans des tribunaux administratifs pour ensuite évoluer au sein d'une
chambre administrative de Cour d'appel et peut être, finir un jour leur
carrière à la chambre administrative de la Cour
Suprême.
Sans cette spécialisation dans la formation des
magistrats congolais, on aura beau mettre en place des juridictions
administratives et les doter des compétences les plus étendues,
on demeurera constamment dans l'à peu-près.
Mais, qu'en serait-il des magistrats déjà en
fonction?
2-La nécessité de recycler les
magistrats dans le domaine administratif.
Comme nous l'avons souligné, l'une des causes de
la faiblesse d'une justice administrative au Congo, c'est l'absence d'un
personnel spécialisé pour statuer en matière de
contentieux administratif. En effet, les magistrats évoluant au sein
de la chambre administrative de la Cour Suprême et des autres
juridictions administratives sont régis par un principe de la
polyvalence, ce sont des juges à tout faire ; or il est
incontestablement établi que Ó « le principe de la
polyvalence du juge s'attèle à la recherche du travail accompli
dans la moyenne, tandis que le principe de la spécialisation milite pour
l'accomplissement d'une justice excellente et efficace »191(*).
Le seul moyen d'y remédier, c'est d'organiser des
formations de recyclage, des séminaires, des conférences bref,
des cadres de formation pour les magistrats évoluant dans des
juridictions administratives afin de les outiller et de renforcer leurs
connaissances dans ce domaine. Pour cela, il appartiendrait au
ministère de tutelle de faire bénéficier à ces
magistrats des stages de formation dans d'autres pays, tel que la France, de
créer une synergie avec les juridictions administratives des autres
Etats pour un partage d'expérience.
Mais l'efficacité dans la connaissance du
contentieux de l'excès de pouvoir ne dépend pas simplement d'un
corps de magistrats spécialement formés dans le domaine
administratif. En sus de cette spécialisation, le juge de
l'excès de pouvoir devrait être doté d'un maximum de
pouvoirs pour faire face à une administration aux prérogatives
sans cesse plus étendues.
B)-Un juge doté de pouvoirs plus étendus
et d'une indépendance face à une administration aux
prérogatives sans cesse croissantes.
L'administration apparaît souvent comme un «
lieu où sévit l'illégalité (...) le refuge de
la vengeance dans lequel s'abriterait les règlements de compte dont
seraient auteurs les autorités administratives qui disposent
légalement du pouvoir de décider unilatéralement
»192(*). Le
juge de l'excès de pouvoir est considéré comme un
instrument dont la mission consiste à empêcher l'arbitraire
administratif. Pour garantir l'équilibre entre l'intérêt
général d'une part et la préservation des droits et
libertés d'autre part, le juge devrait être doté des
pouvoirs plus élargis (1) et bénéficier des garanties
d'indépendance (2).
1-Renforcement des pouvoirs du juge de l'excès
de pouvoir.
Le Congo est resté dans une conception classique
du recours pour excès de pouvoir où, le juge de l'excès
de pouvoir est limité dans sa marge de manoeuvre face à une
administration puissante. Dans ce domaine, ses pouvoirs ne se limitent
qu'à la simple annulation des actes administratifs et à la
possibilité d'ordonner, dans des cas exceptionnels et à la
demande de réquerant, le sursis à exécution desdits
actes. Ce principe classique était déjà affirmé
par Edouard LAFERRIERE en ces termes Ó « Le demandeur ne peut
conclure qu'à l'annulation de l'acte attaqué, et le Conseil
d'Etat n'a le droit de rien statuer au-delà, sauf bien entendu, les
questions de sursis, de procédure et de dépens
»193(*).
C'est en application de ce principe classique que, le
juge administratif français s'est opposé à la
recevabilité des conclusions aux fins d'injonction (CE 4
février 1976, Elissonde) et Jean RIVERO dans un article
célèbre « Le Huron au palais royal ou reflexions
naïves sur le recours pour excès de pouvoir »194(*) s'étonnait de
l'impuissance de la juridiction administrative à exécuter ses
décisions.
Au Congo, il arrive des fois où les
autorités administratives refusent parfois de délivrer à
un administré l'acte administratif qu'il conteste, comme pour
l'empêcher d'exercer les voies de recours prévus par la loi.
Or, le principe est qu'il est fait interdiction au juge de l'excès de
pouvoir congolais de faire des injonctions à l'administration de
sorte qu'il ne pourrait lui demander la production de l'acte administratif
attaqué.
De plus, aux termes des articles 412 à 414 du
CPCCAF, la Chambre administrative de la Cour Suprême ne peut ni
modifier, ni remplacer l'acte annulé. Elle peut juste l'annuler sans
pouvoir ordonner à l'administration de procéder à la
modification de l'acte critiqué. C'est ainsi que dans son
arrêt KAYOULOUD (CS.Adm 20 mai 1977), le juge administratif
suprême a considéré comme un « principe
fondamental du droit administratif, l'indépendance de l'administration
à l'égard du juge, qui découle du principe de la
séparation des autorités administrativess et judiciaires
»195(*), ce
principe interdisant au juge administratif de faire des injonctions à
l'administration.
Le législateur congolais, devrait s'inspirer du
modèle français pour renforcer les pouvoirs du juge administratif
face à l'administration. En effet dans le système
français, la loi du 08 février 1995 en accordant au juge
administratif le pouvoir de faire des injonctions à l'administration
a « tourné une page de l'histoire du régime du
contentieux administratif français »196(*). Mais le juge administratif
faisant en cela montre de hardièsse est allé au-delà de
la simple application de cette loi.
A ce propos, Daniel LABETOULLE ( Président de
section honoraire du Conseil d'Etat ) n'affirmait-il pas que Ó «
Aude-là des textes, l'envol de la jurisprudence, l'injonction va
trouver à s'appliquer aude-là des textes qui l'ont
instituée »197(*). Mais, ce n'est pas seulement dans le domaine de
l'injonction que le juge français a par sa jurisprudence
élargi ses compétences en s'arrogeant des pouvoirs sans cesse
plus étendus. En effet, si dans sa décision du 25 juin 2001,
Société à objectifs sportifs «Toulouse football
club»198(*),
le Conseil d'Etat dans son arrêt d'annulation fait des injonctions
à la Fédération française de football à
propos du classement final du championnat de France de football, dans celle du
11 mai 2004, Association AC et autres, le Conseil d'Etat «
intègre dans l'office du juge de l'excès de pouvoir la
possibilité de moduler dans le temps les effets d'une annulation
contentieuse »199(*).
Abordant dans le même sens, CORMENIN estimait que
Ó « La jurisprudence est une seconde législation, elle
est même quelquefois toute la législation »200(*). En claire, si les pouvoirs
de faire obstruction à l'arbitraire administratif ne lui sont pas
octroyés par le législateur, il lui appartiendra de se les
approprier progressivement au moyen de sa jurisprudence. C'est ce qu'a
toujours fait le Conseil d'Etat.
En ce sens, Bernard PACTEAU écrit Ó «
Sans l'action créatrice du Conseil d'Etat, le Droit administratif
aurait certes existé de toute façon en France mais qui n'aurait
probablement constituer qu'un assemblage de lois, sans unité, sans
cohérence, sans fil directeur »201(*).
Mais, cette situation paraît différente
à celle du Congo. En effet, selon les termes du Président
Auguste ILOKI Ó « Contrairement à l'expérience
vécue ailleurs [ en France] où la jurisprudence a joué un
rôle de premier plan dans la naissance du droit administratif, la
situation au Congo est dominée par l'interventionnisme législatif
qui impose ses préocupations et sa vision de la construction de l'Etat
de droit »202(*).
Cependant, on peut affirmer que si le législateur
congolais peut, grâce à son action créatrice, dompter
l'administration, seul le juge administratif peut l'apprivoiser.
2-L'indépendance du juge de l'excès de
pouvoir dans la connaissance de ce contentieux.
Le juge de l'excès de pouvoir comme, tout autre
magistrat, doit être indépendant si l'on souhaite qu'il
accomplisse réellement sa mission. Certes, le juge doit trouver cette
indépendance dans la force de son caractère, mais il est
souhaitable que les institutions étatiques elles-mêmes viennent
la soutenir afin que le justiciable puisse être assuré de trouver
un juge impartial dans les circonstances les plus délicates. C'est en
ce sens que Alain Bokel affirmait Ó « Il est
communément admis qu'il n'existe pas de justice véritable dans un
pays si les juges appelés à la rendre ne sont pas pleinement
indépendants »203(*)
Au Congo, cette indépendance du juge est garantie
par de nombreux textes notamment la Constitution du 20 janvier 2002 dont les
articles 136 et 137 établissent une séparation entre les
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,
de même l'article 140 qui reprend l'article 2 ( nouveau
) de la loi n°29-94 du 15 avril 1999 portant institution du Conseil superieur
de la magistrature dispose que Ó « Le Président de la
République garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire à
travers le Conseil supérieur de la magistrature ». Comme tout
autre magistrat du siège, les juges composant la Chambre
administrative de la Cour suprême bénéficient de
l'inamovibilité. Il est donc avéré qu'au plan textuel,
cette indépendance est garantie et elle s'appuie sur des fondements
solides.
Mais en réalité, s'agissant
particulièrement du juge de l'excès de pouvoir face à
l'administration, ce n'est pas tant cette indépendance textuelle qui
rassure le justiciable, car selon la nature du régime politique,
elle peut rester lettre morte face à une administration utilisée
comme le bras séculier du pouvoir exécutif. Dans ce cas,
l'indépendance que l'administré attend du juge c'est son
état d'esprit, sa tenacité, une façon de se comporter face
à un litige qui lui est soumis.
