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Le juge de l'excès de pouvoir au Congo

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par Edson Wencelah TONI KOUMBA
Ecole Nationale dà¢â‚¬â„¢Administration et de Magistrature - Diplôme de là¢â‚¬â„¢ENAM (Option Magistrature, cycle Supérieur)  2011
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACES

Je dédie ce travail à tous les membres de ma famille notamment à :

· Mes parents : Joseph et Marie KINGA, la preuve de votre amour a été de me soutenir matériellement, financièrement et moralement. C'est grâce à vos prières, vos encouragements et vos sages conseils tout au long de ces années d'études, que j'ai pu en arriver là en ce jour.

· Mes frères et leurs épouses :

Ø William Fred et Magalie Lucette TONI, à Ericson Junior et Nathalie Armelle MOUAYA ainsi qu'à leur fillette Miriam Gloire de Shékina MOUAYA pour leur soutien moral et leur affection manifestée chaque jour.

· Mes soeurs Ó

Ø TONI KINGA Nancy Béril, KINGA TSOHO Emmanuelle Josema et MATSANGA TONI Mercia Jocelle pour le respect et l'amour que des soeurs manifestent à l'égard de leur frère.

· A ma fiancée Ó

Ø N'GANONGO- PO Fanny Belgonde pour tout l'amour, le soutient et la confiance qu'elle ne cesse de manifester à mon égard.

Que Dieu vous bénisses et qu'il vous rende au centuple chacun selon les désirs de son coeur.

Ce travail est le fruit des efforts qui contribueront à l'avancement et à l'édification d'un droit du contentieux administratif au Congo. Le chemin a été long et jonché d'embuches mais les fruits n'en sont point amers.

Que tout le monde s'y retrouve à travers cet oeuvre

REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement mon Dieu, le Tout Puissant qui m'a donné la force, la bonne santé, le dévouement et la patience d'arriver à terme de ce document.

J'exprime mes remerciements à mon Directeur de mémoire, Monsieur NDAYI Thaddée Avocat général près la Cour Suprême pour avoir accepté de sacrifier son temps malgré ses multiples occupations, il n'a ménagé aucun effort pour la direction de ce travail.

A tout le corps des formateurs de l'Ecole Nationale de l'Administration et de Magistrature (E.N.A.M) de la filière Magistrature particulièrement Ó

· Monsieur Placide LENGA, Premier Président de la Cour Suprême.

· Monsieur Auguste ILOKI, Vice Président de la Cour Constitutionnelle.

· Monsieur Samuel GATABANTOU, Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême.

· Monsieur Isaac LOKO, Ancien Magistrat à la Cour Suprême.

· Monsieur Charles Emile APESSE, Premier Président de la Cour d'Appel de Brazzaville.

Ainsi qu'à tous ceux que je n'ai pas cités, mais dont les noms et le souvenir m'accompagneront tout au long de ma carrière. Du fond de mon coeur je vous remercie tous, pour vos conseils et le partage de vos expériences.

J'adresse mes remerciements à certains de mes Professeurs de la Faculté de Droit de l'Université Marien N'GOUABI notamment Ó

· Monsieur Placide MOUDOUDOU, Professeur Agrégé de Droit public, Doyen de la Faculté de Droit

· Monsieur Guy Clément MEBIAMA, Maître Assistant CAMES de Droit public

Mes remerciements vont à l' endroit de :

· Mes amis de la Faculté de Droit et dont certains sont aujourd'hui des collègues dans la profession, je pense à Ó

Leger Evrard BENANTADIDI, Roland Romaric N'GOMA, Noriel Christain MOUFOUTA, Eric PANDI MOUKOKO, Kardec KIBITI BAVOUEZA, Paul Claver KIMINOU, Yan MOUKIAMA M'BERI, Aude Trésor ONDONDA, Estelle MINZELET., Bijou N'KIE, Dorelle OKISSAKOSSI

· A ceux qui ont opté pour le barreauÓ

Rommel N'DZABA NODJITOLOM, Franc Darnaud N'GUIMBI MBENDZE, Marc Leger TOYO.

· Mes remerciements au Cabinet d'Avocat G.HOMBESSA

Particulièrement à Maitre Gabriel HOMBESSA Avocat à la Cour

· A mes frères et soeurs dans la foi en Jésus Christ Ó

Marcelin M'VILA MBEMBA, Nadin MAVOUNGOU, Emile MOUKOUDZI, Franc Jerry M'VOUNDI MABIKA, Vince ELAT, Herman MOUELE, Abel MBATSIMBA, Mr et Mme N'DZON, Tonny EYENI, Jean KITEMBO, Christie NGOTENI, Didine MOUTOU, Grace N'GOULOU

Je tiens à exprimer ma vive gratitude aux membres du jury. Veuillez trouver ici le témoignage de ma reconnaissance pour votre temps et l'attention que vous avez apporté à ce travail.

A tous ceux là qui n'ont pas été cités nommément et dont le soutien moral et la présence à mes côtés ont été d'un grand apport dans la réalisation de ce travail

Que Dieu vous Bénisses, car vous avez cru à la réalisation de cet oeuvre.

Liste des abréviations

Adm. Administrative

A.E.F. Afrique Equatoriale Française

A.J.D.A. Actualité Juridique, Droit Administratif

Ass. Arrêt d'Assemblé

C.A. Cour d'Appel

C.A.A Cour d'Appel Administrative

C.E Conseil d'Etat

C.E.M.A.C Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale

CJCE Cour de Justice de la Communauté Européenne

CO.B.A.C. Commission Bancaire d'Afrique Centrale

C.P.C.C.A.F Code de Procédure Civile, Commerciale, Administrative et

Financière

C.S. Cour Suprême

E.N.A Ecole Nationale d'Administration

E.N.A.M Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature

E.N.M Ecole Nationale de Magistrature

O.H.A.D.A Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en

Afrique

R.D.P. Revue de Droit Public

Rec. Recueil Lebon

REP. Recours pour excès de pouvoir

S. Sirey (recueil de jurisprudence)

T.A Tribunal Administratif

T.G.I Tribunal de Grande Instance

SOMMAIRE

DEDICACES 1

REMERCIEMENTS 2

LISTE DES ABREVIATIONS 4

SOMMAIRE 5

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE Ó IDENTIFICATION DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO 15

CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL 16

SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA COMPETENCE 16

Paragraphe 1 : Présentation organique et fonctionnelle 17

Paragraphe 2 : Les fondements de la compétence exclusive dévolue au juge administratif suprême 25

SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF SUPREME EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR 31

Paragraphe 1 : Les règles procédurales devant le juge de l'excès de pouvoir 25

Paragraphe 2 : L'étendue et les limites des pouvoirs du juge administratif suprême en matière d'excès de pouvoir 35

CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION A LA LOI 44

SECTION I : LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR 44

Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel et l'annulation des actes non conformes à la constitution : le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs 45

Paragraphe 2 : Le juge électoral et l'annulation des actes se rapportant aux élections 51

SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA CEMAC, JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR 57

Paragraphe 1 : L'intégration du Droit communautaire dans le système juridique Congolais 57

Paragraphe 2: L'annulation des actes administratifs non conformes par le juge

CEMAC 61

DEUXIEME PARTIE Ó LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU CONTENTIEUX DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO ET LES SUGGESTIONS POSSIBLES 66

CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO 67

SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR 67

Paragraphe 1: Une formation composée des juges non spécialisés évoluant dans un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir 68

Paragraphe 2: Un juge travaillant dans des conditions précaires et en proie à la concurrence des organes non juridictionnels 76

SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION 85

Paragraphe 1 : Les restrictions au champ d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de pouvoir 85

Paragraphe 2 : Les difficultés endogènes et exogènes au juge communautaire 90

CHAPITRE II : LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR 95

SECTION I : RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR EFFICACE 95

Paragraphe 1: Le transfert de la connaissance des actes des autorités locales aux juridictions inférieures 96

Paragraphe 2: L'institution d'un véritable juge administratif plus tatillon dans la connaissance de l'excès de pouvoir 101

SECTION II : LES AMENAGEMENTS DANS LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES

DE POUVOIR 106

Paragraphe 1: La révision des compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des actes administratifs 107

Paragraphe 2: La repartition équilibrée des compétences entre le juge communautaire et le juge administratif national dans le domaine de l'annulation des actes 111

CONCLUSION 116

BIBLIOGRAPHIE 120

TABLE DE MATIERES 116

ANNEXES 120

INTRODUCTION

Lors de leur accession à l'indépendance, la plupart des pays d'Afrique noire issus de la colonisation française avaient opté pour un système d'unicité d'ordre de juridiction. Ce choix avait pour corollaire, l'institution des Cours Suprêmes polyvalentes au sommet de leur pyramide judiciaire. Ces Cours Suprêmes comportaient en leur sein une section ou une chambre administrative dont l'une des missions essentielles consistait à exercer un contrôle juridictionnel de la légalité des actes de l'administration par le biais du recours pour excès de pouvoir. Au Congo, c'est la Chambre administrative de la Cour Suprême qui sera pendant plus d'un demi-siècle considérée comme, juge de l'excès de pouvoir.

Parlant des mérites de la justice administrative, Pierre DELVOLVE affirmait : « S'il fallait chercher aujourd'hui encore une justification de la justice administrative, elle se trouverait dans le constat qu'elle a réussi à contrôler l'administration par des mécanismes permettant de lui faire respecter le droit auquel elle est soumise »1(*). Au Congo, la transposition et la compréhension des concepts « juge » de l' « excès de pouvoir » posent un sérieux problème. Elles renvoient à une approche binaire qui concilie à la fois l'organe et la matière. En effet, si le concept « juge » désigne au sens de la loi de 1962 une formation intégrante de la plus haute juridiction (la Cour Suprême) dotée des compétences d'une véritable juridiction administrative autonome, celui de « l'excès de pouvoir » traduit la matière, un démembrement de la classification formelle et tétralogique du contentieux administratif établi par Edouard LAFFERIERE2(*), le Président Auguste ILOKI le définit comme : « l'action juridictionnelle par laquelle tout administré intéressé demande l'annulation d'un acte administratif unilatéral exécutoire pour cause d'illégalité »3(*). Ainsi, le recours pour excès de pouvoir apparait comme une véritable illustration de l'Etat de droit. C'est un moyen qui permet d'une part à tout sujet de droit, de contester la décision d'une autorité administrative et d'autre part au juge de rétablir l'ordre légal en sanctionnant tout acte contraire à la légalité.

Depuis 1962, l'histoire du recours pour excès de pouvoir au Congo est étroitement liée à celle de son juge c'est-à-dire à celle de la chambre administrative de la Cour Suprême.

En effet, au lendemain de l'indépendance du Congo, la question relative à un contrôle juridictionnel de l'administration avait été confrontée à une difficulté organisationnelle : à quel juge fallait-il confier ce contrôle ?

Au juge judiciaire ou, à l'exemple de l'ex-métropole, à un juge administratif ? Compte tenu des contraintes financières d'une part et d'autre part du manque de personnel, la justice administrative et judiciaire ont été confiées à un juge unique polyvalent qui statuait (au premier et deuxième degré et au plein contentieux) sur les litiges où l'administration est partie. En d'autres termes, l'unicité de l'organe a été compensée par la spécialisation des fonctions. Mais, du fait de l'importance et de la sensibilité, du contentieux de l'excès de pouvoir sa connaissance fut confiée à un juge spécialisé du niveau le plus élevé. Ainsi, la chambre administrative de la Cour Suprême connaît-t-elle de façon exclusive du recours pour excès de pouvoir en premier et dernier ressort.

Au fil des années, malgré les réformes qu'a connues le système juridiciaire congolais, cette compétence exclusive sera maintenue par le législateur à travers une série des lois notamment celle du 20 janvier 1962 (loi n°4-62 portant création de la Cour Suprême). Cette loi disposait en son article 2 : « La Cour Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives ». Plus de deux décennies plus tard, la réforme qui intervient avec la réorganisation de la justice en République Populaire du Congo institue un code de procédure civile, commerciale, administrative et financière (loi n°51-83 du 21 avril 1983). Ce code, qui prévoit des règles spéciales concernant ce recours dispose en son article 405 que : « Le recours en annulation est recevable contre toute décision réglementaire ou individuelle émanant d'une autorité administrative ». Ensuite, la loi n°025-92 du 20 août 1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême et enfin, celle du 15 août 1999 (loi n°17-99) modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême reprennent toutes en leur articles 3 la même disposition : « La Cour Suprême se prononce sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des diverses autorités administratives ».

Le juge administratif suprême en assumant sa mission a affirmé cette compétence à travers une jurisprudence abondante.

C'est ainsi que dans le célèbre arrêt Kayouloud Paul Dédet, il réaffirme l'option du monisme juridictionnel et reprécise la compétence d'attribution reconnue à la Cour Suprême en ces termes : « le Tribunal de Grande Instance, en raison de la compétence d'exception de la Cour Suprême en matière de recours pour excès de pouvoir, ne connaît du contentieux administratif qu'au plein contentieux »4(*).

Cependant, derrière cette séduction apparente résultant d'un système qui concilie unicité de l'organe et spécialisation des fonctions se cache des réalités bien différentes. En effet, le Congo à l'instar des autres pays d'Afrique noire francophone, soumis à des impératifs de développement et de satisfaction de l'intérêt général tend de plus en plus vers « l'âge administratif »5(*). L'administration devient tentaculaire, son champ d'action se densifie et se diversifie. Elle se transforme en un bras séculier et actif du pouvoir exécutif bénéficiant pour ce faire d'énormes prérogatives. Pour le Professeur Placide MOUDOUDOU : « Au Congo, en général, l'administration fonctionne fréquemment en marge de la légalité »6(*) ; cette situation de privilégiée laisse transparaître de graves dangers. Celui d'une puissante machine qui à long terme écraserait les droits et libertés des citoyens et d'une imposante institution dont les actes empiéteraient sur la vie publique et privée de ses administrés.

Face à cette menace réelle, le juge de l'excès de pouvoir apparaît comme un rempart, un bouclier à triple fonction : celle de protéger les citoyens, de réguler l'action administrative et d'éduquer les autorités auteurs des actes administratifs. La réalisation de cette triple mission suscite moult préoccupations.

D'abord, en l'état actuel de notre droit positif, le domaine de protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif s'est élargi. Certains actes administratifs pris à leur égard échappent à la seule compétence du juge administratif suprême. Le Congo, Etat de droit, devient un espace juridictionnel très concurrentiel mettant en évidence à la fois le juge administratif, le juge constitutionnel et le juge communautaire.

K.TCHAPNGA écrivait : « Si le juge administratif n'a joué dans le passé qu'un rôle limité au regard des droits fondamentaux, ce rôle s'est aujourd'hui estompé au profit des juges constitutionnel et communautaire »7(*).

Ensuite, dans la connaissance même de ce contentieux, la Chambre administrative, juge de l'excès de pouvoir (par principe) a un profil judiciaire, « il est essentiellement un juge judiciaire »8(*). Il se trouve de ce fait confronté à des problèmes de spécialisation, d'expériences pratiques, de connaissance adéquate et approfondie de l'administration, de ses rouages et de ses méthodes car,  « Nul n'est bon juge que de ce qu'il connaît et pour juger l'administration, il faut donc la connaître »9(*).

Enfin, les pesanteurs socio-politiques et économiques ne facilitent pas non plus l'activité de ce juge. Le recours pour excès de pouvoir apparait comme un terrain sur lequel le juge « s'engage à ses risques et périls »10(*). En effet, « ni les autorités publiques ni même les administrés n'aiment le droit administratif »11(*) et encore moins son contentieux. Si les premiers perçoivent dans ce recours un instrument pour détecter et sanctionner les pathologies de l'administration, les seconds le considèrent comme complexe. Du coup, le juge de l'excès de pouvoir est ignoré et marginalisé, les administrés préférant recourir à d'autres modes de retrait des actes administratifs (recours gracieux ou hiérarchique) son rendement est de ce fait maigre : « entre 1962 et 1984, soit pendant vingt deux ans, la Chambre administrative de la Cour suprême n'a pu rendre que treize arrêts portant sur le recours pour excès de pouvoir »12(*).

Pourtant, il est évident que dans un Etat de droit en pleine édification, la question du juge de l'excès de pouvoir devait revêtir une importance indéniable. Il serait normalement considéré comme « une clé de voute dans la protection des administrés contre l'arbitraire administratif »13(*).

C'est pourquoi, en jetant notre dévolu sur ce thème, nous estimons que son objet ne consistera pas simplement à épiloguer sur la notion du recours pour excès de pouvoir avec ses ramifications, mais plutôt, de cerner tous les contours du juge ayant en charge ce contentieux (sa place, son rôle, ses difficultés) après l'avoir identifié et déterminé ses compétences et pouvoirs. C'est ainsi que dans l'étude de ce thème, nous nous sommes proposé d'atteindre trois objectifs essentiels :

-Identifier le juge de l'excès de pouvoir, faire l'état de la question (qui demeure un domaine quasi stérile) en mentionnant les difficultés que connaît ce juge dans la connaissance de ce contentieux.

-Suggérer le transfert d'une partie de ce contentieux à la connaissance des juridictions inférieures pour répondre aux exigences d'accessibilité et de rapprochement du juge vers le justiciable.

-Amener le juge de l'excès de pouvoir à s'inspirer des mutations que connait le contentieux de l'annulation en France et dans les pays d'Afrique partageant avec le Congo la même tradition juridique et renforcer ses potentialités pour qu'il s'adapte aux incidences du droit communautaire et qu'il ne soit pas en marge des différentes évolutions sur la question.

Il ressort donc de ces objectifs, que cette étude tel qu'envisagée revêt une importance indéniable. L'appréhension du recours pour excès de pouvoir et celle de son juge au Congo reste embryonnaire, bornée aux principes empruntés au droit administratif français souvent mal adaptés aux réalités de la vie administrative congolaise.

Apportant ainsi notre pierre à l'édification d'un  droit du contentieux administratif congolais, la présente étude revêt un intérêt à la fois historique, pratique et jurisprudentiel.

Au plan historique, cette étude permet de cerner les différentes phases dans l'évolution du contentieux de l'annulation et celle de la jurisprudence appliquée par le juge congolais dans ce domaine depuis la colonisation jusqu'à nos jours.

Au plan pratique, la vie administrative au Congo comporte aujourd'hui plusieurs ramifications (décentralisation, expropriation, contentieux de la fonction publique, intégration sous-régionale...). Ces phénomènes administratifs entrainent une densification du contentieux de l'excès de pouvoir. La présente étude permet de mettre en exergue l'étendue des compétences et des pouvoirs dévolus à la Chambre administrative de la Cour Suprême en tant que juge de l'excès de pouvoir ; de préciser les cas d'intervention des autres organes juridictionnels et les contours des procédures y relatives. Dès lors, le juge de l'excès de pouvoir peut exercer un contrôle étendu en sanctionnant les omissions, les légèretés dont fait preuve l'administration. De même, l'administré pourra acquérir la conviction que l'on peut avoir raison contre l'administration car elle n'est pas un bastion inattaquable ni une puissance souveraine et intangible bien distante et de loin plus forte.

Au plan jurisprudentiel, la présente étude relance la grande question du pouvoir normatif14(*) de ce juge autrement dit, « le juge a-t-il le droit de faire du droit ? »15(*). En se référant au modèle français, le droit administratif en général est une construction prétorienne ce qui ne l'est pas moins quant au recours pour excès de pouvoir. En effet, à travers les arrêts Pariset16(*), Dame Lamotte17(*) et Association AC18(*) le Conseil d'Etat, juge de l'excès de pouvoir a forgé ce contentieux. Il a : « par des touches successives, non sans tâtonnements mais toujours avec détermination -en plusieurs décennies- fait du recours pour excès de pouvoir ce que Napoléon avait fait faire des autres branches du droit »19(*). S'inscrivant dans ce droit fil, l'étude met en exergue l'oeuvre du préteur congolais adaptée à la question.

Aujourd'hui, cinquante ans après son indépendance, le Congo vise à s'arrimer aux exigences de démocratie, de bonne gouvernance et d'Etat de droit ; ces objectifs ne se mesurent qu'à l'aune de l'effectivité et de l'efficacité du contrôle exercé sur les organes de l'Etat. Dans ce contexte, le juge de l'excès de pouvoir constitue une épine dorsale dans l'organisation de la vie administrative, étant une charnière entre l'administration et les administrés ; il est saisi par ces derniers pour déceler toute illégalité des actes leur faisant grief et les sanctionner. Cependant, la question ne semble pas susciter l'enthousiasme des juristes congolais.

En effet, au Congo, il n'existe quasiment pas de manuels correspondants et adaptés à la question, mis à part les ouvrages du Président Auguste ILOKI, le recours pour excès de pouvoir au Congo et du Professeur Placide MOUDOUDOU, le Droit administratif Congolais tous deux publiés aux éditions l'Harmattan en 2002 et 2003.

Nous avons recensé quelques mémoires soutenus par certains élèves de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature de la filière magistrature notamment :

Ø Le mémoire de Jérôme-Patrick MAVOUNGOU Ó le contrôle juridictionnel de l'administration au Congo, soutenu en 2000 ;

Ø Le mémoire de Jonathan Nicaise SOUNDOU Ó le juge administratif congolais soutenu en 2001 ;

Ø Le mémoire d'Evrard Leger BENONTADIDI Ó le contentieux administratif dans le système juridictionnel congolais, soutenu en 2010.

En dehors de l'ouvrage du Président Auguste ILOKI qui aborde de façon spécifique la question en l'adaptant aux réalités congolaises, l'ensemble de ces travaux ne donnent qu'une approche générale du contentieux administratif congolais en ne réservant qu'une partie étriquée à la question du recours pour excès de pouvoir.

Notre étude aura l'avantage d'aborder cette question avec une approche plus organique et pratique. Nous y apportons un regard à la fois critique et comparatif ce en nous référant aux modèles français, marocain, béninois et gabonais.

M.GJIDARA écrivait : « Le véritable Etat de droit est celui dans lequel les violations de la légalité, quel qu'en soit l'auteur, peuvent être constatées et sanctionnées par un juge »20(*). Il en résulte qu'exercer un contrôle juridictionnel de l'administration, en l'amenant à rendre compte de ses actes, les annuler en cas d'illégalité telle est la mission du juge de l'excès de pouvoir21(*). L'accomplissement de celle-ci nécessite plus d'indépendance, d'impartialité et d'hardiesse.

L'échiquier du contentieux administratif congolais connait de grandes mutations. En effet, l'exclusivité de la connaissance du recours pour excès de pouvoir conférée à la chambre administrative de la Cour Suprême, consacrée et pérennisée par le législateur semble aujourd'hui s'effriter.

Il est établit que, la Cour Constitutionnelle peut connaître du contentieux de l'annulation des actes administratifs se rapportant à l'élection présidentielle22(*) et ceux contraire à la Constitution23(*). De même, que l'annulation des actes non conformes au droit communautaire relève du juge communautaire24(*).

De plus, placé au coeur d'un système moniste et dans un contexte en développement, le juge de l'excès de pouvoir éprouve des difficultés dans la connaissance de ce contentieux. Ce sont ces difficultés qui constituent la trame de notre problématique et qui se traduisent par une série d'interrogations :

-Qui est le juge de l'excès de pouvoir au Congo, est-ce uniquement la Chambre administrative de la Cour suprême comme le prévoit le législateur ?

-Cette exclusivité conférée par principe au juge administratif suprême cadre t-elle avec les mutations actuelles du contentieux administratif et partant les incidences du droit communautaire ?

-Quelles sont les difficultés que rencontre ce juge dans la connaissance de ce contentieux et quelles peuvent en être les solutions ?

A travers une approche à la fois descriptive, analytique et comparative nous nous inscrirons dans l'hypothèse suivant laquelle : Les difficultés que connait le juge congolais statuant en matière du contentieux de l'annulation s'expliquent Ó D'une part, par le fait que ce contentieux en pleine mutation devient pluridimensionnel et, celui-ci connait l'intervention des nouveaux acteurs dit « acteurs contemporains dans le contrôle de la légalité des actes administratifs »25(*). D'autre part, le système juridictionnel congolais ainsi que le profil de son juge administratif deviennent mal adapté aux réalités actuelles du droit administratif et de son contentieux. D'où, la nécessité d'initier des réformes devant permettre au juge de l'excès de pouvoir de collaborer avec ces acteurs. Mais surtout, la nécessité de réaménager le système congolais en y apportant certaines réformes.

En ayant recours aux techniques d'investigations que sont : la recherche documentaire traitant de la question objet de notre recherche ; l'entretien avec des personnes ressources, il nous est apparut concevable de retenir une démarche simple, précise et concise axée essentiellement sur deux points à savoir : L'identification du juge de l'excès de pouvoir au Congo (Première partie). Les difficultés dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir au Congo et les suggestions possibles (Deuxième partie).

.

Une action administrative canalisée par la règle de droit et la sanction juridictionnelle, tel est l'idéal auquel aspirent la majorité des Etats africains. Aussi, pour chaque citoyen, la saisine d'un juge dont la mission serait d'assurer la soumission de l'administration au droit est considérée comme une garantie de ses libertés contre l'arbitraire administratif.

De tout temps, le constituant congolais a veillé à la protection des droits et libertés des citoyens face aux dérives de l'administration. Pour ce faire, il a confié au pouvoir judiciaire la mission de rendre la justice au nom du peuple congolais26(*) et a institué une Cour Suprême au sommet de sa hiérarchie27(*). Le législateur, prenant le relais a organisé une répartition des compétences au sein de cette haute juridiction. Il résulte de cette répartition que la chambre administrative de la Cour Suprême est juge du recours pour excès de pouvoir en premier et dernier ressort.

C'est pour autant dire que depuis plus de cinq décennies, la chambre administrative de la Cour Suprême exerce de façon exclusive un contrôle juridictionnel des actes administratifs pour cause d'excès de pouvoir (Chapitre I).

Mais aujourd'hui, l'activité administrative se diversifie et son champ s'élargi de sorte que certains de ses actes échappent à la compétence du juge administratif suprême. La connaissance de ces actes relève exceptionnellement d'autres juridictions. On parle alors des juges de l'excès de pouvoir par dérogation à la loi (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL.

Selon le juge administratif suprême : « en matière administrative la règle de la répartition des compétences au sein de l'ordre unique congolais des juridictions est que le Tribunal de Grande Instance est le juge naturel de tout litige relevant du contentieux administratif sauf (...) au cas d'une attribution exceptionnelle de la compétence administrative à certaines juridictions comme notamment la Cour Suprême »28(*). Par cette interprétation jurisprudentielle de l'article 1ér de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962, il confirme l'attribution faite à la chambre administrative de la Cour Suprême de connaître du recours pour excès de pouvoir d'une manière exclusive.

C.PERERA affirmait : « qu'aucune autre juridiction ne peut annuler un acte administratif »29(*). Cette consécration pérennisée par le législateur a fait de la chambre administrative de la Cour suprême, juge exclusif du recours pour excès de pouvoir.

Comment se présente cette chambre et quels sont les fondements de sa compétence ? (Section 1). Ces questions méritent un examen minutieux avant d'analyser tous les contours de son office en tant que juge de l'excès de pouvoir (Section 2).

SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA COMPETENCE.

L' article 83 de la loi n°19-99 du 15 aout 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 aout 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire dispose : « Le Tribunal Administratif est, en matière administrative, juge de Droit commun en premier ressort, et au plein contentieux, il est au cours des Instances dont il est saisi, compétent pour interpréter les décisions des diverses autorités administratives et apprécier leur régularité juridique, à la demande de l'une des parties, sans pouvoir en prononcer l'annulation qui est de la compétence de la Cour Suprême ».

A défaut d'existence des Tribunaux administratifs, les Tribunaux de Grande Instance sont juges de droit commun en toute matière sauf dans les cas où la loi attribue une compétence exclusive à une autre formation.

C'est ainsi que, depuis 1962, le législateur a conféré à la Cour Suprême et plus précisément à sa chambre administrative une compétence exclusive dans l'annulation des actes administratifs pour cause d'illégalité. Il convient d'examiner son organisation et son fonctionnement (§1) avant d'analyser les fondements de cette compétence exclusive (§2).

Paragraphe 1 : Présentation organique et fonctionnelle.

La chambre administrative de la Cour Suprême est la plus haute formation spécialisée en matière administrative. En tant que composante de l'institution placée au sommet de la hiérarchie du pouvoir judiciaire, son organisation et son fonctionnement sont comme ceux de toutes les formations de la Cour Suprême fixés par la loi portant organisation et fonctionnement de cette Cour.

Tel qu'il résulte des dispositions constitutionnelles (article 129 alinéa 6 de la constitution du 15 mars 1992 qui a quasiment été repris par l'article 134 de la constitution du 20 janvier 2002) : « la loi fixe l'organisation, la composition et le fonctionnement de la Cour Suprême ». Les lois de 1962 à 1999 en fixant de façon générale l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême ont défini la composition, le mode de désignation des juges (A) et les compétences de la chambre administrative qui est l'une des formations de cette haute juridiction (B).

A)- Présentation organique : composition et désignation des juges de la Chambre administrative.

La chambre administrative de la Cour Suprême est la seule formation administrative ayant reçue une attribution légale pour connaitre du recours pour excès de pouvoir, le législateur n'ayant pas maintenu le principe du double degré de juridiction dans ce domaine. Il conviendra de présenter d'abord sa composition (1) et ensuite, le mode de désignation des magistrats qui la compose (2).

1- La composition.

Depuis la loi de 1962, la chambre administrative, comme toutes les formations de la Cour Suprême (à l'exception des chambres mixtes et des chambres réunies) est composée de trois magistrats du siège dont un Président.

En ce sens, l'article 22 de la loi du 15 avril 1999 qui reprend l'article 23 de la loi de 1992 dispose : « A l'exception des chambres réunies, chaque chambre comprend le Président de chambre et deux (2) magistrats ».

Toutefois, lorsqu'elle ne peut être valablement constituée, le Président ou le vice président de la Cour Suprême fait recours de façon provisoire à un juge intérimaire désigné parmi les magistrats du siège de la Cour d'appel.

Le siège du Ministère public est occupé par un magistrat relevant du Parquet général de la Cour Suprême. Cette règle de l'unicité ou de l'indivisibilité du Ministère public est prévue par l'article 33 de la loi précitée.

Cependant, il convient de préciser que sous l'empire de la constitution du 8 juillet 1979 et de la loi du n°53/83 du 21 avril 1983 portant réorganisation de la justice en République populaire du Congo, il est institué le principe de la justice populaire. Cette réforme aura pour conséquence l'institution des juges non professionnels appelés à siéger à tous les niveaux, y compris au sein de la Cour Suprême. C'est ainsi qu'au sein de la chambre administrative comme dans les autres formations, deux juges non professionnels siégeaient aux cotés du Président et des deux magistrats30(*). La loi n°025-92 du 20 août 1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême a mis fin à cette pratique et a rétabli la chambre administrative comme les autres formations de la Cour Suprême dans leur composition initiale.

Deux observations peuvent être apportées sur la qualité et le nombre des magistrats qui composent l'instance habilitée à connaître du recours pour excès de pouvoir.

Sur leur qualité, force est de relever qu'à raison du système moniste, les juges de la chambre administrative sont choisis parmi les magistrats de l'ordre judiciaire. La spécificité fonctionnelle minimale de cette chambre se trouve encore plus atténuée

du fait de « l'absence de spécialisation des magistrats qui y siègent ; ils sont essentiellement issus du cadre judiciaire et ne font l'objet d'aucune spécialisation, ni dans leur formation, ni dans leur affectation, ni dans leur statut »31(*).

Sur le nombre des magistrats, il peut être considéré comme insuffisant au regard du nombre de dossier que la chambre est amenée à traiter. En effet, en dehors des recours en annulation, elle connaît aussi des recours en cassation des décisions administratives émanant de l'ensemble des juridictions sur tout le territoire national.

Ce défaut en terme quantitatif peut poser de sérieux problèmes de célérité et de rapidité dans le traitement des dossiers sans cesse croissant en matière d'excès de pouvoir.

Le législateur a prévu aussi les modes de nomination des magistrats composant la chambre administrative de la Cour Suprême qu'en est-il ?

2- Les modes de désignation des magistrats de la chambre ? Nomination du Président de la chambre et affectation des juges.

Le Président Robert BADINTER affirmait que Ó « la légitimité d'une institution ne saurait dépendre des conditions de désignation de ses membres, mais bien de son acceptation par le souverain qui a voté la Constitution (en l'occurrence le peuple) »32(*). Comment sont désignés les magistrats qui siègent au sein de la chambre administrative de la Cour Suprême ?

Dans toutes les lois portant organisation de la Cour Suprême (la loi de 1962, de 1992 ou de 1999), la lecture de l'alinéa 2 de l'article 9 semble distinguer les conditions de désignation des magistrats à la chambre administrative et celles des autres formations au sein de la Cour Suprême. En effet l'article 9 alinéa 2 de toutes ces lois dispose Ó « Toutefois, peuvent être nommés à la chambre administrative et constitutionnelle de la Cour Suprême les magistrats qui remplissent les conditions de grade, d'ancienneté et de présence effective dans leur administration d'origine ».

En réalité, cette distinction était liée au fait que pendant longtemps, cette chambre a cumulé les compétences de juridiction constitutionnelle et financière en sus de ses compétences administratives contentieuses.

Depuis la mise en place des institutions issues la constitution de 2002, la chambre administrative de la Cour Suprême a été rétablie dans ses compétences traditionnelles (recours pour excès de pouvoir et recours en cassation).

Dorénavant, cette chambre est constituée de trois magistrats professionnels. Seul le Président de chambre est nommé par décret du Président de la République pris au Conseil supérieur de la Magistrature. Les deux autres juges, sont comme tous les autres magistrats, nommés à la Cour Suprême ensuite, affectés à cette chambre.

Cependant, il faut relever que dans le fonctionnement de la Cour Suprême et partant dans celui de sa chambre administrative la pratique s'écarte de la théorie telle que posée par le législateur. En effet, mis à part le Président de la chambre, aucun magistrat du siège n'est expressément affecté à cette chambre.

Après cette présentation organique, il convient d'examiner ses compétences contentieuses. Pour ce faire, nous analyserons sa compétence comme juge de l'excès de pouvoir ensuite nous établirons une distinction entre cette dernière et la cassation.

B)- Une formation dotée de plusieurs compétences.

Depuis plusieurs décennies, la chambre administrative de la Cour Suprême a reçu du législateur une compétence pour connaître du recours en annulation pour excès de pouvoir, par cette attribution exclusive, elle est la seule juridiction administrative qui connaît du recours pour excès de pouvoir en premier et dernier ressort (1).

Mais en tant que juridiction administrative la plus élevée, outre la connaissance de l'excès de pouvoir, cette chambre est juge de cassation contre les décisions rendues en dernier ressort et en matière administrative par les juridictions et par des organismes administratifs à caractère juridictionnel (2).

1- La connaissance exclusive du recours pour excès de pouvoir.

L'organisation juridictionnelle en ce qui intéresse le contentieux administratif au Congo a été déterminé par une succession de textes législatifs datés de 1962 à 1999. Ces textes ont les uns après les autres remaniés le cadre juridictionnel en la matière sans pour autant remettre en cause la dévolution et le contenu des compétences contentieuses de la chambre administrative de la Cour Suprême.

C'est ainsi que le principe du double degré de juridiction n'a été retenu que pour le plein contentieux.

Si aujourd'hui, il est totalement admis que cette compétence exclusive dans la connaissance de l'excès de pouvoir est une attribution classique qui est considérée comme « une compétence jubilaire »33(*). Il est important de rappeler qu'elle a résisté à l'usure des textes législatifs, des réformes et de ses détracteurs.

