La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet( Télécharger le fichier original )par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009 |
Paragraphe 2 : la Chefferie traditionnelle comme niveau des pouvoirs dans les jeux de la décentralisationL'arrivée de Joseph Ndi Samba comme Maire de la Commune de Nkol-Metet en 2007 a eu un double impact. Le premier impact, concerne les missions régaliennes de la Mairie qui ont transformé l'Arrondissement deNkol-Metet en un véritable chantier118(*). Le second impact, qui fait l'objet de notre attention, est l'implication grandissante des Chefs Traditionnels de Nkol-Metet dans le processus de la décentralisation. Cette sollicitation des Chefs Traditionnels dans ce processus peut-être analysé à deux niveaux : le premier niveau, est lié au fait que Joseph Ndi Samba est l'un des pro défendeurs des traditions BENE,119(*) le second niveau d'analyse, résulte d'une conséquence logique, dans la mesure où, pour élaborer une politique efficace et efficiente de la décentralisation, les Chefs Traditionnels sont mieux placés pour fournir les informations adéquates au regard de leur proximité avec les populations locales. La présente section est organisée autour de deux paragraphes : le premier paragraphe consiste à mettre en exergue l'enrôlement des Chefs Traditionnels dans le processus de la décentralisation àNkol-Metet. Le deuxième paragraphe, quant à lui, analyse l'action des Chefs Traditionnels dans la mise en scène de la décentralisation dans les villages deNkol-Metet. A- Enrôlement des Chefs traditionnels de par la Mairie Nous analyserons, dans le cadre de ce paragraphe, le rôle consultatif des Chefs traditionnels dans le processus de la décentralisation à travers leur participation lors des Conseils Municipaux et lors de la survenue de certains événements conjoncturels comme les séminaires d'imprégnation sur la décentralisation et des fléaux sociaux comme l'inceste et la sorcellerie. 1- Assistance des Chefs traditionnels lors des conseils municipaux De 2007 à 2012, les Chefs Traditionnels ont participé à quatre conseils municipaux (1 conseil ordinaire, et 3 conseils extraordinaires). S'agissant des Conseils Municipaux ordinaires, les Chefs Traditionnels n'ont pris part qu'à un seul. Ce qui n'enlève en rien l'importance de leur présence significative à cette instance plénière. En effet, le Conseil Municipal de Juin 2010 avait parmi ses points à l'ordre du jour, le développement de l'habitat dans les villages de Nkol-Metet, en promouvant la construction des bâtiments avec les briques120(*) de terre qui sont très économiques pour les ménages à revenus limités. C'est ainsi que pour passer à l'acte, le Conseil Municipal deNkol-Metet dota à chaque Chefferie un moule de briques de terre pour encourager les constructions à l'aide de ce matériel, ce qui correspond à un total de trente deux (32) moules de briques de terre. L'usage de ces moules est gratuit pour toute personne les sollicitant dans le village, pour une durée maximum de deux (02) mois. Le conseiller municipal de chaque village respectif, est chargé de veiller au bon usage de cet appareil, et est sommé de rendre compte de l'emploi dudit matériel lors des sessions ordinaires du Conseil Municipal. A défaut des personnes sollicitant ces moules, la Mairie a incité les Chefs à créer des fabriques de briques de terres dans leur Chefferie respective. S'agissant des Conseils Municipaux extraordinaires, les Chefs Traditionnels ont été sollicités à trois reprises au cours de l'année 2011. Mais cette fois- ci leur convocation émane du partenariat PNDP-Mairie qui s'est réunis pendant trois trimestres qui correspondaient aux trois phases121(*) du Plan de Développement Communautaire (PDC), qui s'est achevé le 26 novembre 2011. Le PDC deNkol-Metet ne pouvait se faire sans l'intervention des Chefs Traditionnels qui devaient fournir à leur municipalité les besoins réels des populations qui sont sous leur autorité, afin de solutionner spécifiquement leurs attentes. Il ressort de cette action la fourniture d'une dizaine de puits d'eau potable à motricité humaine, estimée à plus de quatre vingt millions de francs Cfa, et l'extension du réseau électrique122(*) dans l'ensemble des villages deNkol-Metet, étant encore dépourvue de courant électrique, cette activité a été estimée a plus de cinq cents millions de francs Cfa. Tout ceci pour le bien-être des populations. Les Chefs Traditionnels dans cet exercice ont su recenser de manière optimale les besoins les plus indispensables de leur population123(*). 