Cette approche cadre avec le constat fait par A.BOKEL,
dans sa reflexion sur l'indépendance du juge administratif dans un
système dualiste en ces termes Ó « Le juge de
l'excès de pouvoir plus que tout autre a besoin de cette
indépendance intérieure car il est chargé de trancher un
litige entre deux parties inégales dont la plus forte est, directement
sa structure d'origine et même parfois son autorité
hiérarchique. Dès lors, il n'est pas naturellement porté
à exercer en toute indépendance sa mission de juge
»204(*).
A vrai dire, la société congolaise n'a pas
besoin d'un juge de l'excès de pouvoir va-t-en-guerre, aux manoeuvres
de kamikaze dont le but serait de satisfaire à tout prix
l'administré par excès de zèle et pour prouver son
indépendance, mais d'un juge qui sait maintenir un équilibre
entre l'intérêt général prôné par les
autorités administratives auteurs des actes administratifs et les
droits et libertés de chaque citoyen.
SECTION IIÓ LES AMENAGEMENTS DANS LA
REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES
JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR.
Aujourd'hui, l'annulation des actes de l'administration
pour cause d'illégalité est une mission dont la charge n'incombe
plus au seul juge administratif, d'autres juridictions s'étant vue
attribuer à titre exceptionnel cette même compétence.
Il serait donc nécessaire d'organiser des
aménagements dans la repartition des compétences entre ces
différents juges .
Dans ses conclusions prises dans
l'affaire Ministre de l'intérieur c/ Cohn-BENDIT (C.E. Ass. 22
décembre 1978), B. Genevois, commissaire de gouvernement
écrivait qu' « il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni
guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges
»205(*).
En effet, dans le cadre particulier de l'annulation des
actes de l'administration où plusieurs juges peuvent intervenir, le
dialogue de ces juges peut être un élément essentiel dans
le renforcement de la protection des droits et libertés des citoyens
contre l'arbitraire administratif. Ainsi, ce dialogue n'est possible que dans
la mésure ou leurs compétences se trouvent
aménagées. Il conviendrait donc de reviser les
compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des
actes administratifs (§1) et de proposer une répartition
équilibrée des compétences entre le juge communautaire et
le juge en charge de l'excès de pouvoir au plan interne (§2).
Paragraphe 1Ó La révision des
compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des
actes administratifs.
Nous examinerons d'abord, la redistribution des
compétences entre le juge administratif et le juge électoral dans
l'annulation des actes se rapportant aux différentes élections
(A). Ensuite, la reconnaissance effective d'une compétence dans
l'annulation des actes contraires à la constitution (B).
A)-La redistribution des compétences entre le
juge administratif et le juge électoral dans l'annulation des actes se
rapportant aux différentes élections.
En l'état actuel de notre droit positif, le
Tribunal de Grande Instance est juge des élections locales lorsqu'il
statue en matière administrative (article 105 de la loi
électorale de 2001). Ceci étant, est- il compétent pour
connaître de l'annulation des actes se rapportant à ces
élections? (1). S'agissant des élections présidentielle,
législative et sénatoriale par principe, l'annulation des
actes s'y rapportant relève de la compétence du juge
constitutionnel. Mais, en élargissant le domaine d'application de la
théorie des actes détachables du contentieux électoral, le
juge administratif peut récupérer une partie du contentieux de
l'annulation de ces actes (2).
1- Le tribunal de grande instance et l'annulation
des actes se rapportant aux élections locales.
En se fondant sur la théorie du
tout indivisible et sur la règle le juge de l'action est
juge de l'exception, si le Tribunal de Grande Instance est
compétent pour connaître de l'ensemble du contentieux des
élections locales, alors peut-il de ce fait annuler un acte qui se
rattache à cette élection?
L'article 62 alinéa 3 de la loi n°19-99 du 15
août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la
loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire
qui parle de la compétence du tribunal de grande instance en
matière administrative dispose que Ó « Cette
compétence ne lui est toutefois reconnue qu'à défaut du
Tribunal Administratif dans le ressort ». Or, lorsqu'il statue en
lieu et place du tribunal adiministratif, le tribunal de Grande Instance
est selon l'article 83 de la même loi Ó « juge de Droit
commun en premier ressort, et au plan contentieux, il est au cours des
instances dont il est saisi, compétent pour interpréter les
décisions des diverses autorités administratives et
apprécier leur régularité juridique, à la demande
de l'une des parties, sans pouvoir en prononcer l'annulation qui est de la
compétence de la Cour Suprême ».
Une réponse positive à la question
posée ferait du contentieux des élections locales, un contentieux
sui generis qui n'obéit pas aux règles établies
par la loi portant organisation judiciaire. Cependant, il ne peut en
être le cas, car, selon les termes des articles 105 et 107 de la loi
électorale, c'est en « statuant en matière
administrative » que le Tribunal de Grande Instance connaît du
contentieux des élections locales. C'est ainsi que lorsqu'il est saisi
d'un acte se rapportant à cette élection, il ne peut qu'en
apprécier la régularité, l'annulation étant de la
compétence de la Chambre administrative de la Cour suprême.
Notre proposition consisterait à faire du Tribunal
de Grande Instance à la fois juge de l'élection locale et juge
du recours pour excès de pouvoir des actes administratifs se rapportant
à ces élections.
2- Récupération du contentieux de
l'annulation des actes se rapportant aux élections par le juge
administratif Ó la théorie des actes
détachables
Dans son arrêt n°09/GCS-2006 du 27 juillet
2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO, le juge administratif en
se fondant sur les articles 63 et 110 alinéa 1 de la loi n°9-2001 du 10
décembre 2001 portant loi électorale s'est déclaré
incompétent pour connaître d'un acte administratif se rapportant
à une élection présidentielle ou parlementaire.
Cette position de la Chambre administrative de la Cour
Suprême est celle adoptée pendant longtemps par le Conseil d'Etat
français, ce dernier s'est toujours abstenu de connaître des actes
se rapportant au contentieux des élections présidentielles et
parlementaires. Le Conseil constitutionnel disposant en la matière
d'une plenitude de juridiction avait compétence même dans
l'annulation des actes préliminaires aux opérations desdites
élections.
C'est ainsi que le juge administratif a refusé de
connaître de l'annulation d'une décision du ministre de
l'intérieur adressant des instructions au Préfet en vue du second
tour de l'élection présidentielle ( C.E 6 mai 1966, Dame Chaix ).
Par la suite, à cette théorie « du
tout indivisible ou du tout indissoluble », le Conseil d'Etat a
substitué « la théorie des actes
détachables». Pour André De LAUBADERE, c'est en 1993
que le Conseil d'Etat s'est reconnu compétent « pour statuer
sur la légalité d'actes touchant à l'organisation
générale de la campagne ou de l'élection pour lesquelles
il est nécessaire de se prononcer avant le scrutin » (C.E.
Ass. 12 mars 1993, Union Nationale Ecologiste et Parti pour la Défense
des Animaux).
Au Congo, jusqu'en 2006, la chambre administrative de la
Cour Suprême a appliqué la conception classique du tout
indivisible. En effet, elle s'est déclarée incompétente
pour connaître de l'annulation d'un décret portant nomination des
membres du bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections
estimant que ce dernier n'est pas détachable et forme avec l'ensemble
des opérations électorales un tout indivisible.
Or, le juge administratif congolais devrait à
l'exemple de son homologue français s'approprier la connaissance des
actes se rapportant à ces élections en appliquant la
théorie des actes détachables.
Mais, les compétences du juge constitutionnel
peuvent être renforcées dans la protection des droits et
libertés des citoyens en annulant les actes contraires à la
constitution.
B)-La restitution au juge constitutionnel du pouvoir
d'annuler les actes administratifs contraires à la constitution.
Depuis la fin des années 90, les juridictions
constitutionnelles dans certains Etats d'Afrique ont dépassé leur
simple rôle de juge de la conformité de la loi à la
constitution qui leur était attribuée pour intervenir dans des
domaines où les décisions administratives sont en cause. En
devenant aujourd'hui des véritables gardiennes des droits et
libertés des citoyens, elles tendent à renforcer l'action du
juge administratif dans sa lutte contre l'arbitraire administratif.
Cependant, au Congo le juge constitutionnel est
resté cantonné dans ses compétences classiques (juge
électoral et juge du contrôle de la constitutionnalité).
Pourtant, le constituant de 1992 lui attribuait déjà
compétence dans l'annulation de certains actes administratifs.
Certainement cette compétence devrait être retablie (1), ainsi ce
juge pourrait jouer un rôle essentiel dans la protection des droits et
libertés des citoyens (2).
1-La restauration de la compétence du juge
constitutionnel dans l'annulation des actes administratifs contraires à
la constitution.
Il s'agirait simplement pour le législateur de
rétablir une compétence qui avait déjà
été prévue par la constitution de 1992. En effet, dans
son Préambule, la constitution du 15 mars 1992 dispose Ó «
Proclamant Ó (...) le droit de tout citoyen de saisir le
Conseil constitutionnel aux fins d'annulation de tout acte contraire à
la présente Constitution ». Cette extension des
compétences du juge constitutionnel peut être aujourd'hui
observée dans de nombreux pays d'Afrique noire francophone qui, comme le
Congo, partagent avec la France la même tradition judiciaire. Nous nous
sommes inspirés du modèle gabonais et béninois.
En ce sens, l'article 3 alinéa 3 de la Constitution
béninoise dispose Ó «tout citoyen a le droit de se
pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes
présumés inconstitutionnels » et l'article 84 de
la constitution gabonaise du 26 mars 1991 qui dispose : « La
Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité
des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits
fondamentaux de la personne humaine et aux libertés
publiques ».
Ainsi, la restauration par le législateur de cette
compétence du juge constitutionnel serait souhaitable pour lui
permettre d'intervenir plus efficacement dans la protection des droits et
libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif. Son champ
d'action se trouverait ainsi élargit d'autant plus que
déjà,
l'article 1er de la loi du 17 janvier 2003 portant
organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dispose Ó
« (...) Elle assure, à travers ses missions de contrôle,
la protection des droits et des libertés fondamentaux du
citoyens».