En effet, cela n'a toujours pas été le cas car pendant longtemps, l'attribution d'une compétence exclusive reconnue à cette chambre comme juge de l'excès de pouvoir a fait l'objet de controverse tant en doctrine qu'en jurisprudence. Au coeur de ce débat, une question qui se présentait comme suit : «  En se fondant sur la compétence générale du Tribunal de Grande Instance sur l'ensemble du contentieux administratif selon les termes de l'article 1er de la loi n°6-62 du 20 août 1962 ; il est de ce fait compétent pour apprécier et interpréter la légalité des décisions administratives. Mais, cette compétence générale conduit-elle automatiquement à l'annulation de ces actes ? »34(*).

Comme pour prendre part à cette polémique la chambre administrative a, dans ses motifs de l'arrêt KAYOULOUD, disposé d'une argumentation textuelle dont l'importance sera indéniable par la suite. Celle-ci est constituée par les articles 2 et 49 de la loi 4-62 du 20 janvier 1962 relative à la Cour Suprême qui disposent : « La Cour Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives » et « La chambre administrative (...) connaît en outre des recours en annulation pour excès de pouvoir ».

Le mot annulation, ainsi employé par le législateur, exprime clairement la volonté de ce dernier et une telle disposition ne peut être interprétée autrement que dans le sens où on l'entend habituellement. C'est-à-dire que l'annulation des actes administratifs est une attribution reconnue exclusivement à la chambre administrative de la Cour Suprême malgré la compétence de droit commun des Tribunaux de Grandes Instances.

Par ailleurs, l'appréciation et l'interprétation constituent au Congo un contentieux de la légalité mais à titre incident et par voie d'exception35(*). Ce ne sont pas des questions préjudicielles susceptibles de conduire à surseoir à statuer et à renvoyer devant le juge de la légalité.

L'article 62 alinéa 3 de la loi du 20 aout 1992 qui reprend les termes de l'article 2 de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962 dispose : « au cours des instances dont elle est saisie, la chambre civile est compétente pour interpréter les décisions des diverses autorités administratives et apprécier leur régularité juridique, lorsqu'elles sont invoquées à l'appui de la demande ou comme moyen de défense ».

Cette plénitude de la compétence des Tribunaux de Grandes Instances est plus étendue que celle attribuée au juge judiciaire français statuant en matière civile et correspond à celle du juge répressif français. En effet, alors que l'article 111-5 du nouveau code pénal français dispose : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité, lorsque, de  cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis »,

la jurisprudence Septfond quant à elle, limite les pouvoirs du juge civil à la seule interprétation en ces termes : « L'interprétation lui est permise en ce qui concerne les actes réglementaires, mais celle des actes individuels - à moins qu'ils soient parfaitement clairs - constituent une question préjudicielle de la compétence de la juridiction administrative »36(*).

Il convient de préciser que cette vision consistant à faire de la chambre administrative des Cours Suprêmes juge exclusif du recours pour excès de pouvoir, a été adoptée par la plupart des Etats d'inspiration juridique et judiciaire française.

Aujourd'hui, plusieurs décennies après leur indépendance, certains pays ont comme le Congo maintenu cette compétence exclusive reconnue à la chambre en matière du contentieux de l'annulation.

C'est le cas de  la République du Tchad dont l'article 7 de la loi 004/PR/98 du 13 novembre 1997, s'agissant de la chambre administrative de la Cour Suprême, dispose à son alinéa 3 : « Elle statue seule sur les recours pour excès de pouvoir contre les décrets et arrêtés ». Il en est de même pour la Côte d'Ivoire à propos de la loi du 25 avril 1997 modifiant celle du 16 août 1994 portant composition, organisation, attribution et fonctionnement de la Cour Suprême.

Par contre, d'autres pays ont réorganisé leur système en instituant un double degré de juridiction dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir par la création des Tribunaux et Cours d'Appels administratifs.

Au nombre de ces pays, on pourra citer le Gabon dont les lois n°7/94 du 16 septembre 1994 et n°10/94 du 17 septembre 1994 portant respectivement sur l'organisation de la justice en République du Gabon et sur la Cour administrative.

Ces lois ont consacré l'éclatement de l'ancienne Cour Suprême en quatre cours autonomes dont la Cour administrative (équivalent du Conseil d'Etat). L'article 35 de la seconde loi fixe les compétences de la Cour administrative en précisant à son alinéa 2 qu' « Elle connaît en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes administratifs unilatéraux, individuels ou réglementaires dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'une cour d'appel statuant en matière administrative ».

Il en est de même pour le Maroc où, en 1957 le Dahir n°1-57-223 du 27 septembre relatif à la Cour Suprême attribuait la connaissance des actes administratifs à la seule compétence de la Cour Suprême et d'ailleurs à ce propos,

le Professeur A. BENABDALLAH écrit Ó « C'est à elle seule que revenait cette compétence, elle était compétente en premier et dernier ressort »37(*). Avec la mise en place des Tribunaux et Cours d'appels administratives par les Dahirs de 1994 et celui du 14 février 2006, « Ces juridictions sont devenues territorialement compétentes pour connaitre, entre autres, des recours en annulation pour excès de pouvoir. Leurs jugements sont susceptibles d'appel devant la Cour suprême »38(*).

Revenons sur la chambre administrative de la Cour Suprême du Congo pour souligner qu'outre cette compétence exclusive qui lui est reconnue en matière d'excès de pouvoir, elle dispose d'autres compétences contentieuses prévues par le législateur.

2- La connaissance des autres recours en tant que juge de cassation.

Notre étude se basant sur le juge de l'excès de pouvoir, il serait inopportun de consacrer une partie à l'examen des compétences de ce juge en matière de cassation. Aussi, l'examen de cette rubrique ne pourra revêtir un intérêt que dans la mesure où nous allons établir une distinction entre la chambre administrative, juge de cassation (connaissant de la légalité des décisions juridictionnelles) et juge de l'excès de pouvoir (connaissant des décisions administratives).

Au plan jurisprudentiel, la question avait été abordée tant par le Conseil d'Etat français (C.E. Ass. 7 février 1947, D'Aillières)39(*) que par la chambre administrative de la Cour Suprême du Congo (C.S Adm, 17 décembre 1976, Maurice BAZE)40(*).

Dans l'espèce D'Ailières, un ancien sénateur et quatre anciens députés s'étant vus frapper d'inéligibilité pour avoir voté en faveur du Marechal Pétain au cours de la séance de l'Assemblée nationale du 10 juillet 1940. Cette inéligibilité étant étendue en 1945 et en 1946 il était permis aux parlementaires visés par cette sanction de s'en faire relever par un jury d'honneur spécialement institué à cet effet. Ce jury refusant de relever l'inéligibilité du Sieur D'Ailières et autres, la décision fut déférée au Conseil d'Etat.

Le problème qui se posait au Conseil d'Etat était celui de savoir si la décision du jury d'honneur était ou non juridictionnelle ? Par l'affirmative, le contrôle du Conseil d'Etat n'était qu'un contrôle qu'il exerce comme juge de cassation.

Par la négative -si elle n'était qu'une simple décision administrative- le contrôle s'exerçant sur elle était celui du juge de l'excès de pouvoir.

Dans sa solution, le juge administratif établit un faisceau d'indices lui permettant de déceler la volonté du législateur, il s'agit : « de la composition de l'organisme, de l'indépendance de ses membres, du caractère de la procédure, de la nature des litiges dont il est saisi ».

Dans l'espèce M. BAZE, la chambre administrative de la Cour Suprême a tranché une question similaire. En effet, par requête du 27 décembre 1975, le sieur M.BAZE intente tout à la fois un pourvoi en cassation et un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une décision de l'Assemblée générale de la Cour d'Appel de Brazzaville. « Il fonde ces actions respectivement sur l'article 2 de la loi n°4-62 du 20 janvier 1962, qui concerne la compétence de la Cour Suprême pour connaitre des recours en annulation pour excès de pouvoir et sur l'article 3 de la même loi, qui donne compétence à la Cour Suprême pour connaître des pourvois en cassation contre les décisions juridictionnelles ». La question qui se posait au juge administratif suprême était de savoir : « si le cumul du pourvoi en cassation et du recours en annulation pour excès de pouvoir contenus dans une même requête et dirigés contre un même acte peut et dans quelle mesure saisir utilement la Cour Suprême ? ».

Mieux que le Conseil d'Etat, la chambre administrative précisant la nette distinction entre les deux recours, soulève l'interdiction de les cumuler : «  Attendu, après ces précisions, qu'il convient de relever que la loi n°4-62 du 20 janvier 1962, dans ses articles 2 et 3, distingue nettement deux sortes de recours en annulation, qui peuvent être présentés devant la Cour Suprême : le pourvoir en cassation dirigé contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort, et le recours en annulation pour excès de pouvoir, qui est le recours en annulation dirigé contre les actes administratifs ; Que le principe de la distinction des deux contentieux de la légalité, interdit d'intenter autrement que séparément le procès portant sur la légalité de ces actes ».

Dans sa législation postérieure à cette jurisprudence, le législateur a veillé à établir une distinction claire et précise dans les fonctions contentieuses de la chambre administrative de la Cour Suprême. Tel est le cas dans les articles 3 et 4 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999.

Ainsi, bien qu'il s'agit du même juge de la légalité, il statu selon le cas en sa qualité de juge de l'excès de pourvoir et de juge de cassation.

La connaissance du recours pour excès de pouvoir par la seule chambre administrative de la Cour Suprême au Congo est une compétence exclusive qui s'appuie sur des fondements anciens.

Paragraphe 2 : Les fondements de la compétence exclusive dévolue au juge administratif suprême.

La connaissance du recours pour excès de pouvoir par un juge placé au niveau le plus élevé dans la hiérarchie de la justice administrative est avant tout l'oeuvre du législateur qui malgré plusieurs réformes a pérennisé cette compétence. La chambre administrative a joué aussi un rôle sans précédent à travers ses applications jurisprudentielles dans l'affirmation de cette compétence (B).

Mais la solidité des fondements historiques de cette compétence sont si évidentes que même cinquante ans après l'indépendance, « l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore au-dessus »41(*) de la chambre administrative de notre Cour Suprême (A).

A)- Les fondements historiques : la connaissance exclusive du recours pour excès de pourvoir, un legs du Conseil d'Etat français.

Avant 1960, le Congo est une colonie française. Quelle est alors la juridiction compétente pour connaître du contentieux de l'annulation pour excès de pouvoir ? Que se passe t-il après son accession à l'indépendance ?

Pour répondre à ces questions, il conviendra d'examiner le Conseil d'Etat comme juge de l'excès de pouvoir sous la colonisation (1) et le transfert de cette compétence à la chambre administrative après l'indépendance (2).

1- Le Conseil d'Etat, juge de l'excès de pouvoir avant l'indépendance.

Au début du XVIème siècle, François RABELAIS affirmait dans Pantagruel : « On ne retient les pays nouvellement conquis ni par la contrainte, ni par l'exploitation, mais en leur donnant des lois et des édits, en propageant des religions, en rendant la justice »42(*).

Appliquant strictement ce sage conseil, la France puissance métropolitaine, ne pouvait confier le règlement juridictionnel des litiges dans lesquels l'administration était en cause au seul Conseil d'Etat. Il fut mis en place des juridictions locales pour mieux appréhender les litiges coloniaux. C'est ainsi que sous la restauration, les ordonnances royales de 1825 créèrent et organisèrent les Conseils du contentieux administratifs. Les décrets du 05 août et 07 septembre 1889 fixaient les compétences et les règles applicable devant eux.

Le conseil du contentieux administratif de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F) ayant son siège à Brazzaville avait juridiction à l'égard de tous les territoires regroupés dans l'A.E.F (Gabon, Moyen Congo, Oubangui-Chari et Tchad).

En sa qualité de juge ordinaire du contentieux local,  il ne statuait que sur le plein contentieux (ses décisions étant susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat). En matière du contentieux de l'annulation, il ne statuait que sur les actes des autorités locales,  le recours pour excès de pouvoir étant de la compétence spéciale du Conseil d'Etat.

Cette compétence exclusive trouvait son assise dans les lois révolutionnaires (loi des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an 3) qui interdisaient aux tribunaux judiciaires de « connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient » et l'article 9 de la loi du 27 mai 1872 qui dispose que : «  Le conseil d'Etat statue souverainement sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives ».

De même, il résultait de l'interprétation des ordonnances de 1825 et 1827 : « que les recours en annulation, même s'ils sont formés contre les actes des autorités coloniales, ne peuvent pas être portés devant le conseil du contentieux, mais seulement devant le conseil d'Etat, juge de l'excès de pouvoir de toutes les autorités administratives »43(*).

Cette position fut affirmée par les conseils du contentieux administratifs de l'A.E.F et de la Guyane dans une jurisprudence constante. C'est ainsi que dans son arrêt du 16 février 1899 ce dernier affirme : «  si le conseil du contentieux est chargé de juger d'une manière générale tout le contentieux administratif, il est de doctrine que sa compétence se borne uniquement au contentieux de pleine juridiction »44(*).

Dans une espèce du 8 avril 1959 le conseil du contentieux de l'A.E.F s'exprimait en ces termes : « Attendu que la décision du 1er juillet 1958 constitue un acte administratif dont l'annulation échappe à la compétence du conseil qui ne peut connaitre du recours pour excès de pouvoir, sauf exceptions prévues par les lois »45(*).

Il en résulte de ce qui précède, que malgré la mise en place des conseils du contentieux dans ses colonies, la France avait attribué au Conseil d'Etat une compétence exclusive dans la connaissance de la brûlante question du recours pour excès de pouvoir. Cette organisation a été maintenue jusqu'à l'accession du Congo à l'indépendance. Certains auteurs ont même affirmé que le Conseil d'Etat est : « le juge aîné de la chambre administrative de la Cour suprême, juge de l'excès de pouvoir au Congo »46(*).

2- Le transfert de compétence à l'indépendance entre le Conseil d'Etat et la Chambre Administrative.

En 1960, l'accession du Congo à l'indépendance l'obligeait à remplacer les juridictions «communautaires» par des instances nationales. C'est ainsi que sa nouvelle constitution en confia l'organisation au législateur. Dans cette entreprise d'édification d'un système juridictionnel, le législateur fut confronté à des problèmes forts complexes notamment, celui relatif à l'organisation d'une justice administrative.

En ce sens, A.BOCKEL soulignait : « la question de la justice administrative était d'actualité dans les Etats d'Afrique noire francophone au lendemain des indépendances (...) En réalité, ce problème ne s'est posé avec acuité que lors de l'indépendance vite acquise »47(*). Comment le législateur allait-il résoudre ce problème ?

Dans la pratique et particulièrement en ce qui concerne le recours pour excès de pouvoir ; deux éléments poussaient à la réforme des solutions issues de l'époque coloniale : d'abord la suppression de la compétence exclusive du Conseil d'Etat, ensuite la recherche des principes de simplification et d'unification.

Aussi, dans sa réforme, le législateur congolais confia le contentieux administratif au juge judiciaire ordinaire sous réserve de certaines affaires relevant de la compétence de la chambre administrative de la Cour Suprême. Tel fut le cas du recours pour excès de pouvoir dont la connaissance lui fut attribué de façon exclusive.

Dans son cours du contentieux administratif, B.BOUMAKANI affirme : « Cela est évidemment net quant au recours pour excès de pouvoir. Les particularités techniques de ce recours, directement reprises de la règlementation française supposent certes un traitement particulier mais surtout, semble t-il, la prise en considération de l'aspect «politique» de ce contentieux qui met directement en cause la puissance publique dans l'expression de ses privilèges les plus importants. C'est pourquoi, l'on a pris soin de confier le jugement de ce recours à un juge de niveau élevé et le plus souvent spécialisé c'est-à-dire, la Chambre Administrative de la Cour Suprême »48(*).

Ce fondement se rapporte essentiellement sur un legs colonial. Ce dernier a été transposé dans le système juridictionnel congolais lors de son accession à l'indépendance.

Cependant, cette historicité qui est similaire à celle des autres pays d'Afrique noire francophone ne constitue qu'un précédent. Encore faut-il qu'il y ait un cadre légal qui déterminerait l'étendue et les limites de la compétence reconnue à ce juge de l'excès de pouvoir.

B)- Fondement légal et applications jurisprudentielles.

Bénéficiant d'une compétence exclusive dans l'exercice d'un contrôle de légalité des actes administratifs à travers une attribution légale,  le juge de l'excès de pouvoir s'est évertué au cours de ces décennies à construire une jurisprudence constante et abondante dans ce domaine.

Cette consécration législative a été maintenue voir pérennisée (1) et la jurisprudence s'y rapportant n'a fait qu'entériner la volonté du législateur (2).

1- Une consécration pérenne faite par le législateur.

En cinquante ans, le législateur a mis en place un véritable corpus juridicum ou un arsenal juridique qui fonde la compétence de la chambre administrative de la Cour Suprême en matière du recours pour excès de pouvoir. Ces textes ont dans le temps attribué la compétence et défini les règles des procédures y afférant.

Le premier texte légal remonte en 1962 (loi n°4-62 du 20 janvier 1962 portant création de la Cour Suprême). En effet, son article 2 dispose : « La Cour Suprême se prononce sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives », plus loin, son article 49 alinéas 3 appuyait : « Elle connait en outre des recours en annulation pour excès de pouvoir. ».

Le second texte est celui du 21 avril 1983 (loi n°51-83 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière). Sans pour autant apporter des modifications, cette réforme a surtout consacré une procédure spécificique dans l'exercice du recours pour excès de pouvoir. Son chapitre II (des articles 405 à 415) étant intitulé : « Règles spéciales concernant le recours en annulation ». C'est cette procédure qui est restée en vigueur jusqu'à nos jours.

Les réformes qui interviennent en 1992 et en 1999 ne feront que réconforter cette compétence exclusive. Dans son article 3, la loi n°025-92 du 20 Aout 1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême dispose : « La Cour Suprême se prononce sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des diverses autorités réglementaires. ». Cette disposition sera reprise dans l'article 3 (nouveau) de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême.

En appui de ces dispositions, la chambre administrative de la Cour Suprême n'a cessé de construire une jurisprudence en la matière en faisant application de ces dispositions.

2- Les applications jurisprudentielles.

Depuis sa création par la loi de 1962, la Cour Suprême et plus précisément, sa chambre administrative s'est évertuée à travers sa jurisprudence à appliquer les dispositions légales lui attribuant compétence en matière d'excès de pouvoir.

Si dans certains arrêts, elle se bornait simplement à mentionner ces dispositions, dans d'autres, elle allait jusqu'à repréciser l'organisation des compétences entre les formations administratives. Il en est ainsi dans l'arrêt M'BARGHA au terme du quel, le juge affirme Ó « Attendu que la Cour se trouve compétente par application de l'article 2 de la loi du 20 janvier 1962 (...) pour connaître de la demande du Sieur M'BARGAH tendant à l'annulation de la décision contenue dans la lettre 621 du 17 octobre 1961 du Ministre de la Fonction publique »49(*).

De même dans l'arrêt N'DIAYE50(*) où elle se déclare incompétente pour apprécier une décision n'émanant pas d'une autorité congolaise.

Dans l'arrêt KAYOULOUD elle affirme : « que le Tribunal de Grande Instance de Brazzaville, en annulant l'acte administratif constitué par le précédent classement administratif a exercé une compétence réservée à la seule Cour Suprême statuant sur la légalité des actes administratifs »51(*).

Cependant, cette union entre un législateur omniprésent et un juge de l'excès de pouvoir timoré suscite plusieurs interrogations : Les dispositions législatives sur l'excès de pouvoir limitent- elles le pouvoir normatif de ce juge ? Le réduisent t-il en un simple automate de sorte qu'il ne devienne « qu'une simple bouche dont la mission essentielle ne consisterait qu'à prononcer les paroles de la loi » ?52(*)

PORTALIS, rédacteur du code civil devait lui-même le reconnaître : « ce serait une erreur de penser qu'il pût exister un corps de lois, qui eût d'avance pourvu à tous les cas possibles (...) on voit bien qu'il n'est pas de texte, fut-il en apparence le plus simple et le plus précis, qui n'appelle une interprétation des juges chargés de son application »53(*).

Sans nul doute que la chambre administrative n'avait- elle pas saisi le message du législateur car, il est claire que celui-ci en lui attribuant cette compétence, n'avait pas prévu tous les cas de figures ni toutes les formes de réclamations pouvant faire l'objet d'un recours. Il appartenait donc à la chambre administrative d'élargir son champ d'action en adaptant cette compétence et en l'appliquant à chaque espèce.

Il ne peut en être autrement car, le recours pour excès de pouvoir n'est nullement une construction légale mais plutôt prétorienne. Dans son pays d'origine, le Conseil d'Etat l'a forgé à travers des applications jurisprudentielles (Pariset, Dame Lamote, Lafage54(*)...).

Mais, quelques fois, il arrive que le juge de l'excès de pouvoir prenne position en posant des principes contribuant ainsi à l'édification du droit administratif au Congo. Parmi ces rares cas, on peut relever :

L'arrêt OSSENI Raimatou (CS.adm. 10 février 2005, arrêt n°04/GCS-2005), dans cette espèce, la chambre administrative de la Cour Suprême a retenu « qu'un courrier ordinaire informatif ne constituant qu'un acte unilatéral dépourvu de tout caractère décisoire ne peut valoir décision administrative susceptible d'un recours en annulation ».

De même, dans l'espèce LECKALY Jean Michel et autres (CS.adm. 29 avril 2005, arrêt n° 09/GCS-2005), le juge de l'excès de pouvoir a retenu : « qu'en présence de deux dispositions inconciliables d'une même loi, le juge ne doit pas se borner à faire une application servile du texte de l'une ou de l'autre des dispositions à l'origine de la controverse, mais au contraire, doit rechercher quelle est celle des deux dispositions qui prime sur l'autre ; que pour ce faire, il doit rechercher l'esprit général du texte de loi et le but poursuivi par le législateur ». 

Après avoir cerné l'organisation, la composition et les fondements de sa compétence, il paraît nécessaire de s'interroger sur l'office de juge.

SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF SUPREME EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR.

En conférant la connaissance du recours pour excès de pouvoir à un juge spécifique, le législateur congolais a, dans ce droit fil consacré une procédure particulière applicable dans ce domaine (§1). De même, dans l'exercice de ce contentieux, il a doté ce juge de certains pouvoirs dont l'étendue connaît cependant des limites qu'il conviendra de préciser (§2).

Paragraphe1 : Les règles procédurales devant le juge de l'excès de pouvoir.

Le régime formel du recours pour excès de pouvoir n'a pas été bouleversé depuis 1962. Sa spécificité fonctionnelle est maintenue par la loi n° 51/83 du 21 avril 1983 qui a consacré à cet égard des dispositions particulières en ses articles 405 à 415. L'ensemble de ces articles qui constituent le chapitre II du titre XI du CPCCAF forment les « Règles spéciales concernant le recours pour excès de pouvoirs ». Dans l'examen de chaque recours, le juge administratif suprême examine les règles de forme, ce sont les conditions de recevabilités (A) et les règles de fond que sont les moyens invoqués devant lui (B).

A)- Les conditions de recevabilité du recours.

Lorsqu'on examine ensemble les articles 105 à 108 et 405 à 415 du CPCCAF, les conditions de recevabilité du recours en annulation peuvent être regroupées en deux blocs : les conditions relatives à la nature de l'acte et à la qualité du requérant (1) et celles se rapportant aux délais et aux formes dans lesquelles le recours doit être introduit (2).

1-Les conditions relatives à la nature de l'acte et à la qualité du requérant.

a-La nature de l'acte attaqué devant le juge de l'excès de pouvoir.

Selon les termes de l'article 405 du CPCCAF : « Le recours en annulation est recevable contre toute décision réglementaire ou individuelle émanant d'une autorité administrative ». Bien que le législateur n'ait pas donné une définition des notions de décision réglementaire et de décision individuelle, nous pouvons au regard de l'article 403 les assimiler à une notion plus générale d'acte administratif. Cette absence de définition est même constatée dans la jurisprudence de la chambre administrative par le Président A. ILOKI en ces termes Ó « Dans sa jurisprudence relative au recours pour excès de pouvoir, la Cour suprême ne se préoccupe guère de définir le terme «décision» utilisé à l'article 405 du CPCCAF »55(*).

Ainsi, pour être susceptible d'un recours en annulation devant la chambre administrative, l'acte administratif en cause doit présenter les caractères ci-après :

-Il doit émaner d'une autorité administrative Ó Sur ce point, le juge administratif suprême peut examiner le régime juridique de l'institution dont émane l'acte pour en déterminer la nature publique ou privée. Cependant, certains organismes quoiqu'étant de nature privées peuvent voir leurs actes faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Cette position a été adoptée par le juge administratif suprême à propos des décisions du Bâtonnier de l'Ordre National des Avocats du Congo en ces termes : « Attendu qu'ainsi, les décisions objet du recours, bien que revêtant le caractère d'acte émanant d'un organisme privé, sont en réalité, eu égard à la volonté clairement exprimée par le législateur, des actes administratifs individuels susceptibles de recours en annulation ; »56(*). De même, l'acte doit émaner d'une autorité nationale57(*).

-Il doit avoir un caractère décisoire et doit faire grief Ó Sur ce point, la chambre administrative de la Cour Suprême a opté pour une interprétation restrictive de la notion d'acte décisoire faisant grief. C'est ainsi que dans son arrêt n° 04/GCS-2005 du 10 février 2005, Osseni RAIMATOU c/ Ordre national des avocats du Congo, elle a considéré : « que la lettre du 3 novembre 1999 de monsieur le Bâtonnier National (...) n'est qu'un courrier ordinaire informatif de la solution retenue par le conseil de l'ordre ; qu'une telle lettre, qui n'est qu'un acte unilatéral dépourvu de tout caractère décisoire, ne peut valoir décision administrative susceptible d'un recours en annulation »58(*).

De même dans son arrêt n° 011/GCS-2007 du 12 juillet 2007, BOUKANGOUMA MONTELE Anatole c/ Ministre du commerce, la Cour a considéré : « que le procès verbal (...) n'est qu'un simple compte rendu écrit des travaux(...) qu'il n'a qu'un rôle constatatif en ce sens qu'il retrace et restitue fidèlement les étapes du déroulement des opérations qu'il ne peut être pris comme un acte administratif décisoire susceptible de recours en annulation ».

b-La qualité du requérant.

L'article 481 du CPCCAF dispose : « Nul ne peut ester en justice s'il n'a qualité, capacité et intérêt à le faire ». Le législateur de 1983 n'ayant donné aucune précision particulière sur ces points, le juge administratif suprême a fait application de ces conditions dans sa jurisprudence.

En effet, s'agissant de la qualité, elle a affirmé dans un arrêt n° 07/GCS-05 du 14 avril 2005, Confédération africaine des travailleurs croyants : « Mais attendu que la confédération africaine des croyants, dite CATC, qui n'a pas justifié de son existence légale par la production du récépissé prévu à l'article 186 nouveau susvisé n'a pas qualité pour agir ;d'où il suit que le recours en annulation est irrecevable »59(*).

En ce qui concerne l'intérêt à agir la Cour Suprême a commencé à examiner cette condition depuis 1974. C'est ainsi que dans l'espèce Sometima, elle affirme : « Attendu que la Sometima, à laquelle la décision attaquée fait grief en plaçant sous séquestre l'ensemble de ses biens, a le plus grand intérêt à l'annulation de ladite décision »60(*). Il en est de même des espèces Baze ; Bouboutou M'bemba61(*) et autres.

2-Les conditions relatives aux délais et aux formes dans lesquelles le recours doit être introduit.

a-Les délais de recours.

Le législateur a fixé les délais de recours aux articles 407 à 410 du CPCCAF, ce recours doit être intenté dans un délai de deux mois, il court pour les décisions réglementaires à compté du jour de leur publication et du jour de leur notification pour les décisions individuelles (article 408). En cas de silence gardé pendant quatre mois sur une réclamation par l'autorité administrative (ce silence valant décision de rejet), le délai commence à courir à l'expiration de cette période (article 409).

Toutefois, au terme de l'article 410, avant de se pouvoir en annulation d'une décision administrative, les intéressés peuvent présenter, dans le délai de deux mois, un recours administratif hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision. En réalité cette formalité est obligatoire puisque l'article 397 du CPCCAF dispose que Ó « Toute action ne peut être portée en justice si elle n'a été précédée d'un recours gracieux ou hiérarchique, ou d'une demande préalable ». Cependant, dans sa jurisprudence, la chambre administrative de la Cour Suprême a tempéré cette obligation en donnant une interprétation souple de l'article 410 du CPCCAF. C'est ainsi que dans son arrêt n° 013/GSC-2000 du 15 septembre 2000, Niamakassi et autres, elle affirme Ó « S'agissant du recours gracieux qui n'a été engagé en l'espèce, qu'il suffit de constater, pour ne pas retenir ce fait comme cause d'irrecevabilité, que ledit recours gracieux n'a qu'un caractère facultatif ; que l'article 410 du CPCCAF dispose en effet Ó avant de se pourvoir en annulation les intéressés peuvent présenter un recours administratif hiérarchique ».

Si le juge administratif est souple dans l'exigence d'un recours préalable, sa jurisprudence est cependant rigide quant au respect des délais de recours. En cas de non respect de ces délais, le juge déclare le recours irrecevable pour forclusion, c'est le cas dans l'espèce Filankembo Florent (arrêt n° 003/GCS-2000 du 10 février 2000), le juge déclare Ó « Attendu que le recours en annulation examiné a été formé le 13 avril 1994, tandis que le certificat de travail délivré au requérant date du 15 janvier 1993 ; que cette date de la prise de connaissance effective de la décision administrative attaquée à celle où le recours en annulation a été engagé, le délai de l'article 406 était depuis longtemps écoulé (...) déclare irrecevable pour forclusion ».

Mais, lorsqu'une décision objet du recours n'a fait l'objet d'aucune notification ou d'une publication, le délai de deux mois prévu dans l'article 407 du CPCCAF est considéré comme n'ayant pas encore commencé à courir (voire en ce sens les arrêts Sometima62(*) et Baze63(*)).

b-Les formes dans lesquelles le recours doit être introduit

De façon constante, la chambre administratif déclare irrecevable le recours lorsque le requérant s'abstient de recourir au ministère d'un avocat. Elle considère le recours au ministère de l'avocat comme une obligation en se fondant sur les dispositions de l'article 2 de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire qui est ainsi libellé Ó « Ils peuvent agir et se défendre eux-mêmes verbalement ou sur mémoire devant toutes les juridictions à l'exception de la Cour Suprême ». Cependant, cette disposition semble être en contradiction avec l'article 105 du CPCCAF : « Sauf si la partie ne sait ni lire, ni écrire le pourvoi est formé par requête écrite et signée, déposée au Greffe de la Cour Suprême. Le Ministère de l'Avocat n'est pas obligatoire devant la Cour Suprême en toutes matières. ». Cette obligation de recourir au ministère d'un avocat en matière d'excès de pouvoir dénote un caractère particulier de ce contentieux.

Le juge examine aussi le recours quant à sa conformité aux exigences posées par les articles 106 et 108 du CPCCAF. Si en amont, l'article 106 fixe à peine d'irrecevabilité les conditions auxquelles la requête doit se conformer ; en avale, à son article 108, il prévoit à peine de déchéance l'obligation pour le requérant de déposer une consigne de dix mille francs au Greffe de la Cour Suprême. Dans son arrêt n° 06/GCS-05 du 13 janvier 2005, Patrice NGOLALI, le juge a déclaré le recours irrecevable pour non respect de l'article 106 du CPCCAF : « Attendu qu'en l'espèce, les requêtes de recours en annulation et de surséance n'indiquent pas l'adresse de l'ordre des avocats du Congo qu'il échet de les déclarer irrecevables ».

Dans la connaissance des recours, le juge administratif suprême, après avoir examiné la conformité du recours aux règles de forme, procède par un examen au fond. Il statue sur les moyens invoqués devant lui, ces moyens peuvent aussi être appelés cas d'ouverture.

B)-Les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge administratif suprême.

Les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir peuvent être définis comme : «  les différentes catégories de moyens pouvant être avancés à l'appui d'une requête, et, corrélativement, les motifs sur lesquels peut s'appuyer le juge pour y faire droit, c'est-à-dire pour prononcer l'annulation de l'acte litigieux »64(*). Dans la pratique, la chambre administrative de la Cour Suprême succédant au Conseil d'Etat après l'indépendance a hérité de la gamme des cas d'ouvertures, largement vulgarisés depuis plus d'un siècle par ce dernier. Ainsi, selon le classement chronologique fait par le Conseil d'Etat français, on distingue les illégalités externes (1) et les illégalités internes (2).

1-Les illégalités externes : incompétence et vice de forme.

a- L'incompétence.

Dans ce cas d'ouverture, l'auteur de la décision attaquée n'est pas investi de la compétence nécessaire à la prise de l'acte administratif. Il peut se présenter sous plusieurs formes entrainant de nombreuses situations dont il est parfois difficile de retenir comme moyen d'annulation. C'est ainsi que le Professeur B.BOUMAKANI qualifie ce cas d'ouverture d'un «vice rédhibitoire»65(*).

En effet, il peut s'agir d'une usurpation de pouvoir, l'acte étant pris par une personne qui n'est pas une autorité administrative. Cette hypothèse avait été envisagée par le Conseil d'Etat dans une jurisprudence d'avant l'indépendance (CE, section, 5 mars 1948, Sieur Marion et autres.).

Mais les hypothèses les plus fréquentes concernent les empiétements de fonction, l'acte étant pris par une personne qui, bien qu'étant une autorité administrative, déborde de sa sphère de compétence.

Ces hypothèses peuvent entrainer trois situations à savoir Ó

-Une incompétence se rapportant à l'objet ou à la nature de l'acte dite Ó « ratione materiae »66(*).

Dans cette situation, l'autorité administrative en prenant l'acte empiète sur la sphère de compétence dévolue à une autre autorité. La chambre administrative de la Cour Suprême a statué sur une telle situation à maintes reprises.

C'est ainsi que dans son arrêt n° 08/GCS-2006 du 11 mai 2006, NGANGUIA-ENGAMBE Anguios, elle a annulé l'acte administratif n°00001/MEFB/DGDDI/CAB du 2 janvier 2004 par lequel, le Directeur Général des douanes prononçait la suspension du requérant alors qu'aux termes de l'article 16 de la loi n°01/82 du 7 janvier 1992 sur les règles disciplinaires applicables aux agents de l'Etat cette sanction relevait de la compétence du Ministre des Finances.

Dans le même sens, par arrêt n°009/GCS-2001 du 13 juillet 2001, LASCONI Jean Frédéric, elle a annulé la note de service n°81-DGCRF du 3 août 2000 du Directeur général du crédit et des relations financières l'ayant relevé des fonctions alors que cette compétence relevait du Ministre des Finances et du Budget.

-Une incompétence se rapportant au moment où l'acte est pris dite Ó « ratione temporis »67(*).

-Une incompétence se rapportant au ressort territorial dans lequel l'acte s'applique dite Ó « ratione loci »68(*).

Tous ces moyens, lorsqu'ils sont clairement soulevés devant le juge administratif suprême, conduisent à l'annulation de l'acte contesté. L'incompétence étant un moyen d'ordre public, le juge peut la soulever d'office69(*).

b- Le vice de forme.

Ce cas d'ouverture englobe les omissions, les irrégularités de forme qui affectent l'acte dans son élaboration ou qui portent atteinte à sa substance entrainant de ce fait une illégalité que le requérant peut invoquer devant le juge de l'excès de pouvoir.

Le juge administratif distingue cependant entre les formalités substantielles et les formalités accessoires. Seule la violation des premières entraîne l'annulation de l'acte, le non-respect des secondes n'ayant pas de conséquence sur la valeur juridique de celui-ci.

Les formalités substantielles se définissent comme celles permettant le respect des droits des administrés ou celles qui peuvent changer la nature d'une décision.

