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La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet

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par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG
Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009
  

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Section 2 : Les Chefferies Bene comme arène et marché politique

Les Chefferies traditionnelles Bene de Nkol-Metet à l'ère de la libéralisation politique, sont devenues des cadres d'expression de l'offre et de la demande. Dans le cas d'espèce, l'offre renvoie à des stratégies mises sur pied par des forces politiques présentes dans les Chefferies traditionnelles pour leur donner une certaine vitalité. La demande par contre, fait référence au soutien apporté par les bénéficiaires des actions pour le développement local à leurs mécènes. Autrement dit, les Chefferies se présentent comme les espaces où se pratiquent les dons et les contre dons (voir Marcel Mauss, 1924) ; ce qui revient à dire que les actions posées par les promoteurs du développement local dans les Chefferies de Nkol-Metet participent davantage à `'sauver la face''.

La marchandisation des Chefferies traditionnelles à l'ère de la libéralisation politique sied bien avec le processus de la décentralisation, qui fait un point d'honneur au développement local. La Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation administrative au Cameroun le renchérit en son article 2 alinéa 2 en stipulant :

«  La décentralisation constitue l'axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne gouvernance au niveau local ».

Dans le même sillage Yves Poulin affirme :

« la décentralisation accroîtrait la compétition entre gouvernements locaux et encouragerait de ce fait l'innovation » (Yves Poulin, 2004 :3).

A Nkol-Metet, cela se fait ressentir dans les Chefferies par la multiplicité des projets communautaires orchestrés et impulsés par les forces politiques toutes obédiences confondues.

Il nous échoit, dans cette section d'examiner les Chefferies traditionnelles Bene comme arène pour le contrôle du développement local et aussi évaluer la Chefferie traditionnelle comme un niveau des pouvoirs dans les jeux de la décentralisation.

Paragraphe 1 : Les Chefferies comme arène de compétition pour le contrôle du développement local

Les Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet, sont relativement en pleines mues depuis l'implémentation de la décentralisation, qui exige la prise des initiatives pour le développement local. En d'autres termes, les Chefs traditionnels sont de plus en plus les promoteurs du développement local. Dans cette noble tâche, d'autres acteurs comme les élites, les associations apolitiques et politiques leur apportent un soutien absolument nécessaire, dans l'optique de revigorer la Chefferie traditionnelle dans cette aire culturelle.

Le présent paragraphe, qui a pour objectif d'étayer la dynamique compétitive des Chefferies comme arène pour le contrôle du développement local à Nkol-Metet, sera évalué à travers deux points cardinaux. Le premier point, consiste à analyser l'impact de l'association des Chefs traditionnels de Nkol-Metet (ACTRAN) comme un cadre théorico- pragmatique du développement local des Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet ; le deuxième point, consistera à analyser l'implication responsable des Chefs traditionnels pour le développement local.

A- L'ACTRAN : un catalyseur théorico-pragmatique du développement local des Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet

L'ACTRAN est une association créée en 1998 par Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé. Au-delà de ses missions régaliennes qui sont l'information et la formation des Chefs traditionnels, la promotion du développement économique, et la revalorisation de la tradition. L'ACTRAN est d'abord avant tout un espace de dialogue et de rencontre des Chefs traditionnels de Nkol-Metet. Cette association est reconnue comme légitime par tous les Chefs traditionnels de Nkol-Metet, dans mesure où ces derniers sont tous des adhérents ; en d'autres termes, cette association compte trente trois (33) Chefs traditionnels117(*). C'est fort de ce regroupement des Chefs traditionnels que Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé considère l'ACTRAN comme la véritable Chefferie de groupement à Nkol-Metet.il affirme que :

« Loin d'être prétentieux, avant l'avènement des Chefferies de groupement à Nkol-Metet, j'étais déjà dans la peau d'un Chef de groupement ».

Il convient cependant de relever que l'adhésion massive des Chefs traditionnels à ce mouvement  a plutôt des enjeux économiques. En effet, dans l'ACTRAN, les pratiques telles que les tontines, les prêts d'argent, le secours en cas d'événements heureux ou malheureux, obligent, loin s'en faut, l'adhésion des Chefs traditionnels. Ainsi dit, l'ACTRAN se présente comme un foyer de la mobilisation collective, mieux, de l'incitation à l'action collective. Et au regard des rivalités entre certains Chefs de ce mouvement, cette mobilisation à l'action collective peut être interprétée selon Mancur Olson(1966) qui affirme :

«  Qu'un individu ne s'engage spontanément dans l'action collective qu'à condition d'y trouver un avantagepropre ».(Mancur Olson cité par Braud, 2008:397).

Même si l'adhésion massive des Chefs traditionnels dans l'ACTRAN peut être analysée sous le prisme du mimétisme ou l'intérêt individuel, elle oblige néanmoins ceux-ci à surseoir quelque peu à leurs clivages, pour redonner du poil de la bête à leur pouvoir et à leurs Chefferies respectives.