La Cour constitutionnelle devrait se saisir de ces
dispositions pour intervenir dans le domaine de l'annulation des actes
administratifs contraires à la constitution. Elle ferait ainsi montre de
plus de hardiesse.
2-Un juge plus actif dans la protection des droits et
libertés fondamentaux.
Il est vrai qu'en s'appropriant le
contentieux des actes administratifs se rapportant à l'élection
présidentielle, le juge constitutionnel intervient dans le
contrôle juridictionnel de l'administration. Cependant, ces
compétences classiques ne touchent pas directement la vie de tous les
citoyens dans leurs rapports avec l'administration.
En effet, si le législateur tient
à ce que ce juge joue un rôle plus actif dans la protection des
droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire administratif, il
devrait le doter en sus des ses compétences classiques, d'une
compétence dans l'annulation des actes contraires à la
constitution. Il deviendrait ainsi et à l'image de ses homologues
gabonais et béninois, juge de l'excès de pouvoir par
exception.
Paragraphe2Ó La répartition des
compétences entre le juge communautaire et le juge administratif
national dans le domaine de l'annulation des actes administratifs.
La quasi-inexistence des décisions rendues par le
juge communautaire dans l'annulation des actes administratifs contraires au
droit C.E.M.A.C est liée au faite que, ce juge est ignoré et
éloigné des ressortissants de la C.E.M.A.C. Pour pallier
à cette difficulté, il est plus que souhaitable de
procéder à une répartition des compétences entre
le juge national et le juge communautaire.
C'est ainsi que dans le domaine de l'annulation des actes
administratifs contraires aux dispositions communautaires, il conviendrait
d'instituer un système d'annulation à deux vitesses. Le juge
administratif interne serait alors compétent pour annuler ces actes en
premier et dernier ressort avec la possibilité d'un recours en cassation
devant le juge communautaire (A). Cette innovation ne pourrait être
envisageable qu'à certaines conditions qui méritent un examen.
(B)
A)-La mise en place d'un système à deux
vitesses dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit
communautaire.
L'exercice de la justice est une mission régalienne
de l'Etat. Il demeure souvent difficile de l'aliéner en totalité
au profit d'un juge communautaire, et le juge national est souvent mieux
placé pour apprécier l'opportunité de certaines
décisions prises par les autorités administratives dans des
circonstances particulières. Or, il est aussi plus qu'évident que
seul le juge communautaire est garant de la légalité
communautaire. Il serait donc plus judicieux de trouver une solution de juste
mesure, qui tiendrait compte tant de la souveraineté des Etats membres
que de la primauté du droit communautaire sur le droit national.
Pour cela, il conviendrait d'attribuer au juge
administratif national une compétence en premier et dernier ressort
dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire
(1). Toutefois, la Cour de justice de la C.E.M.A.C, en sa qualité de
garante de la légalité communautaire sera juge de cassation
(2).
1-Le juge administratif compétent en premier
et dernier ressort dans l'annulation des actes administratifs contraires au
droit communautaire.
Le juge administratif de l'Etat membre
(l'exemple du Congo) est mieux placé pour apprécier
l'intérêt de la décision prise par l'autorité
administrative nationale. Il peut veiller à l'équilibre entre
l'intérêt national et l'intérêt communautaire. Il
serait donc à même d'assurer la conformité des
décisions administratives au droit C.E.M.A.C. et à ce titre, sa
compétence dans l'annulation de ces actes se justifie.
De ce fait, il serait judicieux de lui attribuer
compétence en premier et dernier ressort dans l'annulation de ces actes.
Cette répartition aurait ainsi un double avantage à savoir
Ó
- D'une part, celui de garantir la souveraineté des
Etats membres dans l'exercice de la justice en matière administrative
et de jouer en premier lieu et au niveau interne, le rôle de
contrôleur de la conformité des actes administratifs au principe
de la légalité communautaire.
- D'autre part, celui de promouvoir l'uniformisation et
l'harmonisation d'une jurisprudence communautaire en faisant de la Cour de
justice de la C.E.M.A.C, un juge de cassation dans ce contentieux.
En ayant un pouvoir de cassation, la Cour de justice
C.E.M.A.C aurait la possibilité de censurer les décisions des
hautes juridictions des Etats membres, elle veillerait ainsi au
caractère contraignant des normes communautaires.
2-La Cour de justice C.E.M.A.C, juge de cassation en
matière des recours en annulation des actes administratifs contraires
au droit communautaire.
Pour garantir l'harmonisation et
l'uniformisation du Droit C.E.M.A.C, il serait plus judicieux de confier au
juge communautaire des compétences dans l'appréciation du bien
fondé des décisions rendues par le juge administratif national
en matière d'annulation des actes non conforme au droit communautaire.
En effet si chaque juge interne (des Etats membres) donnait sa propre
interprétation des dispositions du droit communaire, cela pourrait
entrainer des divergences dans la jurisprudence communautaire.
Ainsi, la mise en place d'un système à deux
vitesse offre au ressortissant de l'Etat membre, insatisfait de la
décision rendue par sa juridiction nationale, la possibilité de
saisir un juge de niveau le plus élevé (Cour de justice de la
C.E.M.A.C) aux fins de s'entendre dire droit selon les termes de la
législation communautaire.
De plus, le juge de la C.E.M.A.C étant le seul
garant de la légalité communautaire, il pourrait grâce
à sa compétence de juge de cassation, censurer les
décisions rendues par le juge administratif de l'Etat membre. Cette
proposition présente plus de garantie et d'équilibre, elle
permettrait donc d'uniformiser la jurisprudence communautaire.
B)-Les conditions concourant à l'institution
d'un système d'annulation à double vitesse.
Tout d'abord, l'institution d'un tel système
n'est envisageable que dans la mesure où, les dispositions de la
Convention relative à la Cour de justice C.E.M.A.C seraient
modifiées (1) et qu'il y aurait entre le juge administratif et le juge
communautaire une étroite collaboration dans la connaissance de ce
contentieux (2).
1- La nécessité de la modification des
textes relatifs à la compétence du juge
communautaire.
L'institution d'un système d'annulation à
double vitesse nécessite, une modification des textes communautaires
régissant les compétences de la Cour de justice de la C.E.M.A.C.
En effet, au plan communautaire, tous les textes (après leur
conclusion et leur entrées en vigueur) ont pour mission d'organiser et
de stabiliser à un moment déterminé les
relations entre les Etats membres. Il en est ainsi des textes attribuant
compétence au juge communautaire dans l'annulation des actes
administratifs contraires au droit C.E.M.A.C (article 16 du traité
portant création de la C.E.M.A.C, articles 4, 14, 15 de la convention du
5 juillet 1996 régissant la Cour de justice C.E.M.A.C...).
Cependant, ces textes sont scuceptibles de subir une
certaine évolution pour répondre aux besoins de la
communauté. Ces mutations nécessitent des aménagements
à travers une modification partielle ou totale de ces textes.
Il serait donc temps, par la force de l'évolution,
que ces textes subissent une modification partielle afin de permettre une
répartition des compétences entre les juridictions
administratives nationales et la Chambre judiciaire de la Cour de justice
C.E.M.A.C. Cette modification qui ne porterait que sur une partie de ces
textes cadre avec la convention du 5 juillet 1996 relative à la Cour de
justice de la C.E.M.A.C dont l'article 32 dispose que Ó «Tout
Etat mambre, ou le Conseil des ministres sur proposition du Secrétaire
exécutif, peuvent soumettrent à la Conférence des Chefs
d'Etat des projets tendant à la révision de la présente
convention. La modification est adoptée à l'unanimité des
Etats membres et entre en vigueur après sa ratification par tous les
Etats membres conformément à leur règles
constitutionnelles respectives».
On note qu'une telle modification ne peut être que
le résultat d'une recontre de volonté de tous les Etats
signataires. Ainsi donc, le Congo ne pourrait obtenir une telle modification de
façon unilatérale, mais il détient néanmoins un
droit d'initiative lui permettant de mettre en oeuvre la procédure
d'amendement.
2-La nécessité d'une étroite
collaboration entre le juge administratif et le juge communautaire.
Cette collaboration va de soi, elle mettrait à la
charge de chacun de ces juges, des obligations respectives dans le seul but de
consolider l'intégration communautaire. En étant saisi le premier
pour statuer sur la conformité d'un acte administratif au droit
communautaire, la Chambre administrative de Cour suprême deviendrait une
charnière chargée d'impulser le respect et la conformité
des décisions administratives au normes communautaires sur le plan
national.
Dans cette redistribution des compétences, le juge
communautaire sera saisi en dernier lieu. En sa qualité de juge de
cassation des décisions rendues en premier et dernier ressort par la
Chambre administrative de la Cour suprême, le juge C.E.M.A.C pourrait
ainsi veiller plus efficacement au respect du droit communautaire. Il
garantirait de même une uniformisation et une harmonisation de la
jurisprudence communautaire en la matière tout en devenant une
véritable censure, une sorte d'épée de Damoclès
placée au-dessus des hautes juridictions administratives nationales.
Somme toute , il convient de préciser que ni
l'énumération des difficultés auxquelles sont
confrontés les juges de l'excès de pouvoir, ni les suggestions
que nous avons proposé ne sauraient être considérées
comme une analyse exhaustive. En effet, le contentieux de l'excès de
pouvoir étant l'un des piliers de l'Etat de droit, il demeure en
perpétuelle construction.
Aujourd'hui, cinquante ans après son accession
à l'indépendance, le Congo s'achemine de plus en plus vers une
véritable démocratie et un Etat de droit. Dans cette marche
souvent interrompue par les mouvements socio-politiques, l'administration
occupe une place de choix. Son champ d'action s'est élargi et elle
s'est dotée de prérogatives considérables. Or, il est
nécessaire de veiller à ce que l'administration ne déborde
pas, au nom de l'intérêt général, de ses
prérogatives et des limites qui lui ont été fixées.