2- Sollicitations des Chefs lors de la survenue des événements conjoncturels En dehors des séminaires d'imprégnation sur le processus de la décentralisation, qui sont constamment organisés par la Mairie de Nkol-Metet et animés par les organismes comme le PNDP. Au mois de Juin 2010, Joseph Ndi Samba a interpellé le Chef de groupement BENE Nord Est, Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin, afin d'estomper l'inceste qui se développe de plus en plus dans l'ethnie BENE Mvog Amougou. Au cours de la même année, cette fois -ci dans un cadre plus global, ensemble avec les Chefs Traditionnels, ils ont essayé de trouver une solution pour se débarrasser d'une panthère sorcière124(*) àNkol-Metet qui tuaient caprins, moutons, porcs et volaille, et causait une véritable entrave pour l'élevage dans cette localité. On ne sait comment, à l'issue de cette rencontre, la panthère a disparu, certainement les Chefs ont su relayer cette information aux `'sorciers''du village. Du reste, on se rend compte qu'àNkol-Metet la décentralisation informelle traditionnelle, a précédé la décentralisation formelle. C'est pourquoi, les Chefs Traditionnels de Nkol-Metet ont su s'adapter à ce nouveau processus. B- Les Chefs traditionnels metteurs en scène du processus de la décentralisation dans les Chefferies de Nkol-Metet Quand on regarde les orientations qu'entrevoit l'article 55 de la loi n°96/06 du 18/01/1996, pour les collectivités territoriales décentralisées dans les missions de promotion du développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités, on se rend compte que ces missions à Nkol-Metet trouvent leur centre d'impulsion au niveau de la Chefferie traditionnelle. La présente section sera bâtie autour de deux points. Le premier point analyse la catalyse du processus de la décentralisation par les Chefs Traditionnels de Nkol-Metet. Le deuxième point quant à lui, analyse leur rôle dans le relais des informations aux populations. 1. Catalyse du processus de la décentralisation à Nkol-MetetDans le cadre de ce chapitre, nous avons vu le rôle déterminant joué par les Chefs Traditionnels à travers les associations de la Chefferie traditionnelle. On a par exemple vu le rôle de Nkul Mbiba Nga Mballa à Obout dans la promotion économique d'Obout, de l'ASFRADO à Oveng pour le développement éducatif et sanitaire... Au demeurant, l'association la plus illustre en termes d'impulsion du développement local au niveau de la Chefferie traditionnelle, est l'ACTRAN (Association des Chefs Traditionnels de l'Arrondissement deNkol-Metet). L'action de l'ACTRAN a des répercussions positives, car c'est à partir d'elle que beaucoup de Chefs Traditionnels BENE de Nkol-Metet se sont inscrits comme les acteurs du développement local125(*), en initiant des projets communautaires. En dehors de son action directe sur les Chefs Traditionnels à travers ses différentes réunions, l'ACTRAN incite les élites à les soutenir dans leurs actions, en les aidants à booster le développement en zones rurales. L'ACTRAN est également un cadre réflexif où les Chefs Traditionnels s'informent et se forment sur leurs rôles vis-à-vis de l'autorité administrative d'une part, et leurs administrés d'autre part. Mais aussi, sur les rôles qu'ils doivent jouer dans le processus de la décentralisation (Bassemeg, 2000 : 21). * 118 De 1996 à 2007, la Mairie de Nkol-Metet n'avait pas des locaux propres. Avec l'arrivée de Ndi Samba comme Maire, la Mairie fut construite. Le MaireNdi Samba a également construit les locaux de la Gendarmerie de Nkol-Metet, le Poste des Eaux et Forêts devenus les services provisoires de la Sous Préfecture deNkol-Metet. Il construit une antenne de sa radio et une maison de micro finance, il a réaménagé les locaux du marché d'Obout, créé un marché à Ndick... * 119 Ndi Samba est l'un des derniers remparts et patriarche de la tradition BENE. Dans sa chaîne de télévision privée, Radio Télévision Lumière, il consacre plusieurs émissions promouvant et valorisant la culture BENE. * 120 La Mairie de Nkol-Metet a été bâtie principalement à l'aide des briques de terre. * 121 La première phase ayant donné lieu à la tenue de la première session extraordinaire correspond à la phase de lancement et d'imprégnation des Chefs sur le PDC ; la deuxième phase correspondait à la validation des attentes des populations, la troisième phase consistait à octroyer les financements pour la réalisation des projets validés. * 122 Les principaux villages ayant bénéficié de l'électrification sont Ebomsi I, Oveng, Soa si, Endégué, Mengueme Bane, Bizock, Mbega, Nkoltombo. * 123 Les routes sont également prévues. Les financements sont déjà disponibles. Cependant la Mairie n'a pas encore trouvé des prestataires sérieux. Sources : Secrétaire particulier du Maire Joseph Ndi Samba entretien du 10/02/2012 à la Mairie deNkol-Metet. * 124 Cette panthère ne dévorait que les organes internes des bêtes moribondes, poumons foies, intestins. * 125 Parmi les Chefs de Nkol-Metet, il y'a certains qui ne cessent de tarir d'éloges sur les bienfaits de L'ACTRAN dans l'initiative des projets communautaires dans leur village. On peut citer ici, leurs Majestés Mva Kouma Emmanuel de Bikoko, de Bala Ndi Christian d'Oveng. |
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