Section
II : Construction de la démarche
Toute méthode, affirme Albarello (1998), doit
être fonction de la recherche, du type de résultats
escomptés, et de l'analyse que l'on souhaite.
Il s'agit donc pour nous, d'expliquer comment nous avons
procédé pour cerner notre sujet d'étude, les techniques
dont nous avons eu recours, ainsi que les approches disciplinaires. En d'autres
termes, il s'agira d'envisager cette partie en deux mouvements. Le premier,
sera consacré aux techniques de collectes de données. Le second,
par contre, insistera sur les méthodes mobilisées pour l'analyse
des faits, des informations et des données d'une part, et d'autre part,
pour la conduite générale de la recherche.
Paragraphe 1 : Techniques de collectes des
données
Les techniques sont des moyens d'aborder les problèmes,
lorsque ceux-ci sont précisés (Grawitz, 2001 :353). Dans le
cadre de ce travail, nous avons exploité les sources documentaires,
l'enquête sur le terrain par l'entretien semi-directif et l'observation
participante.
A- Les sources documentaires
Pour ce qui est des sources documentaires, nous avons
utilisé les ouvrages généraux, spécialisés,
les articles et les archives publiques et privées.
Cette technique est particulière, parce que le
chercheur n'exerce aucun contrôle sur la façon dont les documents
ont été établis, celui-ci, doit alors sélectionner
ce qui l'intéresse, interpréter ou comparer des matériaux
pour les rendre utilisables (Grawitz, 2001 :573). Les ouvrages
généraux nous ont permis d'avoir la matière
théorique pour une meilleure saisine de notre sujet, notamment par
l'emploi de nombreux concepts que nous avons mobilisés tout au long de
notre travail. Les ouvrages spécialisés par contre, nous ont
permis tant sur le pouvoir traditionnel que sur la société
traditionnelle Béti, d'avoir des connaissances pratiques, d'une part,
sur le monde de la Chefferie traditionnelle à travers des
expériences observées dans les communautés
étudiées, et d'autre part, appréhender le monde culturel
Béti ; ce qui nous a permis de dégager quelques nuances
existant au sein des pahouins.
Les documents officiels et privés ont été
également mobilisés. Il était donc logique de consulter la
Loi Fondamentale du 18/01/1996 ; les textes et lois organisant
l'Administration Territoriale au Cameroun ; les rapports
généraux sur les élections présidentielles de 2004
et 2011 commis respectivement par l'Observatoire National des Elections (ONEL)
et Elections Cameroun (ELECAM) ; les textes organisant la Chefferie
traditionnelle au Cameroun. Tous Ces documents, nous ont permis
d'évaluer la dynamique évolutive institutionnelle au Cameroun et
de saisir l'impact de celle -ci, sur la Chefferie traditionnelle. Les documents
privés, comme ceux d'Ekoan Mvog Amougou et de l'ACTRAN, nous ont
permis de voir l'action des Elites et Chefs traditionnels dans la
reconstruction de l'identité culturelle BENE. La diligence de
certaines Majestés comme Mbala Zangana Benjamin Chef de groupement BENE
Nord Est, Ondoua Menyié Paul Aimé Chef de groupement BENE Sud Est
et Sa Majesté Oyono Owono Joseph Chef de 3e degré
d'Awäe, qui nous ont donné libre accès à leur
documentation, ce qui nous a allégé la tâche dans cette
entreprise de collecte des données.
L'analyse documentaire nous a beaucoup édifié
sur notre objet d'étude, dans la mesure où elle nous a fourni
les informations difficiles à recueillir sur le terrain. Mais elle reste
particulièrement insuffisante en anthropologie politique, qui demande
que le chercheur soit immergé dans la société qu'il
étudie. D'où l'importance de l'enquête de terrain et de
l'observation participante.