Pour ce faire, il faut la soumettre à un contrôle juridictionnel
Ó « mais par quel juge ? et selon quel droit ?
»206(*). En
France, le Conseil d'Etat a donné une réponse à la
première question car pendant longtemps, il lui est revenu de trancher
les litiges d'ordre administratif. A la seconde question, le Tribunal des
conflits a fourni la réponse dans l'arrêt Blanco en
considérant que les litiges mettant en cause l'Etat ou tout autre
personne morale de droit public « ne peut être régie par
les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de
particulier à particulier, (...) que l'administration a ses
règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la
nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits
privés (...) que dès lors, l'autorité administrative est
seule compétente pour en connaître »207(*).
Cependant, le droit administratif et plus
particulièrement son contentieux est en pleine mutation, il est de
plus en plus affecté et envahi par d'autres branches du droit, le
constitutionnel et le communautaire de sorte que, le contrôle
juridictionnel des actes de l'administration n'est plus l'apanage du seul
juge administratif classique mais de plusieurs juges (constitutionnel et
communautaire). En ce sens certains ont même considéré que
Ó « le droit administratif émanant de moins en moins du
juge administratif, il n'y a plus de raison de maintenir une juridiction dont
l'oeuvre est désormais achevée »208(*).
Le Congo resté fidèle à la
tradition d'un seul juge spécialisé de niveau le plus
élevé pour connaître de l'annulation des actes de
l'administration a été rattrapé par les mutations
que connait le droit administratif et son contentieux. En effet, pour renforcer
la protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire
administratif, certains actes échappant à la compétence du
juge administratif suprême sont soumis à titre
excèptionnel à d'autres juridictions. L'annulation des actes
administratifs se revèle ainsi comme un contentieux à la
croisée des chemins des matières de droit public.
Mais, cette volonté de s'arimer à
l'évolution du contentieux administratif et partant du contentieux de
l'annulation peine encore à prendre son envol. Quarante neuf ans
après son institution, le juge en charge de ce contentieux reste
éloigné et quasi inconnu du justiciable, ses pouvoirs face
à l'administration sont très limités, il a du mal à
concevoir une jurisprudence lui permettant d'intervenir même dans des
circonstances que le législateur n'a pas prévues.
Pour le Professeur Placide MOUDOUDOU Ó «
il lui manque l'esprit d'initiative ; lorsqu'il tente d'inventer, il
le fait presque toujours par rapport au droit administratif français
(...) il est essentièllement un juge judiciaire »209(*) .
Peint comme tel, le tableau du recours pour excès
de pouvoir au Congo mérite qu'on y apporte une touche de toilettage,
notamment en renforçant les pouvoirs du juge, en transférant une
partie de ce contentieux aux juridictions de niveau inférieur et en
réorganisant les procédures y relatives.
Ces aménagements s'avèrent
nécessaires car, il n'en demeure pas moins vrai que nonobstant ces
difficultés, le recours pour excès de pouvoir reste «
une grande et glorieuse institution même lorsqu'il n'apporte pas
à celui qui l'exerce avec succès une satisfaction
concrète, il maintient au dessus des contingences, le principe que
l'administration est soumise au Droit ; il procure au particulier,
d'abord, un moyen de protester contre l'arbitraire, une issue à son
indignation, ensuite, au minimum, la satisfaction de s'entendre dire qu'il
avait raison contre le pouvoir »210(*).
Mais, même dans son pays d'origine, le recours pour
excès de pouvoir est considéré comme Ó «
une merveille de l'archéologie juridique »211(*), c'est « la plus
merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus
pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre
les libertés »212(*). Ces louanges sont telles qu'il est difficile
d'apporter des modifications à cette institution séculaire.
Or, au Congo ce n'est pas tant l'institution ( recours
pour excès de pouvoir) qui est défaillante, mais l'organisation,
le système dans lequel il fonctionne. Aussi, dans le binôme
« juge de l'excès de pouvoir», le problème ne
concerne pas la matière (le recours ou le contentieux de l'excès
de pouvoir) mais plutôt l'organe (le juge). Dans plusieurs pays213(*) où des reformes ont
été apportées à l'organe qui avait la charge de
connaître de ce contentieux, on a relevé de grandes
améliorations dans le rendement de la justice dans ce domaine. C'est
pourquoi, il y va de l'intérêt du législateur congolais de
reformer le système, d'aménager l'organisation afin de rendre
l'exercice de ce recours plus efficace. La tâche revient aussi au juge en
charge de ce contentieux d'étendre ses compétences dans ce
domaine en les adaptant aux cas que le législateur ne peut
prévoir, en usant de son pouvoir normatif.
C'est à ce prix, par une conjugaison mutuelle des
efforts entre le législateur et le juge ainsi qu'un rôle non
négligeable de la droctrine dans ce domaine que la connaissance de ce
contentieux protégerait les droits des citoyens contre l'arbitraire
administratif et garantirait ainsi l'Etat de droit.
Enfin, terminons ce travail par cette anecdote Ó Il
y a quarante neuf ans que le recours pour excès de pouvoir a vu le jour
au Congo héritage de la colonisation française. Il y aussi
quarante neuf ans que Jean RIVERO214(*) écrivait l'histoire du Huron juriste qui se
rendit en pèlerinage dans la ville d'où rayonnait sur le monde le
flambeau du recours pour excès de pouvoir. Lorsqu'il arriva dans la cour
du Palais-Royal (Conseil d'Etat), il se prosterna face contre terre en disant
Ó « Je baise la terre sacrée dans laquelle s'enracine le
grand arbre du recours pour excès de pouvoir, le rempart de
l'opprimé, la terreur de l'opprèsseur qui, au moment où
son bras va s'abattre, s'arrête en entendant la voix redoutable du juge
clamer Ó "Tu n'iras pas plus loin " »215(*). Mais hélas quelle ne
fut pas sa déception lorsqu'il apprit que le juge en charge de ce
recours ne disposait pas de pouvoirs assez larges pour contraindre
l'administration à exécuter ses décisions après
annulation. Il finit par conclure Ó « Je pensais que votre
grand recours assurait au particulier une plus grande protection. Ai-je fais un
si long voyage pour apprendre qu'il n'en est rien?»216(*). Il y avait un tel
abattement sur son visage que son interlocuteur tentait de le reconforter
Ó « Ne désespérez pas, les progrès
accomplis sont le gage des progrès futurs ; le recours n'a pas dit
son dernier mot, et l'avenir reste ouvert Ó faites confiance au
libéralisme du juge »217(*). Le soir du même jour, sans un regard pour la
Tour Eiffel illuminée, il reprenait tristement son chemin de retour.
Quarante ans après Rivero, David BAILLEUL
écrivait Ó « Satisfaction et étonnement. Tels
seraient sans doute les sentiments du Huron de retour au Palais-Royal. D'abord
soulagé de constater les améliorations substantielles
apportées au recours pour excès de pouvoir, tant pour lutter
contre l'effet immédiat des décisions administratives que pour
contraindre l'administration à exécuter la chose
jugée »218(*).
En lisant cette histoire, nous nous sommes posés
deux questions Ó si ce Huron venait au Congo,
-jugerait-il efficace le recours pour excès de
pouvoir au Congo ?
-et que dirait-il du juge en charge de ce contentieux
?
BIBLIOGRAPHIE
I)- OUVRAGES
A- OUVRAGES GENERAUX
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13ème édition, Montchrestien, 2006. (1540 pages)
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Traité de droit administratif, tome 3, 16è
édition, L.G.D.J, 2002 (495 pages)
DEBBASCH (C), RICCI (J.C) Ó Contentieux administratif
8è édition Dalloz (1018 pages)
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(mémentos Thémis) 4è édition P.U.F (172
pages)
LONG(M), WEIL (P), DELVOLVE (P) et GENEVOIS (B), Les grands
arrêts de la jurisprudence administrative 16è Dalloz
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PACTEAU (B) Ó Traité du contentieux
administratif édition P.U.F (602 pages)
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B-OUVRAGES SPECIFIQUES
BRETON (J.M) Ó Droit public congolais édition
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jurisprudence administrative de la Cour Suprême (R.P. du Congo),
1962-1984, Imprimerie nationale, Brazzaville, 1987
ILOKI (A) Ó Le recours pour excès de pouvoir au
Congo, 1ère édition l'Harmattan 2002 (128 pages)
MOUDOUDOU (P), Droit administratif congolais 1ère
édition l'Harmattan 2003 (200 pages)
II)-THESES ET MEMOIRES
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l'administration dans les Etats du conseil de l'entente,
Thèse pour l'obtention du Doctorat d'Etat en Droit public fondamental,
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Faculté de Droit, des sciences sociale et politique de
l'Université de Bordeaux I France.
BUSANE RUHANA MIRINDI (W), Le contrôle du
pouvoir discrétionnaire de l'administration par le juge administratif
congolais (R.D. Congo), Thèse pour l'obtention du Doctorat
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département de Droit public. Université Catholique de Louvain
Belgique, juillet 2010.
MOUKOKO (S.R), Le plein contentieux des
installations classées, Thèse pour l'obtention du
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B-MEMOIRES
BAYI (M), Le Conseil du contentieux administratif
de l'A.E.F Ó juge de droit commun du
contentieux administratif, Mémoire pour l'obtention du
Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 1985.
BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif
dans le système juridique congolais, Mémoire pour
l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature
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CHAMEGUEU (G.M.), Le contrôle juridictionnel
des activités de la CEMAC, Mémoire pour
l'obtention du DEA. Catégorie Sciences politique et Droit international.
Université de Douala Cameroun 2008.
MAVOUNGOU (J.P), Le contrôle juridictionnel
de l'administration au Congo, Mémoire pour l'obtention du
Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 2000.