Dans nos recherches, nous n'avons pas trouvé des arrêts rendus par la chambre administrative de la Cour Suprême en matière d'annulation pour vice de forme.

Mais, à coté de ces moyens qui constituent des illégalités externes, le juge de l'excès de pouvoir peut aussi être saisi des moyens formant des illégalités internes.

2-Les illégalités internes : le détournement de pouvoir et la violation de la loi.

a-Le détournement de pouvoir.

Près d'un siècle avant l'indépendance du Congo, le Conseil d'Etat, juge aîné de la chambre administrative en matière d'excès de pouvoir, examinait ce cas d'ouverture de façon détaillée. En effet, dans sa jurisprudence Pariset (CE 26 novembre 1875), le Conseil d'Etat rapproche le détournement de pouvoir de la théorie civiliste de l'abus de droit et le défini comme : « l'exercice d'un pouvoir pour un but autre que celui en vu duquel il a été conféré par la loi »70(*).

Le détournement de pouvoir revêt plusieurs formes, c'est ainsi que nous pouvons avoir Ó

-L'hypothèse où, l'acte administratif est « étranger à tout intérêt public »71(*), l'autorité administrative usant de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lesquels ils lui ont été conférés comme par exemple, la satisfaction d'un intérêt personnel ou d'un désir de vengeance. A ce sujet, le Président A. ILOKI considère l'administration comme Ó «le refuge de la vengeance dans lequel s'abriterait les règlements de compte dont seraient auteurs les autorités administratives qui disposent légalement du pouvoir de décider unilatéralement »72(*).

Le détournement de pouvoir peut s'avérer difficile à établir par celui qui l'invoque, lorsqu'il est fondé sur des intentions inavouées, réelles ou supposées de l'auteur de l'acte administratif contesté.

Le Conseil d'Etat a examiné plusieurs affaires de cette nature. Comme par exemple, celle dans laquelle un maire avait interdit le fonctionnement d'un dancing dans le but de protéger son propre bar (CE, 14 mars 1937, D'Rault)73(*), ou cette autre dans laquelle, un autre maire avait suspendu un garde champêtre parce qu'il ne s'entendait plus avec lui (CE, 23 juillet 1909, Fabrègue)74(*).

Au Congo, la chambre administrative a examiné une affaire allant dans le même sens. En effet, statuant sur la requête du sieur N'ZONZA René tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté du 3 septembre 1965 par lequel le Ministre de la Fonction publique l'a admis d'office à faire valoir ses droits à une pension de retraite. Au soutient de son pourvoi, le requérant allègue qu'il s'était endormi parce qu'il avait avalé ce jour là quelques comprimés d'Equanil qui font dormir profondément le malade et que la sanction de mise à la retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus.

La cour a estimé dans l'un de ses considérant Ó « qu'il est de règle qu'un fonctionnaire demeure responsable de ses actes et commet une faute grave de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsque les actes ainsi accomplis sont d'une gravité certaine et que l'agent n'a pu ignorer les circonstances exceptionnelles de l'heure -en l'espèce l'état d'alerte générale- qui ne pouvait tolérer un relâchement dans la vigilance ; qu'il s'ensuit que ne peut être retenu le moyen tiré par le requérant de ce que la sanction de mise à la retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus ; qu'est donc justifiée la sanction disciplinaire prise à l'encontre de N'ZONZA René »75(*).

-L'hypothèse où l'acte administratif est pris dans un intérêt public, mais qui n'est pas celui pour lequel les pouvoirs nécessaires pour prendre l'acte ont été conférés à son auteur. Cela apparait par exemple lorsqu'un maire limite les représentations cinématographiques dans sa commune afin que les enfants préparent plus assidûment leurs devoirs d'école (CE, ass. 14 mai 1954, Sieur De Pischof)76(*).

b-La violation de la loi.

La violation de la loi, qui regroupe les situations d'illégalité correspondant en particulier à l'erreur de droit et à l'erreur de fait, constitue le cas le plus fréquemment rencontré dans la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour Suprême.

L'erreur de droit apparaît lorsque l'autorité administrative se fonde sur un texte qui n'est pas applicable à la situation en cause ou qu'elle interprète de manière erronée.

Tel était le cas dans l'affaire ayant opposé le sieur LOKO BALOSSA Elie Joseph à l'Ordre national des Avocats du Congo. En effet, dans son arrêt n°06/GCS-2008 du 10 avril 2008, la chambre administrative a annulé la décision n° 138 du 27 septembre 2003 portant refus d'inscription au tableau de l'ordre national des Avocats du Congo aux motifs qu'elle était prise en violation des articles 32 alinéa 2 et 55 alinéa 2 de la loi n° 26/92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d'avocat.

En l'espèce, le requérant étant maître assistant de droit privé à l'Université Marien NGOUABI avait été à sa demande inscrit au tableau de l'ordre national des avocats du Congo. En 1994, il prête serment d'avocat. Suite à une omission, il a sollicité sa réinscription au tableau de l'ordre mais celle-ci lui sera refusée en raison de son lien de subordination juridique avec l'Université. Le juge administratif a considéré que ladite décision était prise en violation des articles 32 alinéa 2 et 55 alinéa 2 de la loi 26/92 du 20 août 1992 portant organisation de la profession d'avocat qui permettait au requérant de cumuler l'enseignement ou la recherche et la profession d'avocat.

L'erreur de fait apparait quand l'autorité administrative se trompe dans l'analyse des faits de la cause.

Dans cette hypothèse, on peut se référer à l'arrêt DIAMBANGOUAYA Rémy (CS. Adm. 18 juin 1976). Dans cette espèce, il apparait clairement que l'autorité administrative a par son arrêté n° 1179 du 13 mars 1973 fait une mauvaise interprétation de la durée de la période de stage professionnel. En effet, les sieurs DIAMBANGOUAYA Rémy et MOUYEKE Jean ayant subi un stage de formation professionnelle à l'école de l'aéronautique de Tunis et obtenu leur diplôme de fin de stage, ils ont été intégrés, de retour au Congo comme tous les camarades issus d'autres écoles étrangères, dans les cadres de la catégorie B II. Cependant, en application d'un décret 72/272 du 5 août 1972 modifiant la hiérarchie des cadres catégories A et B, ils ont été par arrêté n° 1179 du 13 mars 1973, reclassés en catégorie B I et nommés adjoints techniques principaux de l'aviation civile alors que leurs camarades issus des écoles autres que celle de Tunis étaient quant à eux, reclassés en catégorie A II et nommé techniciens d'aviation civile. L'autorité administrative fondait cette discrimination sur le seul critère de la prétendue notion de durée de période professionnel de stage.

Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer que, lorsque la violation de la loi, le détournement de pouvoir, le vice de forme ou l'incompétence sont avérés, la chambre administrative, annule l'acte administratif illégal. Mais, elle ne peut aller au-delà de cette sanction car ses pouvoirs sont limités.

Paragraphe2 : L'étendue et les limites des pouvoirs du juge administratif suprême en matière d'excès de pouvoir.

Max Stirner affirmait : « Une administration trop puissante ne poursuit qu'un but : borner, limiter, enchainer, assujettir l'individu, le subordonner à une quelconque généralité »77(*). Au Congo comme dans tout autre pays d'Afrique noire, l'administration est souvent perçue comme une construction extérieure et ses représentants comme des éléments imposés auxquels il faut accepter de se soumettre.

Dans cette « vision pathologique et arbitraire »78(*) de l'administration, le législateur a d'une part conféré au juge administratif suprême des pouvoirs (A) et d'autre part, il a fixé des limites à ces pouvoirs (B).

A)- L'étendue des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir.

Le caractère exécutoire des actes administratifs constitue « une règle fondamentale de droit public »79(*). Dans de nombreux pays, cette règle a favorisé l'émergence du dogme de l'infaillibilité des autorités administratives dans la prise de leurs actes. Pour protéger les droits des citoyens contre les actes illégaux et leur permettre de demander l'adoption des mesures temporaires dans l'attente d'une décision au fond, la loi a doté le juge d'un pouvoir d'annuler les actes administratifs avec effet erga omnes (article 412 et 414 du CPCCAF) et celui de faire surseoir l'acte querellé avant le prononcé de la décision au fond (articles 411 du CPCCAF).

1-Le pouvoir d'ordonner un sursis à exécution.

Au Congo, dans son ancienne loi (article 89 de la loi du 20 janvier 1962), le législateur avait prévu le sursis à exécution. Il reprend cette disposition

dans la loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière en son article 411 : « Sur demande expresse du requérant, la Cour Suprême peut, exceptionnellement, ordonner le sursis à exécution de la décision attaquée si les moyens invoqués paraissent sérieux et si le préjudice encouru par le requérant est irréparable. ».

L'analyse de cet article révèle deux conditions quant à la recevabilité d'une demande de sursis à exécution Ó

Ø S'agissant de la première condition : (si les moyens invoqués paraissent sérieux)80(*). Celle-ci peut soulever un problème délicat dans la mesure où, le juge de l'excès de pouvoir examinant le caractère sérieux des moyens invoqués  peut être tenté de se prononcer en avance sur le fond du litige.

Ø S'agissant de la seconde condition : « si le préjudice encouru par le requérant est irréparable »81(*). Cette condition laisse une grande place à l'intime conviction du juge de l'excès de pouvoir. Son appréciation subjective entraine une inconstance de sa jurisprudence puisqu'il procède par une étude au cas par cas.

En réalité, ces deux conditions ne sont que la transposition d'une jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat (C.E. 12 novembre 1938, Chambre syndicale des constructeurs de moteurs d'avion) qui affirmait que le sursis ne peut être ordonné que : « si l'exécution de la décision attaquée risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée ».

C'est ainsi que dans la connaissance du sursis à exécution, la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour Suprême peut faire l'objet de plusieurs observations tant sur le fond que sur la forme Ó

Sur le fond, le juge astreint le demandeur du sursis à exécution de démontrer par son argumentation le caractère sérieux ou irréparable du préjudice causé. Cette démonstration constitue la preuve susceptible d'emporter l'intime conviction du juge.

En ce sens, il affirme dans l'espèce BAZE Maurice82(*) Ó « Qu'ainsi, le requérant ne démontrant ni le caractère évidemment sérieux de son argumentation sur l'irrégularité juridique de la décision réglementaire contestée, ni de l'existence du préjudice que lui a causé cette décision ni a fortiori son caractère irréparable, il convient de rejeter la demande de sursis à exécution ».

De même, dans l'espèce Koffi AMEGA83(*), le juge a affirmé que : « Mais attendu que les moyens exposés par M. Louis Koffi AMEGA ne répondent pas aux stipulations de l'article 89 de la loi du 20 janvier 1962, en ce qu'il ne rapporte pas la preuve du caractère irréparable du préjudice allégué ».

Sur la forme, la demande de sursis à exécution doit être présentée sous forme d'une requête introduite à titre accessoire et séparée de la requête principale, le législateur établit ainsi une similitude entre l'article 411 du CPCCAF sur le sursis en matière administrative et l'article 113 du CPCCAF en matière civile et commerciale.

Pour s'en convaincre, la juge administratif l'a affirmé dans sa jurisprudence. En effet, dans son arrêt n° 014/GCS-2002 du 13 septembre 2002 GANGA, née NZAMA-MBAYA Jacqueline et autre, il pose Ó «Attendu qu'accessoirement au recours en annulation, les requérants ont introduit une requête aux fins de sursis à exécution de la note de service querellée en application de l'article 411 du CPCCAF ».

De même dans l'arrêt LASCONY Jean Frédéric84(*), elle pose : « Attendu que le recours en annulation et la requête aux fins de sursis à exécution ont été notifiés à la partie adverse ; que cette dernière  a déposé son mémoire en réponse (...) qu'en définitive, le recours en annulation est recevable en la forme ; qu'il en est de même de la requête en surséance son accessoire ».

Apparemment, la chambre administrative de la Cour Suprême s'inscrit dans la même optique que celle adoptée par le Conseil d'Etat qui affirmait dans son arrêt de 1976 (CE, ass. 13 février 1976, Assoc. De sauvegarde du quartier Notre-Dame à Versailles) : « même lorsque les conditions sont remplies, il appartient au juge administratif d'apprécier dans chacun des cas qui lui sont soumis s'il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution de la décision attaquée ».

Il ne peut en être autrement car, au regard de l'article 411 du CPCCAF, la décision d'ordonner un sursis à exécution relève du pouvoir discrétionnaire que la loi attribue au juge. Il ne suffit donc pas pour le requérant d'apporter la preuve du caractère sérieux ou de la crainte d'un préjudice irréparable mais, encore faut-il que cette preuve emporte la conviction du juge.

A titre principal, le juge de l'excès de pouvoir est compétent pour annuler l'acte administratif. Il tient du législateur un pourvoir d'annulation totale ou partielle.

2-Le pouvoir d'annulation avec effet erga omnes.

L'article 412 du CPCCAF qui dispose que : « Si elle estime que le recours est fondé, la Cour Suprême annule l'acte attaqué, pour la totalité ou pour partie », pose une règle suivant laquelle Ó

Le juge administratif suprême tient de la loi un pouvoir d'annuler la décision réglementaire ou individuelle de toute autorité administrative. Il peut donc arrêter l'administration dans son action. Cette annulation peut être totale (l'acte cesse alors d'exister dans l'ordonnancement juridique) ou partielle (certains effets de l'acte disparaissent dans l'ordonnancement juridique).

De plus, l'annulation est ordonnée erga omnes, c'est-à-dire qu'elle produit ses effets à l'égard de tous (article 414), l'acte est donc considéré comme n'ayant jamais existé.

Mais comment le juge apprécie t-il le caractère bien ou mal fondé du recours ? Autrement dit, sur quelles bases s'appuie t-il pour apprécier la légalité d'un acte administratif soumis à son examen ?

Il peut exercer un contrôle classique en se fondant sur l'un des quatre cas d'ouvertures invoqués par le demandeur en annulation, dans ce cas, il procède par la vérification des moyens invoqués.

Mais aujourd'hui, il est établi que le juge peut exercer un contrôle sur les motifs de l'acte attaqué, ce contrôle s'exerce sur les éléments de droit ou de faits antérieurs à l'acte, qui ont conduit l'administration à agir.

En ce sens, A. De LAUBADERE écrit : « alors que les illégalités concernant les autres cas d'ouvertures du recours doivent entraîner l'annulation de l'acte attaqué de façon automatique, l'illégalité relative aux motifs n'entraine pas nécessairement un tel résultat »85(*).

En effet, en cas de pluralité de motifs, le juge distingue entre motifs déterminants et motifs surabondants. Les motifs illégaux n'entrainent l'annulation que s'ils sont déterminants. Mais la recherche du motif déterminant conduit le juge à se demander si l'autorité administrative aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les motifs légitimes.

A ce titre, la chambre administrative de la Cour Suprême s'est inscrite sur la droite ligne du Conseil d'Etat qui dès 1914 avait étendu les pouvoirs du juge administratif dans l'exercice du contrôle des actes de l'administration. Dans les arrêts Gomel (CE 4 avril 1914) et Camino (CE 14 janvier 1916), le juge pose : « Le contrôle de la qualification juridique des faits porte sur la question de savoir si les faits, tels qu'ils existent, présentent les caractéristiques permettant de prendre la décision, s'ils sont de nature à justifier celle-ci »86(*).

Faisant bon emprunt de ces jurisprudences, la chambre administrative de la Cour Suprême les a appliquées dans plusieurs domaines.

Ainsi, dans le domaine de la répression administrative, la chambre administrative suivant en cela le Conseil d'Etat a reconnu que les faits évoqués par l'administration à l'appui de sa décision de révocation de Monsieur NZONZA René avaient une existence matérielle. En effet, NZONZA René sous-brigadier de police était mis à la retraite d'office avec droit à pension aux motifs « qu'il a été trouvé endormi en période d'alerte générale et que n'ayant pas assuré comme il se devait son service, il s'est en outre permis d'apostropher son gradé à haute voix, allant même jusqu'à le menacer de coups». Dans cette affaire, la Cour a statué en ces termes Ó « Considérant qu'il est de règle qu'un fonctionnaire demeure responsable de ses actes et commet une faute grave de nature à justifier une sanction disciplinaire lorsque les actes ainsi accomplis sont d'une gravité certaine et que l'agent ignore les circonstances exceptionnelles de l'heure -en l'espèce l'état d'alerte générale- qui ne pouvait tolérer un relâchement dans la vigilance ; qu'il s'ensuit que ne peut être retenu le moyen tiré par le requérant de ce que la sanction de mise à la retraite d'office est fortement disproportionnée par rapport aux griefs retenus ; qu'est donc justifiée la sanction disciplinaire prise à l'encontre de NZONZA René »87(*).

Mais, si le juge administratif ne cesse par sa jurisprudence de perfectionner ses techniques de contrôle de la légalité, il va sans dire que le législateur a fixé des limites aux pouvoirs reconnus au juge.

B)- Les limites aux pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir.

Le législateur a limité les pouvoirs du juge qui ne peut ni faire des injonctions ni reformer un acte administratif (1).

De même, il est établi que celui-ci ne peut étendre son contrôle sur les actes de gouvernement et sur ceux relevant du pouvoir discrétionnaire de l'administration (2).

1-L'absence d'un pouvoir d'injonction et de réformation.

Déjà dans la doctrine, Maurice Hauriou affirmait : « Attention, le pouvoir du juge ne saurait aller jusque là ! De manière générale, vous le savez, il ne lui est pas permis d'imposer à l'administration une obligation de faire,ni,a plus forte raison de substituer sa décision à celle qu'il a censurée (...) Dans le contentieux de l'excès de pouvoir ,il lui est interdit d'aller au-delà de la pure et simple annulation de l'acte (...) Où irions-nous si le juge administratif tirait de l'annulation les conséquences nécessaires, dictait à l'administration la conduite à tenir pour rétablir le droit, ou osait substituer lui-même, à la décision annulée, une décision juridiquement correcte ? »88(*).

Au Congo, la loi n° 4-62 du 20 janvier 1962 dans ses dispositions relatives au recours pour excès de pouvoir (articles 88 à 92) ne prévoyait pas les limites des pouvoirs du juge en la matière. Ce vide juridique a été pallié par le législateur de 1983 (loi n° 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière). En effet, il dispose à son article 413 à propos de la Cour Suprême : « Elle ne peut en aucun cas le modifier ou le remplacer -l'acte attaqué - ». C'est donc une interdiction formelle faite au juge de l'excès de pouvoir de modifier ou remplacer l'acte administratif, son pouvoir ne s'arrêtant qu'à l'annulation.

C'est ainsi que dans sa jurisprudence, le juge administratif suprême a rappelé ces limites. Il affirme dans l'espèce KAYOULOUD que : « Attendu que le Procureur Général soutient que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires interdit au juge d'accomplir un acte administratif, même sous la forme de la substitution d'un autre acte à un acte administratif annulé à la suite d'un recours pour excès de pouvoir et lui interdit également de faire des injonctions à l'administration »89(*).

S'il est vrai que le Congo en optant pour une unicité d'ordre de juridiction avait « répudié le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires »90(*), il n'en demeure pas moins vrai que la séparation entre l'exécutif (administration qui prend les décisions) et le judiciaire (le juge qui les annule) est un principe constitutionnel que le Congo à maintenu.

Mais, les pouvoirs de ce juge peuvent aussi se heurter aux actes de gouvernement qui sont insusceptibles de recours et aux pouvoir discrétionnaire de l'administration.

2-Les actes de gouvernement et le pouvoir discrétionnaire de l'administration : deux cas limitant les pouvoirs du juge.

Nonobstant le volontarisme avéré de l'administration de se soumettre au droit, une partie, bien que limitée de l'action administrative, doit rester étrangère au droit et donc échapper au juge, particulièrement dans les domaines du pouvoir discrétionnaire, des circonstances exceptionnelles (b) et des actes de gouvernement (a). Le recours pour excès de pouvoir ne saurait donc les concerner.

a-Les actes de gouvernement.

Il faut certainement remonter depuis la colonisation pour justifier une prise en compte de la théorie des actes de gouvernement comme limite des pouvoirs du juge administratif. En effet, dans son arrêt du 19 février 1875, Prince Napoléon, le Conseil d'Etat juge de l'excès de pouvoir affirmait : « Il est, en effet, de principe, d'après la jurisprudence du Conseil, que, de même que les actes législatifs, les actes de gouvernement ne peuvent donner lieu à aucun recours contentieux, alors même qu'ils statuent sur des droits individuels »91(*).

Au fil des années, le Conseil d'Etat s'est évertué à limiter le domaine des actes de gouvernement, mais, il ne l'a pas supprimé complètement. Il s'est donc borné à « en éliminer le critère ancien, excessivement large, tiré du mobile politique »92(*).

Cependant, ce critère n'a pas été remplacé de telle sorte que les actes de gouvernement ne peuvent faire aujourd'hui l'objet d'une définition générale et théorique, mais seulement d'une liste établie d'après la jurisprudence.

C'est là tout le problème en droit congolais, car ni le législateur et encore moins le juge administratif suprême n'a établi une liste des actes de gouvernement. On se pose alors la question de savoir si les actes accomplis par le Chef de l'Etat dans le cadre de ses pouvoirs découlant de la constitution du 20 janvier 2002 tels que Ó

-Le droit de grâce (article 80 de la constitution) ;

-Les décisions prises dans des circonstances exceptionnelles (article 84) ;

-Les décisions prises dans des circonstances d'état d'urgence (article 131) ;

Ces actes, font-ils partie des actes de gouvernement ?

A défaut d'une réponse du législateur ou du juge (par sa jurisprudence), vaut-il mieux se référer à l'énumération établie par la jurisprudence française ? Dans ce cas, seront considérés comme actes de gouvernement insusceptibles de recours pour excès de pouvoir Ó

-Les actes concernant les rapports de l'exécutif avec le parlement ;

-Les actes se rattachant directement aux relations (entre le Congo et) les puissances étrangères ou les organismes internationaux.

En ce qui concerne les pouvoirs exceptionnels du Président de la République prévus à l'article 84, la Chambre administrative devrait s'arrimer à la jurisprudence établie par le Conseil d'Etat en 1962 (CE.ass. 2 mars 1962, Rubin Servens)93(*).

En effet, le Conseil d'Etat a établi à cet égard une distinction capitale entre d'une part, la décision initiale de recourir à l'article 16 (Constitution française du 4 octobre 1958), d'autre part, les décisions prises en vertu de cet article au cours de sa période d'application.

Si la première présente le « caractère d'un acte de gouvernement, dont il ne lui appartient ni d'apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d'application »94(*), les secondes, qui sont prises en vertu des pouvoirs propres du Président de la République ne sont pas nécessairement qualifiables d'actes de gouvernement et le Conseil d'Etat sera donc compétent pour en apprécier la légalité.

b-Le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

Parlant de l'intervention du juge de l'excès de pouvoir dans les rapports entre l'administration et l'administré, Alexis GABOU affirmait  que ce juge : «  facilite et rend régulière leurs relations en mettant en oeuvre le principe de la légalité »95(*).

Cependant, il est une zone de l'action administrative qui semblerait échapper à la légalité : le pouvoir discrétionnaire de l'administration.

Selon la définition classique de Mickoud, « Il y a pouvoir discrétionnaire toutes les fois qu'une autorité agit librement sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l'avance par une règle de droit »96(*). Le Conseil d'Etat a donné une définition plus pratique en ces termes Ó « C'est le pouvoir reconnu à l'administration d'apprécier sans contrôle du juge l'adéquation du fait à la règle de droit »97(*). Il ressort de ces définitions que le pouvoir discrétionnaire constitue le domaine réservé de l'administration qui échappe au contrôle du juge car, il ne relèverait plus du domaine de la légalité mais de celui de l'opportunité.

Au Congo, cette  anomalie juridique  a été renforcée par le principe de l'élasticité du domaine règlementaire posé à l'article 113 de la constitution du 20 janvier 2002 qui dispose : « Les matières, autres que celles qui sont du domaine de la loi, sont du domaine du règlement ». En effet, alors qu'il énumère précisément les matières relevant du domaine de la loi à son article 111, le constituant reste très vague et imprécis sur celles du domaine règlementaire qui devient un fourre-tout. Cette imprécision a pour conséquence, l'élargissement du pouvoir discrétionnaire et le rétrécissement du contrôle juridictionnel puisque le juge ne peut exercer son contrôle que dans un cadre défini. Il est vrai qu'une administration enchaînée par la loi, sans aucune marge de liberté dans l'appréciation des faits et dans la prise des décisions, entrainerait une sorte de  robotisation  de l'action administrative car pour reprendre les mots de Romieu,  « quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l'autorisation d'y envoyer les pompiers »98(*).

Mais liberté ne signifie pas libertinage de l'administration. Il appartient donc au juge de l'excès de pouvoir d'annuler les actes des autorités administratives en cas d'illégalité.

CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION A LA LOI.

Au Congo, l'interventionnisme accru de l'Etat (sans nul doute avatar de l'Etat-providence) se caractérise par une omniprésence de l'administration dans tous les secteurs de la vie sociale. Cette situation n'est pas atypique à réalité congolaise, dans le cas de la France, A. De TOCQUEVILLE remarquait déjà en son temps : « De quelque côté qu'il se tourne, l'administré rencontre presque toujours l'Administration, la puissante machine administrative avec ses importantes prérogatives. Dès lors, le risque de l'arbitraire est bien grand. Ce n'est même pas un risque, c'est une réalité, sauf que l'arbitraire administratif est plus caché et vécu de façon plus individuelle »99(*).

Puisque le Congo vise à s'arrimer aux exigences d'un Etat de droit, alors le domaine de protection des droits et libertés des citoyens a été élargi et pour cela, l'action administrative doit être encadrée par la règle de droit. C'est ainsi que, le bloc de légalité a été renforcé par un bloc de constitutionnalité. Au-delà de cet aspect, on dénote des mutations considérables du droit de l'administration sous l'effet des normes communautaires, on parle ainsi du « bloc de la légalité communautaire »100(*).

Aussi, dans cette quête vers l'édification d'un Etat de droit, deux juges interviennent de façon exceptionnelle dans la protection des administrés face à l'arbitraire administratif. Il s'agit du juge constitutionnel d'une part (Section1) et du juge communautaire d'autre part (Section2). Ce sont des juges de l'excès de pouvoir par dérogation au principe posé par la loi.

SECTION IÓ LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR.

Depuis le retour du multipartisme au Congo (issu de la conférence nationale de 1991), la justice constitutionnelle a pris un nouveau sens avec la volonté affirmée des constituants de faire respecter les droits fondamentaux. Aussi, le juge constitutionnel s'est vu attribuer de nouvelles fonctions administratives contentieuses. Désormais, il est appelé à intervenir dans des domaines où les décisions administratives sont en cause.

Cette consécration, si elle est clairement exprimée par les textes en ce qui concerne l'annulation des actes se rapportant aux élections -à titre exceptionnel- (§2), elle n'est quasiment pas affirmée pour l'annulation des actes administratifs contraires à la constitution et sur ce domaine il faut se référer au modèle gabonais et béninois (§1).

Paragraphe1 : Le juge constitutionnel et l'annulation des actes non conformes à la constitution : le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs.

A l'image des grandes démocraties occidentales déjà accoutumées à la culture constitutionnelle, le juge constitutionnel dans les Etats d'Afrique noire francophone est parvenu à occuper une place centrale et à jouer un rôle d'acteur à part entière au sein des institutions de la République. Il est donc passé d'un simple « canon braqué sur le parlement »101(*) à celui d'un garant de l'Etat de droit et d'un gardien des libertés fondamentales. C'est en ce sens que les constituants gabonais et béninois de la fin des années 1990 ont attribué compétence au juge constitutionnel dans l'annulation des actes administratifs, lorsqu'ils portent directement atteinte à la constitution et qu'aucune loi ne s'interpose entre les deux (A).

Au Congo cependant, bien que la constitution du 15 mars 1992 reconnaissait cette compétence au Conseil Constitutionnel dans son préambule, celle du 20 janvier 2002 a quant à elle optée pour un rôle indirecte de ce juge en instituant un recours en inconstitutionnalité (B).

A)- Le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs au Gabon et au Benin.

La justice constitutionnelle au Gabon tout comme au Benin a dépassé le simple rôle de juge de la conformité de la loi à la constitution qui lui était attribuée auparavant pour  se mêler  désormais des droits et libertés fondamentaux.

Le professeur Francis DELPEREE a su expliquer ce nouveau phénomène de protection des droits des citoyens contre l'arbitraire administratif par le juge constitutionnel en ces termes : « C'est le contentieux de l'excès de pouvoir, bien connu des habitués du contentieux administratif, qui se trouve transposé dans le domaine constitutionnel. C'est, pour reprendre une expression connue, le procès fait à un acte : C'est cet acte qui est au coeur du débat constitutionnel. C'est lui qui risque de disparaître de l'ordre juridique si les prétentions d'inconstitutionnalité se trouvent vérifiées. Il ne s'agit pas pour le juge constitutionnel de reconnaître que le requérant est titulaire d'un droit à l'encontre de l'administration mais de décider du sort de la décision contre laquelle le recours est dirigé »102(*).

Pour mieux cerner cette transposition dans les systèmes gabonais et béninois, il conviendra d'en examiner les fondements (1) et les applications jurisprudentielles (2).

1-Les fondements de ce contentieux en Droit gabonais et béninois.

Grâce aux dispositions des textes constitutionnels du 26 mars 1991 au Gabon et du 11 décembre 1990 au Benin, le juge constitutionnel devient le gardien des valeurs fondamentales proclamées par le peuple souverain dans la constitution.

Il est donc révolu le temps où le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs ne pouvait être exercé au Gabon et au Benin que par les seuls juges ordinaires (judiciaires et administratifs), le juge constitutionnel étant désormais également compétent dans la protection des droits fondamentaux contre les atteintes émanant des actes de l'administration. En cela, les constituants béninois et gabonais se sont fortement inspirés de leurs homologues allemand et autrichien.

Cette dévolution de compétence résulte, pour le cas du Gabon des articles 84 et 85 de la constitution du 26 mars 1991 qui disposent :

-Article 84 Ó « La Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques » ;

- Article 85 : « (...) peuvent être déférés à la Cour constitutionnelle (...) par tout citoyen ou toute personne lésée par l'acte attaqué ».

La constitution béninoise est allée plus loin que celle du Gabon. Aux termes de son article 3 alinéa 3, elle dispose : « toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraire à ces dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels ». Cet article doit être combiné avec l'article 117 alinéa 3 qui précise que la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur « la constitutionnalité des actes réglementaires censés porter atteintes aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques et en général, sur les droits de la personne humaine » et l'alinéa 2 de l'article 121 qui prévoit : « qu' elle se prononce d'office sur la constitutionnalité de tout texte réglementaire censé porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques. Elle statue plus généralement sur les violations des droits de la personne humaine ».

Le juge constitutionnel est donc appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans le contrôle juridictionnel de l'administration. Il est même dans certaines situations considéré comme  un juge administratif spécial.

2-Les applications jurisprudentielles.

Les juges constitutionnels béninois et gabonais à la suite de plusieurs recours dont-ils ont été saisi, ont fait application des dispositions constitutionnelles rapportées au paragraphe précédent et édifié une jurisprudence abondante.

Au Benin, dans une décision relative à la liberté d'association, la Cour constitutionnelle a estimé que les conditions et les modalités d'exercice de cette liberté, décidées par arrêté du ministre de l'intérieur, devraient se conformer aux prescriptions de la constitution. Elle a, dès lors, déclaré contraire à la constitution cet arrêté édictant, par rapport à la loi en vigueur des restrictions supplémentaires (DCC 16-94 du 27 mai 1994, Moïse Bossou). Cette jurisprudence sera confirmée par le juge constitutionnel dans une autre décision (DCC 33-94 du 24 novembre 1994) rendue à l'issue du contrôle d'un décret interdisant à Mme ou MM. les Conseillers à la Cour l'appartenance ou l'adhésion à un parti politique, pendant la durée de leur fonctions.

Dans le cas du Gabon, comme l'a si bien souligné le professeur Mengue : « Dans les domaines de droits de l'homme, la Cour constitutionnelle a rendu quelques décisions dignes d'intérêt »103(*), deux exemples particulièrement explicites suffisent pour illustrer le propos. Le 29 juin 2001, la Cour constitutionnelle a fait droit à la requête de la Confédération syndicale gabonaise (COSYGA) qui sollicitait d'elle la sanction de la violation du principe constitutionnel de la hiérarchie des normes par l'article 26 de l'arrêté du 26 avril 2001 réglementant l'institution des délégués du personnel. De même, saisie d'une requête en date du 11 septembre 2002, par laquelle le Sieur Benoît HOUSSOU et consorts demandent à la Haute juridiction de déclarer contraire à la constitution, les opérations de démolition, de déguerpissement et de remise en cause des lotissements du quartier Enango. Le juge constitutionnel rappelant les principes constitutionnels relatifs au droit de propriété et les conditions de l'expropriation pour cause d'utilité publique a annulé l'acte autorisant lesdites opérations pour inconstitutionnalité.

B)- Le modèle congolais du contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs.

En remplaçant la formule trop timorée d'une fonction constitutionnelle conférée à la chambre administrative de la Cour Suprême104(*) par la création d'une véritable juridiction constitutionnelle à part entière, institutionnellement indépendante des rouages de la justice  ordinaire, le constituant du 20 janvier 2002 a fait une avancée considérable vers l'encrage de l'Etat de droit.

Nonobstant ce bond vers un véritable Etat de droit, il ne s'est pas inscrit dans le droit fil de ses homologues béninois et gabonais. Si le préambule de la constitution du 15 mars 1992 avait ouvert une brèche en ce sens (1), celle du 20 janvier 2002 a opté pour une autre démarche en instituant le recours en inconstitutionnalité (2).

1-Les jalons d'un contentieux de la constitutionnalité des actes administratifs posés par le Préambule de la Constitution du 15 mars 1992.

Le mouvement démocratique issu du libéralisme politique au Congo a donné naissance à une première constitution, celle du 15 mars 1992 qui en introduisant le concept de Ó « pouvoir judiciaire » a entrainé deux conséquences dans le domaine du contrôle juridictionnel des actes de l'administration.

D'abord, si sous le régime monopartite, « l'annulation d'une décision illégale prise par l'administration contre le citoyen [apparaissait] comme une gageur, un acte quasi exceptionnel de bravoure du juge »105(*), avec l'avènement de la constitution de 1992, le juge semble plus hardi et plus déterminé. En ce sens, le Président ILOKI estime que l'introduction de cette constitution « a semblé libéré les esprits tant du côté de l'administration que de celui des juges (...). Le contrôle de la légalité des actes de l'administration est en effet devenu plus audacieux »106(*).

Mais, ce qui est plus remarquable, c'est que la constitution du 15 mars 1992 a dans son Préambule inséré au milieu d'une litanie des textes internationaux relatifs aux droits et libertés fondamentaux la stipulation suivante :

« Proclamons (...) le droit de tout citoyen de saisir le Conseil constitutionnel aux fins d'annulation de toute loi ou tout acte contraire à la présente Constitution ».

Par cette disposition, la constitution congolaise du 15 mars 1992 avait ouvert la voie à tout un contentieux, celui du contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs et en confiait la connaissance au juge constitutionnel. Il répondait ainsi à l'épineuse question que se posait le Président de la chambre administrative de la Cour Suprême du Benin : « lorsqu'aucune loi ne s'interpose entre l'acte attaqué et la constitution, quel est le juge compétent pour en connaitre la conformité ? »107(*).

Pour le constituant de 1992, l'annulation d'un tel acte relève non pas du juge administratif suprême mais plutôt du « Conseil constitutionnel sur saisine du citoyen congolais ». Il fait donc du Conseil constitutionnel juge de l'excès de pouvoir par dérogation.