B- Implication responsable des Chefs traditionnels pour développement local

Le développement local est devenu l'une des priorités majeures des Chefs traditionnels de Nkol-Metet et ceux-ci sont encouragés par l'ACTRAN. Certains Chefs traditionnels se sont activés pour requinquer leur Chefferie traditionnelle. Nous l'avons davantage observé dans les Chefferies où les élites étaient très peu nombreuses ou désorganisées. Dans le présent point, nous ferons référence à deux Chefferies de 3e degré qui ont été relativement revigorés par l'engagement ostentatoire de leur Chef traditionnel. Dans le cas d'espèce, nous analyserons autant que faire se peut, le rôle de la Chefferie d'Awäe pour le développement local et aussi la Chefferie de Bikoko et la relance de l'association Renaissance de Bikoko.

1- La Chefferie d'Awäe au service du développement local

Le présent point est organisé autour de trois articulations : l'exemplarité de Sa Majesté Oyono Owono Joseph, son activisme communautaire au service du développement local à Awäe et enfin le développement du service sanitaire.

1-1- Exemplarité de Sa Majesté Oyono Owono Joseph

Après 27ans de carrière comme Ingénieur Agronome (1967-1994 nous reviendrons dans le prochain chapitre sur sa biographie), Sa Majesté Oyono Owono Joseph, une fois rentré au village de façon définitive, va se consacrer pleinement à l'agriculture. Son implication dans cette activité est également motivée par l'ACTRAN, qui invite les Chefs traditionnels à sortir de leur pauvreté ambiante en les exhortant à pratiquer entre autre chose l'agriculture. C'est donc fort de ces objectifs, que Sa Majesté Oyono Owono Joseph va créer deux plantations agricoles depuis 1997. La première plantation est une cacaoyère, qui couvre une superficie de quatre hectares. La seconde, est une palmeraie d'une superficie d'un hectare. Ainsi, hors mis sa pension de retraité, Sa Majesté, nous fait savoir que les ventes des produits de ses exploitations lui ont permis de prendre soin de sa trentaine d'enfants, et surtout, lui ont permis de bâtir sa maison de retraite. C'est au regard d'une telle réussite personnelle comme dans le `'mythe de la caverne de Platon'' que Sa Majesté Oyono Owono Joseph, va impulser les activités communautaires à Awäe.

1-2 - L'activisme communautaire au service du développement personnel et local à Awäe

A Awäe, le secteur le plus florissant en termes de développement local et économique est le secteur agricole. Ce village est l'un des greniers de la commercialisation des vivres à Nkol-Metet. Dans ce village, on trouve de très grands cultivateurs de macabo, de patates et de bananes plantains qui s'assemblent de plus en plus en groupes d'initiatives communes (GIC). Ce faisant, à Awäe, un seul GIC bénéficie du soutien réel du Chef Oyono Owono Joseph qui est le conseiller dudit groupe. Ce GIC se dénomme, Sangoula mot ane ngul a monyan. L'on peut traduire la dénomination de ce GIC en langue française : `'l'union fait la force''. Ce GIC a opté pour la culture de rente du palmier à huile. La plantation de ce GIC, couvre une superficie de 10 hectares et son président est Amougou Mfomo Jean, lui aussi Ingénieur des Postes et Télécommunications retraité.

Ce GIC a donné naissance à une tontine. Celle-ci a pour vocation de discipliner la gestion des ressources financières obtenues de la vente de l'huile de palme, et surtout favoriser l'essor personnel des individus. C'est ainsi, que tous les membres de ce GIC sont ex officio, de cette tontine. Cette tontine a un caractère obligatoire pour les membres du GIC et limite de ce fait, le désir de dilapidation de l'argent obtenu de leur dur labeur dans les débits de boisson. A côté de cette vie agricole, la bonne collaboration de Sa Majesté Oyono Owono Joseph, avec les élites de son village a permis de donner une plus-value au domaine scolaire et sanitaire dans le Village d' Awäe.

1-3- Le développement du secteur scolaire et sanitaire à Awäe

A Awäe, les bonnes relations élites- Chef traditionnel ont permis d'améliorer le secteur scolaire et sanitaire dans ce village. Jusqu'en 2009, les écoliers ayant fraîchement obtenus leurs certificats d'études primaires (CEP), étaient contraints de faire leurs études secondaires soit au lycée d'Efoulan- Metet par Nkol-Metet soit alors au lycée de Zoétélé. Ceci est devenu un lointain souvenir, car l'école s'est rapprochée d'eux depuis 2010, Awäe bénéficie d'un collège d'enseignement général (CES). Sur le plan de l'éducation de base, depuis 2000 Awäe a une école maternelle qui, en 2011, s'est vue doter de nouveaux bâtiments. Enfin, sur le plan sanitaire, Awäe possède désormais un dispensaire depuis 2011, pour la santé de ses populations et celles des villages voisins.