SOUNDOU (J.N), Le juge administratif
congolais, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de
l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 2001.
III)-COURS ET ARTICLES
A- COURS
BOUMAKANI (B), Cours de contentieux administratif. Maitrise de
Droit public Université Marien N'gouabi 2006-2007.
MBEMBA (G.F), Cours de droit communautaire (CEMAC),
2ème année Magistrature, E.N.A.M 2010-2011.
PROTIERE (G), Cours de droit administratif
général, Master en Droit public Approfondie. Faculté de
droit et de science politique Université Lumière Lyon II
2010-2011.
B- ARTICLES
AGGREY (A), L'organisation de la justice administrative en
Côte d'Ivoire, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique)
numéro. Spécial éd. Puf 1999 (pages 36 à 45)
AKENDENGUE (M), L'organisation de la justice administrative au
Gabon, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique) numéro.
Spécial éd. Puf 1999 (pages 46 à 58)
BENABDALLAH (M.A), L'évolution du recours pour
excès de pouvoir au Maroc, Université Mohammed V de Rabat-Souissi
Maroc 2008.
BENABDALLAH (M.A), Le contentieux administratif marocain (Dix
années d'évolution), Université Mohammed V de
Rabat-Souissi Maroc 2008.
BOKEL (A), Réflexions sur le contrôle
juridictionnel de l'administration dans les pays en voie de
développement d'Afrique francophone, in Nouvelles éditions
africaines. Faculté des sciences économiques et juridiques de
l'Université de Dakar.
BOKEL (A), Recherche d'un droit administratif en Afrique
francophone, in Nouvelles éditions africaines. Faculté des
sciences économiques et juridiques de l'Université de Dakar.
BRETON (J.M), Légalité et Etat de droit Ó
statut et perception du juge de l'administration, Annales de
l'Université des Antilles et de la Guyane 1991.
GOURDOU (J), LABETOULE (D) et autres, L'exécution des
décisions de justice administrative in journée de rentrée
solennelle des Tribunaux administratifs. Pau 2008
ILOKI (A), La justice administrative en République du
Congo, in «Journées du Barreau», Brazzaville du 18 au 19
janvier 2000.
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l'administration.
ILOKI (A), Organisation judiciaire, procédure,
commerciales, administrative et financière. Conférences
académiques du 26 au 27 mai 1986 à Brazzaville.
KEUTCHA TCHAPNGA (C), Le juge constitutionnel, juge
administratif au Benin et au Gabon, in Revue administrative 2003.
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présidentielles Ó dernier acte, Université Lorraine.
2003
MOUDOUDOU (P), Les tendances du droit administratif dans les
Etats d'Afrique noire francophone, in Annales de l'Université Marien
N'gouabi, 2009.
PACTEAU (B), La jurisprudence, une chance du droit
administratif, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique)
numéro. spécial éd. Puf 1999.
IV)-TEXTES JURIDIQUES
A)-TEXTES NATIONAUX
Constitution du 15 mars 1992
Acte fondamental du 24 octobre 1997
Constitution du 20 janvier 2002
Loi n 04-62 du 20 janvier 1962 portant création de la
Cour Suprême
Loi n 06-62 du 20 janvier 1962
Loi n 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure
civile, commerciale, administrative et financière
Loi n 025-92 du 20 août 1992 portant organisation et
fonctionnement de la Cour Suprême.
Loi n 16-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi 024-92 du 20 aout 1992 et de la loi n 29-94 du
18 octobre 1994 portant institution du conseil supérieur de la
magistrature.
Loi n 17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi 025-92 du 20 aout 1992 et de la loi n 30-94 du
18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême
Loi n 19-99 du 15 aout 1999 modifiant et complétant
certaines dispositions de la loi 022-92 du 20 aout 1992 portant organisation du
pouvoir judiciaire.
Loi n 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi
électorale
Loi organique n 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation
et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
B)-TEXTES ETRANGERS
Constitution gabonaise du 26 mars 1991
Constitution béninoise du 11 décembre 1990
Constitution de la R.D.C du 18 février 2006
Loi n° 2006/022 du 29 novembre 2006 fixant l'organisation
et le fonctionnement de Tribunaux administratifs au Cameroun.
C)-TEXTES INTERNATIONAUX
Convention du 5 juillet 1996 relative à la
création de la Cour de justice CEMAC
Traité relative à la création de la
CEMAC
Acte additionnel n 06/00/CEMAC-041-CEE-CJ-02 portant statut de
la Chambre judiciaire de la Cour de justice CEMAC.
V)-JURISPRUDENCE
A-Arrêts, Avis et Décisions de la Cour
Suprême et de la Cour Constitutionnelle du Congo
C.S. Adm 26 avril 1962, M'bargha
C.S. Adm 29 mai 1963, N'diaye
C.S. Adm 26 avril 1965, Koffi Amega
C.S. Adm 22 octobre 1971, N'zonza
C.S. Adm 17 mai 1974, Sometima
C.S. Adm 17 décembre 1976, Baze
C.S. Adm 18 mars 1976, Diabangouaya, Miyamou et autres
C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud
C.S. Adm 22 septembre 1982, Bouboutou M'bemba
C.S. Avis 15 septembre 1998, Traité CEMAC
C.S. Adm 10 févier 2000, Filankembo
C.S. Adm 13 juillet 2001, Lascony
C.S. Adm 10 févier 2005, Osseni Raimatou
C.S. Adm 11 mai 2006, Nganguia-Anguios
C.S. Adm 27 juillet 2006, Joseph Kignoumbi et André
Milongo
C.S. Adm 10 avril 2008, Loko Balossa
B-JURISPRUDENCES ETRANGERES
T.C. 8 févier 1873, Blanco
C.E. 26 novembre 1875, Pariset
C.E. 26 novembre 1912, Bossuge
C.E. 4 avril 1914, Gomel
C.E. 14 janvier 1916, Camino
T.C. 16 juin 1923, Septfonds
C.E. 12 novembre 1936, Arrighi
C.E. 7 févier 1947, D'Aillières
C.E. 17 février 1950, Ministre de l'agriculture c/ Dame
Lamotte
C.E. 2 mars 1962, Rubin de Servens et autres
C.E. 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur
c/ Cohn-Bendit
C.E. 11 mai 2004, Association AC
C.C. du Benin DCC n°16-94 du 27 mai 1994, Moïse Bossou
C.C. du Benin DCC n°33-94 du 24 novembre 1994, Anatole
Karambiri
C.C. du Gabon DCC n°0021/CC/01 du 29 juin 2001,
Confédération syndicale gabonaise
TABLE DE MATIERES
DEDICACES 1
REMERCIEMENTS 1
LISTE DES ABREVIATIONS 1
SOMMAIRE 1
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE Ó IDENTIFICATION
DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO 9
CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR
SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL
10
SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA
COMPETENCE 10
Paragraphe 1 : Présentation organique et
fonctionnelle 11
A)- Présentation organique : composition
et désignation des juges de la Chambre administrative 11
1- La composition 11
2- Les modes de désignation des magistrats
de la Chambre ? Nomination du Président de la Chambre et affectation
des juges 13
B)- Une formation dotée de plusieurs
compétences 14
1- La connaissance exclusive du recours pour
excès de pouvoir 14
2- La connaissance des autres recours en tant que
juge de cassation 17
Paragraphe 2 : Les fondements de la
compétence exclusive dévolue au juge administratif
suprême 19
A)- Les fondements historiques : la
connaissance exclusive du recours pour excès de pourvoir, un legs du
Conseil d'Etat français 19
1- Le Conseil d'Etat, juge de l'excès de
pouvoir avant l'indépendance 19
2- Le transfert de compétence à
l'indépendance entre le Conseil d'Etat et la Chambre
Administrative 21
B)- Fondement légal et applications
jurisprudentielles 22
1- Une consécration pérenne faite
par le législateur 22
2- Les applications jurisprudentielles 23
SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF SUPREME
EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR 25
Paragraphe 1 : Les règles procédurales
devant le juge de l'excès de pouvoir 25
A)- Les conditions de recevabilité du recours
26
1-Les conditions relatives à la nature de
l'acte et à la qualité du requérant 26
a- La nature de l'acte attaqué devant
le juge de l'excès de pouvoir 26
b- La qualité du requérant
27
2-Les conditions relatives aux délais et
aux formes dans lesquelles le recours doit être introduit 28
a- Les délais de recours 28
b- Les formes dans lesquelles le recours doit
être introduit 29
B)- Les moyens susceptibles d'être
invoqués devant le juge administratif suprême 30
1- Les illégalités externes :
incompétence et vice de forme 30
a- L'incompétence 30
b- Le vice de forme 31
2- Les illégalités internes :
le détournement de pouvoir et la violation de la loi 32
a- Le détournement de pouvoir 32
b- La violation de la loi 34
Paragraphe 2 : L'étendue et les limites des
pouvoirs du juge administratif suprême en matière d'excès
de pouvoir 35
A)- L'étendue des pouvoirs du juge de
l'excès de pouvoir 35
1-Le pouvoir d'ordonner un sursis à
exécution 35
2- Le pouvoir d'annulation avec effet erga omnes
38
B)- Les limites aux pouvoirs du juge de
l'excès de pouvoir 40
1- L'absence d'un pouvoir d'injonction et de
reformation 40
2- Les actes de gouvernement et le pouvoir
discrétionnaire de l'administration : deux cas limitant les
pouvoirs du juge 41
a- Les actes de gouvernement 41
b- Le pouvoir discrétionnaire de
l'administration 43
CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR
DEROGATION A LA LOI 44
SECTION I : LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE
EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR 44
Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel et
l'annulation des actes non conformes à la constitution : le
contrôle de constitutionnalité des actes administratifs
45
A)- Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs au Gabon et au Benin 45
1- Les fondements de ce contentieux en Droit
gabonais et béninois 46
2- Les applications jurisprudentielles 47
B)- Le modèle congolais du contrôle de
la constitutionnalité des actes administratifs 48
1- Les jalons d'un contentieux de la
constitutionnalité des actes administratifs posés par le
Préambule de la Constitution du 15 mars 1992 48
