La chefferie traditionnelle Bene a l'ère de la libéralisation politique au Cameroun et de ses ressorts: le cas de l'arrondissement de Nkol-Metet( Télécharger le fichier original )par Sylvain Charles AMOUGOU MVENG Université Yaoundé II SOA - DEA Sciences politiques 2009 |
Paragraphe 1 : Genèse de la Chefferie traditionnelle Bene de Nkol-Metet entre communalisation et sociationLa cosmogonie Bene nous informe que Mbartsogo, qui est l'ancêtre des Bene de Nkol-Metet eût huit épouses63(*), qui lui donnèrent quatorze (14) fils. (Laburthe-Tolra, 1981 :147). C'est à partir d'eux que naîtront les principaux lignages de Nkol-Metet. On notera cependant des rivalités au sein de cette progéniture. Ces rivalités constituent en quelque sorte les origines lointaines de la Chefferie traditionnelle à Nkol-Metet. Le récit de Laburthe-Tolra est assez explicite à ce sujet. Cet ethnologue nous fait savoir que la première femme de Mbartsogo s'appelait Baana Wali, donna naissance à 4 garçons : Amugu Baana, Zang Mengunu, Mbarga Ba'ana, Evundu Ba'ana. Alors que les autres femmes ne purent engendrer qu'un ou deux garçons, si bien que lorsqu'il y avait des querelles entre enfants, Amugu et ses trois frères s'assemblaient et remportaient sur leurs frères. Mbartsogo appela son fils Essissima et lui ordonna de réunir ses autres frères pour contrecarrer l'action des fils de Baana (Laburthe-Tolra, 1981 : 148). Ainsi dit, c'est de la rivalité consanguine que se dégage l'organisation politico sociale des Bene de Nkol-Metet, qui a pris les allures de la communalisation et de la sociation. A- La Chefferie Traditionnelle Bene de Nkol-Metet et l'option de communalisation La communalisation a émergé principalement au sein du groupe ethnique Mvog Amougou. En effet, c'est le groupe ethnique majoritaire de par sa supériorité démographique et de par sa représentativité territoriale. Conscients de ses valeurs qui sont davantage enrichis par les logiques séculaires de rivalité au sein du lignage de Mbartsogo, on aboutit avant les années 50 à un regroupement des villages Mvog Amougou à un pôle du commandement traditionnel autour de Sa Majesté Samba Obono. Mais il faut aussi relever que c'est de la forte procréation de Mbala Messolo64(*), qui était fils d'Amougou Baana65(*), qui a véritablement permis d'établir à Nkol-Metet un véritable empire Mvog Amougou ; dans la mesure où les Mvog Amougou de Nkol-Metet sont essentiellement issus de sa postérité. Tableau 3:Configuration ethnique dans la Chefferie Mvog Amougou
Source : enquêtes. En effet, Samba Obono apparaît comme le tout premier Chef traditionnel67(*)Mvog Amougou. Ce dernier était originaire du village Mvog Amougou d'Ebomsi I ; ce qui fit de ce village, le siège des institutions du commandement traditionnel Mvog Amougou. Ainsi dit, près d'une quizaine de villages Mvog Amougouet assimilés s'acquittaient de leurs frais d'impôts auprès de cette Chefferie. Cette Chefferie va connaître une conjoncture obscure entraînant des malversations financières de Sa Majesté Samba Obono, qui aurait détourné l'argent de l'impôt et serait démis conséquemment de ses fonctions de Chef par l'Administration coloniale. Cette destitution occasionna des bouleversements notoires. D'abord, on assista à une mutation du siège de la Chefferie d'Ebomsi I au village Mvog Amougou de Metet-centre. Ensuite, le nouveau Chef, Sa Majesté Mbala Messolo Offele68(*), un militaire retraité, sera secondé dans ses tâches par son frère consanguin Owono Mbala David69(*), afin d'éviter à nouveau les exactions financières. Ceci étant, jusqu'à l'année de dislocation de cette grande Chefferie en micros Chefferies, au début des années 60, le siège de cette Chefferie demeura à Metet-Centre. Il appert aussi, que cette Chefferie s'est construite et consolidée autour de la grande famille Mvog Amougou, avec l'accointance des Yembäe ; des Elende ; des Kombé et les Mvog Ndi. Pourtant sa consoeur est foncièrement hétéroclite. B- La Chefferie Traditionnelle Bene de Nkol-Metet et l'option de sociation A côté de la densité ethno démographique Mvog Amougou, les autres groupes ethniques non Mvog