La constitution du 20 janvier 2002 n'a pas repris cette disposition, elle a plutôt institué un recours en inconstitutionnalité et dans ce recours, le juge constitutionnel joue un rôle indirect dans l'annulation des actes administratifs contraires à la constitution.

2- L'option d'un rôle indirect dans l'annulation des actes Ó l'exception d'inconstitutionnalité.

Ni la Constitution du 20 janvier 2002, ni même l'Acte fondamental du 24 octobre 1997 n'ont repris la disposition du Préambule de la Constitution du 15 mars 1992 relative au contrôle de la conformité des actes administratifs à la Constitution.

Ce silence du nouveau constituant de 2002 soulève un problème dont la résolution mérite une analyse.

Lorsqu'un acte administratif pris en application d'une loi est attaqué pour inconstitutionnalité, quel est dans ce cas le juge compétent pour statuer sur sa conformité à la constitution?

En France, pendant longtemps le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent pour connaître de la constitutionnalité d'un tel acte. En effet, dans sa jurisprudence Arrighi de 1936, il crée la théorie dite de la loi-écran et affirme que Ó « Le juge administratif est seulement serviteur de la loi et non son juge »

de ce fait, pour lui Ó «annuler un acte administratif pour inconstitutionnalité reviendrait à dire que la loi sur le fondement de laquelle il est pris est inconstitutionnelle. Or, le juge administratif n'a pas à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi »108(*).

Mais, cette position du juge administratif français n'épuise nullement la question car s'il se déclare incompétent, alors de qui relève cette compétence ? Serait-ce du juge constitutionnel garant de la légalité constitutionnelle ?

Ce n'est qu'en 2008 que le législateur français en instituant le principe d'inconstitutionnalité devant les juridictions administratives a apporté une solution à cette question. En effet, l'article 61-1 de la constitution française issue des modifications intervenues dans le cadre de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 dispose Ó « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantis, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Or, cette solution, la Constitution congolaise de 2002 l'avait déjà prévue dans son article 149 qui dispose que Ó « Tout particulier peut soit directement, soit par la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui le concerne, saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois. En cas d'exception d'inconstitutionnalité, la juridiction saisie sursoit à statuer...».

Cette disposition a été reprécisée par les articles 43 à 52 de la loi organique du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Ainsi, grâce à la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité, le particulier peut attaquer pour inconstitutionnalité une loi faisant écran entre l'acte administratif en cause et la Constitution. Fort de la décision qu'aura rendu le juge constitutionnel, il pourra alors engager une procédure devant le juge administratif (qui aurai au préalable sursis à statuer) au fin d'annulation de l'acte contesté.

C'est donc pour dire, qu'en constatant l'inconstitutionnalité du « texte ou de l'une de ses dispositions inséparables de l'ensemble du texte » et en annulant le texte inconstitutionnel, le juge constitutionnel ouvre la voie au juge de l'excès de pouvoir qui entérinant la position du juge constitutionnel, annulera l'acte pris sur

le fondement d'une loi déclarée inconstitutionnelle. Il apparaît donc que le juge constitutionnel intervient indirectement dans l'annulation d'un tel acte administratif.

Mais, ce cas de figure ne s'applique que lorsqu'une loi fait écran entre l'acte administratif et la disposition constitutionnelle. Cependant, la Constitution du 20 janvier 2002 reste muette quant à la question de savoir quel juge serait compétent pour annuler un acte portant directement atteinte à la Constitution.

De plus en plus soucieux de l'édification d'un Etat de droit, le constituant congolais a doté le juge constitutionnel d'une multitude de compétences et cela, dans divers domaines. C'est ainsi qu'il est considéré comme un juge électoral chargé de veiller à la régularité  des élections présidentielle, législative, sénatoriale et référendaire109(*). Mais à ce titre, peut-il être amené à annuler des actes administratifs ?

Paragraphe2 : Le juge électoral et l'annulation des actes se rapportant aux élections.

Aux termes des articles 146 alinéa 2 et 147 alinéas 1 et 2 de la Constitution du 20 janvier 2002, la Cour constitutionnelle « veille à la régularité des élections » présidentielle, législative, sénatoriale et sur les opérations du référendum. Selon le juge constitutionnel Ó « l'expression veiller à la régularité de l'élection signifie que la Cour constitutionnelle apprécie la validité de l'ensemble des actes régissant le processus électoral, à savoir la préparation, l'organisation, le suivi et le déroulement du scrutin »110(*).

Ainsi, dans sa mission d'assurer la crédibilité et la sincérité de ces élections aux fins de garantir l'Etat de droit et concourir au processus de démocratisation, la Cour constitutionnelle, juge électoral sort des limites de ses compétences traditionnelles. Elle connaît exceptionnellement de l'annulation de tout acte se rapportant à l'élection du Président de la République (A). De même, elle connaît du contentieux des actes administratifs se rapportant aux élections législative  et sénatoriale lorsqu'ils ne peuvent être détachés de l'ensemble de ces opérations, « le juge de l'action étant juge de l'exception »111(*) (B).

A)- La compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes se rapportant à l'élection du Président de la République.

Sophie LAMOUROUX affirmait qu' « Une élection, quelle qu'elle soit, ne sera correctement acquise et le droit de suffrage dignement réalisé, que si les résultats du scrutin et les actes qui concourent à sa réalisation sont susceptibles d'être contrôlés par un juge apte à faire sanctionner l'ensemble des règles organisant l'élection »112(*), cette affirmation cadre bien avec notre démarche. En effet, au Congo, l'aptitude à statuer sur l'ensemble des actes se rapportant à l'élection présidentielle a été exceptionnellement conférée au juge constitutionnel (2). Cette compétence n'est pas un phénomène ex nihilo, c'est un mimétisme issu du modèle français (1).

1-Un mimétisme issu du modèle français.

Pendant longtemps, le Conseil d'Etat français a refusé de connaître des actes préparatoires de l'élection Présidentielle et le Conseil constitutionnel ne statuait sur ce contentieux que par voie d'exception.

Il faut attendre 1981 et la décision Delmas113(*) pour que le Conseil constitutionnel accepte de contrôler un acte administratif, acte qui par nature lui est étranger. Dans cette espèce, le Conseil d'Etat ayant rejeté son recours pour incompétence, le Sieur François Delmas s'adresse au Conseil constitutionnel et demande l'annulation du décret de convocation des électeurs après la dissolution de l'Assemblée nationale. Afin de bien signifier le caractère exceptionnel d'une telle démarche, le juge constitutionnel justifie sa compétence, avant le scrutin, par la carence du Conseil d'Etat et en affirmant que le contrôle des actes préparatoires ne peut s'exercer qu' « en vue de l'accomplissement de la mission qui lui est confiée par l'article 59 de la Constitution »114(*). En intervenant avant le scrutin, alors qu'aucun texte ne lui attribue cette compétence, le Conseil constitutionnel devient donc juge de la légalité des actes préparatoires à une élection nationale.

Cependant, en 1993, cette construction est battue en brèche par le Conseil d'Etat qui, réaffirmant que Ó « le seul juge de la légalité est le juge administratif »115(*) effectue un revirement jurisprudentiel et récupère une compétence antérieurement abandonnée.

Mais, un tel renversement de la jurisprudence va entrainer un risque de conflit de compétence entre le juge administratif et le juge constitutionnel et l'existence d'un juge de l'action et d'un juge de l'exception apparaissant comme préjudiciable à la cohérence du contentieux préélectoral.

Dans deux de ses décisions, Bayeurte116(*) en 1995 et Mme Richard en 1997, le Conseil constitutionnel conserve sa position et réaffirme sa compétence quant à la connaissance exceptionnelle des actes préparatoires à une élection.

Par la suite, ce contentieux a fait l'objet d'une harmonisation, « d'un dialogue entre les deux juges »117(*) ; ceci est conforté par une jurisprudence tant du Conseil d'Etat (14 septembre 2001, Marini) que du Conseil constitutionnel (C.C.20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini).

Dès lors, « le Conseil constitutionnel est exceptionnellement compétent pour contrôler la légalité des actes mettant en cause la régularité d'opérations électorales lorsque l'irrecevabilité opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle des opérations électorales ou référendaires, vicierait le déroulement générale du vote ou porterait atteinte au fonctionnement des pouvoirs publics »118(*).

C'est cette formule de compétence exceptionnelle qu'a repris la Cour constitutionnelle dans sa délibération du 28 avril 2009 pour justifier sa compétence dans l'annulation des actes se rapportant à l'élection Présidentielle.

2- La transposition dans le système congolais : l'article 146 al.2 de la Constitution et la Délibération du 28 avril 2009 relative à la régularité de l'élection du Président de la République.

L'alinéa 2 de l'article 146 de la Constitution du 20 janvier 2002 dispose à propos de la Cour constitutionnelle qu' : « Elle veille à la régularité de l'élection du Président de la République (...) ». Aussi, en donnant une large interprétation à l'expression Ó « veiller à la régularité de l'élection du Président de la République »119(*), la Cour constitutionnelle a clarifié le contenu de cette disposition constitutionnelle.

C'est ainsi que dans l'un des considérants de sa délibération du 28 avril 2009 relative à régularité de l'élection du Président de la République, elle affirme : « Considérant que, si en règle générale, la compétence de la Cour constitutionnelle se limite notamment au contrôle de la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux et à statuer, en cas de contestation, sur la régularité des élections législatives et sénatoriales, il en est autrement en cas d'élection du Président de la République où sa compétence s'étend, exceptionnellement, à la connaissance de tous les textes jusques y compris les actes réglementaires, qui en constituent le support juridique ; qu'il en résulte que la Cour constitutionnelle est fondée, en cas de contestation, à connaître de tous les actes relatifs à l'élection du Président de la République quelle qu'en soit la nature ».

Sur ce fondement, elle décide à l'article 3 de ladite délibération : « La Cour constitutionnelle est exceptionnellement compétente pour connaître, en matière d'élection du Président de la République, des contestations par tout particulier, des actes réglementaires liés tant à la phase préparatoire qu'à l'organisation et au suivi de cette élection ». C'est donc pour autant dire qu'en lui conférant le contrôle de la régularité de l'élection présidentielle, la Constitution fait (de façon tacite) de la Cour constitutionnelle, un juge du contrôle de la régularité des actes administratifs se rattachant auxdites élections.

C'est ainsi donc que l'annulation de tous actes (décrets, arrêtés, circulaires, procès-verbaux, et autres documents officiels) concernant la préparation et l'organisation de l'élection présidentielle relève non pas de la Chambre administrative de la Cour Suprême, mais exceptionnellement de la Cour constitutionnelle, juge de l'excès de pouvoir par exception.

B)-L'annulation des actes se rattachant à l'élection législative et sénatoriale.

L'article 147 alinéa 1 de la Constitution du 20 janvier 2002 et l'article 5 de la loi n°1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle attribuent une compétence exclusive à la Cour constitutionnelle pour statuer sur la régularité des élections législatives et sénatoriales. En sa qualité de juge électoral, il dispose d'une plénitude de compétence en la matière de sorte qu'il peut connaitre de l'annulation de tout acte se rattachant à l'élection parlementaire. Ce cas de figure traduit une transposition du principe « juge de l'action est juge de l'exception »120(*) (1) et celui-ci a fait l'objet d'une application jurisprudentielle (2).

1-Le principe « juge de l'action est juge de l'exception ».

C'est un principe issu du droit français. Il signifie que le juge qui est compétent pour juger une action en justice est également compétent pour se prononcer sur l'exception qui lui est opposée, même si la question soulevée par l'exception devrait relever d'un autre juge. Il permet d'éviter un morcellement du litige et justifie une bonne administration de la justice car surseoir à statuer pour chaque question ralentirait considérablement les procédures.

En droit du contentieux administratif congolais, ce principe a été appliqué dans le cadre du contentieux de l'interprétation et de l'appréciation de la légalité des actes administratifs. En effet l'article 2 de la loi n°6-62 du 20 janvier 1962 relative à la compétence et à la procédure suivie devant les juridictions en matière administrative dispose : « Les juridictions ont au cours des instances dont elles sont saisies compétentes pour interpréter et apprécier la légalité des décisions des divers autorités administratives ». En 1983, le législateur a maintenu ce principe puisque l'article 403 alinéa 1 du CPCCAF dispose que Ó « La légalité des actes administratifs ne constitue jamais une question préjudicielle de sorte que les juridictions, saisies d'une exception d'illégalité au cours d'une instance, ont compétence pour apprécier et interpréter la légalité des actes administratifs versés aux débats.».

Cette absence des questions préjudicielles traduite par une plénitude de compétence attribuée aux juridictions de droit commun en la matière n'est que le résultat d'une application du principe susmentionné.

Dans le cadre du contentieux électoral, l'article 63 de la loi organique du 17 janvier 2003 a reconnu au juge constitutionnel une plénitude de compétence de sorte que ce contentieux est appréhendé comme un « tout indivisible »121(*). C'est ainsi : « qu'il n'appartient pas à la Chambre administrative de la Cour suprême, statuant en matière d'excès de pouvoir, de connaitre (...) la régularité des actes administratifs relatifs à l'organisation et au déroulement de l'élection des députés et des sénateurs »122(*).

En conséquence, lorsqu'un acte administratif ne peut être détaché de l'ensemble des opérations électorales législatives ou sénatoriales, son annulation ne peut être prononcée qu'à l'occasion d'un recours devant le juge électoral qui est juge de l'excès de pouvoir par exception. Cependant, existe-t-il une jurisprudence en la matière ?

2- L'application jurisprudentielle : l'arrêt n° 09/GCS-2006 de la C.S. Adm. 27 juillet 2006, Joseph Kignoumbi et André Milongo.

D'apparence anodine, l'espèce J.Kignoumbi et A.Milongo est certainement une décision aux conséquences multiples dans la jurisprudence la chambre administrative de la Cour Suprême.

En effet, saisi d'un recours aux fins d'annuler le décret n°2005-356 du 9 septembre 2005 portant nomination des membres des bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections signé du Président de la République, la chambre administrative de la Cour suprême s'est déclarée incompétente pour connaitre de ce contentieux quoiqu'étant par principe juge de l'excès de pouvoir. Elle motive : « Qu'en tout état de cause, la requête susvisée, qui tend à l'annulation du décret n°2005-356 du 09 septembre 2005, portant nomination des membres des bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections, ne peut être accueillie, ce décret étant un acte non détachable de l'ensemble des opérations électorales susmentionnées et ne pouvant être critiqué qu'à l'occasion d'un recours contre elles devant le juge de l'élection, conformément aux prescriptions des articles 53 et 63 de la loi organique n°01-2003 du 17 janvier 2003 précitée, « le juge de l'action étant juge de l'exception » ; que dès lors, l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur au recours en annulation, qui n'est pas dénuée de pertinence, doit être accueillie ».

En se déclarant incompétente, la chambre administrative pose les jalons d'une jurisprudence qui transpose les théories « du tout indivisible »123(*) et « des actes non détachables »124(*) dans le cadre d'un contentieux électoral.

Or, il est avéré que ces théories sont aux antipodes de « la théorie des actes détachables ». De ce fait elles restreignent considérablement la compétence de la Chambre administrative de la Cour Suprême. Pourtant, selon la formule du Doyen COILLARD, « C'est par le jeu de la théorie des actes détachables que le juge de l'excès de pouvoir a pu pénétrer dans des régions interdites ou réservées à d'autres contrôles juridictionnels »125(*).

C'est là un exemple patent de l'effritement de la compétence exclusive longtemps reconnue à la chambre administrative de la Cour Suprême au profit de certaines juridictions.

Les exceptions à la compétence exclusive reconnue à la chambre administrative de la Cour Suprême s'étendent également au niveau communautaire, dans certains cas, car le juge communautaire peut prononcer l'annulation des actes administratifs lorsqu'ils sont contraires aux dispositions communautaires.

SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA C.E.M.A.C, JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR.

L'avènement d'une nouvelle ère du communautarisme en Afrique Centrale met en exergue la question de la compétence du juge communautaire en matière administrative. En effet, celui-ci peut être amené à constater les manquements d'un Etat membre aux obligations découlant des dispositions communautaires du fait des actes de son administration.

En termes plus clairs, la Convention du 5 juillet 1996 en créant la Cour de justice de la Communauté Economique et Monétaire d'Afrique Centrale a donné à sa Chambre judiciaire des compétences dans l'annulation de tout acte administratif contraires aux normes C.E.M.A.C. Elle est à ce titre « la gardienne de la légalité voir de l'orthodoxie communautaire »126(*).

Mais avant d'examiner cette compétence (§2), il conviendra de cerner comment ce nouveau droit s'intègre dans l'ordonnancement juridique congolais (§1).

Paragraphe1 : L'intégration du Droit communautaire dans le système juridique Congolais.

Comme l'a écrit G.ISSAC : « Le Droit communautaire n'est pas un droit étranger, ni même un droit extérieur : il est le droit propre de chacun des Etats membres, applicable sur son territoire tout autant que son droit national, avec cette qualité supplémentaire qu'elle couronne la hiérarchie des textes normatifs de chacun d'eux »127(*). Cet ordre juridique communautaire dont l'objectif est de régir les rapports entre Etats membres et d'assurer la protection de leurs ressortissants est d'une applicabilité immédiate et directe (A). Ceci a pour conséquence, la soumission des actes administratifs des Etats membres à la règle communautaire car, « le communautaire tient l'interne en l'état »128(*) (B).

A)- L'application directe et immédiate des textes de la C.E.M.A.C dans l'ordonnancement juridique Congolais.

Le droit communautaire C.E.M.A.C est essentiellement constitué par des règles primaires ou originaires (Traité instituant la C.E.M.A.C et ses additifs relatifs au système institutionnel et juridique de la Communauté, les Conventions régissant ses institutions...), des règles dites dérivées, constituées par des règlements et des directives. Toutes ces règles sont d'application directe (1) et immédiate (2).

1-Le principe d'application directe.

Ce principe signifie que les règles du Droit C.E.M.A.C doivent déployer la plénitude de leurs effets d'une manière uniforme dans les Etats membres dès leur entrée en vigueur et pendant la durée de leur validité. Les normes communautaires directement applicables ont pour effet de rendre inapplicables de plein droit toute disposition contraire de la législation nationale.

En ce sens, le Président LECOURT affirmait : « l'effet direct est le droit pour toute personne de demander à son juge de lui appliquer Traité, règlements, directives ou décisions communautaires (...) et l'obligation pour le juge de faire usage de ces textes, quelle que soit la législation du pays dont il relève »129(*).

Ainsi, on peut considérer que l'applicabilité directe est un caractère consubstantiel à la nature même de la Communauté. Le droit communautaire de la C.E.M.A.C qui est d'effet direct peut donc dans certaines conditions créer des droits ou des obligations au profit ou à la charge des particuliers qui pourront l'invoquer à l'appui d'un recours devant le juge.

2-Le principe d'application immédiate.

Dire qu'une norme communautaire est d'application immédiate signifie qu'elle s'intègre automatiquement dans l'ordre juridique interne de l'Etat membre sans le secours d'une norme nationale d'introduction, qu'elle prend sa place dans l'ordre juridique interne en tant que Droit communautaire et le juge a l'obligation de l'appliquer.

Sur la question d'une application de la norme communautaire par le juge administratif d'un Etat membre,

le Conseil d'Etat français s'est longtemps confronté au délicat problème de l'interprétation ou de la validation d'une norme communautaire. A ce titre, il a estimé que Ó « le renvoie préjudiciel devant la juridiction communautaire n'est pas nécessaire si l'acte en cause ne présente aucune difficulté d'interprétation, appliquant ainsi la théorie dite de «l'acte claire» conformément à l'adage  « in claris non fit interpretatio» (il n'y a pas lieu d'interpréter une disposition dont la signification ne prête pas à un doute). »130(*). Par cette théorie, le Conseil d'Etat français a longtemps manifesté une volonté de se soustraire abusivement à l'obligation de renvoi devant la Cour de justice.

Or, dans le cas du Congo membre de la C.E.M.A.C, le juge administratif doit se conformer aux missions de la Cour de justice communautaire qui consistent entre autre à assurer l'unité de l'interprétation et l'application du droit C.E.M.A.C dans l'ensemble des Etats membres, « Cette mission fondamentale fait donc de la Cour la gardienne de la légalité voire de l'orthodoxie communautaire »131(*). A ce titre, les articles 5 du Traité portant création de la C.E.M.A.C et 4 de la Convention du 5 avril 1996 régissant la Cour de justice de la C.E.M.A.C disposent que : « La Chambre judiciaire assure le respect du droit dans l'interprétation et dans l'application du Traité et des Conventions subséquentes (...) » , l'article 18 de la Convention dispose que : « Les interprétations données par la Chambre judiciaire en cas de recours préjudiciel s'impose à toutes les autorités administratives et juridictionnelles dans l'ensemble des Etats membres. L'inobservation de ces interprétations donnent lieu au recours en appréciation de la légalité ».

B)-La soumission des actes administratifs aux textes communautaires.

En cas de confrontation entre un acte émanant de l'administration d'un Etat membre et une disposition communautaire, le premier sera écarté au profit de la seconde en vertu de la primauté de la norme communautaire sur la norme interne. Ce principe sous-tend la règle selon laquelle : « Le communautaire tient l'interne en l'état »132(*) (1). En cas de non observation de ce principe, l'acte contraire peut être annulé s'il est attaqué (2).

1-La primauté des normes communautaires sur les actes administratifs des Etats membres : « le communautaire tient l'interne en l'état ».

En raison du principe de la primauté, la norme communautaire doit prévaloir sur la norme nationale. Ceci implique qu'en cas de conflit entre les deux normes, celle qui relève du droit interne (acte d'une autorité administrative de l'Etat membre) doit être écartée au profit de la norme communautaire. Les principes d'application directe et immédiate susmentionnés resteraient lettre morte si un Etat membre pouvait s'y soustraire. Pourtant, le Traité et son additif ne contiennent pas une clause expresse de primauté.

Mais, il est plus évident que la norme communautaire doit primer, qu'elle doit prendre place avec rang de priorité sur toutes les normes nationales, la primauté étant une condition existentielle du Droit communautaire qui ne saurait exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas se voir être mis en échec par le droit des Etats membres.

Ce principe : « se fonde non pas sur une hiérarchie entre autorités internes et communautaires, mais plutôt sur ce que la règle communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d'être commune or, à défaut d'être commune, elle cesse d'exister et, il n'y a plus de communauté »133(*).

Ainsi, lorsque l'acte administratif pris par l'autorité d'un Etat membre n'est pas conforme à la norme communautaire, il y a atteinte à l'ordre public communautaire.

2-La non-conformité de l'acte administratif : une atteinte à l'ordre public communautaire.

Raisonnons par syllogisme, si l'ordre juridique communautaire prime sur l'ordre légal interne et si l'atteinte à l'ordre légal entraine au plan interne l'annulation grâce au contrôle de la légalité exercé par le juge de l'excès de pouvoir, qu'arrive t-il à l'acte administratif qui du fait de sa non conformité au droit communautaire aurait porté atteinte à l'ordre juridique communautaire ? S'il y a lieu d'exercer un contrôle de conformité d'un tel acte à l'ordre communautaire, à qui incomberait une telle tâche ?

L'article 15 de la Convention suscitée répond à ces deux questions car il dispose : « (...) La Chambre judiciaire peut prononcer la non-conformité des actes entachés de vice de forme, d'incompétence, de détournement de pouvoir ou de violation des règles découlant de la présente convention ».

Paragraphe2 : L'annulation des actes administratifs non conformes par le juge C.E.M.A.C.

En l'état actuel de notre droit positif, il devient quasiment impossible d'étudier le droit administratif congolais sans se référer aux normes communautaires. En effet, considéré comme un droit en pleine mutation, il se transforme de plus en plus un droit « communautarisé »134(*) et cela sous l'influence des normes de la C.E.M.A.C.

C'est en ce sens qu'il est reconnu au juge C.E.M.A.C compétence dans l'annulation des actes contraires aux normes C.E.M.A.C. Nos analyses porteront tant sur les fondements de cette compétence et les modes de saisine du juge (A) que sur la quasi absence des applications jurisprudentielles et les raisons de cette rareté (B).

A)-Fondements de la compétence et mode de saisine du juge C.E.M.A.C dans l'annulation des actes administratifs.

C'est le Traité instituant la C.E.M.A.C (article 16 al.3.a et b) et la Convention du 05 avril 1996 régissant la Cour de justice C.E.M.A.C (articles 4, 14 et 15) qui donnent compétence au juge pour annuler tout acte contraire aux normes communautaires (1) et qui fixe les modalités de la saisine du juge en la matière (2).

1-Les fondements de la compétence.

Trois textes fixent la compétence de la Chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C dans la connaissance des actes administratifs des Etats membres contraires aux normes communautaires il s'agit Ó

-Du Traité portant création de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale qui crée la Cour de justice et fixe ses compétences en disposant à son article 16 alinéa 3 et aux points a et b ce qui suit Ó « a)- Elle contrôle la légalité des décisions, directives et règlements des institutions de la Communauté. b)- Elle se prononce sur les recours pour incompétence, excès de pouvoir, violation des formes substantielles des dispositions du présent Traité formulés par un Etat membre ou la Conférence» ;

-De la Convention du 5 juillet 1996 relative à la création de la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont les articles 4, 14 et 15 attribuent compétence à la Chambre judiciaire de cette Cour pour connaitre des cas de violation du Traité et des conventions subséquentes. En ce sens, l'article 4 alinéa 1 dispose Ó « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de justice rend, des arrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C et des conventions subséquentes dont elle est saisie conformément à ses règles de procédure», de même, l'article 14 dispose que Ó «La Chambre judiciaire connait sur le recours de (...) toute personne physique ou morale qui justifie d'un intérêt certain et légitime, de tous les cas de violation des dispositions des Traités de la C.E.M.A.C et des Conventions subséquentes ». Enfin, l'article 15 fonde ce contrôle de la non-conformité des actes administratifs des Etats membres sur les mêmes cas d'ouvertures invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir interne en disposant queÓ « La Chambre judiciaire peut prononcer la non-conformité des actes entachés de vice de forme, d'incompétence, de détournement de pouvoir ou de violation des règles de droit découlant de la présente convention» ;

-De l'Acte additionnel n°06/00/CEMAC-041-CCE-CJ-02 portant statut de la Chambre judiciaire de la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont l'article 48 alinéa 3 point a, donne plus de précisions en disposant que Ó « La Chambre connaît notamment en premier et dernier ressort (...) des recours en contrôle de la légalité des actes déférés à sa censure».

2-La saisine du juge C.E.M.A.C.

Toute Etats membres, tout organe de la C.E.M.A.C ou toute personne physique ou morale justifiant d'un intérêt certain et légitime peut saisir la Cour de justice de la C.E.M.A.C. C'est ce qui ressort de l'article 14 de la Convention sus-cité qui dispose que : « sur recours de tout Etat membre, tout organe de la C.E.M.A.C, ou de toute personne physique ou morale ». Il convient de préciser que les termes « Etat membre » ; « personne physique ou morale qui s'assimile ressortissant de la communauté » sont signifiés dans l'article 1 alinéas l et r. du Traité.

B)-La quasi absence des applications jurisprudentielles et les raisons de cette rareté.

De nos jours les applications jurisprudentielles portant sur l'annulation d'un acte contraire au droit C.E.M.A.C par le juge communautaire sont quasi inexistante (1). Cette rareté est liée à certaines raisons (2).

1-La quasi inexistence d'une jurisprudence portant sur l'annulation des actes administratifs par le juge C.E.M.A.C.

Dans l'espace C.E.M.A.C, les relations entre le juge communautaire et le juge national (plus précisément le juge de l'excès de pouvoir pour notre cas) ne se sont pas encore solidifiées. Certains auteurs dans la doctrine ont estimé que, leurs rapports glissent de plus en plus vers un terrain des interactions entre l'exercice d'une justice nationale autonome (gage d'une souveraineté étatique) et la conformité à la règle de justice communautaire (volonté manifeste de l'adhésion au cadre sous régional).

C'est ainsi que l'annulation des actes administratifs est souvent considérée comme un domaine sensible -même au plan national-, l'action administrative étant la voie par excellence de la réalisation des projets politiques. La jurisprudence de la Cour de justice C.E.M.A.C en la matière est quasi inexistante.

Toutefois, l'affaire Calmine Bourguiba135(*) est un spécimen qui illustre bien nos développements. En l'espèce, Dame Calmine de nationalité tchadienne s'étant vue refuser le droit de séjour en territoire gabonais par une décision du Ministère de l'intérieur gabonais, a attaqué la décision devant le juge communautaire estimant que l'acte violait les dispositions communautaires notamment l'article 4.e du Traité instituant la C.E.M.A.C qui supprime « entre Etats membres les obstacles à la libre circulation des personnes (...) ». Rejetant la requête de Dame Calmine, le juge communautaire a estimé qu'il n'appartenait pas à la juridiction communautaire d'apprécier l'étendu des impératifs de sécurité nationale des Etats membres. En effet, à la lecture des faits, il était clairement établit que le refus du Ministre de l'intérieur gabonais était fondé sur des raisons de sécurité intérieure car, Dame Calmine était fiché par les services de sûreté territoriales gabonaises comme une trafiquante des produits stupéfiants.

Toutes proportions gardées transposé dans le cadre du droit communautaire européen, cette affaire présente des similitudes avec l'arrêt du Conseil d'Etat Français (CE. Ass. 22 déc. 1978, Ministère de l'intérieur c/ D. COHN-BENDIT)136(*) . En l'espèce, Daniel COHN-BENDIT de nationalité allemande avait fait l'objet d'un arrêté d'expulsion par le ministre de l'intérieur français le 25 mai 1968 en raison de sa participation active aux événements de mai 1968. Ayant demandé au ministre d'abroger cet arrêté, un refus lui fut opposé, c'est donc ce refus qu'il déféra devant le juge administratif au motif que ledit arrêté et le refus étaient contraires à l'article 6 de la directive du Conseil des Communautés européennes n°64/221 du 25 février 1964.

Le Conseil d'Etat a adopté une solution radicale en jugeant « qu'une directive communautaire n'a pas d'effet direct dans les Etats membres de la Communauté et qu'elle ne peut être invoquée par un particulier à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel »137(*). Cette position du Conseil d'Etat français a été qualifiée de « révolte, rébellion, insurrection, hostilité à la suprématie nécessaire du droit et au juge européen »138(*).

L'intérêt de cette comparaison est double Ó

-D'une part elle nous permet d'établir que contrairement au droit communautaire européen, les directives de la C.E.M.A.C ont comme nous l'avons susmentionné un effet direct dans les Etats membres.

-D'autre part, elle montre que c'est dans des questions de sécurité, d'ordre public, d'environnement que souvent les normes communautaires entrent en conflit avec les priorités des Etats membres.

2-Les raisons de l'absence des applications jurisprudentielles.

La contrariété entre les impératifs liés à la souveraineté nationale et les exigences communautaires est la principale raison de la quasi absence d'une jurisprudence uniforme émanant du juge communautaire. En effet, il est souvent difficile pour un Etat membre d'aliéner une partie de ses fonctions régaliennes (telle que la justice) au profit de la communauté.

A ce sujet, la position de la Cour suprême a varié selon qu'elle était saisi pour avis s'agissant de la conformité des traités O.H.A.D.A et C.E.M.A.C. à l'Acte fondamental de 1997.

C'est ainsi, que dans son avis du 1er octobre 1998, elle a estimé que Ó « les articles 14 al.3, 4,5 et 16, 18, 20,25 du traité O.H.A.D.A. encourent le grief de ne pas être conformes à l'Acte Fondamental (...) notamment en ses articles 71 et 72 », car « la fonction de juger, qu'elle soit exercé par les juridictions de première instance ou d'appel ou par la Cour Suprême, est une fonction constitutionnelle en même temps qu'elle est l'expression de la souveraineté et de l'indépendance nationales ». Ainsi donc a conclu le juge Ó « le pouvoir de rendre exécutoire sur le territoire national une décision jurisprudentielle rendue par une juridiction étrangère ou une sentence arbitrale (leur) appartient et procède également de la souveraineté et de l'indépendance nationales »139(*).

Mais, le juge suprême n'a pas eu le même raisonnement lorsqu'il a été saisi sur la conformité du traité additif C.E.M.A.C du 5 juillet 1996 à l'acte fondamental. Il « n'a pas dit que la monnaie, les compétences législatives et la Cour de justice communautaire prévues par ce traité violent la norme fondamentale, car ces matières appartiennent et procèdent également de la souveraineté et de l'indépendance nationale »140(*).

Dans son analyse, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que la seconde position du juge est plus compréhensive que la première Ó « les compétences exorbitantes reconnues à [une juridiction communautaire] par le traité ne sont pas incompatibles à l'existence d'un pouvoir judiciaire au Congo (...), la réalisation du processus d'intégration dans la sous région d'Afrique centrale passe par la remise en cause de certains principes »141(*).

Outre cette raison principale, on peut citer le fait que les Etats membres, le Congo y compris, ne se sont pas encore imprégné des règles communautaires, leur expériences de la justice communautaire étant encore à leur début.

Au regard de tout ce qui précède, il convient de retenir qu'au Congo, l'identification du juge de l'excès de pouvoir renvoie d'abord et avant tout à la Chambre administrative de la Cour Suprême. Cette compétence exclusive qu'elle a héritée du Conseil d'Etat a été consacrée et pérennisée par le législateur durant ces décennies post-indépendance.

Mais, un examen plus approfondi de la question relative à l'identification du juge de l'excès de pouvoir au Congo conduit forcément à prendre en compte d'autres organes juridictionnels ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation de certains actes. Tel est le cas de la Cour constitutionnelle et de la Chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C. Ces mutations sont liées à l'extension de l'action administrative et aux incidences du droit constitutionnel et communautaire, le contrôle juridictionnel des actes de l'administration au Congo étant désormais à la croisée des chemins des matières du droit public. Cependant, l'exercice d'un tel contrôle n'est pas exempt de difficultés tous ordres. Aussi l'objectif des lignes qui vont suivre sera de proposer des pistes de solution après avoir relevé quelques unes de ces difficultés.

Au Congo, bien avant l'indépendance jusqu'à nos jours, les droits et libertés des citoyens ont toujours été garantis contre l'arbitraire administratif par le biais du recours pour excès de pouvoir. Ce recours a été considéré dans la doctrine comme Ó « la plus merveilleuse des créations des juristes, l'arme la plus efficace, la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés »142(*).

Cependant, dans l'exercice de cette entreprise, le juge se trouve confronté à de nombreuses difficultés. Certaines d'entre elles sont typiques à la chambre administrative de la Cour Suprême (juge naturel du recours pour l'excès de pouvoir) et d'autres ont trait aux autres organes juridictionnels ayant dans des cas exceptionnels compétence pour annuler certains actes de l'administration (Chapitre I).

Malgré toutes ces difficultés, certains auteurs ont présagé un avenir plein d'espoir pour le juge en charge de ce recours. Ces mots de J. Rivero en sont révélateur : « D'aucuns soutiendront que le temps présent est mal choisi pour pousser plus en avant la lutte contre l'arbitraire, et donner à l'évolution du recours pour excès de pouvoir, un nouveau départ, sur la voie de l'efficacité, [mais] le recours n'a pas dit son dernier mot, et l'avenir reste ouvert : faite confiance au libéralisme du juge »143(*). Mais, cet espoir reste tributaire d'une amélioration ou d'un renforcement des potentialités de ce juge dans l'exercice d'un contrôle efficace et effectif, tel sera l'objet de nos suggestions (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO.

Par difficultés, on entend l'ensemble des obstacles (juridiques, sociaux, économiques...) qui empêchent le juge d'exercer efficacement le recours pour excès de pouvoir. Elles peuvent être endogènes ou exogènes au système judiciaire congolais.

Certaines de ces difficultés sont propres à la chambre administrative de la Cour Suprême (Section1), alors que d'autres ont trait aux juges de l'excès de pouvoir par exception (Section2).

SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE NATUREL DE L'EXCES DE POUVOIR.

En 1962, le législateur congolais rejetait le système dualiste de l'ex-métropole et instituait par deux lois prises le même jour (20 janvier 1962) une polyvalence du juge (au premier et au second degré) et une spécialisation du juge administratif suprême.

Mais à bien y voir, cette spécialisation fonctionnelle n'est que de façade, car la chambre administrative de la Cour Suprême qui a reçu du fait de la loi, une compétence d'attribution pour connaître du contentieux de l'excès de pouvoir est confrontée à bien de difficultés. En réalité, elle n'est qu'une formation composée essentiellement des magistrats au profil judiciaire non spécialisé, de plus elle évolue dans un système moniste mal adapté à un exercice efficace du recours pour excès de pouvoir (§1). Enfin, elle travaille dans des conditions précaires et est en proie à une concurrence due à l'émergence des organes non juridictionnels (§2).

Paragraphe1 : Une formation composée des juges non spécialisés évoluant dans un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir.

Le recours pour excès de pouvoir est une création prétorienne résultant des textes révolutionnaires français notamment : l'article 13 de la loi des 16-24 avril 1790, l'article 9 de la loi 24 mai 1872 et le décret du 16 Fructidor an III qui dispose « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaitre des actes administratifs de quelqu'espèce qu'ils soient ».

Ce contentieux a été créé pour être exercé dans un système dualiste par des juges spécialisés dans le contentieux administratif.

Or, il apparaît que dans le domaine du contentieux administratif en général et du recours pour excès de pouvoir en particulier, le système congolais a fait « une mauvaise photocopie »144(*) du modèle français. En effet, si ce système par sa nature semble mal adapté pour l'exercice efficace de ce recours (B), l'organe compétent en la matière est composé des juges au profil judiciaire qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de leur carrière (A).

A)-Une formation composée de juges au profil judiciaire qui ne connaissent de l'excès de pouvoir qu'en fin de carrière.

La chambre administrative de la Cour Suprême est composée, de juges «essentiellement judiciaires »145(*) dépourvus d'une véritable formation spécialisée en matière administrative (1) et qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière (2).

1-Des juges essentiellement judiciaires dépourvus d'une véritable formation spécialisée.

Plusieurs auteurs dans la doctrine ont fustigé la formation des magistrats dans les pays d'Afrique noire issue de la colonisation française du fait qu'elle était essentiellement orientée vers le droit privé. Certains se sont demandés si l'option du monisme juridictionnel supprimait la  somma division  ou la spécialisation dans la formation de ces magistrats ?

Parmi les tenants de cette doctrine, le Professeur BENOIT estime que : « Nul n'est bon juge que de ce qu'il connaît, et pour juger l'administration, il faut donc la connaître. Or il est impossible de demander au même homme d'avoir, à la fois, la connaissance des problèmes qui naissent des rapports des particuliers entre eux, d'une part, et des rapports des particuliers et de l'administration d'autre part. L'administration est un monde complexe dont la connaissance requiert une étude particulière et que nul ne peut comprendre, et donc connaître, s'il ne l'a étudiée »146(*).

De son côté, D.Chabanol écrit : « le contrôle de l'administration est un métier spécialisé qui exige une formation spécifique et des habitudes intellectuelles particulières car, le droit administratif présente des caractéristiques qui justifient un juge particulier »147(*).

Dés lors, que peut-on attendre des juges qui n'ont pas une formation suffisante en contentieux administratif et qui malheureusement se trouvent en face d'un litige administratif ? 

A priori, la réponse à cette question est que pour ces juges, la tentation sera naturellement de privatiser les litiges administratifs. En ce sens, le Pr. BENOIT poursuit : « Si des juges judiciaires devaient connaître des litiges administratifs, ils plaqueraient sur les problèmes administratifs des solutions de droit civil (...) Le risque est grand de voir disparaître le droit administratif au profit du droit civil. Cela mènerait à la disparition de tout contrôle juridictionnel de l'administration parce que le juge judiciaire aura toujours en face du contentieux administratif des réactions commandées soit par son inadaptation, soit par son hostilité à l'administration »148(*).

Ces critiques qui peuvent paraître virulentes, sont confortées par un examen objectif du cadre de formation des magistrats congolais appelés un jour à connaître du recours pour excès de pouvoir. En effet, que constatons-nous dans cette formation ?

Avant la création de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (E.N.A.M) en 1980, les magistrats congolais étaient formés à l'Ecole Nationale de Magistrature (E.N.M) de Paris. Notons que cette école forme spécialement des Magistrats destinés aux juridictions de l'ordre judiciaire alors que ceux de l'ordre administratif sont formés à l'E.N.A (Ecole Nationale d'Administration).

En 1980, il est créé une Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature au Congo. Cependant, cette école locale ne prend pas en compte la volonté du législateur qui avait en 1962 opté pour un système unitaire de juridiction autrement dit une formation tournée vers une symbiose (droit public/droit privé) favorisant au mieux la polyvalence. La formation des Magistrats au sein de cette école reste axée sur le droit privé.

Aujourd'hui, plus de trois décennies après la création de cette école, le gouvernement manifestant une volonté de renforcer le corps de la magistrature a procédé par la réouverture de la filière magistrature au sein de cette école.

Cependant, bien que l'accès soit réservé uniquement à des jeunes sortis directement des facultés de droit, force est de noter que dans leur formation, les mêmes erreurs du passé ont été reprises.

En effet, alors qu'une partie de ces jeunes diplômés est formée au pays (à l'E.N.A.M), une autre est envoyée à l'E.N.M de Bordeaux (école de formation des Magistrats de l'ordre judiciaire), alors que le Congo ayant opté pour un système moniste de juridiction a besoin aussi bien des magistrats de formation judiciaire que de formation administrative.

De même, la formation des magistrats au niveau national reste plus axée sur le droit privé et est dépourvue d'une véritable pratique. La filière magistrature au sein de l'E.N.A.M ressemble plus à un prolongement du département de droit privé de la faculté de droit de l'Université Marien N'GOUABI. Pour s'en convaincre, il suffit de voir la grille des matières dispensé en première et en deuxième années dans cette filière Ó

-En première année : sur près d'une vingtaine de matières, seules deux (2) relèvent du droit public (Contentieux administratif et Droit financier), tandis que dix huit (18) relèvent du droit privé.

-En deuxième année : sur près de douze matières, seules deux (2) relèvent du droit public tandis que dix (10) relèvent du droit privé.

Il résulte donc de ce constat que les matières du droit public ne constituent que 8% de l'ensemble des enseignements dispensés à ces futurs magistrats appelés à évoluer dans un système juridictionnel polyvalent. Le reste, soit 92% de ces enseignements restent axés sur le droit privé.

Cette analyse vient confirmer les mots du Président Auguste ILOKI qui reconnait que : « les magistrats qui siègent en matière administrative sont tous issus du moule judiciaire »149(*). Il ne reste plus qu'à jouer sur la carte de l'expérience comme le conseille le Professeur Placide MOUDOUDOU en ces termes : « Certes, un personnel, même non spécialisé à l'origine, peut parfaitement acquérir le minimum de formation nécessaire pour trancher valablement les litiges administratifs, s'il consacre toute son activité à cette tâche »150(*).

A ce défaut de spécialisation, il faut noter que seuls les magistrats qui auront le privilège d'être nommés à la Cour Suprême et affectés à la Chambre administrative pourront en fin de carrière connaître du contentieux de l'excès de pouvoir.

2-Des juges qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière.

L'ancienneté est le premier critère de nomination à la Cour suprême en générale et partant à la chambre administrative. En effet, l'article 3 (nouveau) de la loi n° 15-99 du 15 avril 1999 portant statut de la magistrature, parlant des magistrats de la Cour Suprême dispose en son alinéa 2Ó « Ils doivent attester d'une ancienneté d'au moins quinze années effectives passées dans les juridictions ou les institutions centrales de l'Etat. » et l'article 9 de la loi n°17-99 du 15 avril 1999 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême dispose : « Sont nommés à la Cour Suprême les magistrats hors hiérarchie ou du premier grade ayant au moins quinze années effectives dans les juridictions ou dans les institutions centrales de l'Etat ».

Les magistrats qui sont nommés à la Cour Suprême et affectés à la chambre administrative sont avant tout des « magistrats hors hiérarchie ou du premier grade remplissant en outre les critères d'ancienneté dans la profession »151(*). Au cours de leur carrière, ils passent en raison de leur polyvalence au minimum quinze années dans les différentes juridictions inférieures (Tribunaux de Grande Instance, Cours d'Appel...) et connaissent toute sorte de contentieux (civil, pénal, commercial, social, administratif...). Ce n'est qu'en fin de carrière et s'ils sont nommés à cette Chambre qu'ils apprendront à statuer sur le recours pour excès de pouvoir. Par la force des choses, ils ne deviennent potentiellement juge de l'excès de pouvoir que le jour même de leur nomination.

Les articles 3 (nouveau) et 9 précités, parlent de « l'expérience » comme un critère primordial dans la nomination des magistrats à la Cour Suprême (donc à la Chambre administrative). Pourtant en matière d'excès de pouvoir, ces juges n'ont aucune expérience puisqu'ils n'ont jamais connu de ce contentieux durant toute leur carrière. De même, l'expérience ne s'acquiert qu'avec le temps or, une question se pose : avant que ces juges qui sont nommés n'acquièrent cette expérience, sur quelles bases tranchent-ils les cas d'excès de pouvoir qui leur sont soumis?

B)- Le système juridictionnel congolais, un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir.

En matière du contrôle juridictionnel des actes administratifs tout comme pour l'ensemble du contentieux administratif, le système congolais semble faire application à la fois d'une chose et de son contraire. En effet, depuis l'intervention des premiers textes (constitution du 2 mars 1961, les lois n°4-62 et n°6-62 du 20 janvier 1962 sur la Cour Suprême et la compétence administrative des juridictions), le système juridictionnel congolais a répudié le principe (sur lequel se fonde tout le contentieux administratif en France) de la séparation des autorités administratives et judiciaires pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires (1).

Pourtant, tout l'esprit, la lettre des textes et de la jurisprudence congolaise en matière administrative s'inspirent du droit administratif français. On serait tenté de dire que « l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore au-dessus de nos Palais de Justice »152(*) et que, dans ce domaine, le système congolais est influencé par un mimétisme (2).

1-Un système répudiant les principes fondateurs du recours pour excès de pouvoir.

Dans l'affaire KAYOULOUD, la chambre administrative de la Cour Suprême a affirmé que le système juridictionnel congolais a connu une mutation à la suite de la constitution du 2 mars 1961 et des deux lois de 1962.

Ces textes, en instituant un système moniste de juridiction, répudiaient en même temps le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, pris sous la forme du principe de la séparation des juridictions administratives et judiciaires. Selon le juge administratif suprême, ils mettaient ainsi fin au système dualiste hérité de la colonisation.

Or, tout le contentieux administratif et partant le recours pour excès de pouvoir trouve ses fondements dans les textes révolutionnaires qui ont consacré la séparation des autorités administratives et judiciaires instituant ainsi la dualité de juridiction, il s'agit entre autre de Ó

- L'Edit de Saint Germain (en février 1641) dans lequel, Louis XIII interdisait à la

« Cour du parlement de Paris et toutes autres cours de prendre, à l'avenir, connaissance d'aucune affaire concernant l'Etat, l'administration et le gouvernement»153(*) ,

-La loi des 16-24 août 1790 qui proclame que : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction. »154(*),

-Le décret des 16 fructidor an III qui lui, disposait que : « Défenses itératives sont faites aux Tribunaux de connaître des actes d'administration de quelques espèces qu'ils soient »155(*),

-La loi du 24 mai 1872 dont l'article 9 selon lequel : « Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des divers autorités administratives »156(*) constituait le fondement même du recours pour excès de pouvoir.

Pour le commissaire du gouvernement Sainte-rose : « C'est le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires qui est le fondement de la compétence de la juridiction administrative »157(*).

Aujourd'hui, certains auteurs ont estimé que l'exercice d'un contentieux administratif et partant contentieux de l'excès de pourvoir conséquente ne peut se concevoir que dans un système dualiste158(*). Or, il est établit que le Congo a renié ce principe et ses textes fondateurs quoique paradoxalement, lorsque la chambre administrative de la Cour Suprême rend ses décisions, elle s'inspire des règles qui régissent le recours pour excès de pouvoir en France.

Ces mots du Professeur Placide MOUDOUDOU trouvent tout leur sens Ó « lorsqu'il -le juge administratif congolais- tente d'inventer, il le fait presque toujours par rapport au droit administratif français »159(*). C'est ce phénomène que nous qualifierons de mimétisme.

2-Un système influencé par un mimétisme dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir.

En droit, le mimétisme peut être considéré comme une transposition du modèle juridique d'un Etat vers un autre, une exportation plus ou moins consciente et complète d'un modèle de justice étranger.

Au Congo ce mimétisme se caractérise par une « mauvaise  photocopie du contentieux administratif français »160(*). En réalité, cinquante années après l'indépendance, l'héritage colonial continu à influencer considérablement tout le système juridique congolais et en particulier le domaine du contentieux de l'excès de pouvoir. En ce sens, le Pr. Placide MOUDOUDOU estime que Ó « l'ombre du Conseil d'Etat français plane encore au-dessus de nos palais de justice »161(*). Abordant dans le sens d'une influence du modèle français sur les systèmes africains de juridiction, le Pr. Alain BOKEL affirmait : « A partir du Droit administratif français, appliqué dans ses grandes lignes dans les possessions françaises d'outre-mer, les Etats indépendants concernés vont construire progressivement un système propre, profondément influencé par le modèle ; de ce fait, un certain nombre de problèmes en découlent »162(*).

En effet, en matière administrative, le mimétisme juridictionnel soulève plusieurs problèmes, et dans le cadre particulier du recours pour excès de pouvoir, nous en avons retenu deux :

Tout d'abord dans la transposition des règles régissant l'office du juge l'excès de pouvoir, le juge administratif congolais s'inspirant des principes établis par la jurisprudence française n'est pas resté constant et ne tien pas toujours compte des mutations actuelles que subissent ce contentieux.

A titre d'exemple, on peut citer l'arrêt Rodière (CE 26 décembre 1925) qui constitue une véritable théorie de la reconstitution de carrière. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat pose comme principe : « La reconstitution doit permettre de placer l'agent dans la position exacte qu'il occupait s'il n'avait fait l'objet de la mesure annulée. Elle exige donc qu'une portée rétroactive soit donnée aux mesures d'exécution de l'arrêt annulant la décision irrégulière »163(*).

En s'inspirant de ce principe, la jurisprudence de la Chambre administrative de la Cour Suprême a varié au fil des années. En effet, en 2000, elle a rendu deux arrêts sur la reconstitution de carrière. Dans la première espèce (arrêt n°001/2000 du 10 févier 2000, Sieurs OKANA Bruno et autres c/ ordre général n°03 du 23 juillet 1992 du Chef d'Etat Major Général des Forces Armées Congolaise), le sieur OKANA Bruno et six autres sous-officiers des forces armées congolaises victimes de l'intolérance politique s'étaient vu être nommés au grade de Sergent par ordre général n°03 du Chef d'Etat Major Général. Estimant que cette nomination n'était pas conforme aux articles 1, 2 et 3 de l'acte n°032/91 du 18 juin 1991 de la Conférence Nationale Souveraine, les requérants intentèrent un recours en annulation contre ledit ordre. Cependant, dans sa décision, le juge administratif bien que reconnaissant fondé les moyens invoqués par les demandeurs s'est arrêté à la simple annulation en statuant comme suit Ó « Annule l'acte administratif intitulé Ordre général n°03 du 23 juillet 1992 pris par Monsieur le Chef d'Etat Major Général des Forces Armées Congolaises en date du 13 août 1992». Il en est de même dans la seconde espèce (arrêt n°013/GCS-2000 du 15 septembre 2000, NIAMANKESSI Vincent et autres c/ la décision intitulée Ó Ordre général n°01 portant nomination des militaire des FAC, victimes de l'intolérance politique, en âge de servir du 19 février 1994). Dans cette affaire dont les faits sont similaires, le juge administratif a statué dans le même sens.

Pourtant, dans son arrêt rendu en 2005 (arrêt n°013/GCS-05 du 12 mai 2005, NGUIMBI Marcel et autres c/ Ordre général n°15 bis du 21 février 1994 du Chef d'Etat Major Général), le juge est allé au-delà de la simple annulation en statuant comme suit Ó «Annule ledit Ordre ; Ordonne la reconstitution de carrière des intéressés conformément à l'Acte n°32/91 de la conférence nationale souveraine ;». C'est donc pour autant dire qu'en 2005, le juge en faisant des injonctions à l'administration militaire a opéré une avancée et a épousé la position du juge administratif français.

Mais, force est de noter que bien avant, dans la doctrine congolaise, le Professeur J.M.BRETON s'appuyait sur la jurisprudence M'barga (C.S.Adm. 26 juillet 1962) pour affirmer que : « dans les décisions prononcées par le juge, les annulations pour excès de pouvoir sont réputées avoir un effet absolu, pour le passé (et donc à titre rétroactif) comme pour l'avenir »164(*).

Cependant, on peut constater que le juge administratif suprême n'est pas resté attaché aux mutations de la jurisprudence administrative française. En effet, il n'a pas pris en compte les revirements qu'ont subis les effets de l'annulation d'un acte pour excès de pouvoir. L'arrêt Association AC  et autres (C.E Ass. 11 mai 2004) pose une dérogation à l'effet rétroactif de l'annulation car, selon le Conseil d'Etat : « Il appartient au juge de prévoir que tout ou partie des effets de l'acte en cause antérieur à son annulation devront être regardés comme définitif  [de même] le juge a la faculté de préciser que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine »165(*).

Ensuite, au Congo, le juge administratif ne tient pas du législateur un pouvoir d'injonction face à l'administration c'est ce qu'a reconnue la Chambre administrative dans l'arrêt Kayouloud  en ces termes : « en prononçant au profit de M. Kayouloud, un reclassement différent de celui qui a été fait précédemment par l'administration et en ordonnant l'exécution de ce nouveau classement, a accompli un acte de la seule compétence de l'administration (...) et a fait à l'administration une injonction que le droit ne permet qu'exceptionnellement au juge judiciaire et seulement en cas de voie de fait »166(*). Or en France, par la loi n°95-125 du 8 février 1995, le législateur a introduit dans le code des Tribunaux administratifs et Cours administratives d'appel l'article L.8-2 et, par celle du 16 juillet 1980 (article 6-1), il a conféré au juge administratif français un pouvoir de faire des injonctions à l'administration.

Paragraphe2 : Un juge travaillant dans des conditions précaires et en proie à la concurrence des organes non juridictionnels.

Dans un Etat de droit, l'un des défis que doit relever un juge de l'excès de pouvoir consiste à tempérer l'autorité absolue de l'administration face aux administrés, équilibrer et concilier les prérogatives légitimes de l'intérêt général et les droits et libertés des individus. Dans un article paru dans le journal le Monde, Jean RIVERO expliquait que : « Le Conseil d'Etat, depuis plus de cent cinquante ans, réussit ce singulier tour de force : servir à la fois l'autorité vraie du pouvoir en le gardant contre sa naturelle propension à l'arbitraire, et la liberté des citoyens »167(*).

Pour relever un tel défi, le juge a besoin de travailler dans des conditions adéquates et doit bénéficier de la confiance des justiciables. Or, le constat au Congo est amer, le juge de l'excès de pouvoir travaille dans des conditions précaires,

ce qui entraine une lenteur dans le traitement des dossiers (A). De plus, certains administrés préfèrent recourir à des organes non juridictionnels dans le règlement des litiges administratifs ; ce qui peut affecter le rendement du juge (B).

A)-La lenteur et la précarité des conditions de travail du juge.

La lenteur dans le traitement des dossiers qui pose la question des délais raisonnables dans les décisions rendues par le juge de l'excès de pouvoir (1) n'est en réalité que la conséquence de la précarité des conditions dans lesquelles travaille ce juge (2).

1-La lenteur dans le traitement des dossiers : le juge de l'excès de pouvoir et la question du délai raisonnable.

Dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir, une question se pose Ó celle de savoir si le juge administratif suprême rend ses décisions dans un délai raisonnable?

La réponse à cette question n'est pas aisée, d'autant plus que le législateur de 1983 en réglementant la procédure devant ce juge n'a fixé que les délais de recours (article 407 à 409) et pas ceux dans lesquels la décision du juge peut être rendue.

En réalité, la plupart des législations ne définissent pas cette notion du délai raisonnable, et souvent, il n'appartient qu'aux juridictions de combler ce vide juridique en déterminant, in concreto, au cas par cas, s'il y a violation du délai raisonnable. Dès lors, l'appréciation du délai raisonnable est une question de fait qui doit être examinée pour chaque affaire.

En France, cette question est traitée différemment grâce aux exigences communautaires. En effet, l'article 6.1. de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil », notons que les termes : « droits et obligations de caractères civils, » ont été interprétés de manière extensive même en matière administrative.

Dans la pratique, lorsqu'on examine les arrêts rendus par le juge de l'excès de pouvoir au Congo, il faut compter une année au minimum et cinq à dix années au maximum entre la date du dépôt de la requête et celle où l'arrêt est rendu.

-Dans le premier cas, on peut citer les décisions (l'arrêt n°04/GCS-2007, Etat congolais c/ arrêt administratif de la Cour d'appel de Brazzaville et l'arrêt n°06/GCS-2007, Mme YAYO née SERVICE Marie) rendues à l'audience publique du 12 avril 2007, dans le premier, le recours a été formé le 12 juin 2006, tandis que dans le second, il a été formé le 24 février 2006. Ces décisions n'ont été rendues qu'un an après.

-Dans le deuxième cas, on peut citer l'arrêt Dieudonné EKABA-OKOKO (arrêt n°004/GCS-2000), qui n'a été rendu que le 13 avril 2000 alors que la requête avait été enregistrée au greffe de la Cour Suprême le 30 septembre 1994 et l'arrêt NGUIMBI Marcel (arrêt n°013/GCS-2005) rendu le 12 mai 2005 alors que le recours avait été formé le 12 septembre 1994, soit près de dix (10) ans plus tôt.

Il est vrai que la notion même de délai raisonnable est difficile à apprécier, toutes les affaires ne présentant pas la même complexité. Mais, le juge ne doit-il pas tenir compte du fait qu'à chaque recours intenté par un justiciable est attaché un  effet utile? La lenteur du juge peut entrainer des conséquences lourdes pour le justiciable. Imaginons qu'il s'agisse d'un recours en annulation contre un refus de mettre à la disposition d'un malade des moyens nécessaires à son évacuation sanitaire et que, dans l'attente de la décision du juge, la maladie empire et conduit le requérant à la mort. A quoi aurait servi son action ?

Mais, comme nous l'avons susmentionné, le juge de l'excès de pouvoir, à l'instar de tout autre juge congolais exerce dans des conditions précaires.

2-Un juge travaillant dans des conditions précaires.

Ces conditions précaires sont essentiellement d'ordre matériel. En effet, la Cour Suprême ne dispose pas d'un siège. Elle partage les locaux de la Cour d'Appel de Brazzaville. De ce fait, la chambre administrative comme toutes les autres chambres de cette haute Cour ne disposent pas de compartiment qui lui est propre, on trouve juste un bureau du Président de la chambre.

De même, en cette ère du numérique, le juge administratif suprême ne dispose pas des outils adéquats pour s'arrimer à la pointe de la technologie, il est même dépourvu d'une simple salle de documentation. Il n'a ni salle de repos ni réfectoire, en un mot, il n'a pas le confort pouvant permettre à un juge de son rang de travailler dans des conditions agréables.

B)-Un juge concurrencé par des organes non juridictionnels de règlement des litiges administratifs.

Dans son cour de contentieux administratif, le Professeur B.BOUMAKANI affirme que : « Tous les litiges administratifs ne relèvent pas de la compétence du seul juge administratif ou tout simplement d'autres juridictions étatiques (...) Signe des temps, le constituant ou le législateur multiplie les cas dans lesquels la solution du litige administratif ne passe pas, ou pas en premier lieu, par le recours au juge »168(*).

C'est ainsi que dans la recherche des solutions aux litiges qui les opposent à l'administration, certains citoyens préfèrent recourir à des organes administratifs non juridictionnels (1). L'émergence de ces organes vient fortement concurrencer l'oeuvre du juge de l'excès de pouvoir d'où la nécessité d'évaluer son rendement de ces cinq dernières années (2).

1-L'émergence des organes non juridictionnels de règlement des litiges administratifs.

Lorsqu'il est lésé du fait d'un acte administratif, le citoyen mis à part le recours à un juge aux fins d'annulation de cet acte, peut rechercher la solution du litige en faisant recours à des organes non juridictionnels.

Il peut ainsi recourir soit à l'administration elle-même (a) soit à un organe public non juridictionnel et extérieur à l'administration tel que le médiateur de la république (b).

a- Le règlement par l'administration elle-même : le recours administratif.

Les litiges administratifs peuvent être réglés par l'administration elle-même soit d'office, soit à la demande des administrés.

L'article 410 du CPCCAF dispose : « Toutefois, avant de se pourvoir en annulation d'une décision administrative, les intéressés peuvent présenter, dans un délai de 2 mois, un recours administratif hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision (...) ».

Par le terme « rapporter », le législateur reconnaît le pouvoir de l'administration d'abroger ou de retirer elle-même l'acte querellé et de mettre ainsi fin au litige.

Les administrés qui sont lésés du fait d'un acte administratif, qui ont subi un préjudice du fait de l'administration, peuvent former des recours administratifs en s'adressant soit à l'autorité qui a pris la décision contestée (recours gracieux), soit à son supérieur hiérarchique (recours hiérarchique), soit aux autorités de tutelle, lorsqu'il s'agit d'une personne publique autre que l'Etat (recours de tutelle).

Il peut invoquer à l'appui de son recours non seulement des moyens de droit, mais également des moyens de fait.

Il convient de retenir que même si le recours pour excès de pouvoir et le recours hiérarchique tirent leurs origines des mêmes textes de loi, celui des 7-14 octobre 1790 disposant : « Les réclamations d'incompétence à l'égard des corps administratifs sont portées devant le roi, chef de l'administration générale », au Congo, le premier, quoique présentant plus de garantie, est cependant délaissé au profit du second.

En effet, aujourd'hui une personnification aiguë de l'administration par ses autorités convaincues que  « le roi (l'administration) ne peut mal faire »169(*) entraîne chez ces derniers une acrimonie contre les particuliers ayant intenté un procès contre leurs décisions. Les administrés perçoivent l'administration comme « une construction extérieure et ses représentants comme des éléments imposés auxquels il faut accepter de se soumettre »170(*).

Dans la recherche d'une solution au litige qui les oppose à elle, ils préfèrent recourir à des solutions internes où l'administration est juge et partie. Cette attitude réduit considérablement le rendement du juge.

A côté de ce mode de règlement interne à l'administration, l'administré peut recourir au médiateur de la République.

b-Le recours à une autorité administrative indépendante : le Médiateur de la République.

L'article 165 de la constitution du 20 janvier 2002 dispose : « Toute personne, physique ou morale, qui estime, à l'occasion d'une affaire la concernant, qu'un organisme public n'a pas fonctionné conformément à la mission de service public qui lui est dévolue, peut, par une requête individuelle, saisir le médiateur de la République ».

Le médiateur est une autorité administrative indépendante chargée de simplifier et d'harmoniser les rapports entre l'administration et les administrés ; c'est une sorte d'intercesseur entre les citoyens et l'administration.

Selon la loi du 31 octobre 1998, le médiateur est nommé pour trois ans renouvelables par un décret pris en conseil des ministres, sa saisine est directe. Lorsqu'il est saisi par un administré lésé du fait d'un acte administratif, le médiateur peut, s'il estime la réclamation justifiée, faire toute recommandation qu'il juge utile et proposer une solution à l'administration concernée.

Mais « le médiateur ne rend pas la justice administrative, il la sert »171(*). Son efficacité connait des entraves car ses pouvoirs ne sont pour l'essentiel que de persuasion et de pression, même si la publicité de son rapport et ses recommandations les dotent d'une certaine force.

Notons aussi que la plainte au médiateur ne proroge pas les délais du recours contentieux de sorte qu'en cas d'échec de son intervention, la voie juridictionnelle risque d'être fermée.

Qu'il s'agisse de l'administration elle-même ou du Médiateur, l'action de ces autorités n'entraîne pas une véritable sanction contre la violation de l'ordre légal. Seul le juge de l'excès de pouvoir peut par l'annulation de l'acte rappeler à l'administration l'obligation qui lui est faite par le législateur de se soumettre à la règle de droit. Pourtant, de plus en plus l'activité du juge est concurrencée par ces organes extra judiciaires ; ce qui empiète sur le rendement de ce dernier. Aussi avons-nous jugé nécessaire d'évaluer son rendement.

2-Les évaluations dans le rendement du juge de l'excès de pouvoir.

L'activité contentieuse de la chambre administrative de la Cour Suprême intéresse à titre premier le contentieux de l'excès de pouvoir et moins fréquemment, celui du pourvoi en cassation, le recours pour excès de pouvoir « est en réalité ce qui constitue l'essentiel de l'activité menée au sein de la chambre administrative de la Cour Suprême »172(*).

Pourtant, en vingt ans (1962-1982), cette Chambre n'a rendu, en tout et pour tout, que treize (13) arrêts sur le recours en annulation.

Il est vrai, comme l'affirme le Président A.ILOKI, que : « C'est après les guerres civiles successives des années 1993, 1997 et 1998 que le contentieux administratif s'est développé considérablement »173(*). En réalité, ce n'est pas tant l'effet des guerres répétitives, mais plutôt l'avènement du nouveau constitutionnalisme des années 1992 et plus encore les exigences des institutions internationales qui conditionnaient leur aide au développement pour les Etats du tiers monde par leur soumission au droit. Sur ce point, le Président ILOKI estime que : « Chaque Etat [le Congo en particulier] se trouve donc placé dans l'obligation de se conformer non seulement à sa propre législation au sens le plus large de ce terme, mais également aux grands principes communément admis qui régissent la vie administrative des nations »174(*).

Quoiqu'il en soit, lorsqu'on examine les statistiques du rendement de cette Chambre ces cinq (5) dernières années, on peut affirmer que le rendement de ce juge s'est considérablement amélioré. Pour s'en convaincre, il conviendra de faire une représentation de son rendement entre 2005 et 2010 par un tableau et des diagrammes.

Tableau 1: Rendement du juge de l'excès de pouvoir entre 2005 et 2010.

Années

Total d'arrêts rendus en matière du recours pour excès pouvoir

Arrêts déclarés irrecevables

Arrêts déclarés recevables

2005

10

7

3

2006

6

3

3

2007

14

8

6

2008

6

2

4

2009

5

3

2

2010

4

1

3

D'après ce premier diagramme, nous avons pris un échantillon de cinq années dans l'ensemble de l'activité du juge de l'excès de pouvoir de 2005 à 2010. Au cours de ces cinq années, le juge a rendu en moyenne six (6) arrêts par an, son activité a atteint son pic en 2007 (comme nous le montre la courbe en vert) où, il a rendu quatorze (14) arrêts, autrement dit un nombre supérieur à celui des vingt années susmentionnées (1962-1982).

Les arrêts déclarés irrecevables (représentés par une courbe bleu) avec une moyenne de quatre par an, ont atteint leur pic en 2007 également. La plupart des arrêts déclarés irrecevables sont fondés sur le non respect des règles de forme.

Quant aux arrêts déclarés recevables, leur nombre oscille entre un (1) et quatre (4) par an, le pic ayant été atteint en 2007. On peut donc conclure que dans la majorité des recours pour excès de pouvoir entre 2005 et 2010, les recours déclarés recevables représentent près de la moitié. En effet sur un total de 45 arrêts portant sur le recours en annulation, on compte 21 arrêts déclarés recevables contre 24 déclarés irrecevables.

Mais, il convient aussi d'évaluer l'ensemble de l'activité du juge administratif suprême au cours de ces années. Pour cela, nous avons à travers un autre diagramme comparé les arrêts rendus en matière de recours pour excès de pouvoir et les arrêts rendus en matière de cassation.

C'est en 2005 (19 arrêts rendus dont 10 sur le recours pour excès de pouvoir ) et en 2007 (18 arrêts rendus dont 14 sur le recours pour excès de pouvoir) que l'activité du juge administratif suprême a eu un rendement sans précédent. C'est en 2006 et 2010 que son rendement a baissé, il n'a rendu que dix (10) arrêts.

Les arrêts rendus en matière de cassation sont les moins nombreux ; ils n'ont presque jamais dépassé les arrêts rendus en matière de recours pour excès de pouvoir, sauf en 2009 et 2010 (courbe rouge).

En conclusion, on peut affirmer sans ambage qu'au sein de la chambre administrative de la Cour Suprême, l'activité portant sur le contentieux de l'excès de pouvoir est plus intense que celle relative au pourvoi en cassation. De même qu'on peut aussi affirmer, que son rendement dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir a connu une croissance sans précédent. En effet, entre 1962 et 1982 ( soit vingt ans) les statistiques de l'activité juridictionnelle de cette Chambre en matière d'excès de pouvoir ne réprésentaient que treize (13) arrêts portant sur l'annulation d'actes administratifs. Or au regard des statistiques de ces cinq dernières années, il apparaît clairement que le juge de l'excès de pouvoir est « actuellement plus hardi qu'il ne l'était à l'époque de cet aperçu statistique »175(*).

Ces évolutions considérables dans l'activité du juge congolais peuvent être comparées à celles du juge marocain.

En ce sens, le Professeur M.A.BENABDALLAH, affirmait que : « Quantitativement et qualitativement, ce progrès concerne non seulement le nombre de recours au juge de l'excès de pouvoir qui a augmenté de manière remarquable par rapport au passé, mais surtout le fait que le juge administratif a commencé à réaliser des avancées et des nouveautés que naguère l'on n'aurait jamais pu imaginer tant la timidité et la réserve qu'il affichait à l'égard de l'administration caractérisaient le plus clair de son comportement »176(*).

Si les difficultés susmentionnées sont propres au juge administratif suprême, il convient de relever que les juges ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation de certains actes administratifs rencontrent aussi des difficultés dont l'examen est nécessaire.

SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION.

Qu'il s'agisse de la Cour constitutionnelle ou de la chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C, ces juridictions sont souvent confrontées à plusieures difficultés dans l'exercice de leur compétence exceptionnelle qui consiste à annuler certains actes administratifs.

C'est ainsi que nous examinerons en premier lieu, les restrictions au champ d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de pouvoir (§1) et en second lieu, les difficultés tant endogènes qu'exogènes au juge communautaire dans ce domaine (§2).

Paragraphe1 : Les restrictions au champ d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de pouvoir.

Au Congo, le juge constitutionnel dispose d'un champ d'intervention très large, il connaît à la fois du contrôle de la constitutionnalité des lois, des traités et des accords internationaux ; il connaît aussi de l'ensemble des opérations des élections présidentielle, législative, sénatoriale et référendaire ; il connaît aussi à titre exceptionnel de l'annulation des actes rattachés au contentieux électoral.

Dans l'exercice de cette plénitude de compétence on dénote une absorption du recours pour excès de pouvoir par le contentieux électoral (A) et l'on reproche aussi à ce juge d'être cantonné dans l'exercice des compétences classiques (B).

A)-La forte tendance d'une absorbtion du recours pour excès de pouvoir par le contentieux électoral.

Au Congo, le contentieux électoral (élections présidentielle et parlementaire) a été confié au juge constitutionnel qui dispose des pouvoirs plus étendus. Du fait de l'hétérogénéité de sa compétence en matière électorale, il peut s'avérer difficile de distinguer le recours électoral du recours en annulation pour excès de pouvoir.