2- L'option d'un rôle indirect dans
l'annulation des actes ? l'exception d'inconstitutionnalité 49
Paragraphe 2 : Le juge électoral et
l'annulation des actes se rapportant aux élections
51
A)- La compétence exceptionnelle dans
l'annulation des actes se rapportant à l'élection du
Président de la République 52
1- Un mimétisme issu du modèle
français 52
2- La transposition dans le système
congolais : l'article 146 al.2 de la Constitution et la
Délibération du 28 avril 2009 relative à la
régularité de l'élection du Président de la
République 53
B)- L'annulation des actes se rattachant à
l'élection législative et sénatoriale 54
1- Le principe « juge de l'action
est juge de l'exception » 55
2- L'application jurisprudentielle :
l'arrêt n° 09/GCS-2006 de la C.S. Adm. 27 juillet 2006, Joseph
Kignoumbi et André Milongo 56
SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA C.E.M.A.C,
JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR 57
Paragraphe 1 : L'intégration du Droit
communautaire dans le système juridique Congolais 57
A)- L'application directe et immédiate des
textes de la C.E.M.A.C dans l'ordonnancement juridique Congolais 58
1- Le principe d'application directe 58
2- Le principe d'application immédiate
58
B)- La soumission des actes administratifs aux textes
communautaires 59
1- La primauté des normes communautaires
sur les actes administratifs des Etats membres : « le
communautaire tient l'interne en l'état » 60
2- La non-conformité de l'acte
administratif : une atteinte à l'ordre public
Communautaire 60
Paragraphe 2: L'annulation des actes
administratifs non conformes par le juge
C.E.M.A.C 61
A)-Fondements de la compétence et mode de
saisine du juge C.E.M.A.C dans l'annulation des actes administratifs 61
1- Les fondements de la compétence 61
2- La saisine du juge C.E.M.A.C 62
B)- La quasi absence des applications jurisprudentielles
et les raisons de cette rareté 62
1-La quasi inexistence d'une jurisprudence
portant sur l'annulation des actes administratifs par le juge C.E.M.A.C 63
2- Les raisons de l'absence des applications
jurisprudentielles 64
DEUXIEME PARTIE Ó LES DIFFICULTES
DANS LA CONNAISSANCE DU CONTENTIEUX DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO ET LES
SUGGESTIONS POSSIBLES 66
CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU
RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO 67
SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE
ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE NATUREL DE L'EXCES DE POUVOIR
67
Paragraphe 1: Une formation composée des
juges non spécialisés évoluant dans un système mal
adapté au recours pour excès de pouvoir 67
A)- Une formation composée de
juges au profil judiciaire qui ne connaissent de l'excès de pouvoir
qu'en fin de carrière 68
1- Des juges essentiellement judiciaires
dépourvus d'une véritable
formation spécialisée 68
2- Des juges qui ne connaissent de ce contentieux
qu'en fin de carrière 71
B)- Le système juridictionnel
congolais, un système mal adapté au recours pour excès de
pouvoir 72
1- Un système répudiant les
principes fondateurs du recours pour excès de pouvoir 72
2- Un système influencé par un
mimétisme dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir
74
Paragraphe 2: Un juge travaillant dans des
conditions précaires et en proie à la concurrence des organes non
juridictionnels 76
A)- La lenteur et la précarité des
conditions de travail du juge 77
1- La lenteur dans le traitement des
dossiers : le juge de l'excès de pouvoir et la question du
délai raisonnable 77
2- Un juge travaillant dans des conditions
précaires 78
B)- Un juge concurrencé par
des organes non juridictionnels de règlement des litiges administratifs
79
1- L'émergence des organes non
juridictionnels de règlement des litiges administratifs 79
a- Le règlement par l'administration
elle-même : le recours administratif 79
b- Le recours à une autorité
administrative indépendante : le Médiateur
de la République 80
2- Les évaluations dans le rendement du
juge de l'excès de pouvoir 80
SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE
L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION 85
Paragraphe 1 : Les restrictions au champ
d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de
pouvoir 85
A)- La forte tendance d'une absorbtion du recours
pour excès de pouvoir par le contentieux électoral 86
1- L'imbrication du recours pour excès de
pouvoir dans le contentieux électoral 86
2- L'absence d'une théorie des actes
détachables dans le contentieux électoral 87
B)- Un juge cantonné dans les fonctions
classiques 88
1- Juge de la constitutionnalité et de
l'élection, un rôle dépassé 88
2- Un juge aux potentialités encore
inexploités 89
Paragraphe 2 : Les difficultés
endogènes et exogènes au juge communautaire
90
A)- Controverses dans la repartitions des
compétences et contrariétés entre les normes
communautaires et les impératifs internes 90
1- Les controverses dans la repartition des
compétences au sein de la Cour de justice C.E.M.A.C 90
2- Les contrariétés entre les normes
communautaires et les impératifs de souveraineté nationale 92
B)- Un juge inconnu tant des
administrés que des autorités administratives congolaises 92
1- La méconnaissance du juge C.E.M.A.C par
les administrés 93
2- Un juge ignoré par les autorités
administratives 93
CHAPITRE II : LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN
RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR 95
SECTION I : RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE
POUVOIR EFFICACE 95
Paragraphe 1: Le transfert de la connaissance
des actes des autorités locales aux juridictions inférieures
96
A)- Le double degré de juridiction dans
l'annulation des actes des autorités locales ? une inspiration du
modèle marocain 97
1- L'exemple marocain 97
2- Application dans le système congolais ?
fonctionnement des tribunaux administratifs et renforcement des Chambres
administratives au sein des Cours d'appel 98
B)- La Cour suprême, juge de cassation des
actes des autorités locales et la nécessité d'un
amendement des règles procédurales 99
1- La Chambre administrative de la Cour
Suprême, juge de cassation du contentieux de l'annulation des actes
locaux 100
2- Reformes et aménagements des
règles procédurales en matière du contentieux de
l'annulation 100
Paragraphe 2: L'institution d'un
véritable juge administratif plus tatillon dans la connaissance de
l'excès de pouvoir 101
A)- Un juge taillé à la mesure de
l'administration congolaise 101
1- Une formation plus spécialisée
en matière administrative 101
2- La nécessité de recycler les
magistrats dans le domaine administratif 102
B)- Un juge doté de pouvoirs plus
étendus et d'une indépendance face à une administration
aux prérogatives sans cesse croissantes 103
1- Renforcement des pouvoirs du juge de
l'excès de pouvoir 103
2- L'indépendance du juge de
l'excès de pouvoirs dans la connaissance
de ce contentieux 105
SECTION II : LES AMENAGEMENTS DANS LA
REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES
JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES
DE POUVOIR 106
Paragraphe 1: La révision des
compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des
actes administratifs 107
A)- La redistribution des compétences entre
le juge administratif et le juge électoral dans l'annulation des actes
se rapportant aux différentes élections 107
1- Le tribunal de grande instance et l'annulation
des actes se rapportant aux élections locales 107
2- Récupération du contentieux de
l'annulation des actes se rapportant aux élections par le juge
administratif Ó la théorie des actes détachables 108
B)- La restitution au juge constitutionnel du
pouvoir d'annuler les actes administratifs contraires à la constitution
109
1- La restauration de la compétence du
juge constitutionnel dans l'annulation des actes administratifs contraires
à la constitution 110
2- Un juge plus actif dans la protection des
droits et libertés fondamentaux 110
Paragraphe 2: La repartition
équilibrée des compétences entre le juge communautaire et
le juge administratif national dans le domaine de l'annulation des actes
administratifs 111
A)- La mise en place d'un système à
deux vitesses dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit
communautaire 112
1- Le juge administratif compétent en
premier et dernier ressort dans l'annulation des actes administratifs
contraires au droit communautaire 112
2- La Cour de justice C.E.M.A.C, juge de
cassation des décisions rendues par la Cour suprême en
matière d'annulation des actes contraires au droit communautaire 112
B)- Les conditions concourant à l'institution
d'un système d'annulation
à double vitesse 113
1- La nécessité de la modification
des textes relatifs à la compétence du juge communautaire 113
2- La nécessité d'une
étroite collaboration entre le juge administratif et le juge
communautaire 114
CONCLUSION 116
BIBLIOGRAPHIE 120
TABLE DE MATIERES 120
ANNEXES 120
* 1 DELVOLVE (P), Le Droit
Administratif 3eme éd Dalloz 2002 p.103
* 2 MOUKOKO (S.R), Le plein
contentieux des installations classées, Thèse de Doctorat en
science juridique, Université Paul Verlaine 24 juin 2009 p.103
* 3 ILOKI (A), Le recours
pour excès de pouvoir au Congo, 1ère édition
L'Harmattan 2002 p.17
* 4 BRETON (J.M), Recueil
commenté de la jurisprudence administrative de la C.S. en R.P du Congo
(1962-1984), Imprimerie nationale p.5
* 5 BOKEL (A),
Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration en
Afrique noire francophone éd. P.D.A. Dakar 1999 p.3
* 6 MOUDOUDOU (P), Droit
administrative congolais éd. L'Harmattan, 2003 p. 11
* 7 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Le
juge constitutionnel, juge administrative au Benin et au Gabon, éd.
