La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet( Télécharger le fichier original )par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009 |
Paragraphe 1 : Compétition pour la détermination des Chefs comme lutte de pouvoirLa libéralisation politique a relativement contribué au regain d'intérêts des Chefferies traditionnelles à Nkol-Metet, mieux, elle a libéré des énergies positives qui, de plus en plus, permettent de requinquer les Chefferies traditionnelles de ce terroir. Ce regain d'intérêts qui prend des allures philanthropiques, laisse transparaître en filigrane leurs ambitions personnelles. Aussi, à Nkol-Metet, les élites et d'autres forces politiques tissent des ficelles pour contrôler les Chefferies traditionnelles, mais le font généralement de façon latente. C'est cet état de choses, qui a souvent contribué à rendre âpre la désignation des Chefs traditionnels dans ce terroir. A- La main invisible de l'élite politico - administrative A Nkol-Metet, les élites politico-administratives et d'autres élites de Nkol-Metet par leurs investissements sociaux, ont un droit de regard sur la Chefferie traditionnelle de leur terroir. Même si ces dernières se tapissent dans l'ombre, leur spectre se fait ressentir ; dans la mesure où elles tiennent souvent les manettes organisationnelles des Chefferies. C'est dans cette optique qu'Owona Nguini86(*) considère les élites comme des individus ou des groupes d'individus qui possèdent des attributs ou des ressources éminentes leur permettant de dominer la scène sociale. Par exemple, à Nkol-Metet, d'après nos investigations, il appert que l'arrêté n°13/A/MINAT/DCT du 15 Janvier 1982, déterminant les Chefferies traditionnelles de 2e degré dans le Département du Nyong et So'o, Province87(*) du Centre-Sud, a eu du mal à être effectif à Nkol-Metet, parce que l'élite politico-administrative dominante88(*) de ce terroir n'était pas d'accord de la façon dont a été effectué le découpage des Chefferies de groupement à Nkol-Metet. S'agissant toujours, de ces Chefferies de groupement à Nkol-Metet, une fois annoncées leur effectivité dans la moitié de l'année 2004, il a fallu encore attendre quatre années pour finalement voir la concrétisation de celles-ci. En effet, il s'est constitué des groupes d'élites favorables à certains candidats de leurs préférences. Dans la Chefferie Bene-Nord-Est, cela a été plus manifeste. La configuration ethnographique de cette Chefferie dominée par les Mvog Amougou a vu émerger les tendances au sein même de ce groupe ethnique. Autrement dit, les principales élites politico-administratives ; politico religieuses ; politico économiques se sont divisées ; car chacune de ces tendances voulait faire triompher ses vues à travers le soutien d'un candidat89(*)déterminé. Au demeurant, cette lutte de positionnement des candidats par des élites sous des auspices latents a souvent rendu âpre la désignation des Chefs traditionnels à Nkol-Metet. B- De l'âpreté de la compétition pour la détermination des Chefs A Nkol-Metet, la classe élitaire influente trouve principalement ses ressorts au sein des élites politico-administratives, des élites traditionnelles, des élites religieuses et des élites militaires. En d'autres termes, c'est dans ces cercles élitaires que se définissent les activités socioéconomiques et sociopolitiques de ce terroir. C'est dans ce sillage, lorsqu'il faut désigner des Chefs traditionnels, que certaines élites pèsent souvent de leur poids à la fois politique et économique. Par exemple, dans la Chefferie de groupement Bene- Nord-Est, les candidatures de leurs Majestés Mbala Zangana Benjamin et Mbala Messi Manfred ont occasionné un schisme au sein de l'élite Mvog Amougou, car les deux sont des personnalités ressources. En effet, Mbala Messi Manfred et Mbala Zangana Benjamin 90(*)sont tous Mvog Amougou du village Metet-centre. Les deux jouissent d'une notoriété importante à Nkol-Metet, notamment au sein de la grande famille Mvog Amougou. Mbala Messi tirait surtout sa notoriété de sa légitimité traditionnelle, parce qu'il était d'abord Chef traditionnel de son village, et surtout était un homme très charismatique ; mais était un très mauvais diplomate91(*). Il a par ailleurs fait des études jusqu'au niveau de la licence à l'Université de Yaoundé, où il obtint une licence en Sciences Economiques et de gestion. Il est à Metet-Centre l'un des pionniers à avoir fait les études universitaires92(*).Il a été Directeur Commercial à la SEMRY (Société d'Expansion et de la Modernisation du Riz à Yagoua). Par contre, Mbala Zangana Benjamin jouit beaucoup plus d'une légitimité légale rationnelle ayant été Maire de Mbalmayo pendant seize ans, il a une bonne maîtrise de la sociologie du Département du Nyong et So'o. Leur candidature à la tête de la Chefferie de groupement a donc contraint pendant un bon moment l'élite Mvog Amougou, quelle soit économique, administrative, militaire, religieuse, ou