Le recours pour excès de pouvoir se trouve imbriqué dans le recours électoral (1) et on note donc une quasi absence de la théorie des actes détachables en matière électorale (2).

1-L'imbrication du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux électoral.

L'article 110 de la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale dispose : « Le contentieux relatif aux élections à la Présidence de la République et aux Assemblées parlementaires relève de la compétence du juge constitutionnel ». Mais, le législateur n'a pas précisé l'étendu ou le domaine de ce contentieux. Aussi répondant à cette préoccupation, le juge administratif suprême a affirmé que : «  ce contentieux ne saurait se limiter au contentieux relatif à la proclamation des résultats des élections, mais engloberait la totalité du contentieux électoral, y compris, bien évidemment, le contentieux relatif à la légalité des décrets et textes divers pris en application de la loi électorale du 10 décembre 2001 »177(*).

C'est pour autant dire que tous les actes administratifs pris en application de la loi électorale, sont considérés comme « des actes non détachables »178(*) de l'ensemble des opérations électorales. Ainsi donc, tout recours en annulation contre ces actes se trouve imbriqué dans le contentieux électoral et leur illégalité ne peut être invoquée que devant le juge électoral qui statuera sur l'ensemble du contentieux sans dissocier l'un de l'autre.

L'article 63 de la loi organique n°1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dispose : « Pour l'examen des affaires qui lui sont soumises, la Cour constitutionnelle a compétence pour connaître de toutes questions posées ou exceptions soulevées à l'occasion de la requête. En ce cas, sa décision n'a d'effet juridique qu'en ce qui concerne l'élection dont elle est saisie ». Par application du principe « juge de l'action est juge de l'exception »179(*), le recours pour excès de pouvoir se trouve ainsi imbriqué dans le contentieux électoral et cette absorption a tendance à faire disparaître la distinction qui devrait exister entre ces deux recours. Or, il faut rappeler que le juge constitutionnel n'est pas un juge naturel du recours pour excès de pouvoir, il éprouve donc des difficultés dans la connaissance de ce contentieux.

Cette procédure empêche l'application d'une théorie des actes détachables dans le contentieux électoral.

2-L'absence d'une théorie des actes détachables dans le contentieux électoral.

D'une manière générale, la notion d'acte détachable est utile à la détermination du juge compétent pour connaître de certains litiges. Cette notion est donc une clé dans la repartition des compétences entre deux ordres de juridiction.

Dans le cas du contentieux électoral au Congo, l'existence d'une telle notion pourrait aider à repartir les compétences entre la Cour constitutionnelle (juge électoral) et la chambre administrative de la Cour Suprême (juge de l'excès de pouvoir ).

Cependant, même dans la jurisprudence française « on ne peut pas dire qu'il se dégage de la jurisprudence du Conseil d'Etat un critère permettant de définir de façon certaine ce qu'il faut entendre par actes détachables »180(*). Dans une jurisprudence d'avant les indépendances (CE 4 août 1905, Martin), le Conseil d'Etat a considéré comme détachable du contentieux contractuel : « tout acte antérieur et postérieur à la conclusion définitive du contrat pouvant être déféré au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir »181(*). Par la suite, le Conseil d'Etat a étendu l'application de cette notion dans le contentieux électoral.

En effet, la proclamation des résultats d'une élection est précédée d'un grand nombre d'actes qui ont pour objet de préparer le scrutin. Ces actes sont soit matériels soit administratifs ; ce sont des actes préparatoires. Par principe, la légalité de ces actes ne peut être contestée que devant le juge de l'élection. Les articles 16 et 106 de la loi électorale de 2001 énumèrent ces actes préparatoires et précisent qu'ils « sont exécutés par l'administration, sous l'autorité du ministre de l'interieur » et l'article 104 dispose que Ó « Le contentieux des opérations électorales porte sur les actes préparatoires et les opérations de vote ».

Cependant, une question se pose Ó qu'en est-il des actes préliminaires à l'élection que l'énumération de l'article 106 de la loi de 2001 n'a pas pris en compte ? On peut citer les actes relatifs à la campagne radiotélédiffusée ou encore des actes relatifs à l'interdiction de l'utilisation de l'internet et des raiseaux sociaux ( facebook , tweeter, yahoo messenger...) lors des campagnes pour des raisons de sécurité. En France, il est établi que de tels actes sont détachables du contentieux électoral et relèvent de la compétence du juge administratif (CE. Ass. 11 mars 1993, Union nationale écologiste ; 26 mars 1993, Parti des travailleurs.).

L'imbrication du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux électoral et la non application de la théorie des actes détachables de ce contentieux, ne permettent pas de déterminer clairement la compétence exceptionnelle reconnue au juge constitutionnel dans l'annulation de certains actes administratifs. De plus, la Cour constitutionnelle reste cantonnée dans ses fonctions classiques.

B)-Un juge cantonné dans les fonctions classiques.

Au Congo, le juge constitutionnel est resté cantonné à ces missions classiques (1), alors qu'à l'instar des autres pays tels que le Benin ou le Gabon, ses compétences pourraient s'étendre au domaine de l'annulation des actes administratifs contraires à la Constitution (2).

1-Juge de la constitutionnalité et de l'élection, un rôle dépassé.

Au Congo, avec la constitution du 15 mars 1992, la justice constitutionnelle a été organisée avec une volonté affirmée de faire respecter la nouvelle loi fondamentale étoffée d'une batterie de dispositions destinées à faire primer les droits fondamentaux. Cette volonté est réaffirmé avec force dans la constitution du 20 janvier 2002 et l'article 1 de la loi organique n°1-2003 du 17 janvier 2003 dispose : « La Cour constitutionnelle est l'organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics. Elle assure, à travers ses missions de contrôle la protection des droits et libertés fondamentaux du citoyen... ».

Cependant dans la pratique, cette juridiction a été confrontée à des difficultés dans son organisation. En effet, sous la constitution de 1992, le Conseil constitutionnel a connu un fonctionnement difficile. Ensuite, sous l'Acte fondamental du 24 octobre 1997, les compétences naguère dévolues au Conseil constitutionnel ont été transférées à la Cour Suprême, son article 73 disposant ce qui suit Ó «Pendant la période de transition, la Cour suprême assure le contrôle de la conformité des lois, des traités et des accords internationaux au présent Acte fondamental». Enfin, c'est avec la Constitution du 20 janvier 2002 et la loi n°1-2003 du 17 janvier 2003 qu'elle a été érigée en une véritable juridiction indépendante des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Or, dans la tendance actuelle de l'Etat de droit, le domaine d'intervention du juge constitutionnel ne saurait se limiter au seul contrôle de la constitutionnalité des lois et des accords internationaux ou encore à la régularité des élections. Il s'étend également dans le contrôle des actes de l'administration portant atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution. Le juge constitutionnel devient à l'instar des juges ordinaires (administratifs ou judiciaires), garant des droits et libertés fondamentaux.

En adoptant cette nouvelle approche de la protection des citoyens contre l'arbitraire administratif, de nombreux Etats d'Afrique francophone se sont inspirés des modèles allemand et Autrichien faisant ainsi du juge constitutionnel gardien de la légalité constitutionnelle.

2-Un juge aux potentialités encore inexploités

Depuis l'avènement du nouveau constitutionnalisme au début des années 1990, la plupart des Etats d'Afrique noire ont optés pour un renforcement des compétences du juge constitutionnel. En effet, ce dernier est aujourd'hui considéré comme un gardien de la légalité constitutionnelle. De ce fait, il est tenu de s'assurer que dans l'édiction des actes administratifs par les pouvoirs publics, la constitution est respectée. C'est donc en ce sens, que dans la majorité des textes constitutionnels de ces pays, on a inséré le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs. En se reférant au modèle de la République démocratique du Congo, Dieudonné KALUBA affirme Ó « Le Droit constitutionnel moderne dans son acception d'Etat de droit constitutionnel permet d'invoquer la violation de la constitution comme norme principale tant devant le juge administratif que devant le juge constitutionnel. Cependant cette dyarchie normative est de nature à créer un conflit de compétence entre ces deux juges »182(*).

C'est ainsi que dans certains pays tels que le Benin ( articles 3, 117 et 121 de la constitution du 11 décembre 1990), le Gabon ( articles 84 et 85 de la constitution du 26 mars 1991), la R.D.C (articles 211 et 212 de la constitution du 18 février 2006),

le juge constitutionnel exerce le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs portant directement atteinte aux droits fondamentaux prévus dans la constitution. C'est un aspect du contentieux constitutionnel que la Cour constitutionnel du Congo n'exerce pas encore.

Le contentieux de l'annulation des actes administratifs n'est pas seulement affecté par le droit constitutionnel et son juge, mais aussi par le droit communautaire et de ce fait, le juge communautaire est aussi confronté à des difficultés dont l'examen s'avère nécessaire.

Paragraphe2 : Les difficultés endogènes et exogènes au juge communautaire.

Au nombre des difficultés auxquelles est confronté le juge C.E.M.A.C dans la connaissance du contentieux de la légalité, on peut citer les controverses dans la répartition des compétences au sein même de cette Cour et les contrariétés entre la supranationalité des normes communautaires et les impératifs de la souveraineté interne des Etats membres, ce sont là des difficultés dites endogènes (A).

Mais, ce juge est aussi méconnu au Congo tant par l'administration que par les administrés, telles sont les difficultés qui lui sont exogènes (B).

A)-Controverses dans la répartition des compétences et contrariétés entre les normes communautaires et les impératifs internes.

Examinons successivement les controverses dans la répartition des compétences au sein la Cour de justice CEMAC (1) et les contrariétés entre les normes communautaires et les impératifs de souveraineté interne (2).

1-Les controverses dans la répartition des compétences au sein de la Cour de justice C.E.M.A.C.

Dans son cours de Droit communautaire C.E.M.A.C, le juge G.F MBEMBA écrit : « Dans la pratique, la répartition des compétences entre l'instance plénière de la Cour et les deux chambres ne va pas sans soulever des controverses »183(*). Abordant la question dans le même sens M. Jean-Marie NTOUTOUME estime que la lecture logique et cohérente de la Convention régissant la Cour de justice de la C.E.M.A.C permet d'établir l'existence d'un double degré de juridiction au sein de la Cour, avec la Chambre judiciaire et la Chambre des comptes comme juridiction de premier ressort, et la formation plénière de la Cour de justice comme instance de dernier ressort.

En effet, comment justifier que la Convention qui institue la Cour de justice C.E.M.A.C envisage que celle-ci statue tantôt en dernier ressort, tantôt en appel et en dernier ressort, tantôt encore en premier ressort, existe-t-il deux degrés de juridiction au sein de la Cour ou alors entre celle-ci et les juridictions des Etats membres ? Pourtant, selon les principes de droit judiciaire cette Cour dans son domaine de compétence devrait statuer en premier et dernier ressort et ses arrêts devraient avoir autorité de la chose jugée.

L'article 4 de la Convention du 05 juillet 1996 relative à la création de la Cour de justice C.E.M.A.C dispose que : « Dans son rôle juridictionnel, la Cour de justice rend, en dernier ressort, des arrrêts sur les cas de violation des Traités de la C.E.M.A.C et des conventions subséquentes dont elle est saisie conformément à ses règles de procédures (...) ».

Le fait que la Cour rend ainsi ses décisions en dernier ressort sous-entend que le différend dont elle est saisie aurait pu au préalable été jugé en premier ressort devant une autre juridiction dans ce cas, de quelle juridiction s'agirait-il ? Un peu plus loin dans cette même Convention, l'article 14 dispose : « La Chambre judiciaire connaît, sur recours de tout Etat membre, de tout organe de la C.E.M.A.C ou de toute personne physique ou morale qui justifie d'un interêt certain et légitime, de tous les cas de violation des dispositions des Traités de la C.E.M.A.C et des conventions subséquentes », à sa lecture, cet article laisse transparaître une affirmation selon laquelle : la Chambre judiciaire serait une juridiction de premier ressort.

Alors des deux choses l'une, soit qu'au sein de la Cour de justice C.E.M.A.C, il y a deux ordres de juridiction dont la première serait la Chambre judiciaire qui statue en premier ressort et la formation plénière qui statue en dernier ressort. Soit qu'il n'existe qu'un seul ordre, la Chambre judiciaire qui statut en premier et dernier ressort, encore faudrait-il qu'il y est une juridiction de cassation dans ce dernier cas.

2- Les contrariétés entre les normes communautaires et les impératifs de souveraineté nationale.

L' application de la formule tirée de l'arrêt de la CJCE du 5 février 1963 ( Van Gend and Loos ) : « La communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les Etats ont limité bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains »184(*) reste difficile dans le cadre de la C.E.M.A.C. En effet, le systéme institutionnel et normatif C.E.M.A.C revêt un caractère supranational qui prime sur les normes et organes des Etats membres. C'est ainsi que lorsque l'administration d'un Etat membre prend un acte administratif, celui-ci doit obligatoirement être conforme au droit communautaire. Or, dans le cadre de la mise en oeuvre de certaines politiques nationales ( sécurité intérieure, ordre publique, lutte contre des épidémies...), l'Etat membre, face à de tels impératifs, peut prendre des mesures non conformes aux exigences communautaires.

Dans ces circonstances, il apparaît une contrariété entre les impératifs liés à la souveraineté nationale et le respect des normes communautaires. Dans de telles hypothèses, il est difficile pour le juge communautaire de se prononcer sur l'annulation d'un acte de l'Etat membre violant la norme communautaire.

Ces contrariétés empiètent sur une harmonisation de la jurisprudence communautaire. Elles rendent aussi difficile la saisine de la Cour par les juridictions des Etats membres à ce sujet, on note que « La Cour n'a été saisie d'aucun renvoi préjudiciel entre 2001 et 2005 »185(*).

A côté de ces difficultés endogènes au juge, d'autres sont exogènes et se traduisent par une méconnaisance de ce juge tant par les administrés que par les autorités administratives.

B)- Un juge inconnu tant des administrés que des autorités administratives congolaises.

La compétence exceptionnelle de la Chambre judiciaire de la C.E.M.A.C dans l'annulation d'un acte contraire au droit communautaire ne peut s'exercer que si celui-ci est saisi par les ressortissants communautaires. Or au Congo, la C.E.M.A.C est plus considérée comme une institution axée sur l'économie et les finances. La réalité du droit C.E.M.A.C et la prise en compte de ses instances judiciaires est assez mal connue dans la vie sociale, (enseignements, formations et pratiques administratives ). Cette méconnaissance a pour conséquence, le fait que le juge communautaire est ignoré tant par les administrés (1) que par les autorités administratives auteurs des actes qui vont parfois à l'encontre des exigences communautaires (2). Ces difficultés n'étant pas le fait du juge communautaire, elles lui sont donc exogènes.

1-La méconnaissance du juge C.E.M.A.C par les administrés.

Déjà au plan interne, les administrés congolais pour des raisons que nous ne sauront évoquer ici connaissent très mal le juge de l'excès de pouvoir institué par le législateur, c'est-à-dire la Chambre administrative de la Cour Suprême. A plus forte raison le juge communautaire dont l'existence et les procédures de saisine ne sont mentionnées que dans des textes communautaires.

De plus, il faut relever que le citoyen congolais n'est pas informé sur les réalités du droit communautaire. En effet qu'il s'agisse des enseignements au sein des facultés de droit (publiques ou privées) ou dans des centres de formations professionnelles, les programmes ne prennent pas en compte le droit C.E.M.A.C. Lorsqu'un cours sur le droit communautaire est dispensé, celui-ci est plus axé sur le droit O.H.A.D.A. En conséquence, le Congo se retrouve avec peu de personnes spécialisées en droit C.E.M.A.C.

Ainsi, même les professionnels du droit ( avocats, huissiers, notaires...) semblent ne pas avoir une maîtrise de ce droit ; ce qui fait que les administrés ne sont ni informés ni conseillés en ce sens. Le juge communautaire ne pouvant s'auto-saisir en cas de violation d'une norme communautaire par un acte administratif émanant d'une autorité de l'Etat membre, cet aspect du contentieux reste embryonnaire.

Mais l'administré n'est pas le seul à ignorer l'existence du juge communautaire et sa compétence dans l'annulation d'un acte contraire aux dispositions communautaires ; les autorités administratives ignorent aussi dans la plupart des cas l'existence de ce juge.

2-Un juge ignoré par les autorités administratives.

Deux situations peuvent être évoquées dans l'exercice de la compétence du juge communautaire en matière d'annulation des actes contraires aux normes communautaires de la C.E.M.A.C.

D'abord, en amont du processus d'intervention de ce juge, c'est-à-dire lors de la prise d'une décision par l'autorité administrative. Celui-ci peut ou ne pas prendre en compte les dispositions de la C.E.M.A.C. Soit parce que, cette autorité (maire, prefet, ministre...) ignore les dispotions communautaires qui régissent le domaine d'intervention de l'acte en cause. Soit parce que, les impératifs de satisfaction de l'intérêt général au niveau interne ne cadrent pas avec l'ordre communautaire. Cette autorité privilégie alors l'intérêt national et viole l'ordre communautaire.

De ces deux situations, il va naître un contentieux tendant à l'annulation de l'acte dont la compétence relève du juge communautaire en sa qualité de gardien de l'ordre légal communautaire.

Ensuite, en aval de ce processus d'exercice de cette compétence c'est-à-dire, lorsque l'acte contraire à l'ordre communautaire a fait l'objet d'une annulation à la suite d'un recours intenté par un ressortissant de la communauté devant le juge communautaire. Dans ce cas, il appartient à l'administration de l'Etat membre dont émane l'acte annulé d'exécuter la décision du juge communautaire. A ce titre, l'article 5 de la Convention du 5 juillet 1996 relative à la création de Cour de justice de la C.E.M.A.C dispose que : « Les décisions rendues par la Cour de Justice en application de l'article 4 ont l'autorité de la chose jugée et force exécutoire », et l'article 16 dispose que Ó « L'Etat membre ou l'organe dont l'acte a été jugé non conforme au droit communautaire est tenu de prendre des mesures nécessaires à l'exécution de l'arrêt de la Chambre judiciaire ».

Qu'il s'agisse de la Chambre administrative de la Cour Suprême ou des juridictions ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs, les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont multiples et nous ne pouvons prétendre avoir été exhaustif. Mais, le recours pour excès de pouvoir étant une construction progressive, son amélioration ne passe que par un renforcement des potentialités des juges ayant en charge ce contentieux. Tel est l'objet de notre dernier chapitre.

CHAPITPITRE II? LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR.

Parlant de la justice administrative, le Professeur Mohammed Amine BENABDALLAH écrivait Ó « Même en atteignant son point culminant de perfection, la justice administrative doit continuellement subir des retouches ; si ce ne sont des réformes profondes, tendant à l'améliorer, à réduire autant que possible, ses lacunes ; plus précisement, ce qui est susceptible de constituer une entrave entre l'opprimé et le juge »186(*).

Depuis 1962, la justice administrative et partant, la Chambre administrative de la Cour Suprême connaît des difficultés dans l'exercice du contrôle de la légalité des actes administratifs.

Pour une amélioration de ce contentieux, il convient de faire des suggestions allant dans le sens d'un renforcement des potentialités des juridictions administratives dans ce domaine ( Section 1) et des aménagements dans le transfert des compétences entre ces juridictions et d'autres organes ayant une compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs ( Section 2).

SECTION I: RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR EFFICACE.

Dès son accession à l'indépendance, le Congo, conscient de la nécessité d'instaurer les bases d'une justice administrative, sans laquelle toute entreprise démocratique s'effondrerait, avait institué, grâce à deux lois de janvier 1962, une procédure administrative et une Cour Suprême dont la chambre administrative avait reçu une attribution exclusive dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir.

Mais, près d'un démi-siècle après, la connaissance de ce contentieux a revélé plusieurs défaillances et a été confronté à de nombreuses difficultés. Pour pallier à celles-ci, de nombreux auteurs ont proposé d'opter pour le dualisme de juridiction considéré comme la seule garantie d'une véritable justice administrative et partant d'un recours pour excès de pouvoir efficace.

Or, la justice est avant tout une question de souveraineté qui s'attache à l'histoire de chaque nation. Le système d'unicité de juridiction pour lequel, le Congo avait opté n'est pas mauvais en soi, il suffit qu'on y apporte certaines réformes notamment Ó le transfert de la connaissance du recours pour excès de pouvoir aux juridictions inferieures (§1), et certains aménagements dans la répartition des compétences entre ces juridictions et les organes juridictionnels ayant reçu une compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes administratifs (§2).

Paragraphe 1? Le transfert de la connaissance des actes des autorités locales aux juridictions inférieures.

En abrogeant la loi n° 31/59 du 30 juin 1959 portant institution du tribunal administratif en République du Congo, le législateur du 20 janvier 1962 avait suprimé les Tribunaux Administratifs et institué un véritable système moniste juridictionnel. Cependant, dans ses articles 80 à 84, la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire au Congo, le législateur a rétabli ces Tribunaux.

Epiloguant sur ce rétablissement, certains auteurs ont estimé que cette institution a « quelque peu affecté le système d'unicité de juridiction »187(*) et d'autres ont de ce fait qualifié le système juridictionnel congolais de « dualisme en trompe l'oeil »188(*) créant ainsi un parallélisme avec le modèle marocain.

Cette dernière approche nous semble la plus aisée à condition que le législateur congolais procède à la mise en place effective de ces Tribuneaux administratifs qui comme pour le cas du Maroc seront compétents pour connaître de l'annulation des actes administratifs émanant des autorités locales (A).

En créant ainsi un double degré de juridiction dans le contentieux de l'annulation, la chambre administrative de la Cour Suprême serait juge de cassation pour le contentieux de l'annulation de ces actes tout en ayant une compétence exclusive pour les actes des autorités centrales (B).

A)-Le double degré de juridiction dans l'annulation des actes des autorités locales ? une inspiration du modèle marocain.

Il serait pour nous plus judicieux de nous inspirer du modèle marocain (1). En effet, le législateur marocain , bien qu'ayant institué un système unitaire de juridiction a, par des réformes, rendu son système de contrôle juridictionnel des actes administratifs plus efficace grâce à un double degré de juridiction en la matière. Puis, nous transposerons ce modèle dans le système congolais qui possède déjà des jalons que le législateur de 1992 avait posé (2).

1- L'exemple marocain.

Le recours pour excès de pouvoir a vu le jour au Maroc sans emprunter la voie qu'il a suivi dans son pays d'origine. Il a connu une évolution en trois étapes.

En effet, le Dahir du 12 août 1913 relatif à l'organisation judiciaire du protectorat français du Maroc interdisait l'exercice du recours pour excès de pouvoir en ces termesÓ « Il est également interdit aux juridictions de connaître de toutes demandes tendant à faire annuler un acte d'une administration publique, sauf le droit pour la partie intéressée de poursuivre par la voie gracieuse la réformation de l'acte qui lui fait grief »189(*).

En 1928, le Dahir du 1er septembre modifiant celui du 12 août 1913 attribue au Conseil d'Etat français la compétence de connaître des recours pour excès de pouvoir formés par des fonctionnaires du protectorat au Maroc contre les actes des diverses autorités administratives relatifs à l'application du statut de ces fonctionnaires.

En 1957, deux années après son accession à l'indépendance, la Cour Suprême est créée et sa Chambre administrative se voit attribuer une compétence exclusive pour connaître en premier et dernier ressort des recours en annulation pour excès de pouvoir190(*).

Jusqu'à cette étape de son évolution, le modèle marocain ressemble assez à celui du Congo.

Mais, en 1994 ( soit deux ans après la loi créant les tribunaux administratifs au Congo ), sont entrés en fonction les tribunaux administratifs qui sont devenus territorialement compétents, pour connaître, entre autres, des recours en annulation pour excès de pouvoir, leurs jugements étant susceptibles d'appel devant la Cour Suprême.

Mieux encore, avec le Dahir du 14 février 2006 sont mises en place des Cours d'appel administratives.

Désormais, les jugements portant sur le recours pour excès de pouvoir rendus par les tribunaux administratifs sont susceptibles d'appel devant les Cours d'appel et de pourvoi en cassation devant la Cour Suprême.

Aujourd'hui, nul ne saurait contester que la création des tribunaux administratifs a eu un effet psychologique des plus salutaires sur une justice dans laquelle l'institution du recours pour excès de pouvoir constitue une arme de défense des droits et libertés.

Si l'on se réfère aux chiffres, on se rend compte qu'en trente-sept ans, soit de 1957 à 1994, la chambre administrative de la Cour Suprême du Maroc n'avait rendu qu'environ 1700 arrêts, alors qu'entre 1994 et 2006, le tribunal administratif de Rabbat, à lui seul, a rendu 4039 arrêts portant sur ce recours.

Sur le plan pratique, les juridictions inférieures dotées des compétences en matière d'excès de pouvoir ont inauguré une nouvelle manière d'appréciation de l'action administrative et des relations de l'administration avec ses usagers. Sitôt mis en place, elles se sont saisies sur les premières occasions pour fléchir une jurisprudence qui concordait fort mal avec les réalités de la société dans laquelle elles ont été instituées.

C'est donc ce modèle qui du fait de sa ressemblance avec le système congolais ; devrait être transposé au Congo pour un renforcement du contrôle de la légalité des actes administratifs.

2- Application dans le système congolais ? fonctionnement des tribunaux administratifs et renforcement des Chambres administratives au sein des Cours d'appel.

Ce sont des institutions qui existent déjà, du moins du fait de la loi. En effet les articles 80 à 84 de la loi de 1999 sur l'organisation judiciaire prévoient la création des Tribunaux administratifs par districts ou arrondissements et l'article 56 alinéa 3 prévoie au sein d'une Cour d'appel « Une ou plusieurs chambres administratives compétentes pour connaître des appels en matière administrative».

En matière administrative, le double degré est établi par l'article 48 de la même loi en ces termes Ó « Les Cours d'Appels connaissent en dernier ressort des appels des jugements rendus en premier ressort par (...), les Tribunaux administratifs...».

Il ne manque plus que deux choses Ó D'abord la mise en place effective des tribunaux administratifs dans chaque ressort d'une Cour d'appel ( Brazzaville, Point-Noire, Dolisie, Owando, Ouesso ) dans un premier temps. Ensuite, une loi attribuant la compétence à ces tribunaux (au premier degré ) et aux Cours d'Appels à travers leurs chambres administratives ( au second degré ) dans la connaissance des actes des autorités locales ( déconcentrées et décentralisées ainsi que ceux des établissements publics relevant du ressort de ces juridictions ).

En termes plus clairs, nos suggestions portent sur le fait que la connaissance du contentieux de l'annulation des actes administratifs ne doit plus être considérée comme l'apanage de la seule chambre administrative de la Cour Suprême. Ce contentieux doit être décentralisé ou libéralisé, en transférant une grande partie aux juridictions de niveau inférieur. Mais les juges du fond ne connaitront que de l'annulation des actes d'une certaine catégorie notamment, ceux des autorités déconcentrées ou décentralisées telles que les Prefêts, les Maires, les Directeurs départementaux et les autorités des Etablissements publics accomplissant des missions de services publics et dont les actes sont susceptibles de recours.

L'institution d'un double degré de juridiction en matière du contentieux de l'annulation aura un triple avantages Ó D'abord rendre le juge de l'excès de pouvoir plus proche de l'administré ; ensuite rapprocher ce moyen de contrôle de l'administration déconcentrée et décentralisée et enfin permettre aux jeunes magistrats en début de carrière à s'imprégner de ce contentieux et d'être aguerris à son examen.

La chambre administrative de la Cour Suprême deviendrait ainsi juge de cassation pour l'annulation des actes émanant des autorités locales, tout en conservant la compétence exclusive pour les actes des autorités nationales. Ces réformes nécessitent un amendement des règles procédurales.

B)-La Cour suprême, juge de cassation des actes des autorités locales et la nécessité d'un amendement des règles procédurales.

En suggérant le choix d'un système dualiste, certains auteurs ont proposé la mise en place soit d'un Conseil d'Etat, soit d'une Cour Suprême administrative. Notre suggestion tendant au renforcement du système moniste avec la mise en place effective des tribunaux administratifs et d'un double degré de juridiction en matière d'excès de pouvoir, la Chambre administrative de la Cour Suprême serait de ce fait juge de cassation (1). Ces réformes nécessitent un amendement des règles procédurales (2).

1-La Chambre administrative de la Cour Suprême, juge de cassation du contentieux de l'annulation des actes locaux.

Avec le double degré de juridiction dans la connaissance de l'annulation des actes des autorités déconcentrées et décentralisées, la chambre administrative de la Cour Suprême deviendrait juge de cassation des arrêts rendus par les Chambres administratives des Cours d'appel.

Cette compétence pourrait ainsi être intégrée dans une interprétation lato sensu de l'article 4 ( nouveau) de la loi 15 avril 1999 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême qui dispose Ó « La Cour Suprême se prononce sur les pourvois en cassation (...), dirigés contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort et en toutes matières par toutes les juridictions (...) ».

Cependant, force est de rappeller que la Cour Suprême reste exclusivement compétente pour connaître des actes des autorités administratives de premiers rang ( les décrets du Président de la République, les arrêtés des Ministres...) du fait de leur importance.

2-Réformes et aménagements des règles procédurales en matière du contentieux de l'annulation.

D'abord le législateur devrait procéder à des réformes tendant à réorganiser les compétences des juridictions administratives et la procédure devant celles-ci, une formule améliorée de la loi n°06/62 du 20 janvier 1962 relative à la compétence de la cour d'appel et des tribunaux de grande instance et à la procédure suivie devant ces juridictions en matière administrative. Ces réformes permettraient la mise en place des tribunaux administratifs sur toute l'étendue du térritoire national. Ensuite, elles établiraient une rédistribution des compétences entre les juridictions de fond et la chambre administrative de la Cour Suprême en matière de recours pour excès de pouvoir.

Enfin, le législateur pourrait assouplir certaines conditions de recevabilité du recours . En effet, certaines exigences dans la recevabilité des requêtes portant sur le recours pour excès de pouvoir peuvent être délaissées pour favoriser l'accès des administrés à la justice.

De même l'exigence de joindre la décision administrative attaquée à la requête introductive d'instance, l'expérience ayant montré que les administrations réchignent à mettre ces décisions à la disposition de ses administrés. Il serait intérressant de doter le juge saisi d'un pouvoir de demander à l'administration de produire aux débats la décision contestée.

Ces amendements ne pourront aboutir à des véritables changements que si le juge de l'excès de pouvoir se voit doter des moyens d'ordre matérièl.

Paragraphe 2Ó L'institution d'un véritable juge administratif plus tatillon dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir.

Sans nul doute, du fait de sa complexité, le contentieux administratif et partant le domaine du recours pour excès de pouvoir est un univers où la spécialisation du juge est de mise.

Au Congo, la charge de connaître un contentieux aussi important dans la construction d'un Etat de droit doit être confiée à un juge taillé à la mesure de l'administration, capable de débusquer ses ruses (A). Mais pour cela, il doit être doté de plus de pouvoirs et d'indépendance (B).

A)- Un juge taillé à la mesure de l'administration congolaise.

Pour exercer un contrôle de la légalité des actes administratifs plus efficace, le juge congolais doit subir une formation plus spécialisée (1) et pour ceux qui sont déjà en fonction dans les juridictions administratives, ils doivent bénéficier des stages de recyclage axés dans le domaine du droit administratif et de son contentieux (2).

1-Une formation plus spécialisée en matière administrative.

Au Congo, pour une meilleure justice administrative, il convient de réfléchir sérieusement à un système approprié de formation des magistrats appelés à intervenir au sein des juridictions administratives. En effet, on ne peut jamais prétendre bien connaître une matière telle que le contentieux administratif seulement en l'étudiant ou en l'exerçant parmi tant d'autres, sans entrer dans ses moindres détails pour en avoir une connaissance à la hauteur de la fonction que l'on doit exercer.

Il est donc temps d'opter pour un système de formation à deux options ( judiciaire et administrative ) où des candidats titulaires d'une maîtrise de Droit public ou d'un Master en droit public approfondi accederaient par voie de concours à l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature dans la filière magistrature (option administrative).

Enfin de formation, ils seraient directement affectés dans des tribunaux administratifs pour ensuite évoluer au sein d'une chambre administrative de Cour d'appel et peut être, finir un jour leur carrière à la chambre administrative de la Cour Suprême.

Sans cette spécialisation dans la formation des magistrats congolais, on aura beau mettre en place des juridictions administratives et les doter des compétences les plus étendues, on demeurera constamment dans l'à peu-près.

Mais, qu'en serait-il des magistrats déjà en fonction?

2-La nécessité de recycler les magistrats dans le domaine administratif.

Comme nous l'avons souligné, l'une des causes de la faiblesse d'une justice administrative au Congo, c'est l'absence d'un personnel spécialisé pour statuer en matière de contentieux administratif. En effet, les magistrats évoluant au sein de la chambre administrative de la Cour Suprême et des autres juridictions administratives sont régis par un principe de la polyvalence, ce sont des juges à tout faire ; or il est incontestablement établi que Ó « le principe de la polyvalence du juge s'attèle à la recherche du travail accompli dans la moyenne, tandis que le principe de la spécialisation milite pour l'accomplissement d'une justice excellente et efficace »191(*).

Le seul moyen d'y remédier, c'est d'organiser des formations de recyclage, des séminaires, des conférences bref, des cadres de formation pour les magistrats évoluant dans des juridictions administratives afin de les outiller et de renforcer leurs connaissances dans ce domaine. Pour cela, il appartiendrait au ministère de tutelle de faire bénéficier à ces magistrats des stages de formation dans d'autres pays, tel que la France, de créer une synergie avec les juridictions administratives des autres Etats pour un partage d'expérience.

Mais l'efficacité dans la connaissance du contentieux de l'excès de pouvoir ne dépend pas simplement d'un corps de magistrats spécialement formés dans le domaine administratif. En sus de cette spécialisation, le juge de l'excès de pouvoir devrait être doté d'un maximum de pouvoirs pour faire face à une administration aux prérogatives sans cesse plus étendues.

B)-Un juge doté de pouvoirs plus étendus et d'une indépendance face à une administration aux prérogatives sans cesse croissantes.

L'administration apparaît souvent comme un « lieu où sévit l'illégalité (...) le refuge de la vengeance dans lequel s'abriterait les règlements de compte dont seraient auteurs les autorités administratives qui disposent légalement du pouvoir de décider unilatéralement »192(*). Le juge de l'excès de pouvoir est considéré comme un instrument dont la mission consiste à empêcher l'arbitraire administratif. Pour garantir l'équilibre entre l'intérêt général d'une part et la préservation des droits et libertés d'autre part, le juge devrait être doté des pouvoirs plus élargis (1) et bénéficier des garanties d'indépendance (2).

1-Renforcement des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir.

Le Congo est resté dans une conception classique du recours pour excès de pouvoir où, le juge de l'excès de pouvoir est limité dans sa marge de manoeuvre face à une administration puissante. Dans ce domaine, ses pouvoirs ne se limitent qu'à la simple annulation des actes administratifs et à la possibilité d'ordonner, dans des cas exceptionnels et à la demande de réquerant, le sursis à exécution desdits actes. Ce principe classique était déjà affirmé par Edouard LAFERRIERE en ces termes Ó « Le demandeur ne peut conclure qu'à l'annulation de l'acte attaqué, et le Conseil d'Etat n'a le droit de rien statuer au-delà, sauf bien entendu, les questions de sursis, de procédure et de dépens »193(*).

C'est en application de ce principe classique que, le juge administratif français s'est opposé à la recevabilité des conclusions aux fins d'injonction (CE 4 février 1976, Elissonde) et Jean RIVERO dans un article célèbre « Le Huron au palais royal ou reflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir »194(*) s'étonnait de l'impuissance de la juridiction administrative à exécuter ses décisions.