B- Les techniques vivantes
L'enquête est une procédure dont le but est de
collecter des données sur le terrain (Alpe, 2005 : 80). Dans ce
travail, nous avons opté pour l'enquête par entretien,
semi-directif, où l'enquêteur oriente par des relances le discours
du sujet, pour qu'il aborde un certain nombre de points définis à
l'avance dans le protocole de recherche (Alpe, 2005 : 81). Notre travail
porte sur toutes les Chefferies de l'Arrondissement de Nkol-Metet, mais nous
avons principalement effectué nos enquêtes dans les Chefferies
suivantes : la Chefferie de groupement BENE-Nord-Est sis à
Metet-Centre dit Mbama Metet; la Chefferie de groupement BENE -Sud -Est
sis à Nkol-Ekabili ; les Chefferies de 3e degré
de Metet-Centre ; d'Awäe ; d' Obout; de Ngoantet II, Nkolya
III ; Efoulan ; Oveng ; Yembäe ; Nkol-Ekabili ;
Soa si...Ces Chefferies ici sont mises en exergue, parce que nous y avons
séjourné à plusieurs reprises et intensifié dans
celles-ci, notre recherche. Dans ces Chefferies, nous avons interrogé
les Chefs traditionnels, leurs représentants notables des lieux,
certaines élites et responsables des associations, afin de mieux cerner
les contours de leurs interactions dans celles-ci. Nous avons également
interrogé les Autorités Administratives telles que le Sous
-Préfet de Nkol-Metet, Madame Lombo Sylvie Chantal et le Commandant de
Brigade de la Gendarmerie de Nkol-Metet, Adjudant Chef, Agodi Patrice. Pour
avoir une lecture du `'bas'', nous avons interrogé les personnes selon
le genre et l'ethnie. Dans ce registre, les motocyclistes ont constitué
la principale source d'informations. Ces enquêtes nous ont permis de
constater que les Chefs traditionnels de Nkol-Metet sont les principaux
initiateurs des projets Communautaires à Nkol-Metet. S'agissant de
l'action des Elites et de certaines associations, celle-ci n'est pas encore
totalement satisfaisante au regard du caractère embryonnaire de leurs
actions qui augurent néanmoins les lendemains meilleurs. En tant
qu'originaire de cette localité, nous avons été
informé par l'observation participante, qui est étroitement
liée à notre quasi permanente présence à
Nkol-Metet. Ce travail, s'est aussi concrétisé grâce aux
méthodes d'analyses qu'il convient maintenant de présenter.
Paragraphe 2 :
Méthodes d'analyses
La méthode est constituée de l'ensemble des
opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontre et les vérifie (Grawitz, 2001 :351). Pour parvenir
aux réalités que nous poursuivons, nous avons essentiellement
mobilisé l'interactionnisme à travers une double posture :
une posture symbolique et une posture pragmatico-stratégique.
L'interactionnisme, est une méthode
qui a été introduite par les sociologues de l'Ecole de Chicago,
et en particulier par Robert Ezra Park et Ernest Burgness. Ces sociologues se
sont inspirés du sens que donnent à ce terme les physiciens.
Cette méthode se donne pour objectif de mettre en avant les
`'rôles'', les `'relations'', les `'choix'', les aspirations des acteurs
(Badie / Birbaum/ Braud, 2001 : 142- 143). Trois interactionnistes
ont su porter le flambeau de cette méthode. D'abord, Talcott Parsons
mobilisera cette méthode dans le sillage de l'interaction sociale comme
le processus social général, qui constitue le fondement de la
cohésion sociale. Ensuite Howard Becker qui s'inscrit dans la
même optique que Talcott. Pour lui, les individus peuvent s'engager dans
les interactions intenses sans jamais se rencontrer physiquement. De plus, les
interactions se produisent aussi entre groupes et organisations. (Alpe et al,
2005 :134). Enfin, Erving Goffman, quant à lui, viendra
systématiser l'interactionnisme symbolique élaboré par
Georges Mead, Herbert Blumer (Abderrahim, 2000 ; Grawitz, 2001 :137).
Selon Goffman, par interaction, on entend à peu
près l'influence réciproque que les partenaires exercent sur
leurs actions respectives lorsqu'ils sont en présence physique
immédiate les uns et les autres. (Alpe et al, 2005 :134). A la
différence de Talcott Parsons et Howard Becker, Erving Goffman met au
centre de son interactionnisme la `'relation sociale'' il affirme à cet
effet : « Le monde en vérité est une
cérémonie ».En d'autres termes, les acteurs y exposent
leur personnage, qu'ils veulent crédible en utilisant les ficelles de la
dramatisation, mystification, idéalisation, les représentations
frauduleuses. Autant de techniques pour ne pas perdre la face. Ainsi dit, il se
dégage de l'interactionnisme une posture symbolique. L'interactionnisme
politique sera également mobilisé dans ce travail.
En effet, l'interaction politique en tant que grille
d'analyse permet de comprendre et de vérifier quel type de relation
relie diverses unités sociales et structure les rapports que les
unités entretiennent (Jacques Lagroye cité par
Nuembissi Kom, 2007 :24). C'est ainsi que les métaphores du
« jeu » et de « marché »
permettent de rendre compte des rapports de pouvoir et les relations entre
agents dans une perspective relationnelle et dans des systèmes
d'interaction. Cette démarche cherche à expliquer pourquoi telle
unité sociale participe à l'interaction, ses
intérêts à « entrer dans le jeu », les
comportements qu'elles parviennent à imposer et les ressources dont
elles disposentdans la compétition. La perspective interactionniste
combine ainsi analyse des contraintes et stratégies des acteurs,
pesanteurs structurelles, et dynamiques individuelles ou collectives (Olivier
de Sardan, 1995 : 40).