Revue Administrative, 2003 p.5
* 8 MOUDOUDOU (P) op. cit
p.12
* 9 BADO (L), Le
contrôle juridictionnel de l'administration dans les Etats du conseil de
l'entente, Thèse de Doctorat en Droit public, Bordeaux 13 octobre 1981
p.71
* 10 ILOKI (A), op cit
p.7
* 11 MOUDOUDOU (P), op cit
p.12
* 12 BRETON (J.M), op cit
p.70
* 13 RUHANA MARINDI (W), Le
contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire de
l'administration par le juge congolais (R.D.C), Thèse de Doctorat en
Droit public, Université libre catholique de Louvain Belgique 2001
p.59
* 14 Dictionnaire juridique
en ligne (Dacodoc.com) Ó se dit d'un pouvoir reconnu au juge de
créer des règles de droit par sa jurisprudence ou,
d'énoncer des règles générales et spéciales
dont la portée juridique s'impose aux sujets de droit.
* 15 PACTEAU (B), La
jurisprudence, une chance du Droit administrative in la revue administrative,
éd. Puf 1999 p.78
* 16 C.E 26 novembre 1875,
Pariset G.A.J.A 16e éd. Dalloz 2007 p.28
* 17 C.E 17 février
1950, Ministere de l'agriculture c/ Dame Lamotte G.A.J.A op cit p.416
* 18 C.E 11 mai 2004,
Association AC G.A.J.A op cit p.906
* 19 PACTEAU (B) op cit
p.82
* 20 TIDJANI BA (A), Droit
du contentieux administrative Burkinabé, éd.col. Précis de
Droit Burkinabé p.2
* 21 MOUDOUDOU (P), op cit
p.79
* 22 Cour constitutionnelle
Délibération 001/DEL/CC/09 du 28 avril 2009 art.3
* 23 Préambule de la
Constitution congolaise du 15 mars 1992
* 24 Convention du 5 avril
1996 relative à la Cour de justice CEMAC art. 14 et suivants
* 25 KALUBA DIBWA (D), Du
contentieux constitutionnel en R.D.Congo, contribution à l'étude
des fondements et des modalités d'exercice de la justice
constitutionnelle. Mémoire pour l'obtention du DEA en Droit.
Université de Kinshasa 2010. P.58
* 26 Article 135 de la
Constitution du 20 janvier 2002
* 27 Article 133 de la
Constitution du 20 janvier 2002
* 28C.S. Adm 20 mai 1977,
KAYOULOUD Paul Dédeth
* 29 PEREIRA (C.C),
L'administration congolais, éd. Berger Levrault 1979 p.70
* 30 BRETON(J.M), Le Droit
public congolais, édition. Economica 1987 p.497
* 31 MOUDOUDOU (P), op cit
p.85
* 32 KAMONGO (A), Le juge
constitutionnel, artisan de la démocratie en Afrique, Lomé 2005
p.10
* 33 SAMBOKO (G.R.), Les
compétences des juridictions suprêmes en Afrique noire in Rec.
Administratif n.21, 1998
* 34 BRETON (J.M), op cit
p.134
* 35 BRETON (J.M), op cit
p.50
* 36 T.C 16 juin 1923,
Septfond G.A.J.A op. cit p.248
* 37BENABDALLAH (M.A),
L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc,
Université de Rabat-Souissi 2006 p.1à 3
* 38 BENABDALLAH (M.A),
Justice administrative et dualité de juridiction, Revue juridique
politique et économique du Maroc n.27, p.6
* 39 C.E. Ass. 7
février 1947, D'Ailliêres G.A.J.A. op cit p.390
* 40 C.S. Adm. 17
décembre 1976 Maurice BAZE
* 41 MOUDOUDOU (P), op cit
p.12
* 42 RABELAIS (R),
Pantagruel IVème livre (extrait de J. LATOUR) éd.
Flammarion Paris 1985
* 43 BAYI (M), Les Conseils
du contentieux administratifs de l'A.E.F, juge de Droit commun du contentieux
administratif, Mémoire pour l'obtention du diplôme de l'E.N.A.M,
Brazzaville 1983 p.26
* 44 BAYI (M), op cit
p.69
* 45 Idem, p.70
* 46 MOUDOUDOU (P),
Tendances du D.A dans les Etats d'Afrique noire francophone. Annales U.M.G
P.15
* 47 BOKEL (A), Le juge de
l'administration en Afrique noire francophone. Dakar 1971 p.55
* 48 BOUMAKANI (B), Cours de
Contentieux administrative (Maitrise Droit public) 2007-2008, p.66
* 49 C.S. Adm, 26 juillet
1962, M'BARGA in La jurisprudence administrative de la CS (R.P. du Congo)
1962?1984 Brazzaville 1986 p.1
* 50 C.S. Adm 29 mai 1963,
N'DIAY MAMADOU, op cit p.5
* 51 C.S. Adm 20 mai 1977,
KAYOULOU, op cit p.47
* 52MADJIGUENE (D), La
contribution du Conseil d'Etat sénégalais à la
construction de l'Etat de droit in la Revue administrative (centenaire du
Conseil d'Etat français) Paris 1999, puf. p.81
* 53 PACTEAU (B), La
jurisprudence, une chance du droit administratif. Op. cit p71
* 54 CE. 8 mars 1912,
LAFAGE. G.A.J.A op cit p.145
* 55 ILOKI (A), op cit
p.74
* 56C.S. Adm 13 avril 2000,
BONDONGO Gilbert et autres
* 57 C.S. Adm 29 mai 1963
N'DAYE. Dans cette espèce, le juge s'est déclaré
incompétent pour connaître d'un acte émanant d'une
autorité française.
* 58 C.S. Adm, 10
février 2005, OSSENI RAIMATOU in Bulletin de diffusion de la C.S p.57
* 59C.S. Adm 14 avril 2005,
Confédération Africaine des travailleurs croyants
* 60 C.S. Adm , 17 mai 1974,
Sometima
* 61 C.S. Adm,22 septembre
1984, Bouboutou M'bemba.
* 62 C.S. Adm 17 mai 1974,
Sometima
* 63 C.S. Adm 17
décembre 1976, Baze Maurice
* 64BRETON (J.M) op cit
p.513
* 65 BOUMAKANI (B), op cit
p.72
* 66BOUMAKANI (B), op cit
p.73
* 67 C.E. Ass. 19 octobre
1962, Sieur BROCAS, Recueil du C.E p.553
* 68 C.E. 5 juin 1981,
Société Incimer op cit p.244
* 69 BOUMAKANI (B), op cit
p.75
* 70C.E. 26 novembre 1875,
PARISET, G.A.J.A op cit p29
* 71 MILLO (J.R), Les actes
de l'administration soumis au contrôle du juge. P.36
* 72 ILOKI (A), op cit
p.7
* 73 C.E 14 mars 1937,
D'Rault. Rec. Lebon 1991 p.253
* 74 C.E 23 juillet 1909,
Fabrègue. Rec. Lebon op cit p.358
* 75 C.S. Adm. 22 octobre
1971, N'ZONZA René in Rec. de la jurisprudence administrative de la C.S
1962-1984, Imprimerie nationale Brazzaville p.21 et 22
* 76 C.E. Ass. 14 mai 1954,
Sieur De Pischof, in Sirey de 1984 p.352
* 77 BANZOUZI (P),
Sujets traités au baccalauréat de philosophie, Brazzaville, 1995
à 2005 p.58
* 78 TIDJANI BA (A), Droit
du contentieux administratif Burkinabé. Collection Précis de
Droit Burkinabé p.3
* 79 C.E. Ass. 2 mars 1980,
Christian Huglo et autres in Rec. Lebon p.231
* 80 BOUMAKANI (B), op cit
p.71
* 81 BOUMAKANI (B),
op.cit p.71
* 82 C.S. Adm 17
décembre 1976
* 83 CS. Adm.26 avril
1965, Koffi AMEGA in Rec. commenté de la jurisprudence administrative de
la CS (R.P du Congo) 1962?1984 Imprérie Nationale Brazzaville 1986
p.13
* 84 CS. Adm. 13
juillet 2001, Lascony
* 85 DE LAUBADERE (A),
Traité de contentieux administratif ed. LGDJ, p. 58
* 86 C.E 14 juillet 1916,
Camino G.A.J.A. op cit
* 87 C.S. Adm, 22
décembre 1971, NZONZA René op cit
* 88 BAILLEUL (D),
L'efficacité comparée des REP et RPC objectif en Droit public
français, L.G.D.J, Paris 1999 p.25
* 89C.S. Adm 20 mai 1977,
KAYOULOUD
* 90 idem
* 91 C.E. 19 février
1875, Prince NAPOLEON in G.A.J.A op cit p.16
* 92 CE 19 février
1875 Prince NAPOLEON
* 93 C.E. Ass, 2 mars 1962,
Rubin Servens GAJA op. cit p.555
* 94 Idem
* 95 GABOU (A), Le juge
contrôleur de la légalité administrative au Congo, in RJPIC
1983 p.699
* 96 SANDRAN (C), Droit
administratif (Mémentos Thémis) éd. Puf 1993
p.99
* 97 MOUBANGAT MOUKONZI
(A.D), L E juge congolais face au pouvoir discrétionnaire de
l'administration. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M
(filière Magistrature) Brazzaville 1988 p.58
* 98 CE 2
décembre 1902, Société immobilière de Saint Just
GAJA op.cit p.67
* 99 BOKEL (A),
Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration dans
les pays en voie de développement d'Afrique francophone, Dakar 1996
p.2
* 100 LANDER (F), L'Etat
et l'intégration communautaire, in Rev. de la diplomatie
européenne p.27
* 101 OULD BOUBOUT (A.S),
Le juge constitutionnel face aux enjeux de la démocratie dans les pays
arabes p.4
* 102 FAVOREU (L), Les
cahiers du Conseil constitutionnel, RFD novembre 1997, p.5
* 103 KEUTCHA TCHAPNGA
(C), Le juge constitutionnel, juge administratif au Benin et au Gabon
éd. Rév.Adm.de Droit public 2003 p.15
* 104 Article 73 de l'Acte
fondamental du 24 octobre 1997
* 105 ILOKI (A) op cit
p.7
* 106 ILOKI (A) idem
* 107 Compte rendue du
15ème Colloque des Hautes juridictions administratives. Montréal
janvier 2009 p.11
* 108 CE 14 novembre 1936,
Arrighi Rec. p.25
* 109Article 110 de la loi
n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale
* 110 C.C.