Il en ressort qu'à Awäe, l'agriculture est le levier principal dont s'est servi Sa Majesté Oyono Owono Joseph pour actionner le développement local dans sa Chefferie. C'est à l'aide de ce même levier que Sa Majesté Mva Kouma Emmanuel s'est servi à Bikoko, mais cette fois-ci à une ampleur très réduite.

2- La Chefferie de Bikoko et la relance de l'association `' Renaissance de Bikoko''

Bikoko est l'un des trois villages Yembäe de l'Arrondissement de Nkol-Metet, qui fait partie de la Chefferie de groupement BENE- Sud- Est. Il est situé à cinq kilomètres à l'Est de Nkol-Metet. Mva Kouma Emmanuel est l'actuel Chef de ce village et il est en effet, le troisième dudit village depuis sa création. Il succéda à son père Sa Majesté Kouma Mva Louis, qui succéda lui-même à Owono Joseph, premier Chef de Bikoko. Du temps de sa Majesté Kouma Mva Louis, sera créée une association en 1973, dénommée `'Confiance deBikoko''. A cette époque, Ngono Mina était la Présidente, et avait pour Secrétaire Général Sa Majesté Kouma Mva Louis. Ladite association axait ses activités principalement dans l'agriculture notamment, dans les cultures du manioc et du macabo ; et dans le petit commerce à travers la vente du pétrole et de l'essence. Cette association, au regard du vieillissement de ses membres et de la mort de certains, a connu une forte décrépitude. Avec le rajeunissement de la population de Bikoko et l'intronisation de Sa Majesté Mva Kouma Emmanuel, confiance de Bikoko, sera rebaptisée en 2005, `'Renaissance de Bikoko''. Dans le cadre de ce paragraphe, nous éluciderons le leitmotiv de la résurrection de `'Renaissance de Bikoko'' avant d'en dégager l'impact de ladite association dans la Chefferie de Bikoko.

2-1- Le leitmotiv de Renaissance de Bikoko

Lors de notre entretien du 16/08/2011 avec Sa Majesté Mva KoumaEmmanuel à Bikoko, ce dernier a dégagé la quintessence du retour de l'association Renaissance de Bikoko en ces termes :

«  Chez nous à Bikoko, nous sommes considérablement dépourvus d'élites importantes ; or, notre village ne doit pas être à la remorque d'autres ou de se complaire dans sa petitesse. Ainsi, bien que peu nombreux, nous avons relancé les activités de notreassociation, qui jusqu'alors commençait à battre de l'aile ; c'est pourquoi, nous l'avons rebaptiséRenaissance de Bikoko. Nous voulons nous servir d'elle pour faire émerger notre village ».

C'est au regard d'une telle ambition que les membres de ladite association se sont mis en action. Depuis son retour en 2005, cette association a déjà connu trois présidentes de 2005 à 2008 Mballa Evelyne ; de 2008 à 2011  Nteme Orchelle ; et actuellement son nouveau Président depuis 20 12 c'est Mbang Kouma Jeanne. Et depuis sa renaissance, Sa Majesté Mva KoumaEmmanuel occupe le poste de secrétaire général de ladite association.

Une fois ayant apporté un éclairci sur l'association Renaissance de Bikoko, il nous incombe d'analyser son impact sur sa sphère locale.

2-2- Impact de `'renaissance de Bikoko'' sur sa sphère locale

L'association dénommée Renaissance de Bikoko, est une association qui compte trente cinq membres (35), les trois quarts sont des femmes. Cette association, depuis sa renaissance se consacre essentiellement dans l'agriculture. Par exemple, en 2010, elle créera deux champs communautaires : un hectare de manioc et un demi-hectare de maïs. Les premières ventes des produits de ces champs leur ont donné 50.000 francs Cfa pour le manioc et 30.000 francs Cfa pour le maïs. Ces revenus ont été redistribués en partie aux différents membres et l'autre partie a servi de base de financement pour l'achat du pagne. En dehors du soutien que cette association apporte à ses différents membres, depuis 2005, malgré ses moyens modiques, Renaissance de Bikoko encourage les meilleurs élèves du village en leur octroyant quelques fournitures scolaires à chaque rentrée scolaire.

Depuis fin 2010, ladite association entend accroître ses espaces cultivables et est entrain d'étendre ses activités à l'élevage des poulets.

Au demeurant, il ressort de ces deux expériences que la reviviscence de la Chefferie amorcée est probante et a emprunté principalement les méandres de l'agriculture. Cette reviviscence dans ces deux cas, est bien orchestrée par ses Chefs traditionnels.

* 117Le nombre de Chefs traditionnels devrait être de 34. Compte tenu du cumul de fonctions de Chef de 3e degré et de Chef de groupement par Ondoua Menyié Paul Aimé, ce nombre est ramené à 33. On note également que l'adhésion de Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin à cette association a conduit à une restructuration dudit mouvement en faisant de lui le vice Président. Aussi, dès son entrée dans l'ACTRAN Sa Majesté Mbala Messi Manfred son principal opposant était sorti de cette association.

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