traditionnelle à vivre dans un manichéisme forcé ; ceci s'explique par le fait que leur candidature aura contribué à éclipser celle des autres prétendants et a fait naître deux tendances. Cependant, faut-il le souligner, que ces clivages élitaires dans cette Chefferie connaissent quelques atténuations. Car, avec la création de l'association des ressortissants de l'ethnie Mvog Amougou dénommée Ekoan Mvog Amougou (EKMA), qui a pour but la défense et la promotion de l'identité Mvog Amougou, a fait revenir les uns et les autres à la raison ou à des meilleurs sentiments. Compte tenu de la particularité de la Chefferie Bene-Nord- Est, conduite par Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin, qui est quasiment constituée par le groupe ethnique Mvog Amougou. Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin se sert d'ailleurs d'elle, pour colmater les brèches des déchirures intervenues au sein des élites Mvog Amougou lors de la quête du trône de celle- ci. Ceci est d'autant plus pertinent que son statut de Chef de groupement lui octroie, à Nkol-Metet, le rang de la première personnalité traditionnelle Mvog Amougou. C'est à ce titre que depuis son accession au trône, il ne s'est plus tenu une réunion sans que l'ordre du jour ne prévoit le mot du Chef de groupement93(*). Ainsi dit, la reconnaissance de la préséance de Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin au sein de la famille Mvog Amougou atténue les clivages incessants et impertinents de son leadership. Pour lui, L'EKMA est : « Un espace médiatique, où l'on cultive la notion de Chef au sein des Mvog Amougou ».94(*) En définitive, quoique des élites dans la compétition pour la détermination des Chefs à Nkol-Metet feignent d'être manifestes, affichent plutôt des attitudes ostentatoires en matière de développement local. Ces élites inscrivent leurs actions soit dans des registres collectifs ; soit alors dans des registres individuels. Tableau 12 : Principales élites influentes à Nkol-Metet95(*)
Source : enquêtes * 86 Propos recueillis par le journal le jour en date du 27 juin 2009. * 87Au Cameroun, les Provinces ont été substituées par les Régions. De même, en 1984, un décret présidentiel éclatait la Province du Centre Sud en deux Provinces : la Province du Centre ayant pour capitale : Yaoundé et la Province du Sud ayant pour capitale : Ebolowa. Les Provinces devenues Régions, leurs capitales restent inchangées. * 88 Selon Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé, c'est l'ex Député et l'ex Secrétaire d'Etat Amougou Nguélé Paul qui était à l'origine de ce blocage. Amougou Nguélé jusqu'à sa mort au mois de juillet 2004 s'obstinait à la configuration actuelle des Chefferies de groupement ; il jugeait insuffisant le nombre de Chefferies de groupement à Nkol-Metet. Pour ce dernier il fallait à Nkol-Metet au-moins cinq Chefferies de groupement pour rendre efficace et efficient cet appareil Cheffal et a voulu peser de son poids politique pour faire triompher ses vues, mais hélas! La mort lui arracha la vie et cet arrêté fût appliqué tel quel en l'an 2008. (Source : entretien du 01/02/2012 avec Sa Majesté Ondoua Menyié Paul Aimé à Mbalmayo). Il faut également souligner qu'Amougou Nguélé Paul, était jusqu'à sa mort, le porte parole des originaires de Nkol-Metet et davantage des Mvog Amougou. * 89 Il faut noter ici que dans le cas d'espèce, qu'il n'y a pas eu d'unicité des clivages idéologiques Mvog Amougou ; dans la mesure où chaque candidat (voir candidats en lice chapitre précédent) avait ses adeptes dans chacune des tendances. La victoire dépendait donc de la capitalisation du plus grand nombre d'adeptes. * 90 Leurs Majestés Mbala Messi et Mbala Zangana Benjamin sont tous les deux petits fils de Mbala Zangana fils de Zambo Nsa et arrière petit fils de Mbala Messolo. * 91 Sa Majesté Mbala Messi Manfred avait souvent l'habitude de rabrouer les Autorités Administratives et parfois refusait de répondre à leurs convocations * 92 A Metet-Centre, les deux premières personnes à avoir fait les études universitaires sont, Mveng Owono Luc Bruno, qui sortinanti d'un doctorat ès lettres et est de la première promotion des docteurs de l'Université du Cameroun et Mbala Messi Manfred qui obtient une licence en sciences économiques et de gestion. * 93 Source : Mbarga Mengue, Secrétaire Général de L'EKMA entretien du 27/08/ 2011 à Metet- Centre. * 94 Source : Sa Majesté Mbala Zangana Benjamin, entretien du 07/04/ 2012 à Metet- centre. * 95 Nous n'occultons pas la présence d'autres élites, mais cependant, celles énumérées ici se démarquent par leurs investissements sociopolitiques et socioéconomiques qui ont un impact au-delà de leur village et qui s'étendent dans tout l'Arrondissement de Nkol-Metet. Aussi faut-il noter, que d'autres jeunes cadres commencent à poindre à l'horizon. Bientôt on parlera d'eux sans ambages. |
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