Délibération n.001/DEL/CC/09 du 28 avril 2009 relative à
la régularité de l'élection du Psdt de la
Rép.
* 111C.S. Adm. 27 juillet 2006,
Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO
* 112 LAMOUROUX (S),
Actes préparatoires aux élections Présidentielles Ó
dernier acte, Univ. De Bordeaux 2001, p.2
* 113 Conseil
Constitutionnel. DC, 11 juin 1981, Delmas, Rec., p.39
* 114 C.E. Ass, 12
mars 1993, Union nationale écologiste et Parti pour défense des
animaux, rec. Lebon p.67
* 115Idem
* 116 C.C. DC. du 8
juin 1995, BAYEURTE, A.J.D.A., 1995 p.517
* 117 C.C. DC. du 20
septembre 2001, HAUCHEMAILLE et MARINI, A.J.D.A., 2001 p.854
* 118 C.C. DC. du 14
mars 2001, Stéphane HAUCHEMAILLE, A.J.D.A., 2001,
p.964
* 119 Cour
constitutionnelle, délibération du 29 avril 2009 op cit
* 120C.S. Adm. 27 juillet
2006, Jean KIGNOUMBI et André MILONGO.
* 121VENEZIA (J.C) et
GAUDEMET (Y), Traité de Droit Administratif Tome 1,
15ème ed. LGDJ p.571
* 122 Arrêt n°
09/GCS-2006 C.S. Adm 27 juillet 2006, Joseph KIGNOUMBI et André
MILONGO
* 123 BAILLEUL (D), op cit
p.56
* 124 DEBBASCH (C),
Contentieux Administratif Dalloz 1989 p.224
* 125 MINET (A),
Exposé, la distinction entre REP et RPJ in Séminaire de Droit
administratif, Univ. Paris II p.4
* 126 SAWADOGO (F), Le juge
national et le Droit communautaire, in Col. de Ouagadougou 24 au 26 juin 2003
p.5
* 127 MOUANGUE KOBILA (J),
Rapport entre la CJ.CEMAC et CCJA de l'OHADA, Univ. de Douala 2005 p.18
* 128 Idem.
* 129 SAWADOGO (F.M),
p.21
* 130 CHAMEGUEU (G.M), Le
contrôle des activités de la CEMAC. Mémoire pour
l'obtention du DEA. Université de Douala 2008. P.22
* 131 CHAMEGUEU (G.M), Le
contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC, mémoire
pour l'obtention du DEA, Université de Douala, Cameroun 2008 p.84
* 132 Idem p.45
* 133Tout sur le Droit
Communautaire (web. Site www. Dacodoc. Com)
* 134MOUDOUDOU (P), op cit
p.187
* 135 C.J CEMAC Ch.jud. 15
avril 2001, Calmine Bourguiba.
* 136C.E. 22
décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op
cit p.644
* 137 CE 22 décembre
1978, Ministre de la justice c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op cit
* 138 Idem
* 139MOUDOUDOU (P), op cit
p.81 et 82
* 140 C.S. Avis n.31 du 15
septembre 1998, Traité CEMAC
* 141 MOUDOUDOU (P) , op
cit p.82
* 142BAILLEUL (D) op cit
p.1
* 143 RIVERO (J), Extrait
du Huron au palais royal ou réflexions naïves sur REP, Dalloz 1962,
p.37
* 144 MOUDOUDOU (P), Le
Droit Administratif Congolais. L'Harmattan 2003 p.79
* 145 Idem p.11
* 146 BENOIT (F.P),
Juridiction judiciaire et juridiction administrative, JPC I, 1964 n.1838
p.154
* 147 De CHABANOL, Le juge
administratif, LGDJ, 1993. P.27
* 148 BENOI (F.P) op cit
p.24
* 149 ILOKI (A), op cit
p.8
* 150 MOUDOUDOU (P), op cit
p.84
* 151 Article 8 al.2 de loi
n.16/99 du 15 avril 1999 portant institution du CSM in Rec des textes p.671
* 152 MOUDOUDOU (P), op cit
p.12
* 153 FERRETI (R), Cour de
Droit Administratif (Maitrise de Droit public), Univ de Metz 2004-2005
* 154 T.C. 8 février
1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1
* 155 idem
* 156 BOUMAKANI (B), op cit
p.70
* 157FERRETI (F), op cit
p.55
* 158 Voir en ce sens le
mémoire de BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif dans le
système juridictionnel congolais, Mémoire pour l'obtention du
Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature, Brazzaville 2010
p.15
* 159 MOUDOUDOU (P), op cit
p.12
* 160 idem
* 161 idem
* 162 BOKEL (A), op cit
p.25
* 163C.E. 26
décembre 1925, Rodière G.A.J.A op cit p.261
* 164 C.S. Adm 26 juillet
1962, M'barga
* 165 C.E. 11 mai 2004,
Association AC! G.A.J.A op cit p.906
* 166C.S. Adm 20 mai 1977,
Kayouloud
* 167 Jurisclasseur n.052
mars 1999. P.12
* 168BOUMAKANI (B), op cit
p.5
* 169BIDJANG (N), Les
administrations dans les Etats au sud du Sahara, Douala 2002 p.25
* 170 MOUDOUDOU (P),
Tendances du Droit Administratif dans les pays d'Afrique noire francophone.
Annales de l'Univ M.N'GOUABI 2009 p.16
* 171BOUMAKANI (B), op cit
p.5
* 172 ILOKI (A), La place
du Droit et de la justice dans l'Administration p.9
* 173 idem
* 174 ILOKI (A), op cit
p.7
* 175 ILOKI (A), op cit
p.7
* 176 BENABDALLAH (M.A),
L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc, Annales de
2006 p.2
* 177 C.S. Adm 27 juillet
2006 op cit
* 178 Idem
* 179C.S. Adm 27 juillet
2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO
* 180 KAMONGO (A), Le
Conseil d'Etat, juge ainé des juridictions administratives dans les
Etats d'Afrique noire francophone 1996, p.18
* 181 C.E. 4 août
1904, Martin G.A.J.A op cit p.94
* 182KALUBA DIBWA (D), Du
contentieux constitutionnel en RDC, contribution à l'étude des
fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle.
Mémoire pour l'obtention du DEA. Université de Kinshasa 2010 p.45
* 183MBEMBA (G.F), Cours de
Droit Communautaire, 2ème année Magistrature E.N.A.M
2010-2011 p.37
* 184 Cour de justice de la
Communauté Européenne (CJCE), 5 février 1963 Van Gend and
Loos
* 185 MBEMBA (G.F), op cit
p.37
* 186 BENABDALLAH (M.A), op
cit p.22
* 187 LOKO (I), Protection
des Droits et des Magistrats au CongoÓ Pathologie d'une justice
exsangue, in col. De Yaoundé sur les Droits de l'homme en Afrique
Central.1994
* 188 BOUMAKANI (B), op cit
p.84
* 189 BENABDALLAH (M.A),
Dix ans des Tribunaux administratifs au Maroc (1994-2004), p.6
* 190 idem
* 191 BENONTADIDI (L.E), Le
contentieux administratif dans le système juridique congolais.
Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M (filière
magistrature) Brazzaville 2010 p.82
* 192ILOKI (A), op cit p.7
* 193 LAFERRIERE (E),
Extrait de la distinction des recours contentieux in Dacodoc (Web site http//
www.Dacodoc.com)
* 194GAUDEMET (Y), Le juge
administratif, futur administrateur? In Colloque du 40ème
anniversaire des Tribunaux administratifs.
* 195 C.S. Adm 20 mai 1977,
Kayouloud
* 196 CHAPUS (R), Droit du
contentieux administratif 9ème éd. Montchrestien 2001
p.216
* 197LABETOUL (D),
Conférence sur l'impact de la loi du 8 février 1995 dans le D.A
en France
* 198CE. 25 juin 2001,
Sté à objectifs sportifs « Toulouse football club »
* 199CE. 11 mai 2004,
Association AC! G.A.J.A op. cit p.906
* 200AUBY (J.M) et DRAGO
(R), Traité des recours en matière administrative
* 201PACTEAU (B), op cit
p.81
* 202ILOKI (A), op cit
p.7
* 203BOKEL (A), op cit
p.25
* 204 BOKEL (A) , op
cit p.15
* 205CE.Ass. 22
décembre 1978, Cohn-Bendit , GAJA op cit
* 206 DELVOLVE (P), Le
Droit administratif 3è éd. Dalloz 2002 p.3
* 207 T.C 8 février
1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1
* 208 DELVOLVE (P), Idem
p.5
* 209 MOUDOUDOU (P), op cit
p.12
* 210RIVERO (J), Le Huron
au palais royal, ou réflexions naïves sur le REP extrait Chroniques
Dalloz 1962, p.37
* 211 HAURIOU (M), Notes de
commentaire sur l'arrêt du CE 29 novembre 1912, Bossuge. Sirey 1914
p.33
* 212 JEZE (G), Rapport
à l'institut international de droit public. Annuaire 1929, p.180
* 213 Conf. L'exemple du
Maroc décrit par M.A.BENABDALLAH in l'évolution du REP au
Maroc.
* 214 C'est en 1962 que
Jean RIVERO a écrit le célèbre article intitulé
Ó « Le Huron au Palais?Royal ou réflexions naïves sur
le REP ».
* 215 RIVERO (J), Le Huron
au Palais?Royal ou réflexions naïves sur la REP. Extrait Dalloz
1962 p.37
* 216 Idem
* 217 Idem
* 218 BAILLEUL (D),
L'efficacité comparée des REP et de RPC objectif en Droit public
français. Ed. L.G.D.J 2002 p.1
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