Au Congo, il arrive des fois où les autorités administratives refusent parfois de délivrer à un administré l'acte administratif qu'il conteste, comme pour l'empêcher d'exercer les voies de recours prévus par la loi. Or, le principe est qu'il est fait interdiction au juge de l'excès de pouvoir congolais de faire des injonctions à l'administration de sorte qu'il ne pourrait lui demander la production de l'acte administratif attaqué.

De plus, aux termes des articles 412 à 414 du CPCCAF, la Chambre administrative de la Cour Suprême ne peut ni modifier, ni remplacer l'acte annulé. Elle peut juste l'annuler sans pouvoir ordonner à l'administration de procéder à la modification de l'acte critiqué. C'est ainsi que dans son arrêt KAYOULOUD (CS.Adm 20 mai 1977), le juge administratif suprême a considéré comme un « principe fondamental du droit administratif, l'indépendance de l'administration à l'égard du juge, qui découle du principe de la séparation des autorités administrativess et judiciaires »195(*), ce principe interdisant au juge administratif de faire des injonctions à l'administration.

Le législateur congolais, devrait s'inspirer du modèle français pour renforcer les pouvoirs du juge administratif face à l'administration. En effet dans le système français, la loi du 08 février 1995 en accordant au juge administratif le pouvoir de faire des injonctions à l'administration a « tourné une page de l'histoire du régime du contentieux administratif français »196(*). Mais le juge administratif faisant en cela montre de hardièsse est allé au-delà de la simple application de cette loi.

A ce propos, Daniel LABETOULLE ( Président de section honoraire du Conseil d'Etat ) n'affirmait-il pas que Ó « Aude-là des textes, l'envol de la jurisprudence, l'injonction va trouver à s'appliquer aude-là des textes qui l'ont instituée »197(*). Mais, ce n'est pas seulement dans le domaine de l'injonction que le juge français a par sa jurisprudence élargi ses compétences en s'arrogeant des pouvoirs sans cesse plus étendus. En effet, si dans sa décision du 25 juin 2001, Société à objectifs sportifs «Toulouse football club»198(*), le Conseil d'Etat dans son arrêt d'annulation fait des injonctions à la Fédération française de football à propos du classement final du championnat de France de football, dans celle du 11 mai 2004, Association AC et autres, le Conseil d'Etat « intègre dans l'office du juge de l'excès de pouvoir la possibilité de moduler dans le temps les effets d'une annulation contentieuse »199(*).

Abordant dans le même sens, CORMENIN estimait que Ó « La jurisprudence est une seconde législation, elle est même quelquefois toute la législation »200(*). En claire, si les pouvoirs de faire obstruction à l'arbitraire administratif ne lui sont pas octroyés par le législateur, il lui appartiendra de se les approprier progressivement au moyen de sa jurisprudence. C'est ce qu'a toujours fait le Conseil d'Etat.

En ce sens, Bernard PACTEAU écrit Ó « Sans l'action créatrice du Conseil d'Etat, le Droit administratif aurait certes existé de toute façon en France mais qui n'aurait probablement constituer qu'un assemblage de lois, sans unité, sans cohérence, sans fil directeur »201(*).

Mais, cette situation paraît différente à celle du Congo. En effet, selon les termes du Président Auguste ILOKI Ó « Contrairement à l'expérience vécue ailleurs [ en France] où la jurisprudence a joué un rôle de premier plan dans la naissance du droit administratif, la situation au Congo est dominée par l'interventionnisme législatif qui impose ses préocupations et sa vision de la construction de l'Etat de droit »202(*).

Cependant, on peut affirmer que si le législateur congolais peut, grâce à son action créatrice, dompter l'administration, seul le juge administratif peut l'apprivoiser.

2-L'indépendance du juge de l'excès de pouvoir dans la connaissance de ce contentieux.

Le juge de l'excès de pouvoir comme, tout autre magistrat, doit être indépendant si l'on souhaite qu'il accomplisse réellement sa mission. Certes, le juge doit trouver cette indépendance dans la force de son caractère, mais il est souhaitable que les institutions étatiques elles-mêmes viennent la soutenir afin que le justiciable puisse être assuré de trouver un juge impartial dans les circonstances les plus délicates. C'est en ce sens que Alain Bokel affirmait Ó « Il est communément admis qu'il n'existe pas de justice véritable dans un pays si les juges appelés à la rendre ne sont pas pleinement indépendants »203(*)

Au Congo, cette indépendance du juge est garantie par de nombreux textes notamment la Constitution du 20 janvier 2002 dont les articles 136 et 137 établissent une séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,

de même l'article 140 qui reprend l'article 2 ( nouveau ) de la loi n°29-94 du 15 avril 1999 portant institution du Conseil superieur de la magistrature dispose que Ó « Le Président de la République garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire à travers le Conseil supérieur de la magistrature ». Comme tout autre magistrat du siège, les juges composant la Chambre administrative de la Cour suprême bénéficient de l'inamovibilité. Il est donc avéré qu'au plan textuel, cette indépendance est garantie et elle s'appuie sur des fondements solides.

Mais en réalité, s'agissant particulièrement du juge de l'excès de pouvoir face à l'administration, ce n'est pas tant cette indépendance textuelle qui rassure le justiciable, car selon la nature du régime politique, elle peut rester lettre morte face à une administration utilisée comme le bras séculier du pouvoir exécutif. Dans ce cas, l'indépendance que l'administré attend du juge c'est son état d'esprit, sa tenacité, une façon de se comporter face à un litige qui lui est soumis.

Cette approche cadre avec le constat fait par A.BOKEL, dans sa reflexion sur l'indépendance du juge administratif dans un système dualiste en ces termes Ó « Le juge de l'excès de pouvoir plus que tout autre a besoin de cette indépendance intérieure car il est chargé de trancher un litige entre deux parties inégales dont la plus forte est, directement sa structure d'origine et même parfois son autorité hiérarchique. Dès lors, il n'est pas naturellement porté à exercer en toute indépendance sa mission de juge »204(*).

A vrai dire, la société congolaise n'a pas besoin d'un juge de l'excès de pouvoir va-t-en-guerre, aux manoeuvres de kamikaze dont le but serait de satisfaire à tout prix l'administré par excès de zèle et pour prouver son indépendance, mais d'un juge qui sait maintenir un équilibre entre l'intérêt général prôné par les autorités administratives auteurs des actes administratifs et les droits et libertés de chaque citoyen.

SECTION IIÓ LES AMENAGEMENTS DANS LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR.

Aujourd'hui, l'annulation des actes de l'administration pour cause d'illégalité est une mission dont la charge n'incombe plus au seul juge administratif, d'autres juridictions s'étant vue attribuer à titre exceptionnel cette même compétence.

Il serait donc nécessaire d'organiser des aménagements dans la repartition des compétences entre ces différents juges .

Dans ses conclusions prises dans l'affaire Ministre de l'intérieur c/ Cohn-BENDIT (C.E. Ass. 22 décembre 1978), B. Genevois, commissaire de gouvernement écrivait qu' « il ne doit y avoir ni gouvernement des juges ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges »205(*).

En effet, dans le cadre particulier de l'annulation des actes de l'administration où plusieurs juges peuvent intervenir, le dialogue de ces juges peut être un élément essentiel dans le renforcement de la protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif. Ainsi, ce dialogue n'est possible que dans la mésure ou leurs compétences se trouvent aménagées. Il conviendrait donc de reviser les compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des actes administratifs (§1) et de proposer une répartition équilibrée des compétences entre le juge communautaire et le juge en charge de l'excès de pouvoir au plan interne (§2).

Paragraphe 1Ó La révision des compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des actes administratifs.

Nous examinerons d'abord, la redistribution des compétences entre le juge administratif et le juge électoral dans l'annulation des actes se rapportant aux différentes élections (A). Ensuite, la reconnaissance effective d'une compétence dans l'annulation des actes contraires à la constitution (B).

A)-La redistribution des compétences entre le juge administratif et le juge électoral dans l'annulation des actes se rapportant aux différentes élections.

En l'état actuel de notre droit positif, le Tribunal de Grande Instance est juge des élections locales lorsqu'il statue en matière administrative (article 105 de la loi électorale de 2001). Ceci étant, est- il compétent pour connaître de l'annulation des actes se rapportant à ces élections? (1). S'agissant des élections présidentielle, législative et sénatoriale par principe, l'annulation des actes s'y rapportant relève de la compétence du juge constitutionnel. Mais, en élargissant le domaine d'application de la théorie des actes détachables du contentieux électoral, le juge administratif peut récupérer une partie du contentieux de l'annulation de ces actes (2).

1- Le tribunal de grande instance et l'annulation des actes se rapportant aux élections locales.

En se fondant sur la théorie du tout indivisible et sur la règle le juge de l'action est juge de l'exception, si le Tribunal de Grande Instance est compétent pour connaître de l'ensemble du contentieux des élections locales, alors peut-il de ce fait annuler un acte qui se rattache à cette élection?

L'article 62 alinéa 3 de la loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire qui parle de la compétence du tribunal de grande instance en matière administrative dispose que Ó « Cette compétence ne lui est toutefois reconnue qu'à défaut du Tribunal Administratif dans le ressort ». Or, lorsqu'il statue en lieu et place du tribunal adiministratif, le tribunal de Grande Instance est selon l'article 83 de la même loi Ó « juge de Droit commun en premier ressort, et au plan contentieux, il est au cours des instances dont il est saisi, compétent pour interpréter les décisions des diverses autorités administratives et apprécier leur régularité juridique, à la demande de l'une des parties, sans pouvoir en prononcer l'annulation qui est de la compétence de la Cour Suprême ».

Une réponse positive à la question posée ferait du contentieux des élections locales, un contentieux sui generis qui n'obéit pas aux règles établies par la loi portant organisation judiciaire. Cependant, il ne peut en être le cas, car, selon les termes des articles 105 et 107 de la loi électorale, c'est en « statuant en matière administrative » que le Tribunal de Grande Instance connaît du contentieux des élections locales. C'est ainsi que lorsqu'il est saisi d'un acte se rapportant à cette élection, il ne peut qu'en apprécier la régularité, l'annulation étant de la compétence de la Chambre administrative de la Cour suprême.

Notre proposition consisterait à faire du Tribunal de Grande Instance à la fois juge de l'élection locale et juge du recours pour excès de pouvoir des actes administratifs se rapportant à ces élections.

2- Récupération du contentieux de l'annulation des actes se rapportant aux élections par le juge administratif Ó la théorie des actes détachables

Dans son arrêt n°09/GCS-2006 du 27 juillet 2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO, le juge administratif en se fondant sur les articles 63 et 110 alinéa 1 de la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale s'est déclaré incompétent pour connaître d'un acte administratif se rapportant à une élection présidentielle ou parlementaire.

Cette position de la Chambre administrative de la Cour Suprême est celle adoptée pendant longtemps par le Conseil d'Etat français, ce dernier s'est toujours abstenu de connaître des actes se rapportant au contentieux des élections présidentielles et parlementaires. Le Conseil constitutionnel disposant en la matière d'une plenitude de juridiction avait compétence même dans l'annulation des actes préliminaires aux opérations desdites élections.

C'est ainsi que le juge administratif a refusé de connaître de l'annulation d'une décision du ministre de l'intérieur adressant des instructions au Préfet en vue du second tour de l'élection présidentielle ( C.E 6 mai 1966, Dame Chaix ).

Par la suite, à cette théorie « du tout indivisible ou du tout indissoluble », le Conseil d'Etat a substitué « la théorie des actes détachables». Pour André De LAUBADERE, c'est en 1993 que le Conseil d'Etat s'est reconnu compétent « pour statuer sur la légalité d'actes touchant à l'organisation générale de la campagne ou de l'élection pour lesquelles il est nécessaire de se prononcer avant le scrutin » (C.E. Ass. 12 mars 1993, Union Nationale Ecologiste et Parti pour la Défense des Animaux).

Au Congo, jusqu'en 2006, la chambre administrative de la Cour Suprême a appliqué la conception classique du tout indivisible. En effet, elle s'est déclarée incompétente pour connaître de l'annulation d'un décret portant nomination des membres du bureaux de la Commission Nationale d'Organisation des Elections estimant que ce dernier n'est pas détachable et forme avec l'ensemble des opérations électorales un tout indivisible.

Or, le juge administratif congolais devrait à l'exemple de son homologue français s'approprier la connaissance des actes se rapportant à ces élections en appliquant la théorie des actes détachables.

Mais, les compétences du juge constitutionnel peuvent être renforcées dans la protection des droits et libertés des citoyens en annulant les actes contraires à la constitution.

B)-La restitution au juge constitutionnel du pouvoir d'annuler les actes administratifs contraires à la constitution.

Depuis la fin des années 90, les juridictions constitutionnelles dans certains Etats d'Afrique ont dépassé leur simple rôle de juge de la conformité de la loi à la constitution qui leur était attribuée pour intervenir dans des domaines où les décisions administratives sont en cause. En devenant aujourd'hui des véritables gardiennes des droits et libertés des citoyens, elles tendent à renforcer l'action du juge administratif dans sa lutte contre l'arbitraire administratif.

Cependant, au Congo le juge constitutionnel est resté cantonné dans ses compétences classiques (juge électoral et juge du contrôle de la constitutionnalité). Pourtant, le constituant de 1992 lui attribuait déjà compétence dans l'annulation de certains actes administratifs. Certainement cette compétence devrait être retablie (1), ainsi ce juge pourrait jouer un rôle essentiel dans la protection des droits et libertés des citoyens (2).

1-La restauration de la compétence du juge constitutionnel dans l'annulation des actes administratifs contraires à la constitution.

Il s'agirait simplement pour le législateur de rétablir une compétence qui avait déjà été prévue par la constitution de 1992. En effet, dans son Préambule, la constitution du 15 mars 1992 dispose Ó « Proclamant Ó (...) le droit de tout citoyen de saisir le Conseil constitutionnel aux fins d'annulation de tout acte contraire à la présente Constitution ». Cette extension des compétences du juge constitutionnel peut être aujourd'hui observée dans de nombreux pays d'Afrique noire francophone qui, comme le Congo, partagent avec la France la même tradition judiciaire. Nous nous sommes inspirés du modèle gabonais et béninois.

En ce sens, l'article 3 alinéa 3 de la Constitution béninoise dispose Ó «tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels » et l'article 84 de la constitution gabonaise du 26 mars 1991 qui dispose : « La Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques ».

Ainsi, la restauration par le législateur de cette compétence du juge constitutionnel serait souhaitable pour lui permettre d'intervenir plus efficacement dans la protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif. Son champ d'action se trouverait ainsi élargit d'autant plus que déjà,

l'article 1er de la loi du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dispose Ó « (...) Elle assure, à travers ses missions de contrôle, la protection des droits et des libertés fondamentaux du citoyens».

La Cour constitutionnelle devrait se saisir de ces dispositions pour intervenir dans le domaine de l'annulation des actes administratifs contraires à la constitution. Elle ferait ainsi montre de plus de hardiesse.

2-Un juge plus actif dans la protection des droits et libertés fondamentaux.

Il est vrai qu'en s'appropriant le contentieux des actes administratifs se rapportant à l'élection présidentielle, le juge constitutionnel intervient dans le contrôle juridictionnel de l'administration. Cependant, ces compétences classiques ne touchent pas directement la vie de tous les citoyens dans leurs rapports avec l'administration.

En effet, si le législateur tient à ce que ce juge joue un rôle plus actif dans la protection des droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire administratif, il devrait le doter en sus des ses compétences classiques, d'une compétence dans l'annulation des actes contraires à la constitution. Il deviendrait ainsi et à l'image de ses homologues gabonais et béninois, juge de l'excès de pouvoir par exception.

Paragraphe2Ó La répartition des compétences entre le juge communautaire et le juge administratif national dans le domaine de l'annulation des actes administratifs.

La quasi-inexistence des décisions rendues par le juge communautaire dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit C.E.M.A.C est liée au faite que, ce juge est ignoré et éloigné des ressortissants de la C.E.M.A.C. Pour pallier à cette difficulté, il est plus que souhaitable de procéder à une répartition des compétences entre le juge national et le juge communautaire.

C'est ainsi que dans le domaine de l'annulation des actes administratifs contraires aux dispositions communautaires, il conviendrait d'instituer un système d'annulation à deux vitesses. Le juge administratif interne serait alors compétent pour annuler ces actes en premier et dernier ressort avec la possibilité d'un recours en cassation devant le juge communautaire (A). Cette innovation ne pourrait être envisageable qu'à certaines conditions qui méritent un examen. (B)

A)-La mise en place d'un système à deux vitesses dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire.

L'exercice de la justice est une mission régalienne de l'Etat. Il demeure souvent difficile de l'aliéner en totalité au profit d'un juge communautaire, et le juge national est souvent mieux placé pour apprécier l'opportunité de certaines décisions prises par les autorités administratives dans des circonstances particulières. Or, il est aussi plus qu'évident que seul le juge communautaire est garant de la légalité communautaire. Il serait donc plus judicieux de trouver une solution de juste mesure, qui tiendrait compte tant de la souveraineté des Etats membres que de la primauté du droit communautaire sur le droit national.

Pour cela, il conviendrait d'attribuer au juge administratif national une compétence en premier et dernier ressort dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire (1). Toutefois, la Cour de justice de la C.E.M.A.C, en sa qualité de garante de la légalité communautaire sera juge de cassation (2).

1-Le juge administratif compétent en premier et dernier ressort dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire.

Le juge administratif de l'Etat membre (l'exemple du Congo) est mieux placé pour apprécier l'intérêt de la décision prise par l'autorité administrative nationale. Il peut veiller à l'équilibre entre l'intérêt national et l'intérêt communautaire. Il serait donc à même d'assurer la conformité des décisions administratives au droit C.E.M.A.C. et à ce titre, sa compétence dans l'annulation de ces actes se justifie.

De ce fait, il serait judicieux de lui attribuer compétence en premier et dernier ressort dans l'annulation de ces actes. Cette répartition aurait ainsi un double avantage à savoir Ó

- D'une part, celui de garantir la souveraineté des Etats membres dans l'exercice de la justice en matière administrative et de jouer en premier lieu et au niveau interne, le rôle de contrôleur de la conformité des actes administratifs au principe de la légalité communautaire.

- D'autre part, celui de promouvoir l'uniformisation et l'harmonisation d'une jurisprudence communautaire en faisant de la Cour de justice de la C.E.M.A.C, un juge de cassation dans ce contentieux.

En ayant un pouvoir de cassation, la Cour de justice C.E.M.A.C aurait la possibilité de censurer les décisions des hautes juridictions des Etats membres, elle veillerait ainsi au caractère contraignant des normes communautaires.

2-La Cour de justice C.E.M.A.C, juge de cassation en matière des recours en annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire.

Pour garantir l'harmonisation et l'uniformisation du Droit C.E.M.A.C, il serait plus judicieux de confier au juge communautaire des compétences dans l'appréciation du bien fondé des décisions rendues par le juge administratif national en matière d'annulation des actes non conforme au droit communautaire. En effet si chaque juge interne (des Etats membres) donnait sa propre interprétation des dispositions du droit communaire, cela pourrait entrainer des divergences dans la jurisprudence communautaire.

Ainsi, la mise en place d'un système à deux vitesse offre au ressortissant de l'Etat membre, insatisfait de la décision rendue par sa juridiction nationale, la possibilité de saisir un juge de niveau le plus élevé (Cour de justice de la C.E.M.A.C) aux fins de s'entendre dire droit selon les termes de la législation communautaire.

De plus, le juge de la C.E.M.A.C étant le seul garant de la légalité communautaire, il pourrait grâce à sa compétence de juge de cassation, censurer les décisions rendues par le juge administratif de l'Etat membre. Cette proposition présente plus de garantie et d'équilibre, elle permettrait donc d'uniformiser la jurisprudence communautaire.

B)-Les conditions concourant à l'institution d'un système d'annulation à double vitesse.

Tout d'abord, l'institution d'un tel système n'est envisageable que dans la mesure où, les dispositions de la Convention relative à la Cour de justice C.E.M.A.C seraient modifiées (1) et qu'il y aurait entre le juge administratif et le juge communautaire une étroite collaboration dans la connaissance de ce contentieux (2).

1- La nécessité de la modification des textes relatifs à la compétence du juge communautaire.

L'institution d'un système d'annulation à double vitesse nécessite, une modification des textes communautaires régissant les compétences de la Cour de justice de la C.E.M.A.C. En effet, au plan communautaire, tous les textes (après leur conclusion et leur entrées en vigueur) ont pour mission d'organiser et

de stabiliser à un moment déterminé les relations entre les Etats membres. Il en est ainsi des textes attribuant compétence au juge communautaire dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit C.E.M.A.C (article 16 du traité portant création de la C.E.M.A.C, articles 4, 14, 15 de la convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de justice C.E.M.A.C...).

Cependant, ces textes sont scuceptibles de subir une certaine évolution pour répondre aux besoins de la communauté. Ces mutations nécessitent des aménagements à travers une modification partielle ou totale de ces textes.

Il serait donc temps, par la force de l'évolution, que ces textes subissent une modification partielle afin de permettre une répartition des compétences entre les juridictions administratives nationales et la Chambre judiciaire de la Cour de justice C.E.M.A.C. Cette modification qui ne porterait que sur une partie de ces textes cadre avec la convention du 5 juillet 1996 relative à la Cour de justice de la C.E.M.A.C dont l'article 32 dispose que Ó «Tout Etat mambre, ou le Conseil des ministres sur proposition du Secrétaire exécutif, peuvent soumettrent à la Conférence des Chefs d'Etat des projets tendant à la révision de la présente convention. La modification est adoptée à l'unanimité des Etats membres et entre en vigueur après sa ratification par tous les Etats membres conformément à leur règles constitutionnelles respectives».

On note qu'une telle modification ne peut être que le résultat d'une recontre de volonté de tous les Etats signataires. Ainsi donc, le Congo ne pourrait obtenir une telle modification de façon unilatérale, mais il détient néanmoins un droit d'initiative lui permettant de mettre en oeuvre la procédure d'amendement.

2-La nécessité d'une étroite collaboration entre le juge administratif et le juge communautaire.

Cette collaboration va de soi, elle mettrait à la charge de chacun de ces juges, des obligations respectives dans le seul but de consolider l'intégration communautaire. En étant saisi le premier pour statuer sur la conformité d'un acte administratif au droit communautaire, la Chambre administrative de Cour suprême deviendrait une charnière chargée d'impulser le respect et la conformité des décisions administratives au normes communautaires sur le plan national.

Dans cette redistribution des compétences, le juge communautaire sera saisi en dernier lieu. En sa qualité de juge de cassation des décisions rendues en premier et dernier ressort par la Chambre administrative de la Cour suprême, le juge C.E.M.A.C pourrait ainsi veiller plus efficacement au respect du droit communautaire. Il garantirait de même une uniformisation et une harmonisation de la jurisprudence communautaire en la matière tout en devenant une véritable censure, une sorte d'épée de Damoclès placée au-dessus des hautes juridictions administratives nationales.

Somme toute , il convient de préciser que ni l'énumération des difficultés auxquelles sont confrontés les juges de l'excès de pouvoir, ni les suggestions que nous avons proposé ne sauraient être considérées comme une analyse exhaustive. En effet, le contentieux de l'excès de pouvoir étant l'un des piliers de l'Etat de droit, il demeure en perpétuelle construction.

Aujourd'hui, cinquante ans après son accession à l'indépendance, le Congo s'achemine de plus en plus vers une véritable démocratie et un Etat de droit. Dans cette marche souvent interrompue par les mouvements socio-politiques, l'administration occupe une place de choix. Son champ d'action s'est élargi et elle s'est dotée de prérogatives considérables. Or, il est nécessaire de veiller à ce que l'administration ne déborde pas, au nom de l'intérêt général, de ses prérogatives et des limites qui lui ont été fixées. Pour ce faire, il faut la soumettre à un contrôle juridictionnel Ó « mais par quel juge ? et selon quel droit ? »206(*). En France, le Conseil d'Etat a donné une réponse à la première question car pendant longtemps, il lui est revenu de trancher les litiges d'ordre administratif. A la seconde question, le Tribunal des conflits a fourni la réponse dans l'arrêt Blanco en considérant que les litiges mettant en cause l'Etat ou tout autre personne morale de droit public « ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de particulier à particulier, (...) que l'administration a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés (...) que dès lors, l'autorité administrative est seule compétente pour en connaître »207(*).

Cependant, le droit administratif et plus particulièrement son contentieux est en pleine mutation, il est de plus en plus affecté et envahi par d'autres branches du droit, le constitutionnel et le communautaire de sorte que, le contrôle juridictionnel des actes de l'administration n'est plus l'apanage du seul juge administratif classique mais de plusieurs juges (constitutionnel et communautaire). En ce sens certains ont même considéré que Ó « le droit administratif émanant de moins en moins du juge administratif, il n'y a plus de raison de maintenir une juridiction dont l'oeuvre est désormais achevée »208(*).

Le Congo resté fidèle à la tradition d'un seul juge spécialisé de niveau le plus élevé pour connaître de l'annulation des actes de l'administration a été rattrapé par les mutations que connait le droit administratif et son contentieux. En effet, pour renforcer la protection des droits et libertés des citoyens contre l'arbitraire administratif, certains actes échappant à la compétence du juge administratif suprême sont soumis à titre excèptionnel à d'autres juridictions. L'annulation des actes administratifs se revèle ainsi comme un contentieux à la croisée des chemins des matières de droit public.

Mais, cette volonté de s'arimer à l'évolution du contentieux administratif et partant du contentieux de l'annulation peine encore à prendre son envol. Quarante neuf ans après son institution, le juge en charge de ce contentieux reste éloigné et quasi inconnu du justiciable, ses pouvoirs face à l'administration sont très limités, il a du mal à concevoir une jurisprudence lui permettant d'intervenir même dans des circonstances que le législateur n'a pas prévues.

Pour le Professeur Placide MOUDOUDOU Ó « il lui manque l'esprit d'initiative ; lorsqu'il tente d'inventer, il le fait presque toujours par rapport au droit administratif français (...) il est essentièllement un juge judiciaire »209(*) .

Peint comme tel, le tableau du recours pour excès de pouvoir au Congo mérite qu'on y apporte une touche de toilettage, notamment en renforçant les pouvoirs du juge, en transférant une partie de ce contentieux aux juridictions de niveau inférieur et en réorganisant les procédures y relatives.

Ces aménagements s'avèrent nécessaires car, il n'en demeure pas moins vrai que nonobstant ces difficultés, le recours pour excès de pouvoir reste « une grande et glorieuse institution même lorsqu'il n'apporte pas à celui qui l'exerce avec succès une satisfaction concrète, il maintient au dessus des contingences, le principe que l'administration est soumise au Droit ; il procure au particulier, d'abord, un moyen de protester contre l'arbitraire, une issue à son indignation, ensuite, au minimum, la satisfaction de s'entendre dire qu'il avait raison contre le pouvoir »210(*).

Mais, même dans son pays d'origine, le recours pour excès de pouvoir est considéré comme Ó « une merveille de l'archéologie juridique »211(*), c'est « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés »212(*). Ces louanges sont telles qu'il est difficile d'apporter des modifications à cette institution séculaire.

Or, au Congo ce n'est pas tant l'institution ( recours pour excès de pouvoir) qui est défaillante, mais l'organisation, le système dans lequel il fonctionne. Aussi, dans le binôme « juge de l'excès de pouvoir», le problème ne concerne pas la matière (le recours ou le contentieux de l'excès de pouvoir) mais plutôt l'organe (le juge). Dans plusieurs pays213(*) où des reformes ont été apportées à l'organe qui avait la charge de connaître de ce contentieux, on a relevé de grandes améliorations dans le rendement de la justice dans ce domaine. C'est pourquoi, il y va de l'intérêt du législateur congolais de reformer le système, d'aménager l'organisation afin de rendre l'exercice de ce recours plus efficace. La tâche revient aussi au juge en charge de ce contentieux d'étendre ses compétences dans ce domaine en les adaptant aux cas que le législateur ne peut prévoir, en usant de son pouvoir normatif.

C'est à ce prix, par une conjugaison mutuelle des efforts entre le législateur et le juge ainsi qu'un rôle non négligeable de la droctrine dans ce domaine que la connaissance de ce contentieux protégerait les droits des citoyens contre l'arbitraire administratif et garantirait ainsi l'Etat de droit.

Enfin, terminons ce travail par cette anecdote Ó Il y a quarante neuf ans que le recours pour excès de pouvoir a vu le jour au Congo héritage de la colonisation française. Il y aussi quarante neuf ans que Jean RIVERO214(*) écrivait l'histoire du Huron juriste qui se rendit en pèlerinage dans la ville d'où rayonnait sur le monde le flambeau du recours pour excès de pouvoir. Lorsqu'il arriva dans la cour du Palais-Royal (Conseil d'Etat), il se prosterna face contre terre en disant Ó « Je baise la terre sacrée dans laquelle s'enracine le grand arbre du recours pour excès de pouvoir, le rempart de l'opprimé, la terreur de l'opprèsseur qui, au moment où son bras va s'abattre, s'arrête en entendant la voix redoutable du juge clamer Ó "Tu n'iras pas plus loin " »215(*). Mais hélas quelle ne fut pas sa déception lorsqu'il apprit que le juge en charge de ce recours ne disposait pas de pouvoirs assez larges pour contraindre l'administration à exécuter ses décisions après annulation. Il finit par conclure Ó « Je pensais que votre grand recours assurait au particulier une plus grande protection. Ai-je fais un si long voyage pour apprendre qu'il n'en est rien?»216(*). Il y avait un tel abattement sur son visage que son interlocuteur tentait de le reconforter Ó « Ne désespérez pas, les progrès accomplis sont le gage des progrès futurs ; le recours n'a pas dit son dernier mot, et l'avenir reste ouvert Ó faites confiance au libéralisme du juge »217(*). Le soir du même jour, sans un regard pour la Tour Eiffel illuminée, il reprenait tristement son chemin de retour.

Quarante ans après Rivero, David BAILLEUL écrivait Ó « Satisfaction et étonnement. Tels seraient sans doute les sentiments du Huron de retour au Palais-Royal. D'abord soulagé de constater les améliorations substantielles apportées au recours pour excès de pouvoir, tant pour lutter contre l'effet immédiat des décisions administratives que pour contraindre l'administration à exécuter la chose jugée »218(*).

En lisant cette histoire, nous nous sommes posés deux questions Ó si ce Huron venait au Congo,

-jugerait-il efficace le recours pour excès de pouvoir au Congo ?

-et que dirait-il du juge en charge de ce contentieux ?

BIBLIOGRAPHIE

I)- OUVRAGES

A- OUVRAGES GENERAUX

CHAPUS (R) Ó Droit du contentieux administratif, 13ème édition, Montchrestien, 2006. (1540 pages)

CHABANOL (C) Ó La pratique du contentieux administratif 4è édition, Litec (556 pages)

DE LAUBADERE (A), VENEZIA (J.C), GAUDEMET (Y) Ó Traité de droit administratif, tome 3, 16è édition, L.G.D.J, 2002 (495 pages)

DEBBASCH (C), RICCI (J.C) Ó Contentieux administratif 8è édition Dalloz (1018 pages)

DELVOLVE (P) Ó Le droit administratif, 3é édition Dalloz 2002 (147 pages)

LA LUMIERE (C) et SANDRAN (P) Ó Droit administratif (mémentos Thémis) 4è édition P.U.F (172 pages)

LONG(M), WEIL (P), DELVOLVE (P) et GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative 16è Dalloz 2007 (998 pages)

PACTEAU (B) Ó Traité du contentieux administratif édition P.U.F (602 pages)

TIDJANI BA (A) Ó Droit du contentieux administratif burkinabé, collection Précis de droit burkinabé

B-OUVRAGES SPECIFIQUES

BRETON (J.M) Ó Droit public congolais édition Economica, 1987

BRETON (J.M) Ó Recueil commenté de la jurisprudence administrative de la Cour Suprême (R.P. du Congo), 1962-1984, Imprimerie nationale, Brazzaville, 1987

ILOKI (A) Ó Le recours pour excès de pouvoir au Congo, 1ère édition l'Harmattan 2002 (128 pages)

MOUDOUDOU (P), Droit administratif congolais 1ère édition l'Harmattan 2003 (200 pages)

II)-THESES ET MEMOIRES

A-THESES

BADO (L), Le contrôle juridictionnel de l'administration dans les Etats du conseil de l'entente, Thèse pour l'obtention du Doctorat d'Etat en Droit public fondamental, présenté et soutenue publiquement le 13 octobre 1981. Faculté de Droit, des sciences sociale et politique de l'Université de Bordeaux I France.

BUSANE RUHANA MIRINDI (W), Le contrôle du pouvoir discrétionnaire de l'administration par le juge administratif congolais (R.D. Congo), Thèse pour l'obtention du Doctorat en sciences juridiques. Faculté de Droit et de criminologie, département de Droit public. Université Catholique de Louvain Belgique, juillet 2010.

MOUKOKO (S.R), Le plein contentieux des installations classées, Thèse pour l'obtention du Doctorat en sciences juridiques, présenté et soutenue publiquement le 24 juin 2009. Université Paul-Verlaine France.

B-MEMOIRES

BAYI (M), Le Conseil du contentieux administratif de l'A.E.F Ó juge de droit commun du contentieux administratif, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 1985.

BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif dans le système juridique congolais, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 2010.

CHAMEGUEU (G.M.), Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC, Mémoire pour l'obtention du DEA. Catégorie Sciences politique et Droit international. Université de Douala Cameroun 2008.

MAVOUNGOU (J.P), Le contrôle juridictionnel de l'administration au Congo, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 2000.

SOUNDOU (J.N), Le juge administratif congolais, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature Brazzaville 2001.

III)-COURS ET ARTICLES

A- COURS

BOUMAKANI (B), Cours de contentieux administratif. Maitrise de Droit public Université Marien N'gouabi 2006-2007.

MBEMBA (G.F), Cours de droit communautaire (CEMAC), 2ème année Magistrature, E.N.A.M 2010-2011.

PROTIERE (G), Cours de droit administratif général, Master en Droit public Approfondie. Faculté de droit et de science politique Université Lumière Lyon II 2010-2011.

B- ARTICLES

AGGREY (A), L'organisation de la justice administrative en Côte d'Ivoire, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique) numéro. Spécial éd. Puf 1999 (pages 36 à 45)

AKENDENGUE (M), L'organisation de la justice administrative au Gabon, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique) numéro. Spécial éd. Puf 1999 (pages 46 à 58)

BENABDALLAH (M.A), L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc, Université Mohammed V de Rabat-Souissi Maroc 2008.

BENABDALLAH (M.A), Le contentieux administratif marocain (Dix années d'évolution), Université Mohammed V de Rabat-Souissi Maroc 2008.

BOKEL (A), Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration dans les pays en voie de développement d'Afrique francophone, in Nouvelles éditions africaines. Faculté des sciences économiques et juridiques de l'Université de Dakar.

BOKEL (A), Recherche d'un droit administratif en Afrique francophone, in Nouvelles éditions africaines. Faculté des sciences économiques et juridiques de l'Université de Dakar.

BRETON (J.M), Légalité et Etat de droit Ó statut et perception du juge de l'administration, Annales de l'Université des Antilles et de la Guyane 1991.

GOURDOU (J), LABETOULE (D) et autres, L'exécution des décisions de justice administrative in journée de rentrée solennelle des Tribunaux administratifs. Pau 2008

ILOKI (A), La justice administrative en République du Congo, in «Journées du Barreau», Brazzaville du 18 au 19 janvier 2000.

ILOKI (A), La place du droit et de la justice dans l'administration.

ILOKI (A), Organisation judiciaire, procédure, commerciales, administrative et financière. Conférences académiques du 26 au 27 mai 1986 à Brazzaville.

KEUTCHA TCHAPNGA (C), Le juge constitutionnel, juge administratif au Benin et au Gabon, in Revue administrative 2003.