Amougou de Nkol-Metet, s'étaient regroupés pour contrebalancer l'hégémonie Mvog Amougou. Dans le cas d'espèce, les Mvog Zambo ; les Mvog Nnomo ; les Mvog Essissima ; les Mvog Evundu ; les Mvog Evini, vont eux aussi se constituer à une unité de commandement traditionnel. Dans cette mosaïque ethnique , les Mvog Zambo constituent le groupe ethnique le plus dominant. C'est dans cette optique que le siège de cette Chefferie sera localisé à Awäe, l'un des villages Mvog Zambo de Nkol-Metet, et sera même surnommée Chefferie Mvog Zambo70(*). Cette Chefferie aura à sa tête Sa Majesté Zambo Abomo. Les missions de cette Chefferie sur le plan administratif ne diffèrent pas de la Chefferie précédente, dans la mesure où la collecte des impôts demeure sa tâche essentielle. Tableau 4:Configuration ethnique dans la Chefferie Mvog Zambo
Sources : enquêtes Cependant, l'hétérogénéité ethnique de cette Chefferie a favorisé une forte décentralisation du pouvoir du Chef. Cet aspect des choses a abouti à conforter l'assise politique de certains Notables (capitat), qui étaient devenus de véritables Chefs 71(*)de leur entités démographiques, et n'attendaient accessoirement que l'intervention de leur Chef. Au demeurant, la grande Chefferie Mvog Zambo, qui avait les ambitions de constituer un équilibre de pouvoir pour faire face à l'hégémonie Mvog Amougou, ne survivra pas elle aussi au lendemain de l'indépendance du Cameroun ; à cause de la nature des alliances de revers des différents groupes ethniques la constituant ; d'où son atomisation en micros Chefferies. En scrutant les Chefferies de Groupement nouvellement fonctionnelles dans l'Arrondissement de Nkol-Metet, on se rend compte que celles-ci ont des ressorts ataviques ; mieux, leur composition est quasi calquée sur la structure des deux Chefferies décrites ci-dessus. * 63Ces épouses sont : Baana ; Ekindi ; Melunu ; Nkoa ; Engodo ; Ndzuli ; Kwodo ; Enembe.(Laburthe-Tolra, 1981 :147). * 64MBALA Messolo était grand guerrier Bene, et petit-fils de MbarTsog ancêtre des Bene de Nkol-Metet. Il vécu de 1795 à 1845. Source : Laburthe-Tolra, 1981 : 153-155. * 65 Amougou Baana eût 19 fils parmi lesquels Mbala Messolo. Source : Laburthe-Tolra, 1981 : 150. * 66 Le village Metet- Centre est un grand village qui est subdivisé en quatre quartiers : Mbama, Nkong Mekak, Ngoantet Nkomfum et Oban Si. * 67 Avant cette période, ceux qui faisaient figures c'étaient des grands leaders charismatiques, qui avaient surtout un rôle de protection pour le groupe.C'est dans ce sillage que les BENE ont connu des leaders tels que Nnebodo, Kode Oloa, MbarTsogo, Mballa Messolo, Zambo Nsa, Mballa Zangana.. Cette première origine de la Chefferie peut être datée de 1700 à 1900. Autrement dit, chaque groupe ethnique ou chaque village à Nkol-Metet avait ses leaders charismatiques à cette période.( Voir Laburthe-Tolra,1981 : 143-157). * 68 D'un point de vue héréditaire, la Chefferie Mvog Amougou a muté de la descendance de Nguélé Nsa à la descendance de Zambo Nsa. Néanmoins il convient de rappeler que Zambo Nsa et Nguélé Nsa étaient tous des frères, fils de Mballa Messolo. * 69Selon le révérend docteur Mveng Luc, Owono David était le véritable Chef, car c'est lui qui s'occupait de l'administration quotidienne de la Chefferie, il prélevait l'impôt et allait le reverser auprès de l'Administration coloniale à Mbalmayo. Propos recueillis au cours de l'entretien avec le révérend docteur Mveng Luc, 75 ans patriarche Mvog-Amougou, premier prélat originaire du département du Nyong et So'o et de l'Arrondissement de Nkol-Metet, Le 10 juin 2011 à Nkolndongo-Yaoundé. * 70 Source : entretien réalisé avec Sa Majesté Oyono Owono Joseph, 72 ans le 04/06/2011 à la Chefferie de 3e degré d'Awae par Nkol-Metet. * 71 On peut citer ici :Atangana Ohanda Rudolph à Ngoantet ; à Bikoko, Owono Joseph ; à Nkol Ekabili, Ondoua Menyié. Ces derniers furent les tous premiers Chefs traditionnels de leur village respectif. Source : Amougou Jean 63 ans,représentant du Chef de Ngoantet II, entretien réalisé par nous le 16/07/2011. |
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