Le devoir de diligence du transporteur maritime de marchandises en droit CEMAC( Télécharger le fichier original )par OUSMANOU HADIDJATOU FSJP UNIVERSITE DE NGAOUNDERE - MASTER EN DROIT PRIVE GENERAL 2014 |
PARAGRAPHE II- LA CONSECRATION LEGALE DE LA DILIGENCE RAISONNABLELe législateur CEMAC après son mutisme s'évinçant de l'article 402 ancien sur le contenu de la diligence a fait siens les travaux doctrinaux voire prétoriens pour évacuer l'insécurité qui régnait. En 2012, il a pris position sur la question en penchant pour une diligence raisonnable. Il s'évince donc ainsi une consécration certes de la diligence comme diligence raisonnable, non pas simplement normale du bon père de famille (A), mais une diligence renforcée (B). A- UNE DILIGENCE NORMALE DE BON PÈRE DE FAMILLE L'article 525 du Code Révisé de la Marine Marchande dispose à ce propos : « Le transporteur est tenu avant, au début et pendant le voyage par mer d'exercer une diligence raisonnable pour : ü mettre et maintenir le navire en état de navigabilité ; ü convenablement armer, équiper et approvisionner le navire et le maintenir ainsi armé, équipé et approvisionné tout au long du voyage ; et approprier et mettre en bon état les cales et toutes les autres parties du navire où les marchandises sont transportées, ainsi que les conteneurs fournis par lui dans ou sur lesquels les marchandises sont transportées, et les maintenir appropriés et en bon état pour la réception, le transport et la conservation des marchandises ». La révision de 2012 n'a donc pas manqué le vide juridique sous-tendu par les précédentes observations. L'adjectif « raisonnable » est ajouté à la notion de diligence. Ce caractère raisonnable de la diligence demande s'agissant d'un standard juridique à être fixé par la jurisprudence. Il s'agit d'un travail déjà fait, le transporteur étant astreint à une diligence analysable comme celle d'un « bon père de famille ». Le transporteur doit donc se comporter à l'égard des marchandises comme un père à l'égard de ses enfants. L'expression pertinente est celle du « bon père de famille ». Le « bon père de famille » est selon l'heureuse expression de Serge GUINCHARD l'homme de vertu ordinaire, normalement avisé, soigneux, diligent, servant de référence abstraite pour apprécier si tel comportement a été fautif ou non, ou pour déterminer si la personne en charge des intérêts d'autrui ou détentrice d'un de ses biens a correctement rempli son obligation49(*). L'appréciation du comportement du « bon père de famille » est faite in abstracto en référence à la non prise en compte des aptitudes propres de l'individu concerné, uniquement par estimation de ce qui aurait été, dans les mêmes circonstances, le comportement d'une personne prudente et avisée50(*). En référence à ce qui vient d'être dit, le transporteur a nécessairement une obligation de soin dans ses activités. Cette obligation de soin et de diligence est renforcée par sa responsabilité de plein droit découlant de ses obligations de déplacement et de sécurité de résultat. Il doit mettre et maintenir son navire en état de navigabilité; l'armer et l'entretenir. C'est dire qu'au-delà de l'objectivation de sa responsabilité, il est tenu compte de son comportement dans la gestion de ses activités. Il ne faudrait néanmoins pas perdre de vue que le transporteur agissant comme un professionnel a en face de lui une partie faible, à savoir le chargeur.Il est donc nécessaire d'augmenter le standard d'appréciation. C'est ce qu'à fait la jurisprudence. B- UNE DILIGENCE RAISONNABLE NEANMOINS RENFORCEE La naissance et l'évolution du consumérisme d'abord aux États-Unis, ensuite en France ont déteint sur les pays d'Afrique noir francophone. Au Cameroun par exemple après une législation particulièrement lacunaire, le 21ème siècle se caractérise par une flopée de texte protégeant le consommateur et plus globalement la partie faible au rapport contractuel. C'est dans ce giron que devrait se loger la législation du transport qui crée un système de responsabilité impératif du transporteur afin de l'empêcher de déroger à certaines clauses et d'insérer les clauses abusives à l'image des « négligence clauses » anciennes. Bien qu'ayant estimé que la diligence du transporteur était une « diligence raisonnable », cette dernière devait se lire à l'aune de la jurisprudence particulièrement florissante sous d'autres cieux. Sans l'assimiler à « l'absolute diligence » des anglo-saxons, il était nécessaire de comprendre que cette obligation était celle attendu d'un professionnel, c'est-à-dire l'homme de l'art. Par ailleurs, le transporteur devait faire montre de bonne foi dans l'exercice des diligences qui lui incombent notamment dans le domaine des liberty clauses autorisant le transporteur par exemple à dérouter le navire ou à procéder s'il le juge opportun à un transbordement de la marchandise51(*). Les multiples espèces précédemment citées établissent clairement que le comportement du transporteur était particulièrement pris en compte dans le déploiement de sa responsabilité. Ce renforcement explique également le caractère personnel de la diligence attendu de lui. * 49 GUINCHARD (S.) et autres, Op. cit., v° Bon père de famille. * 50Ibidem, v° In abstracto. * 51 BONNASSIES (P.) et SCAPEL (C.), Traité de droit maritime op. cit.,, p. 682, n° 1007. |
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