Cette méthode nous permettra ainsi d'analyser
l'ensemble des interactions entre les Chefs traditionnels, les élites et
d'autres forces politiques sur la sphère cheffale Bene de Nkol-Metet et
autour du pouvoir local qui constitue ici l'enjeu principal. Elle permettra par
ailleurs de prendre en compte les rapports de force et les
phénomènes d'inégalités, l'accent étant mis
ici comme le relève Olivier de Sardan (1995 : 40) « sur
les ressources des acteurs sociaux « d'en bas » et
leur marge de manoeuvre ». Elle nous permettra également de
déterminer et de comprendre les relations de coopération, de
domination, de concurrence et d'antagonisme des intérêts qui
s'établissent entre les acteurs sociaux dans l'arène politique de
Nkol-Metet.
Bailey Frédérick (1971), inscrit
également ces travaux dans le sillage de l'interactionnisme politique,
mieux de l'interactionnisme pragmatico-stratégique qu'il a
élaboré dans son ouvrage intitulé, « les
règles du jeu politique ». En effet, pour Bailey,
l'interactionnisme est mobilisé pour examiner les situations de conflit
au sein des arènes de développement en situant l'observation
à l'interface entre société locale et les actions de
développement. Ainsi dit, il devient possible d'identifier les
élites émergentes, mieux, de déterminer le leadership
politique qu'il configure dans la notion `'d'équipe politique'' (voir
aussi Frédérick Sawicki, 2003 :71-88). En d'autres termes,
l'interactionnisme dans la posture de Bailey nous permettra d'étayer
l'affrontement des groupes stratégiques pour le contrôle des
Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet. A travers la notion de code
normatif, nous verrons comment les acteurs sociaux se servent des normes pour
se positionner dans l'arène de la Chefferie traditionnelle à
Nkol-Metet. Enfin, la mobilisation de la notion du code opérationnel,
nous permettra davantage d'élucider les ressorts pragmatiques et
stratégiques des forces politiques de Nkol-Metet pour la reviviscence
des Chefferies traditionnelles.
Nous souscrivons dans ce travail à ces deux approches
qui nous permettront de dégager l'influence réciproque que les
différents protagonistes de la réviviscence (Chefs traditionnels,
élites et responsables d'associations) de la Chefferie à
Nkol-Metet exercent sur leurs actions respectives.C'est ainsi, que nous serons
amenés à mettre en exergue les rapports entre les Chefs de
groupements et les Chefs de 3e degré ; entre Chefs
Traditionnels et les Elites /Associations politiques et non apolitiques.
Bref, l'interactionnisme nous permettra de mieux évaluer les coûts
et bénéfices que tirent les acteurs de la reviviscence et les
populations de Nkol-Metet de ces différentes interactions.
Paragraphe 3 : Les articulations de
l'étude
Ce travail est bâti autour de deux parties. La
première partie, intitulée :Les ressorts normatifs
et affectifs de la Chefferie traditionnelle Bene de Nkol-Metet à
l'ère de la libéralisation politique. Cette partie nous
permettra d'évaluer l'ordonnancement juridique de la Chefferie
traditionnelle au Cameroun, mieux, il nous permettra d'analyser le niveau
d'institutionnalisation des Chefferies traditionnelles au Cameroun. Toutefois,
il sera opportun d'expliciter le répertoire coutumier comme étant
un substrat très déterminant pour une meilleure saisine de la
Chefferie traditionnelle Bene à Nkol-Metet. C'est ainsi que pour mieux
décrypter cet état de choses, nous avons subdivisé cette
partie en deux chapitres. Le premier chapitre intitulé :
Les ressorts normatifs de la Chefferie traditionnelle Bene de
Nkol-Metet à l'ère de la libéralisation
politique; le deuxième chapitre est intitulé :
Les ressorts affectifs de laChefferie traditionnelle Bene de Nkol-Metet
à l'ère de la libéralisation politique. La
deuxième partie intitulée : Les ressorts
pragmatiquesde laChefferie traditionnelle Bene de Nkol-Metet à
l'ère de la libéralisation politique, a pour objectif
d'analyser l'activisme sociopolitique et socioéconomique des Chefs
traditionnels, des élites, des forces politiques autour des Chefferies
traditionnelles à Nkol-Metet comme des gages leur permettant soit de
s'assurer un rayonnement politique ; soit alors de conforter leurs
assisses politiques. Pour ce faire, deux chapitres meublent cette partie. Le
premier chapitre de cette deuxième partie est
intitulé : Les ressorts stratégiques delaChefferie
traditionnelle Bene de Nkol-Metet à l'ère de la
libéralisation politique; enfin, le deuxième chapitre de
cette partie est intitulé :Les ressorts pragmatiques de la
Chefferie traditionnelle Bene à Nkol-Metet à l'ère de la
libéralisation politique.
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