LAMOUROUX (S), Actes préparatoires aux élections présidentielles Ó dernier acte, Université Lorraine. 2003

MOUDOUDOU (P), Les tendances du droit administratif dans les Etats d'Afrique noire francophone, in Annales de l'Université Marien N'gouabi, 2009.

PACTEAU (B), La jurisprudence, une chance du droit administratif, in la revue administrative dans le monde (France-Afrique) numéro. spécial éd. Puf 1999.

IV)-TEXTES JURIDIQUES

A)-TEXTES NATIONAUX

Constitution du 15 mars 1992

Acte fondamental du 24 octobre 1997

Constitution du 20 janvier 2002

Loi n 04-62 du 20 janvier 1962 portant création de la Cour Suprême

Loi n 06-62 du 20 janvier 1962

Loi n 51-83 du 21 avril 1983 portant code de procédure civile, commerciale, administrative et financière

Loi n 025-92 du 20 août 1992 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême.

Loi n 16-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi 024-92 du 20 aout 1992 et de la loi n 29-94 du 18 octobre 1994 portant institution du conseil supérieur de la magistrature.

Loi n 17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi 025-92 du 20 aout 1992 et de la loi n 30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême

Loi n 19-99 du 15 aout 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi 022-92 du 20 aout 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire.

Loi n 9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale

Loi organique n 1-2003 du 17 janvier 2003 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

B)-TEXTES ETRANGERS

Constitution gabonaise du 26 mars 1991

Constitution béninoise du 11 décembre 1990

Constitution de la R.D.C du 18 février 2006

Loi n° 2006/022 du 29 novembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de Tribunaux administratifs au Cameroun.

C)-TEXTES INTERNATIONAUX

Convention du 5 juillet 1996 relative à la création de la Cour de justice CEMAC

Traité relative à la création de la CEMAC

Acte additionnel n 06/00/CEMAC-041-CEE-CJ-02 portant statut de la Chambre judiciaire de la Cour de justice CEMAC.

V)-JURISPRUDENCE

A-Arrêts, Avis et Décisions de la Cour Suprême et de la Cour Constitutionnelle du Congo

C.S. Adm 26 avril 1962, M'bargha

C.S. Adm 29 mai 1963, N'diaye

C.S. Adm 26 avril 1965, Koffi Amega

C.S. Adm 22 octobre 1971, N'zonza

C.S. Adm 17 mai 1974, Sometima

C.S. Adm 17 décembre 1976, Baze

C.S. Adm 18 mars 1976, Diabangouaya, Miyamou et autres

C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud

C.S. Adm 22 septembre 1982, Bouboutou M'bemba

C.S. Avis 15 septembre 1998, Traité CEMAC

C.S. Adm 10 févier 2000, Filankembo

C.S. Adm 13 juillet 2001, Lascony

C.S. Adm 10 févier 2005, Osseni Raimatou

C.S. Adm 11 mai 2006, Nganguia-Anguios

C.S. Adm 27 juillet 2006, Joseph Kignoumbi et André Milongo

C.S. Adm 10 avril 2008, Loko Balossa

B-JURISPRUDENCES ETRANGERES

T.C. 8 févier 1873, Blanco

C.E. 26 novembre 1875, Pariset

C.E. 26 novembre 1912, Bossuge

C.E. 4 avril 1914, Gomel

C.E. 14 janvier 1916, Camino

T.C. 16 juin 1923, Septfonds

C.E. 12 novembre 1936, Arrighi

C.E. 7 févier 1947, D'Aillières

C.E. 17 février 1950, Ministre de l'agriculture c/ Dame Lamotte

C.E. 2 mars 1962, Rubin de Servens et autres

C.E. 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit

C.E. 11 mai 2004, Association AC

C.C. du Benin DCC n°16-94 du 27 mai 1994, Moïse Bossou

C.C. du Benin DCC n°33-94 du 24 novembre 1994, Anatole Karambiri

C.C. du Gabon DCC n°0021/CC/01 du 29 juin 2001, Confédération syndicale gabonaise

TABLE DE MATIERES

DEDICACES 1

REMERCIEMENTS 1

LISTE DES ABREVIATIONS 1

SOMMAIRE 1

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE Ó IDENTIFICATION DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO 9

CHAPITRE I : LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE EXCLUSIF DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO : UN PRINCIPE LEGAL 10

SECTION I : PRESENTATION ET FONDEMENTS DE LA COMPETENCE 10

Paragraphe 1 : Présentation organique et fonctionnelle 11

A)- Présentation organique : composition et désignation des juges de la Chambre administrative 11

1- La composition 11

2- Les modes de désignation des magistrats de la Chambre ? Nomination du Président de la Chambre et affectation des juges 13

B)- Une formation dotée de plusieurs compétences 14

1- La connaissance exclusive du recours pour excès de pouvoir 14

2- La connaissance des autres recours en tant que juge de cassation 17

Paragraphe 2 : Les fondements de la compétence exclusive dévolue au juge administratif suprême 19

A)- Les fondements historiques : la connaissance exclusive du recours pour excès de pourvoir, un legs du Conseil d'Etat français 19

1- Le Conseil d'Etat, juge de l'excès de pouvoir avant l'indépendance 19

2- Le transfert de compétence à l'indépendance entre le Conseil d'Etat et la Chambre

Administrative 21

B)- Fondement légal et applications jurisprudentielles 22

1- Une consécration pérenne faite par le législateur 22

2- Les applications jurisprudentielles 23

SECTION II : L'OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF SUPREME EN MATIERE D'EXCES DE POUVOIR 25

Paragraphe 1 : Les règles procédurales devant le juge de l'excès de pouvoir 25

A)- Les conditions de recevabilité du recours 26

1-Les conditions relatives à la nature de l'acte et à la qualité du requérant 26

a- La nature de l'acte attaqué devant le juge de l'excès de pouvoir 26

b- La qualité du requérant 27

2-Les conditions relatives aux délais et aux formes dans lesquelles le recours doit être introduit 28

a- Les délais de recours 28

b- Les formes dans lesquelles le recours doit être introduit 29

B)- Les moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge administratif suprême 30

1- Les illégalités externes : incompétence et vice de forme 30

a- L'incompétence 30

b- Le vice de forme 31

2- Les illégalités internes : le détournement de pouvoir et la violation de la loi 32

a- Le détournement de pouvoir 32

b- La violation de la loi 34

Paragraphe 2 : L'étendue et les limites des pouvoirs du juge administratif suprême en matière d'excès de pouvoir 35

A)- L'étendue des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir 35

1-Le pouvoir d'ordonner un sursis à exécution 35

2- Le pouvoir d'annulation avec effet erga omnes 38

B)- Les limites aux pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir 40

1- L'absence d'un pouvoir d'injonction et de reformation 40

2- Les actes de gouvernement et le pouvoir discrétionnaire de l'administration : deux cas limitant les pouvoirs du juge 41

a- Les actes de gouvernement 41

b- Le pouvoir discrétionnaire de l'administration 43

CHAPITRE II : LES JUGES DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION A LA LOI 44

SECTION I : LA COUR CONSTITUTIONNELLE, JUGE EXCEPTIONNEL DE L'EXCES DE POUVOIR 44

Paragraphe 1 : Le juge constitutionnel et l'annulation des actes non conformes à la constitution : le contrôle de constitutionnalité des actes administratifs 45

A)- Le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs au Gabon et au Benin 45

1- Les fondements de ce contentieux en Droit gabonais et béninois 46

2- Les applications jurisprudentielles 47

B)- Le modèle congolais du contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs 48

1- Les jalons d'un contentieux de la constitutionnalité des actes administratifs posés par le Préambule de la Constitution du 15 mars 1992 48

2- L'option d'un rôle indirect dans l'annulation des actes ? l'exception d'inconstitutionnalité 49

Paragraphe 2 : Le juge électoral et l'annulation des actes se rapportant aux élections 51

A)- La compétence exceptionnelle dans l'annulation des actes se rapportant à l'élection du Président de la République 52

1- Un mimétisme issu du modèle français 52

2- La transposition dans le système congolais : l'article 146 al.2 de la Constitution et la Délibération du 28 avril 2009 relative à la régularité de l'élection du Président de la

République 53

B)- L'annulation des actes se rattachant à l'élection législative et sénatoriale 54

1- Le principe « juge de l'action est juge de l'exception » 55

2- L'application jurisprudentielle : l'arrêt n° 09/GCS-2006 de la C.S. Adm. 27 juillet 2006, Joseph Kignoumbi et André Milongo 56

SECTION II : LA CHAMBRE JUDICIAIRE DE LA C.E.M.A.C, JUGE COMMUNAUTAIRE DE L'EXCES DE POUVOIR 57

Paragraphe 1 : L'intégration du Droit communautaire dans le système juridique Congolais 57

A)- L'application directe et immédiate des textes de la C.E.M.A.C dans l'ordonnancement juridique Congolais 58

1- Le principe d'application directe 58

2- Le principe d'application immédiate 58

B)- La soumission des actes administratifs aux textes communautaires 59

1- La primauté des normes communautaires sur les actes administratifs des Etats membres : « le communautaire tient l'interne en l'état » 60

2- La non-conformité de l'acte administratif : une atteinte à l'ordre public

Communautaire 60

Paragraphe 2: L'annulation des actes administratifs non conformes par le juge

C.E.M.A.C 61

A)-Fondements de la compétence et mode de saisine du juge C.E.M.A.C dans l'annulation des actes administratifs 61

1- Les fondements de la compétence 61

2- La saisine du juge C.E.M.A.C 62

B)- La quasi absence des applications jurisprudentielles et les raisons de cette rareté 62

1-La quasi inexistence d'une jurisprudence portant sur l'annulation des actes administratifs par le juge C.E.M.A.C 63

2- Les raisons de l'absence des applications jurisprudentielles 64

DEUXIEME PARTIE Ó LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU CONTENTIEUX DE L'EXCES DE POUVOIR AU CONGO ET LES SUGGESTIONS POSSIBLES 66

CHAPITRE I : LES DIFFICULTES DANS LA CONNAISSANCE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR AU CONGO 67

SECTION I : DIFFICULTES TYPIQUES A LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME, JUGE NATUREL DE L'EXCES DE POUVOIR 67

Paragraphe 1: Une formation composée des juges non spécialisés évoluant dans un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir 67

A)- Une formation composée de juges au profil judiciaire qui ne connaissent de l'excès de pouvoir qu'en fin de carrière 68

1- Des juges essentiellement judiciaires dépourvus d'une véritable

formation spécialisée 68

2- Des juges qui ne connaissent de ce contentieux qu'en fin de carrière 71

B)- Le système juridictionnel congolais, un système mal adapté au recours pour excès de pouvoir 72

1- Un système répudiant les principes fondateurs du recours pour excès de pouvoir 72

2- Un système influencé par un mimétisme dans la connaissance du recours pour excès de pouvoir 74

Paragraphe 2: Un juge travaillant dans des conditions précaires et en proie à la concurrence des organes non juridictionnels 76

A)- La lenteur et la précarité des conditions de travail du juge 77

1- La lenteur dans le traitement des dossiers : le juge de l'excès de pouvoir et la question du délai raisonnable 77

2- Un juge travaillant dans des conditions précaires 78

B)- Un juge concurrencé par des organes non juridictionnels de règlement des litiges administratifs 79

1- L'émergence des organes non juridictionnels de règlement des litiges administratifs 79

a- Le règlement par l'administration elle-même : le recours administratif 79

b- Le recours à une autorité administrative indépendante : le Médiateur

de la République 80

2- Les évaluations dans le rendement du juge de l'excès de pouvoir 80

SECTION II : DIFFICULTES AYANT TRAIT AU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR PAR DEROGATION 85

Paragraphe 1 : Les restrictions au champ d'intervention du juge constitutionnel en matière d'excès de pouvoir 85

A)- La forte tendance d'une absorbtion du recours pour excès de pouvoir par le contentieux électoral 86

1- L'imbrication du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux électoral 86

2- L'absence d'une théorie des actes détachables dans le contentieux électoral 87

B)- Un juge cantonné dans les fonctions classiques 88

1- Juge de la constitutionnalité et de l'élection, un rôle dépassé 88

2- Un juge aux potentialités encore inexploités 89

Paragraphe 2 : Les difficultés endogènes et exogènes au juge communautaire 90

A)- Controverses dans la repartitions des compétences et contrariétés entre les normes communautaires et les impératifs internes 90

1- Les controverses dans la repartition des compétences au sein de la Cour de justice C.E.M.A.C 90

2- Les contrariétés entre les normes communautaires et les impératifs de souveraineté nationale 92

B)- Un juge inconnu tant des administrés que des autorités administratives congolaises 92

1- La méconnaissance du juge C.E.M.A.C par les administrés 93

2- Un juge ignoré par les autorités administratives 93

CHAPITRE II : LES SUGGESTIONS POSSIBLES EN VUE D'UN RENFORCEMENT DES POTENTIELS DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR 95

SECTION I : RENFORCEMENT DES POTENTIALITES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN VUE DE L'EXERCICE D'UN RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR EFFICACE 95

Paragraphe 1: Le transfert de la connaissance des actes des autorités locales aux juridictions inférieures 96

A)- Le double degré de juridiction dans l'annulation des actes des autorités locales ? une inspiration du modèle marocain 97

1- L'exemple marocain 97

2- Application dans le système congolais ? fonctionnement des tribunaux administratifs et renforcement des Chambres administratives au sein des Cours d'appel 98

B)- La Cour suprême, juge de cassation des actes des autorités locales et la nécessité d'un amendement des règles procédurales 99

1- La Chambre administrative de la Cour Suprême, juge de cassation du contentieux de l'annulation des actes locaux 100

2- Reformes et aménagements des règles procédurales en matière du contentieux de l'annulation 100

Paragraphe 2: L'institution d'un véritable juge administratif plus tatillon dans la connaissance de l'excès de pouvoir 101

A)- Un juge taillé à la mesure de l'administration congolaise 101

1- Une formation plus spécialisée en matière administrative 101

2- La nécessité de recycler les magistrats dans le domaine administratif 102

B)- Un juge doté de pouvoirs plus étendus et d'une indépendance face à une administration aux prérogatives sans cesse croissantes 103

1- Renforcement des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir 103

2- L'indépendance du juge de l'excès de pouvoirs dans la connaissance

de ce contentieux 105

SECTION II : LES AMENAGEMENTS DANS LA REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES AUTRES JURIDICTIONS EN MATIERE D'EXCES

DE POUVOIR 106

Paragraphe 1: La révision des compétences du juge constitutionnel dans le domaine de l'annulation des actes administratifs 107

A)- La redistribution des compétences entre le juge administratif et le juge électoral dans l'annulation des actes se rapportant aux différentes élections 107

1- Le tribunal de grande instance et l'annulation des actes se rapportant aux élections locales 107

2- Récupération du contentieux de l'annulation des actes se rapportant aux élections par le juge administratif Ó la théorie des actes détachables 108

B)- La restitution au juge constitutionnel du pouvoir d'annuler les actes administratifs contraires à la constitution 109

1- La restauration de la compétence du juge constitutionnel dans l'annulation des actes administratifs contraires à la constitution 110

2- Un juge plus actif dans la protection des droits et libertés fondamentaux 110

Paragraphe 2: La repartition équilibrée des compétences entre le juge communautaire et le juge administratif national dans le domaine de l'annulation des actes administratifs 111

A)- La mise en place d'un système à deux vitesses dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire 112

1- Le juge administratif compétent en premier et dernier ressort dans l'annulation des actes administratifs contraires au droit communautaire 112

2- La Cour de justice C.E.M.A.C, juge de cassation des décisions rendues par la Cour suprême en matière d'annulation des actes contraires au droit communautaire 112

B)- Les conditions concourant à l'institution d'un système d'annulation

à double vitesse 113

1- La nécessité de la modification des textes relatifs à la compétence du juge communautaire 113

2- La nécessité d'une étroite collaboration entre le juge administratif et le juge communautaire 114

CONCLUSION 116

BIBLIOGRAPHIE 120

TABLE DE MATIERES 120

ANNEXES 120

* 1 DELVOLVE (P), Le Droit Administratif 3eme éd Dalloz 2002 p.103

* 2 MOUKOKO (S.R), Le plein contentieux des installations classées, Thèse de Doctorat en science juridique, Université Paul Verlaine 24 juin 2009 p.103

* 3 ILOKI (A), Le recours pour excès de pouvoir au Congo, 1ère édition L'Harmattan 2002 p.17

* 4 BRETON (J.M), Recueil commenté de la jurisprudence administrative de la C.S. en R.P du Congo (1962-1984), Imprimerie nationale p.5

* 5 BOKEL (A), Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration en Afrique noire francophone éd. P.D.A. Dakar 1999 p.3

* 6 MOUDOUDOU (P), Droit administrative congolais éd. L'Harmattan, 2003 p. 11

* 7 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Le juge constitutionnel, juge administrative au Benin et au Gabon, éd. Revue Administrative, 2003 p.5

* 8 MOUDOUDOU (P) op. cit p.12

* 9 BADO (L), Le contrôle juridictionnel de l'administration dans les Etats du conseil de l'entente, Thèse de Doctorat en Droit public, Bordeaux 13 octobre 1981 p.71

* 10 ILOKI (A), op cit p.7

* 11 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 12 BRETON (J.M), op cit p.70

* 13 RUHANA MARINDI (W), Le contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire de l'administration par le juge congolais (R.D.C), Thèse de Doctorat en Droit public, Université libre catholique de Louvain Belgique 2001 p.59

* 14 Dictionnaire juridique en ligne (Dacodoc.com) Ó se dit d'un pouvoir reconnu au juge de créer des règles de droit par sa jurisprudence ou, d'énoncer des règles générales et spéciales dont la portée juridique s'impose aux sujets de droit.

* 15 PACTEAU (B), La jurisprudence, une chance du Droit administrative in la revue administrative, éd. Puf 1999 p.78

* 16 C.E 26 novembre 1875, Pariset G.A.J.A 16e éd. Dalloz 2007 p.28

* 17 C.E 17 février 1950, Ministere de l'agriculture c/ Dame Lamotte G.A.J.A op cit p.416

* 18 C.E 11 mai 2004, Association AC G.A.J.A op cit p.906

* 19 PACTEAU (B) op cit p.82

* 20 TIDJANI BA (A), Droit du contentieux administrative Burkinabé, éd.col. Précis de Droit Burkinabé p.2

* 21 MOUDOUDOU (P), op cit p.79

* 22 Cour constitutionnelle Délibération 001/DEL/CC/09 du 28 avril 2009 art.3

* 23 Préambule de la Constitution congolaise du 15 mars 1992

* 24 Convention du 5 avril 1996 relative à la Cour de justice CEMAC art. 14 et suivants

* 25 KALUBA DIBWA (D), Du contentieux constitutionnel en R.D.Congo, contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle. Mémoire pour l'obtention du DEA en Droit. Université de Kinshasa 2010. P.58

* 26 Article 135 de la Constitution du 20 janvier 2002

* 27 Article 133 de la Constitution du 20 janvier 2002

* 28C.S. Adm 20 mai 1977, KAYOULOUD Paul Dédeth

* 29 PEREIRA (C.C), L'administration congolais, éd. Berger Levrault 1979 p.70

* 30 BRETON(J.M), Le Droit public congolais, édition. Economica 1987 p.497

* 31 MOUDOUDOU (P), op cit p.85

* 32 KAMONGO (A), Le juge constitutionnel, artisan de la démocratie en Afrique, Lomé 2005 p.10

* 33 SAMBOKO (G.R.), Les compétences des juridictions suprêmes en Afrique noire in Rec. Administratif n.21, 1998

* 34 BRETON (J.M), op cit p.134

* 35 BRETON (J.M), op cit p.50

* 36 T.C 16 juin 1923, Septfond G.A.J.A op. cit p.248

* 37BENABDALLAH (M.A), L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc, Université de Rabat-Souissi 2006 p.1à 3

* 38 BENABDALLAH (M.A), Justice administrative et dualité de juridiction, Revue juridique politique et économique du Maroc n.27, p.6

* 39 C.E. Ass. 7 février 1947, D'Ailliêres G.A.J.A. op cit p.390

* 40 C.S. Adm. 17 décembre 1976 Maurice BAZE

* 41 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 42 RABELAIS (R), Pantagruel IVème livre (extrait de J. LATOUR) éd. Flammarion Paris 1985

* 43 BAYI (M), Les Conseils du contentieux administratifs de l'A.E.F, juge de Droit commun du contentieux administratif, Mémoire pour l'obtention du diplôme de l'E.N.A.M, Brazzaville 1983 p.26

* 44 BAYI (M), op cit p.69

* 45 Idem, p.70

* 46 MOUDOUDOU (P), Tendances du D.A dans les Etats d'Afrique noire francophone. Annales U.M.G P.15

* 47 BOKEL (A), Le juge de l'administration en Afrique noire francophone. Dakar 1971 p.55

* 48 BOUMAKANI (B), Cours de Contentieux administrative (Maitrise Droit public) 2007-2008, p.66

* 49 C.S. Adm, 26 juillet 1962, M'BARGA in La jurisprudence administrative de la CS (R.P. du Congo) 1962?1984 Brazzaville 1986 p.1

* 50 C.S. Adm 29 mai 1963, N'DIAY MAMADOU, op cit p.5

* 51 C.S. Adm 20 mai 1977, KAYOULOU, op cit p.47

* 52MADJIGUENE (D), La contribution du Conseil d'Etat sénégalais à la construction de l'Etat de droit in la Revue administrative (centenaire du Conseil d'Etat français) Paris 1999, puf. p.81

* 53 PACTEAU (B), La jurisprudence, une chance du droit administratif. Op. cit p71

* 54 CE. 8 mars 1912, LAFAGE. G.A.J.A op cit p.145

* 55 ILOKI (A), op cit p.74

* 56C.S. Adm 13 avril 2000, BONDONGO Gilbert et autres

* 57 C.S. Adm 29 mai 1963 N'DAYE. Dans cette espèce, le juge s'est déclaré incompétent pour connaître d'un acte émanant d'une autorité française.

* 58 C.S. Adm, 10 février 2005, OSSENI RAIMATOU in Bulletin de diffusion de la C.S p.57

* 59C.S. Adm 14 avril 2005, Confédération Africaine des travailleurs croyants

* 60 C.S. Adm , 17 mai 1974, Sometima

* 61 C.S. Adm,22 septembre 1984, Bouboutou M'bemba.

* 62 C.S. Adm 17 mai 1974, Sometima

* 63 C.S. Adm 17 décembre 1976, Baze Maurice

* 64BRETON (J.M) op cit p.513

* 65 BOUMAKANI (B), op cit p.72

* 66BOUMAKANI (B), op cit p.73

* 67 C.E. Ass. 19 octobre 1962, Sieur BROCAS, Recueil du C.E p.553

* 68 C.E. 5 juin 1981, Société Incimer op cit p.244

* 69 BOUMAKANI (B), op cit p.75

* 70C.E. 26 novembre 1875, PARISET, G.A.J.A op cit p29

* 71 MILLO (J.R), Les actes de l'administration soumis au contrôle du juge. P.36

* 72 ILOKI (A), op cit p.7

* 73 C.E 14 mars 1937, D'Rault. Rec. Lebon 1991 p.253

* 74 C.E 23 juillet 1909, Fabrègue. Rec. Lebon op cit p.358

* 75 C.S. Adm. 22 octobre 1971, N'ZONZA René in Rec. de la jurisprudence administrative de la C.S 1962-1984, Imprimerie nationale Brazzaville p.21 et 22

* 76 C.E. Ass. 14 mai 1954, Sieur De Pischof, in Sirey de 1984 p.352

* 77 BANZOUZI (P), Sujets traités au baccalauréat de philosophie, Brazzaville, 1995 à 2005 p.58

* 78 TIDJANI BA (A), Droit du contentieux administratif Burkinabé. Collection Précis de Droit Burkinabé p.3

* 79 C.E. Ass. 2 mars 1980, Christian Huglo et autres in Rec. Lebon p.231

* 80 BOUMAKANI (B), op cit p.71

* 81 BOUMAKANI (B), op.cit p.71

* 82 C.S. Adm 17 décembre 1976

* 83 CS. Adm.26 avril 1965, Koffi AMEGA in Rec. commenté de la jurisprudence administrative de la CS (R.P du Congo) 1962?1984 Imprérie Nationale Brazzaville 1986 p.13

* 84 CS. Adm. 13 juillet 2001, Lascony

* 85 DE LAUBADERE (A), Traité de contentieux administratif ed. LGDJ, p. 58

* 86 C.E 14 juillet 1916, Camino G.A.J.A. op cit

* 87 C.S. Adm, 22 décembre 1971, NZONZA René op cit

* 88 BAILLEUL (D), L'efficacité comparée des REP et RPC objectif en Droit public français, L.G.D.J, Paris 1999 p.25

* 89C.S. Adm 20 mai 1977, KAYOULOUD

* 90 idem

* 91 C.E. 19 février 1875, Prince NAPOLEON in G.A.J.A op cit p.16

* 92 CE 19 février 1875 Prince NAPOLEON

* 93 C.E. Ass, 2 mars 1962, Rubin Servens GAJA op. cit p.555

* 94 Idem

* 95 GABOU (A), Le juge contrôleur de la légalité administrative au Congo, in RJPIC 1983 p.699

* 96 SANDRAN (C), Droit administratif (Mémentos Thémis) éd. Puf 1993 p.99

* 97 MOUBANGAT MOUKONZI (A.D), L E juge congolais face au pouvoir discrétionnaire de l'administration. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M (filière Magistrature) Brazzaville 1988 p.58

* 98 CE 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint Just GAJA op.cit p.67

* 99 BOKEL (A), Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l'administration dans les pays en voie de développement d'Afrique francophone, Dakar 1996 p.2

* 100 LANDER (F), L'Etat et l'intégration communautaire, in Rev. de la diplomatie européenne p.27

* 101 OULD BOUBOUT (A.S), Le juge constitutionnel face aux enjeux de la démocratie dans les pays arabes p.4

* 102 FAVOREU (L), Les cahiers du Conseil constitutionnel, RFD novembre 1997, p.5

* 103 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Le juge constitutionnel, juge administratif au Benin et au Gabon éd. Rév.Adm.de Droit public 2003 p.15

* 104 Article 73 de l'Acte fondamental du 24 octobre 1997

* 105 ILOKI (A) op cit p.7

* 106 ILOKI (A) idem

* 107 Compte rendue du 15ème Colloque des Hautes juridictions administratives. Montréal janvier 2009 p.11

* 108 CE 14 novembre 1936, Arrighi Rec. p.25

* 109Article 110 de la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant loi électorale

* 110 C.C. Délibération n.001/DEL/CC/09 du 28 avril 2009 relative à la régularité de l'élection du Psdt de la Rép.

* 111C.S. Adm. 27 juillet 2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO

* 112 LAMOUROUX (S), Actes préparatoires aux élections Présidentielles Ó dernier acte, Univ. De Bordeaux 2001, p.2

* 113 Conseil Constitutionnel. DC, 11 juin 1981, Delmas, Rec., p.39

* 114 C.E. Ass, 12 mars 1993, Union nationale écologiste et Parti pour défense des animaux, rec. Lebon p.67

* 115Idem

* 116 C.C. DC. du 8 juin 1995, BAYEURTE, A.J.D.A., 1995 p.517

* 117 C.C. DC. du 20 septembre 2001, HAUCHEMAILLE et MARINI, A.J.D.A., 2001 p.854

* 118 C.C. DC. du 14 mars 2001, Stéphane HAUCHEMAILLE, A.J.D.A., 2001, p.964

* 119 Cour constitutionnelle, délibération du 29 avril 2009 op cit

* 120C.S. Adm. 27 juillet 2006, Jean KIGNOUMBI et André MILONGO.

* 121VENEZIA (J.C) et GAUDEMET (Y), Traité de Droit Administratif Tome 1, 15ème ed. LGDJ p.571

* 122 Arrêt n° 09/GCS-2006 C.S. Adm 27 juillet 2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO

* 123 BAILLEUL (D), op cit p.56

* 124 DEBBASCH (C), Contentieux Administratif Dalloz 1989 p.224

* 125 MINET (A), Exposé, la distinction entre REP et RPJ in Séminaire de Droit administratif, Univ. Paris II p.4

* 126 SAWADOGO (F), Le juge national et le Droit communautaire, in Col. de Ouagadougou 24 au 26 juin 2003 p.5

* 127 MOUANGUE KOBILA (J), Rapport entre la CJ.CEMAC et CCJA de l'OHADA, Univ. de Douala 2005 p.18

* 128 Idem.

* 129 SAWADOGO (F.M), p.21

* 130 CHAMEGUEU (G.M), Le contrôle des activités de la CEMAC. Mémoire pour l'obtention du DEA. Université de Douala 2008. P.22

* 131 CHAMEGUEU (G.M), Le contrôle juridictionnel des activités de la CEMAC, mémoire pour l'obtention du DEA, Université de Douala, Cameroun 2008 p.84

* 132 Idem p.45

* 133Tout sur le Droit Communautaire (web. Site www. Dacodoc. Com)

* 134MOUDOUDOU (P), op cit p.187

* 135 C.J CEMAC Ch.jud. 15 avril 2001, Calmine Bourguiba.

* 136C.E. 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op cit p.644

* 137 CE 22 décembre 1978, Ministre de la justice c/ Cohn-Bendit G.A.J.A op cit

* 138 Idem

* 139MOUDOUDOU (P), op cit p.81 et 82

* 140 C.S. Avis n.31 du 15 septembre 1998, Traité CEMAC

* 141 MOUDOUDOU (P) , op cit p.82

* 142BAILLEUL (D) op cit p.1

* 143 RIVERO (J), Extrait du Huron au palais royal ou réflexions naïves sur REP, Dalloz 1962, p.37

* 144 MOUDOUDOU (P), Le Droit Administratif Congolais. L'Harmattan 2003 p.79

* 145 Idem p.11

* 146 BENOIT (F.P), Juridiction judiciaire et juridiction administrative, JPC I, 1964 n.1838 p.154

* 147 De CHABANOL, Le juge administratif, LGDJ, 1993. P.27

* 148 BENOI (F.P) op cit p.24

* 149 ILOKI (A), op cit p.8

* 150 MOUDOUDOU (P), op cit p.84

* 151 Article 8 al.2 de loi n.16/99 du 15 avril 1999 portant institution du CSM in Rec des textes p.671

* 152 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 153 FERRETI (R), Cour de Droit Administratif (Maitrise de Droit public), Univ de Metz 2004-2005

* 154 T.C. 8 février 1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1

* 155 idem

* 156 BOUMAKANI (B), op cit p.70

* 157FERRETI (F), op cit p.55

* 158 Voir en ce sens le mémoire de BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif dans le système juridictionnel congolais, Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M filière Magistrature, Brazzaville 2010 p.15

* 159 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 160 idem

* 161 idem

* 162 BOKEL (A), op cit p.25

* 163C.E. 26 décembre 1925, Rodière G.A.J.A op cit p.261

* 164 C.S. Adm 26 juillet 1962, M'barga

* 165 C.E. 11 mai 2004, Association AC! G.A.J.A op cit p.906

* 166C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud

* 167 Jurisclasseur n.052 mars 1999. P.12

* 168BOUMAKANI (B), op cit p.5

* 169BIDJANG (N), Les administrations dans les Etats au sud du Sahara, Douala 2002 p.25

* 170 MOUDOUDOU (P), Tendances du Droit Administratif dans les pays d'Afrique noire francophone. Annales de l'Univ M.N'GOUABI 2009 p.16

* 171BOUMAKANI (B), op cit p.5

* 172 ILOKI (A), La place du Droit et de la justice dans l'Administration p.9

* 173 idem

* 174 ILOKI (A), op cit p.7

* 175 ILOKI (A), op cit p.7

* 176 BENABDALLAH (M.A), L'évolution du recours pour excès de pouvoir au Maroc, Annales de 2006 p.2

* 177 C.S. Adm 27 juillet 2006 op cit

* 178 Idem

* 179C.S. Adm 27 juillet 2006, Joseph KIGNOUMBI et André MILONGO

* 180 KAMONGO (A), Le Conseil d'Etat, juge ainé des juridictions administratives dans les Etats d'Afrique noire francophone 1996, p.18

* 181 C.E. 4 août 1904, Martin G.A.J.A op cit p.94

* 182KALUBA DIBWA (D), Du contentieux constitutionnel en RDC, contribution à l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle. Mémoire pour l'obtention du DEA. Université de Kinshasa 2010 p.45

* 183MBEMBA (G.F), Cours de Droit Communautaire, 2ème année Magistrature E.N.A.M 2010-2011 p.37

* 184 Cour de justice de la Communauté Européenne (CJCE), 5 février 1963 Van Gend and Loos

* 185 MBEMBA (G.F), op cit p.37

* 186 BENABDALLAH (M.A), op cit p.22

* 187 LOKO (I), Protection des Droits et des Magistrats au CongoÓ Pathologie d'une justice exsangue, in col. De Yaoundé sur les Droits de l'homme en Afrique Central.1994

* 188 BOUMAKANI (B), op cit p.84

* 189 BENABDALLAH (M.A), Dix ans des Tribunaux administratifs au Maroc (1994-2004), p.6

* 190 idem

* 191 BENONTADIDI (L.E), Le contentieux administratif dans le système juridique congolais. Mémoire pour l'obtention du Diplôme de l'E.N.A.M (filière magistrature) Brazzaville 2010 p.82

* 192ILOKI (A), op cit p.7

* 193 LAFERRIERE (E), Extrait de la distinction des recours contentieux in Dacodoc (Web site http// www.Dacodoc.com)

* 194GAUDEMET (Y), Le juge administratif, futur administrateur? In Colloque du 40ème anniversaire des Tribunaux administratifs.

* 195 C.S. Adm 20 mai 1977, Kayouloud

* 196 CHAPUS (R), Droit du contentieux administratif 9ème éd. Montchrestien 2001 p.216

* 197LABETOUL (D), Conférence sur l'impact de la loi du 8 février 1995 dans le D.A en France

* 198CE. 25 juin 2001, Sté à objectifs sportifs « Toulouse football club »

* 199CE. 11 mai 2004, Association AC! G.A.J.A op. cit p.906

* 200AUBY (J.M) et DRAGO (R), Traité des recours en matière administrative

* 201PACTEAU (B), op cit p.81

* 202ILOKI (A), op cit p.7

* 203BOKEL (A), op cit p.25

* 204 BOKEL (A) , op cit p.15

* 205CE.Ass. 22 décembre 1978, Cohn-Bendit , GAJA op cit

* 206 DELVOLVE (P), Le Droit administratif 3è éd. Dalloz 2002 p.3

* 207 T.C 8 février 1873, Blanco G.A.J.A op cit p.1

* 208 DELVOLVE (P), Idem p.5

* 209 MOUDOUDOU (P), op cit p.12

* 210RIVERO (J), Le Huron au palais royal, ou réflexions naïves sur le REP extrait Chroniques Dalloz 1962, p.37

* 211 HAURIOU (M), Notes de commentaire sur l'arrêt du CE 29 novembre 1912, Bossuge. Sirey 1914 p.33

* 212 JEZE (G), Rapport à l'institut international de droit public. Annuaire 1929, p.180

* 213 Conf. L'exemple du Maroc décrit par M.A.BENABDALLAH in l'évolution du REP au Maroc.

* 214 C'est en 1962 que Jean RIVERO a écrit le célèbre article intitulé Ó « Le Huron au Palais?Royal ou réflexions naïves sur le REP ».

* 215 RIVERO (J), Le Huron au Palais?Royal ou réflexions naïves sur la REP. Extrait Dalloz 1962 p.37

* 216 Idem

* 217 Idem

* 218 BAILLEUL (D), L'efficacité comparée des REP et de RPC objectif en Droit public français. Ed. L.G.D.J 2